Rapport D'information n° 42 - La Poste, opérateur public de service public face à l'évolution technique et à la transformation du paysage postal européen
M.Gérard LARCHER, Sénateur
Commission des Affaires économiques et du Plan - Rapport d'information n° 42 - 1997-1998
Table des matières
- RÉSUMÉ DU RAPPORT
- INTRODUCTION
-
TITRE PREMIER -
LA POSTE, OPÉRATEUR MAJEUR DE SERVICE PUBLIC
ET ACTEUR ÉCONOMIQUE DE PREMIER PLAN,
FACE AU DÉFI DE LA MODERNISATION -
CHAPITRE Ier -
LES SERVICES POSTAUX :
VARIATIONS HISTORIQUES ET NATIONALES-
I. IL ÉTAIT UNE FOIS.... LA POSTE FRANÇAISE
- A. LA POSTE NAÎT D'INITIATIVES LE PLUS SOUVENT CIVILES, RELAYÉES, PUIS CAPTÉES PAR LE POUVOIR RÉGALIEN
-
B. UNE LENTE ÉVOLUTION VERS LE MONOPOLE ADMINISTRATIF
- 1. Vers la constitution d'un monopole concédé : les choix de la monarchie
- 2. La participation à une évolution générale : la poste des Princes de Taxis, embryon d'un système européen
- 3. Du monopole concédé au monopole administratif : le choix de la Révolution
- 4. Une administration dotée d'une relative autonomie financière
- C. LA POSTE INSTRUMENT DE L'UNITÉ NATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE : UN SOUCI D'HIER, UNE PRÉOCCUPATION D'AUJOURD'HUI
- D. LA RÉFORME DE 1990 : DE L'ADMINISTRATION D'ÉTAT À L'EXPLOITATION AUTONOME
-
II. IL EST AUJOURD'HUI D'AUTRES POSTES
- A. LES CONSTANTES
- B. LES VARIABLES
-
I. IL ÉTAIT UNE FOIS.... LA POSTE FRANÇAISE
-
CHAPITRE II -
LA POSTE, OPÉRATEUR MAJEUR DU SERVICE PUBLIC- I. LA POSTE, C'EST LE COURRIER AU MÊME PRIX, POUR TOUS, PARTOUT
- II. LA POSTE, C'EST LE TERRITOIRE
- III. LA POSTE : VECTEUR DU DÉBAT DÉMOCRATIQUE
- IV. LA POSTE, GUICHET BANCAIRE IRREMPLAÇABLE POUR LES PLUS DÉMUNIS
-
CHAPITRE III -
LA POSTE, POIDS LOURD DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE-
I. UN ACTEUR ÉCONOMIQUE DE POIDS : PREMIER EMPLOYEUR DU SECTEUR MARCHAND,
PREMIER FOURNISSEUR POUR DE NOMBREUSES ENTREPRISES
- A. UN IMPACT NATIONAL ET LOCAL CONSIDÉRABLE
- B. LA POSTE ET LES ENTREPRISES : UNE INTERDÉPENDANCE VITALE POUR CHAQUE PARTIE
-
II. DES ACTIVITÉS BIPOLAIRES AUX ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
- A. LES MÉTIERS DU COURRIER : AU COEUR DES COMMUNICATIONS ET DE LA COMPÉTITIVITÉ DU PAYS
- B. LES SERVICES FINANCIERS : LE QUART DU CHIFFRE D'AFFAIRES
-
I. UN ACTEUR ÉCONOMIQUE DE POIDS : PREMIER EMPLOYEUR DU SECTEUR MARCHAND,
PREMIER FOURNISSEUR POUR DE NOMBREUSES ENTREPRISES
-
CHAPITRE IV -
LA POSTE EST CONFRONTÉE À DES DÉFIS QUI PEUVENT ÊTRE MORTELS-
I. L'IRRUPTION DE LA CONCURRENCE
- A. L'EXPLOSION DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE LA COMMUNICATION
- B. LA CONCURRENCE CROISSANTE DU SECTEUR PRIVÉ ET DES AUTRES POSTES EUROPÉENNES
-
C. LE REPOSTAGE : OEUVRE DE PIRATES OU DE CORSAIRES ?
- 1. L'accord passé au sein de l'Union postale universelle (UPU)
- 2. L'inadaptation des systèmes de frais terminaux
- 3. Le développement de la pratique du repostage
- 4. Les dégâts provoqués par ces détournements organisés de courrier
- 5. La dangereuse inefficacité des dispositifs réglementaires de protection contre le repostage
- D. LE MONOPOLE JURIDIQUE : BOUCLIER DE CARTON ?
- II. UN CADRE RÉGLEMENTAIRE EUROPÉEN EN PLEINE ÉVOLUTION
- III. UNE CERTAINE MISE EN CAUSE DES CONDITIONS D'EXERCICE DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES DE LA POSTE
-
I. L'IRRUPTION DE LA CONCURRENCE
-
CHAPITRE V -
LA POSTE EST UNE BELLE ENTREPRISE
QUI SOUFFRE DE HANDICAPS MAJEURS,
NOTAMMENT AU PLAN FINANCIER-
I. UN BEAU JEU D'ATOUTS HUMAINS ET COMMERCIAUX
- A. IL N'EST DE RICHESSES QUE D'HOMMES ET DE FEMMES
- B. UNE STRATÉGIE COMMERCIALE OFFENSIVE
- C. UNE BONNE IMAGE DE MARQUE TANT EN FRANCE QU'À L'ÉTRANGER
- D. UNE FORCE POUVANT ENCORE ÊTRE " MUSCLÉE " : LE RÉSEAU
-
II. LES HANDICAPS : L'ASPHYXIE FINANCIÈRE DANS LA RIGIDITÉ ?
- A. SON RÔLE D'AMÉNAGEUR DU TERRITOIRE A UN COÛT POUR LA POSTE
- B. LES COÛTS DES AUTRES MISSIONS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL CONFIÉES À LA POSTE SONT MAL COMPENSÉES
- C. LE POIDS DES CHARGES DE RETRAITES : UNE MENACE IMMÉDIATE POUR L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA POSTE
- D. LES RIGIDITÉS STRUCTURELLES ET SOCIALES HYPOTHÈQUENT L'AVENIR
- E. LES MARGES DE MANOEUVRE FINANCIÈRES SONT LIMITÉES, NOTAMMENT EN RAISON DU DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT
-
I. UN BEAU JEU D'ATOUTS HUMAINS ET COMMERCIAUX
-
CONCLUSION :
POURQUOI LA POSTE PEUT-ELLE MOURIR ?
-
TITRE II -
AIDONS LA POSTE À RÉALISER LES AMBITIONS
QUE LA NATION BRIGUE POUR ELLE -
CHAPITRE Ier -
RELEVONS LE DÉFI INTERNATIONAL- I. POURSUIVONS UNE POLITIQUE EUROPÉENNE AUDACIEUSE ET VOLONTARISTE
- II. NOTRE OPÉRATEUR NATIONAL DOIT S'ADAPTER AUX ÉVOLUTIONS DU MONDE POSTAL
-
CHAPITRE II -
CRÉONS LES CONDITIONS NATIONALES DU SUCCÈS- I. LA POSTE DOIT RESTER UN OPÉRATEUR PUBLIC AU SERVICE DU PAYS.
-
II. DÉFINISSONS UN SERVICE PUBLIC AMBITIEUX
-
A. DE LA DIRECTIVE AU DROIT NATIONAL : POUR UN SERVICE PUBLIC AMBITIEUX ET
ÉVOLUTIF
- 1. Une première exigence : un service public postal de haut niveau
- 2. Une seconde exigence : une comptabilité analytique aux résultats incontestables
- B. ASSURONS LE RESPECT DU MONOPOLE
- C. UNE URGENCE : UNE LOI D'ORIENTATION POSTALE
- D. PRÉPARONS L'AVENIR : LE TIMBRE ÉLECTRONIQUE
-
A. DE LA DIRECTIVE AU DROIT NATIONAL : POUR UN SERVICE PUBLIC AMBITIEUX ET
ÉVOLUTIF
-
III. DÉVELOPPONS UNE CONCEPTION " FUTOROSCOPIQUE "
DU RÉSEAU
-
A. DYNAMISER LE RÉSEAU DE LA POSTE...
- 1. Le moratoire ou " Mermoz enchaîné "
-
2. La respiration du réseau ou " Mermoz libéré "
- a) Laisser vivre le réseau
-
b) Valoriser le réseau immobilier
- (1) Recenser les besoins
- (2) Faire du guichet le point d'appui de démarches commerciales à domicile
- (3) Imaginer de nouveaux partenariats publics : repenser la polyvalence en la fondant sur un partage des coûts
- (4) Envisager l'exercice de nouveaux métiers au guichet : s'interroger sur la polyactivité
- (5) Augmenter l'activité
- c) Développer le service postal mobile
- d) Ouvrir vers des partenariats entrepreneuriaux : multiplier les canaux de contact avec la clientèle
-
B. ... POUR MIEUX REVITALISER LES TERRITOIRES
- 1. En fixant les règles nationales de la dynamisation postale
- 2. En confortant les responsabilités des élus locaux
-
3. En assurant le soutien financier de l'État
- a) Le maintien des actuelles contreparties à l'aménagement postal du territoire
- b) Le versement d'une subvention d'équilibre
- c) L'affectation d'une partie du produit de la taxe professionnelle de France Télécom à un Fonds géré de manière paritaire par les élus et l'État : le rétablissement d'une ancienne solidarité financière
- 4. En expliquant à tous et en restaurant la confiance des élus locaux
-
A. DYNAMISER LE RÉSEAU DE LA POSTE...
-
IV. DÉPASSONS LES PARADOXES DE L'AIDE POSTALE À LA PRESSE
-
A. LES TROIS PARADOXES DE L'AIDE POSTALE À LA PRESSE
- 1. Elle coûte cher mais satisfait peu de ceux auxquels elle est attribuée
- 2. Son maintien est jugé indispensable, mais il ne garantit pas nécessairement une délivrance optimale de l'information à l'opinion
- 3. Elle ne répond plus aux ambitions politiques qui l'ont inspirée mais n'obéit pas pour autant à la rationalité économique
-
B. LES MOYENS D'OPTIMISER L'AIDE POSTALE A LA PRESSE
- 1. En finir avec les controverses : établir la vérité des coûts
- 2. Poursuivre dans la voie du ciblage de l'aide sur la presse d'opinion
- 3. Développer des relations commerciales avec les autres éditeurs
- 4. Alléger les charges de La Poste en soutenant davantage le portage à domicile
- 5. Etudier la préservation de la deuxième tournée postale dans la capitale pour la presse du soir
- 6. Assurer un suivi externe de la qualité
- 7. Veiller à garantir la pérennité de la contribution de l'Etat au financement du transport de la presse
-
A. LES TROIS PARADOXES DE L'AIDE POSTALE À LA PRESSE
-
V. CONFORTONS LES COMPÉTENCES FINANCIÈRES DE LA POSTE
- A. UN CADRE JURIDIQUE TOUJOURS ADÉQUAT
- B. APPLIQUONS LA LOI DE 1990, TOUTE LA LOI DE 1990, RIEN QUE LA LOI DE 1990
- C. LA BANALISATION DU LIVRET A : UN CHIFFON ROUGE À NE PAS AGITER
- D. AFFIRMONS CLAIREMENT LA MISSION DE COHÉSION SOCIALE ACCOMPLIE PAR LA POSTE
-
VI. ASSURONS LES CONDITIONS D'UNE CONCURRENCE À ARMES ÉGALES EN AIDANT LA POSTE
À S'ALLÉGER DU POIDS DE SES HANDICAPS DE COMPÉTITIVITÉ
- A. CLARIFIONS LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ÉTAT ET LA POSTE
- B. RECHERCHONS SANS ATTENDRE UNE SOLUTION A LA DÉRIVE DES RETRAITES
-
VII. LA BALLE EST AUSSI DANS LE CAMP DE LA POSTE ET DE SES PERSONNELS
-
A. LA MOBILISATION DES PERSONNELS EST UN ÉLÉMENT CLÉ DE LA RÉUSSITE
- 1. La nécessaire continuité du service public
- 2. Améliorer la communication interne à l'entreprise
- 3. Un défi qualitatif : donner la priorité à la formation aux nouveaux métiers
- 4. Développer des formules d'intéressement des personnels à la bonne marche de l'entreprise
- B. LA POSTE DOIT SE DOTER D'UNE STRATÉGIE RÉSOLUMENT OFFENSIVE
-
A. LA MOBILISATION DES PERSONNELS EST UN ÉLÉMENT CLÉ DE LA RÉUSSITE
- CONCLUSION
-
ANNEXE 1 -
LISTE DES PERSONNES OFFICIELLEMENT ENTENDUES
LORS DES AUDITIONS, ENTRETIENS ET RENCONTRES
RÉALISÉS POUR LA PRÉPARATION
DU RAPPORT D'INFORMATION -
ANNEXE 2 -
SOMMAIRE DU CAHIER DES CHARGES DE LA POSTE -
ANNEXE 3 -
L'EUROPE POSTALE- I. LA POSTE AMÉRICAINE : " BRONTOSAURE " ÉTATIQUE AU PAYS DU LIBÉRALISME ?
- II. DE LA DEUTSCHEBUNDESPOST À LA DEUTSCHEPOST AG : UNE RÉFORME À MARCHE FORCÉE
- III. LA SUÈDE : LA CONCURRENCE AU PAYS DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE
- IV. LES SUCCÈS DE KPN254254 KPN : KONINKLIJKE PTT Nederland : REGARDS SUR LA POSTE DU XXIe SIÈCLE
-
ANNEXE 5 -
RÉPARTITION DES POINTS DE CONTACT POSTAUX PAR STRATE DE COMMUNES AU 1ER JANVIER 1997 -
ANNEXE 6 -
PRINCIPALES FILIALES DE LA POSTE -
ANNEXE 7 -
LES OFFRES COMMERCIALES DE LA POSTE - EXAMEN DU RAPPORT
N° 42
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 octobre 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) et du groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des Télécommunications (2) sur " La Poste , opérateur public de service public face à l'évolution technique et à la transformation du paysage postal européen " ,
Par M. Gérard LARCHER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Jean
François-Poncet,
président
; Philippe François,
Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis
Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy,
Jean-Paul Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard
Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer,
Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat,
Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere,
Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe
Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard
Dussaut
,
Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert
Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis
Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson,
Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond
Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber
Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni,
Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan,
Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.
(2) Ce groupe d'études est composé de : MM.
Gérard
Larcher,
président
; Pierre Hérisson, René
Régnault, Jean-François Le Grand, Jean-Marie Rausch,
vice-présidents
; André Egu,
secrétaire
;
Louis Althapé, Bernard Barbier, Jean Bizet
,
Philippe de
Bourgoing, Jean Boyer, Dominique Braye, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont,
Désiré Debavelaere, André Diligent, Hubert Durand-Chastel,
Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud,
Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Mme Anne Heinis, MM. Rémi Herment, Jean
Huchon, Pierre Lagourgue, Edmond Lauret, Kléber Malécot, Louis
Mercier, Georges Mouly, Pierre Laffitte, Lucien Neuwirth, Michel Pelchat, Alain
Pluchet, Michel Rufin, Claude Saunier, Maurice Schumann, Franck
Sérusclat, Fernand Tardy, René Trégouët, André
Vallet, Xavier de Villepin.
Poste et télécommunications
. -
Rapports
d'information.
RÉSUMÉ DU RAPPORT
I. CONSTAT
Le présent rapport commence par conter la longue histoire
inachevée de La Poste et met en relief :
- que, pendant la plus longue partie de l'histoire de l'humanité,
le service postal a été la seule forme fiable de diffusion de
l'information au sein des sociétés ; de ce fait, son
immersion dans la société de l'information et sa confrontation
avec d'autres vecteurs (téléphone, fax, télévision
interactive, réseaux informatiques, Internet...) de diffusion de cette
denrée essentielle s'apparente pour les postes historiques à un
choc de nature identitaire
;
- que, tout au long de leur histoire, l'activité des Postes
françaises s'est avérée, non seulement un facteur
fondamental du développement économique et de l'unité
nationale, mais aussi
un service extrêmement rentable
, notamment
pour les finances publiques qui en capturaient les bénéfices ;
à l'exception d'une brève période faisant suite à
l'introduction du timbre en 1848, ce n'est qu'en 1992 que La Poste a connu son
premier déficit. Ceci est dû à un changement radical de son
environnement résultant pour l'essentiel d'une contraction de fait de
son monopole.
Le tableau synoptique de l'évolution récente des grandes
postes occidentales que dresse le rapport relève que si elles conservent
beaucoup de points communs (administrations d'Etat à l'origine,
organisation à l'échelle nationale, transformation en
opérateur autonome, obligation de service universel du courrier,
monopole juridique, ...),
certaines ont d'ores et déjà
réalisé d'importantes transformations
(statut de droit
commercial, voire privatisation, orientation résolue vers le
marché international, réorganisation et diversification de leurs
réseaux, ....)
qui semblent les rendre plus aptes
à
assurer leur mission et l'efficacité de leur économie nationale
dans le nouvel environnement mondial.
Insistant sur la qualité
d'opérateur majeur du service
public
de " l'aïeule des services publics de la vie
quotidienne ", le rapport souligne l'importance des missions
d'intérêt général que La Poste assure au
bénéfice de la Nation : service public du courrier, contribution
fondamentale à l'aménagement du territoire au travers des
17.000 points de son réseau, transport et distribution de la presse
qui en font un vecteur essentiel de notre vie démocratique, rôle
de " guichet bancaire " des plus démunis de nos concitoyens.
Le poids de La Poste (
premier employeur du secteur
marchand
; 1,4 % des emplois nationaux) dans l'économie
nationale et locale (700 millions de francs par an et par
département en moyenne) est souligné en exposant, d'une part, le
caractère vital des relations interdépendantes qu'elle entretient
avec les entreprises (notamment celles de la vente par correspondance, de la
presse, de la grande et moyenne distribution) et, d'autre part, l'importance de
chacun de ses deux métiers : le courrier et les services financiers.
Les défis qui pourraient être mortels
auxquels La
Poste se trouve désormais exposé sont ensuite
détaillés. Il s'agit d'abord de l'irruption d'une
concurrence
multiforme
incarnée à la fois par les nouvelles technologies,
l'émergence d'opérateurs privés efficaces et le
" brigandage " du repostage organisé par des postes peu
scrupuleuses. Il s'agit aussi des échéances programmées
de la
réglementation européenne
qui aboutissent à
une restriction progressive du monopole du courrier (75 % de
l'activité aujourd'hui, 50 % en 1998, 33 % en 2003) et
à une interdiction de fait du financement d'autres missions
d'intérêt général au travers de ce monopole. Le
temps des facilités financières ouvertes à l'Etat et
à La Poste au moyen des hausses du prix du timbre est désormais
révolu.
Face à ces défis, les
atouts
et les handicaps de La
Poste sont examinés attentivement. La première richesse de La
Poste ce sont les hommes et les femmes qui la composent. Mais c'est aussi la
lucidité de ses dirigeants qui ont su commencer à lui insuffler
un réel esprit d'entreprise au travers de la gestion de ses ressources
humaines et d'une approche désormais plus commerciale de sa
clientèle.
Néanmoins, ses
handicaps
sont
considérables
. Au
premier rang, le poids de ses charges qui découlent du coût
d'entretien d'un réseau immobilier pour partie peu
fréquenté (4,5 milliards de francs), du paiement de la
totalité des pensions de retraite des anciens postiers (600 millions
d'accroissement cumulatif par an ou, si l'on préfère, 360
milliards de francs de 1997 à 2015) et, d'une manière
générale, d'un désengagement de l'Etat à son
égard (coût du transport de la presse, gestion sociale du livret A
: plusieurs milliards par an). Or, toutes ces charges s'accumulent sur La Poste
dans un contexte où elle n'a plus de marges de manoeuvre
(résultats déficitaires, fort endettement, prix du timbre
déjà très élevé, tendance à un
assujettissement à une fiscalité de droit commun). Non moins
importantes, les rigidités structurelles et sociales que subit La Poste
hypothèquent son avenir. Ses pesanteurs organisationnelles sont lourdes.
Mais surtout, pourra-t-elle supporter longtemps qu'une majorité de ses
personnels ait des droits et qu'une minorité -les contractuels
précaires- n'ait que des incertitudes ?
II. PRINCIPALES PROPOSITIONS
1.
Initiatives internationales relevant des pouvoirs
publics :
- lutter contre le repostage par une " amicale
pression " sur
les gouvernements des pays où agissent les reposteurs et,
éventuellement, par des mesures de rétorsion menées de
manière concertée, avec d'autres pays européens victimes
de cette pratique ;
- proposer la création d'un timbre à valeur unique pour le
courrier entre les Etats membres : l'euro-timbre, assis sur un fonds de
péréquation postale européenne.
2.
Développer une stratégie
internationale d'alliances en préparant une alliance avec la poste
allemande et en réfléchissant, sur cette base, à un
rapprochement franco-allemand avec l'un des grands opérateurs mondiaux
de la messagerie.
3.
Adopter, avant fin 1998, une loi d'orientation postale
traduisant, dans notre législation, non seulement les dispositions de la
directive européenne mais aussi un grand nombre des propositions
avancées ci-après.
4.
Statut de La Poste :
- la privatisation est exclue ;
- sa sociétisation, c'est à dire sa transformation en entreprise
nationalisée sous forme de société anonyme détenue
par l'Etat, n'apparaît pas indispensable, mais le débat doit
rester ouvert, dans la perspective de la réalisation d'alliances
internationales.
5. Définir un service public ambitieux :
- utiliser les marges de flexibilité qu'offre la future directive
postale en définissant un périmètre du monopole du
courrier aussi étendu que permis et en créant
parallèlement un fonds de compensation destiné à
compléter, en tant que de besoin, le financement du service universel ;
- faire mieux respecter le monopole en créant un corps d'inspecteurs
assermentés de La Poste et en renforçant vigoureusement les
sanctions pénales prévues en cas d'atteinte à ce monopole ;
- confier à La Poste l'habilitation publique de la certification postale
électronique restant à établir.
6. Le réseau de La Poste :
- il doit être modernisé et dynamisé, par des idées
innovantes, pour mieux revitaliser les territoires ;
- il doit sortir du moratoire rendu désormais inutile par la loi
" Pasqua " du 4 février 1995 ;
- le réseau immobilier doit être valorisé par une
démarche centrée sur l'identification locale des besoins des
hommes et des territoires, par une transformation des guichets les moins
fréquentés en points d'appui de démarche commerciale
à domicile, par la recherche de nouveaux partenariats publics, par
l'examen de l'intérêt d'une polyactivité postale, par
l'augmentation des ventes ;
- le réseau immobilier doit être reformaté et
renforcé par un service postal mobile, à l'exemple de ce qui est
actuellement en oeuvre en Allemagne ;
- les partenariats entrepreneuriaux doivent être multipliés, tant
au niveau national que local, pour développer les canaux de contact avec
la clientèle et aider les petits commerces ruraux ;
- la loi d'orientation postale déjà préconisée doit
définir des objectifs en termes de temps d'accès au service
postal, d'une part, en fixant les distances maximales entre tous points d'une
catégorie de territoires donnée et une antenne postale fixe et,
d'autre part, en établissant des discriminations positives en faveur des
zones les moins favorisées ;
- les responsabilités postales des élus locaux doivent être
confortées au travers des schémas départementaux des
services publics, des agences postales communales et par l'adaptation aux
réalités locales des orientations de la future loi postale ;
- le soutien financier de l'Etat doit être assuré en maintenant
les abattements fiscaux de La Poste, en versant une subvention
d'équilibre et en affectant une partie du produit de la taxe
professionnelle de France Télécom à un Fonds
géré de manière paritaire par les élus et l'Etat,
permettant de mobiliser plus de 2,5 milliards de francs par an pour la
redynamisation des zones urbaines et rurales en difficultés, dont au
moins 500 millions de francs par an seront consacrés à la
modernisation et à la dynamisation du réseau de La Poste, dans
les départements dont plus de la moitié du territoire est
composé de zones rurales classées comme très
vulnérables ;
- les élus locaux doivent être garantis qu'il n'y aura pas de
" marché de dupes " en renforçant la relocalisation de
services de La Poste dans les zones rurales et en organisant des
" tables-rondes " Poste-élus permettant d'ouvrir le dialogue
et d'explorer ensemble les voies de l'avenir.
7. L'aide postale à la presse :
- dépasser les paradoxes qu'elle a engendrés : elle coûte
cher et satisfait peu de ceux auxquels elle est attribuée, elle ne
garantit pas nécessairement une délivrance optimale de
l'information à l'opinion, elle ne répond plus aux ambitions
politiques qui l'ont inspirée et n'obéit pas pour autant à
la rationalité économique ;
- établir la vérité des coûts (selon le
présent rapport le coût du transport postal de la presse se situe
vraisemblablement dans une fourchette de 6,5 à 6,75 milliards de francs
plutôt qu'autour de 7,5 milliards) ;
- poursuivre dans la voie du ciblage sur la presse d'opinion ;
- développer les relations commerciales avec les autres éditeurs ;
- alléger les charges de La Poste en portant de 15 millions en 1997
à 90 millions en 1998, l'aide au portage des journaux à domicile
et ce en utilisant à due concurrence le produit de l'impôt sur les
recettes publicitaires des supports hors médias en cours d'instauration
au Parlement ;
- enfin, étudier la préservation de la deuxième
tournée postale dans la capitale pour la presse du soir, assurer un
suivi externe de la qualité et veiller à garantir la
pérennité de la contribution de l'Etat au financement du
transport de la presse.
8. Conforter les compétences financières de La Poste
:
- maintenir le cadre juridique actuel en refusant la banque postale, en
développant une comptabilité analytique aux résultats
invulnérables à la critique en ayant bien conscience que si cette
exigence pouvait être satisfaite, il faudrait se résoudre à
une filialisation dans le cadre du statut public de La Poste.
- confirmer le périmètre actuel des services financiers en
appliquant la loi de 1990, toute la loi de 1990, rien que la loi de 1990, tout
en veillant cependant à ne pas ébranler le marché par des
actions commerciales brutales ;
- maintenir le duopole de la collecte du livret A : en s'opposant à sa
banalisation et en affirmant clairement dans la loi la mission de
cohésion sociale accomplie par La Poste.
9. Clarifier les relations financières entre l'Etat et La Poste
dans le cadre du prochain contrat de plan :
- réfléchir aux moyens permettant à La Poste de mieux
couvrir les coûts de la collecte des CCP ;
- réfléchir au mode rémunération des fonds de la
Caisse Nationale d'Epargne ;
- traiter de l'éventuel assujettissement de La Poste à la TVA
lors de la discussion de la loi d'orientation postale ;
- envisager la suppression du droit de timbre, impôt archaïque.
10. Les retraites de postiers :
- traiter le problème pour 1998 sans sacrifier les postiers au culte
du 3% de déficit public ;
- trouver une solution définitive en ajustant les charges de retraites
de La Poste sur les prélèvements sociaux de droit commun ;
- gager la soulte que La Poste acquitterait à l'Etat et à la
collectivité des contribuables sur une meilleure continuité du
service public postal.
11.
Assurer la continuité du service public
postal
- respecter préalablement à toute grève, un préavis
d'une durée minimale, comme l'impose la loi ;
- mettre le délai de ce préavis à profit pour engager des
négociations ;
- en cas de blocage de ces négociations, recourir à un
médiateur ;
- maintenir le réseau B qui fiabilise les infrastructures ;
- mieux indemniser les entreprises clientes du préjudice subi du fait
d'une grève.
12.
Mobiliser les personnels :
- améliorer la communication interne à l'entreprise pour faire,
par un dialogue interractif, faire prendre conscience aux postiers de la
réalité des dangers, et leur donner la visibilité
indispensable à leur mobilisation au service de l'entreprise et du pays
;
- confirmer la priorité donnée à la formation aux nouveaux
métiers ;
- développer une politique ambitieuse de stages des cadres de La Poste
dans d'autres entreprises publiques mais aussi dans le secteur privé ;
- embaucher davantage de cadres issus d'entreprises privées ;
-développer des formules d'intéressement du personnel à la
bonne marche de l'entreprise.
13.
Doter La Poste d'une stratégie résolument
offensive :
- retrouver le chemin de la croissance en améliorant la performance sur
les marchés traditionnels, en conquérant de nouveaux
marchés, en développant les services à valeur
ajoutée et en appliquant trois maîtres mots à
l'égard des clients : partenariat, réactivité,
responsabilité ;
- maîtriser l'évolution des charges et améliorer la
productivité.
14.
Toujours placer l'intérêt national au
coeur des réflexions
à mener et de l'élan à
créer.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
C'est le 13 novembre que la Commission des Affaires économiques du
Sénat a confié à votre rapporteur la mission
d'élaborer un rapport d'information sur La Poste, dont le thème
directeur était : "
La Poste, opérateur public de service
public face à l'évolution technique et à la transformation
du paysage postal européen
", après que le groupe
d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications
1(
*
)
l'eut
chargé d'engager, dès avril 1996, une réflexion sur le
même sujet. Il s'agissait de fournir au Sénat des
éléments d'appréciation pouvant contribuer à
enrichir ses réflexions sur ces questions.
En France, votre rapporteur a souhaité rencontrer, en premier lieu, les
organisations du personnel de La Poste qui ont parfois été
reçues à plusieurs reprises. Il s'est également entretenu
avec les ministres français concernés, le Président et un
grand nombre de dirigeants de La Poste, des entreprises clientes ou
concurrentes de l'opérateur public, des associations d'usagers et
plusieurs experts du secteur.
A l'occasion de forums de discussion, votre rapporteur a rencontré plus
de 220 membres du personnel de La Poste de tous âges et de tous statuts
qui, sans détenir de mandats représentatifs, exerçaient
les divers métiers de l'entreprise. Ces forums se sont successivement
tenus à Rambouillet ; à Mende, à l'invitation de
Madame Janine Bardou, Sénateur de Lozère ; à Sevrier,
à l'invitation de M. Pierre Hérisson, Sénateur de
Haute-Savoie ; à Cherbourg, à l'invitation de M.
Jean-François Le Grand, Sénateur de la Manche ; et au Puy,
à l'invitation de M. Adrien Gouteyron, Sénateur de Haute-Loire,
président de la Commission des Affaires culturelles du Sénat.
En outre, pour répondre au mandat qui lui était confié,
votre rapporteur a engagé un vaste programme d'investigations, qui l'a
conduit à se déplacer à Bruxelles, aux Pays-Bas, en
Allemagne, en Suède et aux États-Unis, ces deux derniers
déplacements ayant été effectués avec des membres
du groupe d'études.
En Europe, il a eu des entretiens avec les dirigeants de la Deustche-Post AG,
de KPN et de Posten AB, ainsi qu'avec les responsables des
ministères chargés des postes en Allemagne, aux Pays-Bas et en
Suède. Il a également rencontré les commissaires
européens qui suivent des aspects importants du dossier,
M. Van Miert et Mme Wulf-Mathies, ainsi que le directeur
général en charge de l'élaboration de la directive postale.
Lors de son déplacement aux États-Unis, il a rencontré les
dirigeants de la poste américaine et des organes de tutelle et de
régulation, les responsables des syndicats de postiers, les grands
intégrateurs internationaux, ainsi que des membres du Congrès.
Au total, à l'issue de son programme de travail, votre rapporteur aura
réalisé plus de 110 auditions et réunions, qui lui auront
permis de rencontrer plus de 420 personnes de tous horizons
2(
*
)
.
Par ailleurs, la Commission des Affaires économiques et le groupe
d'études ont entendu en réunion plénière certaines
de ces personnes, les 26 mars, 23 avril et 28 mai 1997.
A l'issue de ces onze mois de travail
3(
*
)
, votre
rapporteur s'est forgé la conviction que l'avenir de La Poste
dépend d'abord d'une prise de conscience collective mais qu'il ne
saurait se construire que sur le fondement de décisions politiques
claires. Celles-ci lui apparaissent désormais d'autant plus
nécessaires, que l'impact de l'opérateur public sur les
territoires, l'emploi ainsi que l'économie du pays est
considérable et pourrait encore être renforcé.
Il a soumis l'ensemble de ses conclusions à la Commission des Affaires
économiques et au groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications le mardi 21 octobre 1997. Le présent
rapport a été adopté sans opposition, tous les membres des
groupes de l'Union Centriste, des Républicains et Indépendants,
du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du
Rassemblement pour la République votant pour, les membres du groupe
Communiste, Républicain et Citoyen s'abstenant, et les membres du groupe
Socialiste ne prenant pas part au vote.
Ses conclusions et les analyses qui les sous-tendent sont exposées
ci-après.
TITRE PREMIER -
LA POSTE, OPÉRATEUR MAJEUR
DE SERVICE PUBLIC
ET ACTEUR ÉCONOMIQUE DE PREMIER PLAN,
FACE AU
DÉFI DE LA MODERNISATION
Instrument de l'unité politique -que l'on songe aux
postes des grands empires de Rome ou de Tamerlan - la lettre est depuis
l'Antiquité le véhicule des échanges dans toutes les
civilisations de l'écrit. Elle accompagne aussi bien l'unification
politique des grands États européens que, plus récemment,
les progrès de l'alphabétisation et l'intégration des
campagnes dans la société industrielle.
La lettre est fille du développement des communications et de l'emprise
de la civilisation sur les moeurs. Dès l'antiquité, les
Lettres à Lucilius
ou les
Commentaires sur la guerre
des Gaules
ont témoigné d'échanges
intellectuels, culturels et politiques et, qui plus est, initié un genre
littéraire dont les
Lettres persanes
offriront, au
siècle des Lumières, une brillante illustration. Mais, l'histoire
postale est tout autant, si ce n'est davantage, liée à
l'économie. C'est ainsi qu'au Moyen-Age, le système de la
" lettre de change " a permis d'unifier des espaces
économiques et de pallier le manque de numéraire par la
circulation d'une monnaie de papier.
Aujourd'hui, La Poste française, à l'instar de toutes les autres
postes, ne peut ignorer les bouleversements technologiques qui annoncent
l'avènement de ce qu'il est convenu d'appeler la société
de l'information. De même, elle ne peut rester indifférente aux
mutations programmées de son environnement réglementaire
traditionnel, que portent en germe les orientations retenues par l'Union
européenne, ou à l'agressivité croissante de certains de
ses homologues étrangères et des nouveaux acteurs ayant
émergé dans son secteur d'activité au cours des quinze
dernières années.
Toutes ces évolutions vont dans le même sens et constituent autant
de ruptures avec les modèles d'hier. Elles affaiblissent durablement la
suprématie et l'organisation séculaire des opérateurs
postaux historiques. Elles ne semblent, en effet, guère laisser de
doutes sur l'inéluctabilité du passage de systèmes
monopolistiques et nationaux à un modèle concurrentiel et
international à même de mettre à mal le concept même
de frontière et, partout, la notion de " territoire
postal ".
Jusqu'au milieu du XXe siècle, les grandes postes ont mené une
stratégie du " pré carré ", protégeant
leurs marchés par des murailles réglementaires. A l'ère
des stations orbitales, la stratégie du " rempart et de la
casemate " paraît avoir fait long feu ! Les changements qui
s'annoncent en sont-ils pour autant acceptables sans inventaire ?
Vraisemblablement pas !
En France, les liens tissés entre La Poste et les citoyens ainsi
qu'entre La Poste et les territoires restent très forts et il ne saurait
être question de les distendre. Pour votre rapporteur, il convient
à l'évidence de les préserver, voire de les conforter.
Pour ce faire, la voie à suivre paraît tracée : prendre les
mesures permettant
d'adapter La Poste que nous aimons aux contraintes de la
nouvelle donne postale.
Pourtant, alors que le monde postal connaît des changements que l'on
peut, sans abus de langage, qualifier d'historiques, La Poste, se
révèle aujourd'hui éprouver, malgré les efforts
considérables déjà accomplis, quelques difficultés
à dépasser les contradictions entre les legs de son passé
et les exigences du temps présent.
Quelle sera la place des services postaux dans la société de
demain et comment y garantir à La Poste française une position
conforme à nos traditions de service public et à son immense
potentiel ? Telle est la première question que doivent se poser ceux
dont la mission est de préparer l'avenir.
De ce point de vue, le passé peut fournir d'utiles leçons. Celles
délivrées par l'observation de ce qui se passe hors de nos
frontières, par l'analyse des positions qu'occupe notre opérateur
national, par l'étude des défis qui lui sont lancés et par
l'examen tant de ses forces que de ses faiblesses, sont également
indispensables. Un tel diagnostic n'est-il pas le préalable
indispensable à toute prescription ultérieure de remède ?
CHAPITRE Ier -
LES SERVICES POSTAUX :
VARIATIONS
HISTORIQUES ET NATIONALES
La longue histoire de La Poste française illustre l'unification progressive du territoire et la prise en charge par l'Etat de ce qui fut longtemps une activité largement privée. Elle se situe dans un mouvement général en Europe, mais dont le rythme, inégal selon les pays, a contribué à la variété du paysage postal européen.
I. IL ÉTAIT UNE FOIS.... LA POSTE FRANÇAISE
Dès la plus haute antiquité, la
continuité des relations entre les cités, est un enjeu essentiel
du pouvoir régalien. Réservée au service de l'empereur et
de ses représentants sous Auguste, réformée sous
Néron et sous Hadrien, la poste romaine ou
cursus publicus
(littéralement course/trajet public) fonctionne avec
régularité en Gaule où les routes postales coïncident
avec les voies militaires qui relient les principales cités. Tout au
long de ces voies, des relais
(mansiones)
entretenus initialement aux
frais des villes permettent la continuité du service impérial.
Cependant, le
cursus publicus
n'assure alors que des fonctions
régaliennes puisque, sauf autorisation exceptionnelle accordée
par l'empereur, il est exclusivement cantonné au transport des missives
princières, à celui des dignitaires impériaux
eux-mêmes et à l'acheminement des matériels de guerre de
tous ordres, au cours des campagnes militaires.
Pour les autres plis, le rythme du transport reste très lent :
trois mois sont nécessaires pour adresser une lettre privée entre
Rome et la Bretagne
4(
*
)
!
Il y a donc loin, du transport des missives sous l'empire romain au
développement exponentiel du trafic postal à compter de la
Révolution française, sous l'influence tant du progrès de
l'alphabétisation, que de l'accroissement des richesses et des
échanges commerciaux. A côté d'une fonction purement
régalienne, La Poste commence alors à assumer un rôle
économique primordial. Comme le montre le tableau suivant, La Poste
française a réalisé, en deux siècles, des
transformations vertigineuses en passant du transport des milliers de lettres
du prince à celui des milliards de missives des citoyens.
ÉVOLUTION DU VOLUME DU COURRIER TRANSPORTÉ EN
FRANCE DE 1789 À 1995
5(
*
)
VOLUME DU COURRIER
|
|
1789 |
30 |
1845 |
176 |
1850 |
254 |
1870 |
650 |
1900 |
1.000 |
1913 |
1.800 |
1995 |
25.000 |
Aussi, contrairement à une idée reçue trop répandue, loin d'être immuable et figée, l'histoire postale est marquée par un progrès constant et une inventivité remarquable, tous deux destinés à répondre à la nécessité d'une adaptation des services aux attentes de l'époque. Bien plus, l'aptitude du service postal à se transformer, à prendre en compte l'état des techniques et les nécessités du développement en a fait un élément essentiel du progrès des communications et de la croissance économique.
A. LA POSTE NAÎT D'INITIATIVES LE PLUS SOUVENT CIVILES, RELAYÉES, PUIS CAPTÉES PAR LE POUVOIR RÉGALIEN
L'organisation actuelle du service postal résulte d'une lente évolution, au cours de laquelle ce n'est que progressivement que l'Etat a, principalement pour des raisons financières, pris le contrôle de la poste. La " Poste du roi " n'apparaît qu'à la fin du XVè siècle à l'initiative de Louis XI. C'est graduellement que le service postal est intégré au domaine de la couronne de France et considéré comme l'un des éléments du patrimoine du souverain. Encore cette intégration ne touche-t-elle pas la poste internationale avant la fin du XVIIè siècle.
1. Les premières organisations postales sont rarement publiques : ordres religieux, universités, courriers de villes
Le premier service postal interurbain est né en France,
au Moyen-Age, grâce aux ordres religieux, à l'Université de
Paris et aux villes, voire même aux corporations.
Dès le haut Moyen-Age, les ordres religieux -notamment les
bénédictins de Cluny et de Cîteaux qui créent des
monastères dans les contrées les plus reculées d'Europe-
constituent un service de liaison entre leurs divers établissements.
Des messagers vont de monastère en monastère, porteurs des
nouvelles inscrites sur un rouleau complété par des informations
nouvelles rédigées à chaque étape de la
" tournée " du messager. Ce rouleau qui peut atteindre
plusieurs dizaines de mètres de long, comme le rouleau de Saint Vital
(1122), assure la circulation de l'information au sein même de la
communauté.
La Sorbonne, qui reçoit alors des étudiants de toutes
nationalités, attirés par l'aura d'un des plus grands foyers
culturels du Moyen-Age, met également au point un service postal
autonome, qui reçoit la protection de Philippe le Bel dès 1296.
Bénéficiaire de nombreuses exemptions fiscales, la poste de
l'université exerce une activité d'autant plus lucrative qu'elle
achemine, outre les correspondances entre les étudiants et leurs
familles, les plis qui lui sont confiés par les personnes
privées, lesquelles ne peuvent les remettre à aucun autre service
postal.
L'activité de la poste de l'université se poursuit, sans
interruption, jusqu'au XVIIè siècle, la Sorbonne disposant d'un
monopole partagé avec les messageries royales. C'est en effet en 1713
que moyennant un dédommagement annuel fort important, elle consent
à céder ses propres messageries au fermier général
des Postes.
Parfois, mais plus rarement, les villes elles mêmes, à l'exemple
de Narbonne ou de Montferrand, créent des offices de
" messagers ", chargés de transporter les plis sur leur
territoire, aussi bien pour le compte des autorités municipales que pour
celui des habitants. D'autres communes, comme Toulouse, créent au
XIVè siècle un service municipal de transport des lettres en
direction de Paris. Cependant, lorsqu'elles ne sont pas instituées par
les pouvoirs publics municipaux ces fonctions relèvent de l'initiative
privée : à Strasbourg, la corporation des bouchers eut un
service postal.
C'est seulement à la fin du Moyen-Age que le roi de France souhaite
disposer d'un service de relais destinés à acheminer sa propre
correspondance officielle.
2. La poste du roi Louis XI
Louis XI institue dans le royaume, et tout d'abord sur les
routes militaires de Bourgogne, de Picardie et de Guyenne, un service de relais
assurant la fourniture de chevaux, seul moyen de transport rapide à
l'époque. C'est le premier réseau de poste français. Il
est, à en croire les mémorialistes, inspiré par
l'idée que l'existence d'un système centralisé de poste
royale ne peut que renforcer le pouvoir monarchique.
Les chevaucheurs de l'écurie royale utilisent ces relais dits de la
poste aux chevaux pour échanger leur monture fourbue contre un cheval
frais
6(
*
)
et assurer ainsi le transport à
vive allure de la correspondance officielle du souverain. Il s'agit, pour
reprendre les termes de l'époque, de "
faire savoir diligemment
nouvelles au roi
".
Les maîtres de poste qui dirigent les relais bénéficient,
outre un traitement fixe, de diverses exemptions fiscales. Au fil du temps, le
pouvoir royal leur accorde d'autres exemptions pour compenser les charges de
service qu'il leur impose, si bien que le système de
rémunération des services des maîtres de Poste finit par
être assez compliqué.
A côté de la poste royale, la poste de l'université
subsiste également, disposant de routes postales propres. Le double
monopole ainsi organisé ne s'applique pas seulement au trafic du
courrier. Les messageries royales et universitaires jouissent également
de privilèges sur :
- le transport des paquets d'un poids inférieur à 50 livres ;
- l'acheminement des papiers relatifs aux procès civils et
criminels ;
- la création de bureaux destinés à recevoir les
marchandises transportées ;
- le transport rapide des personnes ;
Dans l'ensemble, cette organisation postale ne connaît que peu de
réformes avant le début du XVIIe siècle.
3. La Poste, " poule aux oeufs d'or " des finances publiques : l'amorce d'une constante séculaire
C'est sous Henri IV qu'on confère au contrôleur
général des postes le droit d'autoriser la création de
nouveaux relais, ce qui lui permet d'accroître progressivement le rayon
d'action des relais royaux, au détriment des messagers de
l'université, en ouvrant de nouvelles routes postales entre les villes
du royaume.
Le processus d'extension du réseau royal qui contribuera puissamment
à la lente érosion des privilèges des messagers des
universités et des communes est lancé. Son développement
progressif permet à ses exploitants de dégager des
bénéfices considérables qui, sous l'Ancien régime,
sont largement et systématiquement utilisés par les rois de
France pour alimenter les finances de l'Etat.
La création d'une succession d'offices achetés par leurs
titulaires et dont le produit de la vente est affecté au Trésor
royal date d'Henri III. Par la suite, les revenus de ces opérations ne
feront que croître. En 1672, la ferme générale des Postes
est vendue pour quatre ans au prix de deux millions de livres.
Ultérieurement, un nouveau bail de six ans est passé pour
plus de sept millions de livres, preuve que l'activité de la ferme
des Postes reste plus que rentable : fort lucrative.
Le système de bail est maintenu jusqu'à la Révolution. Il
recouvre, d'une part, la concession de relais de poste (poste aux chevaux) ;
d'autre part, la concession du transport du courrier (poste aux lettres) ;
enfin, celle du transport des plis volumineux et des colis (messagerie).
Tantôt est souscrit un seul bail englobant la concession du réseau
(les relais de poste) et les deux services ; tantôt les concessions sont
partagées entre plusieurs attributaires. Cependant, quelle que soit la
formule juridique retenue, pendant toute cette période, les fermiers
généraux des postes constituent d'énormes fortunes. Ils
sont même amenés à verser les échéances de la
ferme, par anticipation, afin de faire face aux besoins du Trésor.
A la fin de l'Ancien régime, le service de la poste a permis à la
compagnie qui se porte caution du titulaire du bail de la poste aux lettres de
réaliser des profits immenses. Ceux-ci sont si considérables que
sous la Révolution, pour se concilier l'opinion populaire, le fermier de
la poste renonce aux trois-quarts de ses revenus annuels en faveur de l'Etat.
Au XIXe siècle, devenue administration d'Etat, la poste demeure
fidèle à cette tradition rémunératrice. De ce point
de vue, aucune discontinuité n'est à relever entre l'Ancien
régime et la République. Le budget de l'Etat va notamment tirer
un grand profit de la vente du timbre, si l'on excepte une brève
période consécutive à son instauration
7(
*
)
.
L'individualisation des comptes de l'administration
postale, en 1923, confirmera de manière ostensible cette " vertu
originelle ".
En bref, quelles qu'aient été ses conditions d'exploitation,
la poste a toujours été une activité largement
bénéficiaire jusqu'à une époque récente
(1992) et a contribué tout au long de notre histoire à
l'équilibre des finances publiques.
Peut-être peut-on voir dans cette constante lucrative l'effet du double
monopole dont la poste régalienne a longtemps
bénéficié !
En effet, son monopole juridique -dont la rigueur est d'ailleurs, nous l'avons
vu, toute relative avant la fin du XVIIe siècle- s'est jusqu'au milieu
du siècle dernier toujours appuyé sur l'exploitation d'une
technique à caractère monopolistique : le transport physique de
messages écrits par un réseau de relais humains assurant une
fiabilité satisfaisante d'acheminement à bon port.
Pendant la plus grande partie de l'histoire des civilisations, le souvenir s'en
efface peu à peu aujourd'hui, cette technique a été le
seul moyen de communication à distance que connaissait
l'humanité. Depuis, il est vrai, les choses ont bien changé. Le
télégraphe, le téléphone, la radio, la
télévision, le fax, et maintenant Internet, ont réduit
à néant cette
exclusivité originelle.
Cependant, il convient de ne pas l'oublier car
elle est sans doute un
facteur de compréhension du véritable ébranlement culturel
que l'avènement de la société de l'information constitue
pour les postes du monde entier
.
B. UNE LENTE ÉVOLUTION VERS LE MONOPOLE ADMINISTRATIF
1. Vers la constitution d'un monopole concédé : les choix de la monarchie
a) La poste interurbaine
A compter de 1638 -l'année de naissance de
Louis XIV ; tout un symbole !- le surintendant des Postes commence
à s'attacher à étendre le monopole de la poste royale.
Avec le soutien des maîtres des courriers, le pouvoir royal engage la
lutte contre les messageries concurrentes, notamment celles de
l'université, avec laquelle il soutient de nombreux procès. Dans
ces conflits, la messagerie de l'université reçoit l'appui de
plusieurs Parlements, d'autant plus aisément que les tarifs qu'elle
pratique sont inférieurs à ceux de la poste royale. La
compétition est donc vive entre les deux services.
Colbert organise la suppression progressive des offices liés à
l'exploitation des postes autres que la poste royale. Un arrêt de 1681
interdit, en outre, aux "
messagers, fermiers, loueurs de
carrosses,
coches, conducteurs de carrioles et charrettes, muletiers, rouliers,
voituriers, coquetiers, poulaillers, beurriers, mariniers, gens de pieds et
marchands de toile de se charger des lettres et paquets, sous peine d'une
sévère amende
".
Puis, Louvois, chargé des questions postales, à compter de 1668,
entame l'unification des services royaux
A partir de 1672, au lieu d'être éparpillés entre plusieurs
dizaines de maîtres des courriers, installés dans les diverses
généralités du royaume, les services postaux sont
placés sous le contrôle direct du surintendant qui supervise les
activités du fermier général et fixe les tarifs.
S'étant acquitté du prix de la ferme, le fermier
général est libre de contracter avec des sous-traitants qu'il
choisit pour effectuer le service qui est donc, en pratique,
concédé à des intermédiaires. Le monopole est alors
davantage un moyen d'assurer au roi l'exclusivité du revenu de la vente
de la ferme qu'un biais destiné à créer une administration
publique.
Cependant, le système postal est loin d'être unifié.
Le
tarif auquel sont soumis les envois, fixé par l'autorité royale,
demeure fonction du poids et surtout de la distance.
Par ailleurs, des
messageries régionales subsistent (notamment en Auvergne) jusqu'au
début du règne de Louis XVI.
b) Les postes urbaines
Pour porter des plis dans une même ville, l'initiative
des citoyens a libre cours. Car, à côté de la poste royale
qui relie les villes du royaume entre elles pendant longtemps, tout un chacun a
pu s'improviser facteur à l'intérieur des enceintes
municipales
8(
*
)
. Des services postaux urbains ne
commencent à exister dans les principales villes de France,
créés sous le régime de la concession, qu'à partir
de 1653.
A Paris, un bureau central reçoit les lettres déposées
dans des boîtes installées dans la ville, affranchies au moyen
d'un " billet de port payé "
9(
*
)
, ancêtre du timbre que l'on achète au
bureau central. Des facteurs en assurent ensuite la distribution. De petites
postes sont ouvertes sur le même modèle à Bordeaux, Lyon,
Nancy et Strasbourg.
On ne les réunira à la poste du royaume qu'à compter de
1781. Cette unification statutaire n'entraînera pas d'harmonisation
immédiate dans leur organisation, puisque la ferme
générale des postes donne à bail un certain nombre d'entre
elles tandis qu'elle conserve en gestion directe le service à Paris et
Lyon.
2. La participation à une évolution générale : la poste des Princes de Taxis, embryon d'un système européen
Du Moyen-Age à l'époque moderne, l'Europe
connaît une expansion postale générale. La France,
traversée par des routes internationales, reliée aux
péninsules italienne et ibérique, à l'Autriche, aux Etats
allemands et néerlandais sur le continent, et à la
Grande-Bretagne par la voie maritime, y constitue un point de passage
obligé pour nombre de courriers internationaux.
Plusieurs systèmes postaux coexistent alors en Europe. En Italie, la
papauté gère son propre service ; en Suisse, existe une poste qui
dispose d'un bureau à Lyon où les marchands des grandes
cités commerçantes italiennes ouvrent aussi leur bureau de poste.
Le réseau le plus étendu est, sans nul doute, celui
créé dans le Saint-Empire germanique par la famille Tour et
Taxis, puisqu'il étend ses ramifications quasiment dans toute l'Europe.
Maître des postes impériales, le prince de Taxis anime un
réseau de relais, protégé par un monopole
conféré par l'empereur malgré les réticences des
princes des autres Etats allemands. Cette entreprise postale, qui assure la
fortune de son organisateur, fonctionne jusqu'à ce que la
Révolution lui porte un premier coup. Partiellement rétablie
à la Restauration, elle disparaît en 1857, lorsque l'Office des
Tour et Taxis est racheté par la Prusse en échange d'une
indemnité considérable.
La coopération entre les diverses postes européennes ne prend
corps que très progressivement. En effet jusqu'au XVIIe siècle,
les postes assurent l'intégralité du transport international des
lettres jusques et y compris sur le territoire des États
étrangers qu'elles traversent. En France, il leur est par exemple
nécessaire d'obtenir l'autorisation du roi qui, par lettres patentes,
leur donne le droit de traverser le royaume.
Peu à peu, les États étendent leur pouvoir sur la poste
internationale et signent les premiers traités postaux internationaux
bilatéraux, lointains ancêtres des traités
multilatéraux actuels. Progressivement, des systèmes
d'échange de lettres aux frontières sont mis au point, notamment
entre la France, l'Espagne et l'Angleterre, au XVIIIe siècle, ce qui
évite d'entretenir de multiples réseaux sur un seul trajet.
Cependant, la tarification du service apporté par les diverses postes
donne lieu à des différends d'autant plus vifs que le transport,
payé par le destinataire, est très coûteux.
Songeons qu'en 1737, l'itinéraire de Lyon à Rome comporte
90 relais ! Il va sans dire que les postes sont soucieuses d'être
rémunérées en fonction du coût réel qu'elles
engagent pour l'acheminement des lettres. Or, en l'absence du timbre (qui
n'apparaît qu'au XIXe siècle), une telle évaluation est
spécialement délicate et source de nombreuses querelles, qui
aboutissent à la renégociation, voire même à la
dénonciation, des traités postaux.
3. Du monopole concédé au monopole administratif : le choix de la Révolution
C'est la Convention qui décide de supprimer, à
compter du 1er mai 1793, le bail des messageries et celui de la poste aux
lettres et de confier à l'Etat la responsabilité de ces
prestations. Une seule administration est désormais chargée de
gérer le réseau de la poste aux chevaux et ces deux services afin
d'assurer une navette quotidienne sur les routes principales et la desserte des
communes dotées d'un bureau de poste.
A l'exception d'une parenthèse historique sous le Directoire,
cette
gestion directe du monopole par l'Etat
est rétablie sous l'Empire et
ne sera plus remise en cause.
4. Une administration dotée d'une relative autonomie financière
La Poste est une administration d'Etat durant tout le
XIXè siècle et comme telle soumise au principe de
l'universalité budgétaire qui, comme chacun sait, ne favorise pas
l'individualisation des comptes.
Cette opacité de la gestion de l'administration postale est
dénoncée par Clémentel, ministre du Commerce et de
l'industrie dans un rapport qu'il remet au Président du Conseil en 1917
: "
Les recettes de l'exploitation sont considérées comme
ayant un caractère fiscal, elles sont confondues dans le budget avec les
autres recettes de l'Etat, elles servent à l'équilibre
général. Les dépenses sont noyées dans le total de
celles des autres services ; le produit net de l'entreprise, à supposer
qu'il en ait un, n'apparaît nulle part dans les lois de finances. Le
Trésor paie tous les frais de l'exploitation mais il encaisse toutes les
recettes et l'industrie des Postes n'ayant pas de bien propre ne peut non plus
avoir de vues d'avenir
"
10(
*
)
.
Clémentel suggère alors de doter l'administration des Postes d'un
fonds de prévision, d'un fonds d'amortissement du matériel et des
installations, et du droit d'émettre des obligations.
Finalement, compte tenu de la spécificité économique de
ses activités et malgré la résistance de l'administration
des finances qui répugne à lui laisser davantage
d'indépendance,
la Poste est dotée, en 1923, d'un budget
annexe
qui lui permet d'exprimer sa spécificité au sein de
l'administration d'Etat.
Le système du budget annexe perdure jusqu'en
1990
. Cependant,
dans la dernière décennie précédant sa suppression,
il fait l'objet de critiques croissantes, du fait des rigidités qu'il
perpétue et des transferts au profit du budget général
qu'il permet.
Comme le relève M. Jean Faure dans un rapport sénatorial
d'information
11(
*
)
publié en 1990 :
" La clarification des relations financières entre les PTT et le
budget général s'impose de toute évidence, chacun
s'accorde à reconnaître la nécessité de sortir du
système du budget annexe, afin de mettre fin aux
prélèvements qui pèsent sur l'équilibre financier
des opérateurs et limitent leurs capacités
d'investissement. "
Ces inconvénients n'ont pas été sans peser sur
l'inspiration de la réforme de 1990, la dernière en date,
qui a conduit à doter la Poste de l'autonomie juridique et
financière.
C. LA POSTE INSTRUMENT DE L'UNITÉ NATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE : UN SOUCI D'HIER, UNE PRÉOCCUPATION D'AUJOURD'HUI
L'accroissement des échanges économiques, au XIXè siècle, l'unification postale du pays, la diffusion de l'idée que l'intensification des flux financiers est bénéfique à la croissance du pays ont fait de la Poste l'un des acteurs essentiels du développement de l'économie française aussi bien au XIXe siècle qu'au XXe siècle.
1. La desserte postale des campagnes
A la fin de la Révolution et sous l'Empire,
l'organisation postale est divisée, dans les départements, entre
un bureau principal départemental, des bureaux secondaires et des
bureaux de distribution. Mais, hormis Paris et sa région où,
à compter du début des années 1820, la distribution se
fait chaque jour à domicile, et les vingt premières villes du
royaume qui sont reliées trois fois par jour à la capitale,
l'acheminement du courrier reste d'une grande lenteur. Certes, les communes les
plus riches ont pris l'initiative d'entretenir des " messagers
administratifs " chargés de les relier au réseau national,
mais les autres -l'immense majorité- doivent attendre le passage,
souvent aléatoire, du " piéton " de la
sous-préfecture.
C'est ainsi que la desserte des zones rurales -qui abritent alors l'essentiel
de la population française- n'est opérée qu'à la
fin de la Restauration. Présentant aux députés le projet
qui allait devenir la loi du 10 juin 1829 relative à
l'établissement d'un service de poste dans toutes les communes du
royaume, le baron de Villeneuve déclarait :
"
Il y a en ce moment en France 1.799 bureaux ou distributions de
poste. Les communes dans lesquelles sont situés ces
établissements reçoivent leurs dépêches tous les
jours avec une promptitude remarquable, mais les autres, c'est à dire
les 35.587 communes dépourvues de relations directes avec la poste sont
forcées d'envoyer chercher à leurs frais lettres et journaux dans
le bureau le plus voisin.
Dans quelques localités, les habitants se cotisent pour organiser un
transport commun ; dans beaucoup d'autres, on attend en paix que quelque
occasion fortuite, ou le passage hebdomadaire du piéton de la
sous-préfecture vienne mettre dans la main des destinataires des lettres
vieillies dans les casiers de la direction. Le même inconvénient
se fait ressentir pour le départ des lettres. Le nouveau projet
établit dans chaque commune du royaume une boîte aux lettres
où tout individu pourra jeter sa correspondance pour toute espèce
de destination, et il attache à chaque bureau ou distribution de poste
un nombre suffisant de facteurs piétons offrant des garanties
désirables [sic] chargés de porter à domicile, tous les
deux jours, les dépêches arrivées au bureau d'où ils
dépendent [...].
Il suffirait de ce simple exposé pour faire sentir l'immense avantage
qui va résulter pour la majeure partie de la population de
l'établissement du nouveau service, mais cette amélioration n'est
pas la seule que la poste s'est proposée. Dans les petits bureaux, il
n'y a point de facteurs, et dans les grands leur nombre est insuffisant ; on
est donc obligé d'envoyer chercher au guichet ses lettres, ses journaux,
obligation pénible, surtout si l'on habite un hameau ou un faubourg
éloigné. Par le projet de loi, les lettres seront maintenant
remises sans nouveaux frais au domicile de chaque habitant des communes
où sont situés les bureaux ou distributions.
Les populations agglomérées, les châteaux isolés
apprécieront ce perfectionnement
"
12(
*
)
.
A compter de 1830, du fait de la loi précitée, l'administration
des postes fait transporter et distribuer, au moins tous les deux jours, les
lettres et journaux à destination des communes rurales. Mais ce nouveau
service est très coûteux. Aussi institue-t-on pour le financer une
surtaxe calculée sous la forme d'un droit fixe : le " décime
rural " majorant d'un dixième (un décime par franc) le prix
des lettres délivrées dans les campagnes. L'extension de la
desserte rurale s'accompagne donc d'une double inégalité entre
villes et campagnes : inégalité tarifaire d'une part,
inégalité de desserte d'autre part.
Cependant, le mouvement de " postalisation " du pays est
amorcé et plus rien ne l'arrêtera. En 1832, la distribution rurale
devient journalière. Et, en 1848, la seconde République naissante
abroge le décime rural dans le même temps qu'elle introduit en
France une invention postale anglaise totalement novatrice : le timbre.
2. L'institution d'un timbre unique et la " postalisation " du pays
Alors que la poste est organisée sur une base nationale
dès le début du XVIIe siècle, l'unification tarifaire
opérée par la création du timbre poste ne date que du
milieu du XIXe siècle.
Hormis dans les villes ou la création des " petites
postes " a
permis le développement du billet de port payé, le système
d'affranchissement reste particulièrement archaïque avant
l'invention du timbre. Il repose, en effet, sur le paiement du port par le
destinataire et non pas par l'expéditeur.
Du coup, le service postal est d'un prix très élevé et se
trouve réservé, eu égard au revenu moyen de
l'époque, à une infime minorité de personnes qui doivent
prendre soin d'indiquer sur l'envoi le prix qui serait payé au porteur
de la lettre. C'est pourquoi Malherbe écrit, en 1621, à l'un de
ses correspondants :
" Ne craignez point, s'il vous plaît, quand
vous prendrez la peine de m'escrire de charger les lettres de port, afin que
les porteurs soient plus curieux de les rendre "
13(
*
)
Lorsqu'elle est émise, au début du XIXè siècle,
l'idée d'abaisser le prix du port des lettres, afin d'en faire
bénéficier, sans distinction, tous les usagers dans un espace
postal unique, semble proprement révolutionnaire. Elle l'apparaît
d'autant plus que ses promoteurs estiment qu'un accroissement du trafic
résultera de la diminution du tarif. La suite prouve l'exactitude de ces
vues novatrices.
En 1839, les postes britanniques adoptent le système de
l'affranchissement préalable moyennant une importante diminution du prix
du port. Cette réforme a pour conséquence d'accroître
substantiellement le volume de la correspondance échangée.
Longuement étudiée en France, suscitant la réticence du
ministère de Finances qui considère la ressource postale comme
une recette fiscale, une réforme analogue n'est introduite dans notre
pays qu'au début de la seconde République, à la suite
d'une initiative d'Arago, en tant que membre du gouvernement provisoire, en
1848.
Le tarif de la lettre simple, quelle que soit la distance, est fixé
à 20 centimes pour une lettre de moins de 15 grammes. Sans
être alors, à proprement parler un article de luxe, le timbre
poste est cher pour la plupart des Français : un manoeuvre gagne
à cette époque entre deux et trois francs par jour, un
maçon environ 5 francs par jour !
Le premier timbre français représente Cérès, le
front orné d'épis de blé, de feuilles de vignes et
d'olivier. On choisit en quelque sorte, dans une France largement rurale, de
placer le transport des lettres sous l'invocation de la déesse de la
terre, preuve symbolique que, dans l'esprit de l'époque poste, et
ruralité sont intimement liées. La moisson postale qui en
résulte est fructueuse : en un an, le trafic des lettres passe de
122 à 158 millions.
Dans les faits, le timbre unique emporte aussi une conséquence qui
est depuis un socle de notre organisation postale : la
péréquation tarifaire entre tous les usagers du service postal.
Aucun gouvernement n'est ensuite revenu sur cette règle posée par
la République qui assure l'existence d'un territoire postalement
unifié et traduit l'unité de la Nation.
Parallèlement à cette innovation radicale, le maillage postal des
campagnes se poursuit. Cette grande oeuvre de la seconde moitié du
XIXe siècle modèle, aujourd'hui encore, le visage de La
Poste française. En effet, c'est à cette époque où
plus des deux tiers de la population résident en zone rurale que
l'on crée véritablement le réseau postal national. A peu
de choses près, la carte des actuels points postaux ruraux est le
décalque de celle du début de ce siècle.
3. Productivité, vitesse et efficacité : des ambitions pérennes
Le souci d'adapter la poste aux technologies nouvelles est
perceptible dès la fin du dix-neuvième siècle. Louis
XVIII, revenu de son exil en Angleterre, fait mettre en service un
modèle de voiture à quatre chevaux, analogue à celui qu'il
a observé en Grande-Bretagne, afin de faciliter le transport des
personnes. Cette modification permet de relier Paris à Lyon en 47 heures
au lieu de 68, Bordeaux en 47 heures contre 86, et Toulouse en 72 heures
contre 110.
Comme tous les autres secteurs de l'économie et de la
société, La Poste ressent les effets de la révolution
industrielle et du progrès technique. L'introduction de la machine
à vapeur entraîne l'apparition des paquebots dont des lignes
régulières s'ouvrent entre Calais et Douvre, puis en
Méditerranée, entre la France et les pays du Levant. Ils assurent
durablement le service postal.
Sur la terre ferme, le développement des chemins de fer donne lieu
à de nouvelles formes de traitement du courrier. Ainsi, dès 1844,
sur la ligne Paris-Rouen installe-t-on un bureau de tri ambulant, bientôt
imité sur les six grands réseaux ferrés
concédés qui se développent ultérieurement dans le
pays.
Afin d'améliorer le transport, des bureaux de transbordement sont
créés pour collecter les plis destinés à être
acheminés par chemin de fer, tandis qu'un nouveau métier postal
apparaît, celui des " ambulants ", chargés de trier le
courrier au cours du trajet ferroviaire. Le développement de ces moyens
de transport signe la fin des malles-postes dont la dernière
disparaît, vaincue par la concurrence du rail, en 1873. La figure du
postillon, dernier des fiers chevaucheurs qu'ait connus la poste depuis le
Moyen-Age, disparaît, au moment où celle du facteur peuple les
campagnes, à l'âge d'or de la France rurale.
L'apparition de l'automobile permet de desservir la clientèle
isolée, au moyen de bureaux de poste mobiles, créés
entre 1926 et 1938, "
assurant à la fois le transport
des correspondances, des voyageurs, des colis postaux, des bagages et
exécutant même les commissions des habitants
".
La Poste ne recourt à l'aviation qu'à compter de l'entre deux
guerres en créant l'Aéropostale. L'établissement d'une
liaison avec l'Amérique du Sud est saluée comme une
conquête majeure d'autant qu'elle est liée aux figures de Mermoz,
Guillaumet et Saint-Exupéry. Cependant, après une tentative
d'établissement d'un service aérien entre Paris et les villes de
province, réalisée en 1935, puis en 1937, l'Aéropostale
périclite. Son nom prestigieux n'en disparaîtra pas pour autant de
l'histoire du courrier. Devenue établissement public, La Poste le
relèvera et en fera la raison sociale de la filiale constituée
avec Air France pour assurer l'acheminement aérien des flux postaux.
Aujourd'hui la " geste " prestigieuse de l'Aéropostale est
célébrée au Futuroscope de Poitiers, avec le premier film
omnimax réalisé en trois dimensions : " Les ailes du
courage " de Jean-Jacques Annaud.
4. La naissance du réseau financier, réponse au besoin d'une collecte de proximité
Comme le rappelle l'affaire du courrier de Lyon, le service
postal a longtemps transporté des sommes en numéraires, avant que
ne soit institué, en 1817, un bulletin de dépôt. Cette
innovation permet de faciliter la circulation monétaire dans une
société où les banques sont peu nombreuses et ne disposent
que de peu de comptoirs.
Cependant, l'essor des premiers services financiers de la Poste remonte
aux
débuts de la Troisième République
. L'Etat confie alors
à la Poste la réalisation d'opérations de banque,
d'assurance et de perception, dans les zones les plus reculées du
territoire, qui ne sont pas desservies par les banques privées.
Les mandats postaux (et notamment les mandats télégraphiques)
enregistrent alors une forte croissance. Le recouvrement des valeurs
commerciales, celui des valeurs protestables ainsi que les envois contre
remboursement sont confiés à La Poste sur tout le territoire,
entre 1879 et 1892. A cette époque, La Poste prend également en
charge le système de l'abonnement aux journaux.
Sous le Second Empire, de nombreuses pétitions sont adressées
aux pouvoirs publics pour demander la création d'un réseau
national d'épargne, les réseaux financiers privés ne
permettant pas aux plus modestes de placer leurs économies alors
même que l'épargne populaire pourrait utilement contribuer au
financement du développement du pays.
C'est le gouvernement républicain qui crée, en 1881, pour
remédier à ces insuffisances de l'initiative privée, la
Caisse Nationale d'Épargne
(CNE) qui, pour distribuer ses
produits et collecter les fonds, est autorisée à utiliser le
réseau de La Poste.
Sur 34.736 communes, seules 1.320 sont alors pourvues d'une Caisse
d'Épargne municipale, dotée d'une clientèle locale et
d'une surface financière nécessairement réduite, hormis
dans les grandes cités. Pourtant, l'un des orateurs ne craint pas, lors
de l'examen du projet de loi relatif à la Caisse Nationale
d'Épargne, au Sénat, d'estimer que la pente sur laquelle ce
projet s'engageait est celle "
du socialisme d'État,
maître de tout, l'Etat disposant de tout, l'Etat se chargeant de tout,
l'Etat étouffant autour de lui toute initiative, toute volonté,
toute liberté "
14(
*
)
. La poste
cristallise, dès cette époque, les appréhensions et les
enjeux d'une société en pleine évolution.
Comme le souligne le rapporteur de la loi, La Poste se trouve ainsi en quelque
sorte chargée "
d'aller chercher l'épargne de l'ouvrier,
du paysan, jusque dans les hameaux les plus reculés, d'aller la saisir,
(...), entre les mains de celui qui hésiterait entre une dépense
inutile et un placement profitable "
15(
*
)
. Grâce à l'efficacité du
réseau postal dans cette recherche de l'épargne, la CNE va
rapidement être amenée à gérer une épargne
jusque là non bancarisée, pour des montants très
importants puisque le nombre de livrets passe de 1 million et demi en 1890
à 6 millions en 1914. Dans le même temps, l'essentiel des
transactions financières de faible importance s'effectue, compte tenu de
l'étroitesse du réseau bancaire, par
mandat-poste
. La
progression du nombre de ces mandats de 9 millions en 1881 à
789 millions en 1898, pour un montant unitaire le plus souvent
inférieur à 20 francs de l'époque, frappe les esprits
et atteste de l'utilité collective de ce service.
La Poste assure même l'encaissement des créances commerciales et
des effets de commerce. Les banques refusent par exemple "
les
effets
tirés sur des villages, ou des bourgades, ou payables dans les foires ou
à la suite des régiments
" alors que "
La Poste
se chargeait des encaissements dans les petites localités
retirées (...) où les banquiers manquaient de
correspondants "
16(
*
)
.
Malgré des tentatives en 1901 et 1909, en raison d'une opposition des
banques, analogue à celle observée en Allemagne au même
moment, La Poste ne dispose d'un
service de comptes-chèques
,
qu'à
compter de 1918
. Le succès des CCP, qui passent de
9.000 comptes la première année à 900.000 en 1940,
est en effet immense et nécessite la création de centres de
traitement spécifiques.
A compter de cette création, les services financiers de La Poste
apporteront à l'Etat une ressource financière abondante, puisque
les sommes importantes ainsi collectées sont centralisées
auprès du Trésor et que les frais de gestion versés
à la Poste n'étant pas calculés selon des critères
commerciaux, le solde des avoirs de trésorerie assure à l'Etat
d'appréciables revenus.
Jusqu'en 1966, La Poste a géré à elle seule plus de
comptes chèques que l'ensemble des institutions bancaires ou
financières.
D. LA RÉFORME DE 1990 : DE L'ADMINISTRATION D'ÉTAT À L'EXPLOITATION AUTONOME
La Poste et les Télécommunications demeurent des
services spécifiques de l'ETAT entre 1923, date de l'institution du
budget annexe, et 1991, année de la création effective de deux
opérateurs publics distincts. En près de 70 ans, cette
structure administrative bicéphale ne connaît donc pas de
réforme structurelle d'importance, alors même que la population
française croît de 40 à 56 millions d'habitants et que la
population urbaine passe de 50 % à 75 % de la population
totale
17(
*
)
. Au cours de cette période,
si l'on excepte quelques grandes grèves telles que celles de 1974
(partie du centre de tri de Paris-Brune) et de 1988 (dite des
" camions
jaunes "), le service postal d'Etat satisfait les besoins d'une
économie en forte croissance, peu soumise à la concurrence
internationale.
Certes, en 1987, la publication du Livre vert européen sur les
Télécommunications met l'accent sur la nécessité
d'une adaptation de ce secteur à l'évolution des technologies
mais aucune réflexion analogue n'est conduite sur les perspectives
d'évolution du secteur postal. On note seulement, en 1987, l'amorce
d'une étude visant à assujettir La Poste et France
Télécom à un nouveau statut juridique. Ce projet de
réforme se heurte à un mouvement de protestation des
organisations représentatives du personnel.
Au vu de cette réaction, le principal parti de l'opposition
parlementaire, qui sera appelé à revenir rapidement aux affaires,
fait alors de l'immutabilité du statut de La Poste l'un des axes de son
programme de Gouvernement. Comme le relèvera, quelques années
plus tard, Gérard Moine, qui a été directeur de cabinet de
Paul Quilès, au moment où celui-ci exerçait les fonctions
de ministre des Postes et Télécommunications : "
En avril
1988, les socialistes ont pris des positions qui sont comprises ainsi :
" Personne ne bouge ". C'était la position politique qui
correspondait à l'état d'esprit des gens des PTT qui avaient
identifié le changement avec le danger
"
18(
*
)
. A cette époque, KPN, la poste
néerlandaise, a déjà entamé sa réforme
depuis deux ans.
Cette crispation sociale et ce manque de clairvoyance permettent
vraisemblablement d'expliquer que l'élaboration de la loi du
2 juillet 1990 ait finalement nécessité près de
deux ans et que la réforme opérée ait eu des
ambitions plus limitées que d'autres menées, à la
même époque, ailleurs en Europe.
1. Le débat public et le rapport " Prévot "
Impulsé par les directives européennes relatives
au secteur des télécommunications, préparé à
compter de la fin de l'année 1988, le débat public sur la Poste
et les Télécommunications est lancé d'avril à
juillet 1989. Ce débat est animé par M. Hubert
Prévot
19(
*
)
qui est, en particulier,
chargé de présenter des propositions de réforme
satisfaisant aux exigences de la réglementation communautaire. Dans ce
cadre est menée une large consultation d'organisations
représentatives du personnel. Le rapport paraît au mois
d'août 1989.
M. Hubert Prévot y trace les lignes directrices du " cahier des
charges " de la réforme des P et T. Neuf ans plus tard, son
diagnostic reste d'actualité :
" Usagers individuels et utilisateurs professionnels adressent des
demandes qui ne sont pas fondamentalement de nature différente. Les uns
et les autres attendent d'un service public entreprenant qu'il mette à
leur disposition, dans les meilleures conditions tarifaires, des services
adaptés à leurs besoins, en épousant la diversification
croissante de ces besoins ; des services de qualité au moins
égale à ce qu'ils peuvent trouver dans leurs propres pays, des
services enfin qui les accompagnent dans leur expansion vers l'étranger.
Ils souhaitent avoir en face d'eux des interlocuteurs capables de
développer des relations de type commercial, et qui soient
habilités à répondre localement à leurs demandes et
à prendre des engagements fermes et stables
20(
*
)
. "
M. Hubert Prévot relève également que :
" Le défi majeur des prochaines décennies
apparaît bien être la place que les opérateurs
français réussiront à tenir dans la lutte gigantesque que
vont se livrer les firmes internationales de transport des messages
écrits et électroniques, en liaison avec la restructuration des
industries mondiales du traitement de l'information. Les services publics, La
Poste et France Télécom, sont seuls en mesure de réussir
dans cet affrontement, grâce à la recherche de coopérations
avec d'autres opérateurs, la négociation d'alliances
industrielles, l'occupation de positions importantes dans le monde. Seules des
stratégies à l'échelle mondiale, menées par des
opérateurs puissants et
dynamiques, permettront
d'acquérir des positions de force, de peser dans les négociations
et, par là, de préserver une autonomie réelle de notre
pays "
21(
*
)
.
Pour se conformer au droit communautaire qui impose la séparation des
instances de réglementation et des opérateurs, il propose de
créer deux personnes morales de droit public demeurant sous la tutelle
de l'Etat, ainsi qu'un Conseil national des P et T qui serait le garant de leur
unité.
2. La loi du 2 juillet 1990
Sur le fondement des orientations ainsi tracées, un projet de loi qui deviendra la loi du 2 juillet 1990 est déposé sur le bureau des Assemblées parlementaires.
a) Les principales dispositions
La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990
relative à la Poste et aux Télécommunications crée,
dans son article premier, deux personnes morales de droit public
dénommées " La Poste " et
" France Télécom".
La Poste dispose d'une plus grande autonomie
En vertu de la loi, La Poste est dotée, à compter du
1er janvier 1991, d'une personnalité juridique distincte de
celle de l'Etat et d'une trésorerie individualisée. Elle
procède à l'élaboration d'un état
prévisionnel des dépenses et des recettes, détermine la
nature et le volume de ses investissements, possède en propre un
patrimoine (au 31 décembre 1990 : 37 milliards de francs
d'immobilisations ; 35 milliards de francs de dettes à moyen et
long terme transférées du budget annexe).
Paul Quilès, le ministre chargé des Postes et
Télécommunications, estime alors en présentant sa
réforme au Sénat que l'autonomie de gestion permettra aux deux
opérateurs d'être "
plus dynamiques et plus
conquérants
"
22(
*
)
.
Pour mener à bien une stratégie commerciale propre, les organes
dirigeants de La Poste disposent de l'autonomie de gestion. A cette fin, est
créé un conseil d'administration qui définit la politique
générale du groupe que met en oeuvre son président, tandis
que le ministre chargé des Postes n'assure plus que la tutelle de
l'établissement. Le législateur soumet cependant l'exercice de
cette autonomie au respect des exigences d'un cahier des charges et d'un
contrat de plan avec l'Etat.
Par ailleurs, la loi crée une Commission supérieure du service
public des postes et télécommunications, dotée d'un
pouvoir consultatif et composée de parlementaires et de
personnalités qualifiées.
Depuis lors, les travaux de la
CSPTT, ont montré tout l'intérêt d'une association
étroite du Parlement aux réflexions menées dans ces
domaines.
Les missions traditionnelles de La Poste sont confirmées et ses
moyens d'action adaptés
La loi du 2 juillet 1990 confirme à la fois les missions de
service public confiées à La Poste (courrier, transport de la
presse) et l'étendue de son monopole.
Elle conserve en vertu de l'article L.1 du code des postes et
télécommunications des droits exclusifs sur : "
le
transport des lettres ainsi que des paquets et papiers n'excédant pas le
poids de 1 kg ",
étant entendu que continuent
à être exemptés du monopole postal par l'article L.2 du
même code :
"
1° les sacs de procédure ;
2° les papiers uniquement relatifs au service personnel des entreprises de
transports ;
3° les journaux, recueils, annales, mémoires et bulletins
périodiques, ainsi que tous imprimés, quel que soit leur poids,
à la condition qu'ils soient expédiés soit sous bande
mobile ou sous enveloppe ouverte, soit en paquet non cachetés faciles
à vérifier
".
Ces exemptions visent :
- les pièces relatives à une procédure devant un
tribunal,
- les documents accompagnant les marchandises confiées à des
transporteurs,
- la presse,
- les imprimés ne présentant aucun caractère de
correspondance personnelle expédiés sous emballage,
- les imprimés sans adresse.
Les compétences de La Poste en matière de services financiers
sont par ailleurs affirmées ; elles sont même potentiellement
élargies puisque le texte lui permet d'offrir des prestations sur tous
les produits d'assurances.
Est également explicitement reconnu
le rôle de
l'opérateur postal en matière d'aménagement du
territoire.
La loi prévoit notamment qu'il participe aux instances
consultatives chargées de ces questions.
Afin de compenser les charges découlant de sa participation à
l'aménagement du territoire, la loi prévoit que La Poste
bénéficie d'un abattement -non compensé par l'Etat- de
85 % sur les bases d'imposition de La Poste aux impositions directes
locales (taxe professionnelle et taxes foncières).
Par ailleurs, l'article 20 de la loi organise, à compter du
1er janvier 1994, un régime dérogatoire favorable pour
ce qui concerne la taxe sur les salaires et la taxe sur la valeur
ajoutée, ce régime ayant vocation à se substituer au
régime fiscal transitoire institué par l'article 19 pour la
période 1991-1993.
S'agissant des personnels, l'article 29 prévoit que ceux-ci sont
régis par des statuts particuliers pris en application des lois
n°83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations
des fonctionnaires, et n°84-16 du 11 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.
Dans le but d'adapter ces statuts à la spécificité du
nouvel exploitant, un accord social est conclu le 9 juillet 1990 aux fins
d'engager une réforme générale des classifications.
L'article 31 de la loi dispose, en outre, que lorsque les exigences
particulières de l'organisation de certains services le justifient, les
exploitants publics pourront employer, sous le régime des conventions
collectives, des agents contractuels dans le cadre des orientations
fixées par le contrat de plan.
b) Une réforme postale insuffisante ?
La discussion au Sénat du projet de loi relatif
à l'organisation de La Poste et des Télécommunications
offre l'occasion à la Haute assemblée de souligner les limites
d'un texte dont le rapporteur, M. Jean Faure, estime qu'il ne
"
fait qu'entrouvrir une fenêtre sur la liberté
d'action
"
23(
*
)
. La majorité
sénatoriale reproche, en outre, au projet de n'avoir pas abordé
les problèmes essentiels de La Poste avec suffisamment de courage,
notamment le montant de l'endettement car il est "
lié non
à des investissements mais à des charges indues "
.
En outre, dès cette époque, votre rapporteur, en sa
qualité de président d'une mission d'information sur l'avenir de
La Poste et des Télécommunications créée par la
Commission des Affaires économiques au début de l'année
1990, attire l'attention du Gouvernement sur le développement du
repostage et sur l'ambition de la poste néerlandaise, KPN, de
conquérir 40 % du marché postal de l'Europe des Douze. C'est
pourquoi, il plaide pour que la réforme donne réellement à
La Poste les moyens de contrer ces menaces. Il n'est pas entendu. Aujourd'hui,
en partie grâce aux " rapines " du repostage, KPN a
racheté TNT, un intégrateur mondial bien implanté en
Europe et réalise 25 % de son chiffre d'affaires à
l'international, tandis que ce marché très porteur
représente moins de 5 % pour La Poste...
Par ailleurs, la Commission des Affaires économiques du Sénat
regrette alors que l'élargissement des services financiers ait
été cantonné aux seuls produits d'assurances car, dans le
contexte bancaire de l'époque, elle considère que cela ne
constitue qu'une avancée trop timide.
C'est pourquoi, elle propose de donner à La Poste la faculté de
distribuer, pour le compte de tiers, dans le cadre d'appels d'offre
régionalisés, des crédits immobiliers sans épargne
préalable et des prêts à la consommation sur des fonds
provenant des comptes courants postaux et de la Caisse Nationale
d'Épargne. Répondant à votre rapporteur sur ce sujet,
M. Paul Quilès, ministre des Postes et
Télécommunications, affirme que le Gouvernement est favorable
à l'extension des services financiers, mais il renvoie à un
rapport d'évaluation, suivi d'un débat parlementaire
24(
*
)
, l'hypothétique entrée en vigueur de la
réforme préconisée par la Commission des Affaires
économiques. A la demande de Mme Edith Cresson, alors Premier ministre,
un rapport est rédigé par M. Yves Ullmo, secrétaire
général du Conseil national du crédit (CNC), et
déposé au Sénat en septembre 1991. Ce document est
très réservé, s'agissant de l'extension des services
financiers de La Poste. Quant au débat qui aurait dû se tenir
à la session de printemps 1991, il est remis aux calendes et ne sera en
définitive jamais tenu...
Enfin, constatons que bien peu nombreux sont ceux qui, à
l'époque, ont dénoncé une autre faille du dispositif,
encore plus lourde de conséquences pour l'exploitant : celle consistant
à lui
faire supporter en propre le coût des pensions de
retraite de ceux de ses agents ayant la qualité de fonctionnaire.
Une telle discrétion peut surprendre aujourd'hui que le jeu de cette
règle, voulue par le Gouvernement de l'époque
à
l'inspiration du ministère des Finances
, menace directement la
survie de l'opérateur. Elle s'explique par une
colossale erreur
d'appréciation : la foi dans le caractère inébranlable du
monopole
25(
*
)
.
Tirons donc les leçons de l'expérience ! Comprenons que le temps
des facilités monopolistiques est désormais derrière nous.
Ne commettons plus l'erreur de croire à la force des protections
réglementaires dans un marché marqué par l'irruption des
nouvelles technologies de l'information et, qui plus est, en voie d'ouverture
à la concurrence.
3. Les textes pris sur le fondement de la loi
a) Le cahier des charges
Le sommaire de ce texte porté par le décret
n°90-1214 du 29 décembre 1990, figure à
l'annexe 2 et permet de se forger une idée précise de son
contenu. Rappelons donc simplement ici qu'il précise :
- les conditions dans lesquelles sont assurées la desserte de
l'ensemble du territoire national, l'égalité de traitement des
usagers, la qualité et la disponibilité des services offerts,
leur neutralité et leur confidentialité ;
- le cadre de la participation de l'exploitant public aux instances
consultatives chargées de l'aménagement du territoire ;
- les modalités de sa contribution aux missions de défense
et de sécurité publique.
Notons également qu'il dispose que pour ses activités hors
monopole, La Poste définit librement l'étendue et les
modalités d'offre des services qu'elle propose (article 7).
b) Le contrat de plan 1994-1997
Signé le 14 octobre 1994 pour une période de
trois ans (1995-1997), le premier contrat de plan entre l'Etat et La Poste
fixe, d'une part, les missions et les orientations stratégiques de
l'entreprise, et d'autre part, les conditions de leur réussite. Il
constitue "
le cadre de gestion dans lequel La Poste met en oeuvre
les
orientations stratégiques de son groupe
" afin de
"
progresser vers une qualité plus globale [...]
d'améliorer la compétitivité d'ensemble et de restaurer
les équilibres financiers.
"
Aux termes de son article premier, La Poste doit "
veiller à
l'équilibre économique et à la rentabilité de son
offre de services concurrentiels et à l'absence de toute subvention
croisée issue du secteur réservé qui fausserait la
concurrence
".
Sans détailler plus avant les obligations souscrites par La Poste dans
ce cadre contractuel et qui seront, pour la plupart, exposées dans les
développements qui suivent, il convient de noter que l'Etat s'y engage
à :
- agir au sein des instances de l'Union européenne pour que soit
retenue une conception des services réservés, universels et
obligatoires compatible avec l'équilibre économique de La Poste ;
- assurer la défense des droits exclusifs constitutifs du secteur
réservé de La Poste.
Par ailleurs, on ne peut omettre de signaler que ce contrat de plan
ne
règle pas un certain nombre de problèmes endémiques
.
Il en va ainsi de la question de
la
rémunération des
fonds CCP
et de la
gestion par La Poste du livret A,
ainsi
que le relevait, M. André Fosset, dans son rapport pour avis
établi au nom de la Commission des Affaires économiques sur le
projet de loi de finances pour 1995.
Dans le même ordre d'idées, le récent avis de la Commission
supérieure des postes et télécommunications (CSPTT) sur le
bilan d'exécution du contrat de plan pour 1995 souligne que des
progrès restent à réaliser pour améliorer la prise
en compte du coût du transport de la presse pour La Poste,
"
l'objectif final étant, pour la Commission, que la relation
Presse-Poste se déroule sur le registre exclusivement commercial et
contractuel, les obligations de service public liées au soutien
gouvernemental en faveur du pluralisme d'opinion devant trouver leur
compensation en dehors de cette relation
".
Au total, le cadre légal dans lequel évolue actuellement La Poste
française, même s'il apparaît compter parmi les plus
complexes et s'il présente nombre de spécificités, n'est
pas sans entretenir quelque identité avec ceux que connaissent les
autres postes occidentales.
II. IL EST AUJOURD'HUI D'AUTRES POSTES
Avant d'évoquer les grands traits qui
caractérisent l'organisation des services postaux des différentes
postes occidentales, une brève présentation du marché
postal mondial permet de situer le débat et d'en évaluer les
enjeux.
Le marché mondial
de la poste aux lettres -qui est en
augmentation modérée mais constante depuis 1985- était
évalué, sur la base des statistiques de l'Union Postale
Universelle (UPU), à
502 milliards d'objets transportés par
an
en 1995. Sur ce total, plus de la moitié, soit 265 milliards
d'objets, résulte du trafic existant aux Etats-Unis et dans
l'Union européenne.
ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE LA POSTE AUX LETTRES
(en milliards d'objets)
1985 |
1995 |
|||
% |
% |
|||
Etats-Unis |
137,9 |
36,9 |
178,31 |
35,5 |
Union européenne |
64,9 |
17,4 |
87,29 |
17,4 |
Reste du monde |
170,7 |
45,7 |
236,74 |
47,1 |
Total |
373,5 |
100 |
502,34 |
100 |
(Source : La Poste)
Au sein de ce marché,
la poste française occupe le premier
rang des postes européennes
en termes d'objets transportés.
Elle achemine près de 24 milliards d'objets, dont environ 23,6 pour
le service intérieur et 0,4 au titre du service international, avant
l'Allemagne (19,8 milliards d'objets), le Royaume-Uni (17,2 milliards
d'objets), l'Italie (9,9 milliards d'objets) et les Pays-Bas
(6,9 milliards d'objets).
Le marché mondial du courrier, entendu comme le transport d'objets de
moins de 2 kilogrammes (c'est à dire hors messagerie) est
estimé à
660 milliards de francs
, dont 91 % de
marché domestique, le courrier mondial transfrontières
étant évalué à 60 milliards de francs, dont la
moitié pour le marché européen.
Comparée aux autres postes du monde occidental, la poste
française occupe le troisième rang, avec plus de 80 milliards de
francs de chiffre d'affaires, derrière la poste américaine et la
poste allemande, dont les chiffres d'affaires s'élèvent
respectivement à près de 280 et 97 milliards de francs.
CHIFFRE D'AFFAIRES DES PRINCIPALES POSTES MONDIALES
(en milliards de francs)
Etats-Unis |
Allemagne |
France |
Royaume-Uni |
Italie |
Pays-Bas |
Suède |
280 |
97 |
83 |
49 |
39 |
18 |
17 |
(Source : La Poste)
Les postes occidentales présentent des points communs dans leur statut
et dans les conditions d'exercice de leurs activités. En revanche,
d'importantes différences
26(
*
)
caractérisent les différents opérateurs en termes de
compétences, d'organisation et de fonctionnement.
A. LES CONSTANTES
Les postes occidentales présentent des constantes : elles ont toutes été, à l'origine, des administrations d'Etat ; elles restent organisées à l'échelle des territoires nationaux sous la responsabilité d'opérateurs qui passent progressivement du statut d'administration à celui d'entreprise, en règle générale publique ; ces opérateurs se voient imposer un certain nombre d'obligations de service universel ; le financement de ces obligations s'appuie généralement sur un monopole.
1. Des opérateurs passant du statut d'administration à celui d'entreprise
Hier toutes ministères d'Etat, les postes occidentales sont devenues, principalement au cours des dix dernières années, des opérateurs autonomes, tous publics à l'exception près de la poste néerlandaise. Les évolutions en cours confluent vers un accroissement de l'autonomie des opérateurs, pouvant aller jusqu'à la privatisation.
a) Un principe dominant : le contrôle par l'Etat ; une tendance majeure : moins d'administration, plus d'autonomie
Si la quasi-totalité des postes occidentales sont
contrôlées par l'Etat, cette situation recouvre des
réalités différentes. Certains pays ont opté pour
un établissement ou une entreprise publics, tels les Etats-Unis, la
France, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, la Belgique ou le Danemark ;
d'autres ont procédé à la constitution de
sociétés à capitaux d'Etat. C'est le cas de l'Allemagne,
du Portugal, de la Grèce, de l'Irlande, de la Suède, de la
Finlande ou de l'Autriche.
En Europe, les Pays-Bas font figure d'exception, puisque la poste
néerlandaise est le seul opérateur qui soit majoritairement
contrôlé par des capitaux privés, comme l'illustre le
tableau ci-dessous.
EUROPE POSTALE : ÉLÉMENTS DE COMPARAISON
Pays de l'UE |
Statut juridique |
France |
Exploitant public |
Allemagne |
Société anonyme à capitaux d'Etat |
Royaume-Uni |
Organisme de droit public |
Italie |
Entreprise publique (SA possible en 1998) |
Espagne |
Organisme autonome de droit public |
Portugal |
Société anonyme à capitaux d'Etat |
Pays-Bas |
Société anonyme (Etat : 45 %) |
Belgique |
Etablissement public |
Grèce |
Société anonyme à capitaux d'Etat |
Danemark |
Etablissement public |
Irlande |
Sarl à capitaux d'Etat |
Luxembourg |
Etablissement public |
Autriche |
Société anonyme à capitaux d'Etat |
Suède |
Société anonyme à capitaux d'Etat |
Finlande |
Société anonyme à capitaux d'Etat |
(Source : La Poste)
Aux
Etats-Unis
27(
*
)
, l'United States
Postal Service (USPS) est, depuis 1970, une agence fédérale
(établissement indépendant rattaché à l'Etat)
soumise à la double tutelle du Congrès et de la
Postal Rate
Commission
(pour l'aspect tarifaire et financier). Aux termes de son
statut, la poste américaine ne peut pas constituer de filiales.
En
Grande-Bretagne
, le groupe Post Office est devenu un
établissement public en 1981. Il est soumis à la tutelle du
ministre du commerce et de l'industrie, ainsi qu'aux recommandations du
Post
Office User's National Council
. Depuis mai 1995, il bénéficie
d'une plus grande autonomie, notamment en matière d'investissements.
La poste
espagnole
est un établissement public à
caractère commercial depuis 1992.
Depuis le 1er février 1994, la poste
suédoise
28(
*
)
,
Posten AB, est une holding constituée
sous forme de société anonyme, l'Etat restant détenteur de
la totalité de son capital. Si le Gouvernement social-démocrate
n'envisage pas la privatisation, tel n'est pas le cas de l'opposition.
La
Suisse
prévoit de procéder, par voie
législative, à une transformation de la poste en un
établissement autonome de droit public et à l'ouverture du
marché postal à la concurrence. Cependant, un monopole sera
maintenu pour assurer le service universel.
En 1994, l'administration des postes
italiennes
a été
transformée en entreprise publique, sous le nom de
Ente poste
italiane.
Désormais, l'Italie s'est donnée pour objectif de
" sociétiser "
29(
*
)
la poste
publique, compte tenu de l'assainissement de sa structure financière, de
l'état d'avancement de la restructuration interne et de
l'amélioration de la qualité de service.
b) Une tendance moins marquée : la marche vers la privatisation
Aux
Pays-Bas
30(
*
)
, PTT
POST est une filiale de KPN, société anonyme dont l'Etat a
entamé la privatisation en juin 1994, en cédant d'abord
30 %, puis environ 36 %, du capital. Désormais, l'Etat
détient 45 % du capital de KPN ainsi qu'une action
privilégiée. Depuis 1995, la société est
cotée à la bourse de New York.
Si les Pays-Bas sont, à l'heure actuelle, les seuls à avoir
procédé à la privatisation de leur poste, d'autres pays
ont eu -ou ont- cette ambition.
Ainsi, la
Grande-Bretagne
l'a, un moment, envisagé. La
privatisation des services postaux était, en effet, prévue lors
du lancement des réformes en Grande-Bretagne par Mme Thatcher, mais elle
a été rapidement stoppée. Girobank, la banque postale, a
été vendue à Alliance et Leicester en 1990 ; en
revanche, le projet de privatisation de Parcelforce, la branche colis de Royal
Mail a été abandonné. Le parti travailliste, aujourd'hui
au pouvoir, n'envisage pas la privatisation de la poste, mais pourrait
renforcer la liberté commerciale de l'entreprise.
En
Allemagne
31(
*
)
, le Gouvernement a
déclaré son intention de privatiser les deux
sociétés anonymes que sont Postbank AG et Deutsche Post.
Comme l'y autorise une loi du 1er janvier 1995, il projette de vendre
au secteur privé une partie du capital de Postbank dès 1998 :
d'ici au 1er janvier 1999, la loi l'autorise à céder
jusqu'à 75 % du capital. S'agissant de la Deutsche Post, aux termes
d'une autre loi promulguée à la même date, l'Etat est tenu
de conserver 100 % de son capital jusqu'au 1er janvier 2001. En
tout état de cause, la cession d'une majorité du capital à
des intérêts privés ne peut donc être
envisagée qu'à compter de cette date.
De même, au-delà de l'objectif de
" sociétisation " de Ente poste au
1er janvier 1998,
l'
Italie
projette de procéder à sa privatisation. Cette
dernière est considérée comme seule à même de
remédier à la situation très délicate de la poste
italienne : qualité de service médiocre, importants
déficits (qui ont doublé en 1996, en raison notamment de
coûts salariaux élevés).
2. Des obligations de service universel
Dans tous les grands pays de l'Union européenne ainsi
qu'aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande, l'offre de services postaux
est étendue à tout le territoire et elle porte sur la collecte,
le transport et la distribution des lettres et cartes, ainsi que de la
publicité adressée. Généralement, les seuils sont
de 2 kg.
Tous les pays assurent également le service universel des colis,
à l'exception de la poste belge. Les seuils varient de 10 kg aux
Pays-Bas à 20 kg dans les autres postes, voire à
31,5 kg aux Etats-Unis. La poste belge se voit, quant à elle,
imposer des obligations de service universel élargies à des
services financiers ainsi qu'à la distribution des quotidiens.
Parmi les obligations des opérateurs de service universel, figure celle
de proposer des services à des prix abordables et à un tarif
uniforme sur l'ensemble du territoire, l'uniformité des tarifs
étant réalisée au travers d'une péréquation
tarifaire qui permet de compenser les pertes enregistrées sur les
prestations réalisées à un coût supérieur au
tarif par les bénéfices dégagés par des prestations
dont le coût est inférieur au tarif.
Certains pays réfléchissent cependant à un assouplissement
de ce principe. Il s'agit, notamment, de l'Allemagne et de la Suède.
Ainsi, les suédois envisagent-ils de maintenir un tarif unique pour le
courrier national, mais de moduler les tarifs locaux en fonction des
coûts de distribution dans chaque région.
3. Un monopole garanti
Le financement de ces obligations de service universel est
généralement assuré au moyen d'un monopole, qui est le
plus souvent défini par une loi.
Deux pays nordiques font exception à la règle : la Suède
et la Finlande.
a) La règle : une égalité de traitement postal garantie par des droits exclusifs
Dans l'ensemble des pays occidentaux -à l'exception des
deux cités ci-dessus- le monopole porte sur les lettres et les colis,
ainsi que sur la publicité adressée.
Les seuils de poids et/ou de prix sont cependant variables : 500 g et
11,9 florins aux Pays-Bas ; 1 livre sterling au Royaume-Uni ;
1 kg et 10 deutsche marks en Allemagne ; 2 kg en Italie.
Certaines particularités méritent d'être soulignées
: aux Pays-Bas, au sein de la publicité adressée, seule la
publicité personnalisée est incluse dans le monopole et, en
Allemagne, la publicité adressée est incluse jusqu'à un
seuil spécifique de 100 g. Par ailleurs, en Suède, les colis
ne sont, en pratique, pas distribués à domicile, sauf paiement
d'une surtaxe par le destinataire.
Certains pays envisagent de réduire le périmètre du
monopole ainsi garanti aux opérateurs.
Ainsi, l'Allemagne envisage-t-elle de libéraliser totalement le
publipostage dès le 1er janvier 1998 et le marché des
lettres à compter du 1er janvier 2003. Si le financement du
service de base rencontrait de ce fait des difficultés, elle serait
amenée à constituer un fonds de péréquation
alimenté par l'ensemble des opérateurs.
Par ailleurs, il est probable que le projet de privatisation de la poste
italienne remettra en cause l'étendue du monopole d'Ente Poste.
b) Deux exceptions : la suppression du monopole en Suède et en Finlande
En
Suède
32(
*
)
, le
monopole de la distribution du courrier par la poste nationale a
été aboli le 1er janvier 1993.
