b) ... qui jouent un rôle d'aiguillon accepté par tous
Stimulée par la concurrence, Posten AB s'est
adaptée à la nouvelle donne, ceci à la satisfaction de
tous.
La poste nationale a considérablement accru sa productivité
et s'est adaptée aux besoins des consommateurs.
C'est ainsi que Posten AB a réalisé des économies sur ses
coûts de gestion de 2 à 3 milliards de couronnes par an (soit
1,6 à 2,5 milliards de francs).
Elle a diminué ses effectifs d'un tiers,
passant,
en six
ans
, de 65.000 à 42.000 personnes. Il faut souligner que
le
personnel de Posten AB ne relève plus de la fonction publique depuis les
années 1970.
Avant cette date, il bénéficiait
d'un régime d'indemnités et de vacances plus favorable, mais ne
s'est jamais vu garantir un emploi à vie.
Posten a également rationalisé drastiquement son réseau,
afin de tenir compte de l'évolution des besoins des consommateurs.
Posten AB constate que l'évolution des nouvelles technologies
réduit l'activité courrier et de guichet, mais accroît les
besoins de distribution physique liés au commerce électronique et
aux services de logistique sur mesure pour les entreprises.
C'est pourquoi,
Posten AB a diminué le nombre de ses bureaux de poste
de moitié en six ans,
passant de 2.200 à
1.150 bureaux
, pour une population d'un peu moins de
9 millions d'habitants,
dont 74 installés dans un local
commercial privé
(centre commercial ou grand magasin),
gérés par du personnel de la Poste.
A ces bureaux
, qui
assurent l'ensemble des services postaux,
s'ajoutent
:
-
403 " agences de magasin "
(Post-i-butik)
installés en zones rurales dans les supérettes des chaînes
de distribution alimentaire, dans les bibliothèques communales ou les
stations-service. Le personnel de ces " guichets "
n'appartient pas
à la Poste ;
-
157 " agences de proximité "
(Närpost),
comparables aux " guichets de magasins ", mais ne traitant
que des
envois (lettres et colis) et non des opérations financières
(paiements) ;
-
98 " autres guichets de service "
(Övriga
servicepunkter), situés
dans des magasins
sur quelques uns des
2.700 parcours des facteurs ruraux. Le facteur s'y arrête deux ou
trois heures pour recevoir les usagers.
Au total, 1.809 guichets sont donc à la disposition du
public.
En ce qui concerne les services ruraux de la Poste, dans les zones
éloignées et très peu peuplées, le rôle du
facteur est multiple : véritable agence mobile (aux services
limités), le facteur assure, outre la distribution du courrier, la vente
de timbres et quelques services financiers (paiements par CCP) et ramène
à l'agence le courrier au départ. De plus, un contrat peut
être passé entre la commune et la Poste autorisant le facteur
à assurer certains services sociaux, tels que la distribution de livres,
de médicaments aux personnes âgées, etc.
Enfin, sur les îles de l'archipel de Stockholm et dans certaines
régions montagneuses reculées, les services postaux sont
assurés par le biais d'un " sac postal " transporté par
bateau, bus ou taxi jusqu'à un point déterminé.
La poste suédoise a donc choisi le pragmatisme et
l'efficacité. Seul compte le service rendu au consommateur, que celui-ci
soit assuré par un bureau de poste ou par un magasin, par un agent de la
poste ou par un commerçant.
Cette stratégie emporte un large consensus dans le pays.
De l'aveu même du directeur général de Posten AB, la
réduction des coûts n'aurait pas pu être réellement
réalisée sans la déréglementation et la pression
à la baisse des prix exercée par les concurrents.
Posten AB voit bien sûr dans la concurrence une menace, mais aussi -et
surtout- des possibilités de développer ses activités
.
Elle estime que son efficacité grandissante lui permet de
réaliser des économies d'échelle inaccessibles aux petits
opérateurs et qu'elle restera en tout état de cause
l'opérateur dominant.
Le syndicat SEKO
, qui regroupe 80 % des personnels de Posten et est
affilié au syndicat le plus important : LO (syndicat des " cols
bleus ")
250(
*
)
,
était initialement réservé sur le projet de
libéralisation, estimant notamment que la Suède ne devait pas
être le premier pays à prendre ce risque. Si le
représentant de SEKO rencontré par votre rapporteur estime qu'il
est encore trop tôt pour tirer un bilan d'une évolution somme
toute récente, il affirme cependant que
le syndicat n'est aujourd'hui
pas opposé à la réforme et n'envisage aucun retour en
arrière
.
Il souligne que si les personnels vivent mal les réductions d'effectifs,
ils les attribuent cependant davantage à une évolution
générale de l'économie -qui entraîne une
augmentation du chômage dans tous les secteurs- qu'à la seule
libéralisation du secteur postal.
Il confirme cette thèse en citant une étude du ministère
des transports et des communications montrant que le taux de suppressions
d'emplois à la Poste est équivalent à celui
enregistré dans les autres secteurs économiques.
En outre, il souligne que, compte tenu des postes à temps partiels ou
saisonniers, le nombre de suppressions d'emplois par la Poste s'éleve en
réalité à 10.000, et non à 20.000 comme l'affirme
Posten !
Sur ces 10.000 salariés, beaucoup ont
bénéficié de pré-retraites à 58 ans ;
d'autres, d'aides à la reconversion. Aussi, le syndicat
évalue-t-il à 3.000 le nombre de licencements " secs ".
Il se félicite, par ailleurs, des emplois créés chez les
nouveaux opérateurs postaux.
Un certain nombre d'anciens salariés de Posten sont ainsi
désormais employés par ces opérateurs. D'autres ont
créé leur propre petite société de distribution
postale locale. Ces petits entrepreneurs jouissent d'une image très
positive et sont parfois considérés par la population comme des
" héros " locaux.
Globalement, les consommateurs sont
d'ailleurs
satisfaits de
l'évolution du paysage postal. La qualité du service rendu par
Posten
s'est
, en effet,
améliorée
. Le taux de
distribution du courrier à J + 1 est ainsi passé de 92-93 %
avant la libéralisation, à 97,1 % aujourd'hui.
Deux éléments viennent cependant nuancer ce satisfecit :
- d'une part, les files d'attente dans les bureaux de poste sont courantes
et les délais d'attente aux guichets se sont considérablement
allongés, notamment à Stockholm ;
- d'autre part, la pression de la concurrence sur le courrier
pré-trié des entreprises a incité Posten à
réduire le prix de ses services aux entreprises (le timbre étant
passé de 3,85 à 2 couronnes, début 1997), mais
à augmenter en contrepartie de 3,85
251(
*
)
à 5 couronnes le prix du
timbre destiné aux particuliers. Si le prix du timbre a globalement
diminué, les particuliers représentant 23 % des recettes de
Posten ont en revanche enregistré une augmentation de prix.
Il n'en reste pas moins qu'une enquête montre que
80 % de la
population
affectée par les changements intervenus au sein de la
poste suédoise
estiment que le service rendu est égal ou
meilleur qu'avant
.
Ceci explique sans doute que les élus ne soient pas opposés
à une réforme, dont ils reconnaissent les effets
bénéfiques.
Dans un pays où le quart de la population est isolée sur les deux
tiers du territoire (au Nord), on aurait pu imaginer des difficultés en
termes d'aménagement du territoire.
Pourtant,
les élus suédois ne sont pas attachés
à une vision immobilière du réseau postal
. Ils
n'estiment pas nécessaire de maintenir sur le territoire des bureaux
spécifiquement dédiés
au service postal.
Ils sont, au contraire,
favorables à la passation d'accords entre
Posten et des commerçants ou des banques
, afin qu'un partage des
coûts permette de sauvegarder des points commerciaux multiservices dans
les zones rurales.
Votre rapporteur a
, par conséquent,
été
frappé par l'ampleur du consensus qui règne en Suède sur
le dossier postal
.
Certes, l'évolution future du paysage postal n'est pas sans soulever des
interrogrations. Mais, une chose est sûre : les Suédois ont
la certitude d'avancer dans la bonne direction.
Leur analyse de la nouvelle donne postale mondiale et leur pragmatisme les
amènent à anticiper les évolutions et à adapter, au
fur et à mesure, les règles du jeu.