B. DES DIFFICULTES IMPARFAITEMENT RESOLUES
Plusieurs difficultés sont venues limiter la portée du contrôle parlementaire sur les propositions communautaires. Les plus importantes sont externes aux assemblées, mais certaines sont cependant propres au Sénat.
1. Les difficultés externes aux assemblées
a) Le champ d'application de l'article 88-4
Le premier alinéa de l'article 88-4 de la Constitution
dispose que "
le Gouvernement soumet à l'Assemblée
Nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des
communautés, les propositions d'actes communautaires comportant des
dispositions de nature législative
".
Pour déterminer si une proposition d'acte communautaire comporte des
dispositions de nature législative, le Gouvernement a
décidé de s'en remettre à l'avis du Conseil d'Etat. Compte
tenu de la rédaction de l'article 88-4, de nombreux textes ont
échappé au contrôle parlementaire, soit parce qu'ils ne
constituaient pas des propositions d'actes communautaires stricto sensu, soit
parce qu'ils ne contenaient pas de dispositions de nature législative.
·
Un contrôle parlementaire tronqué
Le Conseil d'Etat a estimé qu'un certain nombre de textes
n'étaient pas des " propositions d'actes communautaires ".
Il
s'agit en particulier de tous
les documents consultatifs de la Commission
européenne
(livres verts, livres blancs, communications ...) qui ne
sont pas des propositions normatives. L'exclusion de ces documents du champ
d'application de l'article 88-4 a parfois gêné le
Sénat dans l'exercice de sa fonction de contrôle. L'exemple du
document " Agenda 2000 " permet d'illustrer la carence
grave que
représente l'absence de transmission des documents de consultation de la
Commission européenne.
Agenda 2000
ou l'impossibilité par le Parlement de prendre position sur des
orientations essentielles pour l'avenir de l'Union européenne.
En juillet 1997, la Commission européenne a
présenté une communication intitulée Agenda 2000,
contenant des orientations pour l'avenir de l'Union européenne.
Ce
document traite de questions aussi importantes que l'élargissement de
l'Union, l'avenir des politiques communes et la révision des
perspectives financières
. Ces différents thèmes seront
au centre des négociations européennes au cours des prochains
mois, voire des prochaines années.
La Délégation du Sénat pour l'Union européenne a
donc entrepris d'analyser de manière approfondie ce document. Elle a
déjà adopté des rapports sur l'élargissement de
l'Union européenne et la réforme des politiques structurelles. De
son côté, la Commission des affaires économiques et du Plan
a décidé la création en son sein d'une mission
d'information sur la réforme de la politique agricole commune.
Cependant, le Sénat est dans l'incapacité de prendre position
sur le document Agenda 2000 en adoptant une résolution, dans la mesure
où celui-ci ne lui a pas été soumis au titre de l'article
88-4 de la Constitution.
Une telle situation est difficilement acceptable, Agenda 2000 étant le
document le plus important présenté par la Commission
européenne en 1997.
Un autre cas similaire s'est posé au cours des derniers mois. En mars
1997, M. Denis BADRÉ a présenté à la
Délégation un rapport d'information (
3(
*
))
sur le futur régime
définitif de TVA, analysant et critiquant une proposition de la
Communauté européenne formulée dans une communication
(3(
*
)).
M. BADRÉ n'a pu
déposer une proposition de résolution sur cette communication, ce
texte n'ayant pas été transmis au Sénat au titre de
l'article 88-4. Appuyé par la Délégation, il a donc pris
appui sur un autre texte plus spécifique, relatif à la TVA sur
les services de télécommunications, pour déposer une
proposition de résolution portant essentiellement sur le futur
régime définitif de TVA.
Une telle situation n'est pas satisfaisante, dans la mesure où elle
contraint les parlementaires à certaines " contorsions
juridiques " pour exercer leur droit de dépôt de propositions
de résolution.
Le Conseil d'Etat a également exclu du champ d'application de l'article
88-4
les projets d'accords interinstitutionnels
. Il s'agit d'actes
signés par le Conseil, la Commission et le Parlement européen, et
définissant une ligne de conduite pour chacun d'entre eux. Ces accords
se sont multipliés au cours des dernières années. Ils ont
porté sur des matières aussi importantes que la discipline
budgétaire et l'amélioration de la procédure
budgétaire ou la démocratie, la transparence et la
subsidiarité. Aucun de ces textes n'a été soumis au
Sénat au titre de l'article 88-4 de la Constitution. Dès 1994, le
président de la Délégation, M. Jacques GENTON,
s'élevait contre cette situation : "
Ne doit-on pas juger
singulier que l'on ait aussi délibérément
écarté le Parlement français de débats sur des
sujets l'intéressant aussi directement que `la mise en oeuvre de la
subsidiarité'
!
"
(4(
*
))
. Dans le cadre de la négociation
du traité d'Amsterdam, signé le 18 juin 1997, le Conseil, la
Commission et le Parlement, ont signé un nouvel accord
interinstitutionnel relatif à des dispositions concernant le financement
de la politique étrangère et de sécurité commune
(PESC). Cet accord définit la procédure budgétaire
applicable aux dépenses opérationnelles en matière de
PESC. Il prévoit en particulier que le Parlement européen et le
Conseil doivent parvenir chaque année à un accord sur le montant
des dépenses opérationnelles de la PESC à imputer au
budget des Communautés et tend donc à accroître les
pouvoirs du Parlement européen en ce domaine. On perçoit mal au
nom de quoi un accord interinstitutionnel aussi important échapperait au
contrôle du Parlement français. Le projet d'accord ne lui a
pourtant pas été soumis.
L'interprétation restrictive de l'article 88-4 par le Conseil d'Etat et
le Gouvernement ont conduit à exclure également de son champ
d'application l'ensemble des
propositions relevant du deuxième pilier
(politique étrangère et de sécurité commune) et du
troisième pilier (justice et affaires intérieures) de l'Union
européenne
. Le Conseil d'Etat a estimé à juste titre
que ces propositions n'étaient pas à proprement parler des
propositions d'actes
communautaires
. Toutefois, le Gouvernement,
souverain en ce domaine, aurait pu interpréter souplement l'article
88-4, d'autant plus que les travaux préparatoires de la révision
constitutionnelle de 1992 montrent que le Constituant n'entendait pas exclure
ces propositions du champ d'application de l'article 88-4. L'intervention
commune des présidents des deux assemblées n'a pas conduit le
Gouvernement à modifier son attitude sur ce sujet. Le Gouvernement a
fait valoir à l'époque qu'accepter que les propositions relatives
au troisième pilier de l'Union européenne soient soumises au
Parlement au titre de l'article 88-4 reviendrait à les considérer
comme des propositions d'actes communautaires et qu'il serait dès lors
difficile de refuser au Parlement européen un droit de regard
étendu sur ces textes. Ainsi, le Parlement français s'est vu
refuser le droit de prendre position sur les textes communautaires dans un
domaine, la justice et les affaires intérieures, qui touche de
très près nos concitoyens. Cette exclusion des actes du
troisième pilier du champ d'application de l'article 88-4 est sans aucun
doute la plus préjudiciable à l'exercice d'un véritable
contrôle parlementaire en matière européenne.
L'application par le Conseil d'Etat du critère législatif a elle
aussi limité le champ d'intervention du Parlement. Des propositions
très importantes n'ont en effet pas été soumises au
Sénat parce qu'elles ne contenaient pas de dispositions de nature
législative. Ainsi, en matière agricole, le Conseil d'Etat s'est
référé à des habilitations données par le
Parlement au Gouvernement sous la IVème République pour estimer
que les
propositions relatives à la fixation des prix agricoles
ne contenaient pas de dispositions de nature législative. L'un des actes
majeurs de la vie communautaire échappe donc au contrôle du
Parlement français.
De la même manière, le Sénat a été dans
l'incapacité de se prononcer par une résolution sur la
proposition de directive tendant à proroger le système de l'heure
d'été pendant les années 1998 à 2001. Le Conseil
d'Etat avait estimé que ce texte était de nature
réglementaire, mais le Gouvernement aurait pu néanmoins le
soumettre aux assemblées, compte tenu de l'importance de cette question
et de l'intérêt qu'elle suscite dans l'opinion publique. Le
Président du Sénat a donc demandé au Gouvernement de
transmettre cette proposition de directive aux assemblées, mais le
Gouvernement a répondu négativement à cette demande en
faisant valoir que
" cette matière, quelle que soit son
importance politique, ne relève pas du domaine législatif, mais
rentre dans le champ réglementaire si bien que le Gouvernement ne...
paraît pas pouvoir constitutionnellement transmettre au Parlement... une
telle proposition d'acte communautaire "
.
Le Sénat avait pourtant adopté en 1990 une proposition de loi
" tendant à rétablir un régime horaire conforme
aux exigences de la situation géographique de notre
pays "
(5(
*
))
. A
cette
époque, l'exception d'irrecevabilité tenant à
l'éventuel caractère réglementaire du texte n'avait pas
été soulevée. Il est singulier que les articles 34 et 37
de la Constitution définissant les domaines de la loi et du
règlement soient appliqués plus strictement dans le cadre de
l'article 88-4, qui constitue une procédure de contrôle, que dans
le cadre du processus législatif.
En définitive, c'est un nombre impressionnant de textes très
importants qui ont été exclus du champ d'application de l'article
88-4, privant le Parlement d'un droit de regard pourtant légitime sur
une partie importante de l'activité de l'Union européenne.
·
Quelques progrès
Progressivement, quelques progrès ont pu être accomplis en ce qui
concerne le champ d'application de l'article 88-4.
Ainsi, le Gouvernement a accepté de soumettre au Parlement certaines
propositions dont le Conseil d'Etat avait estimé qu'elles ne
comportaient pas de dispositions de nature législative. Il s'agit
notamment de textes agricoles, en particulier la proposition relative à
l'organisation commune des marchés des fruits et légumes et la
proposition relative à l'organisation du marché viti-vinicole.
Ce geste du Gouvernement ne peut qu'être salué, mais rend
d'autant plus difficile à comprendre son refus, année
après année, de transmettre les propositions relatives à
la fixation des prix agricoles.
En ce qui concerne les projets d'actes relevant des deuxième et
troisième piliers de l'Union européenne, le Premier ministre a
accepté en juillet 1995 de les transmettre au Parlement, mais sans qu'il
soit possible à l'Assemblée nationale et au Sénat
d'adopter des résolutions sur ces textes. Au cours de la révision
constitutionnelle de 1995, relative à l'élargissement du champ du
référendum et à la mise en oeuvre d'une session
parlementaire unique, M. Robert PANDRAUD déposa à
l'Assemblée nationale un amendement tendant à modifier l'article
88-4 afin d'inclure dans son champ d'application les projets d'actes relevant
des deuxième et troisième piliers ainsi que les projets d'accords
interinstitutionnels. Cet amendement, repoussé par le Gouvernement, fut
adopté par l'Assemblée nationale puis retiré du texte lors
d'une seconde délibération.
Les textes relevant des
deuxième et troisième piliers ne sont donc soumis aux
assemblées que pour information.
·
La nécessité d'aller plus loin
Il est désormais nécessaire d'offrir au Parlement les moyens d'un
contrôle de l'ensemble de l'activité du Gouvernement en tant que
législateur de l'Union européenne. Il serait logique que le
Parlement puisse adopter des résolutions sur les documents suivants :
- les documents préparatoires de la Commission européenne, dans
la mesure où ceux-ci précèdent des propositions normatives
; le Parlement français pourrait ainsi prendre position très en
amont du processus communautaire de décision ;
- les projets d'accords interinstitutionnels ;
- les propositions relatives à la fixation des prix agricoles ;
- les projets d'actes relevant des deuxième et troisième piliers
de l'Union européenne.
Par ailleurs, il conviendrait de réfléchir à la
possibilité pour le Parlement de se voir transmettre tout texte
communautaire sur lequel il souhaite intervenir, même lorsque celui-ci ne
comporte pas de dispositions de nature législative. Le Constituant a
introduit le critère législatif dans l'article 88-4 pour
éviter que le Parlement soit submergé de textes sans
intérêt.
Cependant, l'article 88-4 entrant dans la fonction de
contrôle du Parlement et non dans sa fonction législative, n'y
aurait-il pas une certaine logique à ce que les assemblées
puissent adopter des résolutions - lesquelles n'ont aucun
caractère contraignant- sur les textes de leur choix ?
b) La question des délais
·
Un contrôle impossible
Le second problème grave qui a handicapé la mise en oeuvre de
l'article 88-4 est celui des délais de transmission aux
assemblées des propositions d'actes communautaires. Les propositions,
une fois transmises au Conseil, sont adressées à la
représentation permanente de la France auprès de l'Union
européenne qui les fait parvenir au Gouvernement. A ce stade, le Conseil
d'Etat est saisi pour isoler parmi les propositions d'actes communautaires
celles qui comportent des dispositions de nature législative. Il dispose
en principe de quinze jours pour se prononcer. Les ministres concernés
par une proposition sont également incités à formuler
leurs observations.
L'ensemble de ces opérations a eu pour conséquence qu'un
délai rarement inférieur à un mois était
nécessaire pour qu'une proposition d'acte communautaire parvienne aux
assemblées après son adoption par la Commission européenne.