Dans un contexte très consensuel, le développement de la
concurrence a été encouragé et la Suède compte
aujourd'hui plus de 100 petits opérateurs locaux. Même si
Posten AB garde un quasi monopole de fait, avec environ 97,5 % du
marché, ces petits opérateurs sont très dynamiques,
notamment City Mail qui représente 1,5 % du marché et voit
son chiffre d'affaires progresser. Cette concurrence a joué un
rôle efficace d'aiguillon à l'égard de l'opérateur
national, qui a considérablement accru sa productivité et s'est
adapté aux besoins des consommateurs.
Les Suédois projettent de réviser leur loi postale au
début de l'année 1998. Ils envisagent la création
d'un fonds de financement du service universel, qui serait alimenté par
l'ensemble des opérateurs, Posten étant dans ce schéma, et
dans un premier temps, à la fois le principal contributeur et le
bénéficiaire de ce fonds puisqu'il a en charge le service
universel.
La
Finlande
a, elle aussi, supprimé le monopole de sa poste
nationale, en 1991. Cette dernière dispose toujours, cependant, de
très larges parts de marché : 80 % pour le courrier et
50 % pour le colis.
Si les paysages postaux dans les pays occidentaux présentent donc de
fortes similitudes, ils comportent également des caractéristiques
très différentes d'un pays à l'autre.
B. LES VARIABLES
Ces variables concernent les compétences financières des opérateurs postaux, le statut de leurs personnels, la taille de leur réseau et les éventuelles compensations financières dont ils peuvent bénéficier au titre de leurs missions.
1. Les compétences financières
Toutes les postes occidentales exercent une certaine activité financière ; certaines d'entre elles vont jusqu'à proposer une large palette de produits bancaires et d'assurance. Cependant, leurs compétences sont plus ou moins étendues et leurs activités s'exercent dans des cadres juridiques très variables.
a) Toutes les postes occidentales exercent une certaine activité financière
Les postes occidentales proposent des services comme la
gestion de comptes à vue et assurent généralement toute la
gamme des moyens de paiement (mandats postaux nationaux et internationaux,
chèques, virements nationaux et internationaux, cartes, distributeurs de
billets, ...).
Pour certaines postes, des services financiers de base font même partie
intégrante du service universel. C'est ainsi, par exemple, que la poste
suisse est tenue d'ouvrir un compte à vue gratuit pour toute personne
âgée de plus de 14 ans ou d'effectuer le paiement à
domicile des pensions des retraités qui le souhaitent. La poste
italienne est, quant à elle, tenue d'assurer les services de collecte de
l'épargne postale pour la Caisse des Dépôts et Prêts,
des services de compte courant postal, ainsi que certains autres services
financiers. Elle ne peut, en revanche, accorder de prêts ni même de
découverts.
Certaines postes ne peuvent proposer que des services financiers de base.
D'autres peuvent offrir une large gamme de produits bancaires et d'assurance.
b) La palette des produits bancaires et d'assurance proposés est plus ou moins étendue
Alors que les postes américaine, grecque, belge ou
suisse ne proposent que des services très restreints et que les postes
française, irlandaise ou italienne ne sont pas autorisées
à effectuer des opérations de crédit
33(
*
)
, la
poste finlandaise distribue l'ensemble des
services bancaires, principalement en direction des particuliers.
La poste suédoise peut, quant à elle, accorder des crédits
et offrir des comptes rémunérés, mais subit certaines
restrictions d'activité en termes de collecte maximale ou d'encours
maximaux de crédits gérés. Elle n'est pas obligée
de centraliser les dépôts collectés vers une autre
entité. Elle distribue également des produits bancaires d'un
autre réseau ainsi que des produits d'assurance.
La poste espagnole (Caja Postal) offre une large gamme de produits et occupe
une part de marché non négligeable sur le créneau des
prêts immobiliers aux particuliers.
Aux Pays-Bas, Postbank est autorisée à effectuer l'ensemble des
opérations de banque et d'assurance. Il en est de même pour la
Deutsche Postbank.
Ces différences de compétences s'accompagnent d'importantes
différences de statut.
Le schéma ci-dessous présente de façon simplifiée
les différents services financiers postaux européens selon le
double critère de la dominante de l'activité (financière
et bancaire ou de service public) et du statut et mode de fonctionnement
(à dominante de droit privé ou de droit public).
GRILLE SIMPLIFIÉE D'ANALYSE
DES DIFFÉRENTS
SERVICES FINANCIERS POSTAUX EUROPÉENS
Graphique
Source : Association française des banques.
c) Un cadre juridique diversifié
Dans certains pays, tels que la Belgique, l'Italie, la
Grèce ou le Luxembourg, les services financiers -fortement
limités, on l'a vu- sont
un département de la poste
et,
à ce titre, ne sont pas soumis
à la loi bancaire.
Ailleurs, de nombreux pays ont choisi de séparer activités
courrier et activités financières,
cette séparation
recouvrant des modalités juridiques différentes
.
Nombre de services financiers sont dotés du statut de
personne
morale de droit public
, comme en Espagne.
Postgirot Bank, filiale
bancaire de la poste suédoise, relève de la loi bancaire.
La Postipankki Ltd finnoise est une entité autonome
propriété de l'Etat, tout comme les services financiers
norvégiens. En Irlande, An Post est une société par
actions.
L'Allemagne a décidé de transformer, en 1995, la Deutsche
Postbank en société anonyme de droit commun, soumise à la
loi bancaire, ayant l'Etat pour unique actionnaire. Depuis cette date, le
projet de privatisation de la Deutsche Postbank a connu des rebondissements. La
séparation des activités postales et financières de
l'ancienne Deutsche Bundespost, réalisée sans mise au point
préalable des conditions d'utilisation du réseau postal par
Deutsche Postbank, a posé et pose encore de si importants
problèmes, que d'aucuns -y compris parmi les dirigeants- la regrettent.
Il a d'ailleurs été nécessaire de revoir les
modalités de leur coopération : Deutsche Post recevra une
fraction du capital de la Postbank, qui sera la seule habilitée à
opérer dans les bureaux de poste. En contrepartie, la poste allemande
recevra une indemnité de 4,7 milliards de francs par an,
progressivement ramenée à 750 millions de francs en 2001.
Trois pays sont allés jusqu'à privatiser les services
financiers : l'Espagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas,
et à les
intégrer dans des groupes bancaires privés.
C'est ainsi que la Caja Postal espagnole est une société anonyme,
dont l'Etat ne détient plus que 25,9 % du capital.
En Grande-Bretagne, l'établissement public autonome Girobank a
été cédé, en 1990, à une
société financière privée, dont elle est devenue
une filiale très spécialisée dans la gestion de fonds pour
le secteur du commerce de détail. De façon contractuelle, cette
filiale continue cependant à utiliser les bureaux de poste pour
distribuer ses produits.
Aux Pays-Bas, les services financiers ont été
séparés de KPN en 1988, avant d'être privatisés en
1990. L'Etat n'en détenait plus que 25 % des parts dès cette
date. La Postbank a fusionné avec une banque (NMB) puis avec la
première compagnie d'assurance néerlandaise (la NatNed) et
relève désormais du groupe bancaire ING. En 1993, Postbank et la
poste néerlandaise ont créé un
joint venture
(Postkantoren) en vue de distribuer des services financiers à travers le
réseau des bureaux de poste.
2. Les statuts des personnels
A l'instar des compétences financières, les
statuts des personnels des opérateurs postaux occidentaux sont
marqués par des contrastes prononcés.
Partout, le secteur postal est un important pourvoyeur d'emplois. Sait-on qu'en
Europe, environ 1,4 million de personnes sont employées par les
opérateurs postaux publics ? La Poste compte, bien souvent, parmi
les premiers employeurs du pays. Ainsi, un Français sur 206 est
postier
34(
*
)
. C'est le cas pour un Allemand sur
260, un Anglais sur 307, un Néerlandais sur 422 ou un Espagnol sur
602.
Un mouvement se dessine cependant vers une stabilisation et assez souvent une
contraction plus ou moins importante des effectifs. Par ailleurs, quoique les
statuts de ces personnels soient très divers, on note une
évolution plus ou moins marquée vers des statuts
" mixtes " ou relevant du droit du travail.
a) Vers une stabilisation ou, assez souvent, une contraction des effectifs...
Tant la mécanisation du tri des lettres et objets que
l'irruption de la concurrence sur certains segments du marché postal,
ont incité ces postes à contenir, voire bien souvent à
réduire, leurs effectifs.
Certaines se sont contentées de les stabiliser. Tel est le cas, par
exemple, de la poste américaine qui, après avoir supprimé
brutalement 30.000 emplois, a dû faire marche arrière en
raison de dysfonctionnements liés à ces départs massifs.
Nombre d'autres ont opté pour une politique plus progressive de
réduction de leurs personnels qui -dans quasiment tous les cas- exclut
les licenciements.
La poste britannique a ainsi procédé à une contraction
limitée de ses personnels (de l'ordre de 1 % au cours des quatre
dernières années).
La poste allemande a, de son côté, engagé une politique de
rétrécissement de son périmètre d'effectifs, en
supprimant 19.000 emplois.
Pour accroître sa productivité et s'adapter à
l'évolution des besoins des consommateurs, la poste suédoise est
passée en six ans, de 65.000 à 42.000 personnes, soit
une diminution d'un tiers. Compte tenu des postes à temps partiel ou
saisonniers, le principal syndicat -qui regroupe 80 % des personnels-
estime que le nombre de suppressions d'emplois à plein temps est en
réalité plus proche de 10.000, compte tenu des emplois à
temps partiel. Dans tous les cas, il ne s'émeut nullement de cette
évolution, dont il considère qu'elle ne peut que favoriser
l'efficacité de l'économie nationale.
b) ... accompagnées d'un élargissement du marché des emplois postaux et dérivés
Ces mouvements sont toutefois accompagnés, dans les
pays ayant déjà ouvert leur marché postal à la
concurrence, par des embauches significatives dans les nouvelles entreprises se
positionnant sur le marché. On évalue ainsi à environ
400.000 les personnes employées par des opérateurs postaux
privés (près du quart de l'ensemble des emplois du secteur).
D'après une étude réalisée par un cabinet d'audit
international pour la Commission européenne, le nombre de ces personnes
devrait progresser de 10 % d'ici l'an 2000 et de 5 % entre 2000 et
2005.
En Suède par exemple, City Mail, concurrent encore émergent de
l'opérateur national, a d'ores et déjà créé
800 emplois. Le syndicat qui regroupe 80 % des postiers compte
d'ailleurs, parmi ses nouveaux adhérents, des employés des
opérateurs privés. En outre, un certain nombre d'anciens
employés de Posten AB ont créé leur propre entreprise
de services postaux.
Par ailleurs, beaucoup d'experts du secteur soutiennent que, pour
évaluer l'impact de l'évolution du paysage postal occidental sur
l'emploi, il convient de tenir compte des créations d'emplois par les
acteurs postaux privés du marché, mais aussi de celles permises
par les gains de productivité réalisées par l'ensemble des
secteurs économiques grâce à la plus grande
compétitivité des services postaux.
c) Une tendance plus ou moins soutenue au recours à des statuts " mixtes " ou relevant du droit du travail
Comme le montre le tableau ci-dessous, le personnel des postes européennes est maintenant assez fréquemment soumis, en totalité ou en partie, à des statuts régis par le droit commun du travail : seuls les postiers belges et luxembourgeois dans leur totalité sont fonctionnaires . Un système mixte existe en France, en Allemagne, en Espagne, au Danemark, en Irlande et en Autriche. Les postiers relèvent tous des règles du droit du travail dans un nombre croissant d'Etats, au nombre desquels on compte : la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Suède, la Finlande, le Portugal et la Grèce.
EUROPE POSTALE : NOMBRE ET STATUT DES POSTIERS
Pays de l'UE |
Nombre de postiers |
Statut juridique |
France |
282 529 |
Fonctionnaires et contractuels |
Allemagne |
314 905 |
Fonctionnaires et contractuels |
Royaume-Uni |
191 000 |
Salariés de droit privé |
Italie |
188 564 |
Salariés de droit privé |
Espagne |
65 142 |
Fonctionnaires et contractuels |
Portugal |
15 954 |
Salariés de droit privé |
Pays-Bas |
36 707 |
Salariés sous contrat collectif |
Belgique |
46 597 |
Fonctionnaires |
Grèce |
11 572 |
Salariés de droit privé |
Danemark |
25 027 |
Fonctionnaires et auxiliaires |
Irlande |
9 863 |
Fonctionnaires et contractuels |
Luxembourg |
1 600 |
Assimilés fonctionnaires |
Autriche |
30 483 |
Fonctionnaires et contractuels |
Suède |
46 048 |
Salariés de droit privé |
Finlande |
24 614 |
Salariés de droit privé |
Au total, il apparaît que partout, y compris en France, l'introduction d'une certaine souplesse dans le régime d'emploi est désormais considérée comme nécessaire.
3. Les réseaux
La densité postale est très variable : elle dépend bien entendu de la densité de population et de la répartition de cette dernière sur le territoire, ainsi que de la conception qu'adopte chaque pays de l'animation territoriale par le réseau postal. Celle-ci conditionne aussi le statut du réseau : exclusivement postal ou en partenariat avec le secteur privé.
a) Une densité postale très variable
Comme le montre le tableau suivant, la densité postale européenne, c'est-à-dire le rapport entre la population et le nombre de points de contact postaux, varie dans de très fortes proportions : du simple au double, si l'on ne tient compte que des plus grands pays européens.
LA PRÉSENCE POSTALE DANS L'UNION EUROPÉENNE EN 1995
Population
|
Densité démographique au km 2 |
Nombre de points de contact postaux |
Nombre d'habitants par point de contact |
|
Allemagne |
81,8 |
229 |
20 000 |
4 090 |
Espagne |
39,2 |
77 |
11 372 |
3 477 |
France |
58,2 |
106 |
16 877 |
3 448 |
Italie |
57,7 |
191 |
14 400 |
4 006 |
Pays-Bas |
15,5 |
455 |
2 300 |
6 739 |
Royaume-Uni |
58,6 |
240 |
19 525 |
3 001 |
Source des données brutes : Atlas économique
et rapports d'activité des postes européennes citées.
On pourrait penser a priori qu'entre les pays la présence postale serait
le reflet inversé des écarts de densité de leur
population, c'est-à-dire que plus le pays serait densément
peuplé, moins le réseau postal serait étendu.
En réalité, la corrélation entre ces deux données
n'apparaît pas évidente. Ainsi, l'Allemagne, par exemple, avec une
densité de population plus de deux fois supérieure à celle
de la France (229 habitants au km², contre 106 dans notre pays, en
1995) a une densité postale inférieure de seulement 12 %
à la nôtre (un point de contact postal pour 4.090 habitants en
Allemagne ; un pour 3.448 habitants en France).
De fait, la présence postale résulte essentiellement de la
politique menée par chaque pays en matière de réseau
postal et d'aménagement du territoire.
Dans certains pays, la taille du réseau a assez peu évolué
depuis le début du siècle. Tel est le cas de
la France
où, en outre, le moratoire relatif à la fermeture des services
publics dans les zones rurales, a puissamment continué à
stabiliser la situation depuis 1993.
La procédure de fermeture d'un bureau de poste aux
Etats-Unis
est
assez longue et complexe (elle est soumise à l'accord de la
Postal
Rate Commission
). Le réseau a cependant été
réduit de près de moitié depuis le début du
siècle et compte aujourd'hui un peu moins de 39.400 points de
contact, soit 2,3 fois plus qu'en France pour un territoire 17 fois plus
important.
Un certain nombre de pays européens, quant à eux,
procèdent à une transformation profonde de leur réseau
postal, en vue de diversifier et d'améliorer le service rendu à
leur clientèle et d'irriguer l'ensemble du territoire, tout en
réduisant les coûts.
Dans cette perspective, deux éléments objectifs sont le plus
souvent pris en compte en termes de politique d'aménagement du
territoire : la densité de population et l'accessibilité au
bureau de poste.
L'
Allemagne
, par exemple, a réduit son réseau de
26.000 points de contact
35(
*
)
en 1994
à 17.000 en 1996. Elle respecte ainsi, cependant, un
principe
de proximité
en vertu duquel chaque ménage
doit se trouver à une distance de moins de deux kilomètres d'un
bureau de poste ou être desservi par une tournée de distribution.
Au 1er janvier 2000, la poste allemande prévoit de continuer
à exploiter 6.000 bureaux, 6.000 agences postales étant
franchisées et le nombre de services mobiles étant porté
à 20.500.
En
Belgique
, le réseau postal est adaptable, mais toute fermeture
d'un bureau éloigné de plus de 5 kms d'un autre bureau
requiert l'approbation de l'Etat.
En
Grande-Bretagne
, s'applique le principe de proximité suivant :
- en zone urbaine, la distance entre deux bureaux doit être
inférieure à un mile (soit 1,6 km) ;
- en zone rurale, autant que faire se peut, l'usager ne doit pas se
trouver éloigné de plus de deux miles (3,2 kms) d'un bureau
de poste.
La suppression d'un bureau est cependant admise lorsqu'il s'avère
impossible de trouver une solution de remplacement adaptée. C'est ainsi
que plus de 150 bureaux de poste ont été fermés au
cours des dernières années.
Aux
Pays-Bas
, la dimension du réseau est déterminée
par des critères fixés réglementairement qui prennent en
compte la densité de la population et la proximité : minimum de
5.000 habitants et distance maximale de 5 kms entre deux bureaux.
De 1991 à 1994, KPN a été autorisée à fermer
325 points de contact et a procédé, au-delà de cette
autorisation, à 350 fermetures supplémentaires respectant
les critères ci-dessus. Une centaine d'autres pourraient intervenir
entre 1995 et 1998.
Toutefois, dans les communes de moins de 5.000 habitants ne disposant pas
d'un bureau de poste, KPN se trouve dans l'obligation de mettre en place une
offre de service alternative.
b) Réseau strictement postal ou partenariat avec le secteur privé
Dans certains pays, la vente de produits postaux est presque
exclusivement confiée aux postiers et la poste est propriétaire
de la grande majorité des guichets. C'est le cas de la France
36(
*
)
ou des Etats-Unis, par exemple.
Mais, un nombre croissant de pays jugent que la faible activité de
certains bureaux, en dépit d'une diversification croissante de leurs
activités, entraîne un coût exorbitant pour la
collectivité. Ils ont cherché des solutions qui permettent
à la fois de maintenir une activité commerciale dans des zones
isolées et d'y assurer un service aux consommateurs de qualité
égale, voire meilleure, et à un moindre coût. C'est dans
cet esprit que
beaucoup de nos partenaires européens procèdent
à une rationalisation de leur réseau sous le signe du partenariat
avec le secteur privé.
En effet, la transformation du réseau postal dans les pays
concernés emprunte deux voies :
- la suppression pure et simple d'un certain nombre de bureaux ;
- le plus souvent, leur transformation en points de contact postaux,
n'appartenant plus à la poste, mais relevant d'un partenariat avec le
secteur privé.
La
Grande-Bretagne
a engagé, dès 1983, un vaste
partenariat de ce type : sur 19.414 points de contact, 96 % sont
confiés à des entreprises respectant un cahier des charges. Seuls
les bureaux urbains les plus importants sont sous le contrôle direct de
Post Office Counters. Les autres points de contact sont franchisés,
qu'il s'agisse de bureaux situés dans des supermarchés, dans des
épiceries ou dans des magasins de presse. Certaines agences
franchisées, dont la rentabilité n'est pas envisageable, sont
subventionnées.
Ce franchisage a permis d'éviter la fermeture pure et simple de bureaux
de poste, ce qui contribue à maintenir la présence et le
rôle social du service postal dans les zones rurales.
La
Suède
a, quant à elle, procédé à
une stricte rationalisation de son réseau. En six ans, le nombre de
bureaux de poste y est ainsi passé de 2.200 à 1.151. Cependant,
1.809 points de contact restent, au total, à la disposition du
public (au 1er mars 1997).
Sur ce total, outre les 1.151 bureaux de poste , 403 (22 %) sont
des " agences de magasin ", situées notamment dans des
supermarchés ou des stations services, et n'appartenant donc pas
à la poste ; 157 (9 %) sont des " agences de
proximité ", qui ne font pas d'opérations financières
et se contentent d'acheminer des envois postaux ; enfin, 98 autres
guichets de service (6 %) sont situés dans des magasins, sur le
parcours des facteurs ruraux. Cette évolution s'est
déroulée dans un climat très consensuel, la qualité
du service ayant été perçue comme meilleure par les
consommateurs.
L'
Allemagne
procède, elle aussi, à la franchise d'un
certain nombre de ses bureaux. Elle prévoit l'existence, au 1er janvier
2000, de 6.000 bureaux de poste, de 6.000 agences postales
exploitées par des personnes privées, ainsi que le
développement de guichets mobiles.
Aux
Pays-Bas,
KPN a également procédé à une
réorganisation spatiale progressive de son réseau. En
l'an 2000, sur 2.300 points de contact postaux, seulement 300
devraient être gérés par la poste néerlandaise,
tandis que les 2.000 autres seraient franchisés.
Une
tendance de fond
se dessine donc en ce sens au sein des pays
occidentaux.
4. La contribution de l'Etat au financement des missions d'intérêt général
Comme on l'a vu, les obligations de service universel sont le
plus souvent financées dans le cadre d'un monopole.
Cependant, au-delà du service universel et même si elles ne se
posent pas avec la même acuité selon la configuration des
territoires et la densité de population des pays,
les
préoccupations d'aménagement du territoire sont
présentes
dans pratiquement tous les pays.
Certains considèrent qu'en outre les charges qui incombent à ce
titre à l'opérateur national nécessitent un soutien
financier public. Telle est la politique menée
en France
, par
exemple, où La Poste bénéficie de certains abattements
fiscaux destinés à compenser les charges d'aménagement du
territoire qui lui incombent.
Cette politique est assez peu suivie, mais d'autres pays que la France ont
choisi cette voie. Il apparaît néanmoins que, dans ceux-là,
le soutien de l'Etat prend plus souvent la forme d'une subvention que d'un
abattement fiscal.
C'est ainsi, par exemple, que la
poste belge
facture
périodiquement à l'Etat, sur la base des coûts
réels, les prestations fournies à un prix inférieur au
prix de revient. A titre transitoire, cette intervention se situe à un
niveau maximum d'environ 1,3 milliard de francs français.
En
Italie
, le Gouvernement accorde à la poste des subventions pour le
maintien de bureaux à faible trafic dans les régions
reculées.
L'Etat suédois
octroie une subvention à
la poste de 200 millions de couronnes (166 millions de francs) pour
la fourniture des services financiers de base, lorsque ces derniers ne sont pas
rentables et qu'il n'y a pas de service alternatif, c'est-à-dire
d'agence bancaire dans la commune concernée.
Par ailleurs, l'Etat suédois lance, chaque année,
trois appels d'offre concernant la fourniture de services postaux
destinés à certaines populations handicapées et de
services en temps de crise ou de guerre (en cas de dysfonctionnement des
services de base). La poste a, jusqu'ici, remporté ces adjudications,
pour un montant total de 115 millions de couronnes (95 millions de
francs environ), en 1996.
CHAPITRE II -
LA POSTE, OPÉRATEUR MAJEUR
DU SERVICE PUBLIC
Le public le sait, le Parlement l'a affirmé
clairement : La Poste est une entreprise publique chargée de
missions de service public.
Son appartenance au secteur public est affirmée d'emblée par
l'article premier de la loi de juillet 1990
37(
*
)
qui qualifie La Poste d'exploitant public
38(
*
)
. A ce titre, le législateur l'a chargée
de concourir dans son secteur d'activité à l'effort national de
recherche-développement
39(
*
)
et de
contribuer à certaines missions de l'Etat (contribution aux missions de
défense et de sécurité publique, aux missions de
réglementation et de normalisation, à la promotion de
l'innovation et de la technologie française à l'étranger,
à la coopération technique internationale et à l'aide au
développement
40(
*
)
).
Surtout, la loi a imparti à l'opérateur public
trois missions
d'intérêt général
41(
*
)
:
- le service public du courrier (article 2, alinéa 2) ;
- la participation à l'aménagement du territoire
(article 8, alinéa 8 mais aussi articles 6 et
38
42(
*
)
)
- le service public de la distribution de la presse (article 2,
alinéa 2).
Cependant, pour votre rapporteur, La Poste assume également, de fait,
une tâche d'intérêt général au travers de ses
services financiers en favorisant l'accès du plus grand nombre aux
prestations de nature bancaire et en assumant ainsi, souvent au
détriment de ses intérêts strictement commerciaux, un
rôle de " trésorier social " des plus
démunis
43(
*
)
.
Courrier, territoire, presse et prestations financières aux exclus du
système bancaire de droit commun dessinent donc, selon lui, le
quadrilatère du service public postal tel qu'il est ressenti par la
population, par les postiers et par une grande majorité d'élus
nationaux ou locaux.
I. LA POSTE, C'EST LE COURRIER AU MÊME PRIX, POUR TOUS, PARTOUT
A. LE SERVICE PUBLIC DU COURRIER : L'AÏEUL DES SERVICES PUBLICS DE LA VIE QUOTIDIENNE
A étudier l'histoire multiséculaire de la poste
en France
44(
*
)
votre rapporteur a
été frappé de constater qu'en prenant comme
critères les principes qui caractérisent aujourd'hui un service
public, le service du courrier était de facto le premier service public
du quotidien à avoir été institué en France.
En effet, que crée l'Assemblée nationale de la
IIe République naissante si ce n'est un service public au sens
contemporain du terme lorsque, le 24 août 1848, à
l'initiative d'Etienne Arago, elle décide que l'affranchissement
"
des lettres à destination du territoire métropolitain
et de l'Algérie serait fixé uniformément à
20 centimes pour la lettre simple jusqu'au poids de 7 grammes et
demi, à 40 centimes pour les lettres de 7 grammes et demi
à 15 grammes et à un franc jusqu'à 100 grammes,
avec un franc supplémentaire par 100 grammes d'excédent
"
?
Le service du courrier qui découle de cette décision
n'accomplit-il pas une
mission d'intérêt
général
? Ne respecte-t-il pas désormais les
principes
d'égalité
-tous ses usagers payent le même
prix pour une même catégorie d'envoi-,
d'universalité
-il est assuré quotidiennement sur l'ensemble du territoire depuis
que la Monarchie de Juillet l'a généralisé dans les
campagnes- et de
continuité
-il est assuré par des
fonctionnaires- qui, à l'époque, n'ont d'ailleurs pas le droit de
faire grève
45(
*
)
? Quant au principe
de
mutabilité
qu'ajoutent souvent certains juristes à
cette trilogie centrale pour exprimer l'obligation pour le service de s'adapter
aux circonstances et à l'évolution des besoins, comment douter
que le courrier y répond ? L'histoire de La Poste n'en
apporte-t-elle pas le témoignage flagrant ?
Ainsi, dès le milieu du siècle dernier, avant même que la
doctrine et la jurisprudence administratives soient amenées à
envisager de construire l'unité du droit administratif autour de la
notion de service public
46(
*
)
, avant qu'on
assiste à compter de la fin du XIXè siècle à
la multiplication -notamment au niveau municipal- d'activités
répondant à cette qualification, bien avant
qu'avec la
Libération, le service public devienne un élément central
de l'organisation économique et sociale du pays, le service du courrier
en exprimait l'idée à défaut de la lettre.
Certes, en 1848, d'autres actions administratives correspondent
déjà à la conception que nous avons aujourd'hui du service
public. Songeons par exemple, à la Justice, voire aux missions de
maintien de la paix civile confiées à la police et à la
gendarmerie.
Cependant, à cette époque, ni le juge, ni le policier, ni
même le gendarme -très présent dans les campagnes-
n'occupent dans la vie quotidienne des Français une place
équivalente à celle du facteur. Les uns assurent des services
indispensables mais abstraits, marqués d'une image
répressive ; l'autre, caractérisé par la
serviabilité, accomplit une tâche concrète dont
l'utilité est directement perceptible.
En définitive, seul l'instituteur pourrait se comparer au facteur en ce
domaine. Mais, l'école publique, laïque et obligatoire ne sera
créée par Jules Ferry que plus d'un tiers de siècle
après la révolution postale de 1848.
Le service du courrier est donc indéniablement l'aïeul, toujours
alerte, des services publics de la vie courante.
Son droit d'aînesse ne joue d'ailleurs pas que sur ce terrain. En effet,
à l'époque -et de ce point de vue l'instauration
ultérieure de l'école publique ne changera rien-, La Poste est le
seul grand service d'Etat qui soit financé non par le produit anonyme
de l'impôt mais par le paiement d'un prix à la prestation.
En cela, elle se révèle l'alma mater de tous nos services
industriels et commerciaux d'Etat. Le télécommunicant, le gazier,
l'électricien, le cheminot ne le savent peut être plus, mais leur
grand ancêtre commun, c'est le postier.
Le courrier se révèle donc être aussi le coeur
historique du service public entrepreneurial.
B. UNE MODERNITÉ AFFIRMÉE ET GARANTIE PAR LE MONOPOLE
1. Une modernité affirmée par les textes constitutifs de la réforme de 1990
Créé implicitement en 1848, le service public du courrier a été par la suite officialisé dans les textes qui ont été regroupés au sein du code des postes et télécommunications lors de la création de ce dernier. Avec la loi de 1990, le service public a en quelque sorte connu une " refondation juridique " puisque non seulement il est -nous l'avons vu- affirmé dès l'article 2 de la loi mais qu'en outre son contenu et ses modalités d'exécution se trouvent confirmés par deux documents pris sur ce fondement : le cahier des charges de La Poste 47( * ) et le contrat de plan entre l'Etat et celle-ci 48( * ) .
Le service public du courrier
dans le cahier des charges
et le contrat de plan de La Poste
Dans son article 3, le cahier des charges dispose que :
"
Le service public du courrier
est
constitué des services du courrier nationaux et internationaux, dont
l'exclusivité est réservée à La Poste par les
dispositions combinées des articles L. 1 et L. 2 du code
des postes et télécommunications, ainsi que des services
d'acheminement et de distribution de la presse mentionnés à
l'article 6. Peuvent également être soumis à certaines
obligations de service public les services obligatoires mentionnés
à l'article 5.
La Poste exerce ses missions de service public dans le respect du principe
d'égalité de traitement des usagers ; cette égalité
de traitement concerne notamment l'accès aux services et leur
tarification. La Poste assure la disponibilité, la neutralité, la
rapidité et l'adaptation constante de ses prestations.
Le service public du courrier offert par La Poste dessert l'ensemble du
territoire en prenant en compte les orientations générales de la
politique gouvernementale, notamment en matière d'aménagement du
territoire.
La péréquation tarifaire constitue l'un des moyens permettant
à La Poste d'assurer ses missions de service public, tout en prenant en
compte ses coûts de production.
Afin de faciliter l'accès au service public pour tous, La Poste prend en
compte les besoins spécifiques des personnes handicapées.
La Poste met en oeuvre progressivement, pour la satisfaction des besoins de
l'ensemble des usagers, les améliorations du service public rendues
possibles par les progrès scientifiques et techniques.
La Poste assure en permanence la disponibilité du service public du
courrier pour l'ensemble des usagers. Toutefois, lorsque, en raison de
circonstances exceptionnelles, les services publics sont interrompus ou
perturbés, La Poste prend les dispositions utiles pour rétablir
le service dans les meilleurs délais. Dans ce cas, elle peut
temporairement limiter l'accès à certains services. Elle
communique au Ministre chargé des Postes et
Télécommunications et aux représentants de l'État
concernés les mesures prévues à cet effet et les informe
de leur mise en oeuvre.
La Commission supérieure du service public des Postes et
Télécommunications veille à l'application de ces
principes. "
Par ailleurs, pour être complet, il convient de rappeler que
ce
service public est également soumis aux conditions
générales d'offre du courrier
qui sont
énumérées à l'article 2 du même cahier
des charges :
" Dans le cadre de son autonomie de gestion et des dispositions du
présent cahier des charges, La Poste définit la gamme de ses
services en fonction des besoins des usagers et organise les moyens dont elle
dispose de façon à satisfaire les objectifs de qualité de
service fixés par le contrat de plan. La Poste distribue tous les jours
ouvrables, à l'adresse indiquée par l'expéditeur, les
objets de correspondance qui lui sont confiés.
La Poste dispose des boîtes aux lettres sur la voie publique de
manière à les rendre accessibles en permanence. Elle en assure la
relève régulière au moins chaque jour ouvrable.
Le paiement par l'expéditeur des frais d'acheminement et de distribution
des objets confiés au service postal peut être effectué au
moyen de figurines postales d'affranchissement ou par tout autre moyen
défini contractuellement entre La Poste et l'usager.
Dans le cadre des orientations fixées par le Gouvernement, les
conditions de liaison avec les territoires d'outre-mer sont
précisées par des conventions entre les offices territoriaux et
La Poste, soumises à l'approbation du Ministre chargé des Postes
et Télécommunications. "
Les dispositions qui viennent d'être mentionnées ont
été précisées dans les deux contrats de plan
successivement signés entre L'État et La Poste depuis 1991
.
Ainsi les articles premier, 2 et 5 de celui couvrant la
période 1995-1997 traitent respectivement des missions et
orientations stratégiques en matière de courrier, les
orientations de la politique tarifaire du courrier. Certaines de ces
stipulations se doivent d'être mentionnées.
Ainsi,
l'article
premier
fixe à La Poste un certain
nombre de
grandes orientations stratégiques
notamment :
" - consolider l'écrit comme support de communication, en
être le prestataire de référence par une offre de services
compétitive (...) ;
- moderniser son offre de services en y intégrant des prestations
s'appuyant sur des modes de transmission électronique ;
- conforter sa position sur le marché du transport des marchandises
;
- promouvoir les savoir-faire de la distribution et les valoriser à
travers une offre de services différenciés (...) ;
- se préparer en terme de compétitivité à
l'ouverture graduelle et maîtrisée du secteur postal à la
concurrence, par un effort soutenu de développement et de
productivité ainsi que par l'aménagement de sa politique
tarifaire ;
- élargir à la satisfaction des clientèles les
indicateurs de qualité de service et de performance ; pour cela, faire
de la satisfaction des clientèles, à travers une démarche
construite de qualité, la valeur de référence du
courrier ".
Concernant la démarche construite de qualité prévue par
le dernier point ci-dessus, l'article 5 prévoit entre autres que :
" La Poste poursuivra la mesure par un organisme externe de la
qualité de service du courrier. Par rapport à ce système
de mesure externe, elle se fixe comme objectif à l'horizon du contrat de
plan de porter à 80 % le taux de remise des lettres à
J + 1 et 96 % à J + 2 pour le courrier
domestique métropolitain (respectivement 77,9 % et 93,9 % en
1993). ".
Au total, les obligations pesant sur La Poste au titre du service public du
courrier sont donc fort importantes.
C'est pourquoi ce service est
organisé sous forme de monopole (article 3 du cahier des charges
précité).
2. La garantie du monopole
Le monopole
de La Poste couvre les objets de
correspondance de moins de un kilogramme quelles que soient leur nature et leur
provenance (le publipostage et le courrier transfrontière y sont
inclus). Il
englobe 75 % du chiffre d'affaires des activités
courrier et messagerie
de La Poste, c'est-à-dire plus de
45 milliards de francs en 1996.
Outre sa
fonction financière
-assurer à La Poste les
moyens de ses missions-, ce monopole a une double finalité
économique et sociale.
Au plan économique,
il engendre une massification des flux,
source d'économies d'échelle qui permettent d'abaisser le
coût moyen des opérations postales.
Au plan social
, il est le support de la
" postalisation "
49(
*
)
du
pays puisque
c'est au travers du monopole que s'établit la péréquation
des tarifs du courrier
50(
*
)
. Celle-ci a pour but
d'instaurer une égalité des prix entre les usagers en calculant
le montant de l'affranchissement sur une moyenne des coûts de production
au-delà de laquelle les dépenses entraînées par la
desserte des zones les moins peuplées et les plus difficiles
d'accès sont compensées par les excédents
enregistrés -par rapport à cette moyenne- par les dessertes des
zones démographiquement les plus denses et les plus faciles
d'accès.
Notons, au passage que, si le monopole constitue le moyen le plus simple pour
atteindre ce résultat, il n'est pas le seul mécanisme pouvant
être mis en oeuvre à cette fin. Des subventions des budgets
publics ou des compensations versées par des fonds de
péréquation peuvent constituer des solutions alternatives, certes
plus complexes mais, en définitive, d'une efficacité
équivalente. En l'état actuel, la directive postale en
préparation à la Commission de Bruxelles ouvre cette
possibilité comme alternative, ou complément du monopole. En
France, par exemple, des fonds de ce type ont été
créés dans le domaine du transport aérien et des
télécommunications
51(
*
)
. Ils sont
alimentés par des prélèvements versés par les
entreprises intervenant sur ces secteurs et calculés en fonction du
montant des activités qu'elles y réalisent.
Au vu de ses caractéristiques, le monopole du courrier présente
une sensibilité particulière à trois
phénomènes :
-
une contraction de son étendue
qui porte en germe un
accroissement du coût moyen des prestations pour cause de
réduction des économies d'échelle ;
-
un " écrémage " du marché postal
par les concurrents captant les clientèles ou les produits les plus
rémunérateurs et ne laissant à l'exploitant public que les
tâches les moins profitables. Une situation de cette nature emporte des
effets identiques à ceux de la précédente ;
- le maintien d'
un recours abusif aux ressources du monopole
pour
équilibrer des comptes globaux grevés par des missions
d'intérêt général, insuffisamment compensées
par les budgets publics.
Or, force est de constater, sur ce dernier point, que de tels
détournements du monopole postal n'ont pas été
exceptionnels dans le passé car, pendant longtemps, ils ont
présenté pour l'administration des finances l'avantage
d'alléger la facture fiscale du contribuable en en transférant le
surplus sur l'usager du service public, quitte à augmenter pour ce faire
le prix du timbre
Dans le cadre de la loi de 1990, cela semble notamment avoir été
le cas des charges de participation de La Poste à l'aménagement
du territoire.
II. LA POSTE, C'EST LE TERRITOIRE
La formule constitue l'un des sous-titres du rapport de la
mission sur la présence postale
52(
*
)
demandée par le Gouvernement à notre collègue,
M. Gérard Delfau, en 1990. Elle est juste car elle exprime bien,
à la fois, l'importance des fonctions postales dans la vie des
territoires et la force de l'enracinement de La Poste dans le pays profond.
Dans l'esprit des Français et de nombre de leurs élus, La Poste
et le territoire ne sont-ils d'ailleurs pas indissociablement liés ?
Ce lien étroit a été tissé par l'Histoire. Il a
aujourd'hui une triple composante : juridique, physique et affective.
A. UN LIEN JURIDIQUE OFFICIALISÉ RÉCEMMENT
1. Les textes spécifiques à La Poste
Même s'il est indéniable que la mission
d'aménagement du territoire impartie à La Poste s'exerçait
antérieurement, sa reconnaissance juridique date de la loi du
2 juillet 1990.
Proclamée dans ses principes par les articles de cette loi
déjà cités au début du présent chapitre,
cette mission n'est toutefois précisée que dans le cahier des
charges de La Poste et dans le contrat de plan État/Poste.
Rappelons, tout d'abord, que l'article 3 du
cahier des charges
,
cité in extenso ci-dessus, prévoit que pour le service public du
courrier, La Poste "
dessert l'ensemble du territoire en prenant en
compte les orientations générales de la politique
gouvernementale, notamment en matière d'aménagement du
territoire
".
Les articles 21, 24 et 25 traitent des obligations de La Poste en ce qui
concerne la présence postale ainsi que ses relations avec les
échelons déconcentrés de l'État et les
collectivités locales. Ainsi, l'article 21 dispose que "
La
Poste constitue, développe et exploite sur l'ensemble du territoire un
réseau d'installations et de dessertes destiné à fournir
l'ensemble de ses services
". L'article 24 indique que
"
dans la définition de ses programmes d'équipement, La
Poste prend en considération les orientations générales de
la politique d'aménagement du territoire définies par le
Gouvernement, ainsi que les données et objectifs de développement
économique et social des régions, des départements et des
communes
" et que "
La Poste définit sa politique de
présence locale après concertation avec le préfet
concerné
". L'article 35, quant à lui, fixe la
composition des instances de concertation locale.
Le premier contrat de plan (1995-1997)
consacre l'ensemble de son
article 4 à détailler les types d'actions prioritaires qui
doivent être assurées par l'exploitant public dans le cadre de sa
participation à l'aménagement du territoire.
Ce dispositif fait d'abord
obligation à La Poste de fournir sur
l'ensemble du territoire de la métropole et dans les DOM
" un service public de qualité
qui réponde aux
besoins de toutes les catégories d'usagers, ménages ou
entreprises, en particulier en zone rurale et dans les
banlieues
".
Pour ce qui concerne
l'offre de services
, il est stipulé que
"
La Poste veille à décliner à ses
différents clients des gammes de services adaptées sur tout le
territoire, en matière de communication, de messagerie et de prestations
financières.
Au-delà de cette offre, pour tenir compte des conditions
particulières des zones les plus défavorisées, rurales
comme suburbaines, La Poste participe à l'expression de la
solidarité nationale à leur profit et contribue au
développement local :
- la contribution à l'expression de la solidarité nationale
peut se traduire par la participation aux dispositifs mis en place à
l'initiative de l'État ou des collectivités
décentralisées pour assurer un niveau satisfaisant d'offre de
services publics dans les zones en difficulté ;
cette
participation, décidée au cas par cas, devra respecter
l'équilibre financier de l'opérateur
et le conduire à
bénéficier des mêmes conditions et concours que les autres
prestataires ;
- La Poste développe et adapte ses prestations en s'appuyant, d'une
part, sur ses réseaux d'infrastructure, participant ainsi au soutien de
l'économie locale et, d'autre part, sur la capacité des
personnels à apporter une assistance diversifiée aux citoyens les
plus isolés des zones concernées.
"
S'agissant
des conditions de mise en oeuvre
, il est mentionné
que "
pour remplir ses missions, La Poste s'appuie sur la
péréquation tarifaire géographique des prestations
relevant du service réservé, pour lesquelles elle assure
l'égalité d'accès de tous les usagers en tout point du
territoire.
Elle s'appuie également sur des formes
diversifiées de présence prenant en compte les
réalités locales et lui permettant de s'adapter à leur
évolution dans le temps, de manière à assurer
l'indispensable respiration de son réseau
.
Pour cela, il lui appartient, dans le cadre des procédures
d'aménagement du territoire (notamment les schémas
départementaux d'organisation et d'amélioration des services en
milieu rural), de déterminer les modalités de cette
présence : présence immobilière, mobile, permanente,
périodique, à domicile, en gestion propre ou partenariale, avec
fourniture d'autres prestations ou non. Elle le fera en veillant à
gérer le plus en amont possible les adaptations nécessaires
à l'évolution des situations locales, en concertation
étroite et régulière avec les élus et les
représentants des usagers et le préfet étant tenu
informé de ses intentions.
".
En d'autres termes, si le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les missions
d'aménagement du territoire de La Poste fixe à l'exploitant
public
une obligation absolue
de desserte de tous les points du
territoire national -ce qui pourrait être qualifié de service
universel postal
53(
*
)
-, il ne lui impose qu'une
obligation de principe
de participer à l'aménagement du
territoire sans contrainte particulière de moyen, autre que celle
d'inscrire son action en la matière dans une démarche de
concertation et de recherche de partenariat au niveau local.
Il est notamment significatif qu'
aucun texte n'impose à La Poste une
obligation d'implantation dans les zones défavorisées
. Le
contrat de plan précise explicitement que la participation de La Poste
à l'expression de la solidarité nationale par le maintien d'une
offre satisfaisante de services publics dans les zones en difficulté
doit se faire "
au cas par cas, et... respecter l'équilibre
financier de l'opérateur
". En outre, le contrat de plan fixe
comme principe à respecter, la "
nécessaire respiration
du réseau
", ce qui s'interprète a minima comme ouvrant
la possibilité de transformer ou de créer certaines implantations
pour s'adapter aux besoins.
Cette dernière interprétation doit toutefois être
conciliée avec les impératifs généraux fixés
aux services publics par la loi " Pasqua " pour
l'aménagement
et le développement du territoire.
2. Les dispositions générales applicables aux services publics prévues par la loi du 4 février 1995
La loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire a établi des règles générales
s'appliquant aux entreprises qui, comme La Poste, sont chargées d'un
service public, afin qu'elles prennent en compte les objectifs
d'aménagement du territoire.
Tout d'abord, son article 28 prévoit la création dans
chaque département d'une commission départementale d'organisation
et de modernisation des services publics.
Cette commission, dont la composition a été fixée par un
décret du 11 octobre 1995, propose au préfet et au
président du conseil général les dispositions de nature
à améliorer l'organisation et la présence des services
publics qui relèvent des compétences respectives de l'État
ou du département. Elle est consultée sur le schéma
départemental des services publics institué pour l'ensemble du
territoire de chaque département.
Par ailleurs, l'article 29 de la même loi dispose que
"
l'État établit, pour assurer l'égal accès
de tous au service public, les objectifs d'aménagement du territoire et
de services rendus aux usagers que doivent prendre en compte les
établissements et organismes publics ainsi que les entreprises
nationales placés sous sa tutelle et chargés d'un service
public
". Ces objectifs sont fixés dans les contrats de plan
des entreprises et organismes publics ou dans des contrats de service public
conclus à cet effet. Ces documents devant, en tout état de cause,
préciser les conditions de compensation par l'État, des charges
ainsi générées.
Sur le fondement de ce dernier article, dans l'hypothèse où La
Poste envisagerait de réorganiser ou de supprimer l'un de ses
établissements sans que cette décision soit conforme aux
objectifs fixés dans son contrat de plan ou dans un contrat de service
public, elle devrait procéder préalablement à une
étude d'impact au cours de laquelle seraient consultées les
collectivités locales concernées et la commission
départementale d'organisation et de modernisation des services publics.
Enfin, si postérieurement à l'étude d'impact, le projet ne
recueillait pas l'accord du préfet, celui-ci pourrait saisir le ministre
de tutelle qui trancherait.
B. UN LIEN PHYSIQUE : LE RÉSEAU
1. Son évolution
Le développement du réseau postal en France
résulte
de la décision prise en 1829 d'assurer la
distribution du courrier
à domicile et non plus au bureau de
poste
54(
*
)
. A une époque où la
marche à pied constituait le principal mode de déplacement, la
mise en oeuvre d'une telle orientation nécessitait, en effet, de
disposer de centres de distribution au plus près des populations
desservies.
De 1.630 en 1815, le nombre de points de contacts postaux (bureaux de poste,
guichets annexes et agences postales
55(
*
)
) passe
à 5.526 en 1875, soit une multiplication par 3 en soixante ans. Au cours
des quarante années suivantes, le taux de croissance annuel moyen
s'établira autour de 6,8 %, l'effort le plus important étant
toutefois accompli au début de ce siècle : de 1900 à
1914, le nombre de points de contact augmentera de plus de
4.000 unités, soit une progression de 42 % en moins de
15 ans.
A la veille de la première guerre mondiale, le réseau de La
Poste est stabilisé
et n'évoluera plus que de manière
modérée. On comptait 12.881 bureaux de plein exercice (hors
guichets annexes et agences postales) en 1914 ; on en dénombre
13.664 en 1955.
Par la suite, les mouvements démographiques liés à
l'exode rural vont entraîner une double évolution :
- une lente diminution des bureaux de plein exercice (13.905 en
1960 ; 12.357 en 1993) ;
- une diversification accrue et une augmentation des points de contacts
postaux autres que les bureaux (guichets annexes et agences postales : un
peu moins de 3.800 en 1970 ; plus de 4.800 en 1993).
Cette évolution se révèle d'ailleurs traduire de
manière très atténuée les bouleversements
démographiques qui l'impulsent. Songeons qu'au cours des quarante
dernières années, les migrations des campagnes vers les villes
ont ramené la population rurale de 50 à 25 % de la
population française, alors même que celle-ci passait de 40
à 56 millions d'habitants.
Cette transformation progressive du réseau est interrompue au
début des années 1990. En janvier 1992, une circulaire,
tirant les conséquences du comité interministériel
d'aménagement du territoire tenu en novembre 1991, suspend la
suppression ou la réorganisation des services publics sous tutelle de
l'État. Surtout, le 10 mai 1993, M. Edouard Balladur, alors Premier
ministre, décide
un moratoire des fermetures
de tels services
en zone rurale.
Initialement instaurée jusqu'en octobre 1993, ce moratoire a
été reconduit à deux reprises et est toujours en vigueur
aujourd'hui. La Poste l'a scrupuleusement respecté
56(
*
)
. En juin 1995, pour dissiper toute
ambiguïté sur ce sujet, son Président de l'époque, M.
André Darrigrand, a d'ailleurs précisé qu'il ne serait
procédé à aucune fermeture jusqu'à la signature
d'un nouveau contrat de plan, soit jusqu'à la fin 1997. Au surplus, La
Poste a décidé de n'opérer aucune réduction
d'effectifs dans les bureaux employant moins de quatre agents dans les
fonctions dites " guichet-développement ".
Les résultats de cette attitude et la rupture qu'ils traduisent au
regard des tendances antérieures sont mis en évidence dans le
tableau ci-dessous.
ÉVOLUTION DU RÉSEAU DES POINTS DE CONTACT DE
LA POSTE
(1)
de 1983 à 1993 et de 1993 à 1996
1983 |
1986 |
1990 |
1993 |
1996 |
Évolution 1983/1996 |
Évolution 1983/1993 |
Évolution 1993/1996 |
|
Bureaux de poste |
12.796 |
12.843 |
12.752 |
12.357 |
12.029 |
- 6 % |
- 3,4 % |
- 2,7 % |
Agences postales et assimilées (2) |
3.310 |
3.264 |
3.130 |
3.092 |
3.073 |
- 7,16 % |
- 6,5 % |
- 0,6 % |
Guichets délocalisés (3) |
1.105 |
1.080 |
1.085 |
1.428 |
1.928 |
+ 74,47 % |
+ 29,3 % |
+ 35 % |
TOTAL |
17.211 |
17.187 |
16.967 |
16.877 |
17.030 (4) |
- 1,05 % |
- 1,9 % |
+ 0,9 % |
Source : La Poste.
(1) Points de contact de La Poste : les bureaux de poste dits aussi recettes de
plein exercice ; les recettes rurales, jusqu'au changement de
dénomination ; les guichets annexes ; les agences postales avec
distribution ; les agences postales sans distribution ; les
correspondants postaux.
(2) Agences postales : établissements rattachés à un
bureau de poste et tenus par des personnes extérieures à La
Poste, mais sous contrat avec elle.
(3) Guichets physiquement indépendants mais rattachés à un
bureau de poste (pas de chef d'établissement ni de comptabilité
propre).
(4) L'augmentation de 153 points de contact constatée entre 1993 et
1996 résulte des effets conjugués du moratoire de la fermeture
des services publics en milieu rural, intervenu en mai 1993, et de la
création d'établissements -pour une part importante, des
guichets- dans des zones urbaines en développement.
L'impact du moratoire se vérifie notamment à travers le fait
que le nombre total des points de contact postaux est aujourd'hui
stabilisé à un niveau à peine inférieur à
celui d'il y a quinze ans
, alors qu'avant 1993 il déclinait
d'environ 1 % tous les cinq ans.
Cependant, d'aucuns font remarquer que le nombre des bureaux de poste de plein
exercice (sans les guichets annexes et les agences postales) demeure
aujourd'hui fort proche (12.029 bureaux) de ce qu'il était en 1914
(12.881 bureaux), alors même que les techniques de distribution ont
considérablement évolué et qu'il n'y a plus guère
de facteurs qui, en zone rurale, font leur tournée à pied ou en
bicyclette.
2. Sa situation actuelle
Cette empreinte du passé marque également
l'implantation du réseau de La Poste ainsi qu'en témoigne
l'annexe 5 relative à la répartition des points de contact
postaux par strates de communes.
En effet, aujourd'hui,
62 % des points de contact de La Poste se
trouvent dans des communes rurales regroupant 25 % de la population.
Ceci fait de La Poste une entreprise publique qui équipe mieux le monde
rural que les villes : il y a un établissement postal pour
990 habitants en Lozère et un pour 15.000 habitants en
Seine-Saint-Denis. Au total, il y a moins de 1.200 points postaux
(6,7 % du total) dans les villes de plus de 50.000 habitants, alors
que le quart de la population française et des clients de La Poste y
sont installés.
Même si le nombre plus important de guichets installés dans les
établissements urbains atténue substantiellement ce
déséquilibre, il n'en demeure pas moins tout à fait
significatif, ainsi qu'en atteste le tableau ci-après :
Zone urbaine |
Zone rurale |
|
Part dans la population française |
75 % |
25 % |
Part dans le nombre des communes |
12 % |
88 % |
Part dans le nombre de points de contact de La Poste |
38 % |
62 % |
Part dans les effectifs des guichets de La Poste |
62 % |
38 % |
En raison de cette préservation de l'implantation
rurale héritée du passé,
le maillage postal du pays est
le plus dense de tous les maillages territoriaux établis par les
entreprises dites de " réseau "
ou, à une
exception près, par les réseaux de nature commerciale. En effet,
seul le réseau constitué par les 37.000 débitants de
tabac est plus étendu mais, d'une part, il est essentiellement
concentré dans les villes et, d'autre part, il n'appartient pas à
une même entreprise.
A prendre des comparaisons dans le seul domaine financier, le Crédit
agricole -la banque verte- ne dispose que de 1.365 agences dans les
communes de moins de 2.000 habitants et la Caisse d'Epargne d'à
peine 500.
L'importance du réseau postal explique, qu'en dépit de son
ancrage rural, il irrigue également l'autre pôle des
fragilités territoriales :
les zones urbaines sensibles
. La
Poste est implantée dans 468 des 700 quartiers classés
difficiles, ce qui en fait, là encore, l'établissement public le
plus présent
57(
*
)
.
Présente aux deux extrémités du spectre des
problèmes territoriaux, La Poste est donc indéniablement un des
principaux leviers de leur résolution.
Tant ce caractère que la densité du réseau favorisent des
effets de proximité qui créent une sorte de rapprochement
identitaire des citadins et des ruraux autour de La Poste et des valeurs du
service public. Sans doute, les citadins rencontrent-ils rarement de
difficultés liées à l'éloignement. Mais la distance
moyenne d'accès à un point postal à partir des communes
rurales non équipées n'étant que de
6,5 kilomètres, il est fort peu de ruraux qui se trouvent à
plus de vingt minutes d'une poste, dès lors qu'ils peuvent utiliser un
véhicule. L'inégalité -relative- d'accès se doit
d'ailleurs d'être relativisée. Les citadins sont bien plus souvent
que les ruraux amenés, à certaines heures, à prendre place
dans des files d'attente avant de se voir délivrer la prestation
attendue. Ceci atténue les avantages de proximité pouvant exister
dans les villes.
Si on pouvait raisonner sur des moyennes globales de durée
d'accès au service,
il est probable que ceci révélerait
que La Poste est, dans l'ensemble et même si la situation pourrait encore
être significativement améliorée pour certains, un service
public devant lequel les Français sont très égaux
.
C'est également
un de ceux au travers desquels s'exerce
très concrètement leur solidarité collective
. Ils en
ont tous plus ou moins conscience et cet aspect psychologique de la donne
postale ne doit pas être négligé.
Le réseau postal dense et ramifié qui couvre l'ensemble du
territoire national est présenté traditionnellement comme le
support naturel de la mission courrier et de la mission financière de
l'exploitant public.
Cependant, les 73.000 tournées de facteurs
58(
*
)
qui, chaque jour apportent les correspondances dans
les foyers et dans les entreprises, ne s'appuient pas toutes -loin s'en faut !-
sur les quelque 17.000 points de contact postaux. L'amélioration de
la distribution du courrier entreprise par La Poste tend même à
reposer sur une réduction du nombre de points où les facteurs
sont appelés à remplir leurs sacoches et à préparer
leurs tournées.
Surtout, à
l'étranger
, cela a été
exposé précédemment
59(
*
)
,
des postes
assumant des missions similaires à celles de La Poste
française -et investies d'un rôle aussi important que celui
imparti à cette dernière dans l'aménagement des
territoires-
développent de plus en plus fréquemment des
stratégies dont la réussite
-tant en termes de qualité
de service aux citoyens que de renforcement des liens territoriaux-
ne
supposent pas nécessairement l'existence d'un réseau
taillé sur le modèle de ceux construits au
XIXe siècle.
Ces postes étrangères
, à commencer par celles
d'Allemagne et de Suède où les questions d'aménagement du
territoire se posent avec acuité,
ont-elles tort
?
L'approbation de leur approche du service postal territorial par les
autorités politiques nationales, les élus locaux, les
associations de consommateurs et, très nettement en Suède, les
organisations syndicales, ne permet guère de répondre par
l'affirmative à une telle question.
Faut-il voir dans la capillarité fine du réseau français
un atout indispensable à la bonne réalisation des
activités financières ? Là encore, les exemples
étrangers ne permettent pas de s'en convaincre.
Peut-on donc considérer, sur le plan strictement commercial, que les
résultats des services financiers postaux seraient moindre avec un
réseau moins dense ? La Poste ne paraît pas en douter. Pourtant,
lorsqu'on compare l'évolution globale des parts de marché de La
Poste à celle de ses compétiteurs dans le secteur financier, on
ne constate pas que la rationalisation des réseaux concurrents ait
entraîné un accroissement corrélatif des positions de La
Poste.
En outre, si la plus large présence de proximité était
nécessaire à la réussite commerciale en ce domaine,
comment se fait-il que le Crédit agricole, avec près de
8 fois moins d'agences que La Poste dans les communes de moins de
2.000 habitants, fasse pour le moins jeu égal avec La Poste au sein
de la clientère rurale ?
En conséquence, les arguments expliquant la force de la présence
immobilière de La Poste sur le territoire par la rationalité
économique ou commerciale peuvent-ils emporter l'adhésion ? Votre
rapporteur en doute.
Pour lui,
la présence postale sur le territoire est avant tout un
impératif d'ordre social et est ressentie comme tel
. Par certains
aspects plus profonds, elle ne relève d'ailleurs pas totalement de la
raison ; elle procède pour beaucoup de
l'affectif
. Entre La
Poste et les Français, entre La Poste et les élus locaux, il y a
un attachement de nature viscérale qui a "
des raisons que la
raison ignore
", mais qui n'est pas sans puissants motifs.
C. UN LIEN AFFECTIF PUISSANT
La Poste entretient autour de ses immobilisations
territoriales une relation privilégiée avec le public et les
élus locaux.
D'abord, il faut le savoir,
le bureau de poste est un lieu
fréquenté
. Une enquête nationale réalisée
par La Poste en 1990 révèle que deux tiers des ménages
français se rendent à la poste au moins une fois par mois et que
près de la moitié y vont plusieurs fois par mois. Si l'on ajoute
que trois millions de personnes fréquentent chaque jour un point postal,
que 22 millions de personnes y possèdent un livret d'épargne
et 10 millions un compte chèque, on comprend que la
représentation collective que se font de La Poste les Français
excède largement son seul poids économique.
Ensuite, ce n'est un secret pour aucun sénateur,
La Poste joue un
rôle sociologique de première importance dans le tissu
communal.
Pour chaque citoyen, le bureau de poste appartient au paysage
municipal fondamental, au même titre que l'église, l'école
et la mairie. En d'autres termes, bien peu imaginent qu'il puisse y avoir de
vie communale digne de ce nom sans la présence emblématique d'un
bureau de poste. Dès lors, le sort d'un tel bureau affecte les habitants
d'un village quelle que soit sa rentabilité ou sa fréquentation,
même si cette dernière se réduit souvent à quelques
heures par jour, voire moins.
C'est pour ces raisons que, pour beaucoup, la présence postale a, en
définitive, une
valeur symbolique
.
Ils peuvent comprendre que l'église ne soit plus desservie quand les
paroissiens préfèrent assister aux messes au chef lieu de canton.
Mais, sur le toit de l'église ne flotte pas le drapeau tricolore les
jours de fête nationale !
Ils peuvent se résigner à ce que l'instituteur s'en aille si les
cris d'enfants ne font plus résonner les murs de la cour de
récréation. La République se renierait si elle refusait la
liberté d'installation à ses citoyens ou la liberté de
choix aux parents !
Pour la plupart, à commencer par le maire, ils ne peuvent pas accepter
que l'antenne postale (bureau ou annexe) -qui est bien souvent installée
dans leur village depuis un siècle ou plus- cesse d'exister. Dans le
contexte décrit, une telle décision n'est pas seulement ressentie
comme la fermeture d'un service, mais comme l'expression d'un abandon, voire la
trahison d'un pacte républicain implicite selon lequel tous les points
de peuplement du territoire ont droit à une marque de présence de
l'État, à un signe officiel d'appartenance à la
collectivité nationale. Aussi, la disparition d'un tel signe peut-il
être vécu comme une marque de mépris et susciter des
réactions " passionnelles ", de nature à surprendre
ceux qui n'ont pas compris la force et la grandeur des sentiments qui les
inspirent.
Un signe de cet attachement " quasi viscéral " a
été donné à votre rapporteur lors d'un des forums
de discussion qu'il a tenus avec les postiers en province. L'un d'eux,
lorsqu'il les a interrogés sur la manière dont ils percevaient la
présence postale sur le territoire, a fait remarquer que :
"
Quand on regroupe les codes postaux, on a l'impression que pour
les
maires, c'est comme si on leur arrachait leur monument aux morts
"
Du coup, La Poste se trouve placée au centre d'enjeux qui
excèdent manifestement ses moyens d'opérateur de service public.
Alors qu'elle est devenue un exploitant autonome ayant reçu pour mission
prioritaire de prodiguer des services dans un contexte économique de
plus en plus difficile, elle est confrontée à une demande qui
exige d'elle -pour des raisons parfaitement compréhensibles- qu'elle
demeure une administration continuant à entretenir un patrimoine
immobilier fortement symbolique, comme au temps où elle
bénéficiait des ressources d'un monopole inébranlable et
où ce patrimoine était nécessaire tant à la
collecte et à la ditribution du courrier, qu'à la fourniture des
autres prestations.
Cette demande est parfois d'autant plus exigeante que ceux qui la lui adressent
n'ont pas toujours une conscience aigüe des réalités de
l'évolution du marché postal et continuent à la
considérer comme une administration, alors qu'elle est
de facto
devenue une entreprise.
Comment s'étonner dans ses conditions de l'incompréhension qui a
pu se développer entre La Poste et certains responsables locaux, surtout
quand on sait que parfois certains de ses agents réticents à tout
changement n'ont pas manqué d'attiser les dissensions et que ces
changements n'ont pas toujours été annoncés aux
élus avec les indispensables explications qu'ils appelaient ?
Votre rapporteur a pu constater les conséquences de cette
incompréhension lors des entretiens qu'il a eus sur le terrain avec les
postiers et des élus locaux : la confiance longtemps inspirée par
La Poste à ces derniers a, en certains endroits, été
entamée.
Il est aujourd'hui prioritaire de la rétablir.
III. LA POSTE : VECTEUR DU DÉBAT DÉMOCRATIQUE
Aux termes de l'article 11 de la Déclaration des
droits de l'Homme et du Citoyen: "
la libre communication des
pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de
l'homme
" et "
tout citoyen peut donc parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette
liberté dans les cas prévus par la loi".
La législation républicaine sur la presse découle de ces
principes. Le système varié d'aides budgétaires et
fiscales à la presse qu'elle a mis en place a pour but de favoriser le
débat démocratique en assurant la libre information du citoyen.
C'est dans ce cadre que s'inscrit le service public de
distribution de la
presse
assuré par La Poste. A ce titre, celle-ci transporte chaque
année plus de 2 milliards de journaux, soit près de 40 % de
la diffusion totale des périodiques.
Ce dispositif français d'aide à la distribution postale
connaît peu d'exemples comparables dans les autres pays occidentaux. Il a
d'ailleurs connu quelques turbulences au cours des dernières
années. C'est pourquoi a été opéré
récemment un rééquilibrage de son financement qui a
entraîné une réforme de la grille tarifaire postale et une
modification de la réglementation applicable tendant à son
assouplissement.
A. L'AIDE À LA PRESSE : TRADITION RÉPUBLICAINE DESTINÉE À PROMOUVOIR LE PLURALISME
La première aide que la puissance publique ait accordée à la presse fut -déjà !- une diminution du tarif postal votée par le Parlement sous le Directoire, en 1796 ou plus exactement le 4 thermidor an IV. Après cette première expérience, interrompue assez rapidement par des régimes plus autoritaires, l'aide postale à la presse a été réinventée par la IIIème République et s'est perpétuée jusqu'à nos jours.
1. Une aide qui s'inscrit dans la tradition républicaine
La loi du 4 thermidor précitée fut
édictée après que, peu de temps avant, une disposition
fiscale eût soumis les envois postaux à une taxe
spécifique. Nombre d'imprimeurs et d'éditeurs périodiques
protestèrent alors contre l'introduction de cette taxe, en faisant
valoir qu'elle était préjudiciable à la presse. Lors du
débat à l'issue duquel fut instituée la première
aide publique en faveur de la presse, Boissy d'Anglas exposa les principes qui
sous-tendent, aujourd'hui encore, l'aide postale :
"
La Révolution française est, [...], née du
progrès et du développement des lumières
accélérés par l'imprimerie
. Sa marche eût
été plus rapide [...], si le Peuple eût été
plus généralement instruit. Il n'eût pas été
la dupe de tant de charlatans politiques ; il eût apprécié
les systèmes de ceux qui parviennent à l'égarer ; [...].
Hébert, Chaumette et Marat ne pouvaient s'élever qu'à la
faveur des ténèbres, et ils séduisaient la multitude
à l'aide des erreurs qui l'oppressaient [...].
La circulation des lumières est maintenant aussi nécessaire
parmi nous que la circulation de l'air
; sans elle, tout se corrompt et se
détruit. Si donc, au lieu d'y employer tous les moyens du gouvernement
[...], vous y apportez des difficultés [...] elle cessera d'être
désirée : le Peuple se dégoutera [...] de tourner ses
idées vers les matières publiques ; [...].
L'imprimerie et la Poste ont changé la face de l'Univers, elles
doivent être les mobiles du monde.
[...].
La Poste n'est pas
seulement une ressource fiscale, c'est une institution. Si vous entravez l'une,
vous ralentissez l'autre
, [...],"
60(
*
)
.
Dans son principe, l'aide à la diffusion de la presse par voie
postale remonte donc aux origines de la démocratie.
Sous la IIIe République, la
loi de finances du
16 avril 1930
réserva cette aide aux journaux,
écrits et périodiques publiés dans un but
d'intérêt général pour l'instruction,
l'éducation et l'information du public, à condition qu'ils
respectent les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse et aient été enregistrés
préalablement à la direction des Postes.
Après la Seconde guerre mondiale, l'aide à la distribution de la
presse, qui avait disparu sous Vichy, fut rétablie afin de favoriser le
développement d'une presse d'opinion pluraliste exprimant les
différentes sensiblités issues de la Résistance.
2. Une aide toujours destinée à promouvoir le pluralisme éditorial
Le principe de cette aide est aujourd'hui posé à l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990 qui dispose que La Poste assure le service public du transport et de la distribution de la presse bénéficiant du régime spécifique prévu par le code des postes et télécommunications. On trouvera dans l'encadré ci-après le rappel des principales dispositions de ce code.
DISPOSITIONS DU CODE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS RELATIVES AU TRANSPORT DE LA PRESSE
L'article D 18 du code dispose que
" les
journaux et écrits périodiques présentant un lien avec
l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la
publication, peuvent bénéficier du
tarif de presse
s'ils
remplissent les conditions suivantes
:
-
avoir un caractère d'intérêt général
quant à la diffusion de la pensée : instruction,
éducation, information, récréation du public ;
-
satisfaire aux obligations de la loi du 29 juillet 1881 sur
la liberté de la presse
;
- paraître régulièrement au moins une fois par
trimestre sans qu'il puisse y avoir un intervalle supérieur à
quatre mois entre deux parutions ;
-
faire l'objet d'une vente effective au public
, au numéro
ou par abonnement, à
un prix marqué ayant un lien réel
avec les coûts
, sans que la livraison du périodique
s'accompagne de la fourniture gratuite ou payante de marchandises ou de
prestations de service ne présentant pas un lien avec l'objet principal
de la publication ;
- avoir au plus les deux tiers de leur surface consacrés à
la publicité, aux annonces judiciaires et légales et aux annonces
classées sans que ces dernières excèdent la moitié
de la surface totale ;
Sont notamment exclues explicitement de ce régime les publications
suivantes :
-
les feuilles d'annonces, tracts, guides, prospectus, catalogues,
almanachs ;
-
les ouvrages publiés par livraison
et dont la publication
embrasse une période de temps limitée ou
qui constituent le
complément ou la mise à jour d'ouvrages déjà
parus
;
- les publications ayant pour objet principal la
recherche ou le
développement des transactions d'entreprises commerciales,
industrielles, bancaires, d'assurances
ou d'autre nature, dont elles sont
en réalité
les instruments de publicité ou de
communication
, ou qui apparaissent comme étant l'accessoire d'une
activité commerciale ou industrielle ;
(...)
En vertu de
l'article D 19 du même code, peuvent
également bénéficier d'un
tarif spécifique
certaines publications, dont la liste est fixée, si elles
présentent un lien avec l'actualité et que la publicité et
les annonces n'excèdent pas 20 % de la surface totale.
L'article D 19-2
institue un
régime d'abattement en
faveur des journaux et publications de périodicité au maximum
hebdomadaire
remplissant les conditions prévues à
l'article D.18 et
présentant un caractère d'information
politique et générale
. Cet abattement s'applique, sur leur
demande, au tarif de presse urgent, non urgent ou contact. Le montant de cet
abattement est fixé par décret.
Pour être considérées comme présentant le
caractère d'information politique et générale, les
publications doivent réunir les caractéristiques suivantes :
apporter de façon permanente sur l'activité politique et
générale, locale, nationale ou internationale, des informations
et des commentaires tendant à éclairer le jugement des
citoyens .
Enfin, les
quotidiens nationaux à faibles ressources
publicitaires
au sens du décret n° 86-616 du
12 mars 1986 et les quotidiens régionaux,
départementaux et locaux au sens du décret n° 89-528 du
28 juillet 1989 bénéficient d'une réfaction
supplémentaire.
Quant au cahier des charges de La Poste et à son contrat de plan, ils
visent la diffusion d'une
information politique et générale
pluralistes
.
L'article 6 du cahier des charges
dispose ainsi que
l'acheminement et la distribution du courrier qui bénéficie du
régime spécifique institué par le code des postes et
télécommunications "
constituent un
service
obligatoire
". Il précise que le dispositif tarifaire qui
lui est applicable a pour objectif de "
favoriser le pluralisme,
notamment celui de l'information politique et
générale
".
L'article 7 du contrat de plan
indique, quant à lui,
que : "
le transport et la distribution de la presse,
indispensables à
la libre circulation d'une information libre et
pluraliste
, permettant à chacun d'accéder à la
publication de son choix
" constituent un
service public
que La
Poste exerce "
dans le respect des dispositions [...] de son
cahier des
charges
".
On notera que ce même texte soumet, en outre, la prestation ainsi fournie
à la presse à des critères de qualité :
"
une distribution en tout point du territoire en J+1 ou J+4 selon
la
périodicité ou les besoins des éditeurs
" sous
réserve du respect des heures de dépôt.
3. Une aide aujourd'hui gérée paritairement
Après la Libération, l'organisation du secteur
de la presse fut profondément marquée par l'intervention de
l'État et repose depuis sur un système de cogestion avec la
profession dont l'instrument le plus caractéristique aujourd'hui est la
Commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP).
Créée par décret du 25 mars 1950, la CPPAP,
placée sous la présidence d'un membre du Conseil d'État,
est composée, en nombre égal, de membres de l'administration et
de professionnels. Elle émet un avis sur les demandes d'inscription sur
la liste des périodiques admis au bénéfice du
régime tarifaire préférentiel. Bien que consultatif, -la
décision finale d'inscription relève du ministre chargé du
budget et du ministre chargé des Postes-, cet avis est suivi dans
l'immense majorité des cas.
En 1993, sur un total d'environ 28.000 publications,
17.000 publications
" vivantes " étaient
enregistrées à la CPPAP. Ce nombre élevé s'explique
notamment par le fait que la commission a interprété de
façon souple les critères d'admission au régime postal
préférentiel.
Des revues de jeux, de mots croisés, de
cuisine ou de tricot ont ainsi été autorisées à
bénéficier de l'aide postale.
Aujourd'hui
, les périodiques d'information générale et
politique ne représentent qu'une minorité des journaux
récemment inscrits. C'est ainsi, que de septembre à
juin 1996, sur 2.636 dossiers examinés par la CPPAP,
1.447 publications ont reçu un avis favorable pour l'inscription
sur la liste des publications éligibles aux aides à la presse.
Sur ces 1.447 publications,
15 %
appartenaient à la
presse d'information générale et politique, 41,3 %
à la
presse spécialisée grand public
(droit et
économie, sport, auto-moto-bateaux, vie artistique, loisirs, chasse,
pêche-nature, jeunesse, tourisme, hifi-musique, santé) et
29 %
à
la presse technique et professionnelle
(commerce,
industrie, artisanat, médecine et paramédecine, techniques
professionnelles, agriculture, sylviculture, aquaculture,
communications-télécommunications).
Le nombre important de titres figurant sur la liste de la CCPAP explique qu'ait
été prévu, en application des accords dits
" Galmot " dont l'économie générale sera
présentée ci-dessous, de procéder
dans les cinq ans
à venir à un
réexamen de cette liste.
B. LE SOUTIEN DE LA POSTE À LA PRESSE : UNE PARTICIPATION DÉCISIVE À UN FINANCEMENT TRIPARTITE
1. Le cadre juridique établi à la suite de la loi de 1990
Devenu exploitant autonome le 1er janvier 1991, La Poste ne
pouvait continuer, pour des raisons économiques évidentes,
à supporter comme si elle était encore une administration d'Etat
les frais du service public de la distribution de la presse. Rappelons
simplement, que de 1986 à 1990, le budget annexe supportait entre
65 % et 75 % du coût global du transport de la presse (voir
tableau ci-après).
Sur le fondement des accords dits " LAURENT "
61(
*
)
et en vertu du protocole signé le 25 mars
1992 entre la Fédération nationale de la presse, La Poste et le
ministère des Postes et Télécommunications, la presse
acquitte 33 % du coût du transport postal de ses publications. Le
solde de ce coût est partagé entre l'Etat (37 %) et La Poste
(30 %).
Cependant en 1996, le coût du service public de distribution de la presse
se trouvait financé par les
éditeurs de presse pour
2,05 milliards de francs
,
par l'Etat à hauteur d'1,9
milliard de francs
,
et par La Poste pour une part estimée
à 3,59 milliards de francs
62(
*
)
.
Ainsi, au vu de ces chiffres dont l'évolution sur dix ans est
rappelée dans le tableau ci-dessous, La Poste se trouvait-elle
fondée à considérer que ni les éditeurs,
(27,2 % en 1996) ni surtout l'Etat (25,1 %) ne respectaient leurs
engagements initiaux.
Années |
Coût global 63( * ) |
Recettes |
Contribution du budget général |
Déficit restant
|
1986
|
4626
|
1240
|
----
|
3386
|
Compte tenu de cette situation, il a été décidé, en 1995, de procéder à une réforme de la grille tarifaire appliquée par La Poste à la presse.
2. Une réforme récente
a) Le rééquilibrage de la grille tarifaire
De nombreuses critiques étaient
adressées à la grille tarifaire en vigueur avant le 1er mars 1997.
Il lui était d'abord reproché d'aboutir à des
incohérences
techniques
qui entraînaient, par exemple,
qu'au-dessous de 70 grammes, les publications acheminées en
régime " urgent " payaient un affranchissement moins
coûteux que les publications adressées au tarif " non
urgent ".
On dénonçait également une forme de
péréquation, qui n'était plus guère justifiable,
entre les diverses catégories de titres
. Ainsi le taux de couverture
des frais de distribution postale par les éditeurs variait de
10,4 % pour les quotidiens et les hebdomadaires de moins de
70 grammes, à 45 % pour les quotidiens et les hebdomadaires
dont le poids était compris en 500 et 600 grammes. A cet
égard, la grille conduisait à faire
supporter une partie du
coût d'acheminement des journaux " légers " par les
journaux les plus lourds
64(
*
)
.
Autre inconvénient : la grille tarifaire ne distinguait pas les prix en
fonction des
points d'entrée
dans le réseau postal. Il en
résultait que le taux de couverture des frais de distribution atteignait
25 % pour les quotidiens et les hebdomadaires acheminés en tarifs
" routés " lorsqu'ils étaient transportés entre
deux départements, alors que ce taux s'élevait à
40,51 % lorsque l'acheminement s'effectuait au sein d'un même
département, ce qui revenait à
faire subventionner par les
journaux locaux, les journaux nationaux
.
Sans compter en dernier lieu, que le barême de la grille provoquait, des
effets de seuil,
particulièrement sensibles lors du
franchissement du seuil des 100 grammes (le passage du tarif de 47
à 90 centimes entraînant une hausse de + 91 %) et
des 200 grammes (le tarif unitaire passant alors de 110 à
175 centimes, soit + 59 %). La discontinuité du
barème, que ne justifiait aucun argument économique, conduisait
en conséquence les éditeurs à
" cibler " le
poids de leurs revues pour optimiser leur position tarifaire.
Une table ronde réunie, de novembre 1995 à juin 1996,
à l'initiative de M. François Fillon, ministre
délégué à la Poste, aux
Télécommunications et à l'Espace, a défini les
principes d'une grille tarifaire économiquement plus neutre que la
précédente. Ces principes tendent à donner une
plus
grande efficacité économique
à la
grille
tarifaire
, en
accroissant la part du prix de la distribution postale
payée par les éditeurs
, tout
en n'excluant de l'aide aucun
des titres qui en bénéficiaient antérieurement
.
La revalorisation tarifaire a pour effet d'
accroître de 50 %, en
cinq ans en francs constants, le revenu tiré par la Poste du service
public du transport et de la distribution de la presse, ce qui correspond
à un effort global pour la presse de 8,7 % par an
. Dans le
même temps La Poste s'engage à pratiquer un abattement forfaitaire
annuel de
1,5 %
sur sa formule de révision de prix, ce qui
correspond à un
effort de productivité
équivalent.
Précisons toutefois que des
mécanismes destinés
à lisser les effets de la réforme
sont prévus :
- un
écrêtement et un étalement des hausses dans le
temps
;
- un
plafonnement différencié de la hausse
pour les
publications de moins de 100 grammes
et pour les
publications de
plus de 100 grammes
.
En outre, afin de tenir compte de l'incidence de la réforme sur
les
quotidiens et les hebdomadaires d'information générale et
politique
, un
" ciblage des aides "
-jugé
insuffisant par le syndicat de la presse parisienne- est organisé en
leur faveur. Entre 1997 et 2001, les factures relatives à l'acheminement
des 298 titres admis à ce régime
65(
*
)
seront
minorées chaque année de
5,6 %.
Au total, en 5 ans, l'aide consentie sera d'environ
28 %
66(
*
)
.
Enfin des soutiens spécifiques sont insitutés pour venir en aide,
d'une part, aux titres de moins de 100 grammes disposant de faibles ressources
publicitaires, et d'autre part, aux titres qui seraient dans une situation
difficile.
La Fédération nationale de la Presse française (FNPF) et
le syndicat de la Presse Magazine et d'Information (SPMI) ont paraphé
les accords du 4 juillet 1996. Cependant, si le protocole du
10 janvier 1997 précisant leurs conditions d'application a
été signé par le SPMI et par les syndicats membres de la
FNPF, le syndicat de la presse parisienne (SPP) s'y est refusé pour les
raisons exposées ci- dessus.
Tirant les conséquences des principes posés par les
accords " Galmot " précités et par le protocole
d'application Presse-Etat-Poste du 10 janvier 1997, le décret
n° 97-162 du 24 février 1997 a
réaménagé la grille tarifaire.
Entrée en vigueur, le ler mars 1997, cette
grille tarifaire
linéaire
opère une
distinction entre le tarif
" urgent ", le tarif " non urgent " et
le tarif
" contact "
.
La distribution au
tarif " urgent "
(tarif 205)
s'effectue à J ou J + 1 en fonction de l'heure de
dépôt. Elle est plus coûteuse que la distribution au
tarif " non urgent "
(ou tarif 206) qui
s'applique aux
diffusions à J + 4. Quant au
tarif " contact "
, il
s'applique aux quotidiens (notamment les quotidiens régionaux) qui
déposent leurs exemplaires directement au bureau distributeur et
obtiennent, de ce fait, une réduction sur le prix à payer.
Pour chacun de ces trois tarifs, la fixation du prix est fonction d'une part
d'un coût fixe unitaire par numéro, et d'autre part d'un
coût variable en fonction du poids de la publication.
b) Un assouplissement de la réglementation
Avant la réforme de 1997, les règles
applicables aux encarts et suppléments ou au décompte de la
publicité dans les publications étaient sans doute d'inspiration
trop administrative, mais l'interprétation qu'en faisait La Poste
était plutôt tatillonne. C'est ainsi, alors même que les
journaux doivent adapter leur offre commerciale aux besoins des publicitaires,
qu'une publicité pour une grande marque de spiritueux avait
entraîné une forte hausse du tarif postal pour un grand journal du
soir, du seul fait qu'elle comportait un petit cordon de tissu rouge qui
rappelait la dénomination du produit dont elle faisait la promotion.
Etaient également opérées des différences
tarifaires selon que les encarts étaient collés à la revue
ou volants, ou encore selon que l'encart était en tissu et non en papier
...
Mais depuis l'intervention de la réforme, les règles
édictées par le code des postes et
télécommunications sont moins rigides et, surtout, l'esprit dans
lequel elles sont interprétées semble avoir évolué.
Trois tarifs sont désormais applicables aux encarts.
En application du premier tarif, le " tarif zéro ", leur
poids est intégré à celui de la revue lorsqu'il ne
dépasse pas 100 grammes. Le " tarif 1 " s'applique aux
encarts de moins de 35 grammes (tels que les échantillons
livrés avec la publication ou ceux qui ont un lien avec le contenu
rédactionnel du journal). Il correspond au tarif
" Postcontact ", c'est à dire au tarif de l'imprimé
sans adresse acheminé par La Poste. Le " tarif 2 "
s'applique
aux encarts, tels que les livrets (romans policiers par exemple) parfois
adressés avec un journal. Il correspond à 50 % du tarif
" Postimpact " (le tarif " mailing " de
La Poste).
De même la prise en compte du volume de publicité dans les
journaux -qui conditionne l'obtention du tarif préférentiel
" presse "- s'effectue de façon plus libérale.
C'est ainsi, par exemple, que l'on n'intègre plus d'office le contenu
d'un article de presse dans la surface publicitaire d'un journal, au seul motif
qu'à la fin de cet article figurent des indications relatives à
l'adresse d'un fournisseur.
De la même façon, on ne rattache plus systématiquement au
volume publicitaire du journal le texte d'un article, qui évoque un
produit faisant l'objet d'une publicité dans ce même journal.
Au total, la réforme devrait permettre une meilleure prise en compte de
la réalité économique du transport de la presse.
IV. LA POSTE, GUICHET BANCAIRE IRREMPLAÇABLE POUR LES PLUS DÉMUNIS
La Poste est présente, cela a été exposé ci-dessus 67( * ) , sur l'ensemble du territoire où elle effectue la collecte des lettres et des paquets. Elle y offre, en outre, sans discriminations, ses services financiers. Cette proximité et cette absence de sélection de la clientèle expliquent que La Poste soit naturellement devenue le guichet financier de ceux qui rencontrent des difficultés à être acceptés pas le système bancaire, tout comme de ceux qui recourent à la procédure ancienne mais toujours populaire, des mandats.
A. UN GUICHET OUVERT À TOUS
Présente sur tout le territoire et accessible à
tous, La Poste favorise l'accès du plus grand nombre à ses
services financiers :
elle ne refuse aucun client
. Cette attitude
prévaut aussi bien pour les Comptes chèques postaux (CCP) que
pour les livrets A.
Il n'est besoin que de rappeler, pour prendre la mesure de l'importance du
service que représentent les CCP, l'émoi suscité dans
l'opinion et dans la presse, en novembre 1991, par la rumeur selon
laquelle La Poste allait subordonner la délivrance de ses
chéquiers à la domiciliation d'un salaire minimum de
4.000 francs. Cette rumeur totalement infondée avait pour origine
une instruction interne, relative à ... la nécessité de
lutter contre les chèques sans provision en s'assurant de la
disponibilité des fonds avant l'octroi des formules de chèques.
En réalité, -à la différence d'autres- La Poste ne
sélectionne pas les clients qui viennent à elle pour ouvrir un
CCP ou un livret A. Ce n'est pas elle qui les accepte ; ce sont eux qui la
choisissent.
En outre, l'exploitant public, soucieux de sa clientèle modeste, a la
volonté de toujours proposer des produits " grands public "
dans sa gamme d'offres de placement. Il entend, en effet, préserver la
diversité de sa clientèle, tant du point de vue des niveaux de
revenus, qu'en ce qui concerne l'âge ou l'origine socioprofessionnelle.
Il vend ainsi toute une palette de produits personnalisés
répondant aux besoins tant des détenteurs de portefeuilles de
plusieurs centaines de milliers de francs, que des classes moyennes et de ceux
dont le livret A constitue le support exclusif d'épargne.
B. DES SERVICES FINANCIERS ACCUEILLANT LES PLUS DÉMUNIS
La variabilité et la faiblesse des revenus des
personnes en difficulté amènent habituellement les professionnels
de la finance à les considérer comme présentant peu
d'intérêt. C'est pourquoi ces personnes rencontrent aujourd'hui de
plus en plus d'obstacles pour conserver des relations durables avec les
établissements bancaires. Dans ce contexte, La Poste constitue pour eux
une sorte de havre financier. La Confédération syndicale des
familles estimait même en 1996 "
qu'aujourd'hui les banques
excluent des dizaines de milliers d'usagers à cause de la faiblesse de
leurs revenus et que sans les services financiers de La Poste ces usagers
seraient encore un peu plus marginalisés
68(
*
)
.
"
Que les personnes les plus modestes et les populations
précarisées soient d'importants clients de La Poste, l'origine
des fonds versés sur les livrets A le prouve :
une forte part
des sommes versées sur ces livrets est issue de transferts sociaux.
Les livrets A reçoivent, par exemple, 50 % des remboursements de
sécurité sociale , 36 % des allocations familiales,
29 % des salaires, 20 % des pensions de retraite et 12 % des
indemnités de chômage.
L'allongement des files d'attente dans les bureaux de poste,
spécialement le jour de versement du RMI, des allocations familiales ou
des indemnités de chômage est également un
révélateur de
cette vocation sociale des services financiers
postaux
.
Conformément à cette tradition d'accueil, apanage toujours
moderne du grand service public,
La Poste
a d'ores et déjà
accepté d'ouvrir des livrets A aux personnes sans domicile
fixe
dès lors qu'elles présenteraient l'adresse d'une
association. Elle envisage d'ailleurs d'étendre ce service aux comptes
chèques postaux.
Une conséquence majeure de la large ouverture de ses guichets financiers
aux personnes défavorisées est une
sur-utilisation du
Livret A
: les 11,6 millions de livrets qui ont moins de
1.000 francs d'encours représentent 55,4 % du total des
clients et totalisent 39 % des opérations, retraits et versements
confondus. Sur chacun de ces livrets " sur-actifs " on
effectue en
moyenne, 42 opérations par an contre une moyenne annuelle de 8
opérations par livret, pour l'ensemble des livrets A.
Il est vrai que les caractéristiques de ce produit sont de nature
à attirer les plus pauvres des Français. Les livrets A ne sont
pas soumis à un solde plancher ni à un montant minimum de retrait
; aucune commission n'y grève les opérations, quel que soit leur
montant. En outre, ouverts aux interdits bancaires, les livrets A sont
gérés sur un petit carnet ; les clients peuvent ainsi
connaître, au jour le jour, le solde de leur compte
69(
*
)
.
Tous ces facteurs expliquent que les livrets A soient souvent
utilisés comme de véritables " porte-monnaie ", pour
des montants minimes.
Soulignons au passage que ceux présentant
un encours de moins de
1.000 francs sont présents dans les zones rurales
-où,
à eux seuls, ils totalisent la moitié des encours-,
comme dans
les zones urbaines sensibles
où ils représentent les
deux-tiers du total des encours. Le livret A est donc, par excellence,
l'instrument financier des personnes en difficulté
.
Dans certains cas, les postiers sont même amenés à jouer un
rôle social qui dépasse leur seule activité
financière. Votre rapporteur a ainsi recueilli le témoignage d'un
responsable de bureau de Poste qui faisait parfois, sous sa propre
responsabilité, des avances de 50 ou 100 francs à la veille
d'un week-end ou d'un jour férié à des personnes attendant
le versement du RMI ou des prestations sociales.
C. UN SERVICE IRREMPLAÇABLE : LE MANDAT
Le service des mandats n'est pas couvert par le monopole
institué par la loi du 2 juillet 1990. Pourtant, il constitue
bel et bien un monopole de fait puisqu'aucune banque ne concurrence La Poste
sur ce segment de marché.
Les caractéristiques du mandat répondent bien aux besoins des
populations modestes ou défavorisées
. Sa simplicité est
un atout majeur
. De plus, il offre au destinataire la certitude
d'être payé et constitue, en conséquence, un
substitut
du chèque
pour tous ceux qui ont fait l'objet d'une interdiction
bancaire.
Par ailleurs, ne perdons pas de vue que le service des mandats joue un
rôle important dans les paiements à caractère social, tels
que le paiement de pensions de retraite, de prestations sociales ou
d'allocations versées par certaines municipalités aux populations
défavorisées. Il est aussi très utilisé pour le
versement d'argent aux étudiants, militaires ou même aux
détenus des maisons d'arrêt : songeons qu'en 1991, le
vaguemestre de la prison de Fleury-Mérogis a reçu
60.000 mandats !
N'oublions pas également que, grâce au mandat-carte, La Poste
offre un service de versement d'argent à domicile
70(
*
)
qui est particulièrement
précieux
pour les personnes âgées
ou celles qui se trouvent dans
l'impossibilité de se déplacer.
Au total, le guichet de " trésorerie sociale " que
gère La Poste constitue le véritable
garant de la
citoyenneté financière de nombre de Français
.
CHAPITRE III -
LA POSTE, POIDS LOURD DE
L'ÉCONOMIE FRANÇAISE
Depuis 1991, La Poste a cessé d'être
l'administration qu'en avaient faite la Convention puis l'Empire, pour
commencer à devenir une entreprise. Cependant, continuant sans doute
à l'excès à percevoir le service postal comme un attribut
de l'Etat, les Français s'en font encore une image plus marquée
par les traits du facteur de "
Jour de fête
" que
par le
succès de Chronopost.
Or, cette vision méconnaît la profonde modernité de La
Poste et des services qu'elle rend au pays. Comme le déclarait
71(
*
)
M. Adrien Gouteyron, Sénateur de la
Haute-Loire, Président de la Commission des Affaires culturelles du
Sénat : "
La Poste est une institution familière,
aimée mais méconnue
". Il est temps d'apprendre à
la mieux connaître.
I. UN ACTEUR ÉCONOMIQUE DE POIDS : PREMIER EMPLOYEUR DU SECTEUR MARCHAND, PREMIER FOURNISSEUR POUR DE NOMBREUSES ENTREPRISES
A. UN IMPACT NATIONAL ET LOCAL CONSIDÉRABLE
1. Au plan national
a) La Poste : plus de 1,4 % des emplois français
(1) Une entreprise de main d'oeuvre
Hors filiales, le
total des personnels de tous statuts
employés,
à temps plein et à temps partiel par La
Poste,
s'élevait
72(
*
)
à 310.500 en 1996
. L'effectif des filiales de La Poste
atteignait la même année environ 6.700 personnes. Le groupe La
Poste représente donc au total,
plus de 1,4 % de la population
active occupée de France
73(
*
)
.
La Poste est une entreprise de main d'oeuvre : en 1996 les charges de personnel
ont représenté
61,6 milliards de francs
, soit 71 % de
son chiffre d'affaires total
74(
*
)
. Elle est le
troisième employeur du pays
après deux administrations,
l'Education nationale et le ministère de la Défense, et avant
deux entreprises : la SNCF et la Compagnie générale des Eaux. Une
position somme toute très symbolique !
Dans un pays où le taux de chômage compte parmi les plus
élevés de l'Union européenne, La Poste constitue donc un
enjeu social majeur. Quand on se souvient du coût humain de la crise de
la sidérurgie, on ne peut guère douter qu'un ébranlement
économique de La Poste pourrait avoir de graves conséquences pour
la solidité du tissu social de notre pays.
(2) Une pluralité de statuts
En 1996, La Poste employait environ 80 % de fonctionnaires et près de 20 % de salariés engagés dans un cadre contractuel, comme le rappelle le tableau ci-après.
RÉPARTITION STATUTAIRE GLOBALE DES PERSONNELS DE LA POSTE (1994-1996)
Nombre |
% |
|||
1994 |
1996 |
1994 |
1996 |
|
Fonctionnaires |
260.303 |
249.159 |
82,81 % |
80,24 % |
Agents contractuels
|
54.024
|
61.340
|
17,19 %
|
19,76 %
|
Total général |
314.327 |
310.499 |
100 % |
100 % |
Source : La Poste, Bilan social 1996 p.6.
Si tout au long de son histoire administrative l'opérateur a recouru
à l'emploi d'auxiliaires n'ayant pas la qualité de
fonctionnaires, depuis le vote de la loi " Quilès " du 2
juillet 1990, la
proportion
des
agents contractuels
s'est
accrue
et les
types de contrat
se sont
diversifiés
.
Qu'on en juge : en 1996, parmi les personnels relevant du droit commun du
travail, 60 % étaient titulaires de contrats de travail à
durée indéterminée ordinaires, un peu moins du tiers de
contrats à durée déterminée (CDD) et un peu moins
du dixième étaient titulaires de contrats de travail à
durée indéterminée intermittents (CDII).
b) La Poste : un groupe important aux résultats contrastés
(1) Des filiales diversifiées
L'exploitant public est la maison mère du
groupe La Poste
qui comprend également
près de vingt
filiales
détenues par la holding financière
SOFIPOST
.
En 1996, le chiffre d'affaires consolidé
75(
*
)
du
groupe SOFIPOST était de 4,2 milliards de
francs, et son résultat net consolidé de 35 millions de francs.
Les deux principales filiales de La Poste sont Chronopost et
l'Aéropostale qui réalisent respectivement 1,8 milliard et 1,05
milliard de francs de chiffre d'affaires en 1996.
Ces filiales assurent principalement :
-
des activités complétant celles de La Poste
,
notamment dans le
transport de colis
avec Chronopost et TAT Express, ou,
dans le
marketing direct
, avec Médiapost ;
- des prestations visant à la
réduction des
coûts
et à
l'amélioration de la qualité
d'ensemble des services postaux
avec l'Aéropostale (transport de
containers de courrier par avion la nuit), Somepost (ingénierie
postale), Sogeposte (création de produits financiers pour le
réseau postal) ;
- des opérations de
fiabilisation des flux de courrier et de
fidélisation de la clientèle des entreprises
, grâce
à des sociétés telles que Dynapost (traitement
intégré du courrier des entreprises), ou encore Datapost,
spécialisée dans l'édition, le tri et la mise sous pli du
courrier d'origine informatique.
L'annexe 6 du présent rapport récapitule les principales filiales
détenues par SOFIPOST.
(2) Le quinzième chiffre d'affaires de France
La Poste est un acteur économique majeur.
Le
groupe La Poste
76(
*
)
réalise un
chiffre d'affaires de 86,65 milliards de francs en 1996
, ce qui le place
au
quinzième rang des grandes entreprises françaises,
derrière Elf Aquitaine, EDF ou Alcatel, mais devant Danone, la SNCF, Gaz
de France, l'Aérospatiale ou Thomson. Le chiffre d'affaires de
l'opérateur public lui même s'élève à 83,8
milliards de francs
en 1996.
Le chiffre d'affaires global du groupe est le fruit de deux activités :
le
courrier
(correspondance, publipostage, messagerie, presse et
activités internationales) qui représente
65,85 milliards
de francs
et les
services financiers
qui contribuent au compte
d'exploitation pour
20,22 milliards de francs
77(
*
)
.
(3) Des résultats nets parfois déficitaires
En 1996
, le résultat d'exploitation du groupe La
Poste atteint 981 millions de francs,
le résultat courant
enregistrant un
déficit de
571 millions
et le
résultat après impôts (part du groupe), une perte nette de
614 millions de francs, ce qui représente cependant une
amélioration par rapport à 1995, année où le
résultat après impôts a été
déficitaire de près de 1,125 milliard
78(
*
)
de francs.
L'évolution du chiffre d'affaires et du résultat net de La Poste
depuis 1991 se trouve résumée dans le tableau ci-après.
ÉVOLUTION DES RESULTATS DU GROUPE LA POSTE ET DE L'OPERATEUR PUBLIC (1991-1996)
(en milliards de francs)
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Chiffre d'affaires consolidé du groupe |
73,33 |
75,80 |
79,54 |
83,45 |
84,13 |
86,65 |
Résultat net part du groupe |
0,31 |
0,11 |
- 1,22 |
0,19 |
-1,12 |
- 0,61 |
Chiffre d'affaires de l'opérateur La Poste |
72,04 |
74,16 |
77,69 |
81,16 |
81,52 |
83,83 |
Résultat net avant IS |
0,30 |
0,06 |
-1,23 |
0,52 |
-1,48 |
-0,66 |
(Source : La Poste)
Cette fragile santé financière de l'opérateur postal se
doit d'être soulignée avec vigueur tant -nous le verrons- les
défis qu'il a à affronter sont lourds.
c) Un patrimoine conséquent
Si elle s'incarne d'abord dans les hommes, la présence postale se concrétise dans un patrimoine immobilier et un parc de véhicules postaux importants.
(1) Le parc immobilier de La Poste
Le parc immobilier occupé par La Poste est
constitué de plus de
17.000 immeubles
, ce qui correspond
à une surface d'environ
7,7 millions de mètres
carrés
.
La Poste possède en propre 4.800 immeubles, représentant une
surface de 5,2 millions de m2, dont plus de la moitié est
occupée par des bureaux et des centres de tri. La
valeur totale de ce
patrimoine
, qui figure au bilan du groupe,
est estimée à
28,7 milliards de francs
et donne lieu chaque année à
1,3 milliard d'amortissements et à 2 milliards de frais
financiers. Quant aux immeubles loués par La Poste, leur nombre avoisine
les 12.300 pour une surface estimée à 2,5 millions de m2.
Elle est, à n'en pas douter, l'un des plus gros propriétaires
immobiliers français après l'Etat.
Mieux qu'un long discours, ces chiffres donnent la mesure de l'importance des
infrastructures postales qui irriguent l'ensemble du territoire.
(2) Le parc des véhicules
La Poste dispose d'un parc de plus de 87.000 véhicules aussi diversifié que les modes de transport du courrier. Ce parc comprend aussi bien des bicyclettes que des avions, en passant par des voitures et des rames de TGV, ainsi que l'atteste le tableau suivant :
PRÉSENTATION DU PARC DES VÉHICULES DE LA POSTE
Type de véhicule |
Nombre d'unités |
Voitures, fourgonnettes, fourgons, remorques et poids lourds |
45.073 |
Deux et trois roues |
42.217 |
Parc ferroviaire |
3,5 rames TGV
|
Flotte aérienne |
31 appareils |
Source : La Poste
Les budgets engagés pour la gestion de ce parc de véhicules sont
à la dimension de l'entreprise, c'est-à-dire
considérables. Chaque année 10 % des investissements globaux
sont nécessaires rien que pour renouveler le seul parc automobile.
2. Au plan local
a) La Poste compte parmi les premiers animateurs des tissus économiques locaux
Dans beaucoup de départements, La Poste est l'une des
premières, sinon la première entreprise, aussi bien en termes de
chiffre d'affaires que d'emplois.
Globalement, si l'on cumule les salaires versés, les investissements
réalisés, et les commandes passées par La Poste à
ses fournisseurs, ce sont, en
moyenne 700 millions de francs par an et par
département
qu'elle injecte dans les circuits économiques
locaux.
Les réalités locales sont cependant contrastées : en
Lozère, son chiffre d'affaires est de 76 millions de francs ; il est de
1 milliard de francs en Haute-Savoie et de 1,5 milliard de francs dans les
Yvelines.
Près de 260.000 postiers travaillant en dehors de l'Ile-de-France, La
Poste est, on le comprend immédiatement, presque toujours l'un des
premiers employeurs départementaux. En Lozère, avec un effectif
de 664 personnes, elle se situe au 1er rang des entreprises, hors
administration ; en Haute-Loire, elle est le second employeur du
département. En Haute-Savoie et dans les Yvelines, ce sont
respectivement 2.500 et plus de 4.200 personnes qui travaillent dans ses
services.
Qui pourrait douter, à la lecture de ces chiffres que notre
opérateur postal est un des premiers acteurs de la scène
économique locale ?
b) Une organisation territoriale décentralisée
La Poste est organisée depuis 1991, en
huit
délégations
territoriales. dont dépendent
cent
trois directions départementales
, qui correspondent aux
circonscriptions administratives et
355 groupements,
créés
pour leur part
en 1992
. Ces dernier constituent
des entités d'animation commerciale rassemblant tous les bureaux d'une
zone. Les centres régionaux des services financiers dépendent
également des délégations territoriales.
La création des délégations territoriales a permis de
déconcentrer sur l'ensemble du territoire les responsabilités et
les compétences autrefois centralisées, tout en conservant une
forte unité de gestion puisque les huit directeurs de
délégations territoriales participent au conseil de direction du
groupe La Poste, au même titre que les directeurs de métiers
(colis, courrier, réseau, finances).
Selon La Poste, la création des groupements a permis d'accroître
la capacité de réaction de ses services en allégeant la
tâche des directeurs départementaux qui, dans l'organisation
précédente, avaient directement sous leur autorité entre
100 à 200 bureaux de poste. De fait, chaque département
compte désormais 3 à 6 groupements, ce qui doit permettre un
pilotage fin des objectifs commerciaux et un management plus efficace des
ressources humaines, car plus proche du terrain.
Fin mars 1997, a été mandatée une mission d'étude
qui a pour objectif de définir un projet d'organisation davantage
axé sur les métiers tout en respectant l'actuel découpage
géographique.
B. LA POSTE ET LES ENTREPRISES : UNE INTERDÉPENDANCE VITALE POUR CHAQUE PARTIE
Il est loin le temps où l'essentiel de l'activité postale provenait des lettres adressées par les particuliers ! L'acheminement de la carte postale de " tante Adèle " ne constitue plus le coeur du métier de notre opérateur postal. Beaucoup peuvent être surpris mais -nous le verrons plus avant- les chiffres le prouvent : hors les entreprises, il n'y a pas d'avenir pour les métiers du courrier ! Cependant, sans La Poste, nombre d'entreprises ne pourraient exercer leur activité. Entre La Poste et les entreprises une interdépendance mutuellement bénéfique n'a donc cessé de se resserrer au cours des dernières années. A tel point qu'aujourd'hui, si cette relation était rompue par l'une des parties, cela causerait beaucoup de tort à l'autre et à l'ensemble de l'économie.
1. L'activité courrier de La Poste est de plus en plus concentrée sur un nombre réduit de clients importants
La Poste est aujourd'hui une entreprise qui travaille
principalement au service des entreprises.
Elle joue, bien entendu, un rôle essentiel vis à vis des
artisans
et des
petites et moyennes entreprises
, notamment en
zone rurale. Les uns et les autres n'ont souvent pas d'autre alternative que
ses services pour leurs échanges de courrier ou de colis.
Cependant, son chiffre d'affaires est de plus en plus concentré sur un
nombre réduit de gros clients.
En effet, sur une activité " courrier " de quelque
66 milliards de francs, le "
courrier contractuel en
nombre
" -qui émane des plus gros clients de La Poste-
représente à lui seul 21 milliards de francs,
gérés dans le cadre de
320 contrats commerciaux.
Sur ce total, la vente par correspondance (
VPC
) représente,
à elle seule,
6 milliards de francs
de chiffre d'affaires ;
les banques : 6,5 milliards
;
les assureurs
,
facturiers
et sociétés de crédit à la
consommation
: 2,6 milliards.
Au total, les
86 premiers clients
appartenant aux " grands
comptes " de La Poste
représentent à eux seuls 18
milliards de francs
de son chiffre d'affaires
, soit le tiers du chiffre
d'affaires du courrier et le cinquième du chiffre d'affaires total du
groupe.
A cela s'ajoute le fait que ces entreprises, banques, assureurs et surtout
vendeurs par correspondance suscitent un
flux important de courrier
induit.
Actuellement, 60 % des commandes de la VPC lui sont encore
adressées par écrit, ce pourcentage étant encore plus
élevé quand les commandes émanent de personnes
âgées.
Un envoi de prospection facturé 1,68 franc par La Poste induit pour
cette dernière près de 16,8 francs de chiffre d'affaires en
moyenne, c'est-à-dire dix fois plus que la somme initiale, du fait des
commandes et courriers qui s'ensuivent. En effet, un client qui a
commandé un produit reste, en moyenne, au moins deux ans dans les
fichiers des entreprises de VPC. Le prix des envois que lui adressent
régulièrement ces dernières avoisine 400 francs par
an, soit en moyenne environ 40 francs de chiffre d'affaires pour La Poste.
L'élasticité-prix de la demande d'envoi de produits issus de la
VPC par rapport au tarif postal est donc un élément essentiel
à la détermination des tarifs postaux.
La Poste peut par conséquent difficilement se passer de la
clientèle des entreprises de vente par correspondance, dont
l'activité représente, directement ou indirectement, 9 % de
son chiffre d'affaires dans le courrier.
2. Beaucoup d'entreprises de la vente par correspondance, la grande et moyenne distribution mais aussi la presse ont un besoin vital de La Poste
Plus encore que pour les autres entreprises, la fiabilité, l'efficacité et la régularité du service postal sont essentielles tant pour la vente par correspondance que pour la grande et moyenne distribution et la presse.
a) La vente par correspondance (VPC)
Depuis les années 1970, le secteur de la vente
par correspondance a connu un fort développement en France. L'apparition
de nouvelles techniques de vente, telles que le
" télé-achat ", alliant la télévision, le
téléphone et l'acheminement, a renforcé un mouvement
né de l'urbanisation et du développement du travail des femmes.
De nos jours,
le chiffre d'affaires annuel de la VPC française
atteint environ 75 milliards de francs.
Il se répartit entre un peu moins de 50 milliards de francs pour les
ventes aux consommateurs, 13 milliards de francs pour le trafic
entreprises-entreprises et 12 milliards de francs à
l'international
79(
*
)
.
Il est
réalisé pour près de 95 % par les 250
sociétés membres du syndicat des entreprises de vente par
correspondance et à distance. Le secteur de la VPC qui est fortement
implanté dans le Nord de la France emploie directement quelque 30.000
salariés.
Tous les secteurs de l'économie française ont recours à la
VPC grâce à laquelle s'effectuent 2,5 % du commerce total en
valeur et jusqu'à 6 % du commerce non alimentaire, voire même
30% des ventes dans certaines filières telles que celles du meuble et de
la literie.
La Poste intervient à tous les stades de cette activité :
prospection commerciale, envois des catalogues, gestion des commandes,
acheminement des colis. Les coûts engagés par les
" VPCistes " dans leur démarche marketing sont très
élevés : la simple fabrication et l'acheminement d'un catalogue
représentent, pour les plus importants d'entre eux, un investissement
supérieur à la construction d'un supermarché, terrain et
équipements compris.
Pour les entreprises de VPC,
le coût des dépenses
postales équivaut, en moyenne, à leurs frais de personnel
,
soit environ 8 à 12 % de leur chiffre
d'affaires.
Dans ces conditions, toute hausse du tarif postal
pèse considérablement sur leurs résultats.
C'est ainsi qu'une filiale d'un grand groupe de VPC après avoir subi une
hausse de tarif de 7 % sur des envois classés " postimpacts
non mécanisables " qui constituaient une part importante de sa
prospection commerciale, a vu ses coûts d'affranchissement
s'accroître de 7 millions de francs et son résultat net
devenir négatif.
Paradoxe apparent, les hausses des tarifs postaux appliqués à la
VPC peuvent coûter cher à La Poste.
Ainsi, le catalogue " Together " diffusé, chaque semestre,
par
les Trois Suisses à 1 million d'exemplaires ayant fait l'objet d'un
changement de tarification (son coût d'affranchissement passant de 3
à plus de 6 francs) en raison de dimensions non
" normalisées ", Les Trois Suisses ont été
contraints de réduire son format. Cette décision a eu deux
conséquences : un préjudice commercial -le produit
était moins attractif-, et aussi une perte de chiffre d'affaires de
400.000 francs pour La Poste.
Plus important encore, la prospérité de nombreux VPCistes
dépend étroitement de la bonne marche des services postaux,
particulièrement les petits VPCistes qui ne disposent pas de
réseau propre. Mais les plus grosses entreprises telles que La Redoute,
Les Trois Suisses et Yves Rocher ne peuvent supporter de rupture dans la
continuité du service postal, même si elles conservent de larges
marges de manoeuvre (La Poste n'assurant que 30 % de leurs envois).
Pour toutes, il est vital que les prospections, les promotions, les catalogues
et les colis parviennent à leurs destinataires dans des délais
précis et prévisibles. A tort ou à raison, la
clientèle associe, en effet, toute interruption du service postal
à l'impossibilité de recourir à la VPC. Quant à la
rapidité de livraison, l'exigence du client est d'autant plus forte que
certains VPCistes s'engagent sur les délais d'acheminement des colis. La
formule "
48 heures chrono
", adoptée par l'un
d'eux, a véritablement fait florès et l'efficacité de la
profession est jugée désormais à cette aune.
L'avenir même de la VPC est indissociable de l'existence d'un service
postal capable de répondre à ses besoins et aux exigences de ses
clients. La meilleure preuve en est que la vente par correspondance
connaît son plus fort développement dans les pays qui disposent
des services postaux les plus fiables. Elle réalise des scores
commerciaux tout à fait conséquents en Europe du Nord, où
les postes sont habituellement très efficaces, alors que son
développement est faible dans les pays du Sud de l'Europe où,
d'une manière générale, le service postal est
considéré comme déficient.
b) La grande et moyenne distribution
N'ayant pas accès à la télévision,
la grande distribution a fréquemment recours à la
publicité non adressée et concourt pour près de
1,7 milliard de francs au chiffre d'affaires de La Poste (2,6 % du
chiffre d'affaires courrier).
Aujourd'hui, alors que la part du flux des lettres de particulier à
particulier dans le total des objets postés ne cesse de se
réduire, le volume des imprimés sans adresse croît
d'environ 7% par an. Toutefois, sur ce créneau, La Poste se trouve aux
prises avec une assez forte concurrence. Sa part de marché n'est que de
15% pour les imprimés sans adresse publiés par les
hypermarchés, contre 30% pour ceux publiés par les petites et
moyennes surfaces.
c) La presse
Sur un total de 5,2 milliards d'objets vendus au total
dans le secteur de la presse, La Poste en achemine 2 milliards environ,
soit près de
40 %,
les 60 % restants étant
vendus au numéro ou distribués à domicile, par portage.
Le portage des journaux à domicile est, pour le moment, assez peu
développé en France, hormis dans l'Est où il atteindrait,
semble-t-il, de 60 à 80 % de la diffusion totale de titres tels que
Le Républicain lorrain
ou
Les Dernières Nouvelles
d'Alsace
, voire aussi dans le Nord où deux tiers des numéros
de
La Voix du Nord
sont acheminés par ce moyen. Notons
également qu'un cinquième des numéros vendus du
Parisien
sont portés à domicile en Ile-de-France et dans
l'Oise. Pour nombre de titres, le portage reste, pour l'instant, prohibitif au
regard notamment des prix postaux qui sont, nous l'avons vu
80(
*
)
, subventionnés.
La vente au numéro ne constituant pas une alternative suffisante,
(pourcentage élevé d'invendus en kiosques ; autres points de
vente souvent insuffisamment nombreux), la majorité des titres cherchent
à développer une politique d'abonnement et recourent aux services
de La Poste.
C'est ainsi que dans le secteur de la
presse nationale d'opinion
,
certains titres sont presque en totalité diffusés par abonnement
sur tout le territoire, à l'exemple de
La Croix
dont la diffusion
en kiosque représente une part très faible de la diffusion
totale. De même, un journal du soir tel que
Le Monde
ne peut pas
avoir massivement recours au portage après sa parution, compte tenu des
difficultés de circulation à Paris en fin d'après midi. De
grands titres de la
presse quotidienne régionale
(PQR), comme
La Nouvelle République
ou
La Montagne
, étant
diffusés dans des départements de faible densité humaine,
ne sont pas, eux non plus, en mesure de développer le portage. Quant aux
hebdomadaires, ils n'y ont encore pas beaucoup recours, hormis quelques
expériences (notamment
Le Point
dans plusieurs arrondissements
parisiens).
Aussi, en dépit de l'accroissement régulier que connaît ce
mode de distribution, à l'initiative de titres tels que
Ouest-France,
dont depuis quelques années, environ 40 % de
la diffusion totale payée est portée à domicile, La Poste
demeure un point de passage obligé pour une large partie de la presse.
Presque tous les quotidiens et une grande partie des périodiques sont
d'importants clients de La Poste. Cette dernière diffuse, par exemple,
près des deux tiers des exemplaires des
Echos
ou de
la
Tribune.
La presse dans son ensemble est d'autant plus dépendante de La Poste
dans l'équilibre de ses comptes qu'elle a recours au financement
publicitaire. En conséquence, toute grève postale a une incidence
négative immédiate sur les finances des titres. Cette
dépendance est d'autant plus importante que les publications
françaises bénéficient d'une diffusion totale payée
bien plus faible que celle observée à l'étranger pour les
quotidiens nationaux. En Suède, par exemple, les deux principaux
quotidiens ont un tirage supérieur à celui du premier quotidien
d'opinion français, alors que ce pays est peuplé de
8 millions d'habitants, soit moins de 15 % de la population de
l'Hexagone.
II. DES ACTIVITÉS BIPOLAIRES AUX ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
Depuis la fin du XIXè siècle, La Poste
exerce une double activité d'acheminement du courrier et de prestataire
de services financiers, confirmée par la loi du 2 juillet 1990.
Ces deux grandes activités, le
courrier
et les
services
financiers
, contribuent respectivement pour
75 % et 25 %
à son chiffre d'affaires.
A. LES MÉTIERS DU COURRIER : AU COEUR DES COMMUNICATIONS ET DE LA COMPÉTITIVITÉ DU PAYS
Véritable "
service public
économique
", La Poste contribue à la
compétitivité française en assurant la continuité
de la distribution du courrier sur l'ensemble du territoire national. Ce
faisant, elle participe aussi à l'unité économique de
l'Hexagone.
Les 65,85 milliards de francs de chiffre d'affaires qu'elle tire de ce
type d'activité résultent pour
62 milliards
de
l'affranchissement (+4,3 % en 1996),
pour
1,95 milliard de
francs
(- 6,6 % la même année) des produits et
services autres que les affranchissements, ainsi que d'une participation
budgétaire de l'Etat au coût du transport et de l'acheminement de
la presse à hauteur de
1,9 milliard de francs.
En 1996, malgré la faible croissance économique,
l'activité courrier a progressé
81(
*
)
de
2,26 milliards de francs, soit 4,7 % en
valeur, et de 0,7 % en volume. Elle s'est redressée en 1997,
sensible à la reprise de l'activité économique
Les diverses activités " courrier " voient leurs parts
respectives se modifier progressivement en fonction des évolutions de la
demande, mais elles sont toutes de plus en plus orientées vers les
entreprises.
1. La correspondance des ménages ne représente plus qu'une faible fraction des activités " courrier "
La correspondance postée des ménages vers les
ménages
s'est réduite. Elle
est
passée
82(
*
)
d'environ 16 % en
1983 à moins de 10 % du volume total de la correspondance
transportée par La Poste en 1995.
Les biais introduits entre les deux dates de référence par le
changement de méthode statistique
83(
*
)
et
la difficulté de distinguer, dans biens des cas, les échanges
entre les ménages et les petites entreprises, ne permettent toutefois
pas une analyse plus fine de l'évolution.
En valeur
, la part des entreprises dans le chiffre d'affaires de
La Poste apparaît encore plus importante du fait de la
réduction tendancielle de la part des échanges entre
particuliers.
La correspondance postée par les ménages vers
les ménages représente actuellement moins de 5 %
du
chiffre d'affaires " courrier ".
Inversement,
les envois des entreprises
(tant à destination
d'autres entreprises que des ménages)
avoisinent 80 %
.
Ils se répartissent entre 50 % de correspondance
entreprise-entreprise et environ 30 % de correspondance
entreprises-ménages. Le solde correspond aux échanges des
ménages vers les entreprises.
Au sein des activités courrier le chiffre d'affaires
réalisé par La Poste sur la seule correspondance, c'est à
dire hors messagerie, publipostage et presse, s'élève à
environ 29 milliards de francs.
2. La publicité par voie postale connaît des taux de croissance contrastés
La Poste distribue un important volume de lettres qui sont des envois publicitaires, tantôt nominativement adressés, tantôt distribués sans adresse dans les boîtes aux lettres et que recouvre le vocable commun de " publipostage ". Depuis le début des années 1980, la publicité distribuée à domicile a connu une véritable envolée, mais ces dernières années, au sein d'un marché qui reste globalement porteur, la publicité adressée connaît un certain essoufflement.
a) La publicité adressée
La publicité adressée est acheminée par
La Poste sous la dénomination commerciale de " Postimpact ".
Elle est pour plus des deux tiers destinée aux ménages.
Aujourd'hui, après l'essor du début des années 1990, ce
marché s'essouffle : son taux de croissance annuel n'était que de
1 % en 1995, contre 4,6 % en 1994. Or, La Poste y réalise
encore un chiffre d'affaires considérable : environ 6,7 milliards
de francs la même année, du fait notamment de l'avantage que lui
assure son monopole.
b) La publicité non adressée
En revanche, le marché de la publicité non
adressée, très concurrentiel quant à lui, se
développe à vive allure : plus de 7 % en 1995 en
tenant compte de la distribution de journaux gratuits !
La Poste réalise sur ce marché, avec la gamme des produits
" Postcontact ", un chiffre d'affaires de 1,7 milliard de
francs,
soit 40 % de part de marché, sans tenir compte cependant de la
distribution de journaux gratuits, -segment dont elle est largement absente.
L'opérateur public semble donc quelque peu en porte-à-faux sur
le marché du publipostage : il conserve une part importante d'un secteur
protégé qui décroît légèrement et
s'affirme moins nettement sur le segment dont la croissance est la plus
vive.
3. La messagerie et l'express : des marchés en expansion
La messagerie fait l'objet d'une double segmentation :
- en fonction du poids : elle recouvre alors le
" monocolis "
(paquets de zéro à 30 kilos) et les
" expéditions ", qui correspondent aux envois d'un poids
compris entre 30 et 300 kilos ;
- en fonction du critère de la vitesse d'acheminement :
" rapide " (livraison à J+1 ou J+2) et
" express "
(livraison tôt le matin) ;
Le marché global de la messagerie
, y compris l'express est
estimé
84(
*
)
,
en France, à
environ 37 milliards de francs
dont :
- en prenant en compte le critère de poids : 13 milliards pour le
monocolis et 24 milliards pour les " expéditions "
(notamment
en palettes) ;
- en prenant en compte le critère de rapidité : 25 milliards pour
le " rapide " et 12 milliards pour l'
" express ".
Le groupe La Poste détient encore environ le quart du marché
français de la messagerie avec près de 9,5 milliards de francs.
CHIFFRE D'AFFAIRES DU GROUPE LA POSTE
SUR LE MARCHE DE LA
MESSAGERIE (1995)
en millions de francs
Source : La Poste
Le marché du colis connaît une croissance annuelle de 3 %
dans l'Hexagone et de près de 13 % pour les échanges
européens de colis inter-entreprises. Ce marché est
concentré pour près des 2/3 sur la vente par correspondance.
Là comme pour le courrier en général, ce sont les
entreprises qui alimentent les flux : elles en draînent plus de 90 %.
4. Une activité internationale non négligeable
La Poste échange du courrier avec les 189 pays
membres de l'Union Postale Universelle (UPU). Toutes branches confondues, le
groupe réalise grâce à son
activité
internationale
,
un chiffre d'affaires de 3,8 milliards de francs en
1995
, soit un peu moins
de 5 % de son chiffre d'affaires total
.
Ce résultat relativement modeste ne doit pas conduire à
sous-estimer le fait que les échanges internationaux à haute
valeur ajoutée sont parmi ceux qui croissent le plus vite et constituent
l'un des créneaux les plus porteurs.
Cette activité internationale concerne le courrier ordinaire pour 74 %,
le courrier express pour 12 % environ et les services financiers pour moins de
14 %. En termes géographiques,
le développement
international de La Poste s'effectue pour 60 % en direction de l'Union
européenne
et à hauteur de 10 % vers les Etats-Unis et
le Canada.
Pour affronter les marchés internationaux, La Poste a conclu des
alliances
. Dans le domaine des envois express internationaux, les postes
allemande, française, suédoise, néerlandaise et canadienne
se sont tout d'abord réunies dans une
joint venture
dénommée GDNet qui s'est alliée avec l'opérateur
australien TNT pour former
TNT Express Worldwide.
Après le rachat
de TNT par KPN, La Poste s'en est retirée, de même que les postes
allemande et canadienne. GDNet a été finalement dissoute mais
Chronopost reste lié avec
TNT Express Worldwide
par des accords
commerciaux et opérationnels jusqu'en 2001.
B. LES SERVICES FINANCIERS : LE QUART DU CHIFFRE D'AFFAIRES
La Poste est un puissant acteur financier.
Ceci se
vérifie en termes de réseau, avec près de 17.000 points de
contact ; de clientèle, avec 28 millions de clients ; de collecte,
celle-ci dépasse, en 1997, 1.000 milliards de francs.
La Poste
est le premier réseau financier en nombre de points de vente, le
deuxième en nombre de clients et le troisième par le montant
d'encours gérés.
Les services financiers représentent le quart du chiffre d'affaires
total de La Poste.
1. Les services de nature bancaire
a) Deux types d'exposition à la concurrence
Aux termes de l'article 8 de la loi bancaire de 1984,
les
services financiers de La Poste "
peuvent effectuer les
opérations de banque prévues par les dispositions
législatives et réglementaires qui les
régissent
"
.
A ce titre, certaines activités
financières ne sont pas soumises à la concurrence du
réseau bancaire ; d'autres en revanche le sont entièrement.
Les
activités faiblement exposées à la concurrence
recouvrent, d'une part, le duopole de la collecte au titre du livret A,
partagé avec les Caisses d'Epargne et, d'autre part, la gestion des
mandats qui constitue un quasi-monopole de fait
87(
*
)
. En effet, l'émission de mandats n'est pas
juridiquement protégée et ce service pourrait parfaitement
être proposé par les banques, si elles le souhaitaient.
Les activités dans le
secteur ouvert à une concurrence
généralisée
comprennent la gestion des comptes
courants postaux (CCP), de livrets d'épargne liquide (livret B,
LEP, Codévi, Livret jeune), de produits d'épargne logement
(gestion de comptes et plans, octroi d'emprunts), de plans et comptes
d'épargne populaire, de dépôts à terme, de
placements de titres (OPCVM, actions, obligations) et de produits d'assurance.
Mais La Poste n'a pas accès à toutes les activités
bancaires concurrentielles : elle ne peut, à la différence des
établissements bancaires, consentir de crédits à la
consommation ou de prêts immobiliers sans épargne préalable.
Contrairement à une idée répandue, La Poste est d'ailleurs
de plus en plus soumise à la concurrence, comme le montre la
transformation de ses sources de profit.
La composition de son produit
net
bancaire
(PNB)
s'est, en effet, considérablement
modifiée.
Alors que celui-ci était essentiellement issu de la
gestion de produits administrés au début des années 1990,
il résulte aujourd'hui, pour plus du tiers, d'activités
réalisées sur des produits négociés.
ÉVOLUTION DE LA COMPOSITION DU PNB DE LA POSTE
1990 |
1992 |
1996 |
|
Rémunération de la
gestion de produits
administrés
|
86 % |
74 % |
66 % |
Rémunération de la gestion des produits négociés |
14 % |
26 % |
34 % |
Total en
pourcentage
|
100 %
|
100 %
|
100 %
|
Source : La Poste
b) Les Comptes Chèques Postaux
La Poste gère
dix millions de
comptes
chèques postaux
(CCP)
. En 1996, les avoirs des particuliers
et des entreprises placés sur ces comptes se sont élevés
à
164,6 milliards de francs
.
La Poste est tenue, en vertu de l'article 16 de la loi du
2 juillet 1990, de
déposer au Trésor public les
fonds collectés au titre des CCP
. Ce même article
prévoit que le cahier des charges précise les garanties d'une
juste rémunération
des fonds déposés, qui
doit inciter à la collecte et atteindre un niveau au moins égal
au coût de celle-ci, compte tenu des gains de productivité obtenus.
La rémunération des fonds déposés au Trésor,
prévue par l'article 9 du contrat de plan est égale au taux
des bons du Trésor à taux fixe (BTF 13 semaines),
diminué d'une commission de 0,4 %, en contrepartie de la garantie
accordée par l'Etat aux dépôts sur les CCP. Cette
rémunération ne peut être inférieure à
4,75 % ni supérieure à 6,5 %. En 1996, du fait de ce
mode de calcul, La Poste a perçu 7,79 milliards de francs au titre
du dépôt des fonds CCP au Trésor, soit une diminution de
10 % par rapport à 1995, en raison de la répercussion de la
baisse des taux courts sur les titres d'Etat. Ainsi, son taux de
rémunération annuel moyen est passé de 5,8 % en 1995
à 5,2 % en 1996.
La fixation du mode de rémunération des CCP a donné lieu
à des débats dès la signature du premier contrat de plan
Etat-Poste. Actuellement, à cause de la baisse des taux courts, le mode
de rémunération est devenu moins avantageux pour l'Etat, dans la
mesure où le plancher de rémunération, de 4,75 %, est
supérieur aux taux du marché.
La Poste considère, quant
à elle, qu'elle a subi, en 1996, un manque à gagner d'au moins
1 milliard de francs. Elle explique ce manque à gagner, d'une part,
par le fait qu'elle pourrait, si la liberté lui en était
donnée, gérer cette trésorerie de façon à en
obtenir une rémunération plus intéressante ; d'autre
part, par la prise en compte de ses coûts de collecte, arguant que les
coûts des établissements financiers sont estimés, en
moyenne, à 7 % environ.
c) Les fonds d'épargne : du livret A aux OPCVM
Le réseau de La Poste sert de guichet à
la Caisse Nationale d'Epargne (CNE), dont la Caisse des Dépôts et
Consignations assure la gestion financière. Les fonds collectés
par La Poste pour le compte de la CNE
88(
*
)
au
titre des 25 millions de livrets ouverts dans ses comptes,
s'élèvent à 428 milliards de francs en 1996, soit une
hausse de 6,3 % par rapport à 1995. Ils sont
intégralement mis à disposition de la Caisse des
Dépôts et Consignations
.
La collecte au titre des
livrets A et B,
qui représente au
total
284,7 milliards en 1996,
s'est réduite de
20 milliards par rapport à 1995, soit - 6,6 %.
L'article 9 du contrat de plan de La Poste prévoit que
la
rémunération
servie par la Caisse des Dépôts et
Consignations à La Poste
au titre de ces livrets est égale
à 1,5 % des encours moyens
. La diminution de ces encours
-liée notamment à la diminution de 1 point, à compter du
1er mars 1996, de la rémunération des livrets A
(dorénavant fixée à 3,5 %)- explique que la
rémunération perçue par La Poste ait diminué de
0,7 % en 1996 pour atteindre 4,29 milliards de francs.
La Poste gère aussi
d'autres produits d'épargne,
tels que
des plans et des comptes d'épargne logement (PEL et CEL), des plans et
des livrets d'épargne populaire (PEP et LEP) et des Codévi. Ces
fonds sont également
intégralement centralisés à
la Caisse des Dépôts et Consignations
. Leur collecte, qui
s'élève à 144,10 milliards de francs, a enregistré
une forte croissance en 1996 : pour les CEL (+ 16,4 %), aussi
bien que pour les PEL (+ 44,6 %), les LEP (+ 109 %) ou
les Codévi (+ 5,1 %). Au total, la rémunération
versée à La Poste par la Caisse des Dépôts au titre
de la collecte de ces avoirs s'est élevée à
1,794 milliard de francs en 1996.
Les fonds collectés au titre des OPCVM
89(
*
)
(SICAV et fonds communs de placement)
s'élèvent à 116,1 milliards de francs, soit une
diminution de près de 10 % en 1996 qui s'explique par un
accroissement de la fiscalité sur ces produits et par la baisse des taux
courts.
2. Les assurances
Autorisée par l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990
précitée à offrir des prestations relatives à
"
tous produits d'assurance
", La Poste a également
conquis une place importante dans ce secteur. Son volume d'affaires y a
quadruplé depuis 1990 bien qu'elle n'ait, jusqu'à présent,
développé son activité que sur l'assurance-vie.
Au sein des actifs collectés en 1996, l'encours de la
ligne
assurance-vie
et
capitalisation
s'élève à
184 milliards de francs
, en hausse de près de 23 %.
Cette activité donne lieu au versement par la Caisse Nationale de
Prévoyance (CNP) de 1,3 milliard de francs à La Poste, dans
les conditions prévues par une convention commerciale signée
entre les deux partenaires.
Désormais,
la part de marché de
La Poste est
supérieure 9 % du marché de l'assurance-vie,
son encours
total ayant quadruplé depuis 1990. Il correspond aux avoirs de
2,3 millions de clients.
La Poste occupe actuellement la seconde place
en termes d'encours
, derrière le Crédit agricole et devant
les Caisses d'Epargne.
La presse s'est faite l'écho, au printemps 1997, de ce que La Poste
serait susceptible de s'intéresser, à l'avenir, au secteur de
l'assurance-dommages, comme l'article 2 de la loi de 1990 l'y autorise.
Preuve de son dynamisme, cette démarche paraît s'inscrire dans une
tendance générale au rapprochement entre la banque et l'assurance
qui s'est, par exemple, récemment traduite par l'alliance de la
compagnie Winterthur et du Crédit Suisse
90(
*
)
.
Une telle ambition est tout à fait
légitime. Elle ne devrait toutefois se traduire en actes qu'avec les
élémentaires précautions qui s'imposent car il ne s'agit
pas de compromettre l'équilibre d'un pan entier de l'économie.
La Poste est donc à la fois l'un des plus grands employeurs du pays, un
acteur majeur du service économique aux entreprises et un
opérateur financier de première importance. Cette puissance
humaine, économique et financière, qui s'incarne dans le
réseau postal, ne peut cependant pas masquer les faiblesses d'une
entreprise de plus en plus exposée à la concurrence.
CHAPITRE IV -
LA POSTE EST CONFRONTÉE
À DES DÉFIS QUI PEUVENT ÊTRE MORTELS
Si La Poste est indéniablement un acteur économique de poids, il serait cependant illusoire de la croire immortelle. Elle est, en réalité, confrontée à trois défis majeurs : l'irruption de la concurrence , l'évolution du cadre réglementaire européen , ainsi qu'une certaine remise en cause des conditions d'exercice de ses activités financières.
I. L'IRRUPTION DE LA CONCURRENCE
Jadis protégée sur l'ensemble de ses
marchés, La Poste est aujourd'hui soumise aux feux de la concurrence.
Celle-ci s'exerce sur trois " fronts " :
le front
technologique
, lié au développement des nouvelles
technologies de l'information ;
le front postal
, lié au dynamisme
des entreprises du secteur privé, mais aussi des autres postes
européennes ;
l'affront du repostage
, enfin, véritable
piraterie à laquelle s'adonnent certaines postes concurrentes.
Ce vocabulaire un peu guerrier peut étonner. Il est pourtant de mise :
La Poste doit relever ces défis et livrer bataille, si elle veut garder
son rang de grande poste européenne au 21ème siècle.
Ceci sera d'autant plus difficile que le monopole juridique de l'entreprise
pourrait bien s'avérer n'être plus qu'un bouclier de carton.
A. L'EXPLOSION DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE LA COMMUNICATION
L'avènement de la société de l'information s'accompagne d'une évolution technologique irrésistible des instruments de communication qui pourrait à terme, menacer le coeur de métier de La Poste : le courrier.
1. L'avènement de produits de substitution
Il est un fait que les différents modes de
communication se concurrencent, les plus rapides, fiables et bon marché
se substituant progressivement aux autres. Mais ce phénomène ne
date pas de l'irruption de la télécopie dans nos bureaux, puis
dans nos maisons. Le marché de la communication a connu en
réalité une quadruple révolution au gré des
avancées technologiques : téléphone et Minitel,
télécopie, édition de données informatiques,
Internet.
C'est ainsi que la période de rattrapage du
téléphone
à la fin des années 70, puis
l'équipement en
Minitel
ont fortement touché les flux de
courrier " ménage vers ménage " (qui a connu un taux de
décroissance de près de 50 % entre 1983 et 1993) et ont
érodé la croissance des flux " ménage vers
entreprise ". Il suffit d'évoquer, par exemple, la banalisation des
prélèvements automatiques et le développement des
commandes par Minitel.
A la fin des années 80, la
télécopie
-technologie
véritablement innovante- a affecté les flux de courrier
" entreprise vers entreprise ". La Poste estime déjà
entre 600 et 700 millions de francs le manque à gagner pour ses
activités " courrier " qui résulte de l'actuel niveau
de développement des échanges par télécopie.
La troisième révolution commence
avec l'édition de
données informatiques
(EDI). Elle devrait s'accentuer avec
l'équipement multimédia des différentes catégories
de clients, y compris des particuliers. Les flux " entreprise vers
entreprise " seront directement concernés et les flux
" entreprise vers ménage " devraient également voir
leur croissance ralentir, d'autant plus que les grands émetteurs tendent
à rationaliser fortement leur communication à l'égard de
leurs clients.
C'est ainsi, par exemple, que le loueur de voitures Hertz fait traiter
numériquement l'ensemble de ses factures clients à Dublin.
Enfin, l'explosion du plus vaste maillage informatique existant :
Internet
, véritable " toile d'araignée
mondiale ", ne sera pas sans effet sur les autres modes de
communication.
La population mondiale des internautes était de 65 millions
début 1997. Selon l'Union internationale des
télécommunications, elle pourrait atteindre 300 millions en
l'an 2000.
La France est certes en retard dans cette
" cyberaventure ", mais il
ne fait guère de doute qu'à terme, les Français, comme les
Américains, correspondront de plus en plus par " E-mail ",
la
messagerie électronique du " web ". D'ores et
déjà, on évalue entre 500.000 et 800.000 le nombre de
Français abonnés à Internet et le marché
français serait en croissance de 150 % par an.
Le
commerce électronique
est ainsi appelé à se
développer rapidement. Les extrapolations sont certes délicates
en la matière et les évaluations variées. Citons cependant
celle d'International Data Corporation
91(
*
)
, qui
estime que le commerce mondial sur le " web " passera de
2,6 milliards de dollars en 1996 à plus de 220 milliards de
dollars en 2001.
D'après la société de services informatiques Cap Gemini la
plupart des distributeurs s'attendent à réaliser le quart de leur
chiffre d'affaires par le canal électronique d'ici 10 ans. Pour la
vente par correspondance, la moitié des ventes serait concernée.
D'ici deux ans, le dixième des ventes pourrait être
réalisé par ce biais et, dès le tournant du siècle,
le commerce électronique pourrait représenter, en France,
8 milliards de francs de vente pour les particuliers et 48 milliards
pour le commerce interentreprises.
2. Vers un coeur de métier en peau de chagrin ?
Peut-on, pour autant, en conclure que le courrier postal est
voué au déclin ?
Non, si l'on se réfère à son évolution en volume.
En effet, le trafic du courrier continue à progresser, même si
c'est modérément.
Oui, cependant, si l'on apprécie l'évolution des parts de
marché du courrier au sein du marché de la communication, tant
mondial qu'hexagonal.
S'agissant du marché mondial
, une récente étude
(mai 1997) de l'Union Postale Universelle (UPU) estime que d'ici 2005, en
dépit de leur constante progression, les échanges postaux verront
leur part dans le marché mondial de la communication diminuer, notamment
au profit du courrier électronique.
Selon les prévisions de l'UPU pour les pays industrialisés, la
croissance des échanges postaux devrait être ramenée de
2,7 % par an en moyenne entre 1985 et 1995 à 2,3 % en moyenne
annuelle d'ici 2005.
La part du courrier électronique dans le marché mondial de la
communication
(télécopie et téléphonie inclus)
devrait passer de 5 % à
l'heure
actuelle à
10 % en 2005, le courrier physique voyant sa part régresser de 20
à 15 % du total
.
Pour ce qui concerne le marché français
, si l'effet de
substitution du courrier électronique n'a pas encore été
évalué, celui de la télécopie est indiscutable et
important.
La Poste estime, en effet, que l'impact de la télécopie est
réel depuis 1990, le taux d'équipement des entreprises en
télécopieurs étant encore faible avant cette date. Ce taux
est aujourd'hui significatif (avec 95 % des entreprises de plus de
10 salariés et 50 % des entreprises plus petites) et devrait
encore s'accroître. En outre, la pénétration accrue des
télécopieurs chez les particuliers entraînera une
banalisation de leur utilisation.
Une étude réalisée par La Poste montre qu'entre 1991 et
1994, le taux annuel moyen de substitution de la télécopie au
courrier s'élève à 6,5 % (soit près de
400 millions de lettres par an) et que la substitution s'est
amplifiée depuis lors.
Dans ces conditions, avec un taux de croissance annuel moyen de substitution
de + 3 % entre 1994 et 2000, le taux de substitution en l'an 2000
pourrait atteindre 18 % du trafic, soit 1,2 milliard de lettres.
Ces chiffres prouvent que les nouvelles technologies sont de réels
concurrents pour la Poste et doivent être traitées comme tels.
L'exemple récemment fourni par le ministère de la santé
est, à cet égard, très éclairant : ce dernier
a annoncé, au début de l'année 1997, un projet
destiné à mettre à la disposition des professionnels de la
santé et de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), un
réseau fermé de télécommunications où les
uns et les autres pourront communiquer par messagerie interne.
Alors qu'à l'heure actuelle, déjà un tiers des
informations servant à payer les prestations de la
Sécurité sociale sont transmises par voie électronique,
l'objectif est de gérer une messagerie fermée de
300.000 personnes et d'amener l'ensemble des professionnels de la
santé, y compris les médecins, à communiquer sur ce
réseau. Concrètement, un laboratoire médical pourra,
demain, envoyer les résultats d'analyses d'un patient à son
médecin par ce système et non plus par courrier papier.
Un tel projet entraînera donc une diminution du volume du courrier
traité par La Poste. Toutefois, cette dernière pourrait profiter
de l'appel d'offres lancé par le ministère pour la mise en place
de son projet, afin de mieux rentabiliser son propre réseau de
télécommunications.
Certes, il convient de se méfier des prédictions en ce domaine
-l'invention du télégraphe n'avait-elle pas déjà
amené à annoncer la fin de La Poste ?- et il est probable que les
évolutions structurelles en gestation seront plus lentes que d'aucuns
peuvent l'annoncer, pour la bonne et simple raison que les hommes ne changent
pas tous d'habitude du jour au lendemain.
Il n'en demeure pas moins qu'il est peu douteux que La Poste de Mme de
Sévigné est morte, que celle de Bill Gates est en train de
naître et que seuls ceux qui auront anticipé cette mutation et
l'auront préparée compteront sur le marché postal de
2010.
B. LA CONCURRENCE CROISSANTE DU SECTEUR PRIVÉ ET DES AUTRES POSTES EUROPÉENNES
La concurrence résultant des nouvelles technologies menace les activités postales sous monopole de La Poste. Celle exercée par les entreprises privées et les autres postes européennes concerne ses activités hors monopole. Il faut cependant avoir bien conscience, d'une part, que les moyens de faire respecter le monopole en France étant limités, sa protection est malaisée, d'autre part et surtout, que le périmètre de ce monopole a vocation à se réduire sous l'effet de l'évolution des réglementations européennes.
1. Les menaces qui pèsent sur les marchés de la messagerie, notamment du colis et de l'express
a) Des menaces prégnantes sur la messagerie nationale
La concurrence postale s'exerce au premier chef dans le
domaine de la
messagerie
(c'est-à-dire de l'expédition
jusqu'à 300 kilos), en particulier du
colis
(c'est-à-dire
du monocolis de 0 à 30 kilos), et du
fret
express
(livraison à J + 1 avant 12 heures).
En 1994, le marché français de la messagerie domestique et
internationale représentait environ 37 milliards de francs, La
Poste occupant près du quart des parts de marché, dont 5 %
pour Chronopost et 2 % pour Tatex.
Grâce à son réseau et à sa politique tarifaire, La
Poste est très présente sur le segment des particuliers, la
quasi-totalité de l'offre sur ce marché étant
assurée par elle (La Poste réalise 25 % de son chiffre
d'affaires de messagerie avec les particuliers), et par la SERNAM.
S'agissant du segment des entreprises, le groupe La Poste, avec des
opérateurs spécialisés sur chacun des marchés,
propose une gamme très large de produits messagerie, qui répond
quasiment à toutes les demandes, de l'économique à
l'express, du petit colis à l'expédition (Chronopost, Tatex,
Colissimo, Coliéco, Vépécimo, Photoposte, etc.).
92(
*
)
L'offre de La Poste en ce domaine présente cependant des
insuffisances
:
- elle est encore trop souvent
au-dessous des standards
de la
profession en termes de qualité de service
(délais,
notamment), de fiabilité et de suivi en temps réel, alors que les
grands intégrateurs internationaux -tels UPS- maîtrisent
parfaitement la technique du " tracing " ;
93(
*
)
- sa
tarification
est
mal adaptée au marché
:
elle est de 20 à 80 % moins chère que ses concurrents pour
les colis de 250 à 500 grammes, qui intéressent peu les
entreprises, et sensiblement plus chère qu'eux pour les colis de 3
à 5 kilos, qui représentent l'essentiel de la demande.
Il n'en demeure pas moins que, s'agissant du segment du monocolis des
entreprises de vente par correspondance, La Poste détient encore
73 % du marché. Ce dernier est cependant très
concentré, ce qui rend la position de La Poste vulnérable.
Le groupe La Poste est confronté à une
concurrence de plus en
plus vive
sur le marché du colis
, où l'offre de
transport est très concentrée, les 40 premières
entreprises du secteur réalisant plus de 80 % du chiffre d'affaires.
Cette concurrence exacerbée du secteur privé et le
développement des capacités des opérateurs tirent l'offre
vers le haut, les entreprises concernées proposant des délais
toujours plus rapides et surtout fiables, ainsi que des prix toujours plus bas
à des clients de plus en plus exigeants.
Les processus privilégient la simplicité et la réduction
des coûts, le J + 1 devient la norme, les services
associés se développent (enlèvement à domicile et
livraison en main propre ; suivi des paquets avec consultation directe par le
client ; preuve de livraison ; installation chez le client d'outils
informatiques pour l'étiquetage et la facturation).
Ces prestations sont intégrées à l'offre des
opérateurs et proposées généralement sans
supplément de prix par rapport au service de base. Ces offres, de plus
en plus globales, concourent à fidéliser les clientèles,
d'autant plus que les entreprises ont tendance à se concentrer sur leur
coeur de métier et à confier à des prestataires
extérieurs les tâches qui ne relèvent pas de leur
savoir-faire spécifique.
Dans ce contexte,
le secteur privé a conquis les trois-quarts du
marché du monocolis national
. Le tableau ci-après
présente les principaux opérateurs sur ce marché :
LES PRINCIPAUX INTERVENANTS SUR LE MARCHÉ DU MONOCOLIS NATIONAL
SOCIÉTÉ |
STRUCTURE CAPITALISTIQUE |
ACTIVITÉ |
CA 94 (MF) |
CA 95 (MF) |
ÉVOLU-TION % |
TRAFIC 95 (millions d'objets) |
PRIX MOYEN 95 (F) |
POIDS MOYEN 95 (KG) |
La Poste |
Néant |
Colissimo B to B
|
1.650
|
1.485
|
- 10 % |
46,5
|
34 |
1 à 4 |
Chronopost |
SA
|
Tous produits (colis et documents) |
1.319 |
1.521 |
15.3 % |
16,1 |
94.2 |
1 à 2 |
Jet Services |
SA :
|
Express national
|
1.360 |
1.500 |
10 % |
36,2 |
41.4 |
4 à 5 |
Extand |
SA :
|
Monocolis 24-48 heures
France
et Europe.
|
532 |
780 |
46 % |
18,4 |
38 |
3.2 |
Exapaq |
SA qui fédère 19 transporteurs régionaux sur l'ensemble du territoire. |
Monocolis 24-48 heures France |
450 |
5,8 |
43 |
6 à 8 |
||
DPD |
SA simplifiée, franchise hexagonale de DPD Europe, émanation du Groupe allemand Deutscher Paket Dienst, comprenant 6 membres en France |
Monocolis France et Europe |
180 |
4 |
45 |
6.5 à 7 |
* Holding de La Poste
En outre, certaines entreprises de vente par correspondance développent
leurs propres réseaux de transport de colis.
Dans ces conditions, rien ne garantit donc que La Poste ait stabilisé
ses positions sur ce segment de marché.
b) Une situation particulièrement exposée pour la messagerie internationale
La concurrence est tout particulièrement vive sur le
marché français de la messagerie internationale, dont La Poste
occupe 24 %, tout comme sur le marché de la messagerie
intra-européenne, très dynamique, puisqu'il a enregistré
un taux de croissance de près de 13 % en 1994.
Il faut noter que les intégrateurs internationaux comme United Parcel
Service (UPS), DHL (avec 4 % du marché), Federal Express (4 %
également) ou TNT sont beaucoup plus fortement présents sur le
marché " express " que sur le marché
" rapide ".
Ces multinationales distribuent chaque jour des millions de colis dans le monde
grâce à des flottes aériennes et à des parcs de
camions gigantesques. Ayant fondé leur développement sur la
stratégie en flux tendus de leurs clients, des pratiques de gestion
dynamiques et originales
94(
*
)
, des partenariats
internationaux stratégiques puis des implantations bien ciblées
dans de nombreux pays, ces entreprises connaissent à l'heure actuelle
une croissance très vive.
C'est ainsi, par exemple, que
UPS
est devenue la plus grande
société mondiale de transport de colis et de documents, capable
de répondre aux besoins de ses clients à travers le monde entier.
Avec 337.000 salariés, UPS est le huitième employeur au monde,
juste derrière la poste américaine, General Motors ou Ford...
Avec sa plate-forme aéroportuaire (" hub ") de Cologne,
elle a
débuté son activité en Europe en 1976 et développe
une stratégie de conquête active du marché. D'ores et
déjà implantée dans 16 pays européens, sans compter
de nombreux partenariats dans les autres, elle emploie plus de 26.000 personnes
en Europe et livre plus de 182 millions de colis et documents sur le Vieux
Continent.
Implantée en France en 1986, UPS a procédé à deux
acquisitions majeures : TAT Express en 1988 et Post Transports en 1991. Avec
1.650 personnes sur le territoire national, elle y délivrait plus
de 75.000 colis et documents par jour, en 1995.
Federal Express
connaît un succès également
impressionnant. Numéro 2 mondial du secteur avec un chiffre
d'affaires de 52 milliards de francs, dont 27 %
réalisés à l'extérieur des États-Unis, Fedex
a lui aussi les moyens de son ambition. Le groupe, qui emploie
122.000 personnes dans le monde, dispose de la quatrième flotte
aérienne mondiale, avec 560 avions. Par comparaison, le groupe Air
France en compte à peine 200 !
UPS et Federal Express exploitent leur marché domestique aux
États-Unis et développent parallèlement leur implantation
sur le marché international. Si Fedex s'est retiré du
marché intra-européen, UPS au contraire y est fortement
présent, avec un chiffre d'affaires annuel de 20 milliards de dollars
et, après y avoir rencontré quelques difficultés
d'implantation commence à développer vigoureusement ses
activités en France.
Avec une stratégie différente (il n'est présent
qu'à l'international),
DHL
connaît une croissance non moins
spectaculaire que les deux premiers intégrateurs.
Ayant basé son centre de coordination mondial pour l'Europe et l'Afrique
à Bruxelles, DHL réalise plus 50 % de son chiffre d'affaires
sur ces zones géographiques, chiffre d'affaires qui progresse de rien
moins que 20 à 25 % par an. De quoi faire rêver -et trembler
!- La Poste française...
S'étant surtout consacré, depuis sa création aux
États-Unis, en 1969, au transport de colis, DHL a -comme les autres
grands intégrateurs- développé les services à
valeur ajoutée, en remontant en amont de la chaîne de transport et
de logistique. C'est ainsi, par exemple, qu'ayant créé sa
plate-forme de tri à Bruxelles (où 600 tonnes de colis sont
traités chaque nuit), elle propose à ses clients un grand
entrepôt sur cet aéroport.
Notons qu'avec 1.700 emplois créés en cinq ans, DHL est
devenu le plus gros créateur d'emplois en Belgique.
TNT
est devenu le quatrième intégrateur mondial et le
numéro un du secteur en Europe.
TNT résulte de la combinaison des activités de la messagerie
australienne TNT Ltd (acquise fin 1996 par KPN l'opérateur
néerlandais, de celles de GD Express Worldwide, ainsi que de certains
pans de PTT Post, la division postale de KPN.
GD Express Worldwide avait été créée en 1992 par
TNT Ltd et cinq postes nationales (Pays-Bas, Suède, France, Allemagne et
Canada), mais ces dernières s'en étaient
désengagées les unes après les autres, si bien que KPN
s'était retrouvée détenteur de l'intégralité
du capital en décembre 1996.
Selon les chiffres avancés par KPN en juin dernier
95(
*
)
, la nouvelle filiale devrait réaliser un
chiffre d'affaires annuel de quelque 4,6 milliards de dollars et ses
50.000 employés répartis, dans 200 pays, devraient
traiter 2 millions d'envois par semaine.
En réalité, ces grands opérateurs ne sont plus de simples
transporteurs de documents, mais de
véritables
transporteurs-intégrateurs
dans le secteur de la logistique, qui
ont su créer et développer un marché extrêmement
porteur car ils vendent à leurs clients des " prestations de
productivité " permettant notamment de considérables
économies de gestion de stocks
. Par là même ils
participent puissamment à la productivité globale des
économies qu'ils desservent et à l'intégration mondiale
des entreprises. Rappelons que selon les estimations les plus couramment
avancées, à elle seule, UPS transporterait 6 % de la
production intérieure brute des États-Unis.
Leur croissance a été favorisée par la réduction
des barrières commerciales, en particulier l'uniformisation des
procédures douanières (qui a entraîné un fort gain
de temps) et la libéralisation du transport aérien et, d'une
manière générale, par ce processus qu'on désigne
sous le terme de mondialisation.
Mais la concurrence sur le marché du colis et de la messagerie n'est
pas seulement le fait de ces entreprises commerciales. Ce marché promis
à une forte croissance est, en effet, l'objet des convoitises des autres
postes historiques européennes, au premier rang desquelles la poste
hollandaise :
KPN
(dont l'État ne possède plus que
45 % des actions).
Très dynamique -et c'est un euphémisme-, KPN ambitionne de
conquérir d'importantes parts du marché des colis internationaux
tant en Europe qu'en Asie. Les profits considérables qu'elle
réalise lui permettent de réaliser d'importants investissements,
dont la prise de contrôle de TNT qui traduit bien sa stratégie
mondiale
96(
*
)
.
A l'aune de cette brève présentation des grands
intégrateurs internationaux, on mesure l'ampleur de la concurrence
à laquelle est confrontée La Poste sur le marché postal
susceptible d'enregistrer la plus forte croissance.
En effet, contrairement au courrier qui subira -comme on l'a dit
précédemment- l'effet de la dématérialisation des
échanges d'informations liée au développement des
nouvelles technologies de télécommunication,
le marché
du colis est quant à lui voué à l'expansion, aucune
technologie ne pouvant se substituer au transport physique de biens de cette
nature
.
Bien plus, l'émergence du commerce électronique
(télé-achat, boutiques virtuelles sur Internet, ...) et les taux
de croissance importants qu'il affiche aux Etats-Unis ne peuvent
qu'accélérer cette tendance à l'expansion, puisque cela
aboutit à faire acheminer au domicile de l'acheteur des produits
qu'avant de recourir aux facilités des commandes à distance, il
allait chercher lui-même en magasin.
Sur ce marché extraordinairement attractif, le bras séculier de
La Poste est TNT, intégrateur auquel elle est encore liée par des
accords commerciaux et opérationnels.
Or, TNT n'est pas l'intégrateur le plus performant sur certains gros
marchés mondiaux en croissance : aux États-Unis, berceau des
géants du métier, ni même en Asie. En outre, l'accord qui
le lie La Poste arrivera à son terme en 2001.
L'opérateur national doit donc préparer l'avenir s'il veut rester
un acteur digne de ce nom sur le marché de la messagerie internationale.
Ceci d'autant plus que KPN, seul maître à bord de l'entreprise
TNT, compte en faire son fer de lance pour conquérir ce marché et
que l'on peut se poser la question de savoir si, à terme, les
intérêts de La Poste et ceux de KPN n'ont pas, par nature,
vocation à s'opposer ?
2. La concurrence exercée sur le marché du publipostage
Le marché du publipostage est également
fortement concurrentiel.
Alors que le marché global du marketing direct, qui englobe le
publipostage inclu dans le monopole de La Poste, s'essouffle,
le
marché de la publicité non adressée
(dans sa
définition large, c'est à dire incluant les journaux gratuits)
se porte bien
. En effet :
- les imprimés sans adresse sont le deuxième outil le plus
utilisé en marketing direct (35 % des dépenses)
97(
*
)
derrière le publipostage adressé
(39 %) ;
- ils ont enregistré, en 1995, un taux de croissance de plus de
7 %, contre une croissance d'à peine 1 % pour la
publicité adressée.
Avec 1,7 milliard de francs de chiffre d'affaires, La Poste
détient 40 % de parts de marché de la publicité non
adressée, si l'on en exclut la distribution de journaux gratuits,
créneau sur lequel elle est très peu présente. Cette part
a cependant tendance
à regresser
, tandis que celle des multiples
entreprises privées présentes sur ce marché progresse
régulièrement : elle est ainsi passée de 57 % en 1993
à 60 % en 1995, leur chiffre d'affaires croissant plus rapidement
que celui du marché.
Les deux concurrents les plus importants de la Poste sur ce marché sont
Delta Diffusion et SDP.
Créée en 1985,
Delta Diffusion
s'intéresse à
la fois au postage adressé et non adressé et distribue des
prospectus et journaux gratuits dans les boîtes aux lettres.
Générant un chiffre d'affaires de 560 millions de francs (en
1995) pour 4 milliards d'objets distribués, elle emploie
11.000 salariés.
SDP
, de création un peu plus ancienne (1979) concentre son
activité sur la distribution d'imprimés ou d'échantillons
dans les boîtes aux lettres. Elle emploie plus de 8.600 personnes,
pour 1,5 milliard de documents distribués en 1995 et
8,8 millions de journaux gratuits distribués chaque semaine, pour
un chiffre d'affaires de 365 millions de francs.
Concurrents très agressifs l'un et l'autre, ces deux entreprises tendent
à développer des structures de distribution très
concurrentielles par rapport à celle de La Poste. Delta Diffusion, en
particulier, représente une menace pour l'opérateur public,
concernant tant le secteur du non adressé que de l'adressé, en
cas de libéralisation.
Pour résumer, La Poste se révèle aujourd'hui :
- ébranlée sur les marchés où elle
était solidement installée (c'est à dire ceux sous
monopole : la correspondance, le publipostage ...) du fait de leur exposition
croissante aux nouvelles technologies ( télécopie, EDI, Internet
...)
- " grignotée " par la concurrence sur les marchés
en forte croissance (messagerie nationale et surtout internationale ;
publicité non adressée, courrier transfrontière ...)
où elle n'est pas adossée à son monopole.
Même si tous les postiers ne semblent pas encore avoir pris conscience de
l'accroissement de l'exposition au risque, l'état major de La Poste est
lucide, et l'opérateur public a déjà -nous le verrons-
commencé, parfois avec succès à s'aguerrir. Cependant, ses
homologues européens font de même et, surtout ceux d'Europe du
Nord, avancent plus vite que lui dans la voie de la
compétitivité. Certains sont déjà des concurrents
que les scrupules n'étouffent guère et le phénomène
ne devrait maintenant plus cesser de s'accentuer.
3. Des postes européennes en pleine effervescence
La plupart des postes européennes ont tourné le
dos aux habitudes qu'elles ont pu entretenir par le passé. Elles
connaissent une mutation profonde
98(
*
)
et
s'adaptent à un univers postal de plus en plus concurrentiel. Cette
évolution, nous l'avons vu, concerne principalement leurs statuts, leurs
réseaux et le statut de leurs personnels. En définitive, le
maître-mot qui résume la quasi-révolution qui anime le
paysage postal européen est celui de l'adaptation : adaptation du cadre
réglementaire, des stratégies, des structures, des moyens.
Ceci explique que La Poste française voit certaines de ses soeurs
européennes devenir de redoutables concurrentes. L'activité
commerciale d'agents de Royal Mail ou de KPN à Paris ou l'implantation
de la poste suisse à Lyon en sont des illustrations.
Mais, La Poste n'est pas confrontée qu'à des concurrents loyaux.
Elle souffre beaucoup également d'une pratique est à la limite du
braconnage : le repostage.
C. LE REPOSTAGE : OEUVRE DE PIRATES OU DE CORSAIRES ?
Un certain nombre d'opérateurs postaux ont
profité des
failles
d'un accord postal international tendant
à organiser l'interconnexion des réseaux postaux pour organiser
un
véritable détournement d'une partie du trafic national
du courrier, au détriment et aux frais de la poste de certains pays.
Les postes française et allemande sont celles qui souffrent le plus de
cette pratique déloyale, qualifiée de " repostage ",
qui représente aujourd'hui 22 % du courrier mondial
transfrontières.
1. L'accord passé au sein de l'Union postale universelle (UPU)
Les gouvernements signataires des Actes de l'Union Postale
Universelle (UPU) s'engagent à participer à la fourniture d'un
service postal universel au niveau mondial. A cette fin, les opérateurs
postaux publics doivent interconnecter leurs réseaux de manière
à garantir la distribution du courrier reçu de l'étranger,
assurer sa réexpédition sur une autre adresse et
éventuellement son retour à l'expéditeur.
Pendant près d'un siècle, l'UPU ne s'est pas
préoccupée du problème posé par la
rémunération des prestations fournies par la poste de
distribution au profit de la poste d'origine des courriers, qui facture les
clients expéditeurs. Le motif invoqué était qu'un
équilibre naturel s'établissait dans les relations
réciproques entre postes, en se fondant sur la présomption
" qu'une lettre expédiée appelle une réponse en
retour ".
Cette approche ne s'appuyait, en réalité, sur aucune analyse
sérieuse et reposait sur une vision quelque peu idyllique des relations
entre postes. Celle-ci résultait d'une conception assez
idéaliste, en vertu de laquelle les postes mondiales devaient avoir pour
ambition de favoriser les échanges entre les hommes, entre tous les
hommes, c'est-à-dire sans désavantager les populations les plus
modestes. Dans cette perspective, les flux Sud-Nord étaient
censés être rendus possibles par des tarifs internationaux
abordables.
Pendant longtemps, cet idéal humaniste généreux a
été partagé par tous, mais si certaines postes y sont
toujours demeurées fidèles, d'autres au contraire ont, depuis une
dizaine d'années, profité des failles que présente un tel
système pour poursuivre, souvent de manière clandestine, des
objectifs moins louables. Dès lors, les premières ont
commencé à faire les frais des pratiques mercantiles des
secondes. Pourtant, il fallut attendre le Congrès de Tokyo en 1969 pour
voir l'UPU poser le principe des frais terminaux.
Dans une organisation où les évolutions sont lentes à
intervenir en raison de la tenue d'un congrès tous les 5 ans et
dans un environnement où la coopération entre postes était
il y a peu encore exemplaire, les pays de l'UPU ne furent pas suffisamment
attentifs aux risques découlant d'un système de frais terminaux
artificiel -parce qu'idéaliste- et non lié aux coûts
supportés par la poste de distribution.
2. L'inadaptation des systèmes de frais terminaux
Ce vocable de " frais terminaux " mérite
une
explication. Il recouvre le fait que, dans les relations postales entre deux
pays, la poste expéditrice fait payer le service à ses clients et
rémunère les prestations de la poste de distribution sur la base
d'un dispositif adopté par l'Union Postale Universelle, sous le vocable
de frais terminaux. La poste de destination est obligée de distribuer le
courrier sans être rémunérée sur la base de ses
coûts.
Les taux de rémunération sont des taux forfaitaires,
établis sur une base mondiale, à la majorité des voix de
cette organisation qui réunit 190 pays, sans tenir compte des
coûts de distribution. Sous réserve de quelques
aménagements difficilement applicables, le système de base repose
sur un prix de 27,40 francs par kilo (3,427 droits de tirage spéciaux
(DTS)).
Ainsi donc, pour une lettre de 10 g , la poste d'arrivée
ne reçoit, selon le dispositif UPU, que 0,27 franc alors qu'en
France, par exemple, le tarif de la lettre est de 3 francs.
Avec le système dit de la Conférence Européenne des Postes
et Télécommunications (CEPT), auquel participent la plupart des
postes de l'Union européenne, figé aux niveaux atteints en 1992,
et qui fait l'objet d'une plainte instruite par la Commission, les frais
terminaux sont de 1,30 franc pour une lettre de 10 g.
Ce système de frais terminaux a engendré des effets pervers,
très graves pour les postes d'arrivée, avec le
développement à une très vaste échelle et selon des
techniques de plus en plus sophistiquées du phénomène du
repostage.
3. Le développement de la pratique du repostage
Le repostage organisé s'est développé
à partir de 1986, année de la libéralisation du courrier
international sortant aux USA, à l'initiative de la compagnie
aérienne KLM et de l'opérateur postal KPN, tous deux
néerlandais.
On distingue trois formes de repostage, le repostage ABA, ABB et ABC
99(
*
)
, l'élément commun étant
généralement la distribution finale par l'administration postale
du pays de destination.
La technique a d'abord consisté à injecter du courrier d'un pays
A pour un pays C via un pays intermédiaire B, l'expéditeur du
pays A pouvant obtenir des tarifs plus bas via B, ceux-ci étant
fondés sur les frais terminaux et non sur les coûts de la poste
d'arrivée (repostage ABC).
Cette activité étant rémunératrice, les acteurs du
repostage se sont attaqués au courrier national transformé en
courrier international par la délocalisation de son dépôt
ou de sa fabrication dans d'autres pays (repostage ABB et ABA).
Ce phénomène de repostage a pris de l'ampleur avec la
complicité d'un certain nombre de postes
, car elles seules se voient
appliquer le système des frais terminaux. Elles peuvent donc proposer
à de gros clients une tarification fondée sur le faible niveau de
ces derniers et sur ... une forme très particulière de
loyauté à l'égard de leurs consoeurs.
Les opérateurs postaux des Pays-Bas puis du Royaume-Uni sont les
précurseurs de ces pratiques.
A l'heure actuelle,
la principale bénéficiaire est la poste
des Pays-Bas
: la société KPN.
Celle-ci réalise un chiffre d'affaires sur les activités de
repostage supérieur à 1 milliard de dollars, sous
différentes étiquettes :
- PTT Post BV ;
- Interpost, filiale de repostage détenue à 75 % par
PTT Post BV et 25 % par KLM ;
- Mailfast, filiale de repostage lui appartenant pratiquement en
totalité avec le rachat de TNT ;
- différentes filiales en Europe de l'Est, Asie, Caraïbes ;
- " blanchiment " du courrier par utilisation des droits de
trafic
des pays en développement.
Le rapport International Post Corporation (IPC) estime que 25 % des
activités de repostage européen transiteraient par sa filiale PTT
Post.
Au Royaume-Uni,
Royal Mail International
est également un
opérateur très actif sur le marché du détournement
de trafic. En effet, Royal Mail aurait, d'après International Post
Corporation, récemment inauguré des bureaux à Manhattan,
animés par une équipe de vendeurs proposant des services de
repostage auprès des sociétés d'export américaines.
Outre les opérateurs de ces deux pays, les principales autres postes
bénéficiaires sont les suivantes :
- en Europe de l'Ouest : les postes belge, danoise et suisse ;
- en Méditerranée : Malte et Gibraltar servent de pavillon
de complaisance ;
- en Europe de l'Est : Russie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne ;
- en Asie : Singapour, Hong Kong, Malaisie et Emirats Arabes ;
- en Afrique : Maroc, Zimbabwe ;
- en Amérique : Antilles néerlandaises, République
dominicaine.
Les autres bénéficiaires sont les sociétés de
courrier express (DHL, TNT, Jet Services...), les compagnies aériennes,
les routeurs et consolidateurs, les gros expéditeurs de courrier.
N'étant, en effet, pas parties prenantes aux accords postaux
internationaux en ce domaine, ces entreprises profitent du repostage par le
biais des accords commerciaux qu'elles nouent avec les postes pirates.
4. Les dégâts provoqués par ces détournements organisés de courrier
Les postes perdantes et les plus menacées sont celles
des pays industrialisés ayant un large marché intérieur et
des coûts élevés (France, Allemagne, Italie et Japon,
notamment).
Cette activité de repostage permet aux postes de petits pays (Pays-Bas,
Danemark) ou de pays excentrés (Royaume-Uni) de concentrer des volumes
importants de courrier afin de pouvoir, le moment venu, organiser des
réseaux alternatifs de distribution, pour écrémer le
marché de grands pays en commençant par le marché
français qui est le premier par la taille en Europe.
C'est notamment grâce aux profits cyniquement réalisés dans
l'activité de repostage que KPN a ainsi pu lancer une OPA sur la
société TNT
100(
*
)
d'un montant de
2 milliards de dollars qui lui permet aujourd'hui de caresser des
ambitions mondiales sur le marché de la messagerie.
Au fil du temps, ce phénomène n'a cessé de s'amplifier et
de se développer de manière sauvage. Aujourd'hui, c'est le
courrier national qui est le plus exposé (repostage ABA). Les
sociétés et postes se livrant au repostage domicilient
fictivement les expéditions dans des pays tiers afin de transformer le
courrier national en courrier international. En pareil cas, La Poste
française reçoit, dans le pire des cas, 0,27 franc pour une
lettre de 20 g et, dans le meilleur des cas, 1,50 franc au lieu de 3
francs.
La Poste souffre donc d'un appauvrissement lié à ce piratage,
sous l'effet conjugué du manque à gagner du courrier ainsi
détourné et du coût de distribution de ce dernier non
couvert par les frais terminaux. En d'autres termes, chaque pli reposté
qu'elle reçoit correspond à la fois à une perte
commerciale et à une perte financière
générées par des comportements déloyaux.
Cette
situation est donc intolérable.
Elle entraîne d'ores et
déjà des
débours
évalués
par
La Poste
entre
600 et 700 millions de francs par an
.
Cette concurrence déloyale est d'autant plus malsaine qu'elle
entraîne des
délocalisations dans la production du courrier
qui, quoiqu'elles ne soient pas indépendantes de l'efficacité du
producteur, ne reposent pas non plus sur la seule logique économique,
puisque les tarifs attractifs qui les suscitent
découlent d'abord
d'un cynique détournement des règles d'un système
d'inspiration humaniste
.
Pour La Poste
, si le système CEPT devait perdurer,
le
repostage ABA pourrait représenter
, selon les scénarios de
développements concurrentiels,
une perte nette annuelle de 2
à 9 milliards de francs par an à l'horizon 2000
, et ce
uniquement sur le courrier " facilement délocalisable "
(envois en nombre).
Dans un tel contexte, il faut être conscient que l'émergence
d'acteurs sur le marché ABA (de même que, à moindre
échelle, sur le marché du ABC), n'est pas le résultat
d'une efficacité plus grande des entrants et ne contribue donc pas
à améliorer l'optimum économique. Au contraire,
puisqu'elle repose sur des signaux distordus du marché, elle
dégrade non seulement l'économie de la distribution du courrier,
mais aussi tout le jeu de la concurrence sur les activités connexes.
La Poste doit s'adapter à la concurrence lorsqu'elle est loyale et
disposer des moyens pour lutter contre elle lorsqu'elle est
déloyale.
Or, les dispositifs aujourd'hui à sa disposition
sont inefficaces.
5. La dangereuse inefficacité des dispositifs réglementaires de protection contre le repostage
A l'occasion du Congrès de Séoul de 1994, l'UPU
a adopté un nouveau dispositif reposant sur des fondements
économiques. Il s'agit de
l'article 25 de la Convention de
l'UPU
qui donne la possibilité d'appliquer au courrier national
délocalisé par tous moyens (fictivement, physiquement,
électroniquement) les tarifs intérieurs.
Avec cet article, l'égalité d'accès entre clients pour des
prestations équivalentes est censée être assurée.
Ainsi, un client français faisant déposer son courrier pour la
France aux Pays-Bas pourrait se voir réclamer, via la poste hollandaise
et à défaut directement, des tarifs identiques à ceux
pratiqués pour un client français déposant son courrier
pour la France en France.
La mise en application de cet article se heurte cependant au fait que
certaines autorités nationales se refusent à appliquer ce
dispositif et à en insérer le principe dans leur cadre
réglementaire ou législatif.
A cet égard, la complaisance dont certaines font preuve à
l'égard des auteurs de ces détournements de trafic laisserait
aisément supposer une certaine connivence, voire complicité, avec
eux. Alors, pirates ou corsaires ? Votre rapporteur n'est pas loin de
pencher pour la seconde formule !
Une autre difficulté tient au
problème d'identification de
l'expéditeur réel
du courrier concerné, en raison des
techniques de camouflage mises en oeuvre.
Il apparaît, par ailleurs, difficile d'établir l'origine du
courrier émanant des sociétés multinationales (par
exemple, American Express, Visa, etc.).
Enfin, cette pratique est facilitée par les principes du marché
unique qui permettent aux entreprises de s'établir librement dans le
pays de leur choix.
La véritable solution au problème du repostage est donc
d'obtenir la possibilité de facturer les prestations rendues aux postes
expéditrices de leurs coûts.
Il est urgent d'y arriver. Cette pratique ne constitue-t-elle pas, en effet,
une menace non négligeable pour le monopole de La Poste ?
D. LE MONOPOLE JURIDIQUE : BOUCLIER DE CARTON ?
On peut se poser la question de la réalité du
monopole dont jouit La Poste. En vertu des textes
101(
*
)
, celle-ci se voit réserver le transport des
lettres ainsi que des paquets et papiers n'excédant pas le poids d'un
kilogramme. Ce monopole juridique ne risque-t-il pas cependant de devenir une
ligne Maginot à l'efficacité douteuse, dans la mesure où
il serait progressivement et insidieusement, tout au moins en partie,
vidé de son contenu ?
Il est,
en tout état de cause,
difficile à faire
respecter
pour deux raisons principales :
- les agents de l'administration des postes ou les officiers de police
judiciaire
ne peuvent pas procéder aux vérifications
permettant de prouver la matérialité d'une infraction et d'ouvrir
un courrier, en l'absence de l'expéditeur ou du destinataire, sans
encourir le risque de violer le
secret des correspondances
;
-
les sanctions,
en cas d'infraction au monopole postal sont
insuffisamment dissuasives
: 10.000 francs d'amende maximum ;
25.000 francs au maximum en cas de récidive.
Outre qu'il est difficile à faire respecter dans la pratique, ce secteur
réservé est battu en brèche par l'irruption d'une
concurrence
dont on a vu qu'elle était
polymorphe et de plus
en plus vive
.
Il faut relever que la concurrence dans le domaine postal évolue plus
rapidement que dans d'autres industries de réseau. En effet,
contrairement aux secteurs des télécommunications ou de
l'électricité, le secteur postal repose davantage sur le travail
des hommes que sur des investissements capitalistiques, ce qui explique
d'ailleurs que le " ticket d'entrée " pour être
opérateur y soit assez bas.
Cette évolution présente des dangers pour La Poste. Elle
représente aussi un défi que l'entreprise publique se doit de
relever.
Prenant conscience du caractère relatif de ce monopole, La Poste est
donc confrontée à la nécessité de s'adapter
à la métamorphose de son environnement, sans trop compter
s'abriter derrière ce qui pourrait bien devenir une protection illusoire
: un bouclier de carton.
Cette adaptation est, de plus, rendue inéluctable par
l'évolution en cours du cadre réglementaire communautaire, qui
fait que le périmètre du monopole est en voie de contraction
programmée.
II. UN CADRE RÉGLEMENTAIRE EUROPÉEN EN PLEINE ÉVOLUTION
Le secteur postal est vital pour beaucoup d'activités
économiques et contribue fortement à la qualité des
relations sociales. S'appuyant sur cette évidence, d'aucuns ont
longtemps considéré qu'en ce domaine, une action
coordonnée des Etats membres de l'Union européenne s'imposait,
notamment en raison des disparités enregistrées dans la
qualité de leurs services postaux. Selon eux, à défaut
d'une telle action, le bon fonctionnement du marché intérieur
postal ne se trouverait pas assuré, le fossé existant entre ces
services postaux -notamment entre ceux du Nord et ceux du Sud- ne pouvant que
se creuser.
De fait, dans ce secteur, la définition des missions
d'intérêt général confiées aux
opérateurs se recouvrent peu souvent quand elles existent, et sont
même, surtout dans les pays du Sud de l'Union, rarement définies
par les législations nationales. En outre, assez fréquemment dans
ces derniers pays, les zones urbaines défavorisées et les
régions rurales ne se trouvent pas très bien desservies par les
services postaux.
C'est pourquoi beaucoup jugent que le manque d'harmonisation en ce domaine ne
peut que nuire aux échanges intra-communautaires et pénaliser la
productivité globale de l'économie européenne.
Tous ces éléments, et le fait qu'en l'absence de
réglementation communautaire, le marché postal européen
eût pu, à terme, se trouver placé sous la seule
férule des lois du marché, permettent de comprendre que -dans la
deuxième année du second septennat de M. François
Mitterrand- la présidence française ait lancé, en 1989, la
rédaction d'un " Livre vert " sur le développement du
marché unique des services postaux.
Mais, si aujourd'hui le processus enclenché est en passe d'aboutir
à des solutions raisonnables, il s'en est fallu de peu qu'il
n'entraîne La Poste française sur une pente dangereuse.
A. UN DÉRAPAGE INFERNAL DU PROCESSUS, ENRAYÉ DE JUSTESSE
La Commission européenne a publié le Livre vert
postal en 1992. Le 7 février 1994, le Conseil des ministres a alors
adopté une résolution invitant la Commission à promouvoir
un service universel dans le domaine des postes. C'est ainsi que la Commission
a présenté,
le 13 juin 1995, une proposition de
directive
en ce sens.
C'est à ce moment qu'il est apparu au grand jour qu'un consensus sur la
nécessité de faire évoluer le cadre réglementaire
ne signifiait pas nécessairement accord sur le degré d'ouverture
à la concurrence du marché postal.
Dans sa rédaction initiale, cette proposition était, en effet,
d'inspiration très libérale, en raison de la pression active
d'une majorité d'États membres qui, épousant les
thèses néerlandaises et anglaises, souhaitaient obtenir
rapidement la libéralisation du publipostage et du courrier
transfrontalier sortant et, à compter du
31 décembre 2000, celle du courrier transfrontalier entrant.
Le publipostage peut être défini comme un objet de correspondance
constitué du même message envoyé à un nombre
significatif d'adresses à des fins publicitaires ou de marketing.
Le courrier transfrontalier est constitué par les envois postaux
provenant des pays étrangers ou qui leur sont destinés. On
distingue, dans cet ensemble, les envois postés dans le pays et
expédiés à l'étranger (courrier
transfrontière sortant) et les envois postés à
l'étranger et acheminés à son destinataire qui se trouve
sur le sol national (courrier transfrontière entrant).
Or, en cas d'ouverture à la concurrence du publipostage, La Poste
risquait de perdre non seulement des parts de marché sur ce secteur
proprement dit, mais également la clientèle des grandes
entreprises ou des banques, dans la mesure où il s'avère de facto
impossible de faire la différence entre des messages
personnalisés et des messages publipostés.
Par ailleurs, la libéralisation du courrier transfrontalier sortant ne
pouvait être envisagée avant que le problème des frais
terminaux trouve une solution satisfaisante, pour éviter les
détournements de trafic qu'entraîne la pratique du repostage. La
libéralisation du courrier transfrontalier entrant aurait, quant
à elle, entraîné des détournements de trafic et
créé de facto une brèche dans le monopole
102(
*
)
.
Conscients de ces dangers, mais isolés à Bruxelles, les pouvoirs
publics français, et tout particulièrement
M. François
Fillon
alors ministre délégué à La Poste, aux
télécommunications et à l'espace, se sont battus " le
dos au mur " pour empêcher l'adoption d'une directive, qui risquait
mécaniquement de mettre en péril l'avenir de La Poste
française.
C'est au Président de la République, sachons le
reconnaître et lui en rendre hommage, que nous devons d'avoir
donné à notre Poste du temps pour s'adapter. Il l'a ainsi
préservée des conséquences d'une exposition rapide
à une forte concurrence qui, eu égard à son actuel
état de préparation, l'aurait gravement menacée.
Car, soyons nets, telle qu'elle était rédigée en
juin 1995, cette proposition de directive aurait pu porter en germe la
" chronique d'une mort annoncée " de notre opérateur
national.
Or, en décembre 1996, après six mois de négociations
intergouvernementales infructueuses, M. Jacques Chirac a, obtenu
" à l'arraché " un compromis avec le Chancelier
allemand, M. Helmut Kohl, au sommet de Dublin. Cet accord, appelé
"
Compromis de Dublin
", prévoit de maintenir le
publipostage et le courrier transfrontalier sortant sous monopole jusqu'en 2001
au minimum. Il a été traduit dans la position commune
adoptée le 18 décembre 1996 par le Conseil des ministres
européens.
La Commission européenne, non sans un certain regret, a donc
été amenée à réviser sa proposition de
directive, afin d'organiser une ouverture moins large et plus progressive du
marché postal à la concurrence.
B. UNE DIRECTIVE QUI ORGANISE UNE OUVERTURE PROGRESSIVE DU MARCHÉ POSTAL EUROPÉEN
L'accord sur la proposition de directive conclu par le Conseil des ministres européens le 18 décembre 1996 représente une étape essentielle dans la réalisation du marché intérieur postal, tant grâce à l'adoption d'un cadre juridique équilibré pour le secteur postal que de l'affirmation du principe d'une ouverture progressive -mais inéluctable- de ce dernier.
1. Un cadre juridique équilibré
Le projet de directive, qui devrait être définitivement adopté par le Conseil d'ici la fin de l'année 1997, décline le concept communautaire de " service universel ", qu'il définit pour le secteur postal et dont il encadre les modalités de financement, tout en laissant une marge d'appréciation à chaque État membre pour sa mise en oeuvre.
a) Service public français et service universel européen : deux notions différentes mais convergentes
Le droit européen ne connaît pas la notion
de
service public
qui imprègne des pans importants de notre
culture juridique et alimente nombre de nos débats de
société. C'est un fait !
Cela ne signifie pas pour autant, contrairement à ce que d'aucuns ont pu
ou peuvent prétendre, qu'il soit imperméable aux implications
sociales qui, en France, découlent de la mise en oeuvre de cette notion.
Bien au contraire : le concept de
service universel
qu'il a
élaboré en s'inspirant de certains modèles anglo-saxons
recouvre presque trait pour trait ce qui dans la théorie du service
public, correspond à l'exigence d'assurer à la population
certaines prestations d'intérêt général.
Force est en effet de reconnaître que, tant dans son sens juridique que
dans sa compréhension populaire, l'expression service public est si
complexe qu'elle est d'utilisation exclusivement française. Ceci
s'explique par le fait que cette locution est polysémique et qu'elle
sert, tout à la fois, à désigner un type d'organisation,
un régime juridique particulier, des modalités spécifiques
de fonctionnement économique, voire même d'emploi des personnels,
et des prestations d'intérêt général assurées
à la population, étant observé -pour ajouter à la
confusion- que le contenu de ces prestations tend à évoluer avec
le progrès technique.
Comme le faisait fort justement observer le rapport de la commission sur les
services publics qu'a présidée M. Christian
Stoffaës
103(
*
)
: "
Plutôt
qu'un concept, le service public est une notion composite et englobante dont la
simplicité jette une trompeuse clarté. Elle amalgame des
registres d'argumentation distincts, au point d'être invoquée dans
les débats politiques et sociaux pour légitimer des points de vue
divers, parfois contradictoires
".
Si service public et service universel n'ont pas la même signification
c'est sans doute, certes, parce que les prestations assurées par le
premier sont plus étendues que celles englobées par le second,
mais c'est surtout parce que le
service universel
, tel que le
conçoit l'Union européenne,
est quasiment indifférent
aux conditions dans lesquelles les prestations d'intérêt
général sont rendues aux habitants d'un pays
. Une obligation
de service universel emporte une obligation de délivrance des
prestations définies comme relevant de ce type de service. Dès
lors que ces prestations sont assurées dans le respect des règles
du droit de l'Union, la qualité publique ou privée du
prestataire, le statut de ses employés, l'organisation du service et
même son économie générale n'ont guère
d'importance.
En revanche, dans le cadre du service public, on considère
habituellement que les prestations d'intérêt général
doivent, sauf à encourir le risque d'être
dénaturées, être assurées par une personne publique
de préférence contrôlée par l'État -ou
à défaut par une personne privée habilitée par la
puissance publique- dans des conditions dérogatoires au droit commun.
Il existe à Paris une " mystique " républicaine du
service public qui ne se retrouve d'aucune manière dans les conceptions
utilitaristes développées à Bruxelles.
Les deux notions ne coïncident donc pas puisque l'une est
indifférente aux moyens employés pour atteindre des objectifs
donnés (le service universel), alors que l'autre tend à
considérer que la poursuite des mêmes objectifs exige le recours
à des moyens spécifiques (le service public).
Dans un cas,
seuls comptent les résultats ; dans l'autre, les moyens
employés leur sont indissociablement liés.
104(
*
)
Mais sous prétexte que les deux notions diffèrent, il serait
totalement erroné d'affirmer qu'elles sont antagoniques. L'une comme
l'autre ne sont-elles pas fondées sur un même postulat, à
savoir qu'un État se doit d'offrir aux personnes vivant sur son
territoire des services économiques ou sociaux à des conditions
financières qui en permettent l'accès au plus grand nombre, et
que ceci est un gage de l'effectivité de la solidarité
collective ?
A preuve de cette absence de divergence sur l'essentiel, dans notre pays,
France Télécom -opérateur public- a vocation à
assurer seul, à compter du 1er janvier 1998, un service
universel des télécommunications de haut niveau qui est
l'élément majeur, certes, mais l'un des éléments
seulement du service public des télécommunications
(article L.34-8 du code des postes et télécommunications
issu de l'article 6 de la loi du 26 juillet 1996
précitée)
105(
*
)
.
Ailleurs en Europe, le service universel des télécommunications
est assez souvent défini de manière moins ambitieuse, il est
rarement confié à un seul opérateur et souvent, il peut
être assuré par des opérateurs privés soit dans un
cadre concurrentiel national, soit dans le cadre de licences régionales
exclusives.
N'est-ce pas la démonstration flagrante, n'en déplaise à
toutes les Cassandre du catastrophisme, que loin de s'opposer, le service
public à la française et le service universel à la mode
bruxelloise peuvent, si on en a la volonté, se conjuguer
harmonieusement ?
b) Le service universel et les modalités de son financement
Le service universel postal
Le projet de directive fixe les contours d'un
service universel de base
commun à l'ensemble des pays de l'Union et autorise les pays le
souhaitant à instaurer
un service universel national allant
au-delà de ce minimum
.
Ce dispositif distingue deux types de garanties de prestations pour les
utilisateurs du service :
- d'une part, des garanties d'accessibilité au service (points de
contact tenant compte des besoins des utilisateurs ; nombre de levée et
de distribution : au minimum cinq jours par semaine, sauf circonstances ou
conditions géographiques exceptionnelles ; tarifs abordables) et de
qualité de service (80 % en J + 1 pour le courrier national ;
90 % en J + 3 et 99 % en J + 5 pour le courrier
transfrontalier) ;
- d'autre part, des garanties d'offre de produit minimale (lettres
jusqu'à 2 kgs, colis jusqu'à 10 kgs, envois
recommandés).
Afin de compenser les charges résultant du service universel et de
garantir sa pérennité, qui passe nécessairement par
l'assurance de moyens de financement durable, le projet de directive
prévoit deux mécanismes, qui ne sont pas exclusifs l'un de
l'autre : les services réservés et le fonds de compensation.
Les services réservés
Rappelons que le droit communautaire autorise les
subventions
croisées
opérant "
une compensation entre les
secteurs d'activité rentables et des secteurs moins rentables et
justifie, dès lors, une limitation de la
concurrence
"
106(
*
)
dans la mesure
où elle s'avère nécessaire
pour permettre à
l'entreprise investie d'une telle mission d'intérêt
général d'accomplir celle-ci.
Se trouve ainsi justifié
le principe des services réservés comme moyen de financer des
activités moins rentables, sous réserve de l'application du
principe de proportionnalité. Le projet de directive délimite
donc dans le secteur postal des services pouvant être
réservés à la compensation des charges de service
universel.
Une telle faculté nécessite cependant que soit
évalué
le coût du service universel
. Souvent
difficile à estimer dans la pratique, le surcoût dû aux
obligations de service universel représente, en principe, la charge
financière de la fourniture de services non rentables que le prestataire
de service doit néanmoins supporter du fait des obligations de
fourniture du service universel, à un coût abordable, à
tout usager, quelle que soit sa localisation, dans des conditions qui ne
seraient pas économiquement viables.
La Commission européenne
(plus précisément sa
Direction générale XIII en charge des postes et
télécommunications)
a récemment entrepris une vaste
étude dans le but de procéder à une évaluation du
surcoût du service universel
. L'exercice étant par nature
délicat et pouvant alimenter nombre de polémiques, il conviendra
de veiller attentivement à sa méthodologie et à son
utilisation afin que ses résultats ne deviennent pas un instrument au
service d'un libéralisme débridé.
N'oublions pas, par exemple, qu'à l'occasion d'une étude de cette
nature, le ministère suédois des transports et des communications
a estimé que sur les 400 millions de couronnes de coût du
service universel évalués par un cabinet d'audit, seuls
100 millions de couronnes relèveraient réellement de la
charge de service universel, les 300 millions restants étant
liés aux pratiques de l'opérateur national.
Sur le fondement du projet de directive en cours d'achèvement,
l'opérateur chargé d'assurer le service universel pourrait ainsi
se voir réserver la levée, le transport, le tri et la
distribution des lettres de moins de 350 grammes et d'un tarif
inférieur à 5 fois le tarif de base, y compris le
publipostage et le courrier transfrontalier. Ceci correspondrait, en quelque
sorte, au périmètre maximal de son monopole
107(
*
)
.
Le fonds de compensation
L'autre mécanisme de financement du service universel prévu par
le projet de directive, découlant du compromis de Dublin, est le fonds
de compensation
108(
*
)
.
Seuls les prestataires de service universel pourraient, bien entendu,
bénéficier des soutiens du fonds, mais ils auraient, pour ce
faire, à apporter la preuve a priori de leur besoin de financement.
Alimenteraient le fonds, au prorata de leur activité, tous les
opérateurs intervenant sur le marché postal et n'exerçant
pas de missions de service universel, étant entendu que dans les pays
où seraient institués plusieurs prestataires de service
universel, ces derniers y contribueraient également. Dans les pays
où les obligations de service universel seraient confiées
à un seul opérateur, celui-ci ne serait pas contraint de
contribuer et aurait, au contraire, vocation à être l'unique
bénéficiaire du fonds, comme c'est le cas de France
Télécom pour le fonds de service universel des
télécommunications.
La Commission européenne tend, cependant, à estimer que les
efforts du prestataire du service universel en vue de rendre un service postal
d'une manière efficace et à un moindre coût permettront
à ce service de se développer et, par conséquent, de
s'autofinancer largement, voire d'atteindre son équilibre financier
à terme.
Notons que le projet de directive impose que tant la gestion du fonds que le
contrôle de l'ensemble de l'application de ces nouvelles règles du
jeu soient effectués par des autorités nationales
indépendantes des opérateurs postaux.
c) Les marges d'appréciation laissées aux États membres
La reconnaissance des spécificités du secteur
postal, par rapport aux autres industries de réseau, dont l'Union
européenne a entrepris la libéralisation, conduit à
laisser aux États membres une marge relativement grande d'adaptation des
règles arrêtées par le projet de directive.
Il en est ainsi :
- du nombre de
points d'accès
du public au service
postal ;
- du
tarif domestique unique
;
- de l'unicité ou de la pluralité des
prestataires
du
service universel
109(
*
)
;
- de la couverture du service universel pour les
colis
postaux,
hors express, le projet de directive fixant une fourchette comprise entre 10 et
20 kgs, à l'intérieur de laquelle chaque État membre
est libre de fixer la limite ;
-
du périmètre des services réservés
,
les limites de poids et de tarifs figurant dans le projet de directive
constituant, on l'a vu, les bornes extrêmes du domaine exclusif de
l'opérateur en charge du service universel.
Les États membres sont aussi libres, nous l'avons souligné
dès l'abord, de fixer des exigences plus élevées sur leur
territoire que celles découlant du service minimum garanti dans toute
l'Union européenne, et d'imposer, par ailleurs, aux opérateurs de
service universel d'autres services que le service postal, comme, par exemple,
la fourniture de services financiers. Les États membres
décideront alors, le cas échéant, des exigences
nécessaires, sous forme non discriminatoire et transparente, pour
remplir les objectifs assignés.
Par ailleurs,
rien n'empêche les États membres de
définir des missions d'intérêt général allant
au-delà des obligations du service universel, pourvu que les moyens
employés restent conformes au droit communautaire
.
Sont ainsi prises en compte les conceptions nationales de
l'intérêt général, définies par chaque
État en fonction de ses traditions et besoins propres. Ainsi,
les
impératifs, en termes d'aménagement du territoire notamment,
peuvent amener un État membre à compléter, dans les cas
justifiés, le périmètre du service universel par des
missions obligatoires n'entrant pas dans ce périmètre.
Le projet de directive encadre cependant strictement les modalités de
financement des missions d'intérêt général
définies par les États membres.
En effet,
les revenus que procurent les services réservés
et/ou le fonds de compensation ne peuvent servir qu'à subventionner la
fourniture du service universel défini par le projet de
directive
.
Le financement d'exigences complétant le service
universel
telles que la distribution de la presse, l'aménagement du
territoire ou la fourniture de services financiers, est donc à
rechercher par d'autres moyens tels que des subventions du budget de l'Etat.
Notons toutefois que la définition du service universel étant
évolutive (la directive prévoyant des clauses de rendez-vous), il
n'est pas exclu que les services réservés et/ou le fonds de
compensation puissent financer demain ce qui leur est interdit aujourd'hui.
Dans ce cadre juridique, le projet de directive pose le principe d'une
ouverture progressive du service postal. Mais ne nous leurrons pas, l'objectif
de la grande majorité de nos partenaires européens est bien de
poursuivre la marche vers la libéralisation du secteur.
2. Une ouverture progressive, mais inéluctable, du marché postal
Nous l'avons signalé précédemment, une
majorité d'États membres souhaitaient une ouverture
concurrentielle beaucoup plus poussée du marché postal. Le
Gouvernement français a réussi, en dépit de cette
situation défavorable à maintenir le domaine
réservé de La Poste sur la publicité adressée
(publipostage) et sur le courrier transfrontalier entrant, qui sont les deux
segments les plus porteurs du marché du courrier à l'heure
actuelle et représentent respectivement 11 % et plus de
6 % % du chiffre d'affaires-courrier de La Poste.
Ainsi, sans le compromis réalisé in extremis à Dublin, la
libéralisation aurait porté aux deux tiers la part du trafic
courrier de La Poste exposé à la concurrence, alors que
grâce à lui
elle
porte sur la moitié de ce
trafic
.
Mais ce coup de frein ne constitue que la première étape du
processus enclenché.
Suite au compromis de Dublin, la position commune du Conseil du
18 décembre 1996 fixe les modalités de révision de la
future directive, qui associera le Conseil et le Parlement européen,
conformément à la volonté de la France. Toute
décision sur une éventuelle poursuite de la
libéralisation
devra entrer dans le cadre de ce processus de
révision et faire l'objet d'une nouvelle décision du Conseil et
du Parlement
avant le 31 décembre 2000
, une nouvelle
étape de libéralisation ne pouvant entrer en vigueur avant le
1er janvier 2003.
Toutefois, en l'absence de dispositions nouvelles avant cette date, la
directive deviendrait caduque au 31 décembre 2004
. Dans ce cas,
les États membres ne retrouveraient cependant pas toute liberté
d'action. En effet, la Commission européenne pourrait alors s'appuyer
sur les pouvoirs que lui confère le Traité de Rome, notamment son
article 90 (qui lui donne compétence pour soumettre aux
règles communautaires de concurrence les entreprises des Etats membres
bénéficiant d'un monopole), pour fixer les règles
applicables au secteur postal. Elle serait par exemple en droit de s'opposer
à ce qu'un État membre élargisse le champ des services
réservés à l'opérateur de service universel si,
pendant la période d'application de la directive, il avait
été prouvé qu'un périmètre de monopole plus
circonscrit suffisait à assurer le financement du service universel.
Il faut, par conséquent, avoir conscience du fait que la contraction
des monopoles postaux est irréversible. L'opposition de la France qui a
su la retarder ne saurait la paralyser.
Le processus de révision de la directive est soumis à la
procédure de la co-décision, qui prévoit une
décision à la majorité qualifiée des États
membres. Or, on l'a vu, la France est isolée au milieu de partenaires
européens pressés de poursuivre dans la direction d'un
marché postal ouvert.
L'article 7-3 du projet de directive prévoit que les futures
discussions porteront, notamment, sur la libéralisation du courrier
transfrontière et du publipostage et sur un éventuel
réexamen des limites de prix et de poids. En outre, son article 26
précise que les États membres pourront maintenir ou introduire
des mesures plus libérales que celles prévues par le projet de
directive.
Tout laisse donc penser que cette première phase de
libéralisation modérée pourrait déboucher d'ici
cinq ans sur une ouverture beaucoup plus poussée du marché
,
que nous n'aurons pas les moyens de contenir.
Ainsi qu'on le verra ci-après, un certain nombre de pays ne se privent
pas de s'engager d'ores et déjà sur cette voie, alors même
que la directive ne devrait être adoptée définitivement que
d'ici la fin de l'année 1997 et transposée dans le droit national
dans l'année qui suivra cette adoption.
C'est ainsi que même l'Allemagne -celui de nos partenaires sans le
soutien duquel la France n'aurait pu arracher le compromis de Dublin- compte
libéraliser son publipostage dès 1998.
La Poste est confrontée, par ailleurs, à une mise en cause des
conditions d'exercice de ses activités financières.
III. UNE CERTAINE MISE EN CAUSE DES CONDITIONS D'EXERCICE DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES DE LA POSTE
Du fait qu'elle exerce à la fois des activités
relevant d'un monopole et des activités concurrentielles, La Poste est
soumise à un certain nombre de critiques, voire d'attaques, de la part
de ses concurrents.
Les soupçons qui pèsent sur elle concernent notamment les
conditions d'exercice et de fonctionnement de ses services financiers, ces
derniers étant suspectés de bénéficier d'avantages
constituant des entraves à la concurrence et de contribuer ainsi
à la fragilité actuelle du système bancaire.
Tant les instances européennes que le Conseil de la Concurrence ont
été amenés à se prononcer sur ce sujet. Ils ont
ainsi précisé les conditions permettant d'assurer le respect des
règles de concurrence par les services financiers de La Poste.
Globalement, s'ils ont considéré que des améliorations
pouvaient être apportées, ils ont cependant jugé que cette
activité financière ne s'exerçait pas dans des conditions
biaisées.
A. LE DÉBAT SUR LES ÉVENTUELLES DISTORSIONS DE CONCURRENCE
Le débat sur les éventuelles distorsions de
concurrence qui résulteraient des conditions dans lesquelles La Poste
exploiterait ses services financiers, au détriment de ses concurrents,
déjà vif en 1990 au moment de la discussion législative
sur les compétences postales, est plus que jamais d'actualité. Il
se trouve, en effet, réactivé par les difficultés
structurelles du secteur bancaire français.
Les critiques adressées à La Poste portent, essentiellement, sur
les avantages concurrentiels dont bénéficieraient les services
financiers : en premier lieu, du fait qu'ils partagent le réseau avec le
service du courrier ; en deuxième lieu en raison des
spécificités du statut de La Poste -qui l'exonère d'un
certain nombre de contraintes auxquelles les banques sont soumises- ; et enfin,
du fait du duopole dont ils jouissent sur le Livret A dont elle est l'un des
titulaires.
1. Un réseau partagé
Les concurrents financiers de La Poste estiment tout d'abord
que :
- par le biais du réseau qu'ils partagent avec le service du
courrier, les services financiers bénéficient d'un
accès à la clientèle des bureaux de poste
dont ne
bénéficie nul autre acteur du secteur ;
- et qu'ils jouissent, en outre, de l'image d'intérêt
général attachée au service public et en particulier
à La Poste.
Enfin, il est tiré argument de l'usage de la
polyvalence des
personnels
pour dénoncer des subventions croisées entre
activités exercées sous monopole et activités
concurrentielles.
2. Les spécificités du statut de La Poste
L'Association française des banques (AFB) fait valoir,
par ailleurs, que les services financiers de La Poste se voient imposer des
contraintes de rentabilité et de rémunération des fonds
propres moindres
que celles pesant sur les établissements de
crédit et que, de plus, jusqu'à sa récente annulation, ils
n'étaient pas soumis aux conditions restrictives
d'ouverture des
guichets
imposées par le décret du 31 mars 1937 aux banques.
Par ailleurs, n'étant pas un établissement de crédit au
sens de la loi bancaire de 1984, La Poste n'est
pas assujettie à la
contribution annuelle des institutions financières
pour le
financement du commerce et de l'industrie (taux de 1 % sur les frais de
personnel et autres frais généraux).
Enfin, est contestée l'attribution d'un
abattement
de 85 %
sur
les bases des impositions directes locales
en raison des contraintes
de desserte de l'ensemble du territoire et de participation à
l'aménagement du territoire qui lui sont imposées.
3. Le monopole de distribution du Livret A
La Poste jouit d'un duopole de distribution du livret A,
qu'elle partage, rappelons le, avec les Caisses d'Épargne.
Selon les banques concurrentes de La Poste, le livret A serait un puissant
" produit d'appel ".
Elles estiment, en effet, que le livret A exerce un double effet sur les
épargnants :
- un effet de séduction, en raison de la rémunération
versée pour une épargne instantanément disponible :
3,5 % nets d'impôt (que les principaux placements concurrents, SICAV
et fonds communs de placement monétaires, ne peuvent plus offrir) ;
- un effet d'appel : quand les épargnants viennent à La Poste (ou
dans les Caisses d'Epargne) pour effectuer des opérations sur leur
livret A, les personnels de La Poste en profiteraient pour leur vendre d'autres
produits financiers. Cet effet d'appel serait accru par une publicité
par courrier, organisée à partir des fichiers de
détenteurs de livrets A.
Il est également jugé que l'utilisation du livret A comme
" produit d'appel " aurait permis à La Poste de :
- capter à bon compte et s'attacher durablement une clientèle qui
ne pouvait se procurer ailleurs ce produit très compétitif ;
- décliner, à partir de là, une offre de produits
bancaires complémentaires ou alternatifs ou de produits d'assurance plus
rentables pour elle, OPCVM en particulier. A cela se serait ajouté le
bénéfice, pour les services financiers de La Poste, de la
franchise postale pour l'envoi de leur propre publicité, ceci jusqu'en
1996.
L'ensemble des arguments ainsi exposés par les concurrents des services
financiers de La Poste sont partagés, et parfois
complétés, par un certain nombre de responsables politiques. Ces
derniers, préoccupés par la fragilité du secteur bancaire
français, ont estimé ces critiques suffisamment fondées
pour justifier une remise en cause plus ou moins profonde des conditions
d'exercice de ses compétences financières par La Poste.
Une telle remise en cause emporterait des conséquences qui ne sont pas
sans inquiéter votre rapporteur.
B. LES PRISES DE POSITION DES INSTANCES EUROPÉENNE ET NATIONALE CHARGÉES DU DROIT DE LA CONCURRENCE
Des recours concernant le respect du droit de la concurrence dans le secteur postal peuvent être formés auprès des instances judiciaires des Communautés européennes. A ce titre, le Tribunal de première instance a être amené à se prononcer récemment sur un recours élevé contre La Poste. En France, le Conseil de la Concurrence de son côté a rendu deux avis en ce domaine.
1. L'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes
Un récent arrêt du Tribunal de première
instance des Communautés européennes apporte un éclairage
très intéressant sur l'application des règles de
concurrence à La Poste, mise en cause pour concurrence déloyale
dans ses activités d'assurance.
Dans cet arrêt, rendu le 27 février 1997 suite au
recours de la
Fédération française des sociétés
d'assurances (FFSA)
contre une décision de la Commission
européenne, le Tribunal de première instance confirme la
décision prise en février 1995 par cette dernière qui
avait rejeté une plainte pour aides d'État contre La Poste et
constaté que
les mesures fiscales dérogatoires
accordées par la loi du 2 juillet 1990
étaient
justifiées par les surcoûts résultant de ses missions de
service public.
Le Tribunal estime que
les contraintes de desserte de l'ensemble du
territoire et de participation à l'aménagement du territoire
qui s'imposent à La Poste, notamment
l'obligation de maintenir une
présence postale et des services publics non rentables en milieu
rural
, doivent être considérées comme des missions
particulières, au sens de l'article 90 (paragraphe 2) du
Traité.
Cet article précise que l'application des règles de concurrence
aux entreprises chargées de missions de service public ne doit pas
empêcher l'accomplissement de la mission particulière qui leur a
été impartie.
Sur ce fondement, le Tribunal considère que la
compensation
par
un
avantage fiscal des surcoûts résultant des
missions de service public est conforme aux règles du Traité
,
dès lors que le montant de l'avantage fiscal ne va pas au-delà de
ce qui est nécessaire pour assurer ces missions particulières.
Le Conseil de la Concurrence a également été amené
à prendre position en ce domaine.
2. Les avis du Conseil de la Concurrence
Le Conseil de la Concurrence a rendu deux avis récents
concernant les activités de La Poste.
L'un date du 25 juin 1996 et est relatif à une demande d'avis de
l'Association française des Banques (AFB) concernant le fonctionnement
des services financiers de La Poste au regard du droit de la concurrence ;
l'autre prononcé le 17 septembre 1996, répond à une
demande de la Commission des Finances du Sénat concernant les conditions
de concurrence prévalant dans le système bancaire et de
crédit français.
L'exposé des principales conclusions de ces avis s'agissant de La Poste
n'est pas sans intérêt.
Dans
son avis du 25 juin 1996
, le Conseil de la Concurrence constate
que les importantes différences de conditions d'exploitation des
activités financières de La Poste et des banques de
l'AFB
rendent toute comparaison difficile et que les avantages et contraintes de La
Poste sont à la fois mal évalués et pas toujours
compensés.
A cela s'ajoutent des difficultés pratiques à juger les
conditions de concurrence dans le cadre comptable et institutionnel actuel.
Pour arrêter ses principes méthodologiques d'appréciation,
le Conseil de la Concurrence fait référence à la
jurisprudence communautaire précisant l'application des règles de
concurrence au cas dans lequel un opérateur dispose de droits exclusifs,
et notamment à l'arrêt essentiel de la Cour de Justice des
Communautés européennes :
l'arrêt Corbeau
, du
19 mai 1993, qui concerne la régie des Postes belges. Cet
arrêt
a amené la Cour à définir un service
d'intérêt économique général dans le domaine
du courrier.
L'opérateur en charge de ce service peut
bénéficier, en contrepartie, d'une compensation, sous la forme
d'une limitation de la concurrence sur des activités rentables.
L'arrêt précise que
: " l'exclusion de la concurrence ne
se justifie cependant pas dès lors que sont en cause des services
spécifiques, dissociables de l'intérêt économique
général, [...] ".
S'il reconnaît la
possibilité de subventions croisées, l'arrêt en laisse les
limites imprécises. La jurisprudence, par ailleurs, porte sur le cas
où un monopole, ou une entreprise dominante sur un marché, abuse
de sa puissance économique sur un autre marché.
Évoquant cet arrêt, la Commission européenne, dans son
rapport pour l'année 1994, estime que les entreprises auxquelles un
État membre a accordé des droits de monopole ne doivent pas
"
utiliser les recettes qu'ils tirent de leurs activités
soumises à monopole pour subventionner leurs ventes dans d'autres
secteurs défavorisant ainsi de manière artificielle les
concurrents
", le Conseil de la Concurrence juge que cette
position
doit être interprétée avec une certaine prudence,
"
en mettant en oeuvre une série de tests pour établir si
la pratique de ces entreprises est effectivement de nature à
éliminer des concurrents aussi efficaces qu'elles
".
Dès lors, le Conseil estime que trois questions devraient être
examinées dans le cas d'une saisine contentieuse.
La
première
est de déterminer si La Poste dispose
d'une position dominante, soit sur le marché financier, soit sur un
autre marché. Le fait de détenir un monopole légal sur une
activité ne confère, en effet, pas automatiquement une position
dominante sur un marché économiquement pertinent.
Deuxième question
: si tel est le cas, La Poste abuse-t-elle de
cette position dominante sur un marché ? L'examen de cette question,
pour tout opérateur, passe par une étude de ses prix par rapport
à ceux de ses concurrents et par rapport à ses coûts. Il
ressort de l'avis du Conseil que :
- si l'opérateur pratique des prix plus élevés que
ses concurrents, il n'y a pas abus de position dominante même s'il subit
une perte ;
- si ses prix sont inférieurs ou égaux à ceux de ses
concurrents, il convient d'examiner si ceux-ci subissent une perte ;
- si ses prix sont inférieurs à ses coûts moyens
variables, ou supérieurs à ses coûts moyens variables mais
inférieurs à ses coûts moyens totaux, il faut
étudier si cela relève d'une stratégie volontaire
d'élimination d'un concurrent.
Troisième question
: si les concurrents étaient aussi
efficaces que l'opérateur, subiraient-ils des pertes ?
Afin d'apporter une réponse à ces questions et de garantir la
mise en oeuvre effective du droit de la concurrence,
le Conseil
relève que l'amélioration de la qualité et de la
transparence de la comptabilité analytique des opérateurs, et
singulièrement de l'opérateur dominant, est une condition
nécessaire mais n'apparaît pas suffisante dans tous les cas
.
A cet égard, le Conseil estime que
l'autorité de tutelle
doit
préciser les normes d'analyse de coûts à usage
externe,
dans l'objectif de l'exercice du contrôle du respect des
règles de concurrence.
Cependant, quelles que soient les améliorations relatives à la
comptabilité analytique, il juge que le contrôle effectif du
respect des règles de concurrence demeurera difficile à exercer
tant que ne sera pas intervenue une
séparation entre activités
sous monopole et activités concurrentielles
. Cette
séparation, qui doit être recherchée et établie dans
le cadre de l'unité institutionnelle de La Poste, pourrait intervenir,
selon le Conseil, sous la forme d'une filialisation des services financiers. Il
ne manque cependant pas de relever les inconvénients d'une telle
politique.
Enfin, le Conseil de la Concurrence estime que le bon fonctionnement de la
concurrence implique une
clarification des relations entre l'État et
La Poste
, l'État devant compenser l'ensemble des charges
particulières qu'il impose à La Poste, notamment à travers
la reconnaissance d'une mission de " banque sociale " et la
réforme du système de financement des retraites appliqué
à La Poste.
Essentielles, ces différentes recommandations mériteront une
discussion dans le titre II du présent rapport.
Au total, il faut souligner que l'avis du Conseil de la Concurrence ne
conteste aucunement le principe de l'exercice par La Poste d'activités
concurrentielles, et en particulier des services financiers, pour autant que
les conditions permettant d'assurer le respect des règles de concurrence
soient mises en oeuvre.
L'avis
rendu par le Conseil de la Concurrence le
17 septembre 1996
fait suite à une
demande de la
Commission des Finances du Sénat
qui portait sur trois thèmes
: le monopole de la distribution de livrets d'épargne
administrée, les différences de législation et de
réglementation sociale, les différences de statuts entre les
établissements, et de façon générale, les effets
engendrés par ces disparités en termes de concurrence.
S'agissant du monopole de distribution des livrets d'épargne
administrée, le Conseil estime que l'existence d'un marché qui
serait limité à la distribution des livrets A et bleu ne peut
être établie, ces produits faisant partie d'un marché plus
vaste, celui des produits d'épargne liquide des particuliers ou celui
des produits d'épargne à taux réglementé (livrets
d'épargne administrée, défiscalisée ou non).
Il
résulte de son avis que
le monopole de distribution des
livrets A ne peut être qualifié d'abus de position
dominante.
Il relève, notamment, que les établissements qui ne distribuent
pas le livret A voient leurs parts de marché progresser de façon
constante sur les autres produits d'épargne à taux
réglementé, notamment LEP et CODEVI, alors que depuis dix ans la
collecte sur le livret A a tendance à diminuer, la création du
livret jeune et la baisse de rémunération du livret A ayant
d'ailleurs accentué ce phénomène.
Le Conseil de la Concurrence considère qu'en tout état de cause,
des pratiques abusives mises en oeuvre sur le marché des livrets
d'épargne administrée sont difficilement envisageables puisque
les conditions d'ouverture, de rémunération et de plafonnement de
ces livrets sont fixées par les pouvoirs publics. En revanche, il
n'exclut pas l'existence de pratiques abusives sur d'autres marchés,
notamment à travers des subventions croisées.
A cet égard, il souligne cependant que le livret A n'est pas le seul
produit susceptible de constituer un " produit d'appel "
-comme le
dénonce, on l'a vu, l'AFB-, mais que d'autres produits ou services,
distribués quant à eux librement, peuvent emporter des effets
similaires.
Deuxième conclusion du Conseil
:
le maintien de droits
exclusifs sur les livrets A et bleu n'apparaît pas indispensable à
l'accomplissement de missions d'intérêt général
,
qu'il s'agisse du développement de l'épargne populaire ou
financement du logement social.
Le Conseil rappelle que, selon la jurisprudence communautaire,
seules les
missions d'intérêt général confiées à
l'entreprise bénéficiaire de droits exclusifs par un acte de
puissance publique sont susceptibles de justifier des restrictions à la
concurrence.
Il relève alors qu'aucun texte n'a chargé La Poste, ni les
Caisses d'Epargne, de l'accomplissement -à travers la distribution du
livret A- d'une mission d'intérêt général en
matière de cohésion sociale, celle-ci étant à la
fois un héritage historique et la conséquence de l'existence de
leurs réseaux de proximité. Il en déduit que
"
dans ces conditions, le rôle social attribué au livret A
ne saurait en principe justifier le maintien de restrictions de
concurrence
".
Si l'État confirmait cependant expressément la mission
d'intérêt général remplie par La Poste et les
Caisses d'Epargne en distribuant le livret A sans exclusion sur tout le
territoire, il faudrait, alors, selon le Conseil, examiner si cette mission
pourrait continuer à être assurée dans des conditions
financièrement équilibrées en l'absence de droits
exclusifs.
Or, on ne peut exclure qu'une éventuelle banalisation du livret A
n'entraîne un coût de gestion "
insupportable
",
La Poste et les Caisses d'Epargne pouvant alors voir les titulaires de livrets
de gros montant être captés par les banques.
Dans cette hypothèse, le Conseil de la Concurrence estime que
"
la réalisation de la mission d'intérêt
général éventuellement dévolue aux réseaux
collecteurs du livret A en matière sociale pourrait cependant être
assurée à condition que l'État reconnaisse l'existence de
contraintes particulières, en ce domaine, et la nécessité
d'en assurer la compensation financière ".
Par ailleurs, s'agissant de la
deuxième mission
d'intérêt général
, le Conseil de la concurrence
considère que "
le financement du logement social
,
selon les modalités actuelles, ne serait pas affecté par une
éventuelle banalisation du livret A si tous les établissements
distributeurs étaient soumis à l'obligation de centralisation des
fonds collectés
".
Encore est-il amené à préciser qu'il faudrait alors
garantir le maintien d'une centralisation totale des fonds pour tous les
établissements collecteurs aussi longtemps que cela s'avérerait
nécessaire à l'accomplissement de cette mission
d'intérêt général.
Il est vrai que l'expérience tirée de la création de
produits partiellement substituables aux livrets A et distribués par
l'ensemble des réseaux bancaires (CODEVI, livret d'épargne
populaire ou livret jeune), prouve que les objectifs initialement fixés
risquent d'être peu à peu oubliés. C'est ainsi que,
censé servir au financement des PME, le CODEVI proposé par les
banques commerciales, le Crédit agricole et le Crédit mutuel, n'a
cessé de voir son taux de centralisation auprès de la Caisse des
Dépôts et Consignations diminuer, ceci bien sûr au
détriment de la mission d'intérêt général qui
lui avait été dévolue.
Toutes ces récentes prises de position des autorités
européennes et nationale éclairent très utilement un
débat délicat, dont les enjeux sont de taille.
En définitive, ce débat s'inscrit au carrefour de
préoccupations à la fois d'ordre juridique -mais, on l'a vu,
l'interprétation des règles de concurrence applicables à
La Poste par les autorités susmentionnées reste prudente-,
économique et budgétaire, l'État devant veiller à
ce que l'opérateur public puisse atteindre l'équilibre financier.
La Poste ne risque-t-elle pas, à terme, d'être prise en ciseau
entre une concurrence de plus en plus vive sur le marché du courrier -en
raison tant du dynamisme des autres opérateurs nationaux et
étrangers, publics et privés, que de l'explosion des nouvelles
technologies et de l'érosion de ses protections réglementaires-
et les menaces qui pourraient peser sur l'avenir de ses services financiers,
dont les modes d'exercice et de fonctionnement semblent de plus en plus mis en
cause ? Ne risque-t-elle pas au travers de cette menace de se trouver
ébranlée dans son unité et dans sa pérennité
?
Cependant, si la prise de conscience est nécessaire, l'alarmisme
n'apparaît pas de circonstance. Le constat de l'accroissement des
pressions concurrentielles qui vient d'être dressé amène
certes à considérer que la résignation et l'inertie
seraient fatales, car cela reviendrait à admettre le scénario de
l'inacceptable, qui conduirait inéluctablement vers le déclin.
Mais La Poste n'est ni résignée, ni inerte. Elle se bat et a
déjà démontré sa capacité à
évoluer et à gagner. Elle paraît donc tout à fait
apte à relever ces défis auxquels elle se trouve
confrontée.
Encore convient-il qu'elle ait la capacité et les moyens de conforter
ses réels atouts en corrigeant des handicaps parfois écrasants.
CHAPITRE V -
LA POSTE EST UNE BELLE
ENTREPRISE
QUI SOUFFRE DE HANDICAPS MAJEURS,
NOTAMMENT AU PLAN
FINANCIER
La Poste est une belle entreprise, riche de ses ressources
humaines, de sa culture de grand prestataire de service public, de son
volontarisme commercial et de l'immense maillage de son réseau.
Cependant, elle est fragile.
Désormais appelée à
être de plus en plus exposée aux rivalités commerciales du
monde qui l'entoure, alors qu'elle était depuis des siècles
habituée à vivre à l'abri de protections
tutélaires, elle pourrait, si elle se crispait sur des attitudes
administratives dépassées, si l'État continuait à
l'utiliser comme supplétif de sa politique budgétaire, si les
citoyens et les élus ne prenaient pas conscience des défis
qu'elle va avoir à affronter, finir par s'effriter sous le choc des
réalités. Certains, y compris parmi les plus clairvoyants des
représentants de son personnel, la considèrent même comme
" mortelle ".
L'écart est immense aujourd'hui entre la réalité postale
qui se dessine à l'horizon du prochain siècle et la perception
que la plupart des Français, voire même des postiers, ont de notre
Poste.
En de telles circonstances, seules la lucidité du diagnostic et la
solidarité dans l'action sont des gages de succès. C'est
pourquoi, il convient de dresser un inventaire sans complaisance des forces et
des faiblesses de l'opérateur postal national, afin de corriger ses
vulnérabilités et de valoriser ses atouts.
I. UN BEAU JEU D'ATOUTS HUMAINS ET COMMERCIAUX
La Poste conserve des cartes maîtresses, au premier rang desquelles figure son personnel et elle a su conduire, depuis qu'elle n'est plus une administration d'État, des réformes structurelles mais aussi culturelles qui commencent à porter des fruits.
A. IL N'EST DE RICHESSES QUE D'HOMMES ET DE FEMMES
La première richesse de La Poste, ce sont ses 310.000 agents : une histoire et une expérience collective font des " postiers " un groupe humain doté d'une identité propre, animé d'une légitime fierté professionnelle et attaché tant à leur métier qu'au service du public. Une entreprise dont les dépenses de personnel représentent plus de 70 % de son compte d'exploitation a nécessairement pour première richesse les hommes et les femmes qui la font vivre.
1. Un personnel légitimement fier d'une forte culture de service public
La Poste est profondément imprégnée de
la
culture du service public
, forgée dans le cadre
étatique par des décennies d'histoire et renforcée par
l'attachement des postiers à leur entreprise et à ses missions.
Au cours de ses déplacements en province et de ses rencontres avec le
personnel, votre rapporteur l'a constaté :
les postiers aiment La
Poste
. Dans leur grande majorité, ils sont préoccupés
par l'avenir de leur entreprise, fiers de leur métier et soucieux de la
pérennité du service postal.
En novembre 1995, plus de 90 % d'entre eux se déclarent
attachés au principe de l'universalité du courrier, à la
présence postale, à la banque pour tous. Ils désirent
également un service offert à tous les citoyens pour le
même prix
110(
*
)
. Ils jugent très
majoritairement que le service public constitue la principale
caractéristique du statut de fonctionnaire -avant la
sécurité de l'emploi- et ils estiment que la conscience
professionnelle et l'intégrité sont indissociables de ce statut.
L'attachement des postiers à leur métier et à leur
entreprise est extrêmement marqué. C'est ainsi que 84 %
d'entre eux affirment, en 1995, vouloir faire carrière à La
Poste.
Attachés au service du public et aux traditions de l'action
administrative, les personnels de La Poste n'en sont pas pour autant aveugles :
ils perçoivent, quoique de manière encore trop lointaine, la
montée de la concurrence. Après les grèves de l'automne
1995 qui ont paralysé le réseau, alors même qu'elles
étaient suivies par une petite minorité, beaucoup de facteurs ont
constaté que "
leurs sacoches s'étaient
allégées
".
D'autres personnes ont aussi mentionné, non sans quelque
inquiétude, devant votre rapporteur, la multiplication des
" tournées parallèles " organisées par les
grands intégrateurs internationaux pour desservir les entreprises de
leur département, ou encore l'accroissement des envois publicitaires
distribués par la concurrence. Comme le disait l'un d'entre eux au cours
d'une réunion en province : "
moi, j'ai compris que La
Poste pouvait mourir ".
Le très fort attachement des agents à une entreprise dont ils
connaissent les forces et les faiblesses ne doit, d'ailleurs, nullement
être analysé comme l'expression d'un refus de tout changement. La
preuve en est que pour bon nombre de postiers, l'entrée à La
Poste implique un départ vers une région où ils n'ont pas
d'attaches et pour une durée dont ils ne connaissent pas le terme, du
fait de la lenteur des mouvements du personnel. La Poste estime à
près de 150.000 -soit près de 50 % du total !- le nombre des
agents qui souhaitent obtenir une mutation nationale, notamment de Paris vers
la province.
2. Une gestion des ressources humaines qui a su accompagner les changements de l'entreprise
a) La réussite de la réforme des classifications
La loi du 2 juillet 1990 a rendu nécessaires
des modifications fondamentales dans la gestion des ressources humaines de La
Poste. Il y a notamment été procédé, à
l'instar de France Télécom, à une importante
réforme des classifications
.
Engagée dès 1990, celle-ci a conduit à transformer une
grille de classement indiciaire par grades, basée sur des
critères de hiérarchie purement administratifs, au profit d'une
grille de classement fonctionnelle, dont l'objectif était d'harmoniser
la fonction exercée et le grade détenu par chaque agent, qu'il
soit fonctionnaire ou contractuel.
Pour la mener à bien, il a été nécessaire de
procéder, de 1993 à 1996, à une
classification des
fonctions
à l'occasion
de laquelle les agents ont
été amenés à décrire leur propre poste de
travail. A l'issue de cet exercice, chaque membre du personnel a reçu
une proposition de
reclassification
, tendant à son
intégration dans les nouveaux statuts, compte tenu du niveau de son
ancien grade et de la nouvelle classification de sa fonction.
C'est ainsi que l'on est passé d'une grille de 111 grades couvrant
l'équivalent des catégories A, B, C et D de la fonction publique,
à une nouvelle grille de 11 grades et de 500 fonctions
opérationnelles. Plus qu'un niveau de connaissances universitaires, ce
sont donc la valorisation des connaissances professionnelles et l'aptitude
à exercer une fonction qui sont désormais
privilégiées.
Si l'on en juge par les résultats obtenus en quatre ans,
l'opération de reclassification des personnels a été
une réussite.
Elle s'est déroulée sans heurts majeurs,
contrairement à ce que l'on a pu constater lors du déroulement du
même processus à France Télécom.
En 1997,
95 % des agents étaient intégrés dans les nouveaux
grades
et bénéficiaient d'une amélioration de leur
position indiciaire et, par conséquent, de leurs traitements.
La reclassification du personnel permet, dès aujourd'hui, à La
Poste de
gérer la carrière de ses agents dans une optique
entrepreneuriale.
Le nouveau système d'appréciation des
résultats du personnel, se fonde sur les fonctions exercées et
sur l'aptitude des agents à atteindre les objectifs fixés par
leur hiérarchie. Peu le savent dans l'opinion mais, désormais,
les chefs d'établissement (anciennement dénommés
" receveurs ") sont classés, pour leur avancement, en
fonction
du chiffre d'affaires et des résultats qu'ils obtiennent, et non plus,
comme par le passé, au seul vu de la position occupée par leur
bureau dans l'organigramme.
Ceci est révélateur du passage d'une culture professionnelle
marquée par une certaine inertie administrative à un monde
où commence à souffler l'esprit d'entreprise.
b) L'importance de l'effort de formation professionnelle
Les nouvelles orientations imprimées à la
gestion du personnel de La Poste ont été relayées de
manière dynamique par une politique de formation ambitieuse qui
s'avère d'autant plus indispensable que
d'ici à 1999, il est
prévu que plus de 20.000 agents auront à changer de
fonctions
.
Pour la seule année 1997, La Poste devrait, au total, procéder
à 7.000 reclassements, dont 2.600 dans les centres de traitement du
courrier, 1.000 dans les services de support des activités principales
de l'entreprise, 500 dans les services de CCP et 2.000 environ dans les bureaux
de poste.
En 1996, notre opérateur postal a consacré près de
1,9 milliard de francs à la formation
, qu'il
s'agisse de la formation initiale, grâce au recours à
l'apprentissage, ou de la formation permanente, dans le cadre de programmes
spécifiques. Il y a consacré près de 1,9 milliard de
francs en 1996,
soit 4,6 % de sa masse salariale
.
Dans ce cadre, il a défini une politique ambitieuse d'embauche de
jeunes,
auxquels il a apporté une
formation initiale.
Du 26 septembre 1994, date de la signature de l'accord-cadre sur le
développement de l'apprentissage, au 31 décembre 1996, plus de
2.000 jeunes sont entrés en apprentissage à La Poste. A la
fin 1996, 70 % des quelque 1000 apprentis déjà formés
ont été recrutés à titre définitif.
La Poste a également facilité la
conversion interne
de ses
personnels, en engageant divers programmes de formation destinés
à accompagner ses transformations internes.
Il en va ainsi, par exemple, du programme "
compétence
plus
" qui est destiné à "
adapter les
compétences professionnelles des agents (reconversion, qualification ou
requalification) aux évolutions stratégiques des métiers
et à la nouvelle dynamique sociale de La Poste
". Ce programme
concerne aussi bien les cadres de l'entreprise que les agents et s'applique
dans les métiers du courrier (vente, gestion...) Il se double d'actions
destinées à améliorer, par exemple, la connaissance de la
comptabilité de l'entreprise. C'est ainsi que le programme F-ACTEURS a
concerné 75.000 agents de distribution depuis 1993, que le programme de
formation des agents du courrier (FAC) bénéficie au personnel des
centres de tri et que le programme A-GUICHET, lancé en 1994, tend
à améliorer la formation des agents de guichet. Des actions de
formation ont, en outre, été engagées au plan national.
Elles ont donné lieu à près de 160.000 journées de
formation en 1996.
Un tel effort apparaît indispensable. La Poste estime, en effet, que dans
les cinq années à venir les postes de travail seront de plus en
plus orientés vers le public. Pour faciliter les mouvements de personnel
qui découleront de cette évolution, elle a prévu d'inciter
les salariés à la mobilité grâce au versement
d'indemnités spécifiques. Elle a aussi créé un
réseau de conseillers mobilité-orientation professionnelle
chargés d'aider les agents dans l'élaboration de leur projet
professionnel.
3. Une volonté marquée d'écoute et de mobilisation du personnel
A La Poste, les ressources humaines se voient consacrer le
premier chapitre du rapport annuel d'activité qui met en exergue que :
"
compétitivité et ambition sociale vont de pair
".
N'est-ce pas, la preuve manifeste -si besoin en était- que dans
l'état major de l'exploitant public nul ne doute que les postiers
constituent l'atout maître pour relever le défi de la concurrence ?
La politique de gestion des ressources humaines se fonde d'ailleurs sur une
écoute plus attentive des personnels que dans le passé. C'est
ainsi qu'a été lancée, en septembre 1996,
l'opération "
écoute et dialogue
" en
direction des salariés.
A l'issue de cette campagne de communication interne, 2.000 propositions
ont été recueillies, fin 1996, avant qu'un certain nombre d'entre
elles ne soient présentées à la presse. Parmi les
suggestions retenues, figurent des mesures relatives à
l'amélioration de l'information du personnel, des suggestions relatives
aux activités commerciales (proposition de créer des cartes
postales pré-timbrées) ou à la clientèle (telle
l'idée de lancer une campagne afin de favoriser la remontée des
suggestions des clients, ou de tester les nouveaux produits auprès de
groupes-tests de consommateurs).
La Poste accomplit donc un effort important pour impliquer et motiver son
personnel. Il est vrai qu'il ne servirait à rien de disposer d'un
capital humain riche et divers si l'on ne le faisait pas fructifier.
Parallèlement à cette politique dynamique de gestion des
ressources humaines, elle déploie une stratégie offensive en
matière commerciale.
B. UNE STRATÉGIE COMMERCIALE OFFENSIVE
Depuis 1991, les dirigeants de l'opérateur public ont commencé à traquer ce qui, dans ses relations avec la clientèle, pouvait évoquer une conception trop administrative du service postal, que l'on pourrait définir comme assez faiblement réactive aux attentes du public. Ce nouvel état d'esprit marque, là encore, une véritable transformation culturelle qui a d'ores et déjà permis d'obtenir des résultats tangibles, tant en ce qui concerne la réponse aux demandes de la clientèle que la diversification de l'offre de produits et de services.
1. Mieux épouser les contours de la demande
Répondre aux attentes de sa clientèle,
établir avec elle une
relation prioritairement commerciale,
tel semble bien être désormais le mot d'ordre à La
Poste. Nombre d'initiatives prises au cours de ces dernières
années le démontrent.
C'est ainsi que la
mesure des délais de réception du
courrier
n'est plus seulement effectuée en interne mais est
également confiée à un observateur extérieur
indépendant dont la réputation sur le marché des sondages
est solidement établie : la Sofres. Auparavant, la qualité du
service courrier était appréhendée uniquement grâce
à un sondage interne qui ne tenait pas compte de la distribution du
courrier au client, mais seulement de l'arrivée des plis au bureau de
poste destinataire. Fortement symbolique du fonctionnement narcissique d'une
organisation qui ne regardait qu'elle même, ce système faisait
l'objet de nombreuses critiques Les résultats constatés,
notamment pas les entreprises, correspondaient rarement -et pour cause-
à ceux affichés -souvent glorieusement- par un prestataire qui
pour apprécier la qualité de son service oubliait de
s'intéresser à ceux auxquels il était destiné.
Désormais, le recours à la Sofres permet de disposer
d'éléments d'appréciation moins contestables.
Dans le même esprit, un protocole signé en 1995 avec vingt
associations de consommateurs agréées au niveau national a
institué la fonction de
médiateur de La Poste
. Le
médiateur, peut être saisi par les associations de consommateurs
au nom des particuliers et par les entreprises. Il a reçu près de
250 demandes en 1996.
La Poste s'attache également à
améliorer ses relations
avec la clientèle
au quotidien.
Dans les bureaux, afin d'écourter l'attente des clients, on
procède à l'installation de systèmes de gestion des files
d'attente (distribution de tickets, recours au guide-file, présence
d'hôtesses d'accueil). Dans ses services financiers, La Poste s'efforce
de nouer des relations personnalisées avec ses clients en octroyant des
découverts intuitu personae, ou encore en mettant à disposition
des 12.000 " grands comptes " ayant des patrimoines les plus
importants, des conseillers financiers spécialisés.
Ces quelques exemples très concrets témoignent d'un réel
souci de satisfaire aux demandes de la clientèle, souci qui inspire
également l'offre de services postaux.
2. Fournir une offre compétitive valorisée par une démarche marketing
La volonté manifeste de La Poste d'étendre et de diversifier son offre de services s'appuie, d'une part, sur une modernisation et une rationalisation de son organisation interne et, d'autre part, sur une démarche marketing offensive qui constitue une réelle nouveauté.
a) Une modernisation de l'outil de production
La Poste a su parier sur le développement des
technologies de pointe. Pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par
son plan courrier, elle recourt aux machines de
tri automatisé
,
domaine dans lequel l'industrie française dispose, en partie grâce
à elle, de compétences mondialement reconnues.
La multiplication des automates d'affranchissement et des distributeurs
automatiques de vignettes d'affranchissement ou de carnets de timbres participe
de la même volonté résolument moderniste.
Par ailleurs, en matière d'
acheminement des colis
, ont
été constitués des réseaux spécifiques
permettant de spécialiser les flux. Ont ainsi été
créées 3 bases de transit et 50 agences de
livraison dédiées au transport de colis inter-entreprise ou
encore 6 sites de ventilation consacrés aux flux émanant de
la vente par correspondance.
Dans le domaine du courrier, comment ne pas mentionner aussi l'intelligence du
concept autour duquel a été construite la nouvelle
Aéropostale
. Ses avions, pouvant porter trente tonnes de
courrier, volent la nuit, pour La Poste, la carlingue emplie de containers et,
le jour, transportent des passagers pour le compte d'Air France, après
que leur aménagement intérieur ait été
transformé en vingt minutes.
L'objectif de compétitivité poursuivi par l'état major de
La Poste ne se révèle pas seulement dans cette modernisation des
équipements et des structures. Il se constate également dans une
recherche constante de
réduction des coûts de
fonctionnement
.
Celle-ci se constate à la fois dans les orientations
décidées dans la politique d'achats (comité national de
coordination des achats par exemple), dans le domaine de la logistique
(réduction des délais de remise en fonctionnement des
équipements, recours plus aisé aux réparateurs externes
pour l'entretien du parc automobile, réduction par trois du nombre de
magasins internes d'approvisionnement en imprimés et fournitures ...) et
dans la gestion du parc immobilier.
Elle s'illustre de manière particulièrement brillante dans la
stratégie mise en oeuvre au plan des télécommunications
internes. Le système de transmission de données propre à
La Poste, le
réseau Muse
, qui relie entre eux tous ses
établissements et tous ses centres informatiques comporte
20.000 points d'accès. Il est
le plus grand réseau
privatif de transmission de données en France
.
Exemplaire au plan technologique, il est en outre une réussite
financière. Son coût de fonctionnement est en effet estimé
aujourd'hui à 1,1 milliard de francs, alors qu'en 1991 les factures
de télécommunications acquittées par La Poste
s'élevaient à 1,5 milliard de francs et qu'entre temps le trafic
a augmenté de 40 %. Le résultat paraît d'autant plus
brillant que, selon La Poste, l'investissement qu'a nécessité
son développement n'a pas excédé 300 millions de francs.
Précisons au passage que la décision de réaliser le projet
Muse a, en final, incombé au directeur financier en fonction à
l'époque : M. Claude Bourmaud.
b) Le choix d'une démarche marketing
Dynamique en interne, La Poste l'est également vis
à vis de l'extérieur, elle a adopté une véritable
démarche marketing à l'égard de ses différentes
clientèles. Elle a choisi, dans le secteur du courrier comme dans celui
des services financiers, de développer des
produits innovants
.
C'est ainsi qu'elle a créé
Dilipack
pour l'envoi de colis
inter-entreprises en France sous 24 heures ;
Postimpact
,
destiné à l'acheminement de la publicité adressée ;
Postcontact
pour la distribution des messages non adressés sur
des zones de chalandise ; ou encore, récemment, les
prêts
à poster
. Mieux qu'une longue énumération, l'annexe 7
au présent rapport montre la variété de la gamme des
produits " courrier ".
En matière de
services financiers
, La Poste s'est dotée
d'une gamme étendue de SICAV, de fonds communs de placement et de Plans
d'Épargne Populaire (PEP). Elle a également mené une
politique active sur l'assurance-vie, en lançant plusieurs produits tels
que GMO (garantie multi-options). En cinq ans au total, les services financiers
de La Poste ont mis sur le marché près de
quarante produits
nouveaux
.
3. Des résultats encourageants
La Poste bénéficie aujourd'hui des premiers
effets de sa stratégie. Ces résultats positifs se traduisent
aussi bien en termes quantitatifs que qualitatifs.
Alors même qu'elle avait perdu 7 points de parts de marché
sur les services financiers au cours des années 1980, elle est parvenue
à stabiliser durablement sa position depuis 1991 malgré une forte
concurrence des banques.
Pour ce qui concerne l'activité courrier, son chiffre d'affaires a
progressé, en moyenne annuelle, de 3 % de 1991 à 1996. Il a
connu une hausse de 0,7 % en volume en 1996, soit légèrement
plus que l'objectif de 0,5 % de croissance annuelle qu'elle
s'était fixé, mais il est vrai que du fait du monopole, ce
chiffre dépend beaucoup de l'évolution de l'ensemble de
l'activité économique du pays.
Dans le secteur du colis, sa filiale
Chronopost
, créée
voici un peu plus de 10 ans, et confrontée à une forte
concurrence, détient
le tiers du marché français
,
ce qui constitue un succès remarquable lorsqu'on sait que
les
opérateurs historiques qui n'ont pas su s'adapter
ne
détiennent, en moyenne, guère plus de 6 % de leur
marché domestique.
On constate également des progrès dans le domaine de la
qualité des prestations. C'est ainsi, par exemple, que la qualité
de l'acheminement du courrier s'améliore, atteignant 76,3 %
à J + 1 et 93,6 % à J + 2 en moyenne
nationale, même si des problèmes indéniables subsistent
ponctuellement en certains points du territoire.
C. UNE BONNE IMAGE DE MARQUE TANT EN FRANCE QU'À L'ÉTRANGER
1. En France
L'image de La Poste dans l'opinion est positive.
Selon un sondage réalisé pour La Poste, 88 % des personnes
interrogées lui font confiance en tant qu'établissement
financier. Cette opinion positive est également partagée par des
observateurs des marchés financiers. C'est ainsi que l'hebdomadaire
Capital
notait, en septembre 1996 :
" La Poste est une bonne
banque, même si son offre est incomplète ".
Le même
titre indiquait également que les services bancaires de La Poste
étaient parmi les moins chers du marché et que ses produits
financiers étaient simples et sûrs.
Il est vrai que pour de nombreux usagers, La Poste est aussi le visage humain
du service public qui s'incarne notamment dans la personne du facteur. Du fait
des relations directes qu'il noue avec les clients, le facteur demeure
"
après le docteur, le second confident, parce qu'il
amène les bonnes et les moins bonnes nouvelles
", comme le
relevait une personne interrogée par
L'Humanité
en mars 1995. Il appartient à l'environnement quotidien et son
rôle est spécialement important dans les zones rurales où
il apporte, au cours de sa tournée, de l'argent à domicile aux
personnes âgées, voire des médicaments ou du pain.
La bonne image du personnel de La Poste en contact avec le public est reconnue
par les professionnels de la vente eux-mêmes. Les entreprises de VPC
apprécient, par exemple, la possibilité de faire distribuer leurs
produits par les agents de La Poste en raison de l'image positive dont ils
bénéficient dans le public. Lorsqu'elles ne peuvent pas y avoir
recours, ces entreprises doivent d'ailleurs donner une tenue à leurs
livreurs afin de faciliter leur identification par les clients.
Les Français sont également sensibles au rôle social de ses
services financiers et au fait que La Poste ne refuse aucun client. La Poste
bénéficie donc globalementd'un fort
capital de confiance et de
sympathie
dans la population.
2. A l'étranger
Les opinions favorables recueillies en France sur La Poste
ont
été confirmées à l'étranger. Pour beaucoup
d'observateurs avertis, La Poste y compte parmi les bons -voire les très
bons- opérateurs postaux du monde.
La Poste a compris assez vite toute l'importance qu'il y avait à soigner
la qualité des services rendus à l'international. C'est pourquoi
elle a apporté beaucoup de rigueur au traitement du courrier
transfrontière et sa performance est reconnue hors de notre pays.
Cependant, bien des prestataires de service -notamment les grands
intégrateurs internationaux- atteignent des niveaux de qualité
supérieurs et concurrencent La Poste sur le marché
français de la messagerie internationale.
Or l'exigence des clients en termes de qualité va croissant. Pour la
plupart, ils ont eux- mêmes, entrepris une démarche qualité
rigoureuse. Ainsi, fin 1995, les deux-tiers des grands-comptes de la branche
courrier faisaient l'objet d'une certification de l'association
française d'assurance qualité. Il est vraisemblable qu'ils
demanderont d'ici peu à La Poste de se soumettre à une
certification-qualité analogue à celle qu'ont déjà
obtenue ses concurrents Jet Service, Fedex ou Exapaq.
L'exploitant a anticipé cette demande en plaçant la recherche de
la qualité au nombre des axes du plan de reconquête du courrier.
L'imprimerie des timbres-poste sera d'ailleurs la première au monde,
dans sa catégorie, à être certifiée ISO 9002. Il
doit indéniablement continuer dans cette voie.
D. UNE FORCE POUVANT ENCORE ÊTRE " MUSCLÉE " : LE RÉSEAU
Enfin, si La Poste inspire tant de craintes à beaucoup
de ses concurrents du secteur financier, c'est aussi parce qu'elle dispose d'un
atout formidable : son réseau. Nous ne reviendrons pas sur
l'exceptionnelle couverture territoriale qu'il lui assure
111(
*
)
.
On soulignera simplement que ce maillage fin du territoire constitue un
remarquable atout commercial par les effets de proximité avec la
clientèle qu'il engendre. S'il était dynamisé,
modernisé, il composerait une force de pénétration des
marchés tout a fait extraordinaire.
Or, actuellement la conception statique de sa partie immobilière et le
coût qu'elle entraîne se révèlent pour La Poste un
handicap d'autant plus difficile à accepter que ce réseau qui a
vocation à contribuer à la revitalisation des territoires
fragiles ne semble pas aussi efficace qu'il pourrait l'être.
II. LES HANDICAPS : L'ASPHYXIE FINANCIÈRE DANS LA RIGIDITÉ ?
La Poste dispose de marges de manoeuvre limitées : elle
est " prise à la gorge " par une équation
diabolique : ses résultats sont faibles ou déficitaires, elle ne
peut plus augmenter le prix du timbre, elle supporte de lourdes charges
financières et pour combler la mesure, elle voit se réduire les
compensations qui lui avaient été accordées et
s'accroître le poids de la fiscalité.
Dans ce contexte, les problèmes de la compensation du coût de ses
missions d'intérêt général et de la prise en charge
des pensions de retraites de ses anciens fonctionnaires se posent avec
acuité.
A ces données financières s'ajoutent deux problèmes
d'ordre internes : la persistance de rigidités et l'apparition de
ce que d'aucuns seraient tentés d'appeler une " poste sociale
à deux vitesses ".
A. SON RÔLE D'AMÉNAGEUR DU TERRITOIRE A UN COÛT POUR LA POSTE
Si nul ne conteste la véracité de cette
assertion, l'unanimité ne semble pas encore faite sur le montant du
coût ainsi supporté.
Pour traiter la question complexe -mais ô combien essentielle- de
l'évaluation de ce coût, votre rapporteur a adopté une
démarche en trois temps :
- il a défini les principes qu'à son sens une telle
évaluation devait respecter pour être acceptée ;
- il a examiné les travaux déjà conduits en ce
domaine dans le but d'en exposer les conditions de réalisation et les
résultats ;
- il a soumis au crible des principes qu'il avait définis, les
méthodes d'élaboration de ces travaux et leurs fondements
conceptuels, afin d'être en mesure de prendre position.
1. Les principes arrêtés
Ils sont au nombre de quatre.
Tout d'abord votre rapporteur s'est refusé à construire et
à appliquer une méthode de chiffrage qui lui soit propre,
considérant qu'il n'en avait ni le mandat, ni les moyens.
Il a écarté par avance toute étude ne présentant
pas des garanties techniques suffisantes de fiabilité, de rigueur et de
cohérence.
Il a également jugé que pour être pertinente et
échapper à toute polémique, une évaluation du
coût de la mission d'aménagement du territoire impartie à
La Poste ne devait pas se cantonner au cadre strict de l'économie
publique mais envisager une approche de marché.
En effet, après transposition en droit français des mesures
portées par le projet de directive en voie d'achèvement à
Bruxelles
112(
*
)
, ce sera au moins 62,5 %
du chiffre d'affaires de La Poste qui se trouvera réalisé en
concurrence avec d'autres opérateurs
113(
*
)
,
soit près des deux tiers ! Dans ce contexte,
continuer à appréhender La Poste comme un monopole public
constituerait une erreur d'appréciation, d'autant plus grave que la
réglementation européenne qui s'élabore ne permet pas un
financement des coûts de l'aménagement postal du territoire -s'il
excède le périmètre du service universel européen-
par des droits exclusifs ou par des fonds de compensation.
En bref, votre rapporteur s'est fondé sur le postulat que seule pourrait
être acceptable une méthode d'évaluation qui
n'apparaîtrait pas contestable par un opérateur postal
répondant à un appel d'offre ayant pour objet d'attribuer au
soumissionnaire les actuels missions et moyens de La Poste. L'hypothèse
est, bien entendu, par construction, inenvisageable, mais elle présente
l'avantage de souligner que, dans une telle occurrence, seule la
vérité des coûts peut servir de base à la
négociation.
Était enfin réservée la possibilité
d'écarter l'ensemble des évaluations disponibles, si elles
apparaissaient insuffisantes ou insatisfaisantes.
2. Les évaluations existantes
A la date de publication du présent rapport, trois
estimations du coût de la mission d'aménagement du territoire
attribuée à La Poste ont été
présentées : l'une par La Poste elle-même, l'autre par
les instances de l'Union européenne sur la base des chiffres fournis par
La Poste, et la dernière par l'Inspection générale des
Finances.
Réalisée en 1996, cette dernière étude a longtemps
conservé un caractère confidentiel mais ses conclusions
étant maintenant citées dans la presse
114(
*
)
,
votre rapporteur en fera état sans
détours.
a) L'analyse de La Poste
La Poste a choisi, pour chiffrer le coût de sa mission
d'aménagement du territoire, une approche consistant à mesurer,
par rapport aux coûts moyens du réseau, le surcoût des
bureaux maintenus pour des motifs d'animation des territoires.
Cette méthode repose sur le constat que le maintien de certains points
de contact, en raison d'impératifs d'aménagement du territoire,
se traduit par une très faible activité des guichets
correspondants. Cette sous-activité a un coût lié au fait
que la plupart des charges relatives à ces points de contact sont fixes
(salaires, frais de fonctionnement, charges immobilières et
d'investissement).
La méthode appliquée par La Poste comprend trois
étapes :
- la définition du périmètre représentatif des
charges d'aménagement du territoire ;
- la détermination des charges directes réelles de
l'activité " guichet " des bureaux relevant de ce
périmètre ;
- la mesure de l'écart entre ces charges et les charges
théoriques qu'auraient supportées ces bureaux si leur
activité avait été valorisée au coût moyen
national de prestations postales.
La Poste évalue ainsi la différence entre le coût de
l'activité des bureaux peu actifs par rapport au coût de la
même activité si elle s'exerçait dans un " bureau
moyen " du réseau.
Cette différence ressort à
3,2 milliards de francs, en 1995, pour le périmètre des
zones rurales ou en déclin industriel.
Bien entendu, ce chiffre doit être majoré du
surcoût
des activités assurées dans les zones urbaines sensibles par
rapport au même " bureau moyen ".
Le surcoût de l'activité dans ces zones ne correspond pas au
coût de la non-activité des bureaux qui y sont installés
mais au coût de la difficulté de cette activité
(durée moyenne plus longue des opérations, multiplication de ces
opérations, existence d'activités non prises en compte par les
statistiques, par exemple : consultation des soldes des livrets A,
demandes de renseignements, aide fournie par les préposés aux
guichets pour remplir des formulaires, ...).
Ce surcroît de charges étant évalué à
329 millions de francs en 1995
,
le
coût
brut
de la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire
s'élève donc, selon elle, à 3,52 milliards de
francs
115(
*
)
.
b) Le chiffrage des instances de l'Union européenne
Le recours déposé par la
Fédération française des sociétés
d'assurance à l'encontre de l'abattement de taxe professionnelle dont
bénéficie La Poste française, en contrepartie de sa
contribution à l'aménagement du territoire, a amené la
Commission européenne à se saisir du dossier.
Dans la décision qu'elle a rendu en février 1995, cette
dernière s'est appuyée sur l'évaluation de La Poste mais a
minoré ce surcoût d'un pourcentage égal à
l'incidence des services concurrentiels dans le chiffre d'affaires de La Poste.
Saisi, en appel de la décision de la Commission, le Tribunal de
première instance de l'Union européenne n'a pas contesté
cette méthode et,
sur la base des chiffres de 1993, a conclu à
une charge globale "
d'au moins
"
1,32 milliard de francs
.
c) L'étude de l'Inspection générale des Finances
Tout en reconnaissant la qualité du travail
effectué par La Poste et en retenant le montant auquel ses calculs
aboutissent pour les zones urbaines sensibles, l'Inspection
générale des Finances (IGF) considère que pour les autres
zones -celles où les points postaux sont en sous-activité- il
convient d'appuyer le raisonnement
non sur le chiffrage de la
sous-activité
, mais sur les
coûts bruts de fonctionnement
des guichets qui
, en l'absence de contraintes légales,
réglementaires ou gouvernementales,
se trouveraient condamnés
du seul fait de la contrainte économique
.
Cette grille d'analyse l'amène à retenir le chiffre de
4,6 milliards de francs
en estimant -à partir des
résultats de modélisations effectuées à sa demande
par La Poste- que, pour l'essentiel, les points postaux voisins de ceux
identifiés en sous-activité pourraient absorber, sans charges
supplémentaires, l'essentiel de l'accroissement de travail
résultant pour eux d'une éventuelle fermeture des moins actifs.
Cette constatation conduit d'ailleurs l'IGF à relever que les bureaux
situés hors du périmètre de sous-activité
défini par La Poste ne sont pas eux-mêmes sollicités au
plus près de leurs moyens et qu'une rationalisation du réseau
aurait pour effet de les conforter.
Cependant, notamment pour tenir compte des situations locales où il ne
serait pas possible d'absorber l'activité des guichets
économiquement non viables sans charges supplémentaires pour les
guichets voisins,
le rapport de l'IGF conclut qu'on peut retenir un chiffre
situé entre le surcoût de la sous-activité par rapport
à une activité normale (méthode de La Poste :
3,2 milliards de francs) et le coût brut des guichets
concernés (4,6 milliards), soit environ 4 milliards de
francs
.
A ce montant, l'IGF ajoute le coût évalué par La Poste -et
validé par ses soins- de la présence dans les zones urbaines
sensibles (329 millions de francs).
Ainsi, pour l'Inspection
générale des Finances
,
le coût brut total de
l'aménagement postal du territoire se situe autour de 4,4 milliards
de francs.
3. La position retenue
En appliquant les principes définis
précédemment, la position de la
Commission
et du
Tribunal de première instance de l'Union européenne
paraît devoir être écartée car il semble peu conforme
à une approche économique de déduire du coût de la
sous-activité des guichets des espaces fragiles de notre territoire les
recettes des activités concurrentielles. A suivre la Commission sur ce
terrain, n'arriverait-on pas à la conclusion que les seuls points
postaux aggravant les charges de La Poste seraient ceux qui n'ont aucune
activité ?
L'analyse de
La Poste
pourrait, a priori, être
suspectée de partialité. A elle seule, la rigueur de la
démarche suivie, révélatrice du souci de transparence qui
anime cette grande entreprise publique, devrait suffire à
écarter un tel procès d'intention. Mais même les esprits
les plus critiques ne sauraient douter de sa totale rectitude dès lors
que cette analyse a été reconnue comme valable par la Commission
européenne et avalisée par l'IGF.
Elle ne peut donc qu'être considérée comme
présentant toute garantie de fiabilité.
Cependant, elle procède d'une vision administrative et quelque peu
conservatrice du réseau car
elle calcule
le coût de
fonctionnement
des implantations d'animation territoriale
-c'est-à-dire les frais que leur maintien entraîne- et
non
leur coût de compétitivité
, c'est-à-dire les
gains que leur absence engendrerait .
Ce reproche ne peut être adressé à l'étude de
l'Inspection générale des Finances
qui, elle, se place
dans une perspective résolument économique et estime, à
juste titre, qu'un opérateur en position concurrentielle ne peut
définir son réseau que sur un plan fonctionnel et commercial.
Cela n'emporte nullement que La Poste doive construire le sien sur ce seul
plan. Cela signifie simplement que l'intégration d'autres objectifs
-tels
la mission d'aménagement du territoire- se doit d'être
évaluée à son juste coût,
à savoir son
coût de compétitivité
. Dans un contexte
concurrentiel et non plus monopolistique, un tel choix apparaît
nécessaire à votre rapporteur car il est le seul à
même d'éclairer l'arbitrage politique.
C'est pourquoi, dans la suite de ses travaux, votre rapporteur retiendra le
chiffre découlant de l'approche mise en oeuvre par l'IGF, à
savoir 4,4 milliards de francs en 1995, soit vraisemblablement autour de
4,5 milliards aujourd'hui du seul fait de la dérive des prix
.
Un tel montant représente,
pour la partie rurale du réseau,
près de deux fois et demie
le budget d'aménagement du
territoire de la Nation voté pour 1997
.
Pour La Poste
, compte tenu de l'abattement sur les impôts directs
locaux octroyé en contrepartie,
ceci correspond à une charge
annuelle nette de l'ordre de 3,1 milliards en 1995, soit plus de 4 %
de son chiffre d'affaires. Et cela dans des secteurs d'activité
où les marges bénéficiaires, elles-mêmes, atteignent
rarement de telles proportions
!
B. LES COÛTS DES AUTRES MISSIONS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL CONFIÉES À LA POSTE SONT MAL COMPENSÉES
Chacun s'accorde à penser que les services de La Poste au titre du transport de la presse ou de la gestion sociale de ses guichets financiers sont irremplaçables. Mais, en revanche, peu se soucient du financement, des surcoûts que lui qu'occasionnent ces missions d'intérêt général.
1. Le coût de la distribution de la presse pour La Poste
Le chiffrage du coût du service public du transport et de la distribution de la presse constitue un sujet de controverses endémiques entre La Poste et les éditeurs. Aussi, avant l'ouverture des travaux de la table ronde Presse-Etat-Poste une évaluation a-t-elle été demandée par le Gouvernement aux Inspections générales des Finances et des Postes et Télécommunications. Cette étude, réalisée sur la base des flux de courrier acheminés par La Poste en 1993 opère une révision à la hausse des estimations initiales.
a) Une estimation initiale calculée en fonction du coût moyen
En 1993, La Poste estimait qu'en volume, la presse
représentait 9,05 % du trafic courrier
.
Elle considérait,
sur la base du coût moyen,
que cette
activité représentait, en valeur 10,3 % des charges
courrier,
soit un coût de 6,39 milliards de francs
. L'essentiel de
cette somme correspondait à
l'acheminement de la presse
intérieure
(presse-éditeur et presse associative) pour un
montant
évalué à 6,02 milliards de francs
, le
solde résultant de l'acheminement des périodiques au titre du
régime international à l'export s'élevant à 58
millions de francs.
b) Une estimation critiquée par les partisans d'une évaluation au coût marginal
Les
éditeurs de presse
estiment, quant à
eux, qu'il est nécessaire de procéder à une
évaluation sur la base du coût marginal. Celle-ci revient à
ne prendre en compte que le coût supplémentaire provoqué
par la distribution de la presse dans la mesure où La Poste distribue,
à titre principal, d'autres produits.
La thèse selon laquelle il convient de recourir à un calcul au
coût marginal repose également sur le fait que
lorsque la
presse,
parce qu'elle développe la livraison par portage,
recourt
moins à La Poste
les charges de structure de l'opérateur
public n'en diminuent pas pour autant
. En conséquence, les
éditeurs de presse considèrent comme inéquitable de se
voir imputer, sur la base du coût moyen, une partie d'une charge dont ils
estiment n'être pas responsables et qui subsiste qu'ils aient ou non
recours à La Poste.
Le coût marginal
au titre du transport et de la distribution de la
presse, évalué en intégrant la part des charges de
personnel dans les charges opérationnelles du réseau, ainsi que
la totalité des frais de transport (soit respectivement 3,3 et 0,5
milliards de francs) est
estimé à 3,8 milliards de francs pour
1993
,
soit environ 4,14 milliards de francs en 1996
.
c) Une estimation réévaluée par un rapport des Inspections générales des Finances et des Postes et Télécommunications
Le rapport précité procède à une
analyse critique de l'évaluation au coût marginal
. Il
considère que, pour La Poste, les charges théoriquement variables
telles que les frais de personnel sont en réalité des charges
fixes. Il note, en outre, que le transport et la distribution de la presse ont
une incidence sur le réseau postal. La Poste distribue des journaux dans
tout le pays et doit tenir compte des caractéristiques des journaux
telles que le poids ou le format. Ces éléments conditionnent,
pour partie, la structure des moyens mis en oeuvre par La Poste. Le rapport
souligne enfin, qu'avec 9,05 % du trafic traité par La Poste, la
presse est l'un de ses clients les plus importants. A ce titre, il estime
souhaitable que les éditeurs de presse contribuent à une partie
de ses charges de structure.
Les auteurs du même rapport estiment, en outre, qu'il est
nécessaire de réévaluer le coût total du transport
de la presse, d'une part à cause de sous-évaluations comptables
de certaines charges, d'autre part du fait que, comme l'observent les
commissaires aux comptes de La Poste, l'évaluation statistique de la
distribution de presse ne distingue pas, parmi ceux qui sont de
" petits
et grands formats ", ceux qui constituent des produits de presse.
Enfin,
ils considèrent qu'il convient d'ajouter le coût spécifique
qui résulte de la distribution l'après midi, à Paris, des
quotidiens du soir.
Du fait de ces deux sources de sous-évaluation, le coût de la
distribution et du transport de la presse doit être majoré de 556
millions de francs.
Au total, la charge estimée du transport et de la distribution de la
presse s'élevait à 6,9 milliards de francs en 1993.
Compte tenu de la réévaluation du
coût total du
transport de la presse
, opérée pour 1993 par la mission des
deux inspections, celui-ci
s'élève, à 7,5 milliards de
francs en 1996
. Vu le montant des recettes perçues sur les
éditeurs (2,05 milliards de francs) et celui de la contribution de
l'État (1,9 milliard de francs),
le déficit d'exploitation
enregistré à ce titre par La Poste s'élève donc
à 3,59 milliards de francs
.
Elle doit donc,
sur ses seules ressources
, assumer le rôle de
premier contributeur au financement du transport de la presse.
2. Le coût du guichet social des services financiers
Nous l'avons vu
116(
*
)
, La
Poste gère un guichet social de fait sur l'ensemble du territoire en
assurant une identité financière aux plus démunis.
Or l'utilisation du
livret A
par les plus démunis comme un
véritable
" porte-monnaie "
voire même comme le
substitut du compte courant pour les interdits bancaires engendre des
coûts importants.
Il faut savoir que ce sont sur les 9,3 % de Livrets A qui représentent
la plus faible fraction des encours (0,7%) que sont
effectuées le
plus grand nombre d'opérations
(en moyenne 12 chaque
année
117(
*
)
).
Si l'on rapporte l'encours de ces livrets A, utilisés comme des comptes
courants, au nombre de leurs détenteurs, on constate que l'encours moyen
par livret est de 944 francs.
La marge réalisée par La Poste sur les livrets disposant de moins
de 5.000 francs de dépôts est négative de
-3,24 milliards de francs. Compte tenu des profits réalisés
grâce à la marge positive réalisée sur les livrets A
dont le solde est supérieur à 5.000 F, soit
1,92 milliard de francs,
le coût global de la gestion du livret A
par La Poste est estimé
118(
*
)
à 1,31 milliard de francs en 1995
.
La gestion du
service des mandats,
dont on a vu l'importance,
entraîne aussi une perte substantielle. C'est ainsi qu'en 1995, le compte
d'exploitation des mandats postaux se soldait par un déficit d'environ
400 millions de francs du fait de l'excédent des charges
(- 950 millions de francs) par rapport aux recettes
(550 millions de francs). De toute évidence, une part importante de
ce déficit provient de la
sur-utilisation des mandats pour des
montants très modestes
. Il est révélateur que, dans
les zones urbaines sensibles, on ait deux fois plus recours au service des
mandats qu'ailleurs.
Le
rôle social
des services financiers de La Poste se manifeste
d'une façon particulièrement flagrante dans les
zones urbaines
défavorisées
. Un exemple précis, celui de la ville de
Trappes,
permet d'illustrer ce rôle multiforme qui entraîne
de sérieux manque à gagner pour La Poste.
A Trappes, sur une population de 31.000 habitants, les deux bureaux de poste
reçoivent plus de 1.000 clients chaque jour, souvent pour des montants
extrêmement faibles. Il n'est pas rare que les retraits sur les
livrets A y soient de 5 francs par opération ! C'est ainsi, par
exemple que, le 17 avril 1997, le bureau de Trappes a enregistré 7
retraits (sur les livrets A et les CCP) inférieurs à
100 francs, dont 5 retraits de moins de 50 francs et un retrait
de 14 francs. Au total, le nombre des retraits effectués sur le
livret A pour un montant inférieur à 200 francs avoisine plus de
30 % du nombre total des retraits effectués chaque année,
tandis que 15 % des retraits CCP sont inférieurs à ce
montant.
Or dans ce bureau, le coût de chaque opération est
d'environ 20 francs
!
Certes, les banques sont également présentes -quoique en beaucoup
moins grand nombre- dans les zones urbaines sensibles, mais l'absence de
sélection des clientèles renforce sans aucun doute la proportion
des personnes en difficulté qui s'adressent à La Poste. Comme le
relevait le receveur de la poste de Trappes, certaines banques affichent dans
leur vitrine : "
Pas de retraits inférieurs à
500 francs "
.
Comme le montre une étude réalisée pour l'AFB
auprès de 508 personnes de plus de 18 ans résidant dans
25 quartiers HLM défavorisés, La Poste est la banque de
19 % d'entre eux, suivie par la Caisse d'Épargne (16 %).
Viennent ensuite le Crédit agricole (15 %), et à
égalité le Crédit Lyonnais et la Banque nationale de Paris
avec chacun 11 %.
Il convient d'ajouter aux charges directes de l'accueil financier à
titre social les conséquences difficilement évaluables induites
par cet accueil en termes d'image. Comme le relevait un conseiller financier
rencontré par votre rapporteur : "
lorsqu'on a 100.000 francs
à placer, on choisit un guichet financier plutôt qu'un guichet
social pour les investir
!
".
Pendant longtemps, l'avantage relatif dont bénéficiait le livret
A en termes d'épargne administrée, a permis de financer les
charges citoyennes que subit journellement La Poste financière au titre
du " guichet social ". Cet équilibre a cependant
été mis à mal par la création de nouveaux livrets
défiscalisés diffusés par tous les opérateurs
financiers.
Toute politique de banalisation du livret A aurait
vraisemblablement des effets négatifs immédiats sur la situation
des populations paupérisées qui utilisent le guichet social
postal, en déstabilisant ce fragile équilibre financier.
C. LE POIDS DES CHARGES DE RETRAITES : UNE MENACE IMMÉDIATE POUR L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA POSTE
Les agents de La Poste relèvent -à l'exception
des 20 % de contractuels- du statut général des
fonctionnaires (article 30 de la loi n°90-568 du
2 juillet 1990).
Mais si l'État liquide leurs pensions de
retraites ainsi que celles des anciens fonctionnaires de l'administration des
Postes, l'opérateur en rembourse au Trésor public la
contrepartie, à savoir, d'une part, la retenue
119(
*
)
sur le traitement des agents -dont le taux est
fixé à 7,85 %- et, d'autre part, une contribution
complémentaire qui permet la prise en charge intégrale
des dépenses de pensions des postiers retraités
. Les
dépenses qui résultent du versement de leurs pensions de
retraites sont donc intégralement à sa charge.
Or, la moyenne d'âge des postiers s'accroît rapidement. Alors
qu'elle atteint 42 ans en 1997, elle augmentera, en moyenne annuelle, de
0,6 année d'ici à 2010. Il s'en suivra inévitablement une
hausse du nombre de retraités. Des sommes énormes sont en jeu :
en 1997, La Poste supporte déjà, déduction faite du
montant des cotisations salariales au régime des pensions civiles,
une charge financière de plus de 10 milliards de francs, pour un
effectif de 145.000 retraités.
En raison d'une confiance excessive dans le caractère
inébranlable du monopole, la loi " Quilès " de 1990 a
laissé cette " épée de Damoclès "
suspendue au dessus de La Poste. Cependant, à l'époque, le
coût global pour l'employeur se situait à un niveau comparable
à celui acquitté par les entreprises puisque le remboursement
opéré était équivalent aux charges patronales de
retraites. Ce n'est plus le cas aujourd'hui du fait de l'accroissement des
effectifs de retraités et de la réduction des cotisants. Les
chiffres en deviennent alarmants.
C'est l'avenir des retraites des postiers
qui est en jeu.
1. Une dépense en croissance rapide ...
Entre 1997 et 2015, le nombre des retraités de La Poste
va croître de près de 100.000 personnes en passant de 145.000
à 245.000 au total. Cet accroissement procède de
l'accélération du nombre des départs en retraite, du fait
du départ de classes d'âge nombreuses. Le flux annuel des
départs sera d'environ 7.000 par an jusqu'en 2001. Il augmentera
progressivement à 8.700 départs annuels de 2002 à
2005, puis à 10.000 départs annuels de 2006 à 2010,
avant de retomber aux alentours de 9.300 départs par an de 2005
à 2015.
Si aucune mesure n'intervient,
le montant des retraites acquittées
par La Poste annuellement, passera, en conséquence, de 10,6 à
26,7 milliards de francs, du fait d'une charge s'accroissant
mécaniquement et de façon cumulative de 600 millions de
francs par an à compter de 1998.
En d'autres termes, du seul fait du paiement des pensions, vu la situation
actuelle des comptes de La Poste, l'opérateur postal est acculé
à des pertes de 600 millions de francs en 1998, de
1,2 milliard de francs en 1999, de 1,8 milliard en l'an 2000, ce
phénomène continuant ultérieurement de s'amplifier au
même rythme.
Si rien n'est fait pour assainir la situation, le taux de la charge des
retraites au regard des traitements versés explosera de 36,6 % en
1997, à 47,6 % en 2002 et à 63,6 % en 2007.
En
2015, si tant soit est que de telles projections aient une valeur autre que
démonstrative, la charge financière supportée par La Poste
du fait des retraites sera équivalente à la masse des traitements
des fonctionnaires en activité.
2. ... à laquelle s'ajoutent compensation et surcompensation
Ayant non seulement à supporter les retraites des
fonctionnaires de l'administration des Postes et à prendre en charge
seule
les pensions de ses agents fonctionnaires, La Poste contribue
aussi à l'effort en faveur des régimes de retraites
démographiquement déséquilibrés, par
l'intermédiaire de la " compensation " et de la
" sur-compensation ".
Au titre de la
compensation démographique
généralisée entre les régimes obligatoires
d'assurance vieillesse, et spécialement en faveur du régime des
salariés agricoles et du régime des non salariés
agricoles, La Poste devrait verser environ
un milliard de francs par an
,
en moyenne, jusqu'en 2010.
Au titre de la
surcompensation
, ou compensation spécifique entre
les régimes spéciaux d'assurance vieillesse, tels que les
régimes des mineurs, de la SNCF ou des marins, La Poste verserait
également, selon ses estimations,
450 millions de francs
chaque année. Elle ne peut attendre une inversion éventuelle de
ce flux en sa faveur qu'aux alentours de 2003, compte tenu de la
dégradation progressive du rapport entre cotisants et salariés
qui caractérise la structure de son personnel.
Il semble que l'on envisage, dans le prochain contrat de plan, de supprimer
pour 1997
le prélèvement sur La Poste au titre de la
compensation et de la surcompensation. S'il faut approuver cette solution, il
convient de souligner son caractère ponctuel. Le problème se
reposera, dans les mêmes termes, en 1998 et les années suivantes,
si rien n'est fait pour y remédier définitivement.
Au total,
le montant cumulé des charges financières dont La
Poste devra s'acquitter au titre de ses versements de retraites
entre
1997
et
2015
s'élève à
360 milliards
de francs.
D. LES RIGIDITÉS STRUCTURELLES ET SOCIALES HYPOTHÈQUENT L'AVENIR
Interrogée, alors qu'elle participait à une
manifestation, sur les propositions qu'elle souhaitait faire pour obtenir
satisfaction à ses demandes, une postière répliqua
à votre rapporteur :
" Nous n'avons pas de propositions, nous
n'avons que des exigences ! "
Mieux qu'un long discours une telle formule résume à elle seule
l'ampleur des difficultés internes auxquelles La Poste est
confrontée pour s'adapter aux évolutions de son environnement.
1. Le poids des pesanteurs organisationnelles entrave la réactivité postale
Les efforts de La Poste pour se réformer se heurtent
à des pesanteurs internes liées notamment à la taille de
l'entreprise (310.000 agents et 17.000 points postaux) et des
difficultés qui en résultent pour moderniser son organisation.
L'exemple de la réforme des " tournées " de facteur est
à cet égard édifiant.
La distribution du courrier sur le territoire national implique
6.000 bureaux distributeurs et s'effectue pour les 3/4 grâce aux
72.000 tournées de facteurs. Le reste du courrier est remis en
boîte postale ou distribué par course spéciale.
L'organisation actuelle du réseau de distribution du courrier constitue
une contrainte structurelle pour La Poste : 60 % des boîtes aux
lettres sont desservies par 10 % des bureaux, si bien que l'existence d'un
grand nombre de petits bureaux qui génèrent un flux modeste de
courrier nuit à l'optimisation de la distribution du courrier provenant
des centres de tri.
La Poste a engagé une réforme destinée à recentrer
ses activités autour d'un nombre plus réduit de bureaux
distributeurs, ce qui est un premier pas vers une organisation plus
rationnelle. En outre, en zone rurale, l'utilisation de véhicules
motorisés permet d'ores et déjà un meilleur regroupement
des tournées de distribution tout en préservant la qualité
du service. Mais cette réforme a suscité, sur le terrain, des
conflits multiples avec les personnels. La province n'est d'ailleurs pas la
seule touchée. A Paris, la suppression de la troisième
tournée des facteurs, au printemps 1997, a donné lieu
à des tensions sociales.
Les problèmes posés par la chaîne de commandement
traduisent également des rigidités internes. Malgré les
progrès réalisés dans la déconcentration
hiérarchique depuis la création des délégations et
des groupements postaux, la
multiplicité des niveaux
de
commandement
est un facteur de dysfonctionnement, en particulier dans
les relations entre les directions parisiennes de
" métiers ",
qui définissent la stratégie globale du groupe (courrier,
services financiers, colis, etc...), et les huit délégations
territoriales qui gèrent les moyens humains et matériels dans
leur ressort géographique. Ces rigidités expliquent sans doute
pour partie le fait que, selon une enquête menée en novembre 1995
auprès du personnel, 43 % des personnes interrogées
déploraient une mauvaise organisation du service.
D'autres problèmes d'organisation interne limitent l'aptitude de La
Poste à s'adapter aux besoins de sa clientèle. La fixation des
horaires d'ouverture
des bureaux
en est un exemple
caractéristique. Alors même que les entreprises de VPC auraient
besoin de disposer de guichets permettant à leurs clients de venir
chercher leurs colis après leur travail entre 19 et 21 heures -ce
qu'apprécieraient également les personnes qui travaillent dans la
journée-, La Poste ne parvient pas à leur offrir partout un tel
service, ce qui encourage les VPCistes à monter leur propre
réseau de distribution grâce au concours de commerçants qui
acceptent de recevoir les envois et de délivrer les colis.
2. La grève et l'inégale qualité de service rebutent la clientèle
Parmi les handicaps qui menacent la position de La Poste, la multiplication des grèves et le caractère trop erratique du niveau de qualité de service apparaissent à beaucoup comme très préoccupants.
a) Les grèves portent des atteintes parfois graves à la continuité du service public
Si la grève incommode tous les usagers de La Poste,
elle constitue pour quelques-uns un inconvénient majeur (par exemple,
lors de la délivrance des convocations d'examens aux particuliers),
voire même vital (s'agissant de la remise des bons de commandes et de
règlements aux entreprises). Rien d'étonnant, dans ce contexte,
à ce que les grandes grèves postales (1974, 1988, 1995) laissent
des traces dans l'opinion publique et entament la confiance que ses clients
placent dans La Poste.
Les exemples des grèves de 1974 et de 1988 que nul n'a oubliées
sont, à cet égard, riches d'enseignements. Comme le relève
Gérard Moine, ancien directeur du Cabinet de M. Paul Quilès,
au sujet des grèves de 1988 dite des " camions
jaunes " :
"
[...] depuis la grande grève de 1974, qui sert de
référence, le secteur de la vente par correspondance
s'était développé et la presse de son côté
connaissait un problème de recettes publicitaires la rendant plus
dépendante de l'abonnement. Cette grève des camions jaunes
était donc très durement ressentie par les entreprises de vente
par correspondance et par la presse. Tous ces gens ont eu l'impression qu'on
les tuait et la relation entre le ministre et les organisations syndicales a
été violente.
"
120(
*
)
La grève de l'automne 1995, suivie par une petite minorité, outre
le fait qu'elle a fait perdre plus d'un milliard de francs à La Poste, a
profondément traumatisé les entreprises de vente par
correspondance, l'un des principaux pôles de clientèle, et a
failli les éloigner définitivement.
Alors que la poste néerlandaise a connu sa dernière grande
grève en 1985, La Poste française a subi depuis lors cinq
grèves nationales. Les clients ont d'autant moins compris ces mouvements
que ceux-ci s'inscrivaient -à l'exception de ceux de 1984 et de 1988- le
plus souvent, dans le cadre de journées de grèves lancées
à l'échelon de la fonction publique ou au niveau
interprofessionnel. Ils n'avaient donc pas de rapport direct avec
l'activité de l'entreprise postale elle même.
PARTICIPATION AUX GRÈVES NATIONALES À LA
POSTE
DEPUIS 1992
Date de la grève |
Participation |
12 octobre 1993 |
43 % |
30 mai 1995 |
29 % |
10 octobre 1995 |
58 % |
24 novembre 1995 |
37 % |
17 octobre 1996 |
38 % |
Source : La Poste
Les grèves ne concernent d'ailleurs pas seulement l'échelon
national.
Un certain nombre de mouvements locaux ont eu lieu
récemment. Leurs effets sur les clients qui les subissent sont tout
aussi graves que ceux des grèves nationales. Pour ne citer qu'elles,
rappelons les grèves qui ont ralenti ou paralysé le trafic postal
à Clermont-Ferrand (février-mars 1994) ; à
Toulouse (juin-novembre 1994) ; à Marseille
(mars-juillet 1995) ; à Nice
(février-mars 1995) ; dans le département du Var
(février-avril 1995) et en Corse (février-mars 1995).
Au total, tous types de mouvements confondus, La Poste estime à plus de
900.000 le nombre de journées de travail non effectuées pour fait
de grève en 1995 (soit une moyenne de 3,23 jours de grève
par agent), cet indicateur ayant retrouvé un étiage plus habituel
en 1996 : 134.978 jours de grève,
soit 0,48 jour de grève
par agent.
Un point mérite d'être souligné : le réseau postal
est particulièrement vulnérable aux grèves qui surviennent
dans les
centres de tri
. Un faible nombre de personnels en grève,
eu égard au nombre total des salariés de La Poste, suffit
à paralyser dans un premier temps, puis à ralentir le trafic
aussi bien au niveau national qu'au niveau départemental.
Si l'on admet que le personnel des centres de tri représente environ
10 % du personnel total de La Poste et qu'au cours des grèves de
1995 un peu plus de la moitié des " trieurs " ont fait
grève, on constate que c'est principalement 5 % du personnel de La
Poste qui a occasionné les fortes perturbations du trafic postal ayant
entraîné une perte de un milliard de francs.
A cause de la " thrombose " du trafic qui résulte des
grèves dans les centres de tri, La Poste subit un manque à gagner
considérable du fait des baisses de flux des gros clients tels que les
VPCistes et voit son image commerciale entachée. Mais pour couronner le
tout, elle voit s'accroître des modes de commande concurrents du courrier
(Minitel, audiotel) qui ont tendance à se pérenniser chez le
consommateur qui les a expérimentés une première fois. La
Poste perd donc beaucoup et sur tous les tableaux. Comme le disait un cadre de
terrain à votre rapporteur : "
Pour l'entreprise, la
grève dans les centres de tri, c'est la " totale ", il n'y a
pas d'autre mot "
.
b) Les grèves et le caractère parfois erratique de la qualité de service ont des conséquences déstabilisantes
Les conséquences de la grève sont dramatiques
pour la VPC qui a parfois quitté La Poste de ce fait et qui a pris des
mesures pour s'en prémunir.
On a ainsi cité à votre rapporteur un exemple significatif. En
Lozère, la principale usine du département, la
société Robert Masson, qui fabrique et vend par correspondance
des bijoux, a rompu ses relations commerciales avec La Poste après les
grèves de 1995. Or cette société représentait un
chiffre d'affaires-courrier d'environ 1,6 million de francs pour La Poste,
alors que le chiffre d'affaires courrier total s'élevait dans ce
département -où beaucoup de zones rurales sont fragiles- à
une quarantaine de millions de francs.
Certains VPCistes français ont mis en place des réseaux de
distribution spécifique
" dévulnérabilisés ", en recourant aux services
de commerçants qui acceptent de jouer le rôle de bureaux
d'échanges. La Redoute a créé, après la
grève de 1974, une filiale de livraison. Quant à la
société Yves Rocher, elle a mis en place sa propre
société de distribution de colis dénommée
" Distri Home ", après avoir perdu près de 60 millions
de francs lors des grèves de 1995.
Les entreprises de VPC ont tiré les conséquences des retards qui
ont failli mettre un terme définitif aux activités de certaines
d'entre elles. Toutes, sans exception, ont indiqué à votre
rapporteur qu'elles ne se laisseraient plus prendre dans la nasse des centres
de tri paralysés et qu'elles tentaient dès à
présent de substituer des solutions alternatives,
dévulnérabilisées, au réseau postal, en attendant
de pouvoir recourir à la concurrence étrangère s'il en
était besoin.
Certes, La Poste a, pour la première fois en 1995, indemnisé ses
clients. Mais pour les Trois Suisses, par exemple, l'indemnisation n'a
représenté qu'environ 10 % du préjudice subi, qui
correspondait à une perte de 185 millions de francs de marge brute.
Appréhendant, à juste titre, le départ de la VPC qui
représente près de 90 % de son chiffre d'affaires, La Poste
a réagi -avec une promptitude et une lucidité dignes
d'éloges- en créant un système de sécurisation des
flux, le " réseau B ". Il est destiné à assurer
le transport des colis en cas d'embolie des centres de tri.
Le maintien de la
qualité de service
est également un
enjeu d'importance pour La Poste. La presse subit, par exemple, les
conséquences du caractère encore trop erratique de la
qualité du service postal.
Il est, en effet, indispensable que les journaux parviennent à leurs
destinataires tôt le matin. De nombreux éditeurs de presse
déplorent, sur ce point, que trop souvent encore La Poste ne satisfasse
pas leurs besoins, ce qui suscite des réclamations de leurs
abonnés. Or, La Poste n'est pas assez sensible aux demandes des
éditeurs de presse : la mesure de la qualité du service est
encore réalisée par des sondages internes.
Outre les grèves et certains dysfonctionnements perturbant la bonne
qualité du service, beaucoup d'entreprises clientes regrettent
également l'inégalité du niveau des prestations postales
selon les régions. Plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur lui
ont même fait savoir que sur certains points du territoire, ils
rencontraient de réelles difficultés et que, parmi eux, quelques
uns avaient d'ailleurs développé des solutions alternatives
à l'acheminement postal dans ces endroits.
Tout ceci ne sera donc pas sans constituer une véritable menace pour
notre opérateur quand les frontières s'ouvriront davantage
à ses concurrents.
Ces difficultés sont toutefois bien loin de l'amener à
" baisser les bras ". Sa pugnacité commerciale a
été démontrée par le lancement, dès les
premiers mois de 1996, du " Plan de reconquête " du
courrier,
qui lui a d'ailleurs permis d'entamer un processus de rétablissement de
relations de confiance avec ses grands clients. Rien n'est donc
irrémédiablement perdu. Mais La Poste n'a plus le droit à
l'erreur. Elle ne peut plus se payer le luxe d'un second mois de novembre 1995.
3. Vers une poste sociale à deux vitesses ?
Quoique La Poste ait toujours recouru à des
auxiliaires, depuis le vote de la loi " Quilès " de 1990, le
recrutement des salariés qui ne relèvent plus du statut de
fonctionnaire mais du droit du travail s'est à la fois accentué
et diversifié. Le nombre de ces " contractuels " a atteint
61.340 personnes
au 31 décembre 1996, selon le
Bilan social
de La Poste, soit une légère réduction
de 2 % par rapport à 1995, après une forte hausse
(+ 16 %) en 1995, (notamment à cause des grèves). En
1996, les contractuels représentent donc près du
cinquième des personnels de La Poste.
L'effectif important des personnels soumis au droit du travail justifie que
l'on s'attarde sur leur situation. Les
61.340 contractuels
dénombrés au 31 décembre 1996
,
étaient embauchés pour 32 % en CDD
121(
*
)
(19.764 personnes), pour 59 % en
CDI
122(
*
)
(36.258 personnes) et pour
quelque 9 % en tant que titulaires d'un CDII
123(
*
)
(soit 5.318 personnes).
Ces contractuels consituent une catégorie du personnel qui
présente quelques caractères spécifiques. On
constate
124(
*
)
, notamment, que
97 %
d'entre eux appartiennent au personnel d'exécution et que, parmi les
contractuels employés dans des tâches d'exécution,
75 % sont des femmes
.
Aujourd'hui, la rémunération mensuelle moyenne nette du
personnel d'exécution fonctionnaire -soit 8.981 francs- est
supérieure de 39 % à celle du personnel d'exécution
contractuel employé aux mêmes tâches, qui n'atteint que
6.427 francs
125(
*
)
. Peut-on déduire
de cette comparaison que les contractuels seraient, à travail
égal, moins bien rémunérés que leurs
collègues bénéficiant du statut de fonctionnaire ? Votre
rapporteur s'interroge.
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que dans l'état actuel des
choses et malgré les efforts accomplis pour limiter ce
phénomène, les contractuels n'ont guère de perspectives de
carrière ni souvent de véritable visibilité d'emploi. On
peut citer, par exemple, le cas d'un titulaire d'un CDII qui, travaillant
depuis vingt ans à La Poste, a expérimenté successivement
la situation d'auxiliaire de l'administration pendant seize ans, de titulaire
d'un CDD pendant deux ans, puis de titulaire d'un CDII depuis deux ans. Au bout
de vingt ans, cette personne travaille 1.000 heures par an à La
Poste, soit un peu plus de 20 heures par semaine en moyenne. Son parcours
professionnel est retracé dans le tableau suivant.
VINGT ANS DE TRAVAIL CONTRACTUEL A LA POSTE 1977-1997 :
1977-1980 Auxiliaire (remplacements ponctuels)
1980-1987 Auxiliaire - Remplacement, 140 heures par mois
1987-1992 Auxiliaire - Remplacement, 125 heures 50 par mois
1993 Auxiliaire - Remplacement successivement à 130 heures par
mois, 169 heures par mois et à 86 heures par mois
1994 Contrat à durée déterminée, 78 heures par
mois
1995 Contrat à durée déterminée, 162 heures 50 par
mois
1996 Contrat à durée indéterminée intermittent,
1.200 heures
par an (soit 25 heures par semaine)
depuis 1997 Contrat à durée indéterminée
intermittent, 1.000 heures
par an (soit 21,27 heures par semaine)
Aux termes de l'article L. 122-1 du code du travail, le recours au CDD est
limité au remplacement d'un salarié, à un accroissement
temporaire de l'activité ou aux variations inhérentes à la
nature des activités de l'entreprise.
L'imprévisibilité de la situation qui en est
résultée pour certains titulaires de CDD est patente, comme le
montre le cas de cette salariée embauchée en CDD pour deux ou
trois jours par semaine et qui ne peut pas être rappelée par
La Poste tant que ne s'est pas écoulé le tiers du temps
travaillé durant le dernier contrat
126(
*
)
, ou
encore celui de cette personne qui indiquait
avoir travaillé, de CDD en CDD, pendant six ans, en étant
parfois appelée à la dernière minute et sans pourtant
bénéficier d'un droit à l'ancienneté, du
bénéfice d'une mutation ou d'un plan de carrière, si
modeste soit-il.
La parcellisation du temps de travail des CDD et des CDI est frappante.
Un
tiers des
37.261 CDII et CDD, soit 10.416
personnes
travaillent moins de 10 heures par semaine
. Ce travail s'effectue le
plus souvent en renfort, aux heures de pointe.
Pour remédier à cette situation, La Poste a signé, le
12 juillet 1996, un accord d'entreprise destiné à augmenter
la durée minimale annuelle de travail des agents sous CDII jusqu'au
minimum de 800 heures par an ou 200 heures par trimestre, ce qui permet -enfin-
aux salariés concernés de bénéficier des
prestations maladie, maternité, invalidité, décès,
prévues par l'article R.313-3 du code de la sécurité
sociale.
La fragilisation de la situation juridique et sociale des salariés
liés à La Poste par un CDD ou un CDII n'est pas
étrangère à l'accroissement du nombre de contentieux
devant la juridiction prud'homale.
Il est vraisemblable que cette situation s'explique en partie par des
difficultés rencontrées par La Poste dans la gestion de ses
personnels contractuels. Familiers du droit de la fonction publique, nombre de
responsables locaux ont mis du temps à s'habituer aux normes du code du
travail. On peut toutefois s'étonner qu'avec le temps, la situation ne
semble pas tendre à s'améliorer.
Alors le problème n'a-t-il pas des racines plus profondes ? Quand dans
les forums de discussion avec les postiers votre rapporteur abordait ce sujet,
il lui a presque toujours -tout au moins dans un premier temps-
été répondu par un silence " assourdissant ". On
peut certes penser qu'un tel silence sera, à la longue, dissipé
par des mesures concrètes de rationalisation de la gestion des
contractuels. Mais ne doit-on pas aussi se poser quelques questions ? A savoir
:
- La Poste pourrait-elle faire face à ses batailles de demain avec
des personnels relevant presque exclusivement du statut de la fonction
publique, eu égard à la conception rigide qu'ont certains de ce
statut ?
- Peut-on oublier que ce statut ouvre des droits qu'il ne convient en
aucun cas de remettre en cause mais aussi des devoirs, parmi lesquels celui de
participer à l'adaptabilité du service public, qui est un des
grands principes sur lequel repose cette notion dans notre droit ?
- Peut-on être fier d'un système social souvent mis en
exergue et qui ne se limite pas à La Poste, où la majorité
a beaucoup de droits et la minorité fort peu ?
- Ne peut-on pas, au nom de l'idéal de solidarité qui
inspire nos valeurs républicaines, nourrir l'ambition d'un partage plus
équitable ?
- Peut-on espérer un jour, dans notre pays, briser le
" silence assourdissant " qu'on entend après avoir posé
de telles questions ?
Si le présent rapport pouvait -ne fût-ce qu'à la marge-
contribuer à ouvrir le dialogue sur ces sujet " tabous ",
votre rapporteur considérerait qu'il n'a pas été inutile.
E. LES MARGES DE MANOEUVRE FINANCIÈRES SONT LIMITÉES, NOTAMMENT EN RAISON DU DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT
Le " chemin critique " que doit suivre
La Poste pour
parvenir à un équilibre durable et s'affirmer dans le nouveau
contexte économique est étroit. Ses marges de manoeuvre sont
limitées. Malgré les efforts accomplis, sa situation
financière reste préoccupante.
Or, la majoration systématique des tarifs à laquelle on a trop
recouru par le passé ne constitue plus une issue envisageable pour
limiter les déficits d'exploitation, compte tenu du niveau
déjà élevé atteint par le prix du timbre. En outre,
La Poste supporte encore aujourd'hui un endettement important, legs
empoisonné de l'État que votre Commission des affaires
économiques avait critiqué lors de la discussion de la loi du
2 juillet 1990. Cette situation est d'autant plus préoccupante
que, ces dernières années, l'opérateur public n'a
cessé de voir se réduire les diverses compensations que lui verse
l'État.
1. Des résultats globalement déficitaires
Depuis 1990, La Poste n'a enregistré un résultat
net positif que trois fois : en 1991, 1992 et 1994. Elle a
réalisé des pertes assez substantielles au cours des trois autres
exercices. Au total, sur six ans, le groupe La Poste a enregistré un
déficit cumulé de 2,24 milliards de francs (2,49 milliards pour
l'opérateur proprement dit
127(
*
)
).
Or, le rétablissement durable de ses comptes est, un enjeu essentiel
pour l'opérateur public, à l'heure où
les plus
performantes des postes européennes
ont engagé, et souvent
réussi, des réformes destinées à retrouver une
rentabilité sans aide publique
. L'an dernier, quand La Poste
supportait une perte de 600 millions de francs, KPN, la holding qui
détient la poste néerlandaise, est parvenue à
réaliser près de 7 milliards de francs de
bénéfices en 1996, ce qui lui a permis le rachat de
l'intégrateur australien TNT pour 8 milliards de francs et lui a
ouvert la porte du grand marché international.
Certes, la comparaison des résultats de La Poste avec ceux d'autres
opérateurs postaux étrangers pourrait amener à nuancer le
jugement alarmant qui paraît devoir découler d'une première
analyse. C'est ainsi que si La Poste, en 1995, a subi une perte de
1,2 milliard de francs largement due aux grèves de la fin de
l'année, la Deutsche Post AG a enregistré, la même
année, un déficit de 4 milliards de francs, tandis que les
postes italiennes -qui réalisaient le quart du chiffre d'affaires de La
Poste- subissaient une perte deux fois plus lourde que celle de
l'opérateur national ! Mais dans ces deux pays, le pouvoir
politique a, depuis, engagé de profondes réformes structurelles
pour rétablir la situation, alors que ce n'est pas encore le cas en
France.
2. Un prix du timbre élevé
Du fait de l'existence du monopole, le particulier utilisant
le service du courrier ne peut qu'accepter le prix du timbre qui est
fixé sous la tutelle de l'État. Mais
les temps de cette
facilité
, à laquelle il était possible de recourir
sans hésitations à l'époque du budget annexe et dont on
s'est encore servi récemment pour rétablir les comptes de
l'opérateur,
sont désormais révolus
.
Aujourd'hui, les principaux clients de La Poste -les entreprises- ont, pour la
plupart, la liberté de choisir leur fournisseur. Ils suivent
l'évolution du tarif de base du courrier, le comparant au coût
d'un envoi par fax ou d'un transfert de données informatiques. Les
" grands comptes " de La Poste négocient le prix du service
postal, comme n'importe quelle autre fourniture de services ou de
matériel. Ils réclament des tarifs préférentiels en
fonction du nombre d'envois qu'ils adressent et de la qualité de service
qui leur est offerte. Le
timbre
a bel et bien
commencé
à perdre son statut de quasi-redevance prélevée par
l'État, pour devenir
le plus souvent, si l'on excepte les envois des
ménages, un
tarif commercial négocié
.
Or, après des hausses successives, le prix du timbre n'est plus
compétitif. Son augmentation en France entre 1991 et 1996 a
été particulièrement forte. Le coût
d'affranchissement pour la
lettre de moins de 20 grammes
est
passé de
2,30 francs en 1990
à
3 francs en
1996
, ce qui représente une
augmentation de près de
30 %,
largement supérieure à l'évolution de
l'indice des prix à la consommation.
A titre de comparaison, aux Pays-Bas, le tarif de base n'a pas varié
durant la même période.
Cet accroissement du coût de l'affranchissement ne s'est pas
limité en France au prix du service de base.
Au cours de la
même période 1991-1996
, selon les évaluations de La
Poste,
l'ensemble des tarifs courrier a augmenté de 17,4 %
,
soit 7 points de plus que l'indice des prix à la consommation.
Le développement des nouvelles techniques de communication, qui offrent
des services alternatifs à des prix très compétitifs,
interdit désormais la poursuite d'une telle politique. En prenant pour
base l'indice 100 en 1990, les prix moyens des services de
télécommunications qui concurrencent directement la lettre sont
passés, en 1996, à l'indice 95, tandis que le prix du timbre
destiné à l'affranchissement d'une lettre de moins de 20 grammes
est passé de l'indice 100 en 1990 à l'indice 128 en 1996.
Tout laisse à penser que les grands clients de La Poste
n'hésiteront pas à faire jouer davantage encore la concurrence
nationale et même internationale -songeons aux convoitises que suscitent
les segments les plus rentables du marché français de la part de
KPN ou de British Mail- lorsque le monopole commencera à se contracter,
surtout si l'opérateur public ne parvient pas à " tenir ses
prix ". Or, les comparaisons internationales sont défavorables au
timbre français. En Europe, pour le service de base (lettre de moins de
20 grammes), seuls les tarifs d'affranchissement suédois et allemand
sont plus chers que le timbre à l'effigie de Marianne.
Soulignons toutefois, s'agissant de la Suède, que depuis le début
de l'année 1997, le prix du timbre est distinct pour les particuliers
(4,15 francs) et pour les entreprises (1,65 franc).
Le timbre français est 25 % plus cher que le timbre
néerlandais ou britannique.
A titre d'illustration de cette fragilité tarifaire de La Poste
française, le tableau ci-dessous présente les tarifs de la lettre
dans les principaux pays d'Europe et aux Etats-Unis.
ÉVOLUTION DU TARIF DE BASE DE LA LETTRE
(RÉGIME INTÉRIEUR)
(1987-1997)
(en francs)
France |
Allemagne |
Royaume Uni |
Pays-Bas |
Italie |
Etats-Unis |
Suède |
|
1987 |
2,20 |
2,67 |
1,77 |
2,22 |
2,78 |
1,32 |
1,99 |
1997 |
3,00 |
3,36 |
2,39 |
2,39 |
2,53 |
1,80 |
particuliers : 4,15
|
(Source : La Poste)
De même, La Poste subit une forte concurrence sur les marchés qui
ne sont pas protégés par le monopole, tels que la
publicité non adressée : elle est, par conséquent, dans
l'obligation de maîtriser ses coûts. Cet impératif de
stabilisation, voire de compression, des prix se renforcera dans les
années à venir, au gré de l'accroissement tendanciel de la
concurrence.
Il serait donc illusoire de croire que la voie de la facilité
tarifaire reste encore ouverte à La Poste.
3. Le legs empoisonné de l'endettement
Lors de la création de l'exploitant autonome " La
Poste " par la loi " Quilès " de 1990, l'Etat
s'est
défaussé sur ce dernier d'une dette de plus de 38 milliards
de francs. A l'époque, cette décision avait d'ailleurs
amené votre rapporteur à souligner que la charge ainsi
transférée constituait une lourde hypothèque pour l'avenir
financier de La Poste.
Depuis lors, ses prévisions pessimistes se sont trouvées
confirmées, même si La Poste s'est employée -avec une
constance remarquable- à réduire son endettement à moyen
et long terme. Ce dernier est passé, par paliers, de
37,2 milliards de francs en 1992 à 29,4 milliards de francs en
1996, soit une réduction de 21 % en cinq ans
comme le montre le
tableau ci-dessous.
DETTE À MOYEN ET LONG TERME DE LA
POSTE
(1992-1996)
(en milliards de francs courants)
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Dette |
37,2 |
36,9 |
34,4 |
32,7 |
29,4 |
(Source : La Poste, Rapport financier 1996, page 20)
Même réduit, le volume de cette dette constitue un
véritable boulet pour l'entreprise. En effet, son coût annuel
génère encore, en 1996, malgré les progrès
réalisés, 2,8 milliards de francs de charges financières,
soit plus de 3 % du chiffre d'affaires. Ainsi, en 1996, le coût de
l'endettement correspond à plus du quadruple du déficit.
4. L'accroissement de la fiscalité et le désengagement de l'Etat
a) L'accroissement de la fiscalité
La transformation statutaire de La Poste a
entraîné son assujettissement à la taxe sur les salaires.
Elle demeure toutefois exonérée de la TVA
128(
*
)
et bénéficie d'un abattement
substantiel en matière d'impôts locaux.
L'article 20 de la loi du 2 juillet 1990 créait, à compter du
1er janvier 1994, un régime dérogatoire favorable pour
ce qui concerne
la taxe sur les salaires
. Ce régime devait se
substituer au régime fiscal transitoire institué par
l'article 19 du même texte pour la période 1991-1993.
Le taux de la taxe sur les salaires devait, en conséquence, être
maintenu à 4,25 % à compter du 1er janvier 1994. Mais cette
disposition a été modifiée par l'article 42 de la loi de
finances pour 1994 aux termes duquel, à compter du 1er septembre 1994,
La Poste est soumise non plus à un taux unique de 4,25 % mais aux
conditions de droit commun. Depuis lors, la taxe sur les salaires est
calculée en fonction du barême progressif qui varie de 4,25 %
à 13,6 % selon la rémunération individuelle annuelle.
En raison du non respect par l'Etat des engagements pris en 1990, le montant
annuel de la taxe sur les salaires acquittée par La Poste s'est accru de
près de 1,8 milliard de francs à compter de 1995.
Depuis le 1er janvier 1994, outre la
taxe foncière
,
La
Poste acquitte la taxe professionnelle.
Cependant, l'article 21 de la loi du 2 juillet 1990
prévoit que
les
bases de son imposition à la
fiscalité locale font l'objet d'un
abattement de 85 %
.
La Poste bénéficie, à ce titre, d'un
allégement
fiscal estimé à 1,33 milliard de francs environ
. Elle
n'en a pas moins versé à l'État
129(
*
)
, en 1995,
235 millions de francs au titre de la
fiscalité locale.
b) La suppression de la franchise postale
La suppression de la franchise postale entrée en
vigueur le 1er janvier 1996 a emporté des conséquences
négatives pour La Poste.
Avant cette date, les correspondances adressées par l'Etat et certaines
administrations locales, étaient transportées en franchise.
Tirant les conséquences du vote de la loi du 2 juillet 1990,
le cahier des charges prévoyait que les prestations fournies par La
Poste à l'Etat feraient l'objet d'une rémunération sur la
base des tarifs existants mais que jusqu'au 31 décembre 1995,
le service du courrier serait payé en fonction d'une évaluation
forfaitaire. C'est ainsi que l'Etat a versé à La Poste, chaque
année entre 1991 et 1995, une compensation budgétaire annuelle
qui a légèrement diminué, passant de 3,48 milliards
en 1991 à 3,25 milliards de francs en 1996.
Cette compensation correspondait aussi bien aux frais d'envois
réalisés par les services de l'Etat eux-mêmes qu'à
ceux qui résultaient de l'exercice de compétences de l'Etat
déléguées au niveau des collectivités locales.
Les envois des maires agissant en tant que représentants de l'Etat dans
leurs fonctions d'officier d'Etat civil bénéficiaient, par
exemple, de ce régime, qu'utilisaient aussi -outre les
ministères-, les conseils généraux et régionaux
ainsi que les écoles.
Les coûts de la franchise s'élevaient respectivement à :
- 3,2 milliards de francs pour les ministères ;
- 87,4 millions de francs pour les conseils généraux et
régionaux ;
- 97,5 millions de francs pour les communes, auxquels s'ajoutaient
22 millions de francs au titre du courrier des écoles.
La suppression de la franchise a entraîné la suppression de la
compensation budgétaire et une rationalisation des envois par toutes les
administrations concernées. En conséquence, le volume du courrier
posté s'est réduit et La Poste a subi une
perte de chiffre
d'affaires de plus d'un milliard de francs
en 1996.
Pour résumer, on pourrait dire qu'au cours des dernières
années, l'Etat n'a pas tenu les engagements favorables qu'il avait pris
envers La Poste mais qu'il a, en revanche, appliqué scrupuleusement les
dispositions qui étaient défavorables à
l'opérateur.
c) La banalisation de l'épargne administrée
L'Etat a multiplié ces dernières années
les produits d'épargne administrés (Codevi, plan d'épargne
populaire ou livret jeune). Cette politique, tout à fait
cohérente sur le plan de la logique financière, a toutefois
entraîné des conséquences négatives pour La Poste
puisqu'elle a conduit a minoré l'avantage relatif que constitue, pour La
Poste, la collecte d'épargne au titre du livret A.
En effet, en banalisant la distribution d'épargne dite
administrée, elle aboutit à réduire l'intérêt
de ce dernier support d'épargne. De ce point de vue, on peut donc y voir
une marque supplémentaire du désengagement de l'Etat à
l'égard de La Poste.
CONCLUSION :
POURQUOI LA POSTE PEUT-ELLE
MOURIR ?
1/ Parce que les charges nettes
130(
*
)
qui résultent de ses missions
d'intérêt général
131(
*
)
sont
énormes :
- Participation à l'aménagement du territoire
(poids des charges découlant du coût d'entretien
d'un réseau immobilier pour partie peu fréquenté) :
3,2 mds F/an
- Contribution au transport et à la distribution de la presse :
3,6 mds F/an
- Guichet bancaire des plus démunis
(livret A utilisé comme un compte courant) : 1,3 md F/an
---------------
8,1 mds F/an
NB : Estimations les plus couramment admises pour 1996.
Première incohérence
:
La Poste assume donc, sur
ses seules ressources, un solde considérable des
charges
liées aux missions d'intérêt général que
l'Etat lui confie et qu'il devrait en conséquence soutenir. Ce
" prélèvement "
représente près de
10 % de son chiffre d'affaires.
2/ Parce qu'elle est ponctionnée par l'Etat au bénéfice du
budget général :
- Sa rémunération par le Trésor
pour la collecte des fonds CCP
se traduit par un manque à gagner de : 1,3 md F en 1996
- L'Etat n'a pas tenu ses engagements
de fiscalité dérogatoire pour la taxe
sur les salaires, soit un surcoût de : 1,8 md F en 1996
- En outre, le désengagement de
l'Etat s'est traduit par la suppression
de la franchise postale des
administrations et des collectivités
locales, soit un manque à gagner de : 1,1 md F en 1996
-----------------------
4,2 mds F en 1996
-
La banalisation rampante
de l'épargne administrée (Codevi,
livret jeune...) a contribué à éroder les
positions relatives du livret A
- Elle paye les pensions de retraites des
anciens postiers fonctionnaires d'Etat : 600 millions F/an, en
progression arithmétique, à compter de 1998
(montant cumulé entre 1997 et 2015 : 360 milliards de F)
- Elle contribue à la compensation
et à la surcompensation démographiques
entre régimes de retraites : 2,4 mds F/an
Deuxième incohérence
:
Non seulement La
Poste est insuffisamment soutenue, mais en plus,
l'Etat lui enlève
une partie des moyens qui pourraient lui permettre d'assumer des charges qui ne
devraient pas lui incomber
.
3/ Parce qu'elle est confrontée à la perspective d'une
contraction programmée de ses positions commerciales :
- Repostage : au minimum 600 millions de F
de manque à gagner en 1996
- Contraction du monopole sous
l'effet de la directive postale : - 1997 : 57 % du CA total
sous monopole
- 1998 : 37,5 %
- 2003 : 25 % (en cas d'ouverture à la concurrence du
publipostage et du courrier transfrontières)
- Effet de substitution des nouvelles
technologies : le taux de substitution pourrait atteindre 18 % du
trafic courrier
en l'an 2000
Troisième incohérence
: A continuer dans cette voie, La
Poste ne pourra pas faire face aux défis auxquels elle se trouve
confrontée et l'Etat, s'il ne sait pas assumer ses
responsabilités, risque fort de se retrouver, à terme, devant
l'équivalent d'un " Crédit lyonnais social " (à peine
moins de milliards, beaucoup plus de milliers d'emplois).
*
* *
En d'autres termes, notre Poste est aujourd'hui
étranglée.
D'un côté, l'Etat la prive de " l'oxygène
financière " nécessaire à l'accomplissement des
tâches d'intérêt général qu'il lui confie,
l'utilise de manière quelque peu excessive comme force supplétive
de ses recettes budgétaires, et tend à lui retirer une partie des
moyens qu'il lui accordait antérieurement pour faire face à ses
missions. D'un autre côté, les contraintes concurrentielles
qu'elle supporte s'accroissent et ne vont plus cesser de s'accroître,
alors même qu'elle ne dispose pas de véritables marges
d'adaptation propres et qu'en son sein tous n'ont pas perçu la
nécessité des efforts à entreprendre.
Comment peut-elle courir avec, aux pieds, des brodequins dont les semelles de
plomb ne cessent de s'alourdir ? Surtout, comment pourrait-elle, dans ces
conditions, espérer gagner la course dans laquelle elle est
engagée quand ses compétiteurs, parfois mieux musclés,
chaussent des tennis avec des semelles à bulles d'air ?
Jusqu'à maintenant, cet étouffement s'effectuait en silence dans
l'obscurité des couloirs des administrations financières, comme
les exécutions au lacet dans le sérail du Grand Turc.
Désormais, la strangulation se déroulera au grand jour, sur le
mode du supplice hispanique connu sous le nom de garrot.
Face à cette situation, le présent rapport n'a qu'une
ambition : en appeler à tous pour qu'ensemble, il soit possible de
desserrer cette étreinte.
TITRE II -
AIDONS LA POSTE À
RÉALISER LES AMBITIONS
QUE LA NATION BRIGUE POUR ELLE
Face au constat établi, il apparaît que
les
réponses
les plus adaptées doivent être
formulées sans tarder et
être toujours inspirées par une
triple préoccupation
: offrir aujourd'hui toutes ses chances
à La Poste ; donner aux postiers une visibilité quant
à leur avenir ; maintenir l'intérêt
général au coeur des réflexions.
Elles doivent ouvrir des perspectives ambitieuses : La Poste et, avec
elle, la Nation doivent relever le défi international et créer
les conditions du succès.
Au total, ces réponses sont toujours de nature politique
. Elles
amènent chacun à prendre ses responsabilités : La
Nation, l'Etat, les élus, La Poste et ses personnels. Tous sont
instamment invités à trouver les solutions permettant d'assurer
la présence de l'opérateur public dans le paysage postal mondial
du XXIe siècle.
CHAPITRE Ier -
RELEVONS LE DÉFI
INTERNATIONAL
I. POURSUIVONS UNE POLITIQUE EUROPÉENNE AUDACIEUSE ET VOLONTARISTE
On a vu qu'après les transports aériens, les
télécommunications et l'électricité, c'était
l'avenir des services postaux que l'Union européenne s'attachait
à définir.
Ainsi que le soulignait avec beaucoup de pertinence, lors du forum de
discussion à Cherbourg,
M. Jean-François Le Grand
,
Sénateur de la Manche et particulièrement averti des questions
concernant le transport aérien
132(
*
)
:
"
il semble que le secteur postal
soit amené à connaître de profondes mutations, comme le
secteur du transport aérien ces dernières
années
".
Dans cette perspective, La Poste française doit anticiper les
évolutions du secteur postal européen et, au-delà,
mondial. Pour l'aider dans cet effort, les responsables de la politique postale
française ont d'abord à agir au sein de l'Union
européenne. Il s'agit, en premier lieu, de participer activement
à la définition du service postal de demain, tout en
évitant de s'identifier au rôle de l'assiégé,
isolé et impuissant ; en second lieu, de procéder à la
promotion d'un symbole fort, susceptible de rallier l'ensemble des Etats
membres : l'euro-timbre pour le courrier transfrontalier circulant à
l'intérieur de l'Union européenne.
A. PRENONS DES INITIATIVES INTERNATIONALES EN REFUSANT LE RÔLE D'ASSIÉGÉ
Les responsables politiques, dans la lignée de leur action passée, se doivent d'être actifs sur le terrain européen : d'une part, en exerçant leur vigilance concernant l'élaboration par la Commission européenne de la communication interprétative des règles de concurrence au secteur postal ; d'autre part, en dénonçant la pratique du repostage.
1. L'élaboration de la communication interprétative de la Commission européenne appelle à la vigilance
Au cours des entretiens au plus haut niveau qu'il a tenus
avec
les Commissaires et les directeurs de la Commission de Bruxelles, votre
rapporteur a été tenu informé de l'élaboration par
la fameuse Direction Générale IV
133(
*
)
de la
Commission -longtemps dirigée par
M. Léon Brittan, puis, avec un souci d'équilibre beaucoup
plus prononcé, par M. Karel Van Miert
134(
*
)
- d'un projet de communication ayant pour objet de
préciser les principes que suivra la Commission pour appliquer les
règles de concurrence au secteur postal.
Une telle communication s'avère nécessaire, la Commission
étant saisie de nombreuses plaintes, concernant les frais terminaux, le
repostage physique et non-physique, l'interception de courrier, le
subventionnement croisé, ... autant de questions qui sont souvent
liées et pour lesquelles elle doit apporter une réponse claire.
On a pu craindre un moment que cette communication -appelée aussi
" notice "- ne soit publiée avant la directive, dans
l'hypothèse où le processus d'adoption de cette dernière
se serait enlisé, alors que, dans un souci de sécurité
juridique, il convenait d'assurer une cohérence des règles
édictées respectivement par la directive postale et par la
communication interprétative.
Un tel choix de calendrier aurait été contestable. Le risque
qu'il soit adopté est cependant devenu minime, dans la mesure où
le processus d'adoption de la directive semble en voie d'aboutir dans des
délais rapprochés. Le 16 septembre 1997, le Parlement
européen a, en effet, approuvé, en deuxième lecture, la
position commune arrêtée par le Conseil des ministres en
décembre 1996, sous réserve de cinq amendements de
portée mineure. Rien ne semble donc s'opposer à ce que la
directive soit définitivement adoptée par le Conseil des
ministres d'ici à la fin de cette année.
Dans ces conditions,
la communication et la directive devraient
-selon
les informations fournies par la Commission à votre rapporteur-
faire
l'objet d'une publication simultanée.
Votre rapporteur n'en estime pas moins que les pouvoirs publics français
doivent se montrer extrêmement vigilants. Ils auront, en particulier,
à s'assurer que les règles instituées par la communication
interprétative respecteront scrupuleusement les dispositions de la
future directive et ne tendront pas à en donner une
interprétation restrictive, défavorable aux opérateurs
nationaux.
Il ne s'agit nullement là de traduire une crainte plus ou moins
" paranoïaque " de Français frileux et protectionnistes,
comme d'aucuns à Bruxelles pourraient ne pas hésiter à le
faire accroire.
Il s'agit plutôt, échaudés par les inclinations
manifestement libérales des services de la DG IV -dont une grande partie
des cadres a été formée dans le moule des
universités anglo-saxonnes- de s'assurer que l'interprétation des
orientations politiques arrêtées à Dublin et inspirant la
directive postale restera conforme et à leur lettre, et à leur
esprit.
2. Combattons la pratique du repostage
Les échanges internationaux de courrier posent le
problème de la rémunération des prestations fournies par
une poste de distribution à la poste du pays d'où sont
expédiés les courriers. En application du dispositif de
rémunération actuellement en vigueur, la poste expéditrice
facture le service rendu à ses clients et rémunère la
poste de distribution sur la base de frais terminaux. Ces derniers,
forfaitaires, sont déconnectés des coûts réels de
distribution.
Ce système crée des effets pervers, la poste d'origine pouvant
développer ainsi une activité très
rémunératrice, liée à la pratique du
repostage
135(
*
)
.
a) Un " braconnage " inacceptable
On a vu précédemment les dangers qu'il y aurait
à laisser perdurer et se développer une situation dans laquelle
certains acteurs postaux opèrent, par le biais du repostage, un
véritable braconnage
, voire un " hold up ", au
détriment des postes qui ne détournent pas les règles des
accords internationaux.
Rappelons que 22 % du courrier mondial transfrontières (soit
13 milliards de francs) sont traités par des reposteurs ! Or, ce
marché est constitué pour moitié du courrier
transfrontières européen et il est en croissance.
On ne peut ignorer le fait que certains pays traitent un volume de courrier
international anormalement déséquilibré eu égard
à leur courrier domestique. Le rapport courrier international/courrier
domestique est de 5 % pour la France, 6 % pour l'Allemagne, 7 %
pour l'Italie, mais 12 % pour la Grande-Bretagne et
25 % pour les
Pays-Bas.
Peut-on prétendre que ces chiffres seraient le simple reflet d'une
internationalisation poussée des économies
concernées ? Non. Ils montrent clairement que certaines postes
rabattent vers elles du courrier national d'autres pays et organisent ainsi
d'inacceptables et illégitimes détournements de trafic.
Votre Commission des Affaires économiques et votre groupe
d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications jugent cette situation intolérable et
souhaitent qu'une solution lui soit apportée.
b) La solution économique : rapprocher frais terminaux et coûts de distribution
Le seul remède à la menace que fait peser le
repostage sur La Poste française est d'obtenir une
rémunération des prestations rendues à leur juste prix et,
pour ce faire, de fixer de toute urgence les frais terminaux sur la base des
coûts de la poste de distribution. Le repostage ne présenterait
ainsi plus d'intérêt pour ses auteurs.
Le Conseil des ministres européens s'est, certes,
préoccupé du problème et la
proposition de
directive
postale élaborée par la Commission pose, dans son
article 13, les principes suivants :
- fixation des frais terminaux sur la base des coûts de traitement
et de distribution du courrier entrant de manière transparente et non
discriminatoire ;
- prise en compte de la qualité du service rendu pour la fixation
des niveaux de rémunération.
Cependant, pour arriver au respect de ces principes, le seul effort consenti
par l'Union européenne pour résoudre le problème du
repostage en vertu de cet article apparaît très mince : une simple
incitation des Etats membres à "
encourager leurs prestataires
de service universel à faire en sorte que leurs accords sur les frais
terminaux
" respectent ces principes, ces accords pouvant
comporter
des dispositions transitoires destinées à éviter les
perturbations indues sur les marchés des services postaux ou des
répercussions défavorables pour les opérateurs
économiques, sous réserve d'un accord entre les opérateurs
d'origine et de destination.
Peut-on se contenter de se réjouir d'une telle déclaration
d'intention ? Celle-ci risque fort de rester un voeu pieux, sachant que
les Etats dont les postes profitent de ce piratage ne seront pas -c'est le
moins que l'on puisse dire- incités à les " policer ".
Les frais terminaux constituant l'élément-clé pour assurer
et garantir la fourniture du service universel transfrontalier,
on aurait pu
pourtant imaginer que la Commission européenne propose un
véritable cadre de référence.
En effet, l'exercice auquel se livrent les postes pour arriver à un
accord acceptable par tous est extrêmement difficile, car comment faire
en sorte que des postes réalisant des profits importants grâce
à leurs pratiques de " brigands " renoncent aux avantages
qu'elles leur procurent ?
En dépit des difficultés, un accord a cependant été
signé, en 1995, par toutes les postes européennes, à
l'exception de la poste espagnole
(accord Reims 1
:
" Remuneration of Exchanges of International Mail
System ").
Cet
accord prévoit, à l'issue d'une période transitoire de six
ans, prenant fin par conséquent en 2001, de rémunérer le
courrier standard sur la base de 80 % des tarifs intérieurs, cette
rémunération étant subordonnée à l'atteinte
d'objectifs de qualité de service.
Pendant la période transitoire, la rémunération
établie sur la base des taux de la Conférence européenne
des postes et télécommunications (CEPT), fixés à
1,30 franc pour une lettre de 10 grammes. Ce taux peut être
majoré chaque année en fonction des résultats de
qualité de service réalisés.
Cet accord, notifié
à la Commission européenne, est toujours en cours
d'instruction
.
Dans l'attente d'une solution qui tarde à venir, la poste de
destination devrait pouvoir
appliquer l'article 25 de la Convention de
l'Union Postale Universelle (UPU)
, ratifiée par tous les Etats
membres de l'Union européenne
136(
*
)
, qui
prévoit de facturer la poste de repostage sur la base des tarifs
intérieurs, en soumettant aux mêmes dispositions le courrier
délocalisé physiquement ou électroniquement.
L'accord Reims 1 est soumis à une clause dissolutoire en cas de non
signature par la poste espagnole et ne permettrait une couverture des
coûts qu'à la fin d'une période transitoire très
longue. En contrepartie, il autoriserait l'application de l'article 25
précité pendant la période transitoire.
Cependant, les services de la direction générale chargée
de la concurrence (DG IV) de la Commission européenne, auxquels l'accord
a été notifié, considèrent qu'il n'entre pas dans
leurs compétences de prendre position sur la validité de
l'article 25 au regard du droit communautaire. Il faut souligner qu'ils
restent, en revanche, silencieux sur les dispositifs de protection des
marchés domestiques à mettre en oeuvre tant que les frais
terminaux ne couvriront pas les coûts.
Rappelons que cette incertitude persistante ne profite qu'à certains
opérateurs -comme celui des Pays-Bas- au détriment des autres
postes et de leurs clients nationaux, dans la mesure où les pertes
subies à l'importation sont répercutées sur les autres
utilisateurs, c'est-à-dire sur le marché domestique.
En tout état de cause,
il s'est avéré
nécessaire
d'aller au-delà de l'accord Reims 1
, dans
la mesure où ce dernier suit une logique qui pourrait mettre en danger
économique le réseau postal des opérateurs en charge du
service universel, ceci sous l'influence combinée de plusieurs
facteurs :
- les coûts réels, évalués à 80 %
du tarif domestique, ne s'appliqueront qu'en 2001, à l'issue d'une
longue période transitoire ;
- au cours de cette dernière, l'accroissement des frais terminaux
est strictement subordonné à la réalisation globale des
objectifs de qualité de service fixés.
En combinant le maintien d'un différentiel fort entre frais terminaux et
tarifs domestiques et l'amélioration de la qualité de service, ce
mécanisme risque d'encourager une délocalisation accrue du
courrier domestique à l'étranger, qui ne serait pas liée
qu'aux écarts de productivité entre postes.
Face à cette menace, les mesures de protection contre les risques de
délocalisation sont actuellement inopérants. Tout en
reconnaissant la nécessité d'une telle protection, l'accord Reims
1 ne fait, on l'a dit, que renvoyer la possibilité d'application de
l'article 25 de l'UPU aux autorités compétentes de l'Union
européenne.
L'ensemble de ces facteurs ont conduit plusieurs postes -dont celles de France
et d'Allemagne- à rejeter le dispositif prévu pour la
période transitoire. En outre, ce dispositif est devenu caduc, l'Espagne
n'ayant pas signé l'accord dans les délais prévus.
C'est pourquoi, les postes européennes tentent, à l'heure
actuelle, de procéder au réaménagement du dispositif de
Reims 1 régissant la période transitoire, ceci sous le
qualificatif de
" Reims 2 ".
Votre Commission et votre groupe d'études sur l'avenir de la Poste et
des Télécommunications se félicitent de l'état
d'avancement des négociations de ce nouvel accord qui, reposant sur des
fondements économiques, tendrait à rapprocher les frais terminaux
des coûts de distribution de la poste de destination. Ces frais
représenteraient 55 % des coûts de distribution en 1998,
65 % en 1999, 70 % en 2000 et 80 % en 2001.
D'après les informations qui lui ont été fournies,
onze postes européennes auraient signé cet accord ;
certaines autres s'y seraient engagées. Peut-on dire, sur le mode
euphémistique, qu'un doute fait cependant plus que planer sur
l'adhésion de la poste néerlandaise ?
c) Les solutions de la dernière chance
Un accord qui ne serait pas signé par toutes les
parties concernées serait nécessairement d'une efficacité
limitée. En outre, l'alignement de ces frais terminaux sur les
coûts de distribution n'étant que partiel et surtout progressif,
le repostage restera en tout état en cause lucratif pendant quelques
années. Enfin, le repostage est aussi pratiqué par des postes non
européennes.
Dans ces conditions, en cas de " braconnage " manifeste et
de
détournements de trafic organisés, ne pourrait-on imaginer que
les pouvoirs publics français exercent une
" amicale
pression " sur les gouvernements
des pays où agissent de tels
opérateurs ?
Car, qui peut affirmer que des pratiques de cette nature seraient possibles
sans l'indifférence, voire la complaisance, des gouvernements
concernés ?
Espérons que ces derniers prendront conscience des torts que leur
opérateur national cause ainsi à ses partenaires. Votre
rapporteur espère que sa confiance ne sera pas déçue.
D'après les informations fournies à votre rapporteur, la poste
allemande aurait à diverses reprises renoncé à distribuer
des sacs d'enveloppes manifestement issus du repostage. Ce comportement est
sans nul doute répréhensible.
Mais, dans le cas où les acteurs de cette pratique feraient preuve de
mauvaise volonté et où aucune solution satisfaisante
n'était rapidement arrêtée, ne conviendrait-il pas alors
que les postes européennes victimes du repostage envisagent en quelque
sorte des " représailles " de façon
concertée ? Ne serait-il pas alors moral de remettre la mise en
quarantaine -des sacs postaux " contaminés "- au goût du
jour ? Car peut-on rester " noble coeur " face au
piratage ?
La lutte contre le repostage est vitale, car il menace la garantie de
fourniture du service universel intracommunautaire.
B. RÉCLAMONS UN SYMBOLE FORT : LE TIMBRE UNIQUE POUR LE COURRIER TRANSFRONTIÈRES
Avec le passage à la monnaie unique des marchés de capitaux en 1999 et sa généralisation auprès du grand public en 2002, lors de l'introduction des pièces et des billets en euro, l'ensemble des biens et services commercialisés en Europe feront progressivement l'objet d'un double affichage : dans la monnaie nationale et en euro. Dès lors, il apparaît que le passage à la monnaie unique porte en germe l'affichage de fortes différences dans les conditions d'affranchissement du courrier circulant entre Etats membres. Un tel symbole de division au coeur d'un marché unique reposant sur une monnaie unique est-il politiquement acceptable ? Et, s'il ne l'est pas, ne conviendrait-il pas de prendre les moyens d'instaurer un timbre postal unique ?
1. Un hiatus économique lourd de symboles : des timbres aux prix disparates, à l'heure de l'euro
La mise en place de la monnaie unique en 1999 va
entraîner une véritable remise à plat des conditions de
concurrence dans tous les secteurs économiques. Éclateront alors
au grand jour les différences dans les conditions tarifaires de tous les
prestataires européens de services. Ceux qui proposent les prix les plus
élevés auront tout intérêt à gommer ces
disparités s'ils ne veulent pas que leur clientèle s'envolent
vers des cieux plus cléments. D'ailleurs, n'observe-t-on pas d'ores et
déjà une harmonisation des prix dans un certain nombre de
secteurs, comme celui des télécommunications ? Les banques ne
sont-elles pas en train de mener une réflexion sur les
conséquences de l'euro sur la concurrence interbancaire ?
Le secteur postal ne peut rester à l'écart d'une telle
réflexion.
Avec le passage à la monnaie unique, toutes les
postes européennes devront émettre leurs timbres en indiquant
leur contrevaleur en euro. Les comparaisons deviendront par conséquent
plus évidentes. Le problème qui se posera alors au secteur postal
sera à la mesure de l'ampleur des disparités existant en
matière de prix de l'affranchissement : presque de 1 à 2
pour les envois intra-communautaires en 1994 et de 1 à 4 pour les envois
nationaux
.
En effet, une étude d'avril 1994 réalisée par le
Bureau européen des Unions de consommateurs (BEUC) montre que, pour ces
envois, le tarif d'une lettre de 20 g maximum varie entre 0,29 Ecu en
Espagne et 0,52 Ecu en Allemagne. Pour les envois intérieurs, cet
écart est plus important encore : 0,18 Ecu en Espagne contre
0,52 Ecu en Allemagne.
Il est évident que, outre qu'elles sont de nature à entraver la
fluidité des échanges intra-communautaires, ces disparités
ne peuvent que favoriser les détournements de trafic,
c'est-à-dire le repostage.
En outre, le citoyen européen ne comprendrait pas qu'il puisse avoir
à payer, pour le courrier qu'il destine à ses voisins de l'Union,
un timbre libellé dans la même monnaie -l'euro-, avec des valeurs
faciales différentes selon l'Etat membre dans lequel il se trouve, ceci
pour un service identique. Il évoluera alors dans un espace
économique unifié où le prix pour une même
prestation variera du simple au double.
Alors qu'avec l'euro s'achèvera la construction du grand marché
intérieur, n'y-a-t-il pas là un hiatus économique
dérangeant et un certain " ridicule " politique ?
Pourra-t-on,
à l'heure de l'euro, afficher ainsi l'éclatement du territoire
postal européen ? Sans doute, non. C'est pourquoi, votre rapporteur
propose que soit engagée une initiative politique ambitieuse
susceptible, à l'inverse, de symboliser de manière plus
cohérente
l'unité économique
de l'Union
européenne.
2. Une décision politique ambitieuse pour l'Europe : le timbre unique
Souvenons nous que la création du timbre poste en
France, au milieu du XIXe siècle, et la péréquation
tarifaire entre tous les usagers du service postal qui lui était
liée, politiquement audacieuses à l'époque, avaient
favorisé l'unification économique du territoire
137(
*
)
et s'étaient révélées
d'une totale pertinence économique. Pourquoi alors, aujourd'hui, ne
mettrions-nous pas l'idée de postalisation du territoire au service de
l'unité économique européenne.
Créons un timbre à valeur unique pour le courrier inter-Etats
membres : l'euro timbre.
La circulation de flux postaux inter-Etats à un tarif unique sur
l'ensemble des territoires de l'Union permettra de développer un bel
exemple de solidarité européenne.
Fortement symbolique, une telle initiative permettrait d'affirmer
l'unité économique de l'Union européenne à la face
du monde. Surtout, elle donnerait à tous les habitants de l'Union un
instrument d'identité collective plus expressif encore que la monnaie
unique. D'ailleurs, comment, à terme, pourrait-on concevoir une monnaie
unique sans timbre unique ? Comment pourrait-on affirmer l'unité
économique du territoire européen en rejetant le principe de sa
postalisation
138(
*
)
?
Le prix du timbre unifié sur le courrier transfrontière devra
certes être fixé à un niveau acceptable par tous.
Il ne pourra être trop élevé car il emporterait la double
opposition des postes où le coût d'affranchissement est faible,
c'est-à-dire celles où la qualité de service n'est pas
exemplaire (en Espagne, par exemple) et celles dont la productivité est
forte (KPN, par exemple).
A l'inverse, s'il est fixé à un niveau trop bas, il aura sur les
postes dont les tarifs intérieurs élevés
apparaîtraient par comparaison disproportionnés (l'Allemagne mais
aussi la France), des effets équivalents au repostage.
Au total, la solution consisterait à associer à la
création du timbre européen, celle d'un fonds de
péréquation postal destiné à compenser la
différence existant pour certaines postes entre le prix de l'euro-timbre
et le tarif intérieur et à financer la modernisation des
réseaux nationaux défaillants (ceux de certaines postes du Sud de
l'Europe, notamment).
L'Europe ne doit pas avoir peur d'afficher ainsi, au moyen de symboles forts,
son ambition d'unité économique et de solidarité entre ses
membres.
La création d'un euro-timbre accentuerait, en outre, le
caractère " europhile " de la lutte contre le repostage
.
Ce problème résulte, en effet, si on en résume les termes,
à la différence existant entre le tarif d'affranchissement du
courrier sortant dans le pays d'origine et le montant des frais terminaux
alloués à la poste du pays où est installé le
destinataire de ce courrier.
La concertation menée par les postes européennes dans le cadre de
l'accord " Reims 2 " s'attache à faire en sorte que le
montant
des frais terminaux tiennent compte de la réalité
économique (c'est-à-dire des coûts de distribution).
Pourquoi ne pas jouer parallèlement sur l'autre plateau de la balance :
le prix des timbres sur le courrier transfrontières ?
Certes d'aucuns objecteront : n'est-il pas trop tard ? Les pays
des postes les plus performantes et les plus conquérantes peuvent-ils
encore être touchés par la " grâce de l'esprit "
européen, eux qui s'en réclament pourtant à chaque fois
qu'il s'agit de distendre les liens de solidarité sociale
existants ? N'empêche, peuvent-ils jouer sur tous les tableaux,
à la fois se déclarer les plus pro-européens et ne pas
jouer le jeu de la construction d'une solidarité
européenne ? Est-il encore possible aujourd'hui pour l'Union
européenne d'avoir d'autres horizons que celui des ambitions
mercantiles ? Votre rapporteur l'espère, mais il ne peut
s'empêcher d'en douter. N'est-il pas déjà trop
tard ?
En tout état de cause, les responsables politiques français
doivent avoir le courage et l'audace de mener une telle politique
européenne. Ce volontarisme doit être partagé par La Poste,
qui doit s'adapter à un monde postal en pleine évolution.
II. NOTRE OPÉRATEUR NATIONAL DOIT S'ADAPTER AUX ÉVOLUTIONS DU MONDE POSTAL
La Poste doit même mener une stratégie
prospective et dynamique en matière d'alliances internationales, afin de
préparer un avenir conquérant et porteur d'emplois pour la
collectivité nationale. Mais cette stratégie doit s'inscrire dans
un plan de bataille beaucoup plus large.
En effet, une certitude s'impose : La Poste doit impérativement mettre
à profit le délai de cinq ans que les responsables politiques lui
ont ménagé lors de la négociation de la proposition de
directive postale, pour s'adapter à un monde postal en évolution
rapide
139(
*
)
.
Mais, l'opérateur public ne saurait relever seul ce défi et sa
survie constitue un impératif pour le pays tout entier. Il relève
d'une responsabilité collective. C'est pourquoi, la Nation doit
l'accompagner dans ses efforts et lui donner les moyens de sa réussite.
A. IL DOIT RÉPONDRE À L'APPEL DU MARCHÉ MONDIAL
Le domaine de l'international est devenu un enjeu de taille pour La Poste, qui lui impose de développer une stratégie ambitieuse d'alliances internationales.
1. Un objectif : le développement à l'international
L'activité internationale du groupe Poste ne
représente pour l'instant qu'un peu moins de 5 % de son chiffre
d'affaires total (soit 3,8 milliards de francs en 1995).
Mais, en ce domaine, l'adage classique : "
l'arbre cache la
forêt
" trouve à s'appliquer et ce résultat assez
modeste ne doit pas cacher l'enjeu majeur que représente
dorénavant l'activité internationale pour l'opérateur
public. Plusieurs raisons à cela :
- en premier lieu, la réduction du champ des monopoles au sein de
l'Union européenne ne constitue pas qu'une menace pour La Poste. Elle
représente aussi pour elle l'opportunité de prendre pied hors de
nos frontières ;
- en deuxième lieu, les marchés des courriers et colis
internationaux sont dopés par le mouvement de mondialisation des
échanges.
Rappelons que le courrier mondial transfrontières est estimé
à 60 milliards de francs, dont 50 % pour le seul marché
européen. Il a connu une progression annuelle de 2,20 % de 1992
à 1995.
Le marché de la messagerie européenne représente, quant
à lui, 225 milliards de francs. Il progresse grâce à
la croissance du monocolis, même si les expéditions (plus de
30 kgs) connaissent une évolution moins favorable ;
- enfin, La Poste se doit de suivre ses grands clients à
l'étranger, ne serait-ce d'ailleurs que pour ne pas les perdre sur le
marché domestique.
Pour profiter de la progression de ces marchés internationaux, La Poste
devrait s'engager plus franchement hors des frontières de l'Hexagone et
adopter une stratégie d'alliances adéquate.
2. Une condition : une stratégie ambitieuse d'alliances
A l'instar d'un certain nombre de ses concurrents, La
Poste devra envisager de
développer sa présence
commerciale
à l'étranger. Royal Mail prépare la
conquête du marché français et dispose d'agents commerciaux
à Paris. La poste suisse vient de s'implanter à Lyon.
L'opérateur français ne doit pas être à la
traîne de ce mouvement.
Mais, La Poste ne peut compter s'aventurer seule si elle veut réellement
conquérir les marchés internationaux, tant dans le domaine du
courrier que dans celui de la messagerie. Elle devra nouer des alliances avec
des partenaires étrangers.
La Poste ne ménage d'ores et déjà pas ses efforts pour
développer et améliorer son
offre de services à
l'international
avec, notamment, le lancement d'une gamme de produits
courrier spécifique
140(
*
)
.
Le succès de ces prestations dépendra cependant largement de sa
capacité à passer des partenariats avec des
sociétés étrangères disposant de compétences
complémentaires aux siennes.
Cette stratégie d'alliances s'impose plus encore sur le marché
de la messagerie.
On l'a vu précédemment
141(
*
)
, les
accords commerciaux qui lient encore le groupe Poste à TNT arriveront
à leur terme en 2001. En outre, cet intégrateur n'apparaît
pas le plus performant sur les marchés américains et asiatiques.
Surtout, TNT étant le fer de lance du plus grand puissant
compétiteur de La Poste sur le marché de la messagerie
internationale et du plus grand " reposteur "
européen :
la poste néerlandaise, qui peut raisonnablement penser que leurs
intérêts respectifs auront toujours vocation à se
concilier ?
Dès lors, il est urgent de préparer l'après 2001.
Soyons réalistes : La Poste ne peut, à elle seule, devenir un
grand intégrateur mondial dans un proche avenir. Elle peut cependant se
ménager un accès plus large au marché porteur de la
messagerie internationale en contractant de nouvelles alliances.
Deux voies non exclusives semblent pouvoir être ouvertes pour une telle
stratégie :
- afin de rester un opérateur digne de ce nom sur le marché
européen, dominé par les flux franco-allemands,
La Poste ne
pourrait-elle pas envisager une alliance avec la poste allemande
, à
l'instar des relations que France Télécom et Deutsche Telekom ont
noué et semblent ambitionner de renforcer, sous une autre forme, dans le
secteur des télécommunications ? Serait ainsi
valorisée et concrétisée la solidarité entre les
deux grandes postes historiques européennes ;
- mais on ne peut ignorer que le marché de la messagerie
internationale fait de plus en plus l'objet de la conquête -assidue et
victorieuse- des
grands intégrateurs mondiaux
. Dès lors,
un rapprochement stratégique avec l'un de ces géants mondiaux
ne serait-il pas nécessaire
, pour prendre pied sur les
marchés extra-européens, notamment américains et
asiatiques ?
Dans cette perspective, l'alliance franco-allemande permettrait, dans un
premier temps, de constituer un pôle de messagerie très fort en
Europe. Dès lors, il serait possible d'envisager, pour conquérir
les autres marchés mondiaux en croissance, d'adopter une
stratégie similaire à celle qui a conduit France
Télécom et Deutsche Telekom à s'associer, puis à
s'allier à un opérateur américain Sprint pour constituer
Global One.
On voit bien que pour toutes les industries de réseau (qu'il s'agisse de
télécommunications, de transports aériens, etc.), la
politique en matière d'alliances internationales devient primordiale et
supporte difficilement les atermoiements.
La France ne doit pas être la lanterne rouge en la matière.
Prenons garde : Royal Mail a pris pour partenaires plusieurs
sociétés américaines spécialisées dans le
marketing direct et le transport ainsi que des transporteurs européens
(la société française Extand, par exemple). Parcel force a
noué des partenariats avec d'autres administrations postales et
n'hésite pas à s'allier avec des opérateurs privés
(tel que le réseau français Jet).
On peut d'ailleurs se demander si de telles alliances internationales n'ont
pas vocation à déboucher, à terme, sur des
partenariats
capitalistiques.
De même, faut-il avoir conscience qu'une des voies de
développement pour les postes les plus avancées passera par la
participation à des opérations de privatisation
d'opérateurs postaux. La Poste française est sollicitée
régulièrement pour y participer.
Peut-on, dans ces conditions, ne pas laisser ouvert le débat sur une
éventuelle capitalisation, à terme, de notre opérateur
public ?
B. L'ADAPTATION COMME GAGE DE SURVIE
En réalité, l'avenir des services postaux
français concerne, à un degré ou à un autre,
l'ensemble du pays : l'opérateur public lui-même et ses
personnels, bien sûr, au premier chef ; mais aussi les élus -tant
nationaux que locaux- et l'ensemble des utilisateurs, c'est-à-dire, ni
plus ni moins, tous nos concitoyens.
Pour relever ses défis, La Poste doit d'abord compter sur
elle-même et sur ses personnels et, pour cela, élaborer une
véritable stratégie d'entreprise ; cette dernière
doit s'inscrire dans un projet collectif national.
1. Elaborer une véritable stratégie d'entreprise
L'adage : "
il n'est de richesses que d'hommes
et de
femmes
" s'applique tout particulièrement à La Poste,
entreprise de main d'oeuvre par excellence.
La survie d'une telle entreprise repose avant tout sur les épaules de
ses dirigeants et de l'ensemble de ses personnels. On l'a vu
142(
*
)
, l'atout humain est sans doute le plus grands des
atouts dont dispose La Poste pour mener à bien son évolution.
Votre rapporteur a pu constater, au cours des forums de discussion qu'il a
organisés avec les postiers sur le terrain, à quel point les
300.000 agents de La Poste étaient attachés à leur
métier, à leur entreprise et au service public ; à quel
point ils avaient, par ailleurs, conscience de certaines des charges qui
menaçaient l'avenir de leur entreprise, notamment le défi de la
concurrence ; à quel point aussi ils savaient mobiliser leur
énergie pour s'adapter à de nouveaux métiers ou à
de nouvelles techniques.
Mais votre rapporteur a également pu percevoir chez certains, des
interrogations, une inquiétude -fort compréhensible face à
l'avenir dont les contours semblent incertains, voire même une sorte de
découragement.
Beaucoup se sont émus auprès de lui d'avoir, certes, une
conscience diffuse des problèmes, mais d'en ignorer les causes et
l'ampleur véritables, et les solutions plus encore.
En fait, les postiers ont besoin qu'on leur explique la
réalité de leur situation et, au-delà, qu'on leur ouvre
des perspectives. Celles-ci ne sauraient bien sûr se résumer
à un objectif de compétitivité, certes indispensable
à la survie de l'entreprise, mais limité et devant s'inscrire
dans un cadre plus global. En fait, les postiers ont surtout besoin de
VISIBILITE. Ils ont besoin qu'on éclaire leur avenir et qu'on leur trace
des pespectives conciliant efficacité et ambition sociale.
C'est dans ces conditions que La Poste pourra mobiliser toutes ses
énergies et ses ressources humaines pour entreprendre et réussir
une stratégie résolument réformatrice et pragmatique.
L'équipe dirigeante, qui a su faire preuve de lucidité et de
courage, se doit de mettre en oeuvre une véritable stratégie
d'entreprise qui devra s'inscrire dans un projet collectif national, en
application d'une formule du type : "
Postiers, aidez-vous et
l'Etat
vous aidera "
.
2. ...qui s'inscrive dans un projet collectif
La Poste doit valoriser ses atouts
143(
*
)
, qui sont réels, au premier rang desquels sa
richesse humaine, mais aussi ses savoir-faire ou son réseau. Mais, les
handicaps
144(
*
)
qui l'entravent, plus que la
freiner dans son élan, sont de véritables boulets qui pourraient
l'entraîner à sa perte si la Nation n'en allégeait pas le
poids.
Des efforts peuvent et doivent être demandés à La Poste
et aux postiers. Mais, pour être durablement fructueux, ceux-ci devront
être soutenus par une ambition, un effort, un engagement collectif.
L'Etat pourra-t-il laisser les comptes de l'opérateur national
s'alourdir chaque année de charges de retraites à la
dérive ? L'Etat pourra-t-il continuer à imposer à La Poste
des missions de services public dont les charges sont insuffisamment
compensées (présence rurale, rôle social en milieu urbain,
transport de la presse...) ? La réponse est clairement : non.
L'Etat, les élus, les citoyens, peuvent-ils demander aux postiers de
faire des efforts pour améliorer le service rendu, la
compétitivité, s'adapter aux nouveaux métiers... sans,
parallèlement et, en quelque sorte en contrepartie, prendre leur part
d'un effort qui ne peut être que collectif, et dans le même temps
défendre une conception du réseau postal qui date du temps
où tous les facteurs allaient à pied ?
Dans cet esprit, les postiers et la Nation ne pourraient-il pas s'engager
l'un vis-à-vis de l'autre, au travers d'un véritable projet
collectif pour le service postal, dans lequel s'inscrirait la stratégie
de notre opérateur national ?
Votre rapporteur est convaincu qu'il n'existe pas d'alternative. En
définitive, faut-il s'en plaindre ? N'est-ce pas là un beau
projet collectif que de dresser, ensemble, des perspectives d'avenir à
notre plus grande entreprise nationale ?
C. LA NATION DOIT L'ACCOMPAGNER
Si l'accord de Dublin, qui a fondé la position commune du Conseil des ministres européens du 18 décembre 1996, constitue l'un des atouts majeurs de La Poste, il convient d'avoir conscience que " l'Histoire ne repasse jamais deux fois les mêmes plats".
1. Elle a déjà commencé : l'accord de Dublin est une chance historique
Votre rapporteur a parfois entendu dire, à l'occasion
des forums de discussion qu'il a organisés avec des postiers dans cinq
départements au cours des derniers mois, que, si La Poste se trouvait
aujourd'hui confrontée à des défis importants, la
responsabilité en revenait aux hommes politiques qui l'avait
engagée dans une voie difficile.
Une telle vision des choses -qui se trouve sans doute parfois encouragée
par des discours vantant les charmes de l'immobilité- n'est pas conforme
à la vérité. Elle est même son exacte inversion. Les
évolutions auxquelles La Poste doit s'adapter résultent
fondamentalement des " révolutions " technologiques et des
mutations économiques du monde occidental.
Si La Poste a aujourd'hui de solides chances de demeurer une grande entreprise
nationale et peut être encore de devenir, au XXIe siècle, un
opérateur international d'envergure, c'est bien parce que les hommes
politiques français -à commencer par le Président de la
République, Jacques Chirac- ont obtenu à l'arraché qu'elle
dispose encore de quelques années pour s'adapter. L'énergie et le
talent qu'ils ont déployés pour sauver notre opérateur
postal ne doivent pas être passés sous silence, ni en aucun cas
être caricaturé.
Il ne faut pas croire que la partie était gagnée d'avance.
Tant s'en faut.
Votre rapporteur se souvient avoir rencontré peu de
temps avant le sommet de Dublin, M. François Fillon qui arpentait
alors les capitales européennes pour rencontrer ses homologues et
défendre un dossier auquel ils étaient dans leur grande
majorité hostiles. Il lui avait alors confié :
"
j'espère que nous arriverons à enrayer le processsus,
mais je n'en suis pas sûr et si nous n'y arrivions pas, cela
entraînerait de sérieux problèmes car nos postiers ne sont
pas encore prêts à affronter une concurrence aussi large que celle
qui est envisagée
".
Ceci étant, les Français dans leur ensemble et les postiers
eux-mêmes doivent aujourd'hui avoir conscience que le répit que
les responsables politiques ont ainsi obtenu ne se prorogera pas au-delà
de 2003.
Il n'y aura pas un deuxième compromis de Dublin
.
En effet, il faut être conscient qu'il s'agissait là " d'un
coup à une balle ". Ne nous leurrons pas : les autres Etats
membres, au premier rang desquels l'Allemagne elle-même, notre partenaire
de Dublin, ne nous donnerons pas une deuxième chance historique. Le
Bundestag ne vient-il pas, en effet, d'aller beaucoup plus loin et beaucoup
plus vite que le projet de directive en adoptant, le
9 octobre dernier, un projet de loi tendant à limiter le
monopole de la Deutsche Post AG aux lettres de moins de 100 grammes et
coûtant moins de 5,5 deustche marks d'affranchissement dès
1998, (hors envois en nombre, qui seraient exclus du monopole dès 1998)
et à supprimer ce monopole le 31 décembre 2002 ?
2. Elle ne pourra persévérer que si toutes les forces vives de La Poste se mobilisent
La France n'avait qu'un joker. Elle l'a joué. Elle a
gagné. Mais soyons clairs : elle a gagné cinq ans, ni plus ni
moins, c'est-à-dire un répit. C'est beaucoup et c'est peu
à la fois : beaucoup, parce que sans lui, ce n'est pas 50 % du
chiffre d'affaires courrier de La Poste qui aurait été soumis
à la concurrence en 1998, mais les deux tiers ; peu, dans la mesure
où la contraction du monopole se poursuivra. Avec une ouverture au
marché du publipostage et du courrier transfrontalier plus que probable
en 2003, c'est alors 67 % du chiffre d'affaires courrier qui ne pourra
plus être protégé par le monopole.
Si La Poste et les postiers comprennent qu'il y va de leur avenir ; s'ils
mettent le répit obtenu à profit pour poursuivre les adaptations
nécessaires ; s'ils font que l'entreprise devienne suffisamment
dynamique et compétitive pour pouvoir affronter sans complexe la
concurrence qui ne manquera pas d'aller croissant ; s'ils réalisent
qu'ils n'ont pas de temps à perdre : alors, la collectivité
ne pourra hésiter à s'engager à leurs côtés.
En revanche, s'ils excipent de leurs droits en oubliant leurs devoirs ;
s'ils s'appuient sur les efforts des contribuables pour financer leurs
retraites mais que dans le même temps ils interdisent -par des blocages
du réseau- à ceux qui les aident, de recevoir leur courrier et
leurs colis, si de ce fait, ils menacent leur emplois. Alors là le lien
affectif historique entre les postiers et le pays sera entamé. Postiers,
en définitive, votre avenir vous appartient ! Vous en avez la
responsabilité : n'hésitez pas ; assumez-la !
CHAPITRE II -
CRÉONS LES CONDITIONS
NATIONALES DU SUCCÈS
Sauver La Poste, tel est l'objectif !
Au total, les conditions du succès sont au nombre de sept : le
maintien du statut public de l'opérateur ; la définition
d'un service public ambitieux ; le développement d'une conception
innovante du réseau ; l'optimisation de l'aide postale à la
presse ; le fait de conforter les compétences financières de La
Poste ; la juste compensation de ses charges financières, d'une
part, en clarifiant les relations financières entre l'Etat et
l'opérateur et, d'autre part, en recherchant une solution à la
dérive des retraites ; enfin, dans la mobilisation résolue
de La Poste et de ses personnels.
I. LA POSTE DOIT RESTER UN OPÉRATEUR PUBLIC AU SERVICE DU PAYS.
A en croire des échos publiés dans une frange de
la presse d'opinion, le présent rapport n'aurait pour ambition que de
recommander la privatisation de La Poste. Il n'en est rien !
Tant pour la Commission des Affaires économiques que pour le groupe
d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications du Sénat,
La Poste doit conserver
son statut public et les droits de ses personnels ayant la qualité de
fonctionnaires doivent être préservés
.
A. LA PRIVATISATION EST EXCLUE
1. Il n'y a pas de motif de privatisation et il existe beaucoup de raisons au maintien du statut public
A contempler le paysage postal européen, on
s'aperçoit que les processus de privatisation d'un opérateur
historique déjà accomplis ou en voie d'être menés
reposent, soit sur la volonté de remédier à une
qualité de service défaillante, soit sur la préoccupation
de donner à cet opérateur tous les moyens d'adopter un
comportement prioritairement commercial.
Le projet de privatisation d'
Ente Poste
, la poste italienne
relève de la première catégorie de motifs. Songeons
qu'à Rome, pour une lettre postée dans un quartier de la ville
à destination d'un autre quartier, il est fréquent que
l'acheminement prenne dix jours et qu'il n'est pas rare qu'il en
nécessite quinze. A tel point que les touristes avertis, effectuant un
séjour dans la ville éternelle, préfèrent confier
leur courrier à la poste du Vatican, pour qu'il n'arrive pas à
bon port après qu'ils soient rentrés dans leur pays.
La privatisation de KPN, opérateur à l'inverse très
efficace, illustre quant à elle l'autre objectif pouvant être
poursuivi : organiser l'adaptation la plus rapide possible d'une poste
historique à des exigences presque exclusivement commerciales.
Ni l'une ni l'autre de ces hypothèses ne concernent La Poste
française. La qualité des services qu'elle assure est globalement
bonne
145(
*
)
, et l'Etat n'a jamais eu l'ambition
d'en faire un " prédateur " du repostage et un destructeur
des
idéaux de l'Union postale universelle.
En revanche,
il existe de puissantes raisons de conserver à La Poste
son statut d'opérateur public
.
La première d'entre elles est que les Français sont
attachés à une poste publique de service public. On l'a
souligné antérieurement, en France, contrairement à
d'autres pays, on considère le plus souvent que seules des personnes
publiques présentent les garanties suffisantes pour accomplir
correctement des missions d'intérêt
général
146(
*
)
. Les
Français, dans l'ensemble aiment leur poste comme elle est et
n'éprouvent pas le besoin de la changer.
D'autre part, l'Etat ne peut en aucun cas envisager de se dépouiller des
moyens d'action dont il dispose, au travers de La Poste, pour fournir à
la Nation des services qui ne relèvent pas du secteur marchand : aide au
transport et à la distribution de la presse démocratique,
participation à l'aménagement du territoire, accueil financier
des moins favorisés ... Le Président de la République
l'a affirmé clairement : "
La Poste est le coeur du service
public.
".
Alors, peut-on sérieusement imaginer de privatiser " l'aïeule
des services publics de la vie quotidienne "
147(
*
)
? A l'évidence, non ! Et si, par impossible,
d'aucuns en caressaient le projet, ils se heurteraient à un
problème constitutionnel.
2. Une privatisation poserait un problème constitutionnel
Votre rapporteur l'avait déjà souligné
lors de l'examen de la situation de France Télécom auquel il
avait procédé l'an dernier
148(
*
)
: nos
règles constitutionnelles ne
permettent pas d'envisager la privatisation d'un service public national.
En effet, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
dispose, en son 9ème alinéa, que : "
Tout bien,
toute entreprise, dont l'exploitation a, ou acquiert, les caractères
d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la
propriété de la collectivité
".
Le premier alinéa du préambule de la Constitution du
4 octobre 1958 précise, quant à lui, que :
"
Le peuple français proclame solennellement on attachement aux
Droits de l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels
qu'il ont été définis par la Déclaration de 1789,
confirmée et complétée par le préambule de la
Constitution de 1946
".
S'appuyant sur ce dernier texte, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel
considère que les principes énoncés dans le
préambule de la Constitution de 1946 ont, comme ceux proclamés
par la Déclaration de 1789, valeur constitutionnelle et qu'ils
s'imposent aux lois. La Haute Juridiction s'estime donc fondée à
censurer une disposition législative qui ne respecterait pas l'un de ces
principes.
Or, il est clair que, dans le cadre de la nouvelle réglementation
postale qui devrait découler des réformes poussées
à Bruxelles,
La Poste, aura, à la fois, les caractères
d'un service public national
(rien ne s'opposera à ce qu'elle
continue à assumer cette fonction pour le courrier et pour la presse)
et d'un monopole
: elle pourra se voir attribuer des droits
exclusifs sur certains services (les services réservés) et le
présent rapport avancera des préconisations en ce sens.
Dans ces conditions, si elle n'était pas déjà une
entreprise nationale, l'application du préambule de la Constitution de
1946 conduirait à ce qu'elle le devienne. Il est donc, a fortiori, hors
de question qu'elle puisse perdre cette qualité. Si d'aventure, un
projet de loi visant à la privatiser était déposé
et adopté, le Conseil Constitutionnel ne pourrait que le censurer.
3. Le respect des engagements de l'Etat envers les fonctionnaires de La Poste impose un statut public de l'opérateur
Pour environ 80 % d'entre eux, les personnels de La
Poste sont des fonctionnaires qui ont été recrutés par
l'Etat soit directement (s'ils sont débuté leur carrière
avant le 1er janvier 1991), soit indirectement (s'ils sont
entrés à La Poste après sa transformation en exploitant
autonome). Cependant, dans les deux cas, l'Etat -et à travers lui la
collectivité nationale- a souscrit envers eux des engagements (garanties
statutaires, droit à la retraite dans les conditions définies au
code des pensions civiles et militaires, sécurité de l'emploi...)
en contrepartie du choix qu'ils ont fait de servir le public et d'accepter des
devoirs de leur fonction.
Cette analyse n'est pas contestable : l'article 29 de la loi du
2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de
la poste et des télécommunications, dispose que les personnels de
La Poste sont assujettis aux lois de 1983 et 1984 portant, d'une part, droits
et obligations des fonctionnaires et, d'autre part, dispositions statutaires
relatives à la fonction publique de l'Etat
149(
*
)
.
L'Etat ne peut donc se soustraire aux obligations qu'il a souscrites envers
ceux et celles qui ont choisi d'embrasser la carrière de fonctionnaire
des postes en raison de leur attachement au service public ou de l'attirance
pour le statut qui leur était proposé.
Or, c'est un principe constant de notre législation que seules des
personnes morales de droit public peuvent employer des fonctionnaires
.
Cet impératif a d'ailleurs été rappelé par le
Conseil d'Etat lorsqu'il a été saisi de la question de savoir
dans quelle mesure, si France Télécom était
transformée en société anonyme, il serait
constitutionnellement possible d'y placer des corps de fonctionnaires de
l'Etat. La réponse a été donnée sans aucune
équivoque dans l'avis -maintenant public- que le Conseil a rendu le
18 novembre 1993. Selon cet avis, une telle hypothèse ne
pourrait s'envisager qu'à la condition express, entre autres exigences,
que la loi créant une telle société prévoie
que : " [...]
le capital de cette société anonyme
devra demeurer
majoritairement détenu
, de manière directe
ou indirecte,
par l'Etat
, responsable en dernier ressort du bon
fonctionnement de ce service public national
[...] ".
Pour que l'Etat tienne les engagements moraux et juridiques qu'il a
contractés envers les fonctionnaires de La Poste
(260.000 personnes), il est donc impératif que cette
dernière demeure une entreprise publique.
L'absence de nécessité économique ou sociale,
l'exigence constitutionnelle et la morale politique se conjuguent donc pour
exclure, d'une manière absolue, la privatisation de La Poste.
Doit-on cependant, comme pour France Télécom envisager, en
restant dans un cadre strictement public, une transformation en
société anonyme d'Etat, afin que La Poste dispose d'un
capital ?
Faut-il
, en d'autres termes,
faire de l'exploitant
autonome de droit public une entreprise nationalisée
?
Votre commission et votre groupe d'études ne l'estiment pas
indispensable.
B. UNE SOCIÉTISATION N'APPARAÎT PAS INDISPENSABLE
1. Sociétisation n'est pas privatisation
Quand on absorbe la question du statut d'une entreprise
publique, il est indispensable de procéder à une clarification de
vocabulaire tant la langue française, si riche par ailleurs, manque
quelque peu de nuances pour décrire les réalités en ce
domaine.
En effet, par déformation angliciste ou autre cause, notre langue ne
distingue pas la différence essentielle qui existe entre, d'une part,
endosser les " habits juridiques " d'une personne morale de
droit
privé tout en demeurant une personne morale de droit public et, d'autre
part, de personne publique devenir personne privée. Dans les deux cas,
elle emploie le même mot : " privatisation ",
alors
qu'une entreprise n'a un caractère privé que lorsque ce sont des
intérêts privés qui la contrôlent
. Une
société anonyme dont l'Etat est propriétaire à
100 %, voire seulement à plus de 50 %, est une entreprise
publique et non pas privée.
De 1937 à 1983, la SNCF a été une société
anonyme détenue par l'Etat. Celui qui aurait argué qu'elle
était privatisée parce qu'elle avait une forme sociale de nature
commerciale se serait fait rire au nez !
C'est pourquoi, à l'occasion de la réflexion qu'il avait
menée sur France Télécom, votre rapporteur avait
forgé le néologisme " sociétisation " -qui
semble en passe de s'ancrer dans le langage commun- pour exprimer sans
ambiguïté l'idée qu'une entreprise publique pouvait
être transformée en société anonyme sans être
pour autant privatisée.
Aujourd'hui, les fonctionnaires de France Télécom sont devenus,
pour partie, propriétaires de leur entreprise qui demeure une entreprise
publique chargée du service public des télécommunications.
Ils n'ont pas dû renoncer à leur statut ; France
Télécom n'a pas été privatisée ; l'Etat en
demeure l'actionnaire majoritaire. Ceux qui pendant longtemps ont
répandu des rumeurs alarmistes et alarmantes sur ce sujet se sont donc
fourvoyés dans une approche idéologique des
réalités.
Est-ce à dire que, tout comme pour France Télécom, une
sociétisation présenterait un intérêt pour les
postiers, pour La Poste et pour la Nation ? Il ne le semble pas.
2. La relative faiblesse capitalistique des activités postales n'impose pas de sociétisation
La sociétisation d'une entreprise publique
exposée au choc concurrentiel présente plusieurs avantages :
- elle lui confère une autonomie de gestion plus importante que le
régime d'établissement public ;
- elle lui fournit des instruments plus efficaces de
réactivité commerciale fort utiles dans un environnement
économique mouvant ;
- et son capital social constitue le meilleur moyen de nouer des alliances
stratégiques avec d'autres partenaires car il permet l'échange
d'actions.
Pour La Poste, les deux premiers avantages ne pourraient que lui permettre de
conforter et de dynamiser l'ensemble de ses activités, dans une logique
d'entreprise.
Quand on sait que l'opérateur est appelé à exercer une
part croissante de ses activités dans le secteur marchand, on ne peut
sous-estimer l'intérêt qu'il aurait à se libérer du
relatif carcan administratif dans lequel il évolue aujourd'hui.
Cependant, dans ce cas, ne serait-il pas tenté de succomber un peu trop
aux " sirènes " du marché et ne se trouverait-il pas
incité à privilégier l'objectif de
compétitivité au détriment de ses devoirs de service
public ?
La question mérite d'être formulée : les
bénéfices dégagés sur ses activités
concurrentielles plus librement exercées n'offriraient-ils pas, en
définitive, à La Poste le moyen le plus sûr d'assurer les
missions de service public que l'Etat lui impose sans lui en donner
véritablement, ou suffisamment, les ressources ? Le problème
ne se poserait d'ailleurs pas en ces termes, si l'Etat assurait pleinement les
conséquences des responsabilités qu'il confie à
l'opérateur public et s'il ne lui faisait pas encourir le risque, face
à la montée de la concurrence, de creuser les déficits.
Mais si, dans ces conditions, La Poste gagnerait vraisemblablement à
être moins soumise à la tutelle de l'Etat, ce dernier -et surtout
Bercy- n'y gagnerait sans doute pas. Aussi, eu égard aux tentations
évoquées précédemment, apparaîtrait-il
aujourd'hui imprudent de ne pas maintenir La Poste dans l'étroite orbite
de l'Etat.
Le troisième avantage de la sociétisation (les alliances,
notamment internationales, confortées par des échanges en
capital) n'a pas, eu égard à la situation postale
française, le caractère décisif qu'il présentait
pour France Télécom.
Pour France Télécom, il s'agissait d'un impératif vital si
la France voulait conserver son opérateur national dans le peloton de
tête des " grands mondiaux ".
En effet, l'importance des investissements à consentir dans le secteur
des télécommunications, au cours des dix ans à venir,
excluait que des accords d'importance puissent se nouer ailleurs qu'au centre
des groupes en présence. Quand les projets à développer
ensemble se chiffrent en dizaines de milliards de francs, on ne traite pas par
filiales interposées !
Tel n'est pas le cas dans le secteur postal. Les activités n'y ont pas
cette intensité capitalistique ; elles obéissent d'abord
à une logique d'industrie de main d'oeuvre. C'est pourquoi, en
l'état actuel de la situation, la négociation et la conclusion
d'alliances au travers de filiales n'apparaît pas une mauvaise solution.
C. LES ALLIANCES AVEC DES PARTENAIRES ÉTRANGERS POURRAIENT ÊTRE CONCLUES PAR FILIALES INTERPOSÉES MAIS LE DÉBAT DOIT RESTER OUVERT
Cette solution a d'ores et déjà
été employée par La Poste. Lorsqu'elle s'est
associée à d'autres postes européennes pour devenir
partenaire de TNT, les accords commerciaux correspondants ont été
concrétisés au sein d'une joint venture : GDNet. Depuis la
dissolution de GDNet -suite au rachat de TNT par la poste néerlandaise-
l'accord avec TNT sur le courrier express -en vigueur jusqu'en 2001- est mis en
oeuvre par Chronopost, filiale de La Poste.
La question peut toutefois se poser de savoir si les hautes ambitions que le
pays peut nourrir pour La Poste pourront toujours se satisfaire de ce cadre,
somme toute étriqué. Si La Poste devait, un jour, s'affirmer
en propre
sur le marché de la messagerie internationale
-ce en quoi on ne peut que l'encourager tant ce dernier apparaît porteur
d'avenir- les indispensables alliances qu'elle devra passer pour ce faire avec
d'autres grands opérateurs pourraient-elles alors se concrétiser
au travers de filiales qui sont aujourd'hui faiblement
capitalisées ?
Songeons, avant de répondre, à ce que coûte une flotte
d'avions du dixième de celle d'UPS ou de Fedex. Demandons-nous ensuite
si un tel investissement est totalement improbable ? La réponse
semble s'imposer : oui, il est improbable si La Poste demeure un simple
opérateur national ; non, il ne l'est pas si elle souhaite,
à terme, émerger comme un puissant intégrateur
européen.
Dans cette dernière perspective, quelle serait la solution ? Elle
semble couler d'elle-même : recapitaliser la filiale
concernée à hauteur nécessaire pour lui permettre de lever
-avec ses alliés- les fonds adéquats sur les marchés
financiers.
Cependant, dans une telle hypothèse, la filiale ne deviendrait-elle pas
plus grosse que la maison-mère par la taille financière ?
Cela relève du domaine du probable. Comment réagiraient alors les
postiers à une nouvelle de ce type, quand on sait à quel point
leurs organisations représentatives sont sensibles à ces
sujets ?
Il n'appartient pas à votre Commission et à votre groupe
d'études de répondre à toutes ces questions dans le cadre
du présent rapport. Il leur incombait, en revanche, de les poser.
II. DÉFINISSONS UN SERVICE PUBLIC AMBITIEUX
On l'a dit précédemment, tout laisse à
penser que le projet de directive européenne sera adopté par le
Conseil des ministres d'ici la fin de cette année.
C'est une chance pour la France qui a obtenu, dans la droite ligne du Compromis
de Dublin
150(
*
)
passé entre le
Président Chirac et le Chancellier Kohl, que cette étape
essentielle dans la réalisation du marché postal européen
se réalise sur la base d'une " démonopolisation "
progressive et non brutale.
Notre pays devra valoriser cet acquis et définir un service public
à la fois ambitieux et évolutif. Il importera, dans le même
temps de conforter ce dernier, d'une part, en garantissant, mieux
qu'aujourd'hui, le respect du monopole ; d'autre part, en enrichissant ce
dernier d'un nouveau service : le timbre électronique.
A. DE LA DIRECTIVE AU DROIT NATIONAL : POUR UN SERVICE PUBLIC AMBITIEUX ET ÉVOLUTIF
Fidèles à la tradition et à la culture françaises, nous nous devons d'assurer à nos concitoyens un service public postal de haut niveau et de garantir les moyens de son financement, ainsi que de sa pérennité.
1. Une première exigence : un service public postal de haut niveau
a) La transposition de la directive : des marges de flexibilité à utiliser
Le projet de directive -qui a vocation a être
transposée en droit national- garantit, on l'a vu
précédemment
151(
*
)
, l'existence
d'un service universel fondé sur deux types d'assurances pour l'usager :
d'une part, en terme d'accessibilité au service (points de contacts,
nombre de jours de distribution, tarifs abordables) et de qualité de
service ; d'autre part, en terme d'offre de produit minimale (lettres
jusqu'à 2 kilogrammes, colis jusqu'à 10 kilogrammes,
envois recommandés). Ainsi, la prestation d'un service postal complet et
de qualité en tout point du territoire de l'Union est garantie,
s'inspirant des préoccupations françaises de cohésion
sociale et territoriale.
Le service universel défini par la directive constitue un seuil de
services devant impérativement être assurés, mais les
États membres ont la faculté de l'élargir.
En effet, bien que les services composant le service universel soient
énumérés de façon exhaustive, leur mise en oeuvre
laisse une marge d'appréciation non négligeable aux États
membres. Il en est ainsi du nombre de " points d'accès " du
public au service postal, du sort des colis de 10 à 20 kgs ou du
tarif domestique unique, et, par là même, de l'étendue de
la péréquation tarifaire. De même,
chaque État
membre peut compléter les missions assignées à
l'opérateur postal en termes d'aménagement du territoire, de
transport de la presse, de services financiers..., quitte alors à en
assurer le financement par d'autres moyens que ceux réservés au
service universel.
Il appartient également à chaque pays de juger de
l'opportunité de désigner un seul ou plusieurs prestataires du
service universel sur son territoire.
b) Assurons les moyens du financement et la pérennité du service universel postal français pour garantir un haut niveau d'ambition au service public du courrier
On a déjà exposé
152(
*
)
que
les moyens de financement de l'opérateur
chargé du service universel postal pouvaient, en vertu de la proposition
de directive, être assurés selon deux modalités :
- des services réservés, c'est à dire un monopole ;
- un fonds de compensation, alimenté le cas échéant
par les opérateurs postaux autres que les prestataires de service
universel.
(1) Une garantie : le monopole
Votre rapporteur souhaite que la France définisse un
périmètre du monopole postal aussi étendu que l'y autorise
le projet de directive, c'est à dire qu'il englobe la levée, le
transport, le tri et la distribution des lettres de moins de 350 grammes et
d'un tarif inférieur à 5 fois le tarif de base, y compris le
publipostage et le courrier transfrontières.
Dans ces conditions, 50 % du trafic courrier actuel de La Poste restera
sous monopole, contre 75 % aujourd'hui. Ceci ne sera possible, en
application de la directive, que pour autant que ce monopole sera
nécessaire à La Poste pour remplir ses missions de service
universel. Il y a cependant fort à parier que les ressources issues de
ce monopole ne devraient pas suffire à assurer le financement des
missions de service universel de La Poste.
(2) Un filet de sécurité : le fonds de compensation
C'est pourquoi, votre rapporteur suggère que soit
créé parallèlement un fonds de compensation, auquel
contribueraient les opérateurs postaux intervenant sur les
marchés hors monopole et qui compléterait le financement du
service universel.
La directive autorise-t-elle ce recours simultané aux deux modes de
compensation de la charge de service universel ?
Oui, dans la mesure où elle ne l'exclue pas ; telle est
l'interprétation qui a été avancée à votre
rapporteur par ses interlocuteurs bruxellois. Il est vrai que jusqu'ici le
problème ne s'était pas posé pour les directives traitant
des autres industries de réseaux. C'est ainsi qu'en matière de
télécommunications, par exemple, le problème n'a pas
été évoqué puisque, l'ouverture à la
concurrence étant globale, toute forme de droits réservés
a été exclue. Dès lors, la création d'un fonds de
compensation s'imposait.
Bien que d'un niveau sans doute modeste au départ, un fonds de
compensation du service postal aurait pour avantage de familiariser La Poste et
les pouvoirs publics avec le fonctionnement de ce mode de financement du
service universel
. Cet apprentissage serait utile dans la mesure où,
en cas d'ouverture à la concurrence du publipostage et du courrier
transfrontalier, comme le souhaitent une grande majorité d'États
membres, seuls 33 % du chiffre d'affaires courrier de La Poste (soit
25 % de son chiffre d'affaires total) pourraient continuer à
être placés sous la protection d'un monopole. La Suède
s'apprête à mettre en place un tel système de financement
du service universel. Dans cette perspective, l'évaluation du coût
de ce dernier fait à l'heure actuelle l'objet de discussions.
Le recours au fonds de compensation ne devrait donc aller qu'en s'accroissant.
Cependant, dans tous les cas, La Poste devra justifier le mode de calcul du
coût de ses missions de service universel.
2. Une seconde exigence : une comptabilité analytique aux résultats incontestables
On l'a vu précédemment, le projet de directive
prévoit clairement que
les revenus que procurent les services
réservés et/ou le fonds de compensation ne peuvent servir
qu'à soutenir la fourniture du service universel défini
nationalement, à l'exclusion de toute mission de service
supplémentaire qu'un État membre pourrait décider de
confier à son opérateur postal
.
Dès lors, le mode de calcul du coût de ce service universel est
essentiel
. Le projet de directive ne donne que des guides concernant la
répartition des coûts et leur affectation à chaque service
au sein du monopole et hors monopole.
La directive, dans son article 9-4, prévoit que le fonds de compensation
doit être administré par une "
entité
indépendante du bénéficiaire
". D'après
les renseignements fournis à votre rapporteur par la Commission
européenne, cette autorité de régulation nationale devra
établir un système de calcul permettant d'évaluer les
coûts du service universel.
La Commission elle même n'interviendrait que sur le fondement de
plaintes, en cas de contestation par les concurrents de l'opérateur du
bien fondé du mode de calcul du coût du service universel et, par
conséquent, du périmètre du monopole et/ou du montant du
fonds de compensation.
En tout état de cause,
La Poste, qui a déjà
développé une comptabilité analytique,
considérée comme de bonne qualité
dans ses structures,
devrait veiller avec une intention particulière à ce que les
règles d'affectation des charges, à partir desquelles fonctionne
cette comptabilité, soient clarifiées et précisées
afin que les résultats affichés soient incontestables. La
confusion des relations financières que La Poste entretient avec l'Etat
le lui permettra-t-elle ? La question est d'importance car le projet de
directive (article 14) donne à La Poste un délai de deux ans
à compter de son adoption pour qu'elle tienne des comptes
séparés, pour chacun des services compris dans le monopole, d'une
part, et pour les activités concurrentielles d'autre part. Les comptes
relatifs à ces dernières doivent, en outre, établir une
nette distinction entre ceux qui font partie du service universel et les autres.
Enfin, le projet de directive précise que les opérateurs de
service universel devront faire vérifier leurs comptes par un
"
organe compétent indépendant
. "
Telles sont les conditions imposées par la directive pour la mise en
place des modes de financement du service universel.
Mais tout ceci n'aura de sens que si le monopole est respecté dans
les faits. Or, tel n'est pas le cas aujourd'hui.
B. ASSURONS LE RESPECT DU MONOPOLE
Comme on l'a souligné
précédemment
153(
*
)
, le monopole
s'avère difficile à faire respecter : outre les effets du
repostage -on n'y reviendra pas-, les vérifications s'avèrent
délicates ; les sanctions insuffisamment dissuasives.
A quoi sert de défendre à Bruxelles et à Paris un monopole
substantiel, s'il est " bafoué " sur le sol du pays sans que
l'outrage puisse être sanctionné dans la pratique. Soyons
cohérents et défendons son respect.
1. Créons un corps d'inspecteurs assermentés de La Poste
A l'heure actuelle, les vérifications permettant de
prouver la matérialité d'une infraction et d'ouvrir un courrier
-soumises à la présence de l'expéditeur ou du
destinataire- sont réalisées par des agents de l'administration
des postes et télécommunications ou par des officiers de police
judiciaire en vertu de mécanismes assez lourds et dont
l'efficacité semble au demeurant pouvoir être renforcée.
Sait-on que la poste américaine dispose, quant à elle, d'un
service de sécurité composé d'un corps d'inspecteurs,
assimilable à la police fédérale ? Ceux-ci disposent
du droit de perquisition, contrôlent les infractions au monopole et
participent à des enquêtes de police concernant des délits
commis par voie postale.
En France, ces tâches de contrôle -essentielles pour La Poste-,
sont confiées à des personnes extérieures à elle et
constituent pour ces personnes une mission parmi beaucoup d'autres et, de ce
fait, ne peut guère être considérée comme leur
préoccupation principale. Sans mettre en cause en aucune façon
leur compétence et leur disponibilité, votre rapporteur estime
que le contrôle du respect du monopole est un enjeu suffisamment
important pour la Poste, pour qu'elle y consacre elle-même des moyens
humains formés à cet effet.
C'est pourquoi, il propose la création d'un véritable corps
d'inspecteurs assermentés au sein de La Poste, chargés de
contrôler le respect du monopole, dans le respect -bien entendu- de la
réglementation en vigueur sur le secret des correspondances. Serait
ainsi affichée clairement la volonté politique
déterminée de lutter efficacement contre les infractions au
monopole.
2. Renforçons vigoureusement les sanctions en cas d'atteinte au monopole
Peut-on sérieusement croire que l'on dissuade l'auteur
d'infractions répétées au monopole lui permettant
d'encaisser des millions de francs en lui infligeant des amendes au total
modestes : 10.000 francs d'amende maximum pour une première
infraction ; 25.000 au maximum en cas de récidive
154(
*
)
?
Votre Commission et votre groupe d'études ne craignent pas d'affirmer
que les sanctions en cas d'infraction au monopole devraient être
vigoureusement renforcées.
Au-delà de la défense résolue du monopole qui couvre une
partie des activités traditionnelles de La Poste, il nous faut
résolument préparer l'avenir de l'opérateur public.
C. UNE URGENCE : UNE LOI D'ORIENTATION POSTALE
La France devra donc mettre à profit toutes les marges
de flexibilité ouvertes aux États membres par le projet de
directive. Elle ne saurait cependant se satisfaire d'une simple transposition
-même a maxima- des dispositions de cette directive, par le biais d'une
loi qui ne ferait que traduire cette dernière.
Elle doit aller au-delà d'une telle transposition et fixer, au
travers d'une véritable loi d'orientation postale, un cadre ambitieux
d'évolution du service public postal
.
1. Une loi d'orientation postale ambitieuse...
Votre Commission des Affaires économiques et votre
groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications souhaitent que la loi d'orientation postale
qu'ils appellent de leurs voeux désigne La Poste comme unique
prestataire du service public postal et que cette loi lui confie toutes les
missions qui lui ont été attribuées jusqu'ici.
Cette loi d'orientation postale devrait avoir pour ambition, selon des
modalités qui seront précisées ci-après, de :
- fixer les contours du monopole de La Poste afin qu'au-delà du
périmètre défini pour le service universel
européen, elle continue à satisfaire à ses obligations en
termes d'aménagement du territoire et de transport de la presse ;
- assurer un meilleur respect de ce monopole ;
- enrichir le monopole de façon à valoriser les
compétences de La Poste dans le domaine des nouvelles technologies et
à moderniser le service public ;
- fixer le cadre d'évolution du réseau postal.
2. ... doit être adoptée par le Parlement avant fin 1998
La proposition de directive donne aux États membres un
an après la date de son entrée en vigueur pour qu'ils inscrivent
ses dispositions dans leur droit national, c'est-à-dire d'ici la fin de
l'année prochaine, dans la mesure où elle a toutes les chances
d'être adoptée avant la fin de l'année 1997.
L'échéance qui s'impose ainsi à nous doit servir
l'ambition que nous caressons pour La Poste. Saisissons cette
opportunité pour tracer dans la loi d'orientation postale, dès
1998, les voies qui permettront à La Poste de relever ses défis
et d'aborder avec optimisme le XXIe siècle.
Si nous nous contentions de parcourir la moitié du chemin, tant les
postiers que l'ensemble de nos concitoyens seraient fondés à nous
reprocher de n'avoir pas -telle l'autruche- voulu voir la réalité
des choses. Nous n'en avons pas le droit.
L'an 1998 doit marquer d'une pierre de touche l'histoire du service public
postal. Nous n'avons pas de temps à perdre.
3. Une définition évolutive du service public
Le service public doit s'adapter aux besoins des citoyens,
aux
évolutions technologiques, ainsi qu'aux exigences nouvelles de
l'intérêt général. Le projet de directive tient
compte de cette nécessité et prévoit des clauses de
rendez-vous, de façon à faire du service universel un concept
dynamique et évolutif.
La loi française devra, elle aussi, comporter des clauses de
rendez-vous de façon à adapter régulièrement le
service public au plus près des attentes des citoyens.
D. PRÉPARONS L'AVENIR : LE TIMBRE ÉLECTRONIQUE
Le courrier électronique tend de plus en plus à
se substituer au courrier papier.
Or, la sécurité des échanges électroniques n'est
guère assurée. La Poste peut jouer le rôle de garant en la
matière. Qui plus est, pourquoi ne pas se projeter dans l'avenir et
inventer le bureau virtuel de demain ?
1. La sécurité des échanges électroniques n'est pas assurée
Nous sommes entrés dans l'ère du
" web " mais ayons conscience que nous n'en découvrons
encore
que les premiers balbutiements, en nous rappelant que l'on comptait
65 millions
155(
*
)
d'Internautes sur la
planète début 1997 et que ce chiffre pourrait atteindre
300 millions dès l'an 2000.
156(
*
)
Avec Internet, le courrier électronique explose. Or, alors que les
échanges physiques de courrier offrent toutes les garanties
d'authenticité et de certification -ne dit-on pas que "
le
timbre postal
fait foi
"
?-
, le courrier
électronique n'en offre encore aucune : ni la date de son
émission, ni son contenu, ni son signataire ne sont authentifiés.
C'est d'ailleurs une des principales vulnérabilités d'Internet.
Les échanges écrits de la vie quotidienne -du courrier d'un
particulier à son notaire ou son avocat, à la lettre
recommandée signifiant de nouvelles conditions à son locataire-
n'étant pas assez sécurisés, n'y a-t-il pas là un
frein naturel à leur translation électronique ? Pire, les
entreprises, de l'achat d'un logiciel à la vente des produits de son
catalogue sur Internet, ne pourront se satisfaire d'une situation qui menacera
la sécurité de leurs contrats commerciaux. Dans ces conditions,
n'y a-t-il pas un marché porteur à conquérir pour La Poste
?
2. Le timbre électronique postal fera foi
a) Le courrier électronique : une chance pour La Poste
Le développement du courrier électronique
pourrait devenir une véritable chance pour La Poste, si elle sait se
projeter dans l'avenir et se positionner sur ce marché, le plus
menaçant pour ses activités courrier traditionnelles.
En
d'autres termes, elle pourrait faire d'une menace un atout
.
La Poste devrait valoriser son expérience en la matière, en
procédant, par exemple, à l'adaptation électronique du
service des lettres recommandées, dotées ou non d'accusés
de réception. Son service
Télépost
propose
déjà ce type de produit, avec un abonnement au courrier
électronique assorti d'un mode sécurisé permettant de
recevoir un accusé de réception des messages émis, pouvant
être complété par une fonction d'authentification.
Au-delà, ne pourrait-on imaginer qu'elle devienne l'organisme de
certification des courriers électroniques ?
Pourquoi ne pas envisager la création d'un véritable timbre
électronique faisant foi -tout comme le timbre à l'effigie de
Marianne- pour l'ensemble des transactions électroniques ?
Certes, la nature ayant horreur du vide, le secteur privé s'attache
lui-même à trouver des procédures d'habilitation
suffisamment fiables. Mais, peut-on laisser au seul marché, à la
seule logique commerciale et financière, le soin de régir la
sécurisation et la fiabilité des transactions ?
b) Vers une habilitation publique de la certification postale électronique ?
Ne conviendrait-il pas plutôt d'envisager pour la
France, et pourquoi pas pour l'Union européenne, de réserver -au
moins dans un premier temps- cette habilitation de certification des courriers
électroniques aux postes historiques, c'est-à-dire aux
entreprises ayant fait preuve de leur fiabilité au cours des
décennies passées ?
Ne serait-ce pas là un grand projet pour La Poste française et
pour les postes européennes ?
Et ce projet ne donnerait-il pas
à l'Europe un excellent moyen de reprendre pied sur le réseau
Internet
, dominé par les Américains, en améliorant la
fiabilité des correspondances ?
Cette stratégie offensive permettrait, en outre, de faire en sorte que
le monopole de La Poste garde une certaine consistance.
Ayons, en effet, présent à l'esprit que les ressources issues du
monopole risquent d'aller en s'amenuisant sous l'effet de la contraction des
flux postaux qu'il recouvre. Rappelons que le volume du courrier papier a
tendance à diminuer, que le marché du colis est menacé par
les grands intégrateurs et par la mise en place de leurs propres
réseaux par certains grands clients. N'oublions pas que le
périmètre du monopole lui-même poursuivra
inévitablement sa contraction programmée sous l'effet des futures
révisions de la directive postale.
Dès lors, nous devons cesser de nous accrocher frileusement à des
conceptions dépassées du monopole pour promouvoir de nouvelles
idées permettant de garantir la pérennité des services
qu'il permet d'assurer. Notre approche des services postaux doit
désormais intégrer comme une donnée fondamentale
l'explosion des nouvelles technologies.
Telle est l'une des ambitions qui
animent le présent rapport : adapter les droits et obligations de
notre Poste pour mieux assurer la modernité de l'idée de service
public, et mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.
c) Inventer le bureau de poste virtuel
La société du XXIe siècle sera,
personne n'en doute, une société de l'information où
l'essentiel des échanges fera l'objet des services
dématérialisés et s'effectuera par les réseaux de
télécommunications.
Dès lors, l'avenir appartiendra à ceux qui sauront intervenir sur
ces réseaux. Le réseau postal paraîtra bien vite
dépassé et inadapté s'il ne participe pas lui-même
à ces évolutions. Sinon à quel marché pourra-t-il
prétendre face à la panoplie des innombrables services auxquels
chaque Français aura accès sans avoir à sortir de son
domicile ?
Il devra nécessairement s'engager dans un processus de
dématérialisation et se fondre dans le réseau de
télécommunications. Seule alors comptera la qualité du
service du guichet postal virtuel.
Certains pays anticipent cette évolution. Ainsi, le directeur
général de l'organisme suédois de régulation de la
poste et des télécommunications faisait part de son analyse
à votre rapporteur en ces termes : "
La poste est mortelle.
Telle qu'elle existe aujourd'hui en Suède, elle disparaîtra
à long terme pour une nouvelle poste, ne faisant plus qu'un avec les
autres opérateurs de télécommunications
".
D'aucuns pourrait dénoncer le caractère moins humain d'un guichet
de poste virtuel. Rien n'est moins sûr. La Poste peut apporter une grande
valeur ajoutée humaine au développement des services
électroniques.
Elle pourrait ainsi envisager de mettre à la disposition des
utilisateurs, en temps réel, des personnels très
qualifiés, à même de répondre instantanément
à leurs questions les plus pointues. Imaginons un instant une petite
entreprise de haute technologie de l'Ariège ayant gagné un
contrat aux États-Unis et souhaitant envoyer ses produits par La Poste.
Le spécialiste du bureau virtuel ne sera-t-il pas mieux à
même de le conseiller efficacement que le guichetier du petit bureau de
poste de son village ?
III. DÉVELOPPONS UNE CONCEPTION " FUTOROSCOPIQUE " DU RÉSEAU
La Poste
est une entreprise de services animée
par un idéal de service public, dont l'identité profonde
se
structure autour de la notion de mouvement.
Elle est née avec les
" chevaucheurs " de Louis XI, elle a grandi avec la
malle-poste,
elle est passée à la vitesse supérieure avec le wagon
postal, elle s'est envolée avec l'Aéropostale.
Sa première mission est de
faire circuler
les
éléments essentiels à la vie collective :
l'information (les lettres), les biens (les colis), l'argent (les mandats).
Par essence, elle ne peut vivre que dans la mobilité, pour la
mobilité, par la mobilité
.
Si, au siècle dernier, elle a développé son réseau
rural, c'est au nom de cet impératif existentiel de mobilité.
Elle a disséminé ses bureaux dans les campagnes, non pas pour
attendre que les gens viennent à elle mais pour pouvoir aller plus vite
vers eux. Il s'agissait pour elle de disposer des moyens techniques de
dispenser les nouvelles dans les villages et dans les fermes isolées
aussi rapidement que dans les villes.
A une époque où les facteurs se déplaçaient
à pied, la seule solution viable consistait à semer, en nombre
suffisant, sur le sol du pays, les bâtiments d'où ces hommes en
vareuse bleue, aux gros brodequins cloutés, pourraient partir sacoches
de cuir en bandoulière, pour dans la journée, partout en France,
apporter à leurs concitoyens les lettres de leurs proches.
Or, à en juger par l'attitude que beaucoup adoptent aujourd'hui à
l'égard de ce réseau issu des contraintes de distribution d'hier,
combien d'entre nous -citoyens, élus, et même parfois postiers-
perçoivent-ils encore La Poste comme
une entreprise dont le mouvement
est la raison d'être
? Combien d'entre nous lui
prêtent-ils cette qualité que nous reconnaissons
spontanément à UPS, DHL et Fedex, ces firmes
étrangères ?
Le maintien
en l'état
du réseau de La Poste, dont le
coût est si lourd, -deux fois et demie le budget de l'aménagement
du territoire !- ne tend-il pas dans l'inconscient collectif à
l'emporter sur le service du courrier proprement dit
157(
*
)
(75 % du chiffre d'affaires) comme
première mission de La Poste ?
Aux yeux de ceux non avertis des réalités des territoires ruraux
en déshérence, de tels comportements confinent à
l'absurde !
Mermoz peut-il devenir agent immobilier ?
Et, il est vrai que l'on peut concevoir que les adeptes de la logique froide
s'étonnent qu'à l'heure d'Internet, à l'aube du
deuxième millénaire, les Français -ce peuple
créatif qui, il y a encore peu, a inventé Concorde et le TGV-
aient érigé en tabou le réseau du facteur de leurs
arrières grand-mères ?
Pourtant, si aujourd'hui, le moyen (le réseau) paraît parfois
être confondu avec les fins (les services), on peut le comprendre et
votre rapporteur, qui a également été rapporteur de la loi
" Pasqua " du 4 février 1995 pour
l'aménagement et le développement du territoire, le comprend.
Si les hommes et les femmes qui peuplent les zones les moins peuplées du
pays tiennent à leur bureau de poste c'est -nous l'avons vu
158(
*
)
- parce qu'il est souvent perçu comme l'une
des dernières expressions tangibles de l'attention que leur porte la
République.
Il n'en demeure pas moins que si La Poste ne peut pas faire respirer son
réseau, elle risque de succomber et alors les territoires fragiles
perdront leur meilleur allié.
A maintenir par trop Mermoz
immobilisé au sol, ne se peut-il pas qu'un jour il ne soit plus en
mesure d'y apporter les messages du monde sur les " ailes du
courage " ?
Le dilemme apparaît par maints aspects insoluble.
Mais n'est-il pas insoluble parce qu'il oppose deux priorités -la
revitalisation des territoires d'une part, l'adaptation du réseau
postal, d'autre part- qui pourraient tout à fait être
conciliées ?
La solution ne réside-t-elle pas, en effet, dans une inversion
radicale du regard porté sur le rôle de La Poste dans
l'aménagement du territoire ? Plutôt que de continuer
à en défendre une idée immobile et immobilière ne
gagnerait-on pas tous à en développer une conception mobile et
mobilière plus conforme en définitive à la culture
entrepreneuriale de l'opérateur public ? En bref, dans les
territoires ruraux en difficulté, la revitalisation ne passerait-elle
pas davantage par l'investissement dans une poste de services à domicile
que par la conservation à coûts élevés d'une poste
de présence immobilière ?
Vain rêve, vue abstraite objectera-t-on ? Mais les réponses
d'hier ont-elles jamais été les solutions de demain ?
Le Sénat saurait-il en douter, lui dont le Président a su, en dix
ans, transformer l'avenir d'un département avec... une idée
innovante : le Futoroscope ? Certainement pas !
Ce ne sont pas des subventions d'Etat, le maintien à grands frais de
l'héritage économique du passé, la crispation sur les
acquis d'hier qui ont projeté ce département dans le XXIe
siècle, créé des richesses nouvelles et en ont fait un
pôle d'exemplarité ! Ce sont des idées imaginatives, des
équipes emportées par un élan entrepreneurial, une
volonté farouche de modernité. Alors, pourquoi ne pas chercher
à appliquer cette recette du succès au réseau postal ?
Pourquoi ne pas chercher, partout, à aborder la réalité
postale avec un regard " futuroscopique ". Pourquoi ne pas
choisir
résolument la voie de l'imagination et de l'anticipation des changements
?
Par peur de perdre ? Mais la lucidité ne conduit-elle pas à
constater qu'à refuser de promouvoir l'innovation, tout rique
d'être perdu ? Si rien ne bouge, La Poste et les territoires où
elle s'est enracinée ne sont-ils pas menacés de
périr ?
Alors, osons !
Il s'agit, ensemble, de dynamiser le réseau de La Poste pour mieux
revitaliser les territoires.
A. DYNAMISER LE RÉSEAU DE LA POSTE...
1. Le moratoire ou " Mermoz enchaîné "
a) Le moratoire : conservatoire ou étouffoir ?
En mai 1993,
lorsqu'au grand soulagement d'une immense
majorité de maires ruraux,
la décision de suspendre toute
fermeture de points postaux dans les campagnes a été prise, votre
rapporteur
-à l'instar de beaucoup d'autres-
s'en est
félicité.
Défenseur résolu du territoire, il
avait estimé que cette mesure conservatoire était à
même de garantir le maintien dans les zones rurales fragiles
d'instruments pouvant servir de vecteur privilégié à leur
revitalisation. Il jugeait en effet, à l'époque, qu'un tel gel
évitait de compromettre l'avenir, notamment en donnant aux
réflexions politiques engagées pour assurer la renaissance des
territoires en déshérence la possibilité d'aboutir sans
précipitation à la grande loi d'orientation pour le territoire
qu'il appelait de ses voeux.
Lucide quant aux bouleversements qu'entraînaient les évolutions
concurrentielles du marché postal, il jugeait néanmoins -au vu
des éléments d'informations dont il disposait à
l'époque- que les obligations ainsi imposées à La Poste
n'étaient pas excessives au regard de ce que la Nation se trouve en
droit d'exiger d'une grande entreprise publique. Et, il est vrai
qu'en 1993, les évaluations habituellement disponibles sur le
coût de la présence territoriale de La Poste n'atteignaient pas
-il s'en faut de beaucoup- le degré de précision qu'elles ont
acquis depuis.
Aujourd'hui, l'accélération des mutations de l'environnement
technique
159(
*
)
et
juridique
160(
*
)
des activités
postales, la constatation qu'à l'étranger non seulement
aménagement postal du territoire ne rimait pas nécessairement
avec enracinement immobilier mais qu'en plus, les réseaux physiques des
postes étaient en voie de contraction et de profonde transformation, et
surtout la révélation de ce que le moratoire représentait
en termes de déficit de compétitivité pour La Poste, ont
profondément ébranlé ces certitudes initiales.
Votre rapporteur est désormais persuadé que
le moratoire
,
unanimement demandé par les élus ruraux au début des
années 1990 et largement approuvé par les élus
nationaux en 1993, est un boulet pour La Poste.
Songeons que sur la base de l'évaluation de l'Inspection
générale des Finances
le moratoire aura coûté
près de 20 milliards de francs -2.000 milliards de centimes !-
de mai 1993 jusqu'à la fin de 1997, soit près de douze fois
le budget de l'aménagement du territoire pour 1997.
Est-il raisonnable d'imposer une telle charge à une entreprise qui a
connu le déficit au cours des cinq derniers exercices et qui va devoir,
au cours des cinq prochaines années, consentir un effort d'adaptation
sans beaucoup d'équivalent, sur un si bref laps de temps, parmi ceux
qu'elle a déjà su réussir au cours de sa longue
histoire ?
En lutherie,
l'étouffoir
est un mécanisme que l'on
applique sur un instrument pour arrêter les vibrations des cordes. La
chape asphyxiante du moratoire ne risquerait-elle pas à terme, si elle
restait étendue sur le réseau des points de contact postaux,
d'étouffer le bruit des moteurs des camions jaunes dans nos campagnes et
peut-être ailleurs ?
b) Le moratoire : une précaution rendue aujourd'hui inutile par la loi ?
Se pose en outre la question de savoir si, au plan juridique,
le moratoire présente encore une utilité. En effet, quand il a
été décidé, en 1993, les fermetures postales
n'avaient à respecter aucune contrainte légale
161(
*
)
.
Tel n'est plus le cas depuis l'intervention de
la loi
n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire
.
Son
article 29,
à la rédaction duquel le Sénat a
d'ailleurs très significativement contribué,
162(
*
)
soumet toute décision de ce type à une
procédure extrêmement stricte. La citation in extenso de ce texte
d'importance permet de s'en convaincre.
L'ARTICLE 29 DE LA LOI PASQUA POUR
L'AMÉNAGEMENT
ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
L'État établit, pour assurer l'égal
accès de tous au service public, les objectifs d'aménagement du
territoire et de services rendus aux usagers que doivent prendre en compte les
établissements et organismes publics ainsi que les entreprises
nationales placés sous sa tutelle et chargés d'un service public.
Les objectifs sont fixés dans les contrats de plan de ces
établissements ou organismes publics et entreprises nationales ou dans
des contrats de service public conclus à cet effet. Ceux-ci
précisent les conditions dans lesquelles l'État compense aux
établissements, organismes et entreprises publics les charges qui
résultent du présent article.
Toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service
aux usagers par les établissements, organismes et entreprises
mentionnés à l'alinéa précédent doit, si
elle n'est pas conforme aux objectifs fixés dans les contrats de plan ou
de service public, être précédée d'une étude
d'impact. Les conseils municipaux des communes concernées, les conseils
des groupements de communes concernés et les conseillers
généraux des cantons concernés sont consultés lors
de l'élaboration de l'étude d'impact. Celle-ci apprécie
les conséquences de la suppression envisagée, d'une part, sur les
conditions d'accès au service et, d'autre part, sur l'économie
locale. Elle comprend, au minimum, une analyse de l'état du service,
l'examen des modifications qu'engendrerait le projet et les mesures
envisagées pour compenser toute conséquence dommageable. Elle
prend en compte les possibilités offertes par le
télétravail.
L'étude d'impact est communiquée au représentant de
l'État dans le département, qui recueille l'avis de la commission
mentionnée à l'article 28. Celui-ci dispose d'un
délai de deux mois pour faire part de ses observations et demander, le
cas échéant, de nouvelles mesures pour compenser ou
réduire les conséquences dommageables du projet. Les nouvelles
mesures alors adoptées ou les raisons de leur rejet sont
communiquées dans un délai de deux mois au représentant de
l'État. L'étude d'impact est transmise pour avis à la
commune du lieu d'implantation du service concerné et à toute
autre commune concernée et groupement de communes concerné qui en
fera la demande au représentant de l'État.
En cas de désaccord du représentant de l'État dans le
département à l'issue de la procédure prévue au
troisième alinéa, celui-ci saisit le ministre de tutelle de
l'établissement, organisme public ou entreprise mentionné au
premier alinéa. Ce ministre statue par une décision qui s'impose
à cet établissement, organisme public ou entreprise nationale. Sa
saisine a un effet suspensif de la décision en cause, qui devient
définitif en l'absence de réponse dans un délai de quatre
mois.
Un décret en Conseil d'État définit les modalités
d'application du présent article. Il précise notamment les
règles permettant d'assurer l'équilibre entre les obligations des
établissements, organismes et entreprises mentionnés au premier
alinéa et la compensation par l'État des charges qui en
résultent. Il fixe également les critères
spécifiques que doit respecter la décision du représentant
de l'État dans le département ou du ministre de tutelle lorsque
le projet de suppression concerne une zone prioritaire de développement
du territoire.
Jusqu'à présent, cet article 29 était
inappliqué car le décret -souhaité à
l'époque par le Gouvernement- qu'il prévoit dans son dernier
alinéa n'était pas paru.
Cependant, selon des informations convergentes portées à la
connaissance de votre rapporteur, la doctrine juridique relative à
l'interprétation de cette dernière disposition tend
désormais à considérer comme superfétatoire
l'intervention d'un décret tant la loi est précise et se suffit
à elle-même. Cet hommage implicite rendu au travail du Parlement
emporte deux possibilités d'évolution :
ou l'applicabilité directe du texte législatif est reconnue
officiellement ;
ou -ce qui n'a déjà que trop tardé- un décret,
fût-il symbolique, intervient.
Mais quelle que soit, en définitive, la solution retenue, le
mécanisme très protecteur institué par la loi
d'orientation encadrera toute décision de fermeture d'un point postal
d'animation du territoire.
Cela n'implique nullement -comme c'est le cas, en revanche, dans le cadre du
moratoire- que tout restera " gelé ". Ceci signifie
qu'aucune
réorganisation d'un service aux usagers ne pourra s'effectuer sans que
les élus locaux concernés (conseillers municipaux, conseillers
des groupements de communes, conseillers généraux) puissent peser
sur la décision définitive et donc négocier en position de
force.
Ainsi, une procédure décentralisée, fondée sur
la concertation avec les responsables de la vie locale et tout à fait
à même de permettre l'élaboration de bonnes solutions
négociées, existe aujourd'hui en droit français alors
qu'elle n'était pas instituée en 1993.
La donne ayant conduit à l'instauration du moratoire n'en est-elle pas
profondément changée ?
c) Le moratoire : une orientation aujourd'hui erronée ?
L'évaluation de la fréquentation des points
postaux qui avaient exclusivement un rôle d'aménagement du
territoire, en 1993, n'est pas connue de votre rapporteur. Il ne semble pas que
des études précises aient été
réalisées sur ce point, à cette époque. Il
s'agissait en effet -souvenons-nous- d'apporter une réponse politique
à une immense attente et -cela a été signalé
précédemment- de maintenir tous les outils d'animation existants
sur le sol du pays pendant le temps de réflexion nécessaire
à l'élaboration de la loi " Pasqua ". En bref, comme il
n'existait pas encore d'article 29, l'urgence et le souci
d'efficacité commandaient une mesure extrême.
Tel n'est plus le cas aujourd'hui puisque l'article 29 a été
promulgué.
Aussi, votre rapporteur a-t-il procédé, sur la base de sondages
constitués d'échantillons représentatifs du
périmètre postal d'aménagement du territoire, à des
investigations précises sur la durée d'utilisation effective des
points de contact par les habitants des zones concernées, et ce à
partir des durées d'occupation au guichet.
Les résultats de cette enquête l'ont amené à
conclure
qu'actuellement entre 2.000 et 2.400 points postaux
d'animation territoriale fonctionnaient moins d'une heure par jour, soit moins
de 39 heures en deux mois ou si l'on préfère moins de
35 heures en ... 7 semaines
163(
*
)
!
Si on cherche à isoler le nombre de points postaux ayant
moins de
deux heures d'activité par jour
, on aboutit à une fourchette
dont la moyenne s'établit autour de
3.000, soit environ 18 % du
réseau total
.
Aucun des interlocuteurs connaissant les réalités du
réseau de La Poste auxquels votre rapporteur a fait part de ses travaux
et de ses conclusions n'a contesté les évaluations qui viennent
d'être avancées.
Force est donc de constater que certains points de contact postaux, au titre
desquels La Poste supporte une charge annuelle de quelque 4,5 milliards de
francs, ne sont pas plébiscités par les populations
avoisinantes !
Serait-il raisonnable de laisser perdurer cette situation ?
Qui pourrait aujourd'hui répondre par l'affirmative à cette
question quand on sait, en outre, que " l'animation "
postale ainsi
assurée à grand frais n'entraîne pas pour autant que les
rares entreprises qui maintiennent la vie économique dans les zones
vulnérables recourent à La Poste pour leur trafic de messagerie ?
Les postiers le savent bien. Les camions de UPS, de Fedex, de DHL sillonnent
aussi les routes de ces régions là... et profitent de leur
éventuel développememnt économique.
Alors, La Poste ne serait-elle pas plus forte pour résister à ces
" nouveaux conquérants ", si pour animer les territoires
concernés elle investissait davantage dans l'amélioration de ses
services et un peu moins dans l'entretien de locaux presque
désertés ? Et les territoires concernés n'en
tireraient-ils pas profit si eu égard à la qualité des
services postaux ainsi assurés, des entreprises pourvoyeuses d'emplois
s'y installaient ?
2. La respiration du réseau ou " Mermoz libéré "
a) Laisser vivre le réseau
" En France, dans le mot moratoire, n'y-a-t-il
pas le
son mort ?
" s'étonnait un francophone rencontré,
à l'étranger, dans le cadre de la mission.
Et, il est vrai que sur les terres gelées rien ne pousse !
Faire vivre le réseau de La Poste suppose donc de lui permettre de
respirer, de renouveler ses cellules.
C'est d'autant plus important que comme l'a fort pertinemment fait remarquer M.
Louis Minetti
,
Sénateur des Bouches-du-Rhône
164(
*
)
,
les départements ruraux ne sont pas
les seuls à avoir besoin de La Poste ; les grandes agglomérations
ressentent parfois cruellement la faiblesse de la présence postale.
Or, nous l'avons vu, La Poste si utile dans les zones urbaines
défavorisées n'est pas installée dans toutes et même
dans celles où elle a ouvert des guichets, ceux-ci sont souvent
sous-équipés
165(
*
)
. En outre,
certaines zones périurbaines ne rencontrant pas de difficultés
particulières, voire des zones rurales en développement, se
trouvent aujourd'hui dépourvues de moyens postaux adaptés
à leurs besoins.
Faire respirer le réseau de La Poste, c'est donc tout simplement lui
reconnaître le droit de se développer, de manière
concertée, vers ces zones où ses " pseudopodes " sont
attendus par les populations.
Encore convient-il, bien entendu, que les choix effectués profitent
également aux territoires ruraux fragiles. Ceci est possible si on
décline
la stratégie de rénovation du réseau
postal autour de trois axes : valoriser le réseau immobilier,
développer le service postal mobile, multiplier les canaux de contact
avec la clientèle en nouant des partenariats.
b) Valoriser le réseau immobilier
(1) Recenser les besoins
Dans le département de la Creuse, il existe
130 points de contact postaux dont, à en croire un document
publié conjointement par le Conseil général, la
préfecture et la direction départementale de La Poste, aucun
n'est
" rentable ou potentiellement rentable ".
Faut-il pour
autant les abandonner ? Certes non ! Faut-il les laisser en
l'état ? Pas plus, car leur faible rentabilité actuelle
révèle qu'ils contribuent encore insuffisamment au
développement du département.
La démarche
166(
*
)
entreprise par les
trois partenaires précités a consisté à
commencer par
enquêter sur les besoins de la population. Puis,
ils ont cherché à définir les actions qui pourraient
être assumées par La Poste pour répondre à ces
besoins ; l'objectif poursuivi est de
reconfigurer le réseau postal
en zone rurale (40 % du territoire creusois) à l'aide de projets
innovants de diversification présentant de fortes probabilités
d'impact positif sur le territoire.
Ce schéma inverse la perspective adoptée jusqu'à
présent et qui, partant de l'offre de services existante, se structurait
autour d'une logique administrative tendant naturellement à reproduire
les cloisonnements. La plupart du temps, une telle approche avait pour
résultat une persistance des divisions institutionnelles qui
aboutissaient à un dépérissement de tous dans l'isolement.
Dans la conception creusoise,
l'homme et le territoire sont placés au
centre de la démarche, à charge pour les services publics de
s'adapter pour les satisfaire
. Ceci amène, par exemple, à
poser le problème de l'isolement et à rechercher les
modalités de transport les mieux adaptées pour y remédier
fût-ce en ne recourant pas à des infrastructures nationales, alors
qu'avec les méthodes employées antérieurement on
s'efforçait d'imaginer comment la SNCF pouvait intervenir.
Cette inversion de perspective conduit d'ailleurs naturellement à poser
les questions en termes d'intercommunalité et à renforcer la
coopération locale.
C'est la généralisation de telles attitudes que
préconise le présent rapport.
(2) Faire du guichet le point d'appui de démarches commerciales à domicile
Pourquoi ouvrir toute la journée des points postaux qui
travaillent moins de trois heures par jour ? Ne pourrait-on pas envisager
de limiter leur ouverture à la matinée ou à
l'après-midi ? La demi-journée ainsi libérée
laisserait au préposé la possibilité soit d'aller animer
une autre antenne postale, soit d'effectuer de la prospection de
clientèle ou du conseil financier à domicile.
Pour reprendre l'expression d'un directeur de groupement postal
rencontré par votre rapporteur lors de son déplacement en
Haute-Loire : "
Que ne laisse-t-on le chef d'établissement
s'organiser comme un médecin de campagne : un temps pour les
opérations postales ; un temps pour la prospection commerciale au
domicile des clients !
".
En bref, quel est l'intérêt d'appliquer partout le même
schéma rigide, alors que la modernisation de la présence postale
demande d'abord de l'imagination et des solutions pragmatiques ?
(3) Imaginer de nouveaux partenariats publics : repenser la polyvalence en la fondant sur un partage des coûts
Proposée en 1979
167(
*
)
et mise en oeuvre la même année
168(
*
)
, la
"
polyvalence administrative
"
consiste à faire du bureau de poste l'instrument du maintien des
services publics disparus dans les milieux ruraux.
La densité du réseau postal et le fait que les receveurs sont
habilités à effectuer des opérations extra-postales telles
que le paiement des pensions militaires étaient les principales raisons
de ce choix.
Cependant, après un engouement prometteur, la polyvalence a rapidement
régressé tant du point de vue des départements qui la
pratiquent que des opérations effectuées. Aujourd'hui, environ
800 bureaux de poste ont des activités de ce type, mais 90 %
des opérations portent sur la seule vente des vignettes auto qui
s'effectue sur une période très courte de l'année, tandis
que le trafic généré par les autres opérations
reste faible. Au total, le montant des ventes de produits liés à
la polyvalence administrative était de l'ordre de
140 millions
de francs en 1995.
Les raisons de l'échec relatif de la polyvalence administrative sont
multiples. La Poste porte la responsabilité de l'arrêt de
certaines opérations, souvent parce qu'elle estimait être mal
rémunérée. De leur côté, les administrations
et les organismes publics et parapublics lui préfèrent parfois
d'autres solutions : le ministère de l'Économie et des
Finances, en application d'accords préexistants, privilégie la
diffusion de ses produits par le réseau des débitants de tabac,
plus dense et dont les horaires d'ouverture sont plus larges ; les
Fédérations de chasseurs ont des liens avec le Crédit
Agricole qui assure gratuitement la vente des timbres
cynégétiques ; le ministère de l'Intérieur,
comme l'ANPE, ont réduit rapidement leurs actions de polyvalence avec La
Poste, estimant que celle-ci est moins bien placée que les mairies pour
offrir ce service.
Par ailleurs, tant la mobilité plus grande des populations que les
évolutions technologiques permettant un accès direct à un
très grand nombre de services et d'information, ont réduit la
portée de la polyvalence.
Surtout, la polyvalence administrative n'a pas atteint l'objectif premier qui
lui était assigné et qui consistait à revitaliser le
milieu rural et à réactiver les petits bureaux ruraux, puisque
seulement 200 de ces bureaux, sur plus de 10.000 potentiellement
concernés, la mettent en oeuvre !
Il n'en demeure pas moins que si l'idée ne peut à elle seule
revaloriser le réseau immobilier de La Poste, certaines de ses
déclinaisons modernes pourraient y contribuer.
Il s'agirait de
rechercher non plus seulement la concentration de plusieurs activités
administratives sur un point postal, mais le partage du coût d'entretien
d'un point postal par les divers services publics pouvant s'y appuyer pour
améliorer l'efficacité de leur action.
On ne se limiterait
plus à faire du postier le représentant d'autres acteurs
administratifs, on ferait du bureau de poste le point d'ancrage immobilier
où se retrouveraient les agents des autres services publics de
proximité. Les points publics en milieu rural et les maisons des
services publics constituent autant d'initiatives qui vont en ce sens.
Encourageons donc leur développement !
Les
points publics en milieu rural
existent réellement depuis
1992 et ont été officialisés lors du comité
interministériel de développement et d'aménagement rural
(CIDAR) du 30 juin 1994.
Un point public
169(
*
)
est défini comme
"
une opération qui vise à assurer la présence et
l'accessibilité des services publics sur le territoire, grâce
à une coopération inter-services et à la mise en commun de
moyens. Un point public doit promouvoir en un même lieu et au sein de
structures polyvalentes les actions suivantes : accueil, renseignement,
orientation, documentation, assistance à la constitution et à la
réception de dossier, organisation de permanences pour la
délivrance directe de prestations.
".
UN EXEMPLE : LE POINT PUBLIC DE BEAUFORT-SUR-GERVANNE (DRÔME)
Ce point public a été initié par la
commune de Beaufort-sur-Gervanne qui a su mobiliser les sept communes de la
Vallée (900 habitants) et différents partenaires :
services fiscaux, département, région, ANPE, caisse primaire
d'assurance maladie, Mutualité sociale agricole, France
Télécom, EDF, GDF et La Poste.
C'est La Poste qui est l'opérateur de ce point public
pour le
compte des neuf partenaires. Le receveur a été formé
pour réaliser des prestations de premier niveau (information,
transmission de dossier) pour d'autres services. La formation est prise en
charge par le délégant.
Ce point public est intégré à un programme global de
développement (avec des crédits européens, FISAC...) et se
situe dans un local rénové face à un multiple rural, un
syndicat d'initiative, les bureaux de la mairie, un futur cabinet
médical ou l'école maternelle (80 enfants). Il peut donner
des informations, renseignements sur les domaines d'activités des
partenaires. Des permanences spécialisées sont effectuées
par des agents des services publics. D'autres projets, comme l'ouverture d'une
station-service avec l'aide du Comité professionnel de distributeurs de
carburants, sont envisagés.
Les
maisons des services publics
ont été
créées, dès 1996, dans une dizaine de départements,
à l'initiative des préfets
170(
*
)
.
Ces structures ont pour objectif de répondre aux besoins et attentes des
citoyens qui souhaitent bénéficier d'une présence plus
proche et d'une plus grande polyvalence des services publics, aussi bien en
zone rurale que dans les quartiers urbains périphériques.
Ainsi, ces " maisons " ont vocation à regrouper des services
d'information, de délivrance de documents, voire de traitement des
demandes, le cas échéant à l'aide du
télétravail. Il peut s'agir tant des services sociaux (Caisse
d'allocations familiales, Direction départementale des Affaires
sanitaires et sociales, Caisse primaire d'assurance maladie, ASSEDIC, ANPE,
mission RMI...) que des services fiscaux, de la direction de
l'équipement, de l'EDF, voire de la protection judiciaire de la jeunesse
ou des services du ministère de la justice.
41 projets concernant la création de maisons des services publics ont
été retenus en 1996. Ils portent soit sur l'ouverture de tels
organismes, soit sur des études préalables à
l'installation de ces maisons en 1997 (27 projets).
Les maisons des services publics créées en 1996 concernent des
quartiers urbains en difficulté, par exemple à Floirac en
Gironde, où il est envisagé de réunir sur un même
site des services de l'État, de la Ville, des établissements
publics et des associations.
Le projet de loi " Perben " relatif à l'amélioration
des relations entre les administrations et le public, déposé au
cours de la précédente législature, instituait un cadre
juridique souple pour la création et la pérennisation des maisons
de service public en autorisant leur création par convention ou sous
forme d'un groupement d'intérêt public
171(
*
)
.
Il apparaîtrait regrettable que ces orientations ne soient pas, en
définitive, concrétisées.
Dans une perspective équivalente, le projet de faire du réseau
de La Poste,
un point d'accès public à Internet
et aux
services avancés de télécommunications pourrait utilement
le mettre en valeur. Le programme d'équipement en ce sens de
1.000 bureaux, actuellement poursuivi par le Gouvernement, devrait
permettre d'apprécier assez rapidement l'intérêt d'une
telle ouverture et donc de l'amplifier si -comme on peut l'espérer- elle
se révélait fructueuse.
(4) Envisager l'exercice de nouveaux métiers au guichet : s'interroger sur la polyactivité
Déjà, en zone rurale, le facteur français
ne se contente plus de délivrer les correspondances dans les fermes et
les villages : le port de repas à domicile
172(
*
)
, voire de médicaments, est parfois
entré, de son propre gré ou à la suite d'initiatives
locales, dans son aire de compétence
173(
*
)
. Ne
serait-il pas avantageux d'envisager des
évolutions similaires aux guichets des zones rurales ? Dans les
quartiers urbains difficiles, les bureaux n'accueillent-ils pas des
interprètes et des écrivains publics ? De manière
bénévole, les receveurs ruraux n'aident-ils pas
déjà les contribuables à remplir leur déclaration
de revenus au mois de février ?
Ne pourrait-on pas concevoir de former les postiers du réseau à
des métiers complémentaires de leur activité de
base ? Le conseil à l'utilisation d'Internet devrait bientôt
faire partie de leurs compétences dans les 1.000 bureaux où
des terminaux adaptés vont être installés. Peut-on aller
plus loin et proposer dans des bureaux peu actifs, situés dans des
villages dépourvus de certains magasins qu'ils exercent des
activités commerciales, afin de contribuer au maintien de la vie locale
et de leur guichet ?
Il n'appartient pas de répondre à cette question dans le cadre du
présent rapport. Il ne serait toutefois sans doute pas inopportun que la
Direction de La Poste et les organisations syndicales concernées s'en
saisissent, étant bien entendu que toutes les réponses pouvant
être élaborées devront s'inscrire dans le respect des
règles de la concurrence et auraient, pour l'essentiel, à ne
s'appliquer qu'en cas de défaillance de l'initiative privée.
(5) Augmenter l'activité
Toutes ces orientations ont un socle commun qu'un des
conseillers financiers de La Poste rencontrés par votre rapporteur a
bien résumé en lui glissant en aparté :
"
Finalement, pour être fort demain, il faut
vendre
".
Cette notion, qui n'est en rien incompatible avec l'excellence du service
public postal, apparaît encore insuffisamment intégrée
à la culture professionnelle d'une grande partie des personnels, qui
reste par maints aspects toujours marquée par la force des traditions
administratives héritées de l'histoire. Pourtant,
le dynamisme
commercial est, sans nul doute, une des clefs de la réussite de La Poste
de demain et du renouveau de son réseau
.
Pour faire vivre son réseau immobilier, pour contribuer à la
renaissance des territoires fragiles, mais aussi, d'une manière plus
générale, pour affronter victorieusement les nouveaux concurrents
qui commencent à se distinguer sur sa ligne d'horizon, La Poste doit
développer ses marchés naturels et ne pas hésiter à
en imaginer d'autres.
Cependant, à l'aube du troisième millénaire, une telle
philosophie d'action ne peut s'exprimer dans le culte de comportements
économiques adoptés il y a un demi-siècle.
Pour prendre
son élan vers l'an 2000, pour ressourcer sa créativité, La
Poste doit renouer avec l'esprit de ses origines. Elle doit redevenir
" mouvement " ; elle doit retrouver la mobilité dont Mermoz
a
su être l'incarnation
.
c) Développer le service postal mobile
La Poste a déjà -on ne le sait pas assez- une longue tradition de guichet mobile assurant des services à domicile. Ainsi, en 1926, elle a créé la poste automobile rurale qui avait reçu pour mission de desservir la clientèle isolée des campagnes.
LA POSTE AUTOMOBILE RURALE DE L'ENTRE-DEUX GUERRES
Les historiens rapportent que :
" Des circuits bien combinés apportaient chaque jour,
pourrait-on dire, la poste à domicile à des communes
déshéritées. Le premier, celui de Beaulieu-sur-Dordogne,
mis en service le 1er septembre 1926, sous le ministère de
M. Bokanowski, donna pleine satisfaction, si bien qu'en 1938 il existait
trois cent quatre-vingt-dix circuits desservant quatre mille trois cent
cinquante communes et assurant à la fois le transport des
correspondances, des voyageurs, des colis postaux, des bagages et
exécutant même les commissions des habitants. Leur exploitation,
loin d'être déficitaire, donne même d'appréciables
bénéfices.
On ne demandait plus à la population rurale de se déplacer
pour aller à la poste
;
on voulait que la poste aille à
elle.
Autre nouveauté, fut en octobre 1934, la création par M.
Mallarmé d'un bureau temporaire automobile, type de bureau
" baladeur " qui se transportait partout où il en était
besoin, faute de bureau local, quand une circonstance exceptionnelle,
exposition, voyage, manifestation quelconque, y provoquait un afflux
inaccoutumé de population.
"
174(
*
)
.
Aujourd'hui le service " Allô facteur " de l'exploitant
public
permet la réalisation à domicile de n'importe quelle
opération postale par l'intermédiaire du facteur, même les
jours où celui-ci n'a pas de courrier à remettre.
" ALLÔ FACTEUR "
" Allô facteur " se définit comme une
prestation de service réalisée au cours de la tournée du
facteur mais complémentaire à la prestation traditionnelle de
distribution du courrier. Elle couvre la livraison à domicile de
produits postaux tels que timbres, vignettes fiscales, produits
philatéliques, prêts-à-poster, mais aussi des prestations
financières comme, par exemple, des versements et retraits
d'espèces sur un compte-chèque postal.
Le service fonctionne sur simple demande téléphonique
effectuée la veille ou tôt le matin auprès du bureau de
poste. Il est possible de laisser sa demande sur un répondeur en-dehors
des heures d'ouverture du bureau de poste.
Ce service de livraison existe depuis longtemps. Il était
dénommé antérieurement " service des
commissions ". Toutefois, à l'origine, les commandes devaient
être passées directement au facteur et cela imposait de le
rencontrer au cours de sa tournée. C'est l'instauration de la permanence
téléphonique qui a entraîné sa modernisation et son
nouvel intitulé.
Dans la mesure où la livraison concerne des produits postaux, elle
est gratuite. La Poste considère, en effet, qu'elle relève de sa
mission de service public et de son rôle dans l'aménagement du
territoire.
Le coût du service pour le client se limite donc au coût de l'appel
téléphonique au bureau de poste si la commande n'est pas
passée en direct auprès du facteur. Le coût pour La Poste
est intégré dans le coût de la distribution.
Cette gratuité et le fait que la prestation soit, en définitive,
le fruit de dispositions et d'adaptations locales expliquent qu'elle ne fasse
pas l'objet d'une ligne comptable propre. Aussi, n'est-il pas possible
d'identifier clairement les endroits dans lesquels elle est le plus souvent
délivrée. Néanmoins, de nombreux départements
à dominante rurale ont organisé ce service de manière
formelle, totalement ou partiellement, par exemple l'Aisne, la région
Aquitaine...
Les enquêtes menées par La Poste permettent toutefois de savoir
qu' " Allô facteur " est tout particulièrement
apprécié en zone rurale et auprès des personnes
isolées géographiquement ou ne pouvant, en raison d'un handicap,
se rendre dans un bureau de poste.
L'expérience d'Allô Facteur ne pourrait-elle pas constituer le
fondement d'un mouvement plus ample vers des prestations de guichet au domicile
des particuliers ou au siège des entreprises dans les zones peu
peuplées ? Il suffirait, pour ce faire, à l'instar de
l'Allemagne, que La Poste se dote d'équipements adaptés (camions
spécialement aménagés, matériels informatiques
embarqués...) emmenés par des personnels compétents
(conseillers financiers, conseillers commerciaux...) sur les places des petits
villages, voire jusque dans la cour des fermes ou à la porte des
entreprises. Ces camions jaunes d'un nouveau type pourraient même
comporter des terminaux Internet librement consultables pendant les
arrêts prévus sur leurs itinéraires.
N'y aurait-il pas là un superbe instrument de pénétration
commerciale pour La Poste ? N'y aurait-il pas là un formidable
outil d'animation de l'espace rural en situation difficile ? N'y aurait-il
pas là le germe d'une solution imaginative permettant de transformer des
emplois ruraux peu dynamisants pour les territoires en des emplois modernes
source de valeur ajoutée ? Votre rapporteur et nombre de ses
collègues en sont convaincus.
La Poste demeurera un acteur majeur du territoire tant qu'il y aura des
postiers actifs sur le territoire. Le jour où elle n'y aura plus que des
immeubles avec des postiers passifs, elle n'y comptera plus.
Ce n'est pas
l'immeuble, c'est l'homme qui fait naître la vie du sol. L'outil ne doit
pas dissimuler l'oeuvre !
Lors de la communication sur le présent rapport faite le 8 octobre
dernier
175(
*
)
, M. Jean Huchon
,
Sénateur du Maine-et-Loire, a parfaitement illustré cette
vérité en donnant l'exemple des services financiers postaux qui,
pendant longtemps, déclinaient dans son département et qui se
sont redressés de manière spectaculaire à la suite de
l'arrivée d'un nouveau responsable.
La question se pose en définitive de manière très simple.
Qui fera l'avenir des terres vulnérables de notre pays : les hommes
munis de moyens d'action adaptés aux mouvements du monde qui nous
entoure ou les bureaux désertés par ceux pour lesquels ils sont
ouverts ?
d) Ouvrir vers des partenariats entrepreneuriaux : multiplier les canaux de contact avec la clientèle
Faut-il, si on choisit la première option de la
question qui vient d'être formulée, considérer pour autant
que la présence immobilière est inutile ? Non, bien au
contraire ! Quand elle est efficace -c'est-à-dire quand elle profite aux
territoires et à La Poste- elle constitue un atout qui doit être
développé.
On oublie trop souvent
qu'en France
, en dépit des
17.000 points du réseau,
il y a plus de communes qui n'ont pas
d'antenne postale que de communes qui en ont
.
Les produits de La Poste
ne sont pas aussi accessibles qu'on pourrait le supposer et ceci peut
être un frein à leur pénétration commerciale.
La Poste l'a bien compris et le concept de " réseau
associé " qu'elle a mis au point lui offre aujourd'hui une solution
adaptée aux intérêts d'une entreprise publique soucieuse de
multiplier les contacts commerciaux avec sa clientèle. Dans ce cadre,
elle confie en effet la vente de produits postaux à des entreprises. Le
contenu de l'offre, l'organisation de sa diffusion, ainsi que les conditions de
rémunération, font l'objet d'une convention entre La Poste et ses
partenaires.
Des conventions ont ainsi été signées avec des
débitants de tabac pour la vente de produits prêts à
poster, ou des petits commerces ruraux pour certaines prestations postales
liées au dépôt du courrier. D'autre partenariats ont
été recherchés, tels que, par exemple, les Relais
" H " implantés dans les gares SNCF ou certains réseaux
de distribution d'essence (Mobil, Shell, Total).
A titre d'exemple, en application d'une convention signée le
27 octobre 1994 entre le président de la
Confédération des débitants de tabac de France et le
directeur général de La Poste, 1.300 débitants de
tabac ont élargi leur offre commerciale à la distribution d'une
gamme de " prêt à poster " : enveloppes timbrée,
Distingo, Diligo...
De telles initiatives qui soulignent l'esprit créatif dont sait faire
preuve l'opérateur public vont dans le bon sens. Elles doivent
être élargies.
Ne pourrait-on pas par exemple, étudier également la
possibilité d'une utilisation du réseau des agents
généraux d'assurance pour apaiser l'émotion que suscitent
certains projets de La Poste dans cette profession ?
Surtout, il ne convient pas de
limiter ces accords commerciaux aux seuls
réseaux nationaux
. Il faut les
décliner localement
en
fonction des réalités du terrain. Pourquoi ne pas élire
comme distributeur des produits postaux -du courrier tout au moins- le multiple
rural, la boulangerie du village, l'épicerie du bourg qui ont du mal
à dégager les recettes nécessaires au maintien de leurs
activités ? Les bénéfices qu'ils tireraient de cette
extension de leurs compétences seraient sans doute modestes, mais ils
pourraient contribuer de manière décisive à ce qu'ils
restent ouverts et à ce que, dans leur commune, la vie économique
ne se rétracte pas davantage.
Tous y gagneraient
:
le commerce
ainsi maintenu ;
les
habitants
qui pourraient trouver à quelques pas de leurs maisons les
objets et les services qu'ils ne peuvent aujourd'hui acquérir qu'en se
déplaçant dans la commune voisine ;
La Poste qui
étendrait ainsi encore plus avant ses ramifications sur le territoire ;
le maire et les élus municipaux
qui n'auraient plus à se
résigner à la perspective de devoir gérer un désert
économique.
En ouvrant davantage la vente de produits postaux à d'autres qu'à
ses " succursales ", La Poste réduirait toutefois pour
partie
les recettes encaissées sur lesdits produits par son propre
réseau
176(
*
)
.
Ceci peut donc
avoir des incidences en retour sur certains de ses points d'animation
territoriale.
Cet élément et beaucoup de ceux évoqués dans le
cadre des réflexions qui viennent d'être conduites sur la
dynamisation du réseau postal expliquent qu'il soit nécessaire
d'inscrire la stratégie d'ensemble de La Poste dans une politique de
revitalisation des territoires.
Dans d'autres pays tels l'Allemagne, n'est-il pas démontré que
ces relations entrepreneuriales sont positives pour le territoire et pour La
Poste ?
B. ... POUR MIEUX REVITALISER LES TERRITOIRES
La Poste ne peut être laissée seule face aux
territoires fragiles car elle ne peut être qu'écartelée
entre l'attachement ancestral qu'ils lui inspirent et l'appel d'air
compétitif qui l'aspire vers le " grand large "
international,
du fait de l'érosion de ses protections traditionnelles. Les
orientations qui doivent être arrêtées excèdent
manifestement le champ de sa compétence.
Il s'agit en effet de décider non seulement de l'avenir du territoire,
socle de la Nation, mais aussi de l'avenir même de l'opérateur
public. De telles décisions sont par essence de nature politique. Seuls
les politiques peuvent et doivent en assumer la pleine responsabilité.
C'est pourquoi, la loi doit fixer le cadre de la dynamisation postale du
territoire, les élus locaux la conduire sur le terrain, l'État la
soutenir financièrement, et les élus nationaux l'expliquer.
1. En fixant les règles nationales de la dynamisation postale
La loi d'orientation postale, que le présent rapport
souhaite voir déposer dès qu'il s'agira de transposer en droit
français les orientations de la directive postale européenne, ne
doit pas se limiter à ce seul exercice de traduction. Cela a
déjà été affirmé
177(
*
)
.
Cette loi devra aussi fixer le cadre de la modernisation et de la dynamisation
des modalités de revitalisation du territoire par La Poste. Elle ne
saurait toutefois décider de tout. Le dogmatisme ou l'uniformité
tatillonne et aveugle interdiraient la réussite. C'est le pragmatisme et
l'imagination locale qu'il convient de promouvoir dans le respect des principes
d'égalité qui unissent les Français au sein de la
République.
Quels pourraient donc être les principes fondateurs d'une telle
législation ? Il semble d'ores et déjà possible d'en faire
émerger trois : la définition d'objectifs en termes de services,
la détermination de critères nationaux pour les moyens de mise en
oeuvre, l'établissement de " discriminations positives " en
faveur des zones rurales fragiles et des quartiers urbains en difficulté.
a) Définir des objectifs en termes de services
Il s'agira, comme l'ont déjà fait d'autres
Parlements de l'Union européenne, de donner à La Poste des
objectifs de services répondant aux préoccupations territoriales.
En ce domaine,
l'élément pertinent
qui paraît
pouvoir être retenu est proche de celui qu'a déjà
sélectionné la loi d'orientation pour le territoire en ce qui
concerne les transports
178(
*
)
, à savoir
:
le temps d'accès au service
.
C'est le critère, on l'a déjà vu
179(
*
)
, qui
peut être appliqué
indifféremment aux zones rurales et aux zones urbaines, dès lors
que l'allongement des temps de déplacement ou de desserte dans les
premières est souvent corrigé par les temps d'attente au guichet
et l'absence fréquente de lien direct avec le facteur dans les secondes.
Il est clair que ce critère ne saurait être érigé en
droit individuel reconnu à chaque citoyen. Prenons un exemple
volontairement simpliste : l'alpiniste plantant son piolet au sommet du
Mont-Blanc ne saurait espérer pouvoir envoyer une carte postale dans un
laps de temps équivalent à celui nécessaire à
quelqu'un qui dispose d'une boîte à lettres au pied de son
immeuble !
Il ne serait, en revanche, pas raisonnable d'appuyer ce critère sur une
moyenne nationale. La compensation arithmétique des variations
extrêmes aboutirait à ce que cette moyenne puisse être
respectée sans que des portions entières du territoire y
satisfassent.
La voie d'équilibre consisterait donc sans doute à
établir un objectif de
durée maximale d'accès
aux
services postaux relevant du service public ou de l'animation territoriale sur
la base d'une
moyenne départementale.
b) Guider la mise en oeuvre par des indications de moyens
L'objectif défini, La Poste devra également
être guidée quant au choix des moyens à mettre en oeuvre.
Sur ce point, la loi n'aura qu'à arrêter les règles
générales.
Le prochain contrat de plan ou s'il est déjà signé
à la date de promulgation de la loi -ce qui est vraisemblable et
d'ailleurs souhaitable-, un avenant à ce contrat de plan en
précisera la portée.
Le législateur aurait, par exemple, à fixer les distances
maximales acceptées entre tout point d'une catégorie de
territoire donnée et une antenne postale fixe. Ces seuils pourraient,
bien entendu, varier en fonction de la densité d'occupation
démographique des territoires mais buteraient, en tout état de
cause, sur un minimum incompressible auquel La Poste sera assujettie dans les
zones rurales fragiles et faiblement peuplées.
Parallèlement, le Parlement aurait à fixer le cadre du
développement des services mobiles postaux dans ces zones.
c) Établir des discriminations positives
Pour votre Commission des Affaires économiques et votre
groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications, il ne fait pas de doute que pour la
détermination des moyens évoqués ci-dessus deux
éléments devront être pondérés :
- la densité démographique de la zone couverte, car La Poste
a pour mission de servir les Français ;
- mais également la superficie de cette zone, car La Poste est
aussi au service du territoire.
De plus, il ne fait pas de doute que ces règles devront prioritairement
viser à favoriser les lieux qui souffrent le plus : campagnes en voie de
désertification et quartiers urbains en dérive. En effet,
l'équité ce n'est pas nécessairement attribuer à
tous la même chose, c'est souvent donner plus à ceux qui ont le
moins.
Cependant, dans un contexte concurrentiel, la charge financière des
aspects d'aménagement du territoire d'une telle politique ne pourra pas
continuer à être supportée par La Poste, sauf à se
résigner à la cantonner à un rôle marginal sur le
marché postal mondial de demain. L'État devra donc prendre ses
responsabilités et ce d'autant plus -il faut le rappeler- que la
directive européenne en préparation n'autorise pas
l'intégration du coût des missions territoriales dans l'assiette
de calcul des charges du service universel qui, elles, peuvent être
équilibrées par des droits exclusifs ou des versements de fonds
de compensation.
Il faut être lucide : demain, pour La Poste, les missions
spécifiques d'aménagement du territoire signifient ou subventions
ou déficits.
2. En confortant les responsabilités des élus locaux
Impulsée par le Parlement, la
politique
d'aménagement postal du territoire
ne pourra prétendre
à l'efficacité que si, partout, elle est relayée et
adaptée aux impératifs du terrain par les élus locaux.
Car si dans le combat pour le territoire État, entreprises, organismes
consulaires ont un rôle majeur à jouer, l'action décisive
pour l'avenir d'un terroir, d'un village ou d'une ville appartient à ce
demi-million de cadres-citoyens que sont les
élus locaux
.
S'ils ne se lèvent pas, entreprises, administrations et autres risquent
fort de rester indifférents aux problèmes des espaces en
difficulté. S'ils se dressent, s'ils inventent, s'ils organisent
l'élan collectif, alors tout devient possible. Ce sont eux dont
l'engagement est déterminant. Ce sont eux les
véritables
entrepreneurs du territoire
.
C'est d'eux dont dépend la réussite du pays dans son ambition
à concilier l'avenir de La Poste et la renaissance du territoire. Eux
seuls peuvent, en définitive, imaginer et promouvoir dans les
départements dix, vingt, cinquante ... cent idées
" futuroscopiques " qui permettront d'assurer cette
conciliation.
Pour cela, ils disposent aujourd'hui de deux instruments -les schémas
départementaux d'organisation et d'amélioration des services
publics et les agences postales communales- et pourraient demain, si les
préconisations du présent rapport étaient suivies,
disposer d'une nouvelle liberté : la définition locale des
réponses à mettre en oeuvre.
a) Les schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics
Ces schémas ont une histoire qui est rappelée dans l'encadré ci-dessous, mais la loi Pasqua pour le territoire de 1995 leur a conféré une vivante actualité.
LES SCHÉMAS DÉPARTEMENTAUX :
UNE LENTE
MATURATION EN VOIE D'ACCÉLÉRATION
C'est
la loi montagne du 9 janvier 1985
qui
a
posé le principe d'une coordination des réflexions pour
l'amélioration des services publics en zone de montagne.
Le Comité interministériel d'aménagement du territoire du
28 novembre 1991 a, quant à lui, décidé de la
mise en place de schémas départementaux d'organisation et
d'amélioration des services publics dans les
25 départementaux les plus défavorisés,
bénéficiaires de la dotation de fonctionnement minimale des
départements.
Assurer aux habitants des zones rurales un accès aisé à
des services publics de qualité afin d'améliorer leurs conditions
de vie et de favoriser le développement économique de ces
territoires -telle était l'ambition des premiers schémas
départementaux.
En 1992, le Gouvernement a poursuivi la démarche entreprise, en
l'inscrivant dans la charte de la déconcentration et en
pérennisant les commissions départementales d'amélioration
et de modernisation des services publics instituées à titre
expérimental dans les 25 départements précités.
Les documents réalisés à cette époque ont permis de
réaliser des inventaires et de formaliser des projets. Les
premières mesures prises sur leur fondement portaient principalement sur
l'articulation des services publics existants.
La loi d'orientation du 4 février 1995
pour
l'aménagement et le développement du territoire confère
une nouvelle modernité à cette procédure, puisqu'elle
précise dans son article premier que "
l'Etat assure
l'égal accès de chaque citoyen aux services publics. A cet effet,
il détermine l'implantation des administrations publiques, les
conditions d'accès à distance aux services publics, la
localisation des investissements publics qui relèvent de sa
compétence, les obligations des établissements, organismes
publics et entreprises nationales placés sous tutelle et chargés
d'un service public
".
Elle prévoit en conséquence, dans son
article 28
, la
constitution de
commissions départementales
d'organisation et de
modernisation des services publics
sur l'ensemble du territoire
et la
préparation dans tous les départements de schémas
d'organisation et d'amélioration des services publics.
Le décret du 11 octobre 1995 fixe les modalités de
création des commissions ; la circulaire du Premier ministre du
21 février 1996 et la note d'information et de méthode
du 10 avril 1996 définissent les conditions
d'élaboration des schémas ad hoc.
Aujourd'hui les commissions départementales d'organisation et de
modernisation des services publics sont toutes constituées et elles se
sont déjà réunies plusieurs fois. Des groupes de travail
ont été créés et ont pour la plupart largement
engagé leurs travaux.
Au 31 avril 1997, 70 % des parties cadre
180(
*
)
des schémas départementaux ont
été adressées à la DATAR.
Le schéma, outil d'aménagement et de développement du
territoire, poursuit deux objectifs :
- satisfaire les besoins des habitants du département en facilitant
l'accès aux services publics ;
- favoriser le développement local grâce à une
présence adaptée des services publics sur tout le territoire et
plus particulièrement dans les plus fragiles : quartiers urbains
défavorisés et zones rurales en difficulté.
Le
schéma départemental
des services publics se
révèle, à la fois, un outil dynamique d'aménagement
et de développement du territoire et un instrument de cohérence
des politiques conduites en ce domaine. Son élaboration étant le
fruit d'une étroite concertation entre le préfet et le
président du conseil général et se trouvant, en tout
état de cause, soumis à la commission départementale
d'organisation et de modernisation des services publics, il
constitue donc
le cadre juridique naturel dans lequel doit s'inscrire la dynamisation postale
du territoire
.
b) Les agences postales communales
Si l'idée des schémas départementaux date
du milieu des années 1980, les agences postales communales, elles,
existent depuis le XIXe siècle.
Actuellement, on dénombre environ 3.000 agences locales dont
2.460 implantées en zone rurale et la moitié dans des
communes de moins de 1.000 habitants. Elle constituent souvent une
présence jugée indispensable là où La Poste reste
souvent le dernier service public présent.
En vue d'harmoniser le statut de ces agences postales locales situées en
milieu rural, La Poste, en relation avec l'Association des Maires de France, a
élaboré une convention de prestation de service type, qu'elle
propose aux communes pour une durée de trois ans.
Cette convention ne concerne toutefois que les agences rurales dont
l'activité postale quotidienne est inférieure à
5 heures, à savoir 2.200 agences, dont environ un millier
gérées par des communes et 1.200 gérées par
des personnes extérieures, sous contrat avec La Poste.
Le contrat passé entre La Poste et la commune prévoit que la
municipalité affecte à l'agence postale et rémunère
"
à titre permanent ou temporaire
" et
"
après avis technique de La Poste sur les compétences
requises
" un employé communal, "
placé sous
l'autorité hiérarchique et disciplinaire de la commune
".
En contrepartie, La Poste alloue une indemnité mensuelle à la
commune, comportant une part fixe de 500 francs correspondant aux charges
fixes (local, matériel...) et une part variable calculée au
prorata de l'activité postale générée dans
l'établissement, chaque opération étant traduite en
minutes de travail standard. En outre, s'agissant des communes à
très faible activité postale, la part variable n'est jamais
inférieure à une rémunération équivalant
à une demi-heure d'activité quotidienne, calculée sur la
base du SMIC, majoré de 10 %.
La généralisation de ce dispositif, qui garantit les communes
contre d'éventuels transferts de charge, se heurte cependant à
l'absence de disposition législative autorisant les communes
à
conclure une convention avec un organisme chargé de la
gestion d'un service public national.
Cette lacune est
dénoncée par l'Association des Maires de France et ne peut
qu'être regrettée tant par votre Commission des Affaires
économiques que par votre groupe d'études sur l'avenir de la
Poste et des Télécommunications.
Il était prévu de combler ce vide juridique dans le cadre du
projet de loi " Perben "
181(
*
)
qui
est désormais devenu caduc du fait du
changement de
législature
.
Le Gouvernement semble envisager de reprendre la démarche à son
compte. Il ne peut qu'être approuvé.
c) Une liberté nouvelle : la définition locale des réponses
Avec les schémas départementaux de service
public et les agences postales communales, les élus locaux disposent
dès maintenant des moyens de décliner localement la politique de
dynamisation postale du territoire que le présent rapport propose de
définir dans une future loi d'orientation postale.
Dans cette perspective, les élus locaux disposeraient d'une triple
prérogative
:
Tout d'abord, ils pourraient
influer sur les arbitrages de la loi
en
matière territoriale au travers, d'une part, des préconisations
des schémas départementaux en cours d'élaboration et,
d'autre part, de leurs représentants au Parlement.
Ensuite, c'est à eux qu'incomberait la
responsabilité de
mettre en oeuvre
dans les départements et les communes
les
orientations de la loi en les adaptant aux réalités locales
.
Dans ce cadre, la logique du dispositif proposé, conduit à
considérer que
les incidences financières de ces
décisions seront assumées par La Poste quand elles
relèveront du service universel postal et par l'Etat lorsqu'elles
correspondront aux normes d'aménagement postal des territoires
établies par la loi
.
Enfin, rien n'empêcherait les élus locaux de retenir, pour les
territoires qu'ils représentent, des
normes plus ambitieuses que
celles définies par le législateur
. Leur serait ainsi
reconnu, en matière d'aménagement du territoire, le
droit
à l'application
d'un principe de subsidiarité propre
à la France
. Cependant dans cette hypothèse, les surplus de
dépense qui pourraient en résulter auraient logiquement à
être financés localement puisque cela excéderait les
limites de la solidarité nationale instituée par le Parlement.
Cependant, la facilité qui consiste pour l'État à se
défausser sur les collectivités locales des dépenses de
solidarité collective qu'il n'entend plus assurer ne saurait, en
l'espèce, être acceptée. Les normes de solidarité
territoriale figurant dans la loi devront respecter un niveau
élevé d'exigence. Surtout si en allant au delà de ces
normes les collectivités locales étaient conduites à
assumer le coût de fonctionnement de mesures plus ambitieuses, il ne
s'agirait pas qu'elles supportent seules les investissements initiaux qui
pourraient en résulter.
Il conviendrait, par ailleurs, que se résorbe l'anomalie, née
avec la loi de juillet 1990, de la confiscation par l'État du produit de
la taxe professionnelle acquittée par France Télécom.
L'État ne peut indéfiniment transférer des
responsabilités aux collectivités territoriales en continuant
à détourner les ressources auxquelles elles ont droit.
Le Fonds de développement local dont l'instauration sera proposée
ci-après devrait permettre de répondre simultanément
à cette double exigence : soutenir les projets de modernisation
postale en zone rurale et redonner aux élus locaux un droit d'emploi des
recettes de la taxe professionnelle acquittée par France
Télécom.
3. En assurant le soutien financier de l'État
Trois dispositions sont préconisées pour garantir l'accompagnement financier de la dynamisation postale des territoires par l'État : le maintien des contreparties actuellement accordées à La Poste en raison de ses contraintes d'aménagement du territoire, le versement d'une subvention équilibrant le solde des charges restant à La Poste, l'affectation à un Fonds géré de manière paritaire par les élus et l'État d'une part substantielle de la taxe professionnelle réglée par France Télécom.
a) Le maintien des actuelles contreparties à l'aménagement postal du territoire
Cela a déjà été
mentionné
182(
*
)
, le 3° de l'article
23 de la loi de juillet 1990 institue, en faveur de La Poste, un
abattement sur les impositions directes locales que l'État continue pour
l'essentiel à percevoir, au motif que l'opérateur était
antérieurement une administration.
Ce dispositif précise : "
Les bases d'imposition de La Poste
font l'objet d'un abattement égal à 85 % de leur montant, en
raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de
participation à l'aménagement du territoire qui s'imposent
à cet exploitant. L'abattement ne donne pas lieu à compensation
par l'État.
"
Dans la perspective ouverte par le présent rapport, il ne conviendrait
donc pas que -comme ce fut le cas pour l'avantage dont
bénéficiait La Poste pour la taxe sur les salaires-, cet
abattement se trouve supprimé ou diminué au détour d'une
loi de Finances.
Il doit impérativement être maintenu
.
b) Le versement d'une subvention d'équilibre
Cependant l'avantage fiscal qui vient d'être
rappelé ne compense pas en totalité -c'est peu dire- la charge
supportée par La Poste au titre de ses missions territoriales. Nul
besoin de s'appesantir longtemps sur le sujet : il a été
exposé de manière détaillée dans le cadre du
présent rapport
183(
*
)
.
Certes, les propositions avancées précédemment devraient
permettre de réduire cette charge tout en assurant une meilleure
animation du territoire par le réseau postal.
Mais, d'une part, cette réduction ne saurait aboutir à ce que le
solde soit inférieur ou égal au montant de l'avantage
sus-décrit (1,3 milliard de francs en 1995) et, en outre, elle ne
peut être que progressive car toute l'évolution
prônée ne peut s'envisager que dans la concertation.
Dans ces conditions, la préservation de la compétitivité
économique de La Poste ne peut qu'imposer le versement d'une subvention
compensant la différence entre les charges d'aménagement du
territoire de l'opérateur et l'avantage financier dont il dispose.
Telle est la préconisation du présent rapport.
La difficulté que peut poser sa mise en oeuvre en l'état actuel
des contraintes budgétaires illustre, si besoin en était, la
difficulté pour La Poste et pour la Nation de persévérer
dans la voie actuelle et le danger de ne pas voir à quelle impasse elle
mène.
c) L'affectation d'une partie du produit de la taxe professionnelle de France Télécom à un Fonds géré de manière paritaire par les élus et l'État : le rétablissement d'une ancienne solidarité financière
L'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 a
assujetti La Poste et France Télécom aux taxes foncières
et à la taxe professionnelle à compter du
1er janvier 1994, tout en consentant à La Poste un abattement
appréciable rappelé ci-avant. Cependant, dans le même
temps, il prévoit que le produit de ces taxes, et en particulier celui
des taxes acquittées par France Télécom, est versé
au budget général de l'État et non aux
collectivités locales auxquelles il reviendrait pourtant de droit.
Il a en effet été considéré que les
collectivités locales n'ayant jusqu'alors jamais rien perçu de La
Poste et de France Télécom, n'avaient aucun droit sur le produit
des taxes acquittées par ces opérateurs, et qu'il n'y aurait en
conséquence pas de perte de ressources, seulement un manque à
gagner.
Ce détournement par l'État du produit de taxes locales, dont
l'essentiel est constitué par la taxe professionnelle de France
Télécom, est condamnable, et a été
dénoncé à maintes reprises par le Sénat, par votre
rapporteur, par M. Pierre Hérisson
184(
*
)
,
rapporteur pour avis du budget des Postes et
télécommunications et par l'ensemble des associations nationales
d'élus, en particulier l'Association des Maires de France (AMF).
Cette dernière s'est, ces derniers temps, attachée à
traduire cette condamnation dans une proposition de loi et son
Président, M. Jean-Paul Delevoye, Sénateur du Pas-de-Calais,
s'est rapproché de votre rapporteur pour examiner avec lui les
conditions dans lesquelles le mécanisme imaginé par l'AMF
pourrait notamment aider à la revitalisation de l'espace rural. Les
travaux de l'association qu'il préside conduisent en effet -idée
remarquable de pertinence- à envisager la constitution d'un Fonds
national de développement local abondé pour partie par le produit
de la taxe professionnelle de France Télécom.
C'est de cet échange de vues qu'a découlé la proposition
qu'est amené à vous faire votre rapporteur.
Proposition
relative à l'emploi de la taxe
professionnelle de France Télécom
en faveur des territoires et
de La Poste :
UN SOUTIEN AUX TERRITOIRES FRAGILES,
UNE AIDE A LA MODERNISATION DU
RÉSEAU POSTAL,
UN ATOUT POUT LES ÉLUS LOCAUX
Cette proposition a un triple objet :
mobiliser 60 % du produit total de la taxe
professionnelle versée par France Télécom (4,3 milliards
en 1995) en faveur des territoires ruraux et urbains en
difficulté
185(
*
)
;
réserver au moins 20 % de ce dernier montant
(c'est à
dire au moins 12 % du produit total soit 520 millions de francs en
1995)
à la modernisation et à la dynamisation du
réseau de La Poste dans les départements dont plus de la
moitié du territoire est composé de zones de revitalisation
rurale instituées par l'article 42 de la loi " Pasqua " du
4 février 1995 ;
garantir le contrôle des élus sur l'emploi des ressources non
directement perçues par les communes en imposant que ces ressources
soient gérées par un Fonds où les élus
détiendraient autant de sièges que les représentants de
l'État.
Le critère proposé pour déterminer les départements
pouvant bénéficier du soutien du Fonds pour des actions de
modernisation et de dynamisation postale est celui retenu par l'article 7
de la loi de réglementation de
télécommunications
186(
*
)
-introduit dans la loi à l'initiative du Sénat- pour soutenir
dans les départements ruraux l'accès des écoles aux
services de télécommunications avancés.
La formulation juridique de la proposition ainsi avancée a
été élaborée afin de permettre son expression
législative. Elle a été adressée, par votre
rapporteur, au président de l'Association des Maires de France, en lui
laissant le soin de la rendre publique.
Si l'orientation ainsi tracée était retenue par la proposition
de loi que prépare l'Association des Maires de France, et si cette
orientation était suivie -ce dont on ne saurait douter si l'AMF la
soutient- la politique de modernisation du réseau postal
préconisée, en faveur du territoire, par le présent
rapport se trouverait soutenue par une dotation annuelle
d'au moins 520
millions de francs
.
Il s'agit désormais que tout ceux qui adhérent à un tel
projet se mobilisent pour le faire aboutir.
4. En expliquant à tous et en restaurant la confiance des élus locaux
a) Dire la vérité pour conjurer les dangers
En démocratie, il n'est pas de politique d'envergure
qui puisse être menée à bien sans le soutien de l'opinion
et sans que ceux auxquels elle a vocation à s'appliquer aient conscience
des défis qu'elle s'efforce de relever.
La politique préconisée par le présent rapport en
matière d'aménagement postal du territoire n'échappe pas
à cette règle. Ses raisons, son intérêt et ses
ambitions devront donc être expliqués aux Français, aux
postiers et aux élus locaux car sans eux l'indispensable élan en
faveur du territoire ne pourra pas avoir lieu.
Une telle explication ne sera sans doute pas facile, tant sont fortes les
habitudes acquises, les illusions sur les ressources disponibles et la fausse
impression
187(
*
)
que les dangers qui guettent
notre Poste et nos territoires sont lointains. Trop peu dans les régions
ont conscience des menaces qui pèsent sur La Poste ; trop peu
distinguent les conséquences dramatiques que sa défaillance sur
les marchés pourrait emporter pour les territoires fragiles.
Mais est-ce une raison pour renoncer ?
Est-ce une raison pour laisser le
pire survenir ?
Certainement pas ! Dire la vérité et éclairer l'avenir des
rayons d'une ambition réaliste est le meilleur moyen de dissiper les
peurs nées de l'occultation des faits. Et le Sénat, s'il le veut,
pourrait jouer en ce domaine un rôle déterminant.
Si le Sénat prenait l'initiative politique d'impulser le mouvement,
il pourrait contribuer puissamment à préparer la discussion de la
loi d'orientation postale et se trouverait en mesure de peser fortement sur son
contenu. Par la confiance qu'il inspire naturellement aux élus locaux il
pourrait impulser le réveil des esprits et affirmer ainsi à voix
haute sa vocation modernisatrice.
Rien ne pourra s'entreprendre sans une évolution des mentalités,
mais beaucoup pourrait être fait si le Sénat se portait garant,
auprès des élus qui sont ses mandants, du caractère
positif pour les territoires des changements à promouvoir. Il pourrait
être un acteur majeur de la modernisation de La Poste et de la
dynamisation postale des zones rurales. Il pourrait par son action assurer de
manière décisive l'avenir d'un grand service public et d'un pan
riche d'emplois de notre économie.
b) Garantir aux élus locaux qu'il n'y aura pas de " marché de dupes "
Le présent rapport l'a déjà
souligné : si les élus locaux sont fortement attachés
à la présence postale, c'est qu'ils y voient un symbole de la
considération que leur porte la Nation. C'est aussi très
concrètement -et comment ne pas les comprendre- qu'ils savent ce qu'elle
leur apporte et qu'ils craignent qu'une évolution du réseau
-fut-elle inspirée des meilleures intentions- aboutisse en
définitive à les dépouiller. Leur sensibilité sur
ce point est à vif car, nous l'avons vu, leur confiance dans
l'attachement de La Poste aux territoires fragiles a été
ébranlée par certains des comportements de l'opérateur
public observés notamment avant l'instauration du moratoire. Et, il est
vrai, force est de le constater, que La Poste a parfois procédé,
même ces derniers temps, à des transformations internes de son
réseau de manière autoritaire. Elle n'a pas encore assez
recherché à établir avec eux un dialogue franc et ouvert
pour leur expliquer les enjeux de ces transformations, ni à leur
garantir que leurs principales préoccupations seraient respectées.
C'est pourquoi, il s'agit de restaurer sans attendre cette confiance
ébranlée. Pour ce faire, deux chemins doivent être suivis :
inciter La Poste à donner des gages de la fermeté de son
engagement en faveur des territoires fragiles, par un renforcement de sa
politique de relocalisation et de revalorisation des territoires ;
créer les conditions d'un dialogue transparent et sincère, seul
à même d'enclencher un processus mutuellement profitable à
La Poste et aux élus locaux.
La Poste n'est pas un opérateur centralisé et jacobin. Son
organisation territoriale
188(
*
)
, l'importance
de ses activités dans le tissu économique local
189(
*
)
, et la densité de son réseau
immobilier
190(
*
)
en sont des preuves
manifestes. Sa politique de relocalisation de certains de ses services en
province en est une autre démonstration : elle a déjà
répondu à l'appel en faveur du territoire, lancé notamment
par la loi " Pasqua " de février 1995. Ainsi qu'en
atteste sa politique de décentralisation de ses activités qui ne
sont pas directement en contact avec la clientèle, ses actes plaident en
sa faveur.
La Poste a, en effet engagé un processus ambitieux de relocalisation de
certains de ses services financiers. Depuis qu'elle s'est avancée dans
cette voie, le transfert de plus de 2.500 emplois parisiens vers la
province a été annoncé ou effectué. Les plus
importants de ces transferts sont centrés sur les régions
orléanaises, nantaises et bordelaises, mais il y a eu aussi près
de 500 emplois créés ou relocalisés au
Mas-Loubier
,
dans la banlieue de Limoges. Et ce n'est pas fini. Entre février et mai
1998, 100 agents de La Poste, dont une cinquantaine venant du centre
d'Orléans-La Source, amèneront avec eux à Limoges 150.000
comptes postaux.
Cette politique de relocalisation est bonne. Mais elle se doit d'être
encore amplifiée et, surtout, davantage " ciblée " sur
les départements comportant le plus grand nombre de zones de
revitalisation rurale
191(
*
)
.
Ainsi qu'a observé, avec une grande justesse de ton et un profond
discernement politique, Mme Janine Bardou, Sénateur de Lozère,
à l'occasion de la communication de votre rapporteur à la
Commission des Affaires économiques le 8 octobre 1997 : "
Des
solutions doivent être envisagées afin de compenser
d'éventuelles fermetures de bureaux de poste par l'implantation d'autres
services de La Poste
", afin d'éviter que les zones rurales ne soient
marginalisées.
L'apaisement des inquiétudes locales qui résulteraient de
la proclamation de cette priorité et de sa mise en oeuvre vigoureuse ne
saurait toutefois suffire.
Dans tous les départements,
et tout particulièrement dans
ceux englobant le plus grand nombre de zones vulnérables,
il
conviendrait d'organiser, dès 1998, des "
tables
rondes
" Poste-élus
auxquelles participeraient :
- les responsables locaux de La Poste et des représentants de sa
Direction générale mandatés à cet effet par son
Président ;
- les représentants des organisations d'élus locaux ;
- les élus nationaux du département qui souhaiteraient y
participer ;
- les fonctionnaires désignés par le représentant de
l'État dans le département pour suivre l'élaboration des
schémas d'organisation et d'amélioration des services publics.
Ces "
tables rondes
" auraient notamment pour objet
de se
mieux connaître, de permettre l'expression des attentes et des
contraintes des uns et des autres, de recenser les besoins postaux locaux, de
déterminer les moyens les plus adaptés à leur satisfaction
-en particulier, du point de vue du développement des services mobiles
de La Poste-, d'examiner l'éventuelle implantation de services postaux
relocalisés ou redéfinis et, au total, de contribuer à
définir le cadre territorial de la loi d'orientation postale
réclamée par le présent rapport.
Ces tables rondes auraient vocation à constituer le socle
démocratique de la redynamisation postale des territoires ruraux.
IV. DÉPASSONS LES PARADOXES DE L'AIDE POSTALE À LA PRESSE
Au cours des nombreuses auditions que votre rapporteur a tenues sur la question des rapports entre la presse et La Poste 192( * ) , il a été frappé par l'importance des hiatus existant entre les apparences officielles de la situation et la réalité ressentie par les professionnels. Par bien des aspects, la donne Presse/Poste apparaît aujourd'hui comme un " noeud de paradoxes ". Il s'agit donc de s'efforcer de les dénouer pour permettre à cette " alliance historique ", qui date des premiers temps de la République, de continuer à produire ses effets bénéfiques sur la vie démocratique.
A. LES TROIS PARADOXES DE L'AIDE POSTALE À LA PRESSE
1. Elle coûte cher mais satisfait peu de ceux auxquels elle est attribuée
L'aide au transport et à la distribution de la presse
n'est pas de mince envergure. L'État y contribue à hauteur de
1,9 milliard de francs et, selon les estimations les plus couramment
admises, La Poste en supporte près de 3,6 milliards, ce qui
représente au total 5,5 milliards de francs par an. Elle constitue
donc, et de loin, la première forme d'aide à la presse en termes
financiers.
Cependant, parmi les patrons de presse ou les représentants des
organisations professionnelles des éditeurs, bien peu apparaissent des
défenseurs acharnés du dispositif existant. Tantôt
l'insuffisante qualité de l'acheminement postal ou son inadaptation aux
attentes des abonnés se trouvent critiquées ; tantôt le
caractère trop administratif et insuffisamment commercial de
l'opérateur, voire la concurrence qu'il fait à la presse sur la
publicité sont dénoncés ; souvent, sa rigidité de
fonctionnement et les tarifs de ses prestations sont déplorés et,
presque toujours, les modalités de calcul de ses coûts de
production sont contestées et le chiffre de 3,6 milliards avec elles.
Au total, pour un oeil extérieur, le système français
d'aide à la distribution de la presse pourrait apparaître comme
présentant l'étrange particularité d'être à
la fois coûteux, peu apprécié de ses
bénéficiaires, et ne contribuant pas à un haut niveau de
diffusion de notre presse. Premier paradoxe !
2. Son maintien est jugé indispensable, mais il ne garantit pas nécessairement une délivrance optimale de l'information à l'opinion
Nul n'imagine toutefois sa disparition ; les comptes
d'exploitation de beaucoup de titres n'y résisteraient pas.
Mais nombreux sont ceux qui soulignent sa relative inadaptation à
l'attente des abonnés. Les propos tenus sont même parfois
sévères : "
Un quotidien du matin se lit avec le
café du petit déjeuner, avant de partir au travail ou ne se lit
pas ; or, avec La Poste, il n'est pas rare qu'il arrive seulement à
12-13 heures, surtout en zone rurale ".
Ou encore
:
" Pour un hebdomadaire régional, lorsque la distribution a lieu
hors zone de postage, il est exceptionnel qu'il soit livré à
J + 1 ; la norme est d'ailleurs plus proche de J + 3, voir
J + 4 que de J + 2 ".
Ces délivrances tardives, inadaptées à la demande du
lectorat, rebutent les abonnés et ne favorisent pas les ventes. Or, dans
les régions, un journal local est souvent l'emblème du terroir ou
de la ville. Les provinciaux aiment leurs journaux : la preuve,
Ouest
France
le premier quotidien français est un quotidien
régional ! Là où un journal local est diffusé, il
joue toujours un rôle majeur dans l'animation de la vie
démocratique, même s'il n'est pas un titre politique. S'il
s'éteint, la ville moyenne où il était édité
ne se sent plus représentée comme avant ; il y a appauvrissement
de la vie locale ; il y a dépérissement d'un territoire.
En bref, le service postal à la presse ne paraît pas
répondre entièrement aux attentes ni de la profession ni des
lecteurs. Aurait-il oublié que, comme le disait Jean Miot,
Président de l'AFP :
" Les produits de presse sont les seuls
dont la date de péremption n'est pas le jour mais l'heure "
?
En outre, ce service postal ne semble pas vraiment correspondre, dans les
provinces françaises, au niveau de prestation que la presse
régionale semble en droit d'exiger d'un opérateur national
chargé de participer à l'aménagement des territoires.
Deuxième paradoxe !
3. Elle ne répond plus aux ambitions politiques qui l'ont inspirée mais n'obéit pas pour autant à la rationalité économique
En 1796, comme à la Libération, en organisant
l'aide à la distribution de la presse, le législateur ne
poursuivait pas d'autre objectif que celui de favoriser la diffusion des
idées et des faits pour mieux éclairer le citoyen dans ses choix
politiques. Rappelons-nous les propos tenus par Boissy d'Anglas à la
tribune du Parlement en 1796 : "
La Révolution française
est, (...) née du progrès et du développement des
lumières accélérés par l'imprimerie. (...) La
circulation des lumières est maintenant aussi nécessaire parmi
nous que la circulation de l'air ... "
.
193(
*
)
Il ne s'agissait donc, dans l'esprit des " pères
fondateurs ",
que de soutenir
la presse d'opinion
. Qui aujourd'hui ne
considérerait pas un tel soutien comme indispensable à
l'expression démocratique ? Fort peu, à n'en pas douter. Mais
est-on certain que beaucoup jugeraient raisonnable que ce soutien
-alimenté par les impôts des contribuables et le service public
postal- bénéficie à des revues de jeux, de cuisine ou de
tricot, voire même -semble-t-il- à des catalogues de la VPC ?
Le soutien public à la distribution du
"
J'accuse
"
publié par Zola à la une de l'Aurore a, en quelque sorte,
été étendu au "
J'éclaire mon salon
à l'halogène
" des pages intérieures d'un mensuel
de décoration bien connu. C'est peu de dire que les
" lumières " évoquées par Boissy d'Anglas devant
le Conseil des Anciens ne brillent plus comme en 1796 !
Cette dilution de l'aide à la presse d'opinion dans un soutien
général et banalisé à la presse ne paraît pas
présenter un intérêt évident pour la
démocratie. Obéit-elle pour autant à une logique
économique ? On peut tellement en douter que d'aucuns inclinent
même à penser que, sous sa forme actuelle, l'aide postale à
la presse tend à s'opposer à l'atteinte de l'optimum
économique par une partie du secteur.
Selon eux, les subventions massives à l'acheminement postal faussent
complètement l'arbitrage économique des éditeurs car elles
rendent, par comparaison, inabordables d'autres formes de livraison à
domicile, tel que le portage des journaux, qui dans certains cas -quotidiens
diffusés dans des zones à densité démographique
forte ou moyenne- constitueraient un vecteur bien plus efficace de
pénétration commerciale et de fidélisation de la
clientèle.
Dans le droit fil de cette thèse, certains éditeurs souhaitent
d'ailleurs établir une relation commerciale de droit commun avec La
Poste, jugeant que leur poids dans la diffusion postale devrait leur permettre
de négocier des tarifs plus favorables que ceux résultant d'un
barême de prix qui n'autorise pas de distinction fondée sur
l'importance des envois.
Pour les tenants de cette thèse, non seulement l'aide à la presse
coûterait cher à La Poste, mais, en définitive, elle
coûterait également très cher à la presse.
Troisième paradoxe !
B. LES MOYENS D'OPTIMISER L'AIDE POSTALE A LA PRESSE
1. En finir avec les controverses : établir la vérité des coûts
Les termes du débat sur le coût du transport de
la presse pour La Poste ont été détaillés
précédemment
194(
*
)
. Rappelons
simplement que pour les éditeurs, il doit être
évalué au coût marginal
195(
*
)
, soit
4,41 milliards de francs en 1996, et que
pour La Poste -soutenue en cela par l'Inspection générale des
Finances- il doit l'être au coût moyen de ses prestations, soit
7,54 milliards en 1996. La différence, de l'ordre de
3,13 milliards, n'est pas négligeable ; elle est supérieure
à l'aide de l'Etat et proche de celle assurée par La Poste, selon
les estimations officielles.
Pour votre rapporteur, l'évaluation au seul coût marginal ne peut
être acceptée telle quelle. A suivre les éditeurs dans
cette voie, chaque client important de La Poste ne devrait se voir facturer que
les coûts supplémentaires qu'il engendre. Ce serait oublier que
l'acheminement de leur produit utilise également des infrastructures et
des moyens existant indépendamment de leurs commandes mais
indispensables à leur traitement. A caricaturer l'argument
" marginaliste ", on pourrait dire que, s'il était
généralisé, dès la deuxième lettre
envoyée, tout particulier serait en droit d'en exciper.
Cependant, lui dénier toute pertinence apparaît pour le moins
excessif. Il est vrai que la "
presse est largement structurante
pour
une partie du réseau, tant pour des raisons de géographie des
lieux de distribution (distribution en milieu rural, distribution
l'après-midi à Paris des quotidiens du soir) qu'en raison de
caractéristiques de poids et de format des produits de la
presse
"
196(
*
)
. Mais la
première partie de cette assertion n'est pas valable pour tous les
points du territoire : est-il vraiment nécessaire de prévoir une
structuration spécifique du réseau pour la distribution des
quotidiens du matin dans les zones urbaines ? Et la presse n'est pas le seul
client de La Poste à lui présenter des produits plats de poids
variables contenant du papier : les envois en nombre des catalogues des
entreprises ou des rapports annuels des sociétés ne devraient-ils
pas être traités par La Poste, même si elle n'acheminait pas
les journaux ?
De tels arguments et les recoupements effectués à partir des
indications qu'il a recueillies au cours de ses investigations amènent
votre rapporteur à nuancer le chiffrage habituellement avancé du
coût de l'acheminement postal de la presse.
Selon lui, la réalité du coût du transport postal de la
presse se situe vraisemblablement à un niveau inférieur à
celui habituellement retenu, dans une fourchette de 6,50 à
6,75 milliards de francs plutôt qu'autour de 7,5 milliards.
La charge nette restant supportée par La Poste reste considérable
(de 2,56 à 2,8 milliards de francs en 1996). Surtout, la
persistance de cette controverse -que les conclusions de l'Inspection
générale des Finances n'ont pas éteinte- démontre
à quel point il est nécessaire d'aboutir à la
vérité des prix en ce domaine et tout l'intérêt que
présente pour La Poste une meilleure transparence des résultats
découlant du système ambitieux de comptabilité analytique
dont elle s'est dotée.
Au vu des zones d'ombre du système actuellement appliqué par La
Poste
197(
*
)
, comment s'étonner que les
éditeurs de presse contestent les chiffres auxquels il aboutit pour la
part occupée par la distribution de la presse au sein des charges de
courrier ? D'ailleurs, si l'Inspection générale des Finances
rejette leur demande d'estimation au coût marginal, n'est-ce pas aussi,
en partie, au motif que la comptabilité analytique de La Poste
"
ne permet pas, en particulier, d'identifier directement les
charges
variables et les charges fixes
" (rapport précité,
p. 10) !
2. Poursuivre dans la voie du ciblage de l'aide sur la presse d'opinion
Pour la Commission des Affaires économiques et le
groupe d'études pour l'avenir de la Poste et des
Télécommunications du Sénat,
l'aide publique à
la distribution postale de la presse doit être résolument
recentrée sur les quotidiens et les hebdomadaires d'information
générale et politique
, à savoir aujourd'hui les
quelques 300 titres reconnus comme présentant cette
qualité
198(
*
)
et
bénéficiant déjà du
" ciblage "
199(
*
)
, instauré
par les accords " Galmot ".
Il n'est bien entendu pas envisageable de rompre brutalement avec les habitudes
héritées du passé et de supprimer tout soutien aux autres
publications. Pour être supportables, de telles translations
économiques doivent être étalées dans le temps. La
voie d'une évolution graduelle vers le rééquilibrage des
aides publiques qui a été retenue par les accords
" Galmot " doit être approuvée. Affirmons,
désormais sans équivoque, que cette orientation sera maintenue et
qu'à terme éloigné, seul l'acheminement de la presse
d'opinion sera subventionné par le contribuable
200(
*
)
. A cet horizon, les autres publications auront
à acquitter la prestation commerciale assurée par La Poste
à son juste prix, à savoir le prix du marché.
Il s'agit d'en revenir aux sources de l'inspiration démocratique des
soutiens postaux à la presse.
Sachons le reconnaître, le système d'aide postale à la
presse antérieur aux accords " Galmot " reposait sur
l'illusion qu'un support identique -le papier imprimé- créait des
produits en tous points identiques : les journaux. Mais peut-on
prétendre que les méthodes de bricolage, la pratique des mots
croisés ou la cote des véhicules d'occasion ont le même
impact sur la vie démocratique que le commentaire de l'actualité
sociale ou l'analyse d'une politique ou encore le compte rendu de la vie
régionale ? Si on répond non à cette question, alors il
faut cesser de nous nourrir d'illusions.
Admettons qu'il n'y a pas une
presse mais plusieurs presses
. Et convenons, en conséquence, de leur
appliquer des politiques diversifiées pour les soutenir dans leur oeuvre
d'information, d'éducation ou de distraction des citoyens, en ayant le
souci constant de ne pas introduire par le biais de cette
différenciation des discriminations injustifiées dans
l'accès au marché publicitaire.
3. Développer des relations commerciales avec les autres éditeurs
En commençant à retenir la distinction
opérée ci-dessus, les accords " Galmot " ont
également commencé à dégager les relations
Presse-Poste du régime administré dans lequel elles
s'étaient enlisées et à les faire évoluer vers des
rapports de clients à fournisseur, plus adaptés à la
réalité des activités éditoriales modernes.
Il semble toutefois que La Poste ait encore un peu de chemin à parcourir
pour nouer de véritables relations commerciales avec ses partenaires de
la presse. Trois obstacles paraissent encore se dresser sur sa route : ses
coûts de production, sa position de concurrente de la presse sur le
marché publicitaire et une conception sans doute trop stricte, tant du
principe d'égalité que du rôle d'un opérateur public.
Si le coût du transport de la presse officiellement retenu
(7,5 milliards de francs en 1996) se trouvait intégralement
répercuté sur la profession, celle-ci aurait à acquitter
les tarifs les plus élevés de l'Europe postale efficace, et de
beaucoup : 3 fois ceux d'Allemagne ; 2,7 fois ceux des Pays-Bas ; 2,5 fois ceux
de Belgique pour un hebdomadaire de 200 grammes. Les écarts seraient
encore plus prononcés pour un mensuel de 300 grammes : de 1 à 3,2
avec les Pays-Bas ; de 1 à 3,12 avec l'Allemagne
201(
*
)
...
L'effort de productivité
et de réduction de ses
coûts auquel
La Poste
s'est engagée dans le cadre des
accords " Galmot " ne devra donc pas être relâché,
sauf à envisager que ses partenaires soient prêts à
contribuer au financement de ses rigidités internes ou à accepter
que, libéralisation européenne aidant, ils finissent par recourir
aux services d'un concurrent plus performant
202(
*
)
.
Autre obstacle à l'apaisement des tensions récurrentes entre La
Poste et beaucoup d'éditeurs : la personnalisation de la
publicité par voie de presse, à laquelle l'opérateur
postal paraît opposer un refus de fait en raison -peut-on supposer- de la
crainte de détournement de trafic au détriment de ses produits de
publicité adressée, regroupés sous le label Postimpact.
Or, pour la presse le maintien de ses positions sur un marché
publicitaire marqué par l'avancée de l'audiovisuel et du
hors-média est
crucial
.
Il y a là un problème d'opposition d'intérêt auquel
le présent rapport ne saurait prétendre apporter de solution. On
peut seulement se demander en l'espèce si, quand on traite du soutien de
la presse écrite, il ne conviendrait pas de privilégier une
approche globale de la question publicitaire et de s'interroger sur
l'accroissement des droits publicitaires des médias audiovisuels.
Enfin, les traditions du service public et une application sans doute un peu
stricte du principe d'égalité qui en découle
amènent encore trop La Poste, aux dires de certains, à
appréhender ses prestations à la presse au travers des produits
livrés -des paquets de taille et de poids donnés qui, en fonction
des catégories dans lesquelles ils entrent, entraînent
l'application de règles préfixées- et non en termes de
partenariats : des clients lui assurant un chiffre d'affaires plus ou moins
important et capables de négocier des modalités de livraison de
leurs produits plus adaptées aux contraintes de La Poste (tri
préalable, routage, ...), s'ils obtiennent en contrepartie des avantages
proportionnés. En bref, La Poste paraît ne pas encore percevoir
avec suffisamment de clairvoyance qu'en droit public l'exigence
d'égalité ne s'impose que dans le traitement de situations
comparables et que les " gestes commerciaux " étrangers
à l'univers administratif sont essentiels à la bonne marche des
affaires. Ainsi, il semblerait qu'elle refuse de signer des contrats
commerciaux avec des périodiques au motif que son trafic
" presse " est déficitaire.
Pour débloquer la situation, il convient donc de trouver, sans
délai, les moyens de réduire ce déficit. L'accentuation du
soutien public à un autre mode de distribution des journaux -le portage-
paraît de nature à emporter assez rapidement des effets positifs
en ce domaine.
4. Alléger les charges de La Poste en soutenant davantage le portage à domicile
Nous l'avons vu, au delà de certaines densités
démographiques, le portage
203(
*
)
à domicile des journaux est un très bon vecteur de
fidélisation des abonnés et, par là même, un
excellent outil d'enracinement commercial par les titres.
Très développé aux Etats-Unis et au Japon, le portage a
également fait ses preuves dans des pays européens : il
représente 88 % de la diffusion des quotidiens aux Pays-Bas,
60 % en Allemagne
204(
*
)
et 50 % au
Royaume-Uni. En France, il est encore modérément pratique et on
en connaît une des principales raisons : ses coûts ne
résistent pas à la comparaison avec ceux -largement
subventionnés- de la distribution postale. Pourtant son
développement, ces dernières années, en dépit de ce
handicap dissuasif révèle à quel point il peut constituer
une réponse adaptée à la distribution de certaines formes
de presse dans des zones d'habitat dense. A n'en pas douter, si la donne
tarifaire n'était pas autant déséquilibrée, le
portage serait beaucoup plus utilisé qu'aujourd'hui, notamment par les
quotidiens.
Pour cette raison, en 1996, le Gouvernement -reprenant à son compte les
mesures décidées par le précédent Gouvernement sur
la base du plan d'aide à la presse présenté par Nicolas
Sarkozy- a décidé de commencer à corriger ce
déséquilibre préjudiciable à la liberté
économique de la presse. Pour favoriser le recours au portage,
un
fonds de répartition
doté de 15 millions de francs a
été mis en place en 1997. Pour cette dernière
année, l'aide comprend deux parts égales : la première est
assise sur le nombre d'exemplaires portés au cours de l'année
1996 ; la seconde est fonction de l'accroissement du nombre d'exemplaires
portés entre le premier semestre 1996 et le premier semestre 1997. Pour
1998, le projet de loi de Finances propose de porter cette dotation à
45 millions de francs.
Par ailleurs, le décret n°96-678 du 30 juillet 1996 a
institué, pour une période de 5 ans
un fonds pour le
remboursement des charges sociales
acquittées par les entreprises de
presse pour le portage des seuls quotidiens nationaux, afin de tenir compte des
difficultés rencontrées par cette forme de presse pour
développer le portage. Pour 1997, première année de mise
en oeuvre de cette aide, le fonds était doté de 2,4 millions de
francs.
Ces deux mesures vont dans le bon sens mais leur modestie au regard des masses
financières de l'aide postale à la presse démontre la
limite de la correction ainsi opérée. Songeons que
cumulées, à elles deux, elles représentent 0,38 % du
total de cette dernière, telle qu'elle ressort de l'évaluation du
présent rapport !
Pourtant, si le portage prend son essor en France, comme il l'a fait à
l'étranger, il apparaîtrait logique, au vu des avantages dont il
est paré, d'en escompter dans la limite des zones de son intervention :
- une amélioration de la délivrance des journaux aux
abonnés ;
- un renforcement de l'implantation commerciale des titres ;
-
un allégement de la lourde charge supportée par La
Poste
pour le transport de la presse ;
- et éventuellement à terme, une réduction
corrélative de la subvention versée à ce titre par le
budget général.
La Poste ne saurait a priori qu'y gagner
et ce d'autant plus que rien ne
l'empêcherait de développer, au travers de filiales
spécifiques, ses activités de portage pour mieux valoriser ses
savoir-faire " amont " et sa bonne connaissance des
contraintes de la
distribution de la presse. Ne considère-t-elle pas, d'ores et
déjà, que si le service public de la distribution de la presse
relève de ses missions historiques, elle ne devrait pas en supporter le
coût dont le financement incombe, selon elle, entièrement à
l'Etat. Le portage ne peut donc, en définitive, que l'alléger
d'une charge indue.
De toutes façons, l'opérateur ne peut que demeurer un partenaire
majeur des journaux : il restera le mieux placé pour assurer le
transport des titres nationaux sur les centres de regroupement du portage et,
d'autre part, lui seul sera à même d'assurer la desserte des zones
les moins densément peuplées, tant en deçà de
certains seuils le portage n'est pas viable économiquement. Il n'en
demeure pas moins que, même dans cette perspective, La Poste n'en aura
pas moins à améliorer la qualité de son service en zone
rurale.
La presse, les citoyens et l'Etat gagneraient également à la mise
en oeuvre d'une telle orientation puisque tous y trouveraient la satisfaction
de leur intérêt. Or, le moment paraît bien choisi pour
impulser cette politique car la hausse des tarifs postaux programmée par
les accords " Galmot " va tendre à réduire
l'écart de coût entre le portage et l'acheminement postal.
Actuellement de 0,91 franc à 1,11 francs par numéro, le tarif
d'affranchissement de la plupart des quotidiens devrait passer à une
fourchette comprise entre 1,08 franc et 1,40 franc, voire davantage à
partir de 2001, et se rapprocher ainsi du prix du portage qui, dans les
meilleures hypothèses (zones d'habitat dense à fort taux de
pénétration) s'élève de 1,20 franc à 1,30
franc l'exemplaire.
Accélérons donc d'une manière pragmatique le mouvement
en faveur du développement du portage. Doublons l'aide au portage
prévue pour 1998. Portons-la à 90 millions au lieu de 45 millions
de francs !
Puis, évaluons les effets d'une injection aussi significative d'argent
public dans ce secteur d'activité
(en un an, multiplication par 6 de
l'aide)
avant de décider du sort de la politique ainsi
engagée. Mais si les effets constatés sont bien ceux
prévus, n'hésitons pas alors à poursuivre plus avant.
Suggérer de ponctionner le budget de l'Etat constituait un discours
parlementaire aisé à tenir avant l'instauration de la Ve
République par le général de Gaulle. Tel n'est plus le cas
aujourd'hui. Les dépenses budgétaires proposées par le
Parlement doivent être gagées par un produit d'imposition.
Aussi, pour financer la mesure préconisée, votre rapporteur
propose-t-il de lui affecter, à due concurrence, une partie du produit
de la taxe sur les recettes publicitaires des supports dis " hors
médias ", dont l'instauration a été votée par
l'Assemblée nationale lors de la discussion en première lecture
du projet de loi de finances pour 1998.
5. Etudier la préservation de la deuxième tournée postale dans la capitale pour la presse du soir
La Poste tend actuellement à réduire la
fréquence de ses tournées à Paris et dans les grandes
villes où -legs de la poste urbaine du temps jadis-, elle en assurait
parfois trois par jour. A Paris, la troisième tournée est en voie
de disparition et la question du maintien de la deuxième -celle de
l'après-midi- semble désormais posée.
Dans l'absolu, une telle attitude n'est pas incompréhensible : elle
obéit à une logique de rationalisation de la distribution et tend
à établir une plus grande égalité de la desserte
postale sur l'ensemble du territoire. Cependant à Paris et en
région parisienne, la remise en cause de la tournée de
l'après-midi ne serait pas sans conséquences sur l'information
des citoyens. En effet, les encombrements de la circulation à cette
période de la journée y rendent difficilement envisageable le
recours au portage dans des conditions fiables et économiquement
acceptables, alors même que La Poste y assure un service de
qualité très apprécié par l'un des plus grands
quotidiens nationaux, édité en début d'après-midi,
Le Monde
pour ne pas le nommer.
Si la tournée postale de l'après-midi en région parisienne
était supprimée, celui-ci se trouverait privé des moyens
logistiques lui permettant de servir la moitié de ses abonnés,
c'est à dire un sixième de ses lecteurs. Une telle situation ne
serait guère supportable par le quotidien fondé par Hubert
Beuve-Mery. Mais que pourrait-il faire ? Ne risquerait-il pas -ainsi que
semblent l'envisager deux autres quotidiens parisiens du soir- d'être
tenté par une parution le matin ?
N'y aurait-il pas, dans cette hypothèse, un appauvrissement de la
diversité et de la richesse du débat démocratique ?
Votre Commission et votre groupe d'études le redoutent. C'est pourquoi,
il leur apparaît
souhaitable que cet élément
d'importance soit pris en compte par La Poste et le Gouvernement que puissent
être étudiés tous les moyens de préserver la
deuxième tournée postale dans la capitale, dont
bénéficient également France Soir et La Croix
.
6. Assurer un suivi externe de la qualité
Déjà, le protocole Presse-Etat-Poste de 1992,
avait prévu la mise en place d'un outil externe de la qualité du
service postal à la presse.
Un partenariat avec la presse ne peut se concevoir, en effet, sur la base des
indicateurs actuels de qualité de service, qui sont exclusivement
internes à La Poste. A cet égard, l'expérience disponible
en matière de lettre à domicile, de courrier d'entreprise ou de
messagerie montre qu'il existe un différentiel de quatre points entre
les résultats affichés par l'outil interne à La
Poste
205(
*
)
et ceux calculés par un
intervenant extérieur (la SOFRES). L'outil a donc tendance à
surévaluer la qualité de service et il lui est, par
là-même, difficile de s'imposer comme base objective de discussion
avec la presse.
La presse quotidienne en particulier souhaite la mise en place d'un tel
contrôle externe de la qualité, incluant notamment un indicateur
relatif à l'heure de la distribution. Dans la logique de cette position,
il apparaîtrait d'ailleurs souhaitable que les critères de
qualité retenus soient arrêtés dans le cadre d'une instance
paritaire Presse-Poste.
Cependant, sur ce point, les accords de 1992 n'ont pas eu d'effet. Ceux
signés sous l'égide de M. Galmot, en début d'année,
ont donc à nouveau prévu la mise en place d'un tel instrument
qui, par maints aspects, apparaît indispensable. Des modes de financement
impliquant l'Etat ont même été organisés.
Il conviendrait donc maintenant que le suivi externe de la qualité de
l'acheminement postal de la presse se mette en place sans tarder. Six ans,
c'est déjà une fort longue durée pour qu'une
décision devienne effective !
7. Veiller à garantir la pérennité de la contribution de l'Etat au financement du transport de la presse
L'actuel contrat de plan (1995-1997) entre l'Etat et La Poste
stipule expressément dans son article 7 que : "
Pendant la
période du contrat de plan :
- l'Etat stabilisera en francs courants, sur la période, sa
contribution annuelle au titre de l'aide à la presse calculée sur
une base de 1,9 milliard de francs ;
"
206(
*
)
.
Cette clause n'avait pas été aisée à introduire
lors de la négociation, l'Etat y étant au début hostile.
Mais elle a depuis été respectée à la lettre et a
permis à La Poste de recevoir chaque année un soutien
significatif -bien qu'incomplet- du budget général pour assurer
le service public du transport de la presse.
Cette disposition sera-t-elle reprise dans le prochain contrat de plan
(1998-2000) ? Peut-on supposer que le seul principe de la contribution
d'Etat serait inscrit mais que son montant ne se trouverait pas
précisé ? Si tel était le cas, le risque ne serait-il pas
grand de la voir, au fil des ans, fondre " comme neige au
soleil " ?
Cela signifierait alors que le rééquilibrage tarifaire issu des
accords " Galmot " serait capté par l'Etat au détriment
de La Poste. En d'autres termes, un silence du contrat de plan sur ce point
essentiel risquerait fort d'entraîner que, au lieu de s'alléger
comme prévu, la charge que supporte l'opérateur au titre de la
presse reste constante, voire s'alourdisse. La presse ne pourrait bien entendu
qu'en pâtir car les efforts que La Poste s'est engagée à
consentir, dans le cadre d'une relation financière moins
déséquilibrée, s'en trouveraient compromis.
Les éditeurs de presse et leurs structures représentatives
seraient donc sans doute bien avisés de s'en inquiéter car, si le
contrat de plan ne donne pas toute certitude à La Poste sur la
contribution de l'Etat, ce pourrait bien être eux qui, en
définitive, seraient amenés à en payer le prix.
C'est pourquoi, votre Commission et votre groupe d'études expriment
la volonté que les interventions du Gouvernement en ce domaine soient
rapidement et clairement énoncées.
V. CONFORTONS LES COMPÉTENCES FINANCIÈRES DE LA POSTE
Exerçant à la fois des activités relevant
d'un monopole et des activités concurrentielles, La Poste est soumise
aux regards soupçonneux de certains de ses concurrents qui estiment
qu'elle exerce ses activités financières dans des conditions
susceptibles de constituer des distorsions de concurrence. Le
débat
207(
*
)
en ce domaine porte
notamment sur les conditions du partage du réseau entre service du
courrier et services financiers, les avantages que procureraient les
spécificités du statut de l'opérateur public, ainsi que le
duopole qu'il partage avec les Caisses d'épargne pour la distribution du
livret A.
D'aucuns tirent argument de ces critiques pour justifier la
nécessité qu'il y aurait à modifier le cadre juridique de
l'exercice par La Poste de ses services financiers, voire pour certains d'une
forme de remise en cause de certaines de ces activités.
Votre commission et votre groupe d'études estiment qu'il ne serait pas
justifié, en l'état actuel des choses, de réformer ce
cadre juridique, même s'il convient de s'assurer du respect par La Poste
des règles de concurrence. S'agissant du contenu même de ces
services, le champ d'activité prévu par la loi de
juillet 1990 doit être confirmé. Une banalisation brutale de
la distribution du livret A est par ailleurs à exclure. Enfin, la
mission d'intérêt général que remplissent pour
partie les services financiers devrait être explicitement reconnue.
A. UN CADRE JURIDIQUE TOUJOURS ADÉQUAT
Votre rapporteur ne croit pas que la situation extrême consistant à créer une banque postale soit la bonne, bien au contraire. Rien ne semble, en outre, la justifier. Il estime cependant que le maintien du cadre juridique d'exercice des services financiers devrait s'accompagner d'une plus grande transparence et clarté dans la gestion des activités de l'opérateur, afin de garantir la loyauté des conditions dans lesquelles il exerce ces dernières.
1. La banque postale : une solution épouvantail...
La création d'une entité distincte pour les services financiers est une solution avancée par les concurrents financiers de La Poste dont les résultats, quand elle est adoptée à l'étranger, n'apparaissent pourtant pas toujours probants, ou se révèlent en tout état de cause peu compatibles avec la situation française.
a) Une solution avancée par les concurrents financiers de La Poste
Les adeptes de la création d'une banque postale font
valoir que cette solution serait seule de nature à s'assurer de la
loyauté des conditions de la concurrence exercée par La Poste
dans le secteur financier, notamment de l'absence de subventions
croisées entre activités sous monopole et activités
concurrentielles. Cette création pourrait être envisagée
soit sous la forme d'un établissement, de droit public ou de droit
privé, mais avec l'État pour actionnaire, soit sous la forme
d'une société privée.
L'Association française des banques (AFB)
208(
*
)
estime quant à elle que, dans une telle
hypothèse, il serait nécessaire que la banque postale soit
privatisée immédiatement et qu'elle soit dotée de bureaux
distincts de ceux de La Poste dans les zones urbaines, afin d'éviter
notamment que la clientèle du service public du courrier se trouve
drainée vers d'autres services relevant du marché.
Peut-on raisonnablement envisager une solution aussi radicale quand on
connaît la profondeur des racines unissant à La Poste les
métiers du courrier et ceux de la finance et quand on sait la force de
l'attachement des postiers à l'unité de leur entreprise ? Pour
votre rapporteur, la réponse est sans hésitation : non !
b) Des exemples étrangers assez peu probants ou inadaptés à la situation française
Chez nos voisins européens
209(
*
)
, certains services financiers sont dotés du
statut de personne morale de droit public, comme en
Allemagne
. C'est en
1995 que cette dernière a décidé de transformer la
Deutsche Postbank en société anonyme de droit commun, soumise
à la loi bancaire, ayant l'État pour unique actionnaire.
Cependant, la séparation des activités postales et
financières de l'ancienne poste allemande a posé des
problèmes d'une telle ampleur, liés notamment aux conditions
d'utilisation du réseau postal par la Deutsche Postbank, que nombreux
sont ceux en Allemagne, y compris parmi les dirigeants, qui la regrettent.
Trois autres pays européens : l'Espagne, la Grande-Bretagne et les
Pays-Bas ont procédé à la privatisation des services
financiers de leurs opérateurs postaux, qui ont été
intégré, dans des groupes bancaires privés. Rappelons
qu'aux Pays-Bas, la poste elle-même est privatisée.
Aujourd'hui, la création d'une banque postale n'est pas envisageable
en France.
L'exemple de notre voisin allemand ne peut guère nous inciter à
emprunter la voie qu'il a choisie.
Quant à une éventuelle privatisation des services financiers, non
seulement votre rapporteur y est défavorable à titre personnel
-il vient de le rappeler- mais elle ne lui paraît même pas
envisageable. Il a suffisamment exposé les raisons justifiant le
maintien du statut public de La Poste ci-dessus
210(
*
)
pour ne pas avancer ici des arguments qui pourraient
apparaître redondants.
En réalité, les services financiers apparaissent indissociables
de La Poste. Comment pourrait-on imaginer arracher le " coeur
financier " de notre opérateur public ? Au demeurant, ne serait-ce
pas la contraindre à renoncer à sa mission de guichet social pour
les plus démunis ?
Dans tous les cas, inenvisageable aujourd'hui, la création d'une banque
postale n'apparaît, en outre, guère justifiée par des
arguments techniques.
2. Au demeurant rien ne la justifie
La proposition avancée par certains de création
d'une banque postale peut également s'expliquer par leur souhait de
soumettre les services financiers de La Poste aux mêmes règles que
celles régissant le secteur bancaire.
C'est oublier que ces services financiers connaissent leurs contraintes
propres. En effet, si les services financiers de La Poste
bénéficient incontestablement d'un certain nombre d'avantages
liés à certaines spécificités, ils sont à
l'inverse soumis à des charges et obligations que n'ont pas à
supporter leurs concurrents.
a) Les charges imposées à La Poste par l'État
Il suffit, à cet égard, de rappeler :
- la mission d'aménagement et de desserte du territoire, qui
implique la présence des services financiers de La Poste dans des zones
dans lesquelles les banques ne sont pas tenues d'exercer leur activité,
puisqu'elles jouissent d'une totale liberté d'implantation ;
- le statut public du personnel, qui impose à La Poste d'assurer le
financement intégral des pensions de retraite servies à ses
anciens agents, ce qui engendre des charges plus lourdes que celles pesant
à cet égard sur les établissements bancaires. Il en
résulte, pour l'entreprise publique, un surcoût de 30 % de sa
masse salariale.
b) Les spécificités de fonctionnement du circuit financier concerné
L'absence d'assujettissement de La Poste au respect des
ratios bancaires
est logique dans la mesure où elle n'est pas
soumise à la loi bancaire de 1984
211(
*
)
.
L'évocation des principaux ratios bancaires n'est cependant pas inutile,
même si elle est un peu technique, pour montrer que
leur application
à La Poste ne serait en tout état de cause pas
adéquate.
Le premier d'entre eux, et le principal, est le ratio Cooke, qui rapporte les
fonds propres aux crédits accordés. Le deuxième ratio
concerne la division des risques, qui est établi pour éviter une
trop forte concentration de l'activité sur quelques clients. Un
troisième ratio montre l'équilibre des ressources
(c'est-à-dire les dépôts) et des emplois (les
crédits).
Dès lors que tous ces ratios sont basés sur les crédits et
que La Poste n'est pas autorisée -en vertu de la loi de 1990- à
exercer d'autre activité de crédit que les prêts
immobiliers avec épargne préalable, n'est-il pas paradoxal de lui
reprocher de ne pas appliquer ces ratios qui, pour la partie prêts
d'épargne logement et complémentaires sont naturellement à
la charge de la Caisse Nationale d'Epargne, propriété de l'Etat ?
S'agissant cette fois du coefficient de liquidité, dont le respect est
imposé aux banques dans le but de leur permettre de faire face aux
échéances de dépôts et de prévenir une crise
de trésorerie, ce ratio n'a bien entendu pas la même valeur pour
La Poste puisque l'ensemble de ses dépôts est centralisé
à la Caisse des Dépôts et Consignations ou au
Trésor. En réalité, dans ces conditions, La Poste se
verrait imposer une " sur-liquidité ", correspondant à
un coefficient de liquidité de 475 %, alors qu'il est de 100 %
pour les banques.
Par ailleurs, pour ce qui concerne l'activité commerciale, La Poste est
soumise à une contrainte spécifique : elle doit obtenir, outre
les autorisations réglementaires, l'accord de ses autorités de
tutelle préalablement au
lancement d'un nouveau produit
.
La force de cette contrainte a d'ailleurs été
démontrée en 1995, quand à la suite de l'instauration des
prêts immobiliers à taux zéro, elle a souhaité
distribuer ce type de produit. Sa tutelle ne l'y a autorisée que sous
réserve du respect de conditions draconiennes (accord de partenariat
avec des établissements de crédit spécialisés dans
l'immobilier). La même démonstration avait d'ailleurs
été forte, quand, en 1992, peu de temps avant la sortie de son
produit " libertitude " permettant une rémunération de
la trésorerie des comptes courants. La Poste avait du annuler toute
l'opération à la demande du Gouvernement.
Au total, les particularismes de l'entreprise publique emportent un certain
nombre de désavantages dont doivent avoir conscience ceux qui
dénoncent les avantages spécifiques dont elle
bénéficierait en termes de concurrence et qui justifieraient la
création d'une banque postale.
On l'a dit, une telle solution ne saurait être choisie. On ne saurait
toutefois ignorer les légitimes préoccupations des concurrents
financiers de La Poste qui souhaitent que la compétition soit loyale et
s'exerce dans le respect des règles en la matière. A cet
égard, il faut rappeler que, dans son avis du 25 juin 1996, le
Conseil de la Concurrence n'a aucunement contesté le principe de
l'exercice par La Poste d'activités concurrentielles, et en particulier
des services financiers, pour autant cependant que les conditions permettant
d'assurer le respect des règles de concurrence soient mises en oeuvre.
Dans ces conditions, La Poste devra mettre en oeuvre tous les moyens permettant
d'établir une comptabilité analytique invulnérable.
3. Une exigence : une comptabilité analytique aux résultats invulnérables
Avec la personnalisation juridique que lui a conférée la loi du 2 juillet 1990, La Poste est passée d'une comptabilité administrative à une véritable comptabilité patrimoniale et analytique. Les méthodes d'affectation des charges suscitent cependant des critiques et les exigences du droit de la concurrence imposent à La Poste de s'y mettre à l'abri.
a) Des progrès ont été accomplis
La comptabilité se révélant une
synthèse de la vie de l'entreprise, on mesure l'importance du pas
franchi avec la mise en place du nouveau cadre comptable au
1er janvier 1991.
Désormais, l'article 29 du cahier des charges de La Poste lui
impose de tenir une comptabilité analytique ayant pour objet de mesurer
la contribution au résultat d'exploitation de ses activités
d'acheminement et de distribution du courrier, d'une part, et de ses
activités financières, d'autre part. Une telle
comptabilité "
doit permettre de procéder à des
analyses de coûts afin d'apprécier la contribution aux
résultats des différents produits ou activités ".
La Poste a réalisé des progrès considérables en
matière de gestion financière et comptable en six ans. Si bien
que les réserves émises par les commissaires aux comptes lors de
leur première certification ont été progressivement
levées. En 1996, pour la première fois, les comptes de La Poste
ont été certifiés sans réserve.
Dans son avis du 25 juillet 1996, le Conseil de la Concurrence
affirme que "
l'articulation entre la comptabilité analytique et
la comptabilité générale paraît très
complète. Le système appliqué par La Poste est celui d'une
comptabilité analytique en coûts complets réels. La
méthode de retraitement des charges est une méthode classique
[...]
.
La méthode paraît appliquée de façon
orthodoxe
".
b) Mais La Poste doit développer une comptabilité analytique aux résultats moins contestables
En dépit des progrès réalisés
et de sa qualité, la comptabilité analytique de La Poste
n'apparaît pas encore véritablement invulnérable. Elle
devra le devenir afin de répondre aux exigences du droit de la
concurrence, tant national que communautaire, ainsi qu'aux critiques de ses
compétiteurs.
Comme le souligne le Conseil de la Concurrence dans son avis
précité : "
La mise en place d'un système de
comptabilité analytique fiable et transparent et de comptes
généraux séparés est donc pour La Poste une
impérieuse nécessité
, dès lors que
coexistent en son sein deux types d'activités de nature
différente dont l'une d'elles est couverte par un monopole
public "
.
La nécessité de présenter des comptes
séparés a également été affirmée par
la Commission européenne, dans sa décision du
8 février 1995.
En outre, la proposition de directive postale impose aux prestataires du
service universel de tenir dans leur comptabilité interne des comptes
séparés (bilan et compte de résultat) pour chaque service
relevant du monopole et pour les services non réservés, et de
faire contrôler leurs comptes par une " entité " d'audit
indépendante.
Tant que La Poste n'aura pas clairement satisfait à ces obligations, ses
concurrents ne se priveront pas de déposer plaintes et recours
auprès des instances européenne et nationale compétentes.
Or, selon le Conseil de la Concurrence, l'examen de sa comptabilité
analytique soulève trois questions majeures :
- la répartition de l'imputation des frais de réseaux. Ces
charges ne font, à l'heure actuelle, pas l'objet d'imputation, ce qui
apparaît contestable aux yeux du Conseil ;
- la distinction entre coûts fixes et coûts variables en
fonction de l'activité, à laquelle il n'est pas
procédé
212(
*
)
;
- les conditions dans lesquelles le système de comptabilité
analytique pourrait permettre l'exercice du contrôle du respect des
règles de la concurrence. A cet égard, le Conseil relève
que l'exercice de ce contrôle "
présuppose au minimum une
analyse de coûts à usage externe que devrait effectuer La Poste
selon des normes précisées par l'autorité de tutelle dans
un cahier des charges ".
La Poste a mis au point des outils comptables sophistiqués et
performants. Ses faiblesses tiennent, en réalité, aux
problèmes liés notamment aux critères de
répartition des coûts du réseau entre activités sous
monopole et activités concurrentielles.
Avec l'adoption de la loi d'orientation postale souhaitée par le
présent rapport, la nécessité de clarifier les
modalités d'affectation des charges au sein de la comptabilité
analytique s'imposera encore plus nettement à La Poste.
En effet, pour définir le périmètre des activités
relevant du monopole et destinées à contribuer au financement des
missions de service public, il faudra bien pouvoir préciser les
coûts de ces dernières. Il serait pour le moins gênant de se
trouver en porte-à-faux à l'égard de la Commission
européenne si se révélaient des différences de
coût difficilement justifiables entre le service public français
et celui de nos voisins européens. Il ne conviendrait pas qu'une telle
faiblesse soit de nature à justifier une contraction du champ du
monopole (services réservés) par Bruxelles.
Une telle estimation s'avère difficile et risque d'être
contestée par les compétiteurs de La Poste sur les marchés
concurrentiels, qu'il s'agisse des services financiers ou des activités
courrier hors monopole. Elle sera également essentielle pour
l'opérateur public lui-même. Pour décider des modes de
compensation de ses charges d'aménagement du territoire, de guichet
social ou de transport de la presse, ne faut-il pas préalablement en
connaître le montant exact ? Or, on l'a vu, les évaluations
existantes en ce domaine prêtent pour le moins à discussion.
C'est pourquoi, votre Commission et votre groupe d'études encouragent
La Poste à poursuivre le perfectionnement des modes de calcul
utilisés par sa comptabilité analytique. Afin de rendre ces
derniers incontestables, ils proposent qu'il soit donné suite à
la suggestion du Conseil de la Concurrence de confier à
l'autorité de tutelle la détermination des normes permettant d'en
assurer les conditions de la transparence.
Mais, en définitive, le problème ne résulte-t-il pas du
fait que l'outil comptable, techniquement solide, serve en quelque sorte
à jeter un voile pudique sur " l'opacité " des
relations financières entre l'Etat et La Poste et à masquer le
fait que l'Etat se défausse sur elle de missions de service public dont
il ne compense que très imparfaitement la charge ?
Une clarification des relations entre l'opérateur public et l'Etat,
tiraillé entre son rôle d'autorité de tutelle -qui
exigerait qu'il donne à La Poste les moyens d'atteindre un
équilibre financier par métier- et son rôle
budgétaire qui ouvre son appétit financier, s'avère, on
l'a dit indispensable ?
Enfin, une fois l'approche normative établie par l'autorité de
tutelle et appliquée par La Poste, il lui restera à faire valider
ses comptes de façon à en garantir la fiabilité aux yeux
de tous. Au-delà, La Poste gagnerait à recourir à un audit
global, afin de bénéficier de conseils externes.
c) L'audit externe : une garantie de fiabilité
Les comptes de La Poste sont, on l'a dit, soumis à la
certification de commissaires aux comptes. La Cour des Comptes, qui a notamment
pour mission de contrôler les comptes des entreprises publiques, se livre
également régulièrement à un contrôle des
comptes du groupe Poste.
Au-delà, un audit externe complet de l'entreprise serait sans doute
nécessaire, à l'instar des autres postes européennes, qui
recourent aux services de cabinets d'audits internationaux.
Une telle démarche présenterait un
double avantage
:
- elle donnerait à La Poste une chance d'évaluer à
leur juste valeur ses atouts et ses faiblesses, ainsi que ses performances
réelles ;
- enfin, elle lui permettrait de bénéficier pleinement des
conseils de spécialistes rompus à la définition de
stratégies d'entreprises et donc les mieux à même,
exerçant le regard perçant de l'observateur extérieur,
d'aider le groupe à définir sa stratégie, ou celle de ses
différentes activités, pour entrer avec un esprit offensif dans
le XXIe siècle.
d) Une filialisation des services financiers ?
Alors, objectera-t-on, La Poste a-t-elle la capacité de
mettre en oeuvre l'ensemble de ces exigences et recommandations ?
Certains en doutent. Tel n'est pas le cas de votre rapporteur, qui lui fait
confiance pour mettre en oeuvre tous les moyens de nature à mettre ses
services financiers hors d'atteinte des critiques.
S'il s'avérait cependant qu'en dépit des efforts poursuivis en
ce sens, elle n'obtenait pas un degré de transparence et de
fiabilité comptable à la hauteur des exigences formulées
par les instances en charge du droit de la concurrence, alors sans doute
faudrait-il se résoudre à procéder à
l'individualisation juridique des services financiers,
préconisée par notre collègue, M. Alain Lambert,
rapporteur général de la Commission des Finances du
Sénat
.
Ce dernier, dans un rapport
213(
*
)
présenté au nom de sa Commission a estimé que la
filialisation des services financiers s'imposait comme préalable au
respect des règles de la concurrence. Il a fondé son raisonnement
sur l'avis précité du Conseil de la Concurrence qui a
considéré que : "
quelles que soient les
améliorations qui pourraient être apportées au
système de comptabilité analytique de La Poste, cela ne suffirait
pas dans tous les cas à permettre la mise en oeuvre d'un contrôle
effectif du respect des règles de la concurrence et qu'une
séparation plus claire des activités sous monopole et des
activités ouvertes à la concurrence, de nature comptable,
financière, organisationnelle, voire juridique par voie de
filialisation, serait propre à permettre un meilleur exercice de ce
contrôle
".
Si une telle solution devait être à terme retenue, ce qui
apparaît aujourd'hui exclu, votre rapporteur souhaite à tout le
moins qu'elle ne soit mise en oeuvre que dans le cadre des principes ayant
présidé à l'élaboration du présent rapport,
c'est-à-dire en maintenant à la fois le statut public et
l'unité de l'opérateur.
Si la filialisation finit par devoir être envisagée comme seul
moyen de préserver le monopole du courrier
214(
*
)
,
votre rapporteur se doit en outre dès
maintenant de souligner les difficultés et graves problèmes
qu'elle risquerait de provoquer
.
Ces difficultés ont d'ailleurs été relevées par le
Conseil de la Concurrence dans le même avis : elles "
tiennent
notamment à la situation du personnel de la filiale : s'il pourrait
être envisagé que les agents de La Poste affectés à
la filiale financière conservent leur statut de fonctionnaire, leur
rattachement à une structure de droit privé pouvant se faire par
le biais d'une mise à disposition ou d'un détachement, en
revanche, ils ne pourraient plus effectuer d'autres tâches que celles
correspondant à la spécialisation de la filiale. La filialisation
entraînerait donc la fin de la polyvalence des agents et poserait le
problème de la partition du personnel de La Poste. "
On imagine, outre la complexité d'un tel système, les
problèmes humains et sociaux qu'il ne manquerait de créer. Il
faut s'interroger : comment les postiers pourront-ils vivre la rupture de ce
lien social ?
Au total, on l'aura compris, cette situation n'est pas celle que souhaite voir
survenir le présent rapport.
Outre le cadre juridique dans lequel elle s'exerce, le périmètre
même de l'activité financière de La Poste est parfois
contesté. Sans entrer dans le détail des polémiques en ce
domaine, votre Commission -fidèle aux positions qu'elle a prises lors de
la discussion de la loi de 1990- et votre groupe d'études recommandent
que soit appliquée, ni plus ni moins, la loi du 2 juillet 1990.
B. APPLIQUONS LA LOI DE 1990, TOUTE LA LOI DE 1990, RIEN QUE LA LOI DE 1990
Rappelons dès l'abord que les compétences des
services financiers de La Poste sont définies dans un cadre juridique
dessiné à la fois par les textes spécifiques à La
Poste et par la loi bancaire de 1984
215(
*
)
. Si
cette dernière a spécifié que La Poste était
habilitée à réaliser des opérations de banque,
l'article 4 de la loi du 2 juillet 1990 a réaffirmé les
domaines de compétences des services financiers, qui ont
été précisés par le cahier des charges de La Poste
et par le contrat de plan.
En application de ces textes, La Poste exerce une activité
financière diversifiée -en proposant, on l'a vu
précédemment
216(
*
)
, des services
bancaires et des produits d'assurance- qui contribue au quart de son chiffre
d'affaires.
D'aucuns s'interrogent sur le bien-fondé du périmètre
des services financiers ainsi défini. Votre Commission et votre groupe
d'études jugent que la loi du 2 juillet 1990 a permis au paysage
financier français d'atteindre un certain équilibre qui ne
devrait pas être remis en cause.
1. Un principe : l'application de la loi de 1990
a) Rien que la loi de 1990
Au sein de l'Europe, les services postaux français se
situent parmi ceux qui exercent une activité financière assez
diversifiée. Cependant, à l'inverse des postes espagnole,
allemande ou néerlandaise
217(
*
)
, ils ne
peuvent proposer de crédits à la consommation ou de prêts
immobiliers sans épargne préalable.
La Poste est, de ce fait, essentiellement au service des particuliers. Si elle
a aussi pour clients de nombreuses PME et un certain nombre de grandes
entreprises, elle n'a cependant pas vocation à devenir une banque
d'affaires.
Ce cantonnement constitue un frein à la fidélisation de sa
clientèle et elle se trouve de ce fait désavantagée par
rapport au réseau bancaire. Ne pourrait-on d'ailleurs pas
considérer que c'est là une juste contrepartie à sa
participation au duopole de distribution du livret A ?
A l'occasion de l'examen de la loi de 1990 par le Sénat, votre
Commission des Affaires économiques -soutenue par votre rapporteur-
avait défendu un amendement tendant à autoriser La Poste à
proposer les prêts qui lui sont interdits, en concluant des accords de
partenariat avec des banques. Depuis lors, celle-ci a affirmé sa
position sur d'autres produits bancaires et un certain équilibre a pu
être trouvé tant pour La Poste que pour le marché bancaire,
dont il serait cependant souhaitable qu'il soit procédé de
façon progressive.
Il n'y a pas lieu aujourd'hui de remettre en cause cet équilibre.
b) Mais toute la loi de 1990
S'il n'est pas question d'étendre le
périmètre des services financiers, il n'apparaît pas non
plus souhaitable de le restreindre.
Rappelons que la loi a autorisé La Poste à commercialiser tous
produits d'assurance. Jusqu'ici, elle n'a développé son
activité que sur l'assurance-vie, avec succès d'ailleurs,
puisqu'elle occupe plus de 9 % de ce marché. Elle ambitionne
désormais de se lancer dans l'assurance-dommages, marché sur
lequel elle ne s'était jusqu'ici pas encore positionnée, mais
dont la loi de 1990 lui autorise l'accès. Le législateur qui lui
a reconnu cette faculté ne saurait donc s'opposer à son exercice,
auquel il serait cependant souhaitable qu'il soit procédé de
façon progressive.
2. Une réserve de prudence : ne pas ébranler le marché
Depuis quelques années, La Poste mène une
politique très dynamique dans le domaine des services financiers. On
peut se féliciter du succès de sa stratégie et
l'encourager à conforter cette dernière dans le cadre de la loi
de 1990. On émettra toutefois une réserve :
la loi de 1990
devrait être pleinement appliquée, mais en prenant soin cependant
de ne pas déstabiliser brutalement le marché
.
Il paraît normal et souhaitable que La Poste cherche à
développer ses produits d'assurance au moment même où
l'ensemble des banques considèrent les activités d'assurance
comme des compléments naturels de leurs activités principales.
Il ne faudrait d'ailleurs pas que le coup d'arrêt mis par le Gouvernement
au projet qu'elle caressait en la matière avec les Assurances
Générales de France (AGF) compromette son engagement sur le
marché de l'assurance-dommages. A l'inverse, des précautions
doivent être prises pour ne pas ébranler ce marché dont
dépend l'existence économique de milliers d'assureurs
généraux qui, eux aussi, sont des créateurs d'emploi et
animateurs du territoire.
Cette recommandation d'un statu quo législatif en matière de
services financiers, s'accompagne du souhait d'un maintien du duopole de
distribution du livret A.
C. LA BANALISATION DU LIVRET A : UN CHIFFON ROUGE À NE PAS AGITER
Le duopole de distribution du livret A partagé
entre La Poste et les Caisses d'Epargne est, battu en brèche par les
banques au motif qu'il entraînerait des distorsions de
concurrence
218(
*
)
.
On renverra également le lecteur à l'avis rendu par le Conseil de
la Concurrence le 17 septembre 1996
219(
*
)
,
et qui portait notamment sur ce point. Rappelons simplement que, pour le
Conseil, le duopole de distribution du livret A ne constitue pas un abus
de position dominante, même s'il relève par ailleurs que son
maintien n'apparaît pas indispensable à l'accomplissement des
missions d'intérêt général, qu'il s'agisse du
développement de l'épargne populaire ou du financement du
logement social.
Il n'en reste pas moins que la banalisation de la collecte du livret A
emporterait des conséquences qui ne sont pas sans inquiéter votre
Commission et votre groupe d'études. Cela justifie, selon eux, de ne pas
modifier l'économie du dispositif en vigueur.
La généralisation de la collecte du livret A à
l'ensemble du système bancaire serait, d'une part, financièrement
difficilement supportable pour La Poste et risquerait, d'autre part, de
porter atteinte au financement du logement social. Enfin, n'assiste-t-on pas,
d'ores et déjà, à une banalisation rampante du
livret A ?
1. Des conséquences difficilement supportables pour La Poste
On a vu que la collecte sur le livret A contribuait de
façon non négligeable aux recettes de La Poste, puisque sa
rémunération à ce titre -bien qu'en diminution- a atteint
4,29 milliards de francs en 1996.
Sa banalisation risquerait d'entraîner un phénomène brutal
de décollecte et donc de déstabilisation financière de
l'opérateur public. En effet, certaines banques ne seraient-elles pas
alors tentées d'" écrêmer " le marché pour
ne conquérir que la clientèle la plus " rentable ",
c'est-à-dire disposant d'encours importants et effectuant des
opérations peu nombreuses ?
Dans un tel scénario, La Poste garderait essentiellement les livrets
modestes, qui représentent un coût élevé en termes
de gestion, coût qui deviendrait financièrement extrêmement
difficile à assurer et fragiliserait, de plus, l'activité
déjà réduite de nombre de petits bureaux de poste en zone
rurale. Serait alors compromis l'équilibre déjà
précaire de gestion du livret A et l'alternative ouverte à
La Poste se résumerait alors à abandonner sa fonction de
" banque des pauvres " ou solliciter des subventions
massives des
budgets publics.
Une telle situation ne risquerait-elle pas, en outre, de porter atteinte
à la cohésion sociale, si se profilait la perspective d'une
exclusion financière de couches entières de la population ?
2. Les risques encourus en matière de financement du logement social
La collecte du livret A, centralisée à la
Caisse des Dépôts et Consignations, contribue puissamment au
financement du logement social
. L'organisation de ce financement
privilégié, qui adosse une épargne de
sécurité à un investissement d'intérêt
général, permet de garantir l'équilibre et la
pérennité du financement du logement social.
Conscientes de la valeur de cet argument, les banques proposent, depuis deux
ans, qu'en cas de généralisation du livret A à tous
les réseaux, l'ensemble de la collecte en résultant soit
centralisée à la Caisse des Dépôts et Consignations.
Les banques accepteraient donc de renoncer à la meilleure
rentabilité des fonds collectés que leur procurerait le
marché.
Ceci pourrait-il signifier qu'elles aient l'intention -à l'instar des
soupçons qu'elles formulent à l'endroit de La Poste- d'utiliser
le livret A comme un produit d'appel, dans le but d'orienter la
clientèle ainsi nouvellement acquise vers des produits plus
rémunérateurs pour elles ?
Ne seraient-elles pas tentées, par ailleurs, comme elles l'avaient fait
avec le CODEVI, de négocier progressivement avec les pouvoirs publics,
la baisse du taux de centralisation de leur collecte à la Caisse des
Dépôts ?
Votre rapporteur ne se prononcera pas sur ces points. Il lui appartient, en
revanche, de dénoncer le risque qu'encourerait le financement du
logement social du fait d'une banalisation du livret A. Ce risque a
d'ailleurs été souligné dans le rapport de l'Inspection
générale des Finances sur le coût pour La Poste de la
mission d'aménagement du territoire. Et le ministère de
l'Economie et des Finances ne vient-il pas lui-même d'affirmer qu'une
telle décision "
remettrait en cause le financement du logement
social dans notre pays "
?
220(
*
)
3. Une banalisation rampante ?
En définitive, on l'aura compris, votre rapporteur
n'estime pas souhaitable de procéder à une banalisation de la
collecte du livret A, qui aurait un effet déstabilisant à la
fois sur La Poste et sur le financement du logement social, ceci d'autant plus
qu'au cours des dernières années, la multiplication des produits
d'épargne liquide à taux réglementé a
entraîné de facto une banalisation progressive de ce type de
produit, à laquelle La Poste a dû s'adapter
221(
*
)
.
On oublie, en effet, trop souvent que le livret A a vu naître un
" clone " : le livret bleu, distribué par le
Crédit mutuel, et des " petits frères " nommés
CODEVI, plan d'épargne populaire (LEP) ou livret jeune. Il est vrai que
contrairement aux livrets A et bleu -qui ont une vocation
générale (toute personne résidant en France peut ouvrir un
tel livret, sans condition d'âge ou de ressources)- les autres produits
peuvent être ouverts que par certaines catégories de
personnes
222(
*
)
et leurs plafonds de
dépôt sont inférieurs ; en revanche, le LEP et le livret
jeune bénéficient d'un taux d'intérêt
supérieur au livret A.
En définitive, on ne peut plus dire qu'il existerait un marché
limité à la distribution des livrets A et dont seraient exclus un
certain nombre d'acteurs financiers.
Le livret A constitue en
réalité un segment d'un marché plus vaste : celui des
produits d'épargne réglementée et certains produits de
cette catégorie lui sont partiellement substituables.
C'est d'ailleurs ce qu'affirme le Conseil de la Concurrence, qui
précise, dans son avis du 17 septembre 1996 : "
La
redistribution de l'épargne disponible des particuliers en cas de
création d'un nouveau produit de ce type ou de modification des
conditions de souscription, de rémunération ou de plafonnement
des dépôts confirme que ces différents produits
d'épargne liquide à taux réglementé sont
partiellement substituables entre eux. Cela s'est vérifié au
début de l'année 1996 marquée par la diminution du
taux des livrets A et bleu et des CODEVI, l'assouplissement des conditions
d'accès au LEP et la création du livret jeune, ces
différentes mesures coordonnées ayant entraîné une
recomposition importante de la structure de l'épargne liquide des
ménages (la décollecte sur le livret A ayant
bénéficié notamment au livret jeune et au LEP) "
.
Au total, le marché des produits administrés apparaît
polymorphe et il n'apparaît pas souhaitable d'en bouleverser
l'économie.
En outre, avec la mise en place de l'euro, n'assisterons nous pas de fait
à une évolution du marché des produits bancaires et
financiers à laquelle l'ensemble des acteurs du marché, y compris
La Poste, devra s'adapter ?
Enfin, ne peut-on considérer que la possibilité pour La Poste de
distribuer le livret A serait en quelque sorte une contrepartie à
la fonction de guichet social des plus démunis à laquelle elle
participe ? Cette mission fondamentale pour la cohésion sociale ne
mériterait-elle d'ailleurs pas d'être mieux affirmée et,
par la même, mieux reconnue ?
D. AFFIRMONS CLAIREMENT LA MISSION DE COHÉSION SOCIALE ACCOMPLIE PAR LA POSTE
Le livret A, même s'il est accessible à
tous, comporte une dimension sociale que personne ne saurait lui contester : il
reste l'instrument d'épargne le plus utilisé par les
ménages aux revenus modestes et il est souvent pour les
catégories les plus défavorisées de la population -celles
qui se voient refuser l'ouverture ou l'usage d'un compte à vue- le seul
moyen d'obtenir une domiciliation bancaire. Il est délivré et
géré gratuitement ; il n'est pas soumis à un seuil minimum
de retrait ni de dépôt ; les prestations sociales peuvent y
être virées directement.
On a déjà souligné
223(
*
)
plus généralement le rôle de guichet bancaire
irremplaçable que joue l'opérateur public auprès des plus
démunis.
Cette mission de cohésion sociale n'est cependant
reconnue par aucun texte.
Votre rapporteur propose que dans la loi d'orientation postale, qu'il souhaite
voir adopter en 1998, figure clairement cette mission d'intérêt
général en matière de cohésion sociale.
En outre, ne pourrait-on, comme en Belgique, inscrire clairement dans cette
loi, l'obligation -aujourd'hui seulement implicite- faite à La Poste de
garantir l'ouverture d'un compte courant postal, sans facilité de
caisse, à toute personne en faisant la demande, et de le gérer
gratuitement ?
La fonction sociale primordiale de l'entreprise publique serait ainsi
explicitement affirmée, et par là même, la charge en
résultant mieux reconnue. Cette dernière pourrait donc se trouver
enfin compensée.
VI. ASSURONS LES CONDITIONS D'UNE CONCURRENCE À ARMES ÉGALES EN AIDANT LA POSTE À S'ALLÉGER DU POIDS DE SES HANDICAPS DE COMPÉTITIVITÉ
Nous avons proposé que dans le cadre d'un engagement
collectif, l'État -et derrière lui, la Nation- aide La Poste
à s'alléger du poids de ses handicaps de
compétitivité. Il importe de mettre La Poste dans la situation
d'une entreprise publique en mesure d'exercer ses métiers sur des
marchés soumis à forte concurrence, tout en lui donnant les
moyens d'assurer ses importantes missions de service public.
Cet engagement passe nécessairement par la clarification des relations
financières entre l'État et La Poste qui apparaissent
anormalement complexes et déséquilibrées. Il passe non
moins impérativement par la recherche rapide d'une solution durable
à la dérive des retraites.
A. CLARIFIONS LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ÉTAT ET LA POSTE
Une telle clarification s'impose. Elle concerne, en premier
lieu, le coût des missions d'intérêt général
confiées à La Poste, qu'il s'agisse de son rôle dans
l'aménagement du territoire ou dans le transport de la presse ; ces deux
sujets essentiels ont fait l'objet de développements spécifiques
précédemment
224(
*
)
.
Elle concerne, en deuxième lieu, les modes de rémunération
des produits financiers. Elle pose enfin le problème du
non-assujettissement de La Poste à la TVA et de l'existence du droit de
timbre. Ces trois derniers points se trouvent examinés ci-après.
1. C'est une nécessité absolue
Si La Poste est passée du statut d'administration
à celui d'établissement public, acquérant ainsi une
certaine autonomie, elle n'en reste pas moins sous la tutelle d'un État
qui a continué de la " couver " d'un oeil protecteur, mais
parfois possessif et intéressé.
Aujourd'hui, on l'a vu précédemment
225(
*
)
, la
situation financière de La Poste
résulte partiellement d'un jeu subtil et complexe où
interviennent des handicaps de compétitivité -liés aux
obligations de service public, aux modes et au niveau de
rémunération de ses activités, aux charges de retraite- et
d'avantages, financiers et fiscaux notamment.
Au total, les charges résultant des missions de service public
confiées par l'État à l'opérateur s'avèrent
délicates à évaluer, mais en tout état de cause
insuffisamment compensées par certains avantages qui suscitent de plus
l'opprobre de ses concurrents.
La complexité des relations ainsi inextricablement, mais subtilement,
nouées entre l'État et La Poste fait penser à une sorte de
" boîte noire ", dont le contenu est savamment rendu
hermétique pour le commun des mortels, mais dont les protagonistes se
sont longtemps satisfaits.
On ne peut pas dire que cette situation soit très saine ! En tout
état de cause, on ne peut envisager qu'elle puisse perdurer sous la
pression à la fois de la concurrence -qui réclame à cor et
à cri la transparence- et de la nécessité de
préserver l'équilibre financier de La Poste
.
Il faut d'ailleurs souligner que, dans son avis du 25 juin 1996, le
Conseil de la Concurrence évoque la clarification des relations entre
l'État et La Poste comme une "
mesure propre à
faciliter le contrôle du respect des règles de
concurrence
".
Au demeurant, le citoyen, à la fois usager
de La Poste et contribuable, n'est-il pas fondé à vouloir voir
clarifiées les règles d'un jeu dont on a, au total, du mal
à départir le gagnant du perdant, selon les domaines
concernés ?
Une clarification des relations financières entre l'État et La
Poste apparaît désormais nécessaire. Cet important chantier
a été engagé
mais, à chaque fois, ses
progrès ont pour la plupart été réalisés au
détriment de La Poste :
- en matière de fiscalité, avec l'assujettissement de La
Poste à la fiscalité de droit commun depuis le 1er janvier
1994 et le paiement de la taxe sur les salaires au taux normal depuis 1994 ;
- pour la rémunération du transport du courrier des
administrations, après la suppression de la franchise postale intervenue
le 1er janvier 1996 ;
- pour la rémunération de la gestion des livrets A, pour
laquelle on est passé d'une logique de marge à une logique de
rémunération à la commission.
En revanche, le processus de normalisation n'a été au mieux
qu'amorcé dans d'autres domaines (presse et aménagement du
territoire -on l'a vu-, rémunération des CCP et
rémunération de la gestion des comptes des comptables
publics
226(
*
)
) et les relations
financières de l'entreprise publique avec l'État sur ces sujets
ne sont pas, pour l'instant, totalement conformes au cadre fixé par la
loi de 1990 et le cahier des charges.
Le chantier n'est donc pas achevé. En outre, il convient d'insister sur
ce point, la normalisation jusqu'ici opérée entre l'État
et La Poste a avancé selon un rythme fortement
déséquilibré : la plupart des évolutions ayant un
impact négatif sur les comptes de La Poste sont intervenues, alors que
les questions relatives à la compensation financière des
contraintes de service public et la rémunération des CCP n'ont
reçu qu'une réponse partielle.
N'est-il pas pour le moins paradoxal, alors que la normalisation des relations
financières avec l'État apparaît indispensable pour mettre
La Poste en situation de faire face économiquement et juridiquement
à une concurrence de plus en plus vive, que l'on ait jusqu'ici abouti
à une aggravation de ses handicaps de compétitivité ?
Cette situation ne peut durer plus longtemps. L'État et, derrière
lui, la Nation, doivent prendre leurs responsabilités.
2. La rémunération des produits financiers : faut-il donner davantage de souplesse de gestion à La Poste ?
Aux termes de la loi du 2 juillet 1990,
la
rémunération des CCP
doit être fixée de telle
sorte qu'elle assure au moins la couverture des coûts de collecte, compte
tenu des gains de productivité obtenus.
Entre 1990 et 1995, la rémunération des comptes a
été forfaitaire. La formule du contrat de plan a permis
d'améliorer significativement la rémunération des CCP
(5,8 % en 1995 et 5,02 % en 1996, contre 3 % en 1990). Le
changement de référence
227(
*
)
s'est traduit par une amélioration de 3,1 milliards de francs de la
rémunération perçue par La Poste à ce titre.
Selon La Poste, la rémunération demeure cependant encore
en-deçà du coût de collecte et, de plus, n'est pas
stabilisée sur le long terme car basée sur les taux à
court terme, alors que la gestion des dépôts à vue
s'inscrit dans la durée.
Surtout, l'entreprise publique estime qu'elle percevrait environ
1,1 milliard de francs de recettes supplémentaires
si
au lieu du mode actuel de centralisation des fonds au Trésor, assorti
d'une rémunération basée sur des taux courts
228(
*
)
,
elle pouvait
placer ses fonds en valeurs
d'État à moyen et long terme
229(
*
)
.
Alors, serait-il concevable d'envisager une plus grande liberté de La
Poste dans l'emploi des fonds ainsi collectés ? La réponse se
heurte bien sûr aux difficultés que rencontrerait le Trésor
s'il se voyait ainsi privé d'une telle facilité de
trésorerie.
Mais la négociation du futur contrat de plan ne fournit-elle pas
l'occasion de réfléchir aux moyens permettant à La Poste
de mieux couvrir les coûts de la collecte des CCP, ainsi que le
prévoit la loi du 2 juillet 1990 ?
Par ailleurs, étant seulement rémunérée sur la
gestion commerciale et administrative des fonds de la Caisse Nationale
d'Épargne
-à laquelle son réseau sert de
guichet
230(
*
)
-, La Poste ne
bénéficie pas de la valeur ajoutée liée à
leur gestion financière qui est assurée par la Caisse des
Dépôts et Consignations. Elle estime que
si elle avait
bénéficié de la gestion financière des
dépôts banalisés
, sans changer l'obligation de
centralisation -qu'elle est seule à supporter-,
elle aurait pu
améliorer sa rémunération de 1,7 milliard de francs
en 1995.
En raison de son statut particulier, La Poste est, en définitive, le
seul acteur du marché bancaire à subir des contraintes se
traduisant par une dissociation entre gestion commerciale et gestion
financière pour la totalité des fonds reçus,
c'est-à-dire y compris la part d'activité qu'elle exerce en
concurrence.
Il faut enfin relever que l'État opère des
prélèvements importants
-de l'ordre de 4 milliards de
francs par an sur un total de fonds propres de 15 milliards de francs au
31 décembre 1995- sur
le Fonds de réserve et de
garantie de la Caisse Nationale d'Épargne
(FRGCNE)
qui permet
d'assurer une première ligne de garantie des déposants de La
Poste, la garantie de l'État n'étant appelée en dernier
ressort. Cette garantie n'a, en fait, jamais joué. L'État voit
donc dans ce fonds le moyen de disposer de recettes non fiscales importantes,
au risque d'appauvrir à moyen terme la Caisse Nationale d'Épargne.
Ces modes complexes de rémunération des produits financiers ne
méritent-ils pas, eux aussi, d'être soumis à une
réflexion globale à l'occasion du prochain contrat de plan ?
Ils devraient en tout état de cause, faire l'objet d'un plan de
clarification dans la loi d'orientation postale que réclame le
présent rapport.
3. Faut-il assujettir La Poste à la TVA ?
L'activité courrier de La Poste (à l'exception
de celle de ses filiales) est actuellement exonérée de la taxe
à la valeur ajoutée (TVA) en application de l'article 13 de
la sixième directive européenne sur la TVA et de
l'article 20 de la loi du 2 juillet 1990.
Cette situation n'est pas sans poser des problèmes à l'entreprise
publique. Aussi, ne pourrait-on envisager son assujettissement sur tout ou
partie de ses activités courrier ?
a) Le non-assujettisement emporte des inconvénients certains
Ces inconvénients sont à la fois d'ordre
financier, commercial et organisationnel.
Le non-assujettisement de La Poste à la TVA se traduit par
l'application de l'article 231 du code des impôts qui soumet les
non-assujettis à la
taxe sur les salaires.
A ce titre, La Poste
est soumise à cette taxe au taux normal de 9,20 % depuis 1994. Sur
les deux activités courrier et colis, une étude externe
effectuée à l'initiative de la Direction générale
des Postes et Télécommunications en 1994 a évalué
la taxe ainsi payée à 2,8 milliards de francs, sur la base
des traitements et salaires de 1993.
De plus,
le non-assujettissement à la TVA ne permet pas à La
Poste de déduire la TVA payée sur l'achat de biens et services
nécessaires à ses activités.
Cette non-déduction, quant à elle, se chiffre à
1,26 milliard de francs, sur la base de la comptabilité
générale de 1993 et de l'étude précitée. Ce
surcoût fiscal se traduit nécessairement sur les prix des services
facturés aux clients.
Certes favorable à l'égard des particuliers, par ailleurs plus
" captifs ", cette situation constitue en revanche un
handicap
commercial pour l'entreprise publique, dont les entreprises clientes ne peuvent
pas,
par définition,
déduire une TVA qui ne leur est pas
facturée.
Or, cette clientèle, rappelons le, représente plus de 85 %
du chiffre d'affaires courrier de La Poste et se voit de plus en plus
approchée par des concurrents qui, eux, sont bien sûr soumis
à la fiscalité de droit commun.
Enfin, le fait que La Poste ne soit pas assujettie à la TVA alors que
ses filiales le sont,
complique les modes d'organisation des
activités au sein du groupe.
Lorsque ses filiales fournissent une prestation à La Poste, la TVA
facturée n'est pas récupérable. Lorsque La Poste fournit
une prestation à une de ses filiales, elle supporte le
poids de
la TVA afférente à la fourniture de la prestation et le
coût de la taxe sur les salaires incorporé dans la prestation
fournie.
Cette situation n'est donc pas satisfaisante pour La Poste.
La
Suède a, quant à elle, soumis son opérateur postal
à la TVA avant d'adhérer à l'Union européenne.
Au total, le non-assujettissement de La Poste à la TVA comporte des
inconvénients majeurs pour l'entreprise et pour ses clients. Aussi,
votre rapporteur suggère-t-il que le prochain contrat de plan fixe les
modalités dans lesquelles pourrait être envisagée, le cas
échéant, une application plus large de la TVA aux services
postaux. En tout état de cause, le principe même
nécessitera une révision préalable de la sixième
directive européenne sur la TVA.
A défaut, il conviendrait de débattre de cette question lors de
la discussion de la loi d'orientation postale.
b) Réfléchissons aux modalités d'un éventuel assujettissement
L'analyse précédente porte en creux les
avantages qu'emporterait l'assujettissement de La Poste à la TVA :
avantages financiers et commerciaux de l'application de la fiscalité de
droit commun, simplification des relations entre maison-mère et filiales.
La résolution du problème n'est cependant pas aussi simple qu'il
peut paraître de prime abord.
Se pose
, en effet,
la question
essentielle de savoir qui paiera ce bouleversement fiscal ? Trois
réponses sont envisageables :
- La Poste
elle-même, à l'instar de France
Télécom qui avait pris à sa charge la TVA, en maintenant
ses tarifs et donc en rognant ses marges. Mais, La Poste en a-t-elle les moyens
? Rien n'est moins sûr ;
-
les clients
, au moyen d'une répercussion de la TVA dans
les tarifs. Mais, n'a-t-on pas déjà souligné que La Poste
ne pouvait désormais plus se permettre de jouer sur les tarifs
d'affranchissement, déjà relativement élevés ;
-
l'Etat
,
dans la mesure où un tel changement fiscal
(suppression des recette de la taxe sur les salaires et modalités
d'application de la TVA), ne serait en tout état de cause pas neutre du
point de vue des recettes fiscales.
A ce jeu, il peut y avoir des perdants.
La Poste semble envisager favorablement un assujettissement à la TVA
de son activité colis
.
Elle estime que l'application de la taxe pourrait apparaître comme un
instrument de tarification. En effet, l'application de la TVA, en abolissant la
taxe sur les salaires et en permettant la déduction sur les biens et
services consommés, entraînerait une diminution des charges
d'exploitation de La Poste qui se répercuterait sur les prix hors taxes
des services postaux. Les clients assujettis à la TVA pourraient
bénéficier d'une éventuelle baisse des prix. L'exploitant
autonome juge qu'une modulation de la baisse des prix de façon à
ne pas transférer intégralement l'application de la TVA sur les
clients non-assujettis serait envisageable. L'assujettissement à la TVA
pourrait ainsi être un moyen de différenciation tarifaire entre
les clients assujettis (les entreprises) et les autres (essentiellement les
particuliers).
4. Le droit de timbre doit-il disparaître ?
Si le droit de timbre ne concerne directement qu'assez
marginalement La Poste -qui acquitte environ 44 millions de francs
à ce titre chaque année, soit seulement 9 % du produit de
cette taxe pour l'État-, il l'intéresse davantage du fait qu'il
suscite l'acrimonie de ses compétiteurs, beaucoup plus sollicités
qu'elle par l'État à ce titre et qui voient dans la
différence de traitement existant en la matière à leur
détriment, motif à dénoncer une distorsion de concurrence.
Qu'en est-il ? On évitera au lecteur la présentation
détaillée et fastidieuse de cet impôt ancien, complexe,
archaïque et d'ailleurs unique en Europe. Précisons seulement que
le droit de timbre, d'un montant de 4 francs, s'applique "
aux
lettres de voiture et à tous autres écrits ou pièces
tenant lieu
"
231(
*
)
faisant
l'objet
d'un contrat de transport.
Si les concurrents de La Poste qui transportent des produits de messagerie ou
d'express sont soumis à cet impôt pour la totalité de leur
activité, La Poste, en revanche, ne se le voit appliqué que pour
les colis postaux par avion à destination ou en provenance de
l'étranger. Elle est exonérée de ce droit pour la
correspondance ou les autres colis transportés.
Cette exonération partielle attire sur La Poste les foudres de
concurrents se plaignant du caractère inique d'une telle situation. Sans
doute, dans le souci affiché jusqu'ici de clarifier les conditions
d'exercice de ses activités par La Poste afin de la rendre
invulnérable aux critiques, serait-il souhaitable d'envisager la
suppression de cet impôt archaïque.
Il est inutile de dire que si les ministères des Transports et du Budget
y réfléchissent depuis des années, aucun projet en ce sens
n'a jamais abouti. La raison en est fort simple : bien que mal appliqué,
difficilement contrôlable et d'un rendement relativement faible par
rapport au coût de gestion, en particulier pour les petites et moyennes
entreprises, le droit de timbre n'en rapporte pas moins à l'État
une
recette fiscale de 490 millions de francs. La solution au
problème se résume donc ici aussi à une équation
fiscale et à un casse-tête budgétaire.
B. RECHERCHONS SANS ATTENDRE UNE SOLUTION A LA DÉRIVE DES RETRAITES
Si rien n'est fait, cela a été fortement
souligné
232(
*
)
, La Poste est
vouée aux déficits à progression constante (600 millions
de plus par an) à compter de l'an prochain, du seul fait de l'obligation
qui lui est faite d'acquitter en propre les charges de retraites de ceux de ses
agents ayant la qualité de fonctionnaires.
Si l'inertie est le principe qui sur ce sujet doit guider l'action du
Gouvernement, La Poste est vouée aux pertes structurelles et posera
à l'horizon du prochain siècle un problème financier et
social à côté duquel celui généré au
cours des dernières années par la SNCF -voire même par le
Crédit Lyonnais- pourrait même apparaître relativement
modeste, tant son impact national est fort
233(
*
)
. En effet, si elle continue à être
tirée vers le fond par le poids de ses charges de retraites, il ne fait
guère de doute que sa dérive déficitaire sera bien plus
que proportionnelle aux seules pertes issues du coût des pensions
puisque, étranglée financièrement, elle ne disposera plus
de moyens suffisants pour investir et se moderniser. Et ce alors même que
les protections monopolistiques dont elle bénéficie encore
aujourd'hui vont aller en s'amenuisant et que des concurrents redoutables
commencent à s'attaquer à ses marchés traditionnels.
En bref, face à La Poste, le Gouvernement se trouve à la
croisée des chemins et la question se pose de savoir s'il souhaite, pour
2003, en faire l'équivalent de France Télécom ou de la
SNCF d'aujourd'hui.
Pour votre Commission des Affaires économiques et votre groupe
d'études, la réponse est claire.
Il ne faut pas que La Poste
s'installe dans une " culture du déficit ".
Avant
même de définir une solution définitive, il est donc urgent
d'éviter que les pertes commencent à se creuser dès l'an
prochain.
1. Traitons immédiatement le problème pour 1998
a) La Poste et les postiers seront-ils sacrifiés au culte du 3 % de déficits publics ?
Pour l'an prochain, la résolution du problème
économique et social que rencontre La Poste du fait de ses charges de
retraites se trouve handicapée par le fait que le débours que
cela entraînera pour l'exploitant autonome ne sera pas pris en compte
dans le calcul des déficits publics tels que définis par le
Traité de Maastricht pour vérifier que la France satisfait bien
au fameux critère des 3 %.
Si tel n'était pas le cas, il y aurait à n'en pas douter, une
contrainte objective forte incitant au comblement. Mais, en l'état,
comment ne pas redouter que les difficultés de La Poste ne soient
jugées moins prioritaires que celles d'autres comptes qui, eux, entrent
dans le périmètre délimité à Maastricht ?
Un Gouvernement soutenu par une majorité parlementaire qui a
été élue en critiquant la rigueur excessive que faisait
peser sur les budgets publics le critère des 3 % peut-il aller
jusqu'à sacrifier sur l'autel de ce critère
l'intérêt d'une grande entreprise nationale et de ses personnels
relevant du statut de la fonction publique ? Votre Commission des Affaires
économiques et votre groupe d'études osent espérer que ce
ne sera pas le cas.
b) Le prochain contrat de plan doit apporter une réponse pour 1998
S'ils sont entendus, le deuxième contrat de plan entre
l'État et La Poste -actuellement en cours de négociation-
aura à définir les modalités de la prise en charge des
retraites des fonctionnaires de La Poste l'an prochain. Or, on ne peut pas
envisager d'autres solutions que celles passant par un soutien du budget
général, conformément au droit commun des pensions civiles
de l'État.
Or, ce dernier, lui, n'échappe pas aux foudres du Traité de
Maastricht. Alors, quelle sera l'attitude que retiendra en définitive le
Gouvernement de M. Lionel Jospin ?
Il conviendrait que l'incertitude soit dissipée sans délai
car, à n'en pas douter, la décision qui sera prise sera lourde de
conséquences.
2. Trouvons une solution définitive
a) Ajuster les charges de retraites de La Poste sur les prélèvements sociaux de droit commun
Lorsqu'il avait eu, l'an dernier, à étudier la
situation de même nature que connaissait France
Télécom
234(
*
)
, votre rapporteur
et la Commission des Affaires économiques du Sénat avaient
avancé une proposition consistant à ajuster les charges de
retraites de France Télécom sur les prélèvements
sociaux de droit commun.
La loi de juillet 1996 relative à l'entreprise nationale avait ensuite
arrêté un dispositif permettant d'aboutir à ce
résultat et, aujourd'hui, France Télécom et ses personnels
se préparent à affronter la concurrence générale
qui va s'ouvrir, à compter du 1er janvier 1998, sur le marché des
télécommunications avec des prélèvements sociaux
équivalents à ceux de leurs compétiteurs.
Aucune autre solution viable n'apparaît pouvoir être
préconisée pour La Poste.
Certes, à la différence de France Télécom, elle
conservera encore un monopole résiduel important après 1998. Mais
celui-ci, nous l'avons vu, est appelé à se contracter sous le
double effet de l'irruption des nouvelles technologies de la communication et
des échéances réglementaires fixées par la
directive européenne en voie d'achèvement à Bruxelles.
Aussi, même si le monopole postal permet encore quelques marges de
manoeuvre, celles-ci ne doivent pas être exagérées. La
Poste est promise à oeuvrer de plus en plus dans un environnement
concurrentiel.
C'est pourquoi,
à compter de 1999, il conviendrait de tendre
à
:
assurer la prise en charge par l'État, sans remboursement
intégral par La Poste, du paiement des pensions des fonctionnaires ayant
été employés par celle-ci et ayant fait valoir leurs
droits à la retraite
;
assujettir l'opérateur public à une cotisation patronale au
régime de retraite des fonctionnaires
. Cette cotisation aura un
caractère libératoire. Elle sera calculée de
manière à ce qu'elle n'induise ni handicap, ni avantage
concurrentiel -apprécié au regard de l'ensemble des
prélèvements sociaux patronaux- entre l'opérateur et ses
concurrents n'employant pas de fonctionnaires.
En effet, si sur le plan des cotisations de retraites, l'emploi des
fonctionnaires désavantage La Poste par rapport à ses
concurrents, il n'en va pas de même pour les cotisations à
l'assurance maladie et à l'assurance chômage. Pour ceux de ses
agents relevant du statut de la fonction publique, l'opérateur ne paye
pas de cotisations maladies sur les primes complémentaires au traitement
et ne contribue pas aux caisses de l'Unedic, pour les sommes correspondant aux
traitements de personnels qui ne sont pas exposés au risque
chômage.
Avec le mécanisme proposé, le taux de cotisations patronales de
l'opérateur public serait plus important que ceux de ses concurrents en
ce qui concerne les régimes de retraites, moins élevé pour
les autres régimes, mais globalement équivalent. Il en
résulterait également que sa contribution au régime des
pensions civiles et militaires de l'État resterait très
significative.
Pour déterminer le montant de la contribution libératoire qui
pourrait ainsi être mise en oeuvre pour La Poste, votre rapporteur s'est
appuyé sur les calculs qui ont déjà été
menés pour fixer le montant de celle arrêtée pour France
Télécom.
Depuis le 1er janvier 1997, France Télécom s'acquitte des charges
de retraites afférentes à son personnel fonctionnaire au moyen
d'une contribution employeur à caractère libératoire dont
le taux est calculé "
de manière à égaliser
les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les
salaires entre France Télécom et les autres entreprises du
secteur des télécommunications relevant du droit commun des
prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux
salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'Etat
". Le
décret n°97-139 du 13 février 1997 a fixé les
modalités de détermination et de versement de cette contribution
mise à la charge de France Télécom. Leur application a
conduit à fixer à 36,2 % son taux pour l'année 1997,
à partir des données salariales relatives à l'année
1995.
Se fondant sur les modalités fixées en l'espèce, votre
rapporteur a demandé à la direction générale de La
Poste, en prenant pour base les dépenses définitives de
l'année 1996, d'effectuer la transposition de manière à
faire apparaître le taux de contribution employeur à
caractère libératoire qui lui serait applicable.
Pour La Poste, sur la base des dépenses définitives de
l'année 1996, la transposition des modalités ainsi
déterminées fait ressortit un taux de contribution employeur
à caractère libératoire de
37,25
%
(avec prise en compte de la taxe sur les salaires) et de
36,59 %
(sans prise en compte de la taxe sur les salaires).
b) Quelle contrepartie pour la Nation ?
Pour
France Télécom
, votre rapporteur et
votre Commission avaient préconisé le paiement d'une
" soulte " ayant vocation à compenser partiellement le
coût du transfert vers le budget de l'État du paiement
intégral des droits acquis des agents de l'opérateur
déjà pensionnés. Cette solution avait été
retenue par la loi relative à l'entreprise nationale France
Télécom qui avait fixé le montant de cette
soulte
à 37,5 milliards de francs
.
Pour La Poste, le dossier se présente en des termes quelque peu
différents.
D'abord parce qu'elle conservera un monopole résiduel , même s'il
aura tendance à se rétracter.
Ensuite parce que contrairement à ce qui a été fait pour
France Télécom, La Poste ne devrait pas être
transformée en société anonyme. Elle ne sera donc pas
soumise à l'obligation juridique de verser de plein droit à
l'État des dividendes, au contraire de France Télécom qui
va commencer à en payer cette année.
Certes, les résultats financiers enregistrés depuis sa
transformation en exploitant autonome rendent quelque peu théorique une
telle distinction : ses déficits accumulés depuis 1991 atteignent
la somme de 2,49 milliards de francs. Toutefois le présent rapport se
refuse à considérer que cette situation préoccupante ait
un caractère structurel et se place dans la perspective où,
dotée des moyens de combattre ses concurrents à armes
égales, La Poste pourra dégager des excédents.
Dans ces conditions, il ne s'agirait donc pas que le dispositif mis en place
aboutisse à placer l'exploitant autonome dans une position plus
favorable que celle de ses compétiteurs. Ceux-ci ne l'accepteraient pas
et la Commission européenne ne manquerait pas de les entendre si leurs
plaintes s'avéraient fondées.
C'est pourquoi la question du coût des retraites des anciens
fonctionnaires de La Poste ne saurait en aucun cas être dissociée
du problème global des relations financières de cette
dernière avec l'État.
En définitive, la méthode à suivre pourrait se
résumer selon la formule "
tout doit être mis sur la
table
" de manière à ce que, hors service universel du
courrier
235(
*
)
, les charges nettes
supportées par l'opérateur soient équivalentes à
celles de ses concurrents,
ni plus ni moins
.
Enfin, dernière différence, -et non la moindre- avec
France Télécom,
La Poste n'a pas les moyens d'acquitter
une soulte à l'État
. Non seulement cette dernière
devrait être supérieure à celle de
France Télécom eu égard à la masse des
pensions en jeu, mais en outre, quand on est fortement endetté et qu'on
a cumulé près de 2,5 milliards de déficit en six ans, on
ne peut en aucun cas dégager les ressources nécessaires au
paiement d'un forfait de plusieurs dizaines de milliards de francs pour solde
de tout compte.
Peut-on, dans ces conditions, proposer de dispenser La Poste du paiement d'une
telle contribution et de transférer, sans compensation, ses charges de
retraites exhorbitantes du droit commun sur l'Etat ? Plusieurs
éléments paraissent plaider dans ce sens.
D'abord, à la différence de France Télécom, La
Poste n'a pas pu se constituer des fonds propres très importants au
cours des années 1980 et son bilan d'ouverture n'a été
positif qu'en raison de l'importance de ses actifs immobiliers.
En outre, depuis son changement de statut, mais c'était également
le cas sous le régime du budget annexe, La Poste a supporté au
lieu et place de l'Etat des charges qu'elle n'avait pas à assumer.
La loi de 1990 prévoyait la normalisation de ses relations
financières avec l'Etat, notamment en compensant financièrement
les charges de service public. Cela aurait dû -selon les calculs produits
par l'opérateur- se traduire par un impact positif de 2,7 milliards de
francs sur les comptes de La Poste. Or, la mise en oeuvre de la loi a
privilégié les régularisations au profit de l'Etat et
s'est traduite au contraire par une dégradation de ses
comptes
236(
*
)
.
Le " prélèvement " ainsi opéré sur La
Poste par rapport à la situation prévue par le législateur
peut être estimé, en cumulé sur la période
1991-1997, a plus d'une trentaine de milliards de francs. Peut-on alors
soutenir que la soulte a en quelque sorte été payée par
avance ? Votre rapporteur l'a envisagé mais il lui est apparu peu
probable que Bercy puisse accepter la conclusion d'une telle argumentation.
Serait-ce alors qu'il conviendrait de se résigner à ne rien
faire ? La réponse est à l'évidence non. Peut-on pour
autant transférer tout le poids des pensions des anciens fonctionnaires
de La Poste sur le budget général et donc sur les contribuables
sans aucune contrepartie ? Votre Commission et votre groupe d'études
inclinent à considérer une telle éventualité comme
exclue. Deux raisons à cela :
- le taux des prélèvements obligatoires atteignant
déjà les limites de l'acceptable en France, il ne conviendrait
pas d'exposer les postiers à une fronde fiscale des contribuables ;
- l'État et tout particulièrement le ministère du
Budget disposeraient alors de beaucoup d'arguments pour s'opposer à tout
transfert significatif.
Votre rapporteur a étudié la possibilité de mettre en
oeuvre deux contreparties :
le transfert de propriété des possessions immobilières
de La Poste, ou tout au moins d'une partie d'entre elles, à
l'État.
Ceci permettrait le versement d'une soulte substantielle puisque la valeur du
patrimoine immobilier de La Poste est évaluée à
28 milliards de francs. Cependant, pour que l'État accepte, il
conviendrait que l'opérateur lui verse des loyers satisfaisants et la
dépense annuelle qui en résulterait serait, selon les estimations
opérées, de l'ordre de 1,5 milliard de francs par an. La
dépense serait conséquente mais au total -sauf, sans doute, dans
les toutes prochaines années- inférieure aux charges de retraites
exorbitantes du droit commun qui pèsent sur La Poste.
Pour pallier les déséquilibres pouvant en résulter
à court terme, on pourrait également programmer des cessions par
tranche, d'année en année. On pourrait aussi, pour éviter
les inconvénients d'une translation totale, envisager un transfert
partiel, par exemple d'une partie du réseau rural seulement, mais alors
la valeur du montant versé risquerait de ne pas apparaître
suffisamment conséquente.
En outre, dans tous les cas, eu égard à l'importance tenue par le
parc immobilier dans le bilan de La Poste. Il en résulterait un
appauvrissement patrimonial de La Poste de nature notamment à
pénaliser ses emprunts sur le marché financier. En outre,
techniquement envisageable, ce transfert de propriété ne serait
pas aisé à expliquer et il n'est pas improbable que les postiers
le percevraient comme une spoliation et s'en trouveraient
démobilisés pour affronter les défis de l'avenir.
C'est pourquoi tout en considérant que l'idée mérite sans
doute un approfondissement,
le présent rapport ne la retiendra
pas
.
L'affiliation des nouveaux embauchés de La Poste au régime
général de la Sécurité sociale
.
Les actuels fonctionnaires ne seraient pas concernés par une telle
solution, qui pourrait éventuellement permettre de résoudre le
problème des salariés précaires de La Poste, en
proposant aux nouveaux entrants un statut unifié dont le
bénéfice serait étendu à tous les contractuels.
Cependant, l'allégement qui en résulterait pour le budget
général serait trop lointain pour présenter un
intérêt immédiat et il est donc presque certain que
l'État ne saurait accepter une contrepartie de cette nature.
Elle ne
sera donc pas proposée.
Lors des débats auxquels a donné lieu la présentation du
présent rapport,
237(
*
)
M. Désiré Debavelaere, sénateur du Pas-de-Calais, a,
en outre, émis l'idée -jugée par votre rapporteur
très intéressante à étudier- d'asseoir la soulte de
La Poste sur les recettes d'une seconde tranche d'ouverture du capital de
France Télécom au public. Cette proposition ne conduirait bien
entendu, en aucun cas, à remettre en cause la détention par
l'Etat d'une majorité du capital de notre opérateur de
télécommunications. La loi, et plus encore les principes
constitutionnels rappelés plus avant
238(
*
)
,
s'opposerait en tout état de cause à
une telle conséquence.
Il s'agirait simplement de céder 11 à 12 % du total des
actions dont l'Etat conservera 62 à 63 % après la vente
publique qui vient d'être effectuée et l'échange de
participations croisées avec l'opérateur allemand Deutsche
Telekom. Sur la base des 42 milliards de francs encaissés suite
à la cession de 23,2 % du capital qui vient d'avoir lieu, on peut
estimer qu'une telle opération pourrait permettre de dégager une
recette de l'ordre de 20 à 22 milliards de francs.
Reposant sur l'ancienne solidarité existant entre La Poste et France
Télécom, sur laquelle le présent rapport s'est
déjà appuyé pour justifier l'emploi d'une partie du
produit de la taxe professionnelle de France Télécom à la
modernisation du réseau postal rural
239(
*
)
,
cette solution apparaît de nature à
ouvrir des perspectives fructueuses.
Au vu de la difficulté à trouver une réponse
économique au problème posé, votre Commission et votre
groupe d'études considèrent que la proposition de
M. Désiré Debavelaere mérite un examen approfondi. A
défaut ou en complément de sa mise en oeuvre, il est
préconisé une solution de nature politique : gager l'engagement
des Français en faveur des retraites des postiers sur une meilleure
continuité du service postal.
VII. LA BALLE EST AUSSI DANS LE CAMP DE LA POSTE ET DE SES PERSONNELS
La Nation ne peut s'engager, l'État ne peut soutenir budgétairement l'exploitant par le biais d'une prise en charge de la dérive des retraites, que si La Poste et les postiers respectent en quelque sorte leur propre part du " contrat " passé avec les Français. Ceci passe par un engagement collectif à mettre en oeuvre tous les efforts permettant de garantir l'avenir de l'entreprise publique et une implication individuelle de chaque femme et de chaque homme y travaillant. Une telle mobilisation des personnels constitue, soyons-en sûrs, un élément clé de la reconquête, seul à même de garantir le succès de la stratégie résolument offensive que doit mettre en oeuvre La Poste.
A. LA MOBILISATION DES PERSONNELS EST UN ÉLÉMENT CLÉ DE LA RÉUSSITE
La mobilisation implique la responsabilisation des
personnels.
Une personne peut-elle, en effet, s'impliquer personnellement dans un projet
collectif si elle ne s'en sent pas pleinement partie prenante et si elle se
désintéresse des résultats de ce projet ? Tel ne peut
être le cas des postiers. Leur avenir personnel n'est-il pas en
réalité indissociable du devenir de leur entreprise ?
Cette responsabilisation suppose que chaque postier ait à coeur
d'assurer la continuité du service public. Mais la mobilisation a aussi
un préalable : une amélioration de la communication interne
à l'entreprise. Elle suppose par ailleurs que les postiers se sentent
personnellement incités à se lancer dans cette aventure
collective qui doit profiter à chacun d'eux : en termes qualitatifs, en
continuant à privilégier leur formation ; en termes financiers,
en développant des formules d'intéressement à la bonne
marche de l'entreprise.
1. La nécessaire continuité du service public
Les ruptures dans la continuité du service public
mettent en péril la compétitivité de notre économie
nationale et -les deux ne sont pas sans liens- l'avenir de La Poste.
Il nous faut, par conséquent, trouver ensemble les moyens de
remédier à ce handicap qui pénalise l'opérateur
public au profit de ses concurrents, tout en respectant -cela va de soi- le
droit de grève, qui a valeur constitutionnelle.
a) Il va de l'intérêt de la Nation et de La Poste que le service public postal ne soit plus interrompu
Il s'agit là d'une exigence économique dont la grande majorité des postiers ont d'ailleurs conscience. Y répondre pourrait, en quelque sorte, constituer le fondement de l'engagement des postiers à l'égard de la Nation, leur contribution à la " corbeille de la mariée " dans le contrat moral qui serait passé avec le pays, pour le financement de leurs retraites.
(1) Une exigence économique
La fiabilité du service postal est devenue un
élément déterminant du choix de l'opérateur par les
entreprises, qui travaillent de plus en plus en flux tendus et ont elles
mêmes contracté des obligations de résultat à
l'égard de leurs propres clients.
Votre rapporteur l'a souligné
240(
*
)
, la
continuité du service public apparaît de plus en plus vitale pour
l'économie française dans son ensemble et, par voie de
conséquence, pour La Poste elle-même, qui, à défaut,
ne saurait y conserver sa place.
Les conséquences désastreuses de la grève de 1995, pour ne
citer que celle-ci, sur l'économie française et son impact en
termes de pertes de parts de marché pour La Poste, en sont
l'illustration. Une nouvelle grève de cette nature pourrait être
fatale à La Poste. Mais, les grèves plus ponctuelles ou locales,
à l'effet plus pernicieux mais tout aussi ravageur, entament tout autant
la confiance que les clients placent dans l'opérateur public. Cette
confiance ne peut être bafouée impunément. Les clients mal
traités finissent un jour ou l'autre par tourner le dos à La
Poste pour faire appel à un partenaire plus respecteux de ses
engagements.
(2) Les postiers ont commencé à prendre conscience de cette réalité
Lorsqu'il abordait ce problème avec les postiers au
cours des forums de discussion organisés dans les départements,
votre rapporteur a pu observer deux types de réactions :
- soit les postiers se réfugiaient dans un silence
gêné, l'évocation d'un sujet aussi tabou dans notre pays
semblant susciter une peur de s'exprimer en public, ce qui n'empêchait
d'ailleurs pas les uns et les autres d'assurer, en aparté à
l'occasion du " pot de l'amitié ", être
préoccupés par les conséquences de grèves ;
- soit, au travers d'exemples, ils exprimaient leur prise de conscience
des effets négatifs des interruptions du service public sur
l'activité de La Poste. C'est ainsi qu'un postier rencontré
à Mende a constaté avec regret : "
on ne distribue plus
les colis de La Redoute et des Trois Suisses en Lozère
".
Ne pourrait-on, se basant sur une prise de conscience individuelle qui
semble très large, faire en sorte que les postiers acquièrent le
sens de la responsabilité collective en ce domaine ?
(3) La continuité du service public comme contrepartie de l'engagement de la Nation à prendre en charge la dérive des retraites des postiers
Dans ces conditions, le maintien de la continuité du
service public apparaît bien être le gage que les postiers
pourraient apporter à la Nation, en contrepartie de l'effort qu'elle est
susceptible de consentir à leur endroit
. Seul un gage de cette nature
serait à hauteur d'un tel engagement collectif
. Mais ne nous y
trompons pas, au delà du respect de cette sorte de contrat moral
à l'égard du pays, c'est bien à l'opérateur public
et, en définitive, à eux mêmes que les postiers donneraient
ainsi toutes les chances d'assurer un avenir.
Votre rapporteur serait tenté d'interpeller les postiers ainsi :
"
Postiers, ne soyez pas votre plus grand ennemi
!
".
Certes, l'expression est un peu forte, mais n'est-elle pas à la hauteur
des dangers que font courir à l'établissement les ruptures dans
la continuité du service public ?
Alors, cherchons ensemble les moyens de sortir de ce qui apparaît trop
souvent aujourd'hui comme une impasse.
b) Cherchons ensemble à éviter que la grève soit l'arme de tous les matins
Il nous faut trouver ensemble un compromis pour éviter que le réseau ne soit pris en otage par quelques uns au détriment de tous. N'oublions pas que le principe de continuité est au coeur du service public. Des solutions existent dans le respect du droit de grève. Certaines sont globales ; d'autres, partielles. Toutes nécessitent dialogue et négociation.
(1) Des solutions globales : évitons des grèves sans préavis et des grèves avec préavis sans négociation
L'effet d'une interruption du service public étant
d'autant plus perturbateur que celle-ci est brutale, le droit de grève
devrait pouvoir s'exercer dans le cadre du respect de certaines règles.
La première de ces règles serait de ne recourir à la
grève, c'est-à-dire en définitive à l'affrontement
qu'après que toutes les autres démarches au travers du dialogue
social se heurtent à un blocage.
Telle est en règle
générale la démarche suivie par les partenaires sociaux
chez nos voisins européens.
C'est surtout au niveau local que semblent converger les difficultés
à nouer ce type de dialogue. C'est pourquoi, si à un
problème local devrait répondre une négociation d'abord
locale, il ne faudrait pas attendre, pour autant, d'être amené
dans une impasse pour faire appel à l'arbitrage d'un niveau
hiérarchique supérieur, voire -en cas de récusation-
à un médiateur désigné antérieurement comme
c'est le cas aux Etats-Unis.
Dans cet esprit, on pourrait imaginer un engagement des postiers et de leurs
syndicats aux termes duquel, d'une part, toute grève devrait être
précédée d'un préavis d'une durée minimale
comme l'impose la loi ; d'autre part, le délai de ce préavis
devrait être assorti du respect de négociation préalable
à l'interruption du travail. La grève ne devrait être
qu'une " arme du dernier recours " et non, comme elle
apparaît
trop souvent aujourd'hui, un préalable à toute concertation et
négociation véritables.
Pourquoi La Poste, coeur du service public, ne serait-elle pas le lieu d'une
expérimentation sociale ambitieuse en ce domaine ?
(2) Des solutions partielles : de la sécurisation des infrastructures à l'indemnisation des clients lésés
S'agissant de la continuité du service public postal,
on ne peut que constater l'existence de
points névralgiques,
concentrés sur certains centres de tri
. Les postiers travaillant
dans ces centres ne semblent pas avoir une claire vision de la
réalité de l'environnement dans lequel évolue La Poste, ni
- c'est tout aussi grave- des dégâts qu'entraîne pour
l'opérateur et pour l'économie tout mouvement d'humeur
exacerbé de leur part. Leur culture semble être en décalage
avec celle de leurs collègues qui ont souvent l'impression de
" faire les frais " de mouvements parfois intempestifs.
Par ailleurs, même si personne n'ose l'affirmer officiellement, les
postiers eux-mêmes reconnaissent
l'inégalité de la
qualité du service rendu selon les régions
, le service
étant plus dégradé dans certains départements,
notamment du Sud de la France. Est-ce normal ? Les postiers ne gagneraient-ils
pas tous à ce que se développe un sens plus aigu de la
solidarité collective au sein de l'entreprise ?
Des solutions devraient être apportées à ces
problèmes qui perturbent par trop la bonne marche de l'exploitant.
Des médiateurs internes ne pourraient-ils, par exemple, aider les
partenaires sociaux à analyser au cas par cas les difficultés qui
se posent dans les centres de tri et à négocier avec les
intéressés les solutions appropriées, en termes de
formation, etc.
La Poste a entrepris de fiabiliser ses infrastructures afin de parer à
tout dysfonctionnement, en mettant en place des organisations
dédiées devant permettre l'acheminement du courrier et des colis,
tout particulièrement des flux stratégiques, en toutes
circonstances. Parallèlement, elle a mis en place des plans d'entraide
des centres de traitement du courrier.
Elle a ainsi créé un " réseau B ",
constitué hier de neuf centres de tri. Rappelons que l'un d'entre eux
-celui d'Ozoir-la-Ferrière, avait été créé
en partenariat avec le secteur privé. En juillet 1997, M. Christian
Pierret, secrétaire d'Etat à l'indutrie, a demandé
à La Poste de modifier le statut juridique de cet établissement
et de le réintégrer dans l'organisation de son réseau. Si
cette décision n'avait pas été prise, votre rapporteur
aurait sans doute proposé une mesure en ce sens.
Ceci étant, il juge le
maintien du " réseau B "
indispensable, bien qu'insuffisant
pour résoudre les
problèmes que posent aux clients certaines grèves
" thrombose ".
En outre, cette solution est d'autant plus partielle qu'elle ne concerne que
les flux d'entreprises et non le courrier des particuliers.
En 1995, pour la première fois, La Poste avait partiellement
indemnisé ses entreprises clientes du préjudice qu'elles avaient
subi du fait de la grève.
Votre Commission des Affaires économiques et votre groupe
d'études souhaitent que La Poste s'engage à indemniser à
l'avenir plus complètement ses clients. Ceci va dans le sens du
développement de relations fournisseur-client de droit commun.
Ceci étant, il ne faut pas se cacher qu'un certain nombre de
grèves ont pour origine un problème de communication interne que
La Poste doit avoir à coeur de résoudre.
2. Améliorer la communication interne à l'entreprise
Si celle-ci fonctionne assez bien au niveau national, entre
l'état-major de La Poste et les syndicats, tel ne semble pas toujours
être le cas au niveau local ni entre les postiers et leur
hiérarchie, ni entre celle-ci et les représentants syndicaux.
Les postiers semblent souffrir, à les entendre, d'un manque de
communication interne. "
A La Poste, la base a soif
d'information
" disait un trieur à votre rapporteur. Un autre
postier lui confiait, lors de son déplacement à Cherbourg :
"
on a dû descendre dans la rue pour demander de la
communication
". Un autre encore estimait quant à lui que :
"
si on expliquait aux postiers l'avenir de La Poste dans dix ans,
ils
seraient capables de se mobiliser aujourd'hui.
"
Cet élément explique sans doute en partie, les reproches qui sont
parfois formulés localement à l'égard de la qualité
du dialogue social et se trouve sans doute à la racine du raidissement
de certains conflits sociaux.
Au delà des efforts accomplis, tels que la récente
opération " Ecoute et dialogue ",
les responsables de La
Poste doivent trouver les moyens de mieux répondre à ce profond
besoin d'explication et de dialogue
. La communication devrait porter sur
tous les domaines touchant à la vie de l'exploitant et de ses personnels
et être organisée dans les deux sens : de la hiérarchie
vers la base et, inversement, pouvoir remonter du terrain.
3. Un défi qualitatif : donner la priorité à la formation aux nouveaux métiers
Le service postal n'est pas un métier
" ringard ", tout au contraire, c'est un métier d'avenir qui
doit être valorisé et rendu attractif. Si tel n'était pas
le cas, pourquoi les concurrents de La Poste s'y intéresseraient-ils
avec autant d'allant ?
La Poste bouge. Ses métiers traditionnels évoluent. De nouveaux
métiers se créent. Votre Commission et votre groupe
d'études ont souligné la nécessité d'adapter le
service postal, de façon à mieux répondre aux besoins des
utilisateurs. Ils ont proposé, par exemple, que La Poste
bénéficie d'une habilitation publique pour la certification du
courrier électronique et souhaité que La Poste de demain
fonde de plus en plus son développement sur un rapprochement
poussé avec les autres opérateurs de communication.
N'y a-t-il pas là une sorte de " mue " à
réaliser ? Pour cela, l'opérateur peut se fonder sur un acquis
solide : des hommes et des femmes connaissant bien et aimant leurs
métiers, dont il lui faudra encourager et accompagner la mutation.
Changements de fonctions et reconversions internes sont devenus
" monnaie
courante " à La Poste et le seront probablement encore plus
à l'avenir.
L'effort de formation
déjà substantiel doit, par
conséquent, être poursuivi voire amplifié.
La formation est un élément essentiel de la reconquête
pour une entreprise de main d'oeuvre comme La Poste. Elle doit servir
l'opérateur public
: en permettant l'adaptation des métiers,
mais aussi l'évolution de la culture postale qui doit s'efforcer
d'allier culture du service public et esprit d'entreprise : service au public,
conseil et vente sont tout à fait compatibles.
Elle doit
également servir l'homme
: la formation doit être pour le
postier une opportunité de développement et
d'épanouissement personnel.
Votre Commission et votre groupe d'études estiment que, pour satisfaire
à ses objectifs, la politique en matière de formation ne saurait
se résumer -même s'ils sont essentiels- à des cursus
théoriques et/ou pratiques au sein de l'établissement. Elle doit
développer une politique ambitieuse de stages dans d'autres
entreprises publiques mais aussi dans le secteur privé
.
En effet, s'ouvrir à des organisations, des cultures d'entreprises et
des comportements différents de ceux connus est toujours source
d'enrichissement collectif et individuel. Pourquoi ne pas envisager, par
exemple, que des personnels travaillant dans la branche colis passent quelques
semaines chez une entreprise cliente ? Le meilleur moyen de connaître et
de comprendre les besoins de ses clients n'est-il pas de les découvrir
en situation ?
L'implication des personnels dans le projet collectif ne pourrait-elle, par
ailleurs, passer par un intéressement financier à la bonne marche
de l'entreprise ?
A l'inverse, le fait
-à l'instar de France Télécom-
d'employer davantage de cadres,
commerciaux notamment,
du secteur
privé
pourrait enrichir le tissu humain de l'opérateur.
4. Développer des formules d'intéressement des personnels à la bonne marche de l'entreprise
En avril 1995, afin d'inciter les personnels d'encadrement
et
de maîtrise à accentuer leur contribution au développement
de La Poste, cette dernière a institué à leur intention un
mécanisme de rémunération permettant de
reconnaître leur participation et leur implication
dans les
objectifs de développement.
Peut-être les partenaires sociaux pourraient-ils discuter d'un
éventuel élargissement de l'application de ce dispositif de
participation
?
Au-delà, il faut relever que les personnels de La Poste ne
bénéficient pas de mécanismes d'intéressement aux
résultats de l'entreprise, alors même que rien ne s'y opposerait
sur le plan juridique.
Ceci résulte de l'article 32 de la loi du 2 juillet 1990 qui leur a
rendu applicables les dispositions du chapitre premier de l'ordonnance du 27
octobre 1986
241(
*
)
.
Pourquoi ne pas tenter de définir avec les partenaires sociaux les
principes d'un intéressement collectif des personnels à la bonne
marche de l'entreprise ?
N'y aurait-il pas là une incitation à l'implication personnelle
mais aussi une expression de la solidarité collective ?
Un tel dispositif ne peut, bien entendu, fonctionner que si La Poste
dégage des bénéfices, ce qui a été le cas au
cours de trois des six derniers exercices.
Là se trouve le défi majeur de La Poste : atteindre durablement
l'équilibre financier ou, mieux, dégager des
bénéfices. Il n'y a pas d'alternative, car le soutien que doit
lui accorder la Nation ne suffira pas, à lui seul, à
" sortir du rouge " si elle ne met elle même en oeuvre une
stratégie résolument offensive.
B. LA POSTE DOIT SE DOTER D'UNE STRATÉGIE RÉSOLUMENT OFFENSIVE
Soyons clairs : on a tracé ci-avant les lignes de force
d'un vaste projet collectif de " sauvetage " de La Poste,
impliquant
l'engagement de la Nation et, à travers, elle, de l'État, mais
aussi de La Poste elle même et de l'ensemble de ses personnels.
Ne rêvons pas : même si l'on définit le
périmètre du monopole aussi largement que l'autorisera la future
directive postale et que l'on conforte ce dernier ; même si l'on
allège l'opérateur public d'un certain nombre de ses
handicaps ; même si l'État prend en charge la dérive
des retraites et plus généralement si l'on clarifie les relations
financières entre La Poste et l'État ... tout cela ne
suffira pas à assurer la réussite de La Poste si celle-ci ne se
donne pas les moyens, comme toute l'entreprise d'une part, de retrouver le
chemin de la croissance et, d'autre part, de maîtriser l'évolution
de ses charges.
On ne peut dans cet esprit que partager le point de vue de M. Christian
Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, qui déclarait
récemment au
Monde
242(
*
)
:
"
La Poste est un service public à esprit d'entreprise ouvert
sur l'international
"
1. Retrouver le chemin de la croissance
Il n'y a pas de fatalité du déficit et du
déclin. La Poste doit retrouver le chemin de la croissance. Pourquoi ses
soeurs de l'Europe du Nord le pourraient-elles et pas elle ?
Trois voies s'imposent pour cela : l'amélioration de la performance sur
ses marchés traditionnels ; la conquête de nouveaux marchés
et le développement des services à valeur ajoutée ;
l'écoute du client, véritable partenaire.
a) Améliorer la performance sur les marchés traditionnels
Performance se conjugue avec qualité. Celle-ci doit devenir en quelque sorte une devise que chacun garderait présente à l'esprit car elle repose sur l'effort de chacun. Mieux évaluée qu'auparavant, la qualité reste cependant encore trop souvent mesurée en termes exclusivement quantitatifs. Il conviendrait de mettre en oeuvre davantage d'études qualitatives en ce domaine .
b) Conquérir de nouveaux marchés et développer les services à valeur ajoutée
Comme dans tous les secteurs économiques, le
marché évolue sans cesse et La Poste doit s'y adapter, mieux :
anticiper, tenter de conforter ses marchés traditionnels,
conquérir les marchés émergents, créer de nouveaux
produits ou services.
La mise en place de techniques de suivi de l'acheminement de colis ou
"
tracing
" constitue l'exemple type des solutions
de l'avenir.
c) Trois maîtres mots à l'égard des clients : partenariat, réactivité, responsabilité
Les gros clients de La Poste, mais aussi ceux de taille plus
modeste -avec lesquels l'interdépendance est tout aussi réelle-,
souhaitent très légitimement pouvoir nouer de
véritables relations contractuelles
avec l'opérateur,
comme n'importe quel client avec son fournisseur. Ceci signifie que celui-ci
doit considérer l'entreprise cliente comme un véritable
partenaire, et par conséquent respecter ses engagements à son
égard, rester à l'écoute de ses besoins, être
capable d'y répondre au mieux et de façon responsable.
Ceci suppose que les responsabilités soient bien définies et
qu'elles s'exercent au profit de l'efficacité
. Un client doit
pouvoir trouver en face de lui un intermédiaire unique au niveau
décisionnel adéquat.
2. Maîtriser l'évolution des charges pour mieux servir l'économie
Aucune entreprise, tant publique que privée, ne peut se
passer d'un examen attentif de ses charges dans le but de les contenir. Il ne
sert à rien de vouloir vendre si l'on ne prend pas les moyens de
pratiquer des prix attractifs. Or, le prix du timbre ne pourra plus servir de
variable d'ajustement, d'autant plus que l'euro va
considérablement faciliter les comparaisons tarifaires et celles-ci, peu
favorables à la France, pourraient inciter des entreprises à
délocaliser la production de leur courrier.
La Poste n'a donc plus d'échappatoire en la matière, elle doit
continuer à s'attacher à améliorer sa productivité.
Tel est d'ailleurs le prix de la compétitivité de notre
économie
car les services postaux ont un caractère vital pour
nombre d'entreprises. De ce point de vue, l'apport des grands
intégrateurs de messagerie à l'économie américaine
est frappant : le succès sur des marchés mondiaux des entreprises
de haute technologie installées dans ce pays doit beaucoup à leur
capacité d'assurer avec fiabilité et rapidité
l'acheminement des biens intermédiaires nécessaires à leur
production (pièces détachées, etc). En effet, ils
permettent à leurs clients de s'exonérer de tous frais de gestion
de stock en les livrant " juste à temps ", au fur et à
mesure de leurs besoins de production. En conséquence, ces derniers
supportent des coût inférieurs à ceux de leurs concurrents
qui ne disposent pas de ce service performant, ce qui leur permet
d'améliorer leur compétitivité.
Cependant la nécessaire amélioration de la productivité
suppose la mise en place de
procédures internes permettant d'analyser
précisément l'origine des coûts et de mieux les
maîtriser
. Le recours à des experts extérieurs peut
s'avérer utile en la matière. C'est ainsi, par exemple, qu'ayant
fait appel à un conseiller en édition, la direction de la
communication a pu réaliser de sensibles économies sur
l'édition du rapport annuel de La Poste. Ce type de démarche
pourrait être adopté plus couramment.
Surtout il ne faut pas oublier que dans une entreprise de services, ce qui fait
la différence avec la concurrence, c'est la qualité des
prestations des personnels. C'est pourquoi, les reventilations de personnels
envisagées par La Poste en raison de l'automatisation de certaines de
ses procédures, notamment dans les centres de tri, doivent être
guidées par cette évidence, là où la machine a
libéré l'homme, de renforcer les équipes au contact de la
clientèle.
CONCLUSION
Dans un article rédigé peu de temps avant sa
mort, l'historien François Furet regrettait : "
la permanence
en France d'une ignorance narcissique de
l'économie
"
243(
*
)
qu'il
qualifiait "
d'énigme française
". Certains
articles de la presse internationale parus au lendemain des dernières
élections législatives utilisaient même l'expression
"
d'autisme économique français
".
Sévères, et sans doute quelque peu exagérés, ces
jugements n'en paraissent pas moins en partie fondés quand on constate
à quel point les Français ont du mal à regarder en face
les réalités économiques, dès qu'elles ne
correspondent pas à l'idée qu'ils s'en font.
N'adoptons pas envers La Poste cette attitude qui conduit à affirmer des
principes en pensant qu'ils suffiront à nous protéger du monde
qui se dessine à l'horizon et en oubliant que tout a un coût.
Soyons lucides et sachons réformer l'accessoire -une conception trop
administrative de l'action- pour sauver l'essentiel : le service public postal,
la revitalisation de nos territoires en difficulté, l'efficacité
de notre économie et l'avenir tant de notre poste que des emplois des
postiers.
Ne traitons pas des problèmes du présent dans les termes d'hier.
Ouvrons le débat pour résoudre les problèmes de La Poste
dans les termes de demain.
Ayons le courage d'entreprendre la modernisation des structures et des
habitudes héritées du passé pour que les
intérêts bien compris de chacun et de tous soient
préservés. Il en va de l'intérêt du pays.
Le rapport d'information présenté, l'an dernier, au nom de votre
Commission, sur la situation de France Télécom avait vu nombre de
ses propositions traduites dans les lois de juillet 1996 relatives à la
réglementation des télécommunications et à
l'entreprise nationale France Télécom. L'une des plus importantes
de ces propositions, la transformation de France Télécom en
société anonyme et l'ouverture minoritaire de son capital au
public a été menée à bien par deux gouvernements
successifs. Elle vient de s'achever dans le succès populaire, auquel a
d'ailleurs participé son personnel, de la vente d'une partie des actions
de notre opérateur public de télécommunications.
Comment votre rapporteur ne pourrait-il pas souhaiter pour le pays que le
présent rapport contribue lui aussi à une évolution
équilibrée et prometteuse de la situation qu'il s'est
attaché à examiner ?
ANNEXE 1 -
LISTE DES PERSONNES OFFICIELLEMENT
ENTENDUES
LORS DES AUDITIONS, ENTRETIENS ET
RENCONTRES
RÉALISÉS POUR LA PRÉPARATION
DU RAPPORT
D'INFORMATION
I. - EN FRANCE
A.
LA POSTE
1.
Présidence
- M. Claude BOURMAUD, Président
- M. Guy RAMEAU, Directeur du cabinet
- M. Claude MANCEAU, chargé de mission au cabinet du Président
2.
Directions
- M. Claude VIET, Directeur général de La Poste
- M. Jacques LENORMAND, Directeur des clientèles financières de
La
Poste
- M. Jean-Paul MARCHETTI, Directeur général adjoint,
responsable
de la direction financière et de la direction du
contrôle de gestion
- Mme Françoise JANICHON, Directeur des ressources humaines, et
M.
CAILAC
- M Yvon AUPIED, Directeur du développement du réseau
- M. LUCIANI, Directeur des affaires européennes et internationales
- M. Bruno ROSELLINI, Directeur du courrier international
- M. Bernard BONNETON, Directeur délégué chargé de
l'organisation des branches
- Mme Marie-Eve BOUTIN, Direction des clientèles
financières,
gestion financière et prospective
opérationnelle
3.
Organisations représentatives du personnel
-
·
Amicale des chefs d'établissement
- M. Jean-Pierre ANDRY, Président
- Mme Eliane LELY, Secrétaire général
· CFDT - PTT
- M. Roland DUFOUR, Secrétaire national, responsable de La Poste
- Mme Jacqueline BESNARD, Secrétaire national, responsable de la Poste
· CGC - PTT
- M. Roger GRUSZKA, Président fédéral
- M. Jean-Luc CHAUSSAVOINE, Président de la CGC Poste
- M. Jean-Marie ROUY, Secrétaire général de la CGC Poste
- M. Jean LAVERDET, Président de la CGC France Télécom
· CGT - PTT
- M. Alain GAUTHERON, Secrétaire général chargé de La Poste
- Mme Christine ESCALIER, membre du bureau fédéral
· CFTC - PTT
- M. Jean-François VANNESTE, Président fédéral
- M. Daniel RODRIGUEZ, Secrétaire général adjoint chargé de La
Poste
- M. Michel GANNE, Président de la Commission CFCC
· CSL - PTT
- M. Lucien DENISTY, Secrétaire général
- M. Jean-Pierre DUTRIEUX, Secrétaire fédéral
· FO - PTT
- M. Jacques LEMERCIER, Secrétaire général
- M. Michel PESNEL, Responsable du service communication
- Mme Valérie MAURI
· SUD - PTT
- M. Jean-Paul DESSAUX, Secrétaire fédéral en charge de La Poste
- M. Philippe CROTTET, Secrétaire fédéral
4. Les personnels
-
I.
- A Rambouillet (Yvelines) le 17 avril 1997
· Direction départementale
- Mme Pascale BERTIN - Direction technique
- Mme Maryse FAIVRE - Service de la communication
- M. Jean-Marc HOURS, Directeur du développement
- M. Philippe NOISET, Directeur de la production
- M. Patrick PETITEAU - Service facturation
- Mme Mauricette QUINQUENEAU - Service de la communication
· Groupement postal de la Vallée de la Seine
- Mme Marie-Louise GIGNAC, Directeur
· Centre de tri des Yvelines
- M. Michel BODIN, Cadre
- Mme Isabelle DIAZ, Agent
- M. Michel DUPUY, Pilote machine
- M. Joël GABORIT, Cadre
- M. Yvon LE PIVERT, Chef d'équipe
- Mme Nicole MAMERT, Agent organisation et méthode
- M. Marc-André MARTEAU, Chef d'équipe
- M. Olivier PEREZ, Cadre
- Mme Corinne SIMONOT, Cadre supérieur
- M. Gérard VALENTE, Chef d'équipe
· Aubergenville
- M. Patrick RAYNAUD, Encadrant
· Bonnières-sur-Seine
- M. Christian LINDIN, Chef d'établissement
- M. Didier PREVOST, Chef d'équipe distribution
· Conge-sur-Vegre
- M. Jean-Paul CRESPY, Facteur
· Croissy-sur-Seine
- M. Yannick PIERRE, Chef d'établissement
· Dampierre
- Mme Michèle ROL, Chef d'établissement
· Feucherolles
- Mme Francine CANIVEZ, Chef d'établissement
- Mme Nadine GAUTHIER, Vendeur courrier
- M. Michel GRENIER, Vendeur courrier
· Fontenay-le-Fleury
- Mme Jacqueline GASNIER, Responsable produit courrier
· Gargenville
- Mme Colette GODOFIN, Chef d'équipe distribution
· Guyancourt
- Mme Jeanine MERCEREAU, Chef d'établissement
· Houdan
- Mme Patricia JUDE, Guichetier
· Houilles
- Mme Chantal STEGRE, Chef d'établissement
· Jouy-en-Josas
- M. Gérard POUPEAU, CSI
· La Celle Saint-Cloud principal
- M. Lionel DELATTRE, Facteur
· Le Chesnay principal
- M. Bruno THIEBAULT, ACO COFI
· Le Mesnil Saint-Denis
- Mme Laure ROUSSEL, Vendeur financier
· Le Perray en Yvelines
- M. Jean-Marc LEPRETTRE, Guichetier
· Les Clayes-sous-Bois
- M. Alain ROUSSEAU, Vendeur financier
· Les Mureaux
- M. Jean-Yves FAVROUX, Encadrant
· Marly-le-Roi principal
- M. Patrice ABRIEL, Facteur
- M. Yves BERNARD, Facteur
· Mantes principal
- M. Michel DAMON, Encadrant
· Maule
- Mme Pascale AUBRAY, Chef d'équipe guichet
· Maurepas
- M. Alain RENASSIA, Chef d'établissement
· Montfort l'Amaury
- M. Olivier DHENIN, Guichetier
· Montigny le Bretonneux
- M. Christian MADROLLE, Chef d'établissement
· Orgerus
- Mme Josiane VALENTIN, Chef d'établissement
· Plaisir
- M. Marc WIEST, Chef d'établissement
- M. Bernard LAVERGNE, Vendeur financier
· Pontchartrain
- M. Joël SOULARD, Facteur
· Rambouillet
- Mme Ghislaine DELEPINE, Guichetier
- Mme Lina NOUGAYREDE, Guichetier
· Saint-Arnoult en Yvelines
- M. Yves SAGOT, Chef d'établissement
· Trappes principal
- M. Gérard OLIVIER, Chef d'établissement
· Vélizy principal
- M. Daniel AUILLANS, Chef d'équipe
- Mme Viviane JOSEPH, ACO Facteur
- Mme Florence METAIS, Facteur
- M. Laurent TURQUET, COFI
· Versailles RP
- M. François COUCHE, Chef d'équipe
- Mme Marie-Annick MOUTOUNET, COFI
- Mme Nathalie WAHL, ATG2 gestion
- M. Laurent TURQUET, COFI
II. - A Mende (Lozère), le 24 avril 1997, avec la participation de Mme Janine BARDOU, Sénateur de Lozère
· Direction départementale
- Mme Maryse BLEUX, Responsable réseau
- M. Bernard CASTAN, Conseiller spécialisé en patrimoine
- M. Claude GAILLARD, Contrôleur de gestion
- Mme Colette GILBERT, Secrétaire
- M. Alain LASSERRE, Directeur financier
- M. Jean-Luc MASSALOUX, Encadrant section technique
- M. Georges PLANCHON, Gestionnaire spécialisé
· Recette principale de Mende - Centre de tri
- M. Pierre BOURDON, Responsable guichet développement
- M. Laurent CROS, Agent de tri
- M. Jean-Claude GRAU, Agent de tri en nuit
- Mme Colette HYGONNET, Facteur
- Raymond LACAN, Facteur
- Mme Michèle LAFONT, Guichetière
- M. Alain LOUCHE, Chef d'établissement
- M. Guy MALAVAL, Manutentionnaire
- M. André PELISSIER, Guichetier réceptionniste
- M. Louis POULALION-DIDES, Chef d'équipe au centre de tri
- Mme Gisèle ROCHE, Guichetière
- M. Guy VIEILLEDENT, Facteur
· Aumont-Aubrac
- M. Christian BAFFIE, Chef d'établissement
- M. Henri VERLAGUET, Facteur
· Badaroux
- M. André BONAVITA, Chef d'établissement
· Chateauneuf-de -Randon
- M. Michel MOULIN, Chef d'établissement
· Florac
- M. Claude MAURIN, Facteur
- M. Jean-Jacques MESSY, Chef d'établissement
- M. Bernard ROQUETTE, Contractuel distribution
- Mme Armande STEFANINI, Chef d'équipe exploitation
· Le Malzieu
- M. Gérard TUFFERY, Facteur
· Malbouzon
- M. Jean-Paul SARTRE, Chef d'établissement
· Marvejols
- M. Alain BRET, Facteur
· Saint-Chely d'Apcher
- M. Michel BRUNEL, Facteur
- Mme Yvette JACQUES, Chef d'équipe distribution
III. - A Sevrier (Haute-Savoie), le 15 mai 1997, avec la participation de M. Pierre HERISSON, Sénateur de Haute-Savoie, Vice-Président du groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des Télécommunications, Rapporteur pour avis du budget des Postes et Télécommunications pour la Commission des Affaires économiques et du Plan
· Direction départementale
- M. Patrick BOLLARD - Administration des ventes à la Direction financière
- M. Alain FORTIN, Direction des Ressources Humaines
- M. Henri MARTINET, Directeur production
- M. Daniel LE FOLL - Comptabilité bureaux à la Direction financière
- M. Norbert PRIN, Responsable PAC à la Direction Commerciale
- Mme Elisabeth ROCHE, Conseiller carrière à la Direction des Ressources Humaines
- M. Jean-Pierre ROCHE, Manager général pour les articles JOURPOST
- Mme Michèle ROUBAUD, Assistante sociale
- Mme Cécile TOURNEREAU, Chargée de la communication
- M. Jean-Luc VIVET, Gestion des bâtiments
· Centre de traitement du courrier
- Mme Patricia BOUVIER, Agent
- M. Christian DONAT MAGNIN, Agent
- M. Stéphane GARCIA, Pilote machine
- M. Joël GUIGON, Chef d'équipe transbordement
- M. Michel KERAMBRUN, Cadre organisation et méthodes
- M. Jean-Pierre STEIGER, Chef de cabine
· Groupement postal Genevois
- M. Alain ARRIGHI, Chef d'établissement (Annemasse principal)
- M. Franck CHASSIGNOUX, Manutentionnaire (Annemasse principal)
- M. Gérard DERONZIER, Animateur commercial
- M. Jean-Paul GEVAUX, Facteur (Saint-Jeoire en Faucigny)
- M. Philippe PONAMA, Guichetier (Viuz-en-Sallaz)
- Mme Bernadette SURAULT, Chef d'équipe guichets (Annemasse parc)
- M. Patrick TARRADE, Conseiller financier (Annemasse principal)
· Groupement postal Bassin Annecien
- M. Jacques ANGELIER, Directeur de groupement
- M. Jean-Marie BABEL, Cadre réseau (Annecy Recette principale)
- Mme Annick BEL, Agent de maîtrise (Seynod)
- Mme Patricia BLAS, Conseiller financier
- M. Yvon DERONZIER, Délégué commercial
- M. Patrice GUILLET, Chef d'établissement (Talloires)
- M. Frédéric GURGEY, Chef d'établissement (Faverges)
- M. Marc JACQUEMOUD
- Mme Michèle MADDALENA, Chef d'établissement (Doussard)
- M. Alain MONIER, Chef d'établissement (Sevrier)
- M. Daniel MOUTHON, Agent (Cran Gevrier)
- Mme Bernadette NOIRANT (Guichet annexe Thones)
- M. PERILLAT, Facteur (Seynod)
- M. Jean-Claude SAVY, Facteur (Menthon-Saint-Bernard)
- M. SZYGULA, Facteur (Sevrier)
- Mme Lucienne ULMET, Agent (Annecy-les-Fins)
· Groupement postal Arve Mont Blanc
- M. Jean-Claude ABELLA, Chef d'établissement (Thiez)
- Mme Evelyne BARDOUT, Conseiller courrier (Cluses)
- M. Abdel BENKHEDDA, Cadre courrier (Bonneville)
- M. Gérard COLLET, Chef d'établissement (Marignier)
- M. Albert COPPEL, Chef d'établissement (Taninges)
- M. Stéphane GARNIER, Facteur (La Roche-sur-Foron)
- Mme Martine LUSTIERE, Guichetière (Megève)
- M. Franck MAISTRE, Conseiller financier (Bonneville)
· Groupement postal Léman Chablais
- Mme Aline DURVILLE, Conseiller financier (Thonon)
- M. Dominique HALLOT, Guichetier (Morzine)
- M. Alain LACHAUSSEE, Facteur (Douvaine)
- Mme Denise MALACARNE, Chef d'équipe guichets (Thonon)
- M. Guy PONTHET, Facteur (Perrignier)
- Mme Isabelle ROUSSEL, Cadre ressources humaines - Communication
IV. A Cherbourg (Manche) le 22 mai 1997 , avec la participation de M. Jean-François Le GRAND, Sénateur de la Manche, Vice-Président du groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des Télécommunications
· Groupement postal La Baie
- M. Bruno LEFRANC, Ressources humaines - communication
- M. Jean-Paul LEPREVOST, Délégué commercial courrier
· Groupement postal Le Bocage
- M. Roland CAMPAIN, Organisateur distribution acheminement
- M. Michel RENAULT, Chef d'équipe
- M. Christian VIOT - Ressources humaines - communication
· Groupement postal Le Cotentin
- M. François GROUALLE, Organisateur courrier
- M. Serge BOUILLARD, Directeur de groupement
· Agneaux
- M. Jean-Marc VAUVERT, Chef d'établissement
· Avranches
- M. Patrick ROYER, Brigadier
· Buais
- M. Joseph PRUNIER, Chef d'établissement
· Carolles
- Mme Isabelle FOLLAIN, Facteur
· Coutances
- M. Pierre-Daniel LERMIGEAUX, Facteur
· Cherbourg principal
- Mme Marina GUILLOT, Guichetière EAR
- Mme Annie LAINE, Agent du bureau d'ordre
- M. Michel POMMELET, Chef d'équipe distribution
· Equeurdreville
- Mme Marine CLAUDIEN, Conseiller financier contractuel
· Flamanville
- Mme Monique PUJOL, Chef d'établissement
· Granville
- Mme Christine GOSSE, Guichetière
· Hambye
- Mme Marylène HURTEL, Chef d'établissement
· La Haye Pesnel
- M. Jean-Pierre LEPETIT, EAR service général
· Marigny
- M. Serge COSSE, Facteur
- Mme Aline FLEURY, Guichetière
· Mortain
- M. Patrick BAILLARD, EAR distribution
· Octeville
- Mme Laurence LECACHEUX, Chef d'équipe guichet
· Pont-Hebert
- M. Dominique LACROIX, Chef d'établissement
· Pontorson
- Mme Brigitte SOLLIER, Assistance commerciale
· Rauville-la-Bigot
- M. Serge DUCHEMIN, Chef d'établissement
· Saint-Lo CTC
- M. Joël CANU, Pilote de machine
- M. Gérard DEPERIERS, Agent traitement du courrier
- M. Michel DUPONT - Ressources humaines - communication
- M. Thierry MENARD, Agent contractuel
- M. Thierry PHILIPPE, Chef d'équipe
· Saint-Lo Direction départementale
- M. Patrice BARBET, Responsable communication
- M. Emile COLLETTE, Délégué commercial courrier
- M. Francis ROBLOT, Responsable production courrier
· Saint-Pierre-Eglise
- M. Christian PITHOIS, Chef d'établissement
· Sainte-Pience
- M. Pierre FERRAND, Chef d'établissement
· Tourlaville
- Mme Jocelyne DOREY, Facteur
· Valognes
- Mme Isabelle LESEIGNEUR, Facteur
· Villedieu-les-Poeles
- M. Rémy BOUCEY, Chef d'équipe distribution
V. Au Puy (Haute-Loire), le 24 septembre 1997 , avec la participation de M. Adrien GOUTEYRON, Sénateur de Haute-Loire, Président de la Commission des Affaires culturelles du Sénat, membre du groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des Télécommunications
· Groupement postal Le Puy
- M. Jean AUTIN, Animateur des ventes
· Groupement postal Velay-Haut-Allier
- M. Jean-Michel RAVEILLAT, Directeur
· Alleyras
- M. Jean-Luc CHAZE, Chef d'établissement
· Aurec-sur-Loire
- M. Pierre RAFFIS, Chef d'établissement
· Bas en Basset
- Mme Chantal DALL'ASEN, ACO distribution
· Beauzac
- Mme Martine CHOUVELON, Guichetière
· Brioude
- Mme Thérèse LAGRANGE, Chef d'équipe
- M. Gérard MAZEL, Facteur
· Brives Charensac
- M. Henri ROBERT, Facteur
· Cayres
- Mme Marie-Josée PAGES, Guichetier ACO
· Grazac
- M. Jacques LAFARGE, Président de l'Amicale des brigadiers
· Lantriac
- M. Gérard ABEILLON, Chef d'établissement
· La Chaise Dieu
- Mme Annie AGUILAR, ACO service général
· Langeac
- M. Daniel CHALMETON, Facteur
· Lapte
- M. Jean-Marc PERRIER, Guichetier
· Landos
- Mme Yvette CRESPIN, Facteur ACO
· Laussonne
- M. Christian COLA, Brigadier
· Le Chambon sur Lignon
- M. Daniel ROMBAS, Facteur
· Le Monastier sur Gazeille
- M. Jean JOUBERT, Facteur
· Le Puy en Velay - Direction Départementale
- Mme Valérie BOYER, Chargé d'études
- M. Bernard COUDERT, Agent de maîtrise
- M. Henri HOURS, Responsable communication
- Mme Rose MATHIEU, Responsable comptabilité
- Mme Josiane PEYRON-MARTIN, Contrôleur de gestion
- Mme Catherine RASSINIER, Directeur commercial
- M. Paul SAURON, Technicien spécialisé en ressources humaines
- M. Patrick VILLEVIEILLE, Technicien comptable
· Le Puy Lafayette
- M. Thierry ROCHETTE, Guichetier
· Le Puy en Velay Recette principale
- M. Yves ALLEGRE, Trieur
- M. Alain CHAUCHAT, Manutentionnaire
- M. Fernand ENJOLRAS, Président de l'amicale des COFIS
- Mme Bernadette POULY, Facteur
- M. Eric ROCHETTE, Manutentionnaire ACO
· Monistrol-sur-Loire
- M. Jean-Noël SAMUEL, Guichetier-caissier
· Riotord
- M. Alain CLAUZIER, Président de l'Amicale des receveurs
· Saint-Julien Chapteuil
- M. Guy LHOSTE, Guichetier
· Saint-Paulien
- M. Maurice GIRAUD, Président de l'Amicale des chefs d'établissement
- M. Henri REYNAUD, Facteur
· Sainte-Florine
- M. Guy LONJON, Chef d'établissement
· Yssingeaux
- M. Serge CHAPON, Facteur
- M. Daniel DEBARD, Facteur
5. Filiales
· AEROPOSTALE
- M. Martin VIAL, Président
· SOFIPOST
- M. Jean-Frédéric de LEUSSE, Président
B. POUVOIRS PUBLICS
1. PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE
- Mme DUTHILLEUL, Conseiller technique
- M. CIRELLI, Conseiller technique
2. SERVICES DU PREMIER MINISTRE
- M. Gérard RAMEIX, Conseiller de M. Alain JUPPE
3. MINISTÈRES CONCERNÉS
· Ministère délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace
- M. François FILLON, Ministre délégué auprès du ministre de l'Industrie, de la Poste et des Télécommunications, chargé de la Poste, des Télécommunications et de l'Espace
· Ministère de l'Economie et des finances
- M. Christian PIERRET, Secrétaire d'Etat à l'industrie
- M. Pierre-François COUTURE, Conseiller spécial, chargé de la Poste et des Télécommunications auprès du Secrétaire d'Etat à l'Industrie
4. SÉNAT
· Sénat
- M. Alain LAMBERT, Sénateur, rapporteur général
5. INSTANCES ADMINISTRATIVES
· Cour des comptes
- M. François LOGEROT, Président de la 1 re Chambre
- M. Jean RECOULES, Conseiller Maître
· Conseil de la concurrence
- M. Charles BARBEAU, Président
- M. JENY, Vice-Président
- M. CORTES, Vice-Président
· Commissariat général du Plan
- M. Henri GUAINO, Commissaire général
· DATAR
- Mme Brigitte FARGEVIEILLE
C. ASSOCIATIONS D'ÉLUS
· AMF
- M. Jean-Paul DELEVOYE, Président
· APCG
- M. Henri COLLARD, Sénateur, Vice-Président
- M. Jean-Baptiste de PREMARE, Conseiller technique
- Mme Muriel DERICBOURG, Conseiller technique
D. ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES ET ENTREPRISES CONCURRENTES
- · Assemblée permanente des chambre de commerce et d'industrie
- M. André MARCON, Vice-Président de l'AFCI, Président de la CCI du Puy et d'Yssingeaux
- M. Pierre-Louis DOUCET, Membre de la CCI de Paris, Président de l'Office interconsulaire des Transports et des Communications d'Ile-de-France
- Mme Annie SAINTOT, Chargée de mission à la CCI de Paris
- M. Jean BESSAT, Directeur de l'aménagement et du développement du territoire à l'ACFI
-
·
Association française des banques
- M. Patrice CAHART, délégué général
- Mme Nathalie BRIOT, attachée parlementaire
· Caisse des Dépôts et Consignations
- Mme BOUILLOT, Directeur général adjoint, Directeur des activités bancaires et financières
- M. Jean-Luc ENGUEHARD, Directeur-adjoint
· Caisse nationale du Crédit agricole
- M. Yves BARSALOU, Président, Président de la Caisse régionale du Midi
- M. Jean-Yves HOCHER, Directeur général
- M. Jean-Luc POTHET, Chargé des relations avec le Parlement
· Confédération nationale du Crédit mutuel
- M. Etienne PFLIMLIN, Président
- M. Michel DELAHOUSSE, Directeur général
- M. Georges COUDRAY, Vice-président délégué
· C.G.P.M.E.
- M. Gérard DUMONTANT, Vice-président
-
·
Exapaq
- M. Stéphane CORTHIER, Directeur général
· Fédération française des sociétés d'assurances
- M. Jean ARVIS, Président
- M. Patrick WERNER, Vice-président, délégué général
- M. Georges DENIZET, Directeur des affaires parlementaires
- M. Philippe POIGET, Directeur des Affaires juridiques
· Fédération nationale du Crédit agricole
- M. Marc BUE, Président, Président de la Caisse régionale du Pas-de-Calais
· Jet Services
- M. Roger CAILLE, Président
- M. MALKANI, Responsable de la communication
· La Redoute
- M. Patrick TERRIER, Directeur de la logistique - service des relations postales
· Mail Boxes
- M. GENTRIC, Directeur général de SUN POST
· Yves ROCHER
- M. Jean-René RIOUAL, Chargé des relations avec La Poste
· Syndicat des entreprises de vente par correspondance et à distance (SEVPCD)
- M. Didier LAHACHE, Président
- M. Bernard SIOUFFI, Délégué général
· Trois Suisses
- M. Jacques Le ROUX, Chef de département de l'atelier publicitaire, chargé des relations avec La Poste
E. PRESSE
-
·
Fédération nationale de la presse française
- M. Christian BLANCHON, Président de la commission des affaires postales
· Fédération de la presse périodique régionale et Syndicat de la presse hebdomadaire régionale
- M. Jehan-Pierre de KERRAOUL, Président
- Mme Ismène VIDAL, Directeur
· Syndicat de la presse parisienne
- M. de CHAISEMARTIN, Président
- M. Laurent DUBOIS, Directeur administratif et juridique
· Syndicat de la presse magazine et d'information
- M. Bernard WOUTS, Président
- Mme Pascale MARIE, Directeur
· Syndicat de la presse quotidienne régionale
- M. Jean-Pierre DELIVET, Directeur adjoint
- Mme Haude d'Harcourt, Attachée parlementaire
· La Voix du Nord
- M. Jean-Louis PREVOST, Directeur
· Le Monde
- Mme Dominique ALDUY, Directeur
- Mme Christine LAHUEC, Directeur adjoint
· La Nouvelle République
- M. Jacques SAINT-CRICQ, Président
· Sté PROMOGEDIS (groupe AMAURY)
- M. Patrick LEDRAN, Président directeur général
F. ORGANISATIONS DE CONSOMMATEURS
· Associations familles rurales
- M.Daniel PEPERS, Chargé de mission
· UFC - Que Choisir
- M. Eric GUERQUIN, Trésorier adjoint, chargé de la concertation avec la Poste
G. CABINETS DE CONSEIL ET EXPERTS
· European strategy and lobbying
- M. Patrice ALLAIN-DUPRE, Président du directoire de la Société ESL and Network
- M. Simon WREFORD-HOWARD, directeur de la société ESL and Network Europe à Bruxelles
· Lehman Brothers
- M. Léopold JEORGER, Président
- M. Didier PERONNIN, Managing Director corporate France
· Cabinet MAZARS
- M. Jean-Louis LEBRUN, Commissaire aux comptes
- M. Lionel GOTLIB, Commissaire aux comptes
· M. Christian STOFFAES, Chargé du service de l'inspection générale et de la prospective d'Electricité de France, professeur à l'Institut d'Etudes politiques de Paris
H. DIVERS
· ENS PTT
- M. Gilbert HASSNER, Directeur
I. AUDITIONS DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES ET LE GROUPE D'ETUDES SUR LA POSTE
· Le 26 mars 1997
- M. Claude BOURMAUD, Président de La Poste
- M. Jacques LEMERCIER, Secrétaire général de la Fédération Force Ouvrière des P et T
- M. Jacques Le ROUX, Chef de département de l'atelier publicitaire des Trois Suisses, chargé des relations avec La Poste
· Le 23 avril 1997
- M. Jacques LENORMAND, Directeur des clientèles financières de La Poste
- Mme Marie-Pierre LIBOUTET, Secrétaire général de la CFDT-PTT
- M. Patrick CAHART, délégué général de l'Association française des banques
· Le 28 mai 1997
- M. Karel VAN MIERT, Commissaire européen, chargé de la concurrence
- M. Klaus ZUMWINKEL, Président de la Deutsche Poste AG
- M. Stéphane CORTHIER, Directeur général de la société EXAPAQ
II - A L'ETRANGER
A. EN ALLEMAGNE (les 20 et 21 mars 1997)
· Ambassade de France
- M. François SCHEER, Ambassadeur de France
- M. Claude LE GAL, Ministre-conseiller pour les affaires économiques et commerciales
- M. Dominique ROGUEZ, Conseiller commercial
· Bundestag
- M. Arne BÖRNSEN, Président de la Commission Poste et Télécommunications
· Ministère de la Poste et des Télécommunications
- M. PFEFFERMANN, Secrétaire d'Etat
- M. Klaus-Dieter SCHEURLE, Directeur
- M. Peter FEIER, Directeur
· Chancellerie fédérale
- M. PFEIFFER, Secrétaire d'Etat
- Mme TREBESCH, Responsable du dossier de la Poste
· Bundesverband Internationale Express und Kurierdienste
- Dr Ralph WOJTEK, Président
· Deutschepost AG
- M. Klaus ZUMWINKEL, Président du directoire
- M. Walter MASCHKE, Directeur
· Postbank AG
- M. NITSCH, Directeur
- M. MAI, Membre du directoire
· Syndicat des personnels de la Poste
- M. Walter SCHEURLE, Membre du bureau du syndicat
B. A BRUXELLES (les 28 février et 29 avril 1997)
· Ambassade de France auprès de l'Union européenne
- M. Pierre de BOISSIEU, Ambassadeur de France
· Direction de la concurrence (DG IV)
- M. Karel VAN MIERT, Commissaire
- M. GUERSENT, directeur général
- M. BUENDIA-SIERRA, Administrateur à la DG IVA-1
· Direction des télécommunications, marché de l'information et valorisation de la recherche (DG XIII)
- M. Robert VERRU, Directeur général
- M. John RIETBROEK, Conseiller
· Direction des politiques régionales (DG XVI)
- Mme Monika WULF-MATHIES, Commissaire
· DHL Worldwide Express SA
- M. R. S. STEISEL, Legal and regulatory affaires director
· EMOTA (Association européenne de la vente par correspondance)
- M. Art WEENING, Président
C. AUX PAYS BAS (les 27 et 28 mars 1997)
· Poste d'expansion économique - La Haye
- M. Laurent CATENOS, Conseiller commercial adjoint
- Mme Estelle MOOIJMAN, attachée commerciale
· Ministère des Transports et des voies d'eau
- M. AERTS, Responsable des affaires postales
- Mme De ROOVER
· ING Bank
- M. D. LAMAN TRIP, Président directeur général
- M. H. VERKOREN, Membre du comité exécutif au sein de " ING Services financiers internationaux "
- M. C. SCHOLTES, Membre du comité exécutif au sein de " ING Gestion de patrimoine "
- M. M. BANEKE, Investment banking au service " Corporate finance "
· PTT Post international
- M. JONGSMA, Directeur général
· Association hollandaise de vente par correspondance
- M. J. A. JM GEERTMAN, Directeur adjoint
D. AUX ETATS-UNIS (du 4 au 9 mai 1997)
1. Entretiens communs au rapporteur et à la délégation du groupe d'études sur l'avenir des postes et télécommunications 244( * )
· Représentation française aux Etats-Unis :
- Ambassade de France à Washington
- M. François BUJON de l'ESTANG, Ambassadeur
- Poste d'expansion économique à Washington
- M. Jean-Daniel GARDERE, Ministre plénipotentiaire, Chef des services de l'expansion économique
- Consulat à Washington
- M. François RIEGERT, Conseiller économique et commercial
- Mme MARCHAND
- Consulat à New-York
- M. Patrick GAUTRAT, Consul général
- M. Louis-Michel MORRIS, Conseiller commercial
- M. Eric GRAVES
- M. Rémi LENOBLE, Attaché commercial
- M. Jean-Philippe SAUVAGEOT, Attaché commercial
· Congrès américain
- M. Chaka FATTAH (D-PA), Congressman, House Subcommitee Postal service (Chambre des représentants)
- M. Tony CONWAY, Manager, Legislative Affairs
- M. Paul W. VAN COVERDEN, Manager, Legislative policy
- M. Thad COCHRAN, Senator
- M. John Mc HUGH, Congressman (Chambre des représentants)
· United States Postal Service
- Siège
- M. James F. GRUBIAK, Vice-President, International Business unit
- Mme Mary S. ELCANO, Vice-President & General Counsel
- M. Tirso Del JUNCO, Chairman, Board of Governors
- M. Sam WINTERS, Vice-Chairman of the Board of Governors
- Mrs Sherry A. CAGNOLI, Responsable des relations sociales
- M. Jon LEONARD, Representative Legislative Affairs
- Mrs Eliane WITTMAN
- Poste de la région métropolitaine de New-York
- M. Larry M. SPEAKES, Senior Vice-President, Corporate and legislative Affaires
- M. Sylvester BLACK, Post master
- M. Nicholas CAPROLA, Manager sales
- M. Joseph KRATTINGER, Manager of operations program support
- M. Murray COMAROW, Attorney at law
· General Government Division of the US General Accounting Office
- M. Michael MOTLEY, Associate director, business Government Operations
- Mrs Teresa ANDERSON, Assistant director
· Commission des tarifs postaux
- M. Edward J. GLEIMAN, Chairman
· Direct Marketing association
- M. Richard A. BARTON, Senior Vice-President Congressional relations
- M. Jerry CERASALE, Senior Vice-president, Government affairs
· Federal Express
- Mrs Sarah S. PROSSER, Managing attorney for international regulatory affairs
- M. Jim CAMPBELL, Attorney, Postal legislation
· Mail Marketing Association
- M. Gene A. Del POLITO, Président
· UPS
- M. James A. ROGERS, Vice-President
- M. Arnold WELLMAN, Vice-Président Public Affairs
- M. Anton Van der Lande, Vice-President, Public Affairs
2. Entretiens tenus par la délégation du groupe d'études sur l'avenir des postes et télécommunications
· United States Postal Service
- M. William J. HENDERSON, Chief Operating Officer & Executive Vice-President
- M. James GRUBIAK, Vice-President International Business
· Syndicats
- M. Vincent PALADINO, Président, National association of Postal supervisors
- M. Vincent SANBROTTO, Président, National association of Letters Carriers
- M. Moe BILLER, Président, American Postal Workers'Union
E. EN SUEDE (du 10 au 12 septembre 1997)
· Ambassade de France à Stockholm
- M. Philippe PETIT, Ambassadeur
- M. Edouard SICAT, Conseiller économique et commercial
· Kommunikationsdepartementet (Ministère des Transports et des communications)
- Mme Connie Van der CAPELLEN, Directeur de ministère et responsable des questions relatives aux services postaux
- Mme Isabelle de FEUDIS
- Mme Désirée VESCHETTI HOLMGREN
· Konkurrensverket (Office de la concurrence)
- M. Lennart GÖRANSON, Directeur général adjoint
- M. Göran KARRESKOG, Chef du bureau chargé des services postaux
· City Mail (principal concurrent de la Poste suédoise)
- M. Malcolm HAMILTON, Directeur général adjoint
· Fria Postoperatörers Förbund (Fédération des opérateurs postaux privés)
- M. Bengt ANDERSSON, Directeur général
· Post & Telestyrelsen
- M. Jan FREESE, Directeur général
- M. Sten SELANDER, Directeur général chargé des services postaux
· Posten AB
- M. Ulf DAHLSTEN, Président
· S-E Banken Data (Division de la Banque suédoise S-E Banken et " grand compte " de City Mail)
- M. Henry KÄRRSTRÖM, Directeur et responsable des relations avec City Mail
· SEKO
ANNEXE 2 -
SOMMAIRE DU CAHIER DES CHARGES DE LA
POSTE
I - MISSIONS PROPRES DE LA POSTE
A.
LE SERVICE DU COURRIER
1. Domaine d'activités (article 1er)
2. Conditions générales d'offre des services du courrier
(article 2)
3. Le service public du courrier : définition et conditions
générales d'exécution (article 3)
4. Services dont l'exclusivité est réservée à La
Poste (article 4)
5. Services ouverts à la concurrence et rendus obligatoires par
arrêté interministériel (article 5)
6. Acheminement et distribution de la presse (article 6)
7. Autres services ouverts à la concurrence (article 7).
B. LES SERVICES FINANCIERS
1. Domaine d'activités (article 8)
2. Conditions générales d'exécution des services
financiers (article 9)
3. Conditions particulières d'exécution des services financiers
:
a)
Service des chèques postaux (article 10)
b)
Gestion de la Caisse Nationale d'épargne (CNE) (article 11)
c)
Offre d'autres produits d'épargne (article 12)
d)
Offre de produits d'assurance (article 13)
C. DISPOSITIONS COMMUNES
1. Recherche et développement (article 14)
2. Activités internationales
a)
Les services de La Poste dans les relations internationales
(article 15)
b)
Activités exercées à l'étranger
(article 16)
II - CONTRIBUTIONS AUX MISSIONS DE L'ÉTAT
1. Contribution aux missions de défense et de sécurité
publique (article 17)
2. Contribution aux missions de réglementation et de
normalisation (article 18)
3. Contribution à la promotion de l'innovation et de la
technologie française à l'étranger
(article 19)
4. Contribution à la coopération technique internationale
et à l'aide au développement
(article 20)
III - PRÉSENCE POSTALE, RELATIONS AVEC LES USAGERS, LES ÉCHELONS
DÉCONCENTRÉS DE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES
1. Réseau assurant la présence postale
a)
Implantation du réseau (article 21)
b)
Ouverture du réseau (article 22)
2. Relations avec les usagers (article 23)
3. Relations avec les échelons déconcentrés de
l'État et les collectivités locales (article 24)
4. Concertation locale (article 25)
IV - CADRE DE GESTION
A. PRINCIPES GÉNÉRAUX
1. Organisation générale (article 26)
2. Principes de gestion économique et sociale (article 27)
B. ORGANISATION FINANCIÈRE ET COMPTABLE
1. États prévisionnels (EPRD) (article 28)
2. Règles comptables (article 29)
3. Présentation et conditions d'approbation des comptes
(article 30)
4. Couverture des besoins de financement (article 31)
5. Filiales et prises de participation (article 32)
C. MODALITÉS DE FIXATION DES TARIFS
1. Modalités de fixation des tarifs des services nationaux de La Poste
(article 33)
2. Tarifs des services internationaux (article 34)
D. RÉGIME DES BIENS ET DES MARCHÉS
1. Régime de gestion du patrimoine (article 35)
2. Passation et contrôle des marchés (article 36)
E. RELATIONS CONTRACTUELLES ET FINANCIÈRES ENTRE L'ÉTAT ET LA
POSTE
1. Contrat de plan (article 37)
2. Rémunération des prestations rendues par La Poste à
l'État ou sur la demande de
l'État (article 38)
3. Versements financiers entre La Poste et l'État (article 39)
4. Contrôle économique et financier (article 40)
F. RELATIONS ENTRE LA POSTE ET FRANCE TÉLÉCOM ET GESTION DES
SERVICES COMMUNS
1. Relations entre La Poste et France Télécom (article 41)
2. Conditions générales de gestion des services communs
à La Poste et à France Télécom
(article 42)
3. Gestion de l'ENSPTT (article 43)
4. Gestion en commun des activités sociales par La Poste et
France Télécom (article 44)
G. GESTION DU PERSONNEL
1. Évolution des rémunérations (article 45)
2. Financement des pensions de retraites (article 46)
3. Formation (article 47)
4. Fonctions pour lesquelles des fonctionnaires peuvent être
placés hors de la position
d'activité dans leur corps (article 48)
5. Informations générales relatives à la gestion du
personnel (article 49)
ANNEXE 3 -
L'EUROPE POSTALE
ANNEXE 4 -
LES AMBITIONS DES GRANDES POSTES OCCIDENTALES
PLAN DE L'ANNEXE
I. LA POSTE AMÉRICAINE : " BRONTOSAURE "
ÉTATIQUE AU PAYS DU LIBÉRALISME ?
II. DE LA DEUTSCHEBUNDESPOST À LA DEUTSCHEPOST AG : UNE
RÉFORME À MARCHE FORCÉE
III. LES SUCCÈS DE KPN: REGARDS SUR LA POSTE DU XXIe SIÈCLE
IV. LA SUÈDE : LA CONCURRENCE AU PAYS DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE
NB :
Le plan détaillé de la présente annexe figure au
sommaire du rapport.
Les Etats-Unis accueillent sur leur territoire la première des postes
occidentales et sont également le berceau des grands opérateurs
de messagerie. C'est à ce double titre, que ce pays a retenu l'attention
de votre rapporteur et que la poste américaine se voit consacrer ici un
développement particulier.
En Europe, le marché postal est estimé à plus de
300 milliards de francs, et suscite la convoitise des opérateurs
tant publics que privés. Dans la course concurrentielle, les pays du
Nord de l'Europe tiennent la corde. Les réformes qui sont en cours
outre-Rhin feront de la Deutsche Post AG un opérateur postal d'une
puissance redoutable. L'évolution de la poste suédoise et
l'impact de l'introduction de la concurrence dans les services postaux font que
la Suède mérite un regard attentif. La mutation précoce de
KPN en opérateur privé focalisé sur les grands
marchés internationaux a déjà permis aux Pays-Bas
d'obtenir des résultats remarquables.
C'est pourquoi, l'analyse des évolutions qui ont marqué
l'histoire récente des postes néerlandaise, allemande et
suédoise constitue un point de passage obligé préalable
à toute réflexion d'ensemble sur l'évolution de la Poste
française.
I. LA POSTE AMÉRICAINE : " BRONTOSAURE " ÉTATIQUE AU PAYS DU LIBÉRALISME ?
A. GRANDEUR ET FRAGILITÉS DE LA POSTE AMÉRICAINE
Avec
40 % du trafic postal mondial
, l'United
States Postal Service (USPS) est bien " le " géant postal
mondial.
Fruit d'une histoire qui lui est spécifique, la poste américaine
n'est cependant pas exempte de fragilités.
1. United States Postal Service : un géant mondial ....
En contrepartie d'un certain nombre d'obligations de service universel, USPS jouit d'un large monopole , socle du développement de cette première poste mondiale.
a) Un monopole étendu
USPS doit remplir les
obligations
de service
universel
suivantes :
- assurer à tous les consommateurs un service postal efficace
à des prix uniformes, raisonnables et justes ;
- fournir des services adaptés aux besoins des consommateurs en
respectant le principe de l'égalité de traitement ;
- maintenir un service de collecte, de tri et de distribution (6 jours sur
7) du courrier sur l'ensemble du territoire ;
- garantir un réseau de points de contact, notamment dans les
petites communes et les communes rurales ;
- assurer un service, à tarif raisonnable sur l'ensemble du
territoire, pour les correspondances personnelles, éducatives,
littéraires et commerciales.
Ces obligations de service universel concernent les lettres, les
imprimés et les paquets jusqu'à 31,7 kilos, sur l'ensemble du
territoire ainsi qu'à destination de l'étranger.
Assurées par l'USPS depuis plus de deux siècles, ces obligations
reposent sur un
monopole du service postal
établi par les
"
Private Express
Statutes
", élaborés en
1782 et amendés de nombreuses fois depuis lors. Ce monopole est
double
, dans la mesure où il porte :
- d'une part, sur les
envois
;
- d'autre part, et il s'agit là d'une spécificité du
système postal américain, sur l'accès aux
boîtes
aux lettres
.
Ainsi, est-il interdit à quiconque d'établir, d'opérer, ou
d'utiliser une entreprise privée pour transporter à titre
onéreux des lettres de manière régulière sur des
trajets couverts par le service postal.
De même, depuis une loi de 1934, il est interdit à quiconque de
placer intentionnellement une lettre non timbrée dans toute boîte
à lettres de particulier.
La poste américaine est
protégée
juridiquement
contre des infractions au monopole. En effet, le code
pénal américain prévoit une amende pouvant atteindre
500 dollars (3.000 francs environ) ou une peine d'emprisonnement
pouvant s'élever à 6 mois pour toute personne transportant
illégalement du courrier, ou une amende jusqu'à 50 dollars
(300 francs) pour toute personne utilisant les services de transporteurs
enfreignant le monopole.
Il sanctionne d'une amende de 300 dollars maximum (1.800 francs)
toute personne déposant des plis non affranchis dans la boîte
à lettres des particuliers ou des entreprises.
Des
contrôles
sont effectués par les Inspecteurs du Service
de Sécurité de l'USPS. Il s'agit d'un corps, créé
en 1737, assimilable à celui de la police fédérale, qui
dispose du droit de perquisition, contrôle les infractions au monopole et
participe fréquemment à des enquêtes de police concernant
des délits commis par voie postale (escroqueries, trafic d'armes ou de
drogue).
Les règles en la matière sont donc très strictes.
Sont sous monopole les lettres de 1ère catégorie (lettres
ordinaires) et les envois de publicité adressée jusqu'à
3 dollars ou 2 fois le tarif postal de l'envoi d'une lettre ordinaire
quel qu'en soit le poids. Ceci recouvre le courrier domestique et le courrier
international entrant.
La lettre est définie par son contenu
, son message,
c'est-à-dire par toute information ou donnée adressée
à une personne spécifique. Dans la définition de la lettre
sont donc inclus les supports manuscrits ou imprimés, les dessins, les
enregistrements magnétiques, numériques ou informatiques mais
également les papiers d'affaires et la publicité adressée.
Le monopole couvre ainsi 83 % du volume total du courrier (en 1995).
En revanche,
le monopole ne comprend pas
:
- l'autodistribution, l'acheminement gratuit, les catalogues de plus de
24 pages,
l'express
(depuis 1979), défini par des
caractéristiques de délais et de prix supérieurs à
la limite du monopole ;
-
le courrier international sortant
, depuis 1986.
b) La première des postes occidentales
Au
premier rang des postes occidentales
, l'USPS a
traité près de
180 millions d'objets
en 1994 (en
progression de 3,4 % par rapport à 1993),
soit 7,4 fois plus
qu'en France, alors que la population américaine n'est que 4,5 fois
supérieure à la population française
.
Le
trafic
par habitant est donc bien supérieur aux Etats-Unis
(700 objets en 1994, contre 423 en France).
Il est vrai que le prix du timbre (30 cents) y est aussi près de deux
fois moins cher que dans notre pays.
L'USPS est également la première des postes occidentales en
termes de taille de
réseau
, avec 39.372 points de contact en
1994, dont 28.657 bureaux de poste, 5.682 bureaux annexes, 3.424 agences
postales et 1.609 agences postales en mairie.
Le réseau de la poste américaine est donc plus de deux fois
supérieur au réseau français mais, il convient de le
souligner, pour une population bien plus nombreuse, un territoire 17 fois
plus grand et une densité démographique quatre fois moindre.
Ces comparaisons amènent donc à relativiser la densité et
l'importance du réseau américain.
En outre,
ce réseau est près de deux fois plus réduit
que celui du début du siècle,
qui comptait environ
70.000 bureaux, l'USPS l'ayant adapté aux évolutions de la
société américaine (urbanisation, plus grande
mobilité, etc).
A titre d'exemple, 3.000 bureaux environ ont été
fermés depuis 1970, alors même que les règles en la
matière sont strictes, un bureau ne pouvant être fermé pour
des raisons économiques (mais en raison, par exemple, de
l'évolution démographique de la zone concernée) et l'effet
d'une fermeture sur la collectivité devant être pris en compte
lors de l'instruction de la décision.
L'USPS est, par ailleurs, une immense entreprise de
main d'oeuvre
, qui
occupe
852.000 employés, dont 729.000 fonctionnaires
fédéraux
.
Son
chiffre d'affaires
s'est élevé à
266,7 milliards de dollars
en 1994, en progression de 3,8 %
par rapport à l'année précédente.
Il se répartit ainsi : 96,3 % au titre du courrier, 0,3 % au
titre des services financiers (à savoir les mandats) et 3,4 % pour
les autres prestations.
La poste américaine a longtemps fondé sa stratégie sur une
croissance continue en renforçant ses infrastructures. Toutefois, la
récession économique l'a contrainte à réduire ses
coûts pour améliorer sa situation financière, compte tenu
de tarifs postaux relativement bas.
Après un exercice 1994 déficitaire de 914 millions de
dollars, l'USPS a dégagé en 1995 un bénéfice net de
1,8 milliard de dollars, du fait de l'augmentation des tarifs au
1er janvier 1995.
Jusqu'en 1994, elle avait pour principe d'augmenter ses
tarifs postaux
tous les trois ans, ce qui lui permettait d'obtenir un
bénéfice la première année, de préserver
l'équilibre la deuxième année, mais d'être en
déficit la troisième année du cycle, comme en 1994, par
exemple.
En 1995, le
" Post master general "
a estimé que
l'USPS
devrait désormais dégager chaque année un excédent,
même faible, pour être en mesure de réaliser les
investissements
nécessaires.
Ces investissements sont conséquents, puisque, depuis 1987, l'USPS a
investi environ 14 milliards de francs dans la modernisation de son
appareil de production, en particulier dans les domaines de l'automatisation du
traitement du courrier et du tri-distribution. Fin 1997, elle disposera de
près de 12.000 machines de tri automatique.
Essentielle pour assurer les communications sur l'immense territoire
américain, entreprise puissante, l'USPS souffre cependant de handicaps
qui la fragilisent.
2. .... aux pieds d'argile
Ces handicaps et fragilités résultent de deux spécificités du système postal américain, fruit de son histoire : le statut hybride de l'USPS et le poids du facteur social dans cette entreprise.
a) Un statut hybride
Element clé du développement des communications
aux Etats-Unis, la poste américaine s'est développée au
rythme de la conquête des territoires de l'Ouest.
Le premier
Postmaster General
des Etats-Unis fut Benjamin Franklin. Ce
lien historique n'est pas neutre pour l'USPS puisque le célèbre
constituant a fait intégrer le service postal dans la Constitution
américaine (à l'Article 1er, section 8) :
" Le
Congrès aura le pouvoir de lever l'impôt [...], d'établir
des bureaux et des routes de poste ".
Ceci explique le fort intérêt que les pouvoirs publics
américains ont traditionnellement porté à
l'évolution du système postal. C'est ainsi que, jusqu'en
1970
, le Gouvernement nommait le
Post master général
et les autres dirigeants de l'USPS, fixait les tarifs postaux, et les
représentants nommaient les chefs des bureaux de poste.
D'après les personnalités rencontrées par votre rapporteur
au cours de sa mission aux États-Unis, cette situation n'était
pas sans poser de problèmes. C'est ainsi, par exemple, que les bureaux
en milieu rural avaient été parfois exagérément
multipliés sous la pression politique. Conscients que l'importante
implication des hommes politiques dans l'organisation et la gestion de la poste
pouvait être rendue responsable de certains effets pervers du
système,
les élus
eux-mêmes
ont souhaité
rendre le dossier postal moins dépendant des enjeux politiques.
Ceci
a amené le Congrès à voter, en 1970, la
loi de
réorganisation postale
, dont l'objectif était de rapprocher
l'USPS du modèle du secteur privé, tout en maintenant son
caractère d'organisation gouvernementale.
La poste américaine a, ainsi, acquis une
certaine autonomie
,
puisqu'elle est devenue un " établissement
indépendant " rattaché à l'Etat, c'est-à-dire
une
agence fédérale
ou -si l'on traduit ce concept en
droit français- un établissement public.
En tant qu'établissement indépendant, l'USPS n'est plus tenue de
respecter certaines règles en matière de contrats, biens,
travaux... et est donc dispensée des contrôles qui en
découlent. Elle peut, par ailleurs, emprunter auprès du grand
public en émettant ses propres titres. L'Etat lui a donné les
moyens d'agir de telle sorte qu'elle satisfasse les besoins postaux des
Etats-Unis avec l'efficacité d'une entreprise. Mais elle demeure un
établissement rattaché à l'Etat, dans la mesure où
elle continue d'assurer ses missions d'intérêt
général.
L'entreprise est dirigée par un Conseil d'administration de
11 membres, dont 9 sont nommés par le Président des
Etats-Unis sur approbation du Sénat américain. Ce Conseil a le
pouvoir de choisir en son sein, de nommer et de révoquer le
" Postmaster general "
qui met en oeuvre la
politique postale
et qui est, depuis 1993, également président
directeur-général de la poste.
L'autonomie dont bénéficie l'USPS trouve cependant ses limites
avec l'étroite et double tutelle du Congrès, d'une part, et de la
Commission des tarifs postaux (
" Postal Rate
Commission "),
d'autre part
. Soulignons que tant le Sénat que la Chambre des
représentants, disposent d'une commission chargée de la poste et
de la fonction publique.
En effet, la poste doit, dans un rapport annuel, rendre compte au
Congrès de l'ensemble des opérations postales et, de facto, de la
façon dont elle remplit sa mission.
La
Postal Rate Commission
est un organisme indépendant,
créé par la loi de 1970, qui comprend cinq membres nommés
par le Président des Etats-Unis sur approbation du Sénat. Elle
assure la tutelle tarifaire et financière
. Elle donne son avis
sur les augmentations de tarifs postaux proposées par le Conseil
d'administration.
Cette
procédure
s'avère
très lourde
: un an
de préparation par l'USPS d'un dossier de plus de dix mètres
de haut ; dix mois d'instruction par la Commission, pour aboutir à
une décision qui ne pèsera pas moins de 1.000 pages et aura
occupé 50 employés ! Au pays qui fait de
l'efficacité sa devise, cela laisse rêveur...
Se déroule alors, en effet, un processus juridique proche des
procédures judiciaires, assorties d'auditions publiques auxquelles
participent les concurrents, les clients, des experts, etc...
Les principes applicables sont, d'une part, que les recettes de l'USPS doivent
lui permettre de couvrir ses charges, et, d'autre part, que le prix de chaque
catégorie de courrier
245(
*
)
doit couvrir
ses coûts directs et indirects, les subventions croisées
étant donc interdites.
Mais, le jeu des groupes d'intérêt interfère avec la
stricte application de ces règles. C'est ainsi par exemple que les
entreprises de presse fortement financées par la publicité voient
en l'USPS un concurrent en ce domaine et n'encouragent par conséquent
pas sa compétitivité.
Les Etats-Unis sont le
seul pays à confier à une commission
indépendante le soin de fixer les tarifs postaux
. Cette
spécificité est liée à l'histoire américaine
et à l'enjeu très politique du secteur postal, objet des
" lobbyes " dès le début de la République, alors
que le transport gratuit des journaux était fondamental pour relier
l'ensemble du territoire.
Sur le plan purement institutionnel, on trouve d'ailleurs là
l'unique
exemple d'une agence gouvernementale dont la principale fonction est de fixer
le prix des activités d'une autre entité gouvernementale
,
sans parler des problèmes de confidentialité d'une telle
procédure à l'égard de la concurrence.
Cette commission a également vocation à décider des
éventuelles fermetures de bureaux de poste
. Mais, ici aussi, la
lourdeur et l'inertie sévissent et l'USPS doit parfois consacrer 2 ou
3 ans d'efforts pour lui prouver que toutes les obligations en la
matière ont été remplies.
La
Postal Rate Commission
a récemment émis le souhait que
les tarifs de chaque catégorie de courrier couvrent les coûts
réels et a autorisé l'USPS a emprunter en émettant ses
propres titres obligataires.
L'autonomie de l'USPS se trouve donc bridée par une tutelle
sévère. La rigidité de ce statut entrave sa politique
commerciale. L'absence de maîtrise de ses tarifs par la poste
américaine constitue son premier handicap. Le second, mais non le
moindre, résulte d'erreurs de management qui ont aggravé le poids
des charges de fonctionnement.
b) Le poids du facteur social
A la suite de ce qui peut être qualifié d'erreurs
de gestion, la poste américaine se trouve confrontée à une
quasi-absence de maîtrise de ses coûts de production, dont les
coûts salariaux représentent plus de 80 %.
En effet, adhérant en grand nombre (à près de 85 %)
à des syndicats qui sont de ce fait socialement puissants et
politiquement très influents, les fonctionnaires de la poste (qui
représentent 85 % de ses personnels) bénéficient d'un
statut très protecteur
et perçoivent des
salaires de 30
% supérieurs en moyenne à ceux du secteur privé.
Cette
dérive des salaires
date de 1971, année de la
première négociation collective ayant suivi la réforme de
1970. Les textes avaient prévu que les salaires des postiers seraient
"
comparables à ceux du secteur privé
. "
L'idée était de les ajuster sur les salaires des employés
du secteur privé exerçant les mêmes fonctions. Cependant
le
Post master
général
de l'époque a
accepté d'interpréter très favorablement cette clause, en
alignant les salaires des postiers sur ceux d'autres industries sans aucun lien
avec le métier postal, mais où les personnels étaient
fortement syndiqués et généreusement payés.
Il en résulte qu'avec un salaire moyen de 45.000 dollars par an, un
nouvel entrant à la poste voit son salaire augmenter très
sensiblement.
La responsabilité de cette situation est en réalité
collective, dans la mesure où, pour sortir du conflit existant entre la
direction de la poste et les syndicats, les clients de l'USPS eux-mêmes
ont poussé le
Postmater general
à accepter une
interprétation aussi généreuse.
De même, le
système de retraites
est-il
particulièrement coûteux
pour l'USPS.
Dans le même état d'esprit, la direction de la poste a
accepté
d'employer des fonctionnaires au lieu de contractuels
,
dans le vain espoir d'améliorer ses relations avec les syndicats.
Le
General accounting office
(GAO), agence d'audit indépendante
du Congrès américain, a estimé que cette décision
avait entraîné un coût supplémentaire de
174 millions de dollars par an.
Il est vrai que la substitution, en 1993, de plus de 33.500 postes de
fonctionnaires -par mise en retraite anticipée de nombreux cadres- par
30.000 emplois de contractuels, a entraîné des
dysfonctionnements dans l'organisation des services. Par la suite, en 1994,
l'USPS a procédé à l'embauche de
37.000 fonctionnaires. De tels " coups d'accordéon " ne
vont pas dans le sens d'une saine gestion des effectifs.
La deuxième racine du problème de la gestion sociale à
l'USPS date également de 1971, le
Congrès
-pour obtenir
l'accord des syndicats sur la réforme-
ayant imposé à
la poste un
arbitrage extérieur
lorsque les
négociations avec les syndicats n'aboutissent pas.
A cet égard, rappelons que, comme tous les employés
fédéraux fonctionnaires d'Etat,
les employés de l'USPS
n'ont pas le droit de grève qui est considéré comme
incompatible avec le service universel
.
Illustration frappante du statut hybride de l'USPS, celle-ci doit à la
fois respecter les droits de fonctionnaires, mais aussi certains droits
(à l'exception du droit de grève) des employés du secteur
privé.
Elle est ainsi la seule entité de l'Etat devant
appliquer le droit de la négociation collective applicable aux
entreprises privées, comme Ford ou General Motors
. En effet,
rappelons que, les conditions de travail, les salaires, etc. font l'objet de
négociations et conventions collectives tous les trois à quatre
ans. Ces négociations ont lieu séparément avec chacun des
quatre syndicats d'employés qui sont organisés sur une base
corporative : le syndicat des facteurs (
National Association of Letter
Carriers
246(
*
)
), le syndicat des
travailleurs postaux-trieurs et guichetiers (
American Postal Workers
Union
), le syndicat des facteurs ruraux (
Rural Letter Carriers
Association
), le syndicat des manutentionnaires du courrier (
National
Postal Mail Handlers Union
).
Les cadres ne disposent pas de syndicats en tant que tels mais peuvent se
regrouper dans des associations ou amicales. On distingue parmi ces
associations, celle des cadres, celle des receveurs de grands bureaux et celle
des receveurs de bureaux de moindre importance.
Par conséquent, lorsque le syndicat concerné et l'USPS ne peuvent
parvenir à un accord, il est fait appel à un arbitrage
extérieur qui généralement s'efforce de parvenir à
une solution médiane entre les positions du syndicat et celles de l'USPS.
Le médiateur est une personnalité reconnue et neutre à
l'égard des intérêts en présence. Deux autres
arbitres sont nommés respectivement par la direction de la poste et par
les syndicats.
Il s'agit d'un
processus très conservateur
, qui ne permet pas de
mettre en oeuvre des modifications novatrices dans le système postal,
ceci d'autant plus que le médiateur professionnel, dont la
carrière est en jeu, n'est pas incité à prendre de risques.
Ce dispositif n'encourage pas non plus les parties en présence
à négocier
et, sur les douze grandes négociations
menées à la poste depuis 1971, le recours à l'arbitrage a
été quasi constant.
M. Fattah, représentant démocrate de Pennsylvanie, que votre
rapporteur a rencontré au cours de sa mission aux Etats-Unis, a
été très clair sur ce sujet en déclarant :
" L'arbitrage a gelé tout enthousiasme pour les
négociations ".
Si cet arbitrage obligatoire permet de maintenir la paix sociale dans
l'entreprise,
il a pour inconvénient majeur de
déposséder la direction de décisions majeures, concernant
notamment le niveau des salaires et des retraites.
Ces décisions sont en effet, prises par un tiers qui n'en assume aucune
des conséquences et auquel n'incombe aucune autre responsabilité
que celle de sa médiation.
La poste américaine se trouve par conséquent prisonnière
d'une situation où elle ne maîtrise pas davantage ses coûts
que ses recettes et où une part importante de ses augmentations de
recettes est nécessitée par le financement de ses coûts
salariaux.
Cette situation est d'autant plus handicapante pour la poste que les syndicats
américains du secteur -très puissants- apparaissent relativement
indifférents aux évolutions qui apparaissent aujourd'hui de
nature à menacer les positions de l'USPS et peu disposés à
accepter certaines des adaptations que la direction de l'entreprise juge
indispensables pour être en mesure de faire face à ces
évolutions.
C'est ainsi que l'USPS a mis en oeuvre
un système
d'intéressement
depuis quelques années, notamment à
l'intention des cadres, mais aussi, depuis 1996, des cadres
intermédiaires et des receveurs, qui a un impact positif au niveau de la
qualité de service et des coûts d'exploitation. Cependant,
hostiles à toute idée de participation et d'incitations
financières, les syndicats les plus importants se sont opposés
à des expérimentations en la matière, notamment à
l'égard des employés.
Par maints aspects, La poste américaine apparaît donc
obéir à une logique d'inertie " bureaucratique ", alors
même qu'elle est confrontée à un environnement en pleine
mutation du fait notamment de l'irruption de concurrents
particulièrement dynamiques.
3. Des concurrents dynamiques
L'USPS voit se développer avec succès deux entreprises concurrentes sur les marchés hors monopole : United Parcel Service (UPS) et Federal Express.
a) United Parcel Service (UPS)
Fondée en 1907 comme entreprise de livraison de paquets
pour le compte des détaillants, UPS a été amenée
à se réorienter dans les années 50 en devenant un
transporteur général livrant des paquets sur l'ensemble du
territoire, tant pour les ménages que pour les entreprises,
concurrençant ainsi directement le service postal.
35ème entreprise américaine et première de
Géorgie, UPS est aujourd'hui
la première entreprise
d'acheminement de paquets
.
Elle réalise un
chiffre d'affaires de 22,5 milliards de
dollars
, vient de clôturer l'exercice avec un bénéfice
d'1,1 milliard de dollars, emploie
339.000 salariés
et
achemine chaque jour 12 millions de paquets et documents, au moyen soit de
ses
147.000 véhicules
, soit de ses
500 avions
,
qui font d'elle l'une des dix premières compagnies aériennes
américaines.
Ces quelques chiffres illustrent la taille et la puissance acquise par UPS,
dont le développement est notamment lié à celui de la
gestion en flux tendus des entreprises. UPS assure ainsi l'entreposage des
produits pour le compte de ses clients et les livre "
just on
time
", au fur et à mesure de leurs besoins.
En 1991, elle a modifié son système de facturation unique, de
façon à offrir à ses gros clients industriels d'importants
rabais.
Numéro 1 sur le marché du colis,
UPS fait
désormais reposer son développement sur le pistage
247(
*
)
des colis au niveau mondial
, service que
l'USPS ne peut assurer. Elle est, à juste titre, convaincue que
l'information -à savoir le circuit d'acheminement du colis- est devenue
plus importante que le colis lui-même.
Son succès est également dû à une méthode
entrepreneuriale originale : les personnels et les retraités de UPS
sont propriétaires de leur entreprise
. Peut-on imaginer de plus
grandes motivations et incitations à la performance ?
Le système de promotion interne de l'entreprise est également
exemplaire et particulièrement stimulant pour le personnel.
A l'occasion de son entretien avec les dirigeants de UPS, votre rapporteur a
ainsi rencontré un ancien chauffeur de camionnettes de l'entreprise,
diplômé en droit, devenu l'attaché parlementaire de la
société.
Ce modèle a cependant trouvé sa limite au mois d'août
dernier, une
grève
de deux semaines ayant paralysé
l'activité de l'entreprise.
Rappelons que, lancée par le syndicat des chauffeurs " les
" Teamsters "), cette grève avait pour objectif d'obtenir la
création d'emplois à temps plein, une revalorisation des salaires
en stagnation et de conserver la gestion des fonds de retraite des
employés.
Un accord sur cinq ans leur a largement donné satisfaction.
Il est vrai que 57 % du personnel d'UPS aux Etats-Unis est employé
à temps partiel et bénéficient d'un taux de salaire
horaire inférieur de moitié à celui versé aux
employés à temps plein.
UPS a estimé les pertes liées à chaque jour de
grève à 50 millions de dollars et évoqué le
risque de voir 5 % de ses clients choisir des concurrents, ce qui
entraînerait des licenciements.
Cette grève, en réalité, a montré la puissance
de l'entreprise UPS
. Ce n'est, en effet, pas moins de 6 à 7 %
du produit intérieur brut américain qui risquaient d'être
menacés par l'immobilité des camions d'UPS.
L'ampleur des réactions des acteurs économiques était
d'ailleurs à la hauteur des enjeux. 36 présidents de grands
groupes de distribution ne sont-ils pas allés jusqu'à lancer un
appel au président Bill Clinton, lui demandant d'intervenir dans ce
conflit ?
b) Federal Express
138ème entreprise, deuxième entreprise du
Tennessee et
deuxième
transporteur privé après
UPS
, Federal Express est né en 1973 de l'analyse de son
créateur, que les Etats-Unis étant de plus en plus une
économie de services, la nécessité d'un service de
" livraison en 24 heures " fiable devenait cruciale.
Sur cette idée, il réussit à lever -avec la garantie de la
Small Business
Administration
- 90 millions de dollars de
prêt bancaire et surtout 40 millions de dollars de capital risque,
ce qui fait de Fedex la plus importante "
Start
up
"
jamais financée par du capital risque.
Cette précision mérite d'être relevée au moment
où les PME françaises innovantes souffrent d'être beaucoup
moins soutenues par les pouvoirs publics que leurs homologues
américaines, comme l'a dénoncé le récent
rapport
248(
*
)
de notre collègue M.
Francis Grignon sur "
les enseignements à tirer pour l'aide aux
petites et moyennes entreprises françaises du rôle joué par
la Small Business Administration aux Etats-Unis
".
Réalisant des profits depuis 1976 et introduit en Bourse en 1978,
Federal Express a réalisé, en 1996, un chiffre d'affaires de
10,3 milliards de dollars
et emploie
114.000 personnes
.
Outre le possible impact d'une grève chez UPS en 1974 et la faillite
d'un autre concurrent, son développement a été rendu
possible par la dérégulation du transport aérien,
après 1978, et par la taille du territoire américain.
A partir de 1989, Fedex entreprend de se développer à
l'international, par le biais de partenariats, puis en assurant la
présence de ses propres personnels et avions dès qu'un
marché étranger progresse.
Federal Express transporte essentiellement des produits de valeur, pour
lesquels l'urgence et la sécurité de l'acheminement priment
(techniques de pointe, produits de la mode, médicaments...).
Il est également à la pointe en matière d'avantages
sociaux et propose des
formules d'intéressement
à ses
salariés.
Tant UPS que Federal Express ont en réalité créé un
marché qui n'existait pas il y a 25 ans. Ils se sont, mieux que
l'USPS, adaptés aux évolutions techniques et aux exigences de la
livraison "
just on time
". Peut-être pouvons-nous
tenter une comparaison, en matière de transport, en assimilant la poste
historique au bus et le transport express de colis au taxi.
L'histoire de ces trois entreprises et les concepts et cultures sur lesquels
repose leur développement sont différents.
Dans ce contexte, l'USPS a pratiquement perdu le marché du colis des
entreprises
. Cependant, son plus grand concurrent, UPS, tend à se
concentrer sur le créneau le plus rentable : les colis d'entreprise
à entreprise. Dans la mesure où 50 % de la vente par
correspondance concerne les particuliers, la poste américaine -dont les
tarifs sont alors plus intéressants que ceux de ses compétiteurs,
notamment pour les colis d'un poids inférieur à 500 grammes-
peut conserver et/ou conquérir des parts de marché sur ce
créneau.
Ceci ne suffira cependant pas à combler la
diminution tendancielle et
inexorable de ses marchés traditionnels
. Celle-ci résulte,
notamment, de la concurrence des nouvelles technologies qui est, bien entendu,
particulièrement vive outre-Atlantique.
Il suffit de comparer le coût d'un virement automatique à celui
d'un paiement par chèque envoyé par la poste ou d'évoquer
le développement d'Internet (très utilisé, par exemple,
pour les commandes recueillies par les entreprises de vente par correspondance).
On peut s'attendre à un développement probablement rapide du
commerce électronique et, de façon générale, des
nouvelles technologies.
Dans ces conditions, le monopole de l'USPS ne risque-t-il pas d'être
progressivement vidé de son contenu ?
En effet, l'USPS pourrait bien ne plus profiter
des économies
d'échelle
qu'elle réalise aujourd'hui, si son
marché venait à décliner.
Si, confrontée à ces défis, elle choisissait l'inertie, ne
risquerait-elle pas alors de subir davantage les conséquences de sa
relativement faible productivité ?
Elle pourrait alors être contrainte d'élever ses tarifs pour
maintenir son équilibre financier et/ou de laisser la qualité du
service se dégrader. Si un tel scénario se produisait, ses
clients ne manqueraient sans doute pas d'opter pour des produits alternatifs.
L'USPS ne peut donc se satisfaire de l'immobilisme.
Si elle veut rester compétitive, dans un contexte fortement
concurrentiel, la poste américaine doit se réformer.
B. LA RÉFORME : NÉCESSAIRE, MAIS PROBABLEMENT LENTE ET PROGRESSIVE
1. Un consensus sur le constat, mais une conscience de l'urgence moins partagée
Tous les acteurs, tant politiques qu'économiques,
rencontrés par votre rapporteur, partagent la
conviction que la poste
américaine doit être réformée dans la mesure
où ses handicaps freinent par trop sa nécessaire adaptation.
C'est ainsi que M. Fattah, représentant démocrate de
Pensylvanie, a estimé que l'USPS ne survivrait pas si elle
n'évoluait pas et qu'il lui fallait être sur un pied
d'égalité avec le secteur privé pour être
concurrentielle.
Le
General Accounting Office
(GAO) insiste sur la
nécessité d'entreprendre une telle réforme. Celle-ci
devrait, selon lui, donner davantage de souplesse à l'USPS,
alléger la tutelle de la
Postal Rate Commission
, lui permettre
d'expérimenter de nouveaux produits. Ceci va dans le sens des souhaits
de la direction de l'USPS, qui veut rapprocher son efficacité de celle
d'une entreprise privée et mettre en oeuvre une stratégie
orientée vers le marché, c'est-à-dire, les clients, les
prix et les produits ("
people, price, product
program
").
Il apparaît, cependant, que
la plupart des parties
préfèrent, pour l'instant, le maintien du statu quo :
- les
syndicats
refusent tout changement qui amènerait
à ébranler les fondements du système de négociation
qui leur a permis d'obtenir d'importants avantages pour les postiers ;
- les
concurrents
sont globalement plutôt défavorables
à une réforme : s'ils ne sont généralement pas
opposés à ce que le maintien d'un monopole permette à
l'USPS d'assurer le service universel, ils ne souhaitent pas qu'on lui donne
les moyens de concurrencer davantage le secteur privé là
où il est efficace ;
- les
petits consommateurs
craignent que la réforme ne
s'effectue à leur détriment ;
- les
gros consommateurs
sont les plus enclins à demander
une réforme mais, force est de constater qu'ils ne se sont encore que
peu mobilisés sur le sujet.
Dans ce contexte, les élus se montrent extrêmement prudents sur
le sujet et souvent peu convaincus de la relative urgence de son traitement.
Il est vrai
qu'en apparence
,
la situation de la poste
américaine peut sembler confortable
: elle bénéficie
du plus grand marché postal mondial ; contrairement à l'Union
européenne, la réglementation du monopole n'est pas remise ne
cause ; les clients de l'USPS sont plutôt satisfaits de ses services ;
une relative paix sociale prévaut, alors même que UPS a dû
faire face à une grève sévère l'été
dernier...
C'est en réalité surtout sous la pression de la direction de la
poste elle-même, consciente des enjeux et défis, que les
parlementaires commencent à s'intéresser à ce dossier et
à auditionner les acteurs du secteur. Surtout, un représentant a
déposé un projet de loi qui fait l'objet de discussions et a
donné lieu à une étude d'impact du GAO.
2. Une réforme à pas comptés
a) La proposition de loi " Mac Hugh "
Un représentant républicain de l'Etat de New
York, M. John Mac Hugh, a déposé une proposition de loi
(
Postal Reform Act de 1996
) qui vise à assouplir les conditions
d'exercice de la mission de service postal de façon à ce que
celui-ci s'apparente davantage à une entreprise privée.
Tout en se proclamant attaché au service universel en tant qu'élu
d'une circonscription rurale, M. Mac Hugh souhaite modifier les conditions
de la concurrence.
Il propose, notamment, de permettre à l'USPS de dégager un profit
et de revenir sur l'obligation d'équilibre financier.
Il prévoit de fixer la limite du monopole à deux dollars, au
lieu de trois aujourd'hui.
Il envisage également de diviser les produits offerts par le service
postal en deux catégories :
-
le courrier sous monopole
qui représente les lettres,
cartes et paquets envoyés par les usagers captifs. Ce courrier verrait
ses tarifs plafonnés, mais l'USPS disposerait d'une plus grande
flexibilité pour fixer les tarifs, ceux-ci devant toutefois couvrir les
coûts qu'ils occasionnent ;
-
le courrier soumis à concurrence
pour lesquels la poste
fixerait ses tarifs sans contrôle préalable de la
Postal Rate
Commission
, mais avec son contrôle a posteriori annuel, la commission
étant chargée de s'assurer que les tarifs contribuent
raisonnablement aux coûts ;
- un dispositif inciterait l'ensemble des
postiers
à
améliorer la
qualité de leurs prestations
.
De surcroît, la poste pourrait expérimenter de nouveaux produits
pendant trois ans avant que la commission ne les place dans l'une des deux
catégories ci-dessus mentionnées.
Par ailleurs,
l'accès exclusif aux boîtes aux lettres
pourrait être remis en cause
à l'issue d'une phase
expérimentale. Enfin, l'USPS garderait à sa charge les
retraites
des fonctionnaires embauchés avant la réforme de
1970.
S'agissant des relations sociales, le projet de loi prévoit la mise en
place d'une commission présidentielle qui ferait des recommandations au
Congrès et à la direction de l'entreprise sur les changements
nécessaires.
Déposée le 25 juin 1996, cette proposition de loi est
toujours en cours d'examen par la sous-commission chargée de la poste.
M. Mac Hugh, que votre rapporteur a rencontré, estime que le
Sénat sera contraint de prendre position sur le dossier lorsque la
Chambre des représentants aura adopté un texte, à une date
qu'il n'a pu préciser (évoquant 1997 ou 1998).
Le sénateur Cochran semble moins optimiste et estime que cette
proposition n'aboutira pas au cours du 105ème Congrès, une
réforme partielle mais non totale lui paraissant possible.
Tant le sénateur Cochran que le GAO jugent qu'en tout état de
cause le problème essentiel de la poste, à savoir les relations
sociales dans l'entreprise, ne pourra pas être résolu sur le plan
législatif.
b) Le rapport du General Accounting Office (GAO) sur les conséquences d'une réduction du monopole de l'USPS
En 1996, à la demande du Sénat américain,
le GAO a élaboré un rapport sur la réforme du service
postal évaluant les risques d'une réduction du monopole pour
l'USPS (qui, rappelons le, couvrait encore 83 % du volume global du
courrier en 1995) en termes de trafic d'une part, de tarifs et de coûts,
d'autre part.
Les conséquences sur le trafic
Il convient tout d'abord de rappeler que, depuis 1979, date à laquelle
l'USPS a suspendu partiellement son monopole pour permettre aux transporteurs
privés de distribuer les lettres express, la capacité de
distribution du secteur privé a considérablement augmenté,
puisque les cinq principaux concurrents de l'USPS percevraient, d'après
le GAO, 85 % des recettes provenant des lettres et des paquets express
domestiques.
On voit donc bien qu'une ouverture du monopole ne peut logiquement que
conduire à une diminution de la part de marché de l'agence
fédérale.
L'évaluation de l'impact d'une réforme sur le trafic
dépend cependant de la catégorie visée. A cet
égard, il faut préciser que le trafic de l'USPS est classé
en six grandes catégories
249(
*
)
:
La 1ère classe
se compose essentiellement de correspondances
(d'affaires ou personnelles), comptes rendus , cartes de voeux, cartes postales
et petits paquets. Le GAO estime que les lettres de 1ère classe seraient
parmi les plus menacées en cas de réduction de monopole. Or,
elles ont une importance vitale pour l'USPS, les recettes provenant de cette
catégorie couvrant 66 % de ses coûts totaux d'exploitation.
Pour la majeure partie (88 %), il s'agit de lettres de faible poids
(égal ou inférieur à 28 g), facilement
mécanisables.
C'est
, par conséquent,
une baisse du trafic des lettres de
1ère classe qui aurait l'impact financier le plus élevé
pour l'USPS
.
Le Priority Mail
est une subdivision du courrier de 1ère
classe, qui recouvre des envois plus lourds : plus de 311,85 g, au
tarif de trois dollars par envoi jusqu'à 2 livres, les prix pouvant
augmenter jusqu'à 77,09 dollars, en fonction de la distance
(jusqu'à 8 zones) et du poids (jusqu'à 70 livres).
En 1995, le Priority Mail ne représentait que 5,8 % des recettes
totales de l'USPS, mais contribuait largement à couvrir ses coûts
d'exploitation. Il s'agit, en effet, de l'un des produits les plus rentables de
la poste et qui enregistre la plus forte croissance.
Le GAO estime qu'en cas de réduction du monopole, l'impact financier
serait moindre pour cette catégorie que pour le courrier de
première classe proprement dit, ce que conteste l'USPS.
Les envois de 2ème classe
comprennent les journaux et revues.
Les envois de 3ème classe
, ou " courriers d'affaires
déposés au nombre ", se composent principalement de
matériel publicitaire et d'appels de fonds pour des organismes
caritatifs. L'USPS distribue encore actuellement 95 à 96 % des
périodiques et du marketing direct. Toutefois, les représentants
de plusieurs groupes de gros déposants ont fait savoir que nombre de
leurs membres seraient disposés à confier une partie de leur
courrier à des transporteurs privés, s'ils y étaient
autorisés.
Selon le GAO, l'impact financier d'une réduction du monopole serait
moindre pour cette catégorie. Les estimations de l'USPS sont plus
pessimistes en la matière.
Les envois de 4ème classe
recouvrent les colis, les envois de
librairie et les imprimés reliés.
L'Express Mail
comprend les lettres et paquets express et les envois
internationaux sortants, pour lesquels le monopole a été suspendu
en 1979.
Les conséquences pour les tarifs et les coûts
Le GAO a estimé que, si l'USPS perdait une partie de son trafic
courrier, il en résulterait une
hausse des tarifs
et non pas une
réduction des services ou une augmentation des subventions. Par exemple,
pour l'exercice 1995, une perte de 25 % du trafic des lettres de
1ère classe aurait impliqué une augmentation de 3 cents pour
le tarif de base des lettres, qui aurait alors dû passer de 32 cents
à 35 cents, augmentation qui apparaît au demeurant modeste.
Compte tenu de l'importance des coûts fixes, une baisse de trafic ne
s'accompagnerait pas d'une baisse des coûts significative. En effet,
malgré l'importance des investissements dans la mécanisation
(5 milliards de dollars depuis le début des années 80),
les charges de personnel sont restées inchangées, en pourcentage,
depuis 1969 : elles représentent toujours plus de 80 %
des coûts totaux, comme on l'a dit précédemment.
Les conclusions du GAO
Le GAO conclut de cette étude qu'il est impossible de prédire
avec certitude l'impact d'une réduction du monopole postal aux
Etats-Unis, d'autant que d'autres facteurs peuvent avoir un impact sur le
trafic courrier à l'avenir, notamment le développement du
courrier électronique.
Les données disponibles montrent cependant qu'une modification radicale
du monopole qui ouvrirait le courrier de 1ère classe à la
concurrence pourrait avoir des conséquences graves pour les recettes et
les tarifs du courrier.
Le point de vue de l'USPS
La poste américaine estime que le GAO a sous-estimé l'ampleur des
pertes des recettes qu'entraînerait une réduction du monopole pour
toutes les catégories de courrier.
c) La réforme n'est pas acquise
Au total, votre rapporteur a pu constater que
le
débat sur la réforme postale américaine était loin
d'être clos.
L'adoption éventuelle de la proposition de loi de M. Mac Hugh
permettra de donner plus de flexibilité à la poste. Elle ne
résoudra pas cependant le problème des relations sociales et des
niveaux de salaires très élevés des postiers. Dans ce
domaine, une réforme du dispositif d'arbitrage sera indispensable.
En définitive, les parties en présence s'accommodent assez bien
du statu quo qui permet à l'USPS d'assurer le service universel avec les
tarifs parmi les moins chers du monde et à ses concurrents de
développer une masse critique leur donnant la puissance
nécessaire pour une conquête dynamique des marchés
extérieurs.
Il suffit de constater les résultats de UPS et de Federal Express en
France.
Imaginons un instant qu'une réforme profonde de la poste
américaine lui donne les moyens d'un allant identique : La Poste
française serait alors telle David devant Goliath, le résultat du
combat pouvant bien être en faveur du brontosaure devenu géant
carnivore !
Dans ces conditions,
nous pouvons sans doute nous réjouir des
lenteurs du processus législatif américain. Mais, soyons sans
illusion : ici aussi, le répit pourrait bien être de courte
durée et si la concurrence du marathonien public américain est
encore à venir, celle des chevaux légers du secteur privé
est bien présente...
II. DE LA DEUTSCHEBUNDESPOST À LA DEUTSCHEPOST AG : UNE RÉFORME À MARCHE FORCÉE
Depuis la réunification, la poste allemande a connu de
véritables
bouleversements statutaires, économiques et
humains
. A l'origine service public de l'État tout comme La Poste
française, elle a été scindée en deux
sociétés distinctes, moyennant une modification de la
Constitution fédérale et le vote d'une impressionnante
série de lois. De ces réformes en chaîne, menées
d'une main de fer dans un climat social assez serein, facilitées par un
consensus politique, le visage de la poste allemande sort durablement
transformé.
En moins de dix ans, la poste allemande, première poste
européenne avec un chiffre d'affaires de plus de 90 milliards de
francs, a trouvé la voie d'une adaptation à la concurrence
.
Née en 1857 du rachat par la Prusse de l'office postal des princes de la
Tour et Taxis, la poste allemande, qui dessert le troisième territoire
de l'Union européenne (357.000 km²) après la France et
l'Espagne, a su s'adapter. Tout comme La Poste française, elle a subi la
résistance, voire même l'hostilité des banques devant la
diffusion des services financiers, aussi bien à compter de la
création d'un service de gestion des moyens de paiement (1908)
qu'après l'extension des possibilités de collecter
l'épargne populaire (1938).
La réunification, brusquement survenue en 1989, entre l'Est et l'Ouest,
a accru les difficultés relatives à la gestion du réseau,
compte tenu de l'existence dans l'ancien " Etat des travailleurs et
des
paysans ", d'une multitude de petits bureaux, sans rapport avec les
besoins du pays.
Face à ces pesanteurs -la Deutschebundespost disposait de
26.000 bureaux en 1994-, les autorités allemandes ont choisi
d'opérer successivement une " sociétisation " de
l'opérateur postal, une réforme statutaire de ses personnels, une
réorganisation de son implantation sur le territoire
fédéral.
Au total, l'observateur français est frappé de constater que, si
des divergences sur le rythme de l'ouverture du secteur postal à la
concurrence se sont faites jour, l'ensemble des partis politiques allemands,
appartenant à la majorité tout comme à l'opposition, ont
choisi de lancer une réforme leur apparaissant comme inéluctable,
au regard des évolutions concurrentielles et techniques.
A. UNE RÉFORME CONSENSUELLE
1. Du droit public au droit des sociétés
La réforme de la poste allemande a été entreprise d'une façon progressive par les pouvoirs publics qui, dès 1994, ont décidé de procéder à la sociétisation de la Deutschebundespost Postdienst, le service de l'État qui relevait du ministère des Postes et des télécommunications.
a) Des sociétés anonymes destinées à être privatisées
Après le vote de la loi du 1er janvier 1995,
l'administration des postes et télécommunications allemandes a
été divisée en trois sociétés de droit
privé
par actions soumises au droit commun, dénommées
Deutsche Post AG, Deutsche Post Bank AG et Deutsche Telekom AG. Ces
trois entités ont été placées sous le
contrôle de l'Office fédéral des postes et
télécommunications, établissement de droit public
uniquement chargé de gérer les participations de l'État
dans chacune d'entre elles et, à ce titre, d'en désigner la
direction. Ainsi la direction de la Deutsche Post AG a-t-elle
été confiée à M. Klaus Zumwinckel, l'ancien
président du groupe de vente par correspondance Quelle, le leader de la
VPC allemande.
Au titre de l'État, l'Office fédéral des postes et des
télécommunications exerce, depuis 1995, tous les droits de
l'actionnaire et sera chargé, le cas échéant, de mener
à bien l'introduction des sociétés anonymes sur le
marché, dès que leur situation financière et leur
rentabilité le permettront. Ainsi, dès l'origine, la
réforme postale allemande s'est donc située dans la perspective
d'une introduction en bourse
des trois sociétés dont
l'État détient, aujourd'hui encore, la totalité du
capital. Toute la stratégie de la Deutsche Post AG et de la
Postbank AG, dont les résultats se sont considérablement
améliorés, repose sur cet objectif clairement exprimé.
La loi relative au statut de la Post Bank AG autorise sa privatisation, sous la
seule restriction que l'Etat doive conserver 25 % de son capital jusqu'au
1er janvier 1999. Rien ne lui interdit donc de céder,
dès à présent, jusqu'à 75 % de sa
participation dans la société. Des négociations sont
d'ores et déjà en cours avec plusieurs partenaires pour envisager
les modalités d'une ouverture du capital, qui pourrait intervenir en
1998.
S'agissant de la Deutsche Post AG, aux termes d'une autre loi de 1995, l'Etat
est tenu de conserver 100 % de son capital jusqu'au
1er janvier 2001. En tout état de cause, sa privatisation ne
peut donc être envisagée avant cette date.
Parallèlement, les services du ministère des postes ont
été progressivement réduits. Cette administration
disparaîtra en tant que telle le 1er janvier 1998.
Juridiquement, les trois sociétés sont bien distinctes les unes
des autres et les subventions qu'elles pourraient s'accorder sont soumises
à une législation stricte, qui prévoit l'autorisation
préalable des pouvoirs publics et qui n'autorise que des subventions
ayant pour objet de compenser des pertes résultant de l'ancienne
organisation administrée du secteur des postes et des
télécommunications, dans les conditions prévues par
l'article 92 du Traité de Rome.
La transformation d'un service public de l'État en plusieurs
sociétés anonymes a nécessité l'adoption de
dispositions relatives aux modalités d'emploi du personnel.
Par dérogation au droit commun allemand, les sociétés
anonymes nouvellement créées ont été
subrogées à l'État fédéral pour assumer ses
droits et obligations vis-à-vis des fonctionnaires qu'elles ont
été autorisées à employer.
La séparation entre la branche courrier, représentée par
la Deutsche Post AG, et la Deutsche Post Bank AG a été
radicale. A compter de la constitution des deux sociétés, chacune
d'entre elles est devenue totalement indépendante des deux autres. Lors
de cette séparation stricte, les pouvoirs publics ne prévirent
pas les modalités d'une collaboration qui était pourtant
indispensable, puisque la société gestionnaire des services
financiers postaux ne disposait pas de bureaux propres.
Comme on le verra, l'absence de convention fixant les obligations de chacune
des sociétés fut l'un des points de friction de la réforme
allemande.
b) La Deutsche Post AG
Une grande entreprise
La Deutsche Post AG a été dotée d'un capital de
2 milliards de deutsche marks. Son chiffre d'affaires a atteint
26,7 milliards de deutsche marks en 1996, soit plus de 90 milliards
de francs.
Ses activités sont concentrées sur le courrier et la gestion des
envois en nombre, pour les 2/3, la messagerie et le fret, ainsi que le montre
le tableau suivant :
RÉPARTITION DE L'ACTIVITÉ DE LA
DEUTSCHE POST AG
EN 1996
Activité |
En milliards de DM |
En % |
Courrier et envoi en nombre |
17,7 |
66 |
Fret |
3,1 |
11,6 |
Poste internationale |
2,1 |
7,8 |
Presse |
1,5 |
5,6 |
Autres |
2,3 |
8,6 % |
TOTAL |
26,7 |
100 |
La Deutsche Post AG a entamé une réduction de
son personnel, en supprimant 19.000 emplois en 1997. Son résultat
courant déficitaire de 3 milliards de deutsche marks en 1994 a
été ramené à 0,34 milliard de deutsche marks
en 1995.
1994 |
1995 |
1996 |
|
Charges de personnel, en mds de deutsche marks |
20,6 |
20,4 |
19,9 |
Nombre de salariés |
308.459 |
307 388 |
292.027 |
Résultat courant en mds de deutsche marks |
- 2,922 |
- 1,156 |
- 0,337 |
Il convient de noter que, malgré ses difficultés
financières, la Deutsche Post AG a entrepris un vaste programme
d'investissement, notamment dans le secteur des colis, duquel elle attend de
fortes retombées.
Un monopole en sursis
Afin de respecter le droit des citoyens à une desserte postale du
territoire par un service de base, la loi a prévu le maintien d'un
monopole en faveur de l'opérateur postal dénommé
Deutsche Post AG, dans les mêmes conditions que celui appartenant
auparavant à l'administration postale. Cependant, elle a fixé au
1er janvier 1998 la date limite avant laquelle le Gouvernement
fédéral est tenu d'adapter le cadre normatif existant aux
nouvelles conditions concurrentielles.
Un projet de loi est actuellement en
discussion. S'il n'était pas adopté d'ici au
31 décembre 1997, l'ensemble des activités postales
seraient ouvertes à la concurrence
, les dispositions de la loi du
1er janvier 1995 ne s'appliquant plus au-delà de cette date.
Le développement de la concurrence mettra la Deutsche Post AG devant la
nécessité de faire varier ses prix aussi bien en fonction du lieu
de distribution qu'en fonction de la distance. Les pouvoirs publics souhaitent
fixer un plafond au prix du service de base auquel tout utilisateur aura
accès, mais ils estiment qu'au-dessous de ce plafond, la poste allemande
pourra faire varier ses prix, afin de rester compétitive.
c) La Post Bank AG
La Post Bank AG est une banque de droit commun dont les
dépôts dépassent 59 milliards de deutsche marks.
1994 |
1996 |
|
Total du bilan (en Mds de deutsche marks) |
93,6 |
106,8 |
Charges de personnel (en Mio de deutsche marks) |
1 340 |
1.489 |
Salariés |
17 000 |
14.778 |
Résultat net (en Mio de deutsche marks) |
51 |
- 1.256 |
Dépôts d'épargne (en Mds de deutsche marks) |
53,5 |
59,8 |
Peu avant sa sociétisation, la Post Bank AG a
renoué avec les bénéfices. Elle a mis en oeuvre une
stratégie de réduction des charges de personnel appelée
à se poursuivre dans les années à venir, afin de permettre
à la société d'atteindre une structure de coût
analogue à celle des banques concurrentes.
Elle a également créé une structure spécifique
(société de service d'appels téléphoniques) pour
l'emploi de personnels surnuméraires, afin d'éviter leur
licenciement, conformément aux accords passés avec le personnel.
Enfin, la Post Bank AG verse une contribution annuelle de plus de
300 millions de deutsche marks pour le financement des retraites des
anciens fonctionnaires.
2. Le projet de loi relatif à la poste (1997)
Après deux ans et demi d'application de la loi du
1er janvier 1995, aucun parti ne revient sur l'objectif poursuivi,
même si des réserves ont été émises, sur son
application proprement dite, sur l'étendue du monopole postal, sur
l'organisation territoriale de la poste et sur le bilan de la stricte
séparation juridique entre l'activité courrier et les services
financiers.
En outre, des interrogations demeurent sur les modalités de financement
des retraites des fonctionnaires.
Le projet de loi relatif à la poste suscite un débat sur la
définition du service universel que les pouvoirs publics souhaitent voir
assuré dans l'ensemble de l'Allemagne, d'une part, et sur
l'étendue du périmètre du monopole qui sera
attribué à la Deutsche Post AG afin qu'elle assume la charge
des retraites des fonctionnaires, d'autre part.
a) La définition et le financement du service universel sont inspirés d'une philosophie libérale
Selon le projet de loi présenté par le
Gouvernement du Chancelier Kohl, actuellement soumis à l'examen des
Assemblées, le service postal de base
("
grundverzogung
") sera fixé par l'autorité
réglementaire en fonction des besoins observés dans le pays.
La terminologie utilisée par le texte même du projet de loi qui
n'évoque pas un " service universel " ou
"
universal
Dienst
" mais un " service de base ", exprime
les
réticences des pouvoirs publics à prendre, au nom de
l'État, l'engagement de compenser aux opérateurs les charges du
service qui leur serait imposé. Le projet est inspiré d'une
philosophie
résolument libérale
selon laquelle la
concurrence entre les opérateurs privés peut satisfaire, par le
seul jeu du marché, les besoins des citoyens et répondre aux
obligations fixées en termes de couverture de base. C'est pourquoi il
prévoit que les pouvoirs publics ne pourront astreindre un des
détenteurs d'une licence postale à assumer les obligations de
service public que s'il survient une situation d'urgence
("
notfal
") du fait de la carence de l'initiative
privée. Dans ce cas, le gouvernement fédéral imposera
à un opérateur assurant une couverture nationale en termes de
service postal, l'obligation d'effectuer les prestations de base au profit des
usagers. En l'état actuel du système postal allemand, seule la
Deutsche Post AG, opérateur historique implanté dans toute
l'Allemagne, sera en mesure de faire face à une telle obligation.
Le projet de loi prévoit également que tous les opérateurs
qui disposeront d'une licence postale et qui réaliseront plus d'un
million de deutsche marks de chiffre d'affaires devront contribuer à un
fonds de compensation destiné à financer le surcoût
occasionné par le maintien du service de base. Les détracteurs de
ce système soulignent sa complexité et notent que la
Deutsche Post AG sera obligée de contribuer au fonds de
compensation dans un premier temps, alors même qu'elle en sera, selon
toutes probabilités, le principal bénéficiaire si le
service de base n'est pas assuré par le seul jeu de l'initiative
privée, dans un second temps.
b) Le financement des retraites des fonctionnaires détermine l'étendue du monopole
Comme on le constate, le financement du service de base est
prévu par le biais d'une contribution de tous les opérateurs.
Quant au
financement
des retraites des fonctionnaires
, qui
représentent un montant de
50 milliards
de deutsche
marks
, il n'est pas provisionné. C'est pourquoi, il sera
assuré par le maintien d'un monopole en faveur de l'opérateur
historique.
La Deutsche Post AG a reçu, jusqu'en 2001, la mission de financer
les retraites des fonctionnaires anciennement employés par la
Deutschebundespost. Pour faire face à ses obligations, elle
bénéficie actuellement d'un monopole sur les lettres de moins de
1.000 grammes et sur les envois en nombre de moins de 100 grammes.
Pour l'entreprise, le maintien de ce monopole est lié à la
surcharge que l'État lui impose en matière de retraites et qui
lui coûtera environ
5 milliards de deutsche marks
par an,
soit un handicap annuel d'environ
2,2 à 2,9 milliards de
deutsche marks
par rapport à la concurrence.
L'étendue du monopole postal est donc intimement liée au
problème du financement des retraites
, étant entendu
qu'à terme, la Deustche Post AG a vocation à être
privatisée et que les ressources issues de cette privatisation serviront
à financer les retraites une fois le monopole définitivement
démantelé. Cette perspective constitue une incitation
supplémentaire à accroître la rentabilité de la
Deutsche Post AG.
La fixation du périmètre du monopole postal a, en
conséquence, une importance capitale pour l'opérateur public
historique, dont les services ont étudié l'incidence d'un
rétrécissement du champ du monopole actuel que synthétise
le tableau suivant :
INCIDENCE DES MODIFICATIONS DU PÉRIMÈTRE
DU SECTEUR SOUS MONOPOLE EN ALLEMAGNE
(en milliards de DM)
TOTAL CHIFFRE D'AFFAIRES 1996 |
PART DU CHIFFRE D'AFFAIRES OUVERT À LA CONCURRENCE |
PART DU CHIFFRE D'AFFAIRES RÉSERVÉ AU MONOPOLE |
|
Situation actuelle (1000 g pour lettres/100 g pour l'envoi en nombre) |
26,5 |
11 (41,5 %) |
15,5 (58,5 %) |
Selon la directive européenne (350 g pour les lettres et 350 g l'envoi en nombre) |
26,5 |
10 (38,3 %) |
16,5 (61,7 %) |
Selon l'avant projet de loi (1) (janvier 1997)(350 g pour les lettres et 0 g pour l'envoi en nombre) |
26,5 |
14,6 (55 %) |
11,9 (45 %) |
Selon le projet de loi adopté par le Gouverrnement (février 1997) (100 g pour les lettres et 0 g pour l'envoi en nombre) |
26,5 |
17,8 (67 %) |
8,7 (33 %) |
Proposition alternative du Bundesrat (100 g pour les lettres et 100 g pour l'envoi en nombre) |
26,5 |
15 (57 %) |
11,5 (43 %) |
Source : Deutsche Post AG
(1) Le ministre des Postes et télécommunications avait
élaboré un avant-projet de loi, prévoyant un monopole plus
étendu que celui retenu en définitive, en février 1997,
dans le projet de loi du Gouvernement.
Il résulte de ces estimations qu'actuellement, le monopole postal couvre
58% du chiffre d'affaires de la Deutsche Post AG.
L'Allemagne se trouve, de
ce fait, en termes de libéralisation, en avance sur les dispositions du
projet de directive
(350 grammes pour les lettres comme pour l'envoi
en nombre) qui correspondent à un monopole de 61 %. Les
dispositions de l'avant-projet de loi élaboré par le ministre des
postes et télécommunicaions auraient réduit le
périmètre du monopole à 45 % du chiffre d'affaires
actuel de l'opérateur public. Quant au projet de loi retenu, en
définitive, par le Gouvernement, il prévoyait de réduire
le monopole aux seules lettres de moins de 100 grammes, ce qui revenaitt
à ne conserver sous monopole que 33 % du trafic postal.
Le Gouvernement s'est heurté cependant à l'opposition du
Bundestag. Ce dernier vient en effet d'adopter, le 9 octobre dernier,
un projet de loi tendant à limiter le monopole de la Deutsche Post AG
aux lettres de moins de 100 grammes et coûtant moins de
5,5 deustche marks d'affranchissement dès 1998, hors envois en
nombre (qui seraient exclus du monopole dès 1998) et à supprimer
ce monopole le 31 décembre 2002. La fin du monopole s'avère
donc programmée et les quelques années qui viennent seront mises
à profit par la Deutsche Post AG pour s'y préparer.
B. VERS UNE NOUVELLE ORGANISATION TERRITORIALE
La réforme de la Deutsche Post AG s'appuie, en premier lieu, sur une transformation du réseau postal allemand destinée à en accroître la rentabilité et l'efficacité. Elle repose, en second lieu, sur le développement d'agences postales, tenues par des personnes privées gestionnaires de magasins distincts des bureaux de la poste.
1. La réforme du réseau
A la suite de la réunification, l'Allemagne a entrepris
une démarche de rationalisation de son réseau. Celui-ci, qui se
composait de 26.000 points de contact postal jusqu'en 1994 a
été réduit de 9.000 unités de 1994 à
1996.
En 1996, il s'élevait à
un peu moins de 17.000 points de
contacts fixes, dont 12.600 bureaux exploités par l'opérateur
national et 4.000 agences postales confiées au secteur privé
(commerçants, stations-service, etc.)
Bien qu'elle soit drastique, cette réduction n'a pas suscité de
mouvement d'opinion. Elle n'a pas non plus occasionné de
réduction du chiffre d'affaires.
Pleinement maîtresse de ses décisions en matière
d'ouverture et de fermeture des bureaux, la Deutsche Post AG envisage de
poursuivre un double mouvement de transformations du réseau, de 1996
à l'an 2000.
Elle souhaite, d'une part, réduire le nombre de ses bureaux de 12.600
à 6.000 et accroître de 4.000 à 6.000 le
nombre d'agences postales franchisées, confiées à de
petits supermarchés ou à des commerçants. Elle estime
qu'en cas de suppression du monopole, après l'an 2000, elle devrait
réduire le nombre de ses bureaux à 5.000, auxquels s'ajouteraient
5.000 agences postales franchisées.
Elle juge nécessaire, d'autre part et parallèlement,
d'accroître le nombre des services mobiles de 16.700 en 1996 à
20.500 en l'an 2000. En cas de suppression du monopole après cette date,
le nombre de bureaux mobiles passerait à 22.000.
D'ici
l'an 2000, lorsque l'activité d'un bureau de Deutsche Post AG sera
supérieure à 5 heures 30 de travail à temps
plein par semaine, on conservera un guichet fixe
.
Celui-ci sera
remplacé par un guichet mobile en-dessous du seuil minimal
précité d'activité hebdomadaire.
Afin d'assurer
l'efficacité du service mobile, les clients pourront demander, à
l'avance, son passage à leur domicile, tous les jours ouvrables. C'est
ainsi que tout habitant disposerait d'un point de contact postal dans un rayon
de moins de deux kilomètres de son domicile.
Au total, le nombre des points de contact postaux passerait, du fait de ces
réformes, de 33.300 en 1996 à 32.500 en l'an 2000. Il serait
ramené à 32.000 après l'an 2000 si tout monopole
était retiré à la Deutsche Post.
Le tableau suivant résume cette évolution qui a été
présentée au public en décembre 1996 :
1996 |
1er janvier 2000 |
Fin de la licence exclusive (en cas de suppression totale du monopole) |
|
Bureaux exploités par DPAG |
12 600 |
6 000 |
5 000 |
Agences postales (franchisées) |
4 000 |
6 000 |
5 000 |
Services mobiles |
16 700 |
20 500 |
22 000 |
Total |
33 300 |
32 500 |
32 000 |
Source : Deutsche Post AG.
2. Les agences postales
La Deutsche Post AG a résolument choisi d'associer
l'initiative privée au service postal en accroissant le nombre des
" agences postales ", à compter de 1993. 4.000 d'entre elles
fonctionnent déjà actuellement. Leur nombre pourrait être
accru de 2.000 unités d'ici à l'an 2000.
Les agences postales sont installées dans de
petits centres
commerciaux, des magasins d'alimentation, des bureaux de tabac, des
stations-service, voire même dans quelques offices de tourisme
. Leur
coût devrait être inférieur de 40 % à celui
d'une succursale de la poste qui ne fonctionnerait que quelques heures par
jour. Les agences répondent aux besoins d'une clientèle qui
apprécie de disposer d'un service postal dont les horaires d'ouverture
sont plus étendus que dans les succursales de la poste.
La Deutsche Post AG conclut avec ses partenaires privés un contrat
de franchise qui prévoit une rémunération, composée
d'une partie fixe à laquelle s'ajoute une commission en fonction de
l'activité. Ce système attire une clientèle
supplémentaire dans 60 % des magasins gestionnaires d'une agence
postale, et un supplément de rémunération significatif
dans les trois-quarts d'entre eux.
Au total, la modification de la carte des guichets postaux s'effectue sans
grandes difficultés, malgré les réticences
exprimées par les organisations syndicales.
L'Allemagne semble en
passe de parvenir à maintenir le service à la population tout en
allégeant les coûts de fonctionnement
.
Pourtant, la poste allemande ne peut plus s'appuyer sur une branche
financière, puisque celle-ci a été
sociétisée et séparée de l'activité
courrier, en 1995, transformation dont il est résulté des
difficultés nouvelles.
C. LA SÉPARATION DES SERVICES FINANCIERS ET DU COURRIER : UNE ERREUR STRATÉGIQUE ?
La séparation entre les services postaux chargés
de l'acheminement du courrier et des colis et ceux assurant la gestion des
services financiers a été décidée lors du vote de
la loi du 1er janvier 1995. A l'occasion de cette séparation
stricte entre la Deutsche Post AG et la Post Bank AG, cette dernière a
été dotée du statut de banque de plein exercice.
Désormais, la Post Bank AG assure les services à la
clientèle dans des conditions strictement analogues aux autres
établissements de crédits. Elle a réalisé, en 1995,
un bénéfice de 51 millions de deutsche marks et gère
des dépôts de 53 milliards de deutsche marks.
Cependant, sa
cohabitation
avec la Deutsche Post AG s'est
avérée
difficile
. En effet, la banque postale
n'était dotée d'aucun bureau propre à l'origine. Bien
qu'elle ait étendu son propre réseau de guichets, celui-ci
n'atteint actuellement que quelques dizaines de sites pour l'ensemble du
territoire allemand. Dès l'origine, la Post Bank AG s'est donc
trouvée dans l'obligation de coopérer avec la Deutsche Post AG,
laquelle disposait d'un vaste ensemble de succursales. Cette cohabitation n'est
pas allée sans heurts, faute d'être formalisée dans un acte
juridique suffisamment précis, réglant les droits et les
obligations des parties.
D'un côté, la Deutsche Post AG avait besoin des services
financiers pour rentabiliser son réseau. De l'autre, la Post Bank AG
était soucieuse de développer des activités de
" banque à domicile ", grâce aux nouvelles techniques de
communication et au marketing téléphonique, ce que contestait la
Deutsche Post AG. Celle-ci estimait, en effet, que la Post Bank ne prenait pas
de mesures suffisantes pour limiter la baisse tendancielle du nombre
d'opérations bancaires réalisées au guichet des bureaux de
poste. Dès lors, le montant de la contribution versée par la Post
Bank AG à l'opérateur postal fit l'objet d'âpres
discussions. Elle fut, finalement, fixée à 1,4 milliard de
deutsche marks en 1994, chiffre à comparer aux 4,5 milliards de
deutsche marks que nécessite, chaque année, l'entretien du
réseau postal.
La Deutsche Post AG, associée à la Société suisse
de réassurance et à la Deutsche Bank a, fin 1995,
présenté à l'office fédéral des postes et
télécommunications, une offre d'achat de 75 % du capital de
la Post Bank AG, pour un montant de 3,075 milliards de deutsche marks.
Cette offre, surprenante moins d'un an après la scission des deux
entités, mettait en lumière la difficulté des services du
courrier à se passer de toute activité financière. Au
demeurant, la Deutsche Post AG soulignait le fait que le rachat de la Post
Bank AG permettrait de maintenir de 15 à 16.000 bureaux de
poste en activité. Il n'a pas été donné suite
à cette offre. Il s'est par conséquent avéré
nécessaire de fixer un cadre aux relations entre les deux
entités.
C'est dans cette perspective que, sous la pression du ministre de tutelle, le
Conseil de surveillance de la Post Bank a approuvé, en mai 1997,
le
contrat réglant les modalités de coopération entre la
banque et la Deutsche Post AG.
Aux termes de cet accord, la banque postale
versera une indemnité de près de 5 milliards de francs
à l'opérateur-courrier, en 1997. Cette indemnité sera
progressivement diminuée jusqu'à atteindre
750 millions de francs en 2001.
L'accord prévoit, en outre, que la Post Bank AG restera le seul
opérateur bancaire utilisant des guichets de la poste après l'an
2000. Mais la Deustche Post AG recevra, sans contrepartie, 17,5 % du
capital de la Post Bank AG, le 1er janvier 1999.
III. LA SUÈDE : LA CONCURRENCE AU PAYS DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE
Avec le Danemark,
la Suède est l'un des rares pays
à avoir totalement libéralisé son secteur postal
.
Cette évolution drastique s'inscrit d'ailleurs dans un
mouvement
général de privatisation et de démonopolisation
de
nombreux secteurs économiques, qu'il s'agisse du domaine des transports
(bus, taxis, transport routier, transport aérien, transport
ferroviaire), du secteur électrique, du secteur bancaire et des
assurances ou des télécommunications.
Engagé dans les années 1980, ce processus a connu une
accélération entre 1991 et 1994, sous le gouvernement de
coalition de centre-droit.
Le gouvernement social-démocrate, de
retour au pouvoir depuis 1994, ne l'a
cependant
pas remis en cause
.
Soucieux de respecter les directives et orientations de Bruxelles -rappelons
que
la Suède
est membre de l'Union européenne depuis le
1er janvier 1995-, le gouvernement suédois
est même
parfois en avance sur les règles du grand marché intérieur
en ce qui concerne les services publics.
S'il est encore tôt pour tirer un bilan définitif de
l'expérience suédoise, les interlocuteurs rencontrés
à Stockholm par votre rapporteur sont cependant convaincus que le
paysage postal de demain sera radicalement différent de la situation de
la poste voici à peine cinq ans.
A. UN MARCHÉ POSTAL TOTALEMENT LIBÉRALISÉ
L'objectif
ayant guidé la réforme de la
poste suédoise était
d'améliorer le service rendu aux
consommateurs
.
A cette fin,
la libéralisation a été
opérée très rapidement. Elle a été rendue
possible par la création ex nihilo d'une concurrence
.
1. Les étapes de la libéralisation
De façon étonnante, les faits ont
précédé le droit. C'est ainsi que dès le
printemps 1991, la société privée City Mail commence
à distribuer du courrier à Stockholm, soulevant un débat
sur l'interprétation à donner aux droits exclusifs de la poste
historique.
Le monopole
de la distribution du courrier par la poste, dont l'origine
remonte au XVIIe siècle,
est ensuite aboli le
1er janvier 1993
.
La loi postale
, adoptée en 1993,
entre en vigueur le
1er mars 1994
.
A cette date,
l'opérateur national est transformé en
société de droit privé au capital entièrement
détenu par l'Etat
: Sweden Post AB. Il n'est pas envisagé,
à l'heure actuelle, d'ouvrir le capital à des opérateurs
privés. Tous les pouvoirs administratifs que détenait
l'opérateur sous l'ancien régime légal sont
désormais transférés à la direction nationale des
postes et télécommunications.
La loi prévoit un
service universel
assurant à tous le
droit de disposer d'un service postal, garanti quotidiennement (en semaine) et
à un prix uniforme sur le territoire suédois quelque soit le lieu
de résidence.
En vertu d'une convention, l'Etat confie à Posten AB les obligations
résultant du service universel. A ce titre, l'opérateur doit
assurer le service de guichet, du courrier et de comptes courants sur
l'ensemble du territoire.
Outre ce coeur de métier, elle peut exercer des activités
complémentaires, à condition que celles-ci complètent ses
activités principales et renforcent la profitabilité du groupe.
Posten AB devient un holding dont les filiales sont toutes
spécialisées : Posten Brev pour le courrier, Posten Girot pour
les comptes courants postaux, Posten Kredit pour les crédits immobiliers
et Posten Lättgodo pour les colis.
En 1996, le courrier national assurait 60 % du chiffre d'affaires et
445 millions de francs de bénéfice ; le courrier
international : 10 % du chiffre d'affaires et 83 millions de francs de
bénéfice ; les colis : 12,6 % du chiffre d'affaires et
46 millions de francs de bénéfice ; les paiements nationaux
et internationaux : 16 % du chiffre d'affaires pour un profit de 560
millions de francs.
Les
services financiers
, quant à eux,
ne représentent
que 4,7 % du chiffre d'affaires et accusent un déficit
de
285 millions de francs.
Instruments financiers et contrats d'assurance font l'objet de partenariats
avec des professionnels des secteurs concernés. C'est ainsi qu'en avril
1996, Posten et Nordbanken se sont associés pour vendre en
exclusivité dans les bureaux de poste une gamme de services bancaires
simplifiés de Nordbanken. Posten met à sa disposition 7.500
agents et 425 conseillers financiers, ce qui lui permet d'améliorer
l'exploitation de son réseau.
Résultat d'une décision politique, la concurrence a
été introduite et développée dans le secteur
postal, ceci dans un contexte largement consensuel.
2. Une concurrence créée ex nihilo
Si cette concurrence est encore marginale, elle a cependant joué un réel rôle d'aiguillon qui a incité l'opérateur national à s'adapter, à améliorer sa productivité et, en définitive, à accroître la qualité du service postal.
a) Des concurrents encore " nains ", mais très dynamiques...
On ne s'attardera pas sur la concurrence très vive des
grands intégrateurs internationaux (UPS, Federal Express, DHL...), qui
sont très implantés en Suède, mais sur la concurrence de
nouveaux opérateurs suédois sur le marché du courrier.
Précisons tout d'abord que cette dernière ne s'exerce que sur les
segments du courrier d'entreprise pré-trié et des envois en
nombre.
Le concurrent principal de Posten est
City Mail Sweden AB
. Il
représente
1,5 % du marché
des lettres et couvre les
trois plus grandes agglomérations suédoises (Stockholm,
Malmö et Göteborg).
Créée en 1990, City Mail a démarré ses
activités en 1991. Elle axe sa stratégie sur :
- une segmentation fine du marché : seul le courrier
d'entreprise programmé et pré-trié
l'intéresse ;
- un concept : une distribution pas plus rapide que Posten, mais plus
fiable, avec un service proposé à J + 2 minimum ;
- une exigence de qualité, le concept permettant à City Mail
de s'engager à distribuer le courrier au jour fixé, avec un
résultat garanti de 100 %.
La deuxième place est occupée par Svensk Direktreklam AB
(
SDR
), dont la part de marché ne s'élève
qu'à
0,14 %
.
En outre, plus de
100 petites sociétés locales
se
partagent environ
0,40 % du marché
. La plupart d'entre elles
exercent leur activité dans de petites villes et employent de une
à cinq personnes. On a ainsi cité à votre rapporteur
l'exemple d'une petite ville du Nord de la Suède où le petit
opérateur local distribue le courrier au moyen de deux bicyclettes !
On n'assiste donc pas exclusivement à un phénomène
d'écrémage du marché, où la concurrence
s'exercerait uniquement dans les grandes métropoles. L'irruption de la
concurrence est plus large.
A l'origine souhaitée par Posten AB elle-même, cette concurrence
dynamique, bien qu'encore limitée, a joué un rôle
d'aiguillon efficace à l'égard de l'opérateur national.
b) ... qui jouent un rôle d'aiguillon accepté par tous
Stimulée par la concurrence, Posten AB s'est
adaptée à la nouvelle donne, ceci à la satisfaction de
tous.
La poste nationale a considérablement accru sa productivité
et s'est adaptée aux besoins des consommateurs.
C'est ainsi que Posten AB a réalisé des économies sur ses
coûts de gestion de 2 à 3 milliards de couronnes par an (soit
1,6 à 2,5 milliards de francs).
Elle a diminué ses effectifs d'un tiers,
passant,
en six
ans
, de 65.000 à 42.000 personnes. Il faut souligner que
le
personnel de Posten AB ne relève plus de la fonction publique depuis les
années 1970.
Avant cette date, il bénéficiait
d'un régime d'indemnités et de vacances plus favorable, mais ne
s'est jamais vu garantir un emploi à vie.
Posten a également rationalisé drastiquement son réseau,
afin de tenir compte de l'évolution des besoins des consommateurs.
Posten AB constate que l'évolution des nouvelles technologies
réduit l'activité courrier et de guichet, mais accroît les
besoins de distribution physique liés au commerce électronique et
aux services de logistique sur mesure pour les entreprises.
C'est pourquoi,
Posten AB a diminué le nombre de ses bureaux de poste
de moitié en six ans,
passant de 2.200 à
1.150 bureaux
, pour une population d'un peu moins de
9 millions d'habitants,
dont 74 installés dans un local
commercial privé
(centre commercial ou grand magasin),
gérés par du personnel de la Poste.
A ces bureaux
, qui
assurent l'ensemble des services postaux,
s'ajoutent
:
-
403 " agences de magasin "
(Post-i-butik)
installés en zones rurales dans les supérettes des chaînes
de distribution alimentaire, dans les bibliothèques communales ou les
stations-service. Le personnel de ces " guichets "
n'appartient pas
à la Poste ;
-
157 " agences de proximité "
(Närpost),
comparables aux " guichets de magasins ", mais ne traitant
que des
envois (lettres et colis) et non des opérations financières
(paiements) ;
-
98 " autres guichets de service "
(Övriga
servicepunkter), situés
dans des magasins
sur quelques uns des
2.700 parcours des facteurs ruraux. Le facteur s'y arrête deux ou
trois heures pour recevoir les usagers.
Au total, 1.809 guichets sont donc à la disposition du
public.
En ce qui concerne les services ruraux de la Poste, dans les zones
éloignées et très peu peuplées, le rôle du
facteur est multiple : véritable agence mobile (aux services
limités), le facteur assure, outre la distribution du courrier, la vente
de timbres et quelques services financiers (paiements par CCP) et ramène
à l'agence le courrier au départ. De plus, un contrat peut
être passé entre la commune et la Poste autorisant le facteur
à assurer certains services sociaux, tels que la distribution de livres,
de médicaments aux personnes âgées, etc.
Enfin, sur les îles de l'archipel de Stockholm et dans certaines
régions montagneuses reculées, les services postaux sont
assurés par le biais d'un " sac postal " transporté par
bateau, bus ou taxi jusqu'à un point déterminé.
La poste suédoise a donc choisi le pragmatisme et
l'efficacité. Seul compte le service rendu au consommateur, que celui-ci
soit assuré par un bureau de poste ou par un magasin, par un agent de la
poste ou par un commerçant.
Cette stratégie emporte un large consensus dans le pays.
De l'aveu même du directeur général de Posten AB, la
réduction des coûts n'aurait pas pu être réellement
réalisée sans la déréglementation et la pression
à la baisse des prix exercée par les concurrents.
Posten AB voit bien sûr dans la concurrence une menace, mais aussi -et
surtout- des possibilités de développer ses activités
.
Elle estime que son efficacité grandissante lui permet de
réaliser des économies d'échelle inaccessibles aux petits
opérateurs et qu'elle restera en tout état de cause
l'opérateur dominant.
Le syndicat SEKO
, qui regroupe 80 % des personnels de Posten et est
affilié au syndicat le plus important : LO (syndicat des " cols
bleus ")
250(
*
)
, était initialement
réservé sur le projet de libéralisation, estimant
notamment que la Suède ne devait pas être le premier pays à
prendre ce risque. Si le représentant de SEKO rencontré par votre
rapporteur estime qu'il est encore trop tôt pour tirer un bilan d'une
évolution somme toute récente, il affirme cependant que
le
syndicat n'est aujourd'hui pas opposé à la réforme et
n'envisage aucun retour en arrière
.
Il souligne que si les personnels vivent mal les réductions d'effectifs,
ils les attribuent cependant davantage à une évolution
générale de l'économie -qui entraîne une
augmentation du chômage dans tous les secteurs- qu'à la seule
libéralisation du secteur postal.
Il confirme cette thèse en citant une étude du ministère
des transports et des communications montrant que le taux de suppressions
d'emplois à la Poste est équivalent à celui
enregistré dans les autres secteurs économiques.
En outre, il souligne que, compte tenu des postes à temps partiels ou
saisonniers, le nombre de suppressions d'emplois par la Poste s'éleve en
réalité à 10.000, et non à 20.000 comme l'affirme
Posten !
Sur ces 10.000 salariés, beaucoup ont
bénéficié de pré-retraites à 58 ans ;
d'autres, d'aides à la reconversion. Aussi, le syndicat
évalue-t-il à 3.000 le nombre de licencements " secs ".
Il se félicite, par ailleurs, des emplois créés chez les
nouveaux opérateurs postaux.
Un certain nombre d'anciens salariés de Posten sont ainsi
désormais employés par ces opérateurs. D'autres ont
créé leur propre petite société de distribution
postale locale. Ces petits entrepreneurs jouissent d'une image très
positive et sont parfois considérés par la population comme des
" héros " locaux.
Globalement, les consommateurs sont
d'ailleurs
satisfaits de
l'évolution du paysage postal. La qualité du service rendu par
Posten
s'est
, en effet,
améliorée
. Le taux de
distribution du courrier à J + 1 est ainsi passé de 92-93 %
avant la libéralisation, à 97,1 % aujourd'hui.
Deux éléments viennent cependant nuancer ce satisfecit :
- d'une part, les files d'attente dans les bureaux de poste sont courantes
et les délais d'attente aux guichets se sont considérablement
allongés, notamment à Stockholm ;
- d'autre part, la pression de la concurrence sur le courrier
pré-trié des entreprises a incité Posten à
réduire le prix de ses services aux entreprises (le timbre étant
passé de 3,85 à 2 couronnes, début 1997), mais
à augmenter en contrepartie de 3,85
251(
*
)
à 5
couronnes le prix du timbre
destiné aux particuliers. Si le prix du timbre a globalement
diminué, les particuliers représentant 23 % des recettes de
Posten ont en revanche enregistré une augmentation de prix.
Il n'en reste pas moins qu'une enquête montre que
80 % de la
population
affectée par les changements intervenus au sein de la
poste suédoise
estiment que le service rendu est égal ou
meilleur qu'avant
.
Ceci explique sans doute que les élus ne soient pas opposés
à une réforme, dont ils reconnaissent les effets
bénéfiques.
Dans un pays où le quart de la population est isolée sur les deux
tiers du territoire (au Nord), on aurait pu imaginer des difficultés en
termes d'aménagement du territoire.
Pourtant,
les élus suédois ne sont pas attachés
à une vision immobilière du réseau postal
. Ils
n'estiment pas nécessaire de maintenir sur le territoire des bureaux
spécifiquement dédiés
au service postal.
Ils sont, au contraire,
favorables à la passation d'accords entre
Posten et des commerçants ou des banques
, afin qu'un partage des
coûts permette de sauvegarder des points commerciaux multiservices dans
les zones rurales.
Votre rapporteur a
, par conséquent,
été
frappé par l'ampleur du consensus qui règne en Suède sur
le dossier postal
.
Certes, l'évolution future du paysage postal n'est pas sans soulever des
interrogrations. Mais, une chose est sûre : les Suédois ont
la certitude d'avancer dans la bonne direction.
Leur analyse de la nouvelle donne postale mondiale et leur pragmatisme les
amènent à anticiper les évolutions et à adapter, au
fur et à mesure, les règles du jeu.
B. LE PAYSAGE POSTAL SUÉDOIS DE DEMAIN
Le secteur postal suédois fera l'objet d'une
concurrence de plus en plus vive. Dans ce contexte, les opérateurs
devront respecter des règles du jeu, qui devraient redéfinies
dans un nouveau projet de loi. On peut se demander ce que deviendra Posten AB
à terme.
En d'autres termes, la poste suédoise est-elle mortelle ?
1. Une concurrence exacerbée
La concurrence, qui ne fera que s'accentuer dans les années à venir, résultera du développement à la fois des nouvelles technologies et des compétiteurs de Posten.
a) L'explosion des nouvelles technologies
Plus encore que dans d'autres pays,
les nouvelles
technologies prennent, en Suède, une part croissante des marchés
de communication.
Ce pays est à la pointe du progrès en ce
domaine. Selon le cabinet américain Forrester Reseach Inc.
252(
*
)
, il est le dixième pays utilisateur
d'Internet. Six fois moins nombreux que les Français, les Suèdois
comptent presque autant d'internautes que notre pays...
Ceci explique qu'ils anticipent une stabilisation, voire une diminution, du
courrier de particulier à particulier et surtout une chute du courrier
d'entreprise non informatisé et pré-trié (qui
représente environ 40 % du marché). Ceci explique, sans
doute, aussi
la moindre importance accordée à la
proximité immobilière du réseau postal.
Le courrier traité par informatique et pré-trié
connaît, quant à lui, une progression de 5 à 6 % par
an depuis cinq ans. Il représente aujourd'hui 50 à 55 % du
marché et fait l'objet de la concurrence des nouveaux opérateurs
postaux.
b) Le développement des nouveaux opérateurs
Les Suédois considèrent le
marché
postal
comme
rentable
, deux positions pouvant être
occupées :
-
être opérateur national
afin de réaliser des
économies d'échelle. Il n'y aurait de place que pour une
entreprise sur ce créneau : Posten AB ;
- développer une entreprise spécialisée et
occuper
une " niche
", comme le font aujourd'hui 105 petits
opérateurs encouragés par la faiblesse des investissements
nécessaires à cette activité.
Ceux-ci commencent à se regrouper afin d'élargir leur champ
d'action, mais il faudra quelques années avant qu'émerge une
grande société, une taille critique étant
nécessaire pour séduire les grands comptes.
Initialement soumise à une simple déclaration, la création
d'une telle entreprise est, depuis fin 1996, subordonnée à
l'obtention d'une licence auprès de l'autorité de
régulation.
Dans ce contexte, quel avenir peut-on prédire à City
Mail ?
Il faut savoir que l'entreprise a connu des débuts
difficiles. Très à l'écoute du client, dont elle s'adapte
aux besoins, et initialement moins chère que Posten, City Mail a
cependant été confrontée à l'hésitation des
grands groupes à modifier leurs habitudes et à oser quitter
l'opérateur national.
City Mail a, en fait, déposé le bilan à deux reprises.
Posten a participé à son sauvetage, en y investissant au total
110 millions de couronnes (plus de 90 millions de francs), la
première fois de sa propre volonté ; la seconde, par
obligation.
A l'heure actuelle, le capital de City Mail se répartit ainsi :
- compagnies d'assurance 25 %
- Deutschbank 20 %
- direction 20 %
- Mercury 5 %
- S.E. Banken (grand compte client de City Mail) 5 %
- autres investisseurs 25 %
City Mail employe 800 personnes, qui devraient prochainement
bénéficier d'un intéressement aux bénéfices.
Après avoir réalisé des pertes en 1997, l'entreprise
prévoit, en effet, de dégager des profits en 1998, grâce
à un effet volume. Le volume du courrier traité s'accroît
rapidement : 50 millions de lettres en 1996, 100 millions en
1997, 200 millions étant projetés pour 1998. Le chiffre
d'affaires progresserait dans le même temps de 200 millions de
couronnes en 1996, à 300 millions en 1997, puis 400 millions
en 1998 (soit 332 millions de francs).
A terme
, City Mail pourrait occuper
10 % du marché
postal
. A la condition, cependant, que Posten AB renonce
définitivement à certains abus de position dominante
dénoncés dans le passé.
2. Le nécessaire respect de règles de concurrence à clarifier
D'abord favorable au développement de la concurrence
-ce qui l'a amenée, on l'a dit, à participer aux plans de
sauvetage de City Mail-, Posten AB s'en est ensuite inquiétée et
ne semble pas avoir toujours respecté les règles d'une
concurrence loyale.
L'Office de la concurrence, saisi de nombreuses plaintes, a pris plusieurs
décisions à l'encontre de Posten AB.
Cet Office a été créé en 1992 et s'est vu doter
d'instruments plus puissants que son prédécesseur. Il a pour
objectif de promouvoir, au bénéfice des consommateurs, une
concurrence effective tant dans le secteur privé que public.
A cet effet, ses
missions
consistent à :
- contrôler et mettre en oeuvre le droit de la concurrence ;
- proposer des modifications de toute réglementation susceptible de
restreindre la concurrence ;
- encourager la concurrence dans le secteur public ;
- informer et promouvoir des comportements favorables à la
concurrence ;
- mener des recherches en ce domaine.
Il s'agit d'un organisme indépendant et qui jouit d'une telle image. Son
président est cependant nommé, pour six ans, par le Gouvernement.
L'Office de la concurrence a été saisi de nombreux litiges
opposant Posten AB à ses concurrents. Celle-ci a été
accusée d'abuser de sa position dominante
dans le but
d'éliminer ses compétiteurs. C'est ainsi, par exemple, qu'elle a
accordé un traitement plus favorable aux clients utilisant exclusivement
ses services qu'à ceux recourant partiellement à d'autres
opérateurs ; elle a imposé certains contrats
d'exclusivité ; elle a modulé le prix de distribution de
périodiques, fixant un prix inférieur à ses coûts
à Stockholm -où la concurrence s'exerce- et un prix bien
supérieur à celui-ci ailleurs ; voici un an, elle a
abaissé ses coûts dans les trois grandes agglomérations
où City Mail est présente, dans le but de l'éliminer du
marché.
Certains cas sont encore pendants, un recours contre des décisions de
l'Office ayant été effectué auprès de la Cour
d'appel de Stockhom.
Posten a cependant modifié ses pratiques et harmonisé ses
conditions de rabais.
L'Office de la concurrence a émis plusieurs recommandations :
- la nécessité pour Posten AB de se doter d'une
comptabilité
transparente
;
- la nécessité de
règlementer l'accès aux
infrastructures postales
(boîtes aux lettres), qui doivent rester
publiques ;
- mettre en place un
système efficace d'obligations de service
universel
;
- et,
" last but not least
", édicter des
règles spécifiques pour les nouveaux entrants sur le
marché
. L'Office de la concurrence estime que le fonctionnement
réellement concurrentiel du marché justifie des règles
asymétriques, favorables aux petits opérateurs,
Posten AB
pouvant se voir imposer des obligations supplémentaires.
Tous ces points font d'ailleurs l'objet d'un débat, à l'occasion
de l'élaboration en cours d'un projet de loi devant modifier la loi
postale de 1994.
3. Le projet de réforme de la loi postale
Disposant de trois ans de recul sur l'application de la loi
postale, le Gouvernement suédois souhaite aujourd'hui l'adapter à
l'évolution du marché.
Les points en discussion portent notamment sur la définition du service
universel, l'évaluation de son coût et son financement ainsi que
l'avenir de la péréquation tarifaire.
a) La définition du service universel
Dans le cadre de la loi de 1994, le service universel est
garanti par l'Etat qui, par le biais d'une convention signée avec
Posten, confie à celle-ci les obligations y afférant.
Il est aujourd'hui question d'imposer directement à l'opérateur
les obligations de service universel. Le périmètre de ce dernier
devrait être précisé, mais pas étendu. Les
obligations seraient limitées dans le temps, des clauses de rendez-vous
étant prévues dans le projet de loi.
Il est intéressant de noter les réflexions de certains
députés en ce domaine. C'est ainsi que M. Per Westberger,
député conservateur
253(
*
)
, estime
nécessaire de garantir aux consommateurs un service réellement
adapté à leurs besoins. Il a précisé à votre
rapporteur qu'à cet égard, la course contre la montre à
laquelle se livrent en général les postes n'était pas
nécessairement adaptée, la performance n'étant pas
obligatoirement importante aux yeux de tous. Dans ces conditions,
il
s'interroge sur la nécessité d'imposer à Posten une
délivrance coûteuse du courrier en J + 1
. Il estime, en effet,
que la fiabilité du délai d'acheminement est plus importante que
la performance de la plupart des courriers ne nécessitent pas une
distribution en J + 1. L'exemple de City Mail, qui s'engage sur des
distributions en J + 2 ou J + 3 souligne l'intérêt de ce
débat.
Quoiqu'il en soit, le Gouvernement envisage de définir le service
universel de façon simple, des aménagements pouvant être
prévus dans des conventions.
Il attache une grande importance à l'équilibre financier de
l'opérateur national et souhaite qu'un cabinet d'audit suive
régulièrement ses comptes.
b) L'évaluation du coût du service universel et son financement
A l'heure actuelle
, certaines régions, surtout
dans le Nord du pays, sont considérées comme non rentables par
Posten et l'Etat suédois lui alloue une
subvention de 200 millions de
couronnes (160 millions de francs) par an à ce titre,
notamment
en compensation des services financiers de base non rentables et en l'absence
de service alternatif, c'est-à-dire de guichet bancaire dans la commune.
Par ailleurs, le ministère des transports et des communications lance
annuellement
trois adjudications
relatives à la fourniture de
services destinées aux :
- handicapés nécessitant une distribution
particulière (distribution d'ouvrages en braille, par exemple, aux
non-voyants) ;
- personnes, également handicapées, résidant dans des
régions éloignées et peu peuplées, ce qui
nécessite les services d'un facteur rural (qui ne serait pas autrement
nécessaire) ;
- services de temps de crise ou de guerre (en cas de dysfonctionnement des
services de base).
Jusqu'ici, la poste a remporté ces appels d'offres, pour des montants de
25 millions de couronnes pour les deux premiers et 90 millions environ
pour le troisième, en 1996.
Aujourd'hui, l'évaluation du coût du service universel fait
l'objet de discussions.
Tandis que Posten l'évalue à
600 millions de couronnes par an (soit 480 millions de francs), une
étude confiée par le ministère au cabinet d'audit
international Öhrlings, Coopers & Lybrand l'estime à
400 millions de couronnes (soit 320 millions de francs). Le
ministère lui-même tend à considérer que seuls
100 millions de couronnes -sur ces 400 millions- relèveraient
réellement de la charge du service universel, 300 millions
étant liés aux pratiques de Posten, que n'imposerait pas le
service universel.
A ce
problème
d'évaluation est, bien entendu, lié
celui
du
financement du service universel
.
L'avant-projet de loi portant sur
" la responsabilité de l'Etat
sur le marché des services postaux "
imposerait à
l'ensemble des opérateurs postaux le versement, à compter du
second semestre 1998, d'une
taxe
variable en fonction de leurs parts de
marché, pour financer une partie du service universel.
Dans ce cadre, Posten pourrait être amenée à payer 98
millions de couronnes et les opérateurs privés, 2 millions
de couronnes (dont la majorité pour City Mail).
Ce fonds
ainsi
constitué
de 100 millions de couronnes serait reversé
à l'opérateur en charge du service universel : Posten
.
c) L'avenir de la péréquation tarifaire
Un autre débat tourne autour du mode de fixation des
tarifs postaux et de la péréquation tarifaire.
A l'heure actuelle, la convention passée entre l'Etat et Posten fixe un
prix-plafond
, au sein duquel l'opérateur dispose d'une certaine
latitude de modulation, dont il semble cependant avoir abusé.
C'est pourquoi, le Gouvernement souhaite-t-il fixer dans une instruction
ministérielle de nouvelles modalités de fixation de ce
prix-plafond.
L'expérience montrant que les tarifs postaux baissent là
où la concurrence se développe,
le
gouvernement
suédois envisage la disparition de la péréquation
tarifaire
d'ici quelques années.
Un prix serait fixé pour le marché national, des tarifs locaux
différenciés pouvant être arrêtés en fonction
des coûts.
Le projet de loi devrait être soumis au Parlement au début de
l'année 1988.
Quel sera l'avenir de Posten AB dans le nouveau paysage qui se
dessine ?
4. La Poste suédoise est-elle soluble dans les télécommunications ?
S'agissant de l'avenir de Posten AB, une certitude
s'impose : l'opérateur national poursuivra la rationalisation de
son réseau et renforcera encore sa compétitivité.
Au-delà, peut-on imaginer la mort pure et simple de Posten AB ?
La direction de Posten estime que sur les 1.150 bureaux