Or, le processus communautaire de décision ne prend aucunement en compte
ce délai. Certains textes, qui ne nécessitent par l'intervention
du Parlement européen, peuvent être adoptés quelques jours
seulement après leur présentation par la Commission. En outre, le
processus de décision connaît parfois des
accélérations brutales. Les fins de présidence de l'Union
européenne sont souvent marquées par l'adoption en hâte
d'un nombre important de textes.
Dans ces conditions, lors de l'entrée en vigueur de l'article 88-4, bon
nombre de textes arrivaient sur le bureau des assemblées alors qu'ils
étaient déjà adoptés ou en passe de l'être.
Il était donc tout à fait impossible au Sénat d'envisager
une intervention sur ces textes.
·
Des progrès appréciables
Progressivement, la coopération entre le Gouvernement et le Parlement a
permis des progrès sensibles sur cette question. Ainsi, les
délais de transmission ont pu être réduits. Le Conseil
d'Etat a mis en place une procédure lui permettant de se prononcer
très rapidement sur les textes les plus urgents. Certains documents, qui
font l'objet d'une proposition chaque année, comme l'avant-projet de
budget, ne lui sont en outre plus transmis, l'avis donné au cours de la
première année d'application de l'article 88-4 demeurant valable.
Surtout, en juillet 1994, le Premier ministre a accepté de donner un
délai minimum
aux assemblées pour manifester leur
intention d'intervenir sur une proposition d'acte communautaire. Les
assemblées disposent donc désormais d'un mois, à compter
du dépôt d'une proposition d'acte communautaire, pour manifester,
par le dépôt d'une proposition de résolution, leur
volonté de prendre position sur ce texte. Les délégations
pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du
Sénat, qui procèdent à une instruction systématique
des propositions d'actes communautaires, sont naturellement devenues les
interlocuteurs privilégiés du Gouvernement dans la mise en oeuvre
de cette procédure, sans que le droit de chaque député et
de chaque sénateur de déposer une proposition de
résolution soit remis en cause.
Pendant le mois accordé aux assemblées pour manifester leur
intention d'intervenir sur une proposition communautaire, le Gouvernement
s'engage à invoquer la réserve d'examen parlementaire au sein du
Conseil de l'Union européenne pour empêcher l'adoption du texte
concerné. De même, lorsque le Sénat ou l'Assemblée
Nationale manifeste son intention d'intervenir, le Gouvernement s'engage
à continuer à invoquer la réserve parlementaire pour
permettre de conduire à son terme la procédure d'adoption d'une
résolution.
Ces engagements du Gouvernement ont considérablement
amélioré le fonctionnement de l'article 88-4. Aucun texte ne
parvient plus au Sénat alors qu'il est déjà adopté
par les institutions communautaires.
·
Le chemin qui reste à parcourir
Les progrès accomplis en matière de délais ont
trouvé leur limite dans la nécessité dans laquelle s'est
fréquemment trouvé le Gouvernement de demander aux
délégations de prendre position en urgence sur des propositions
d'actes communautaires. Dans de nombreux cas, la rapidité du processus
communautaire de décision s'explique par l'attitude de la Commission
européenne. En matière commerciale, celle-ci attend parfois le
dernier moment pour formuler des propositions de renouvellement ou de
prorogation d'accords, de sorte que le Conseil de l'Union européenne est
contraint d'adopter ces textes dans la précipitation. Le Gouvernement
français n'a guère de prise sur ce type de situations et se voit
donc contraint de demander aux assemblées de prendre position, parfois
en quelques jours seulement, sur certains textes.
C'est pourquoi la délégation du Sénat pour l'Union
européenne a plaidé pour qu'un délai minimal d'examen des
propositions communautaires par les Parlements nationaux soit inscrit dans le
traité sur l'Union européenne lui-même. Il apparaît
en effet indispensable que ce délai s'impose aux institutions
communautaires -en particulier à la Commission européenne- et non
seulement au Gouvernement français qui n'est juridiquement pas toujours
à même d'empêcher, à lui seul, l'adoption de certains
textes. Nous verrons que la demande de la délégation n'a
été que partiellement prise en considération par la
Conférence intergouvernementale qui s'est terminée à
Amsterdam le 18 juin dernier.
2. Les difficultés propres au Sénat
Si la question des délais et celle du champ
d'application de l'article 88-4 ont incontestablement été les
éléments les plus perturbateurs dans la mise en oeuvre de
l'article 88-4, il n'en reste pas moins que certaines difficultés
propres à la procédure prévue par le règlement du
Sénat sont également apparues.
Pour espérer voir ses résolutions prises en considération
par le Gouvernement français dans les négociations au sein du
Conseil sur les propositions d'actes communautaires, le Sénat doit
intervenir le plus en amont possible du processus de décision. Or, la
procédure d'adoption des résolutions prévue par le
règlement du Sénat est relativement longue et complexe, ce qui
retarde d'autant l'adoption de la résolution.
Tout d'abord, l'article 73 bis du Règlement du Sénat
prévoit un double examen des propositions de résolution par la
commission compétente au cours des deux réunions successives. La
commission examine d'abord le rapport présenté par l'un de ses
membres et adopte une proposition de résolution. Elle fixe ensuite un
délai pour le dépôt des amendements ; ce délai est
en général d'environ une semaine. Au cours d'une seconde
réunion, la commission examine les amendements et adopte une
résolution. Au contraire, à l'Assemblée nationale, le
rapport et les amendements sont examinés au cours d'une même
réunion, ce qui permet un gain de temps appréciable.
Les résolutions ayant pour objet de contrôler l'action du
Gouvernement, et non de faire du Parlement français le
législateur communautaire, ne peut-on penser qu'une seule réunion
de la commission compétente pourrait suffire, lorsque la
résolution a vocation à être examinée en
séance publique ? Chaque résolution donnerait ainsi lieu à
deux lectures et non trois. Dans certains cas, ces deux lectures se
dérouleraient en Commission, dans d'autres cas une lecture aurait lieu
en commission, l'autre en séance publique.
Par ailleurs, dans la procédure mise en place par le Sénat, une
résolution adoptée par une commission permanente peut ne devenir
définitive qu'après un délai assez long. En effet, le
Président du Sénat, le président d'un groupe, le
président de la commission compétente ou d'une commission saisie
pour avis, le président de la délégation pour l'Union
européenne ou le Gouvernement ont un délai de dix jours pour
demander qu'une résolution soit examinée par le Sénat. A
défaut d'une telle demande, la résolution devient
résolution du Sénat. En revanche, si une demande d'examen par le
Sénat est formulée, la résolution ne devient
résolution du Sénat que si, dans les vingt jours francs qui
suivent cette demande, la Conférence des présidents ne propose
pas ou le Sénat ne décide pas son inscription à l'ordre du
jour. Ainsi, il peut s'écouler un mois entre le moment où une
résolution est adoptée par la commission compétente et le
moment où elle devient résolution du Sénat. De tels
délais ne permettent guère au Sénat de réagir avec
la célérité souhaitable face à certaines
propositions d'actes communautaires.
Une autre difficulté vient entraver le fonctionnement harmonieux de
l'article 88-4 au Sénat. L'article 151-2 du Règlement de
l'Assemblée nationale dispose que "
lorsque le Gouvernement ou
le Président d'un Groupe le demande ou lorsqu'il s'agit d'une
proposition de résolution déposée par le rapporteur de la
délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union
européenne, la Commission saisie au fond doit déposer son rapport
dans le délai d'un mois suivant cette demande ou la distribution de la
proposition de résolution
". Au Sénat, aucune
disposition de ce type n'a été inscrite dans le Règlement,
de sorte que certaines propositions de résolution ne sont instruites que
plusieurs mois après leur dépôt, alors que le processus
communautaire de décision a considérablement progressé.
Ces retards limitent naturellement la portée que peuvent avoir les
résolutions du Sénat. En outre, quelques propositions de
résolution n'ont jamais été instruites. Or, depuis 1994,
le Gouvernement s'engage à maintenir une réserve d'examen
parlementaire au sein du Conseil de l'Union européenne sur les textes
qui ont fait l'objet d'une proposition de résolution au sein de l'une ou
l'autre des assemblées jusqu'à ce que la procédure
d'adoption des résolutions soit achevée.
L'article 88-4 ne
risque-t-il pas de perdre sa crédibilité si certaines
propositions de résolution demeurent lettre morte, alors même que
le Gouvernement attend la prise de position du Sénat ?
*
Un certain nombre de difficultés ont donc jusqu'à présent limité la portée du contrôle parlementaire institué par l'article 88-4. Toutefois, la signature récente du traité d'Amsterdam offre une occasion sans précédent de corriger les insuffisances de la procédure mise en place il y a maintenant plus de quatre ans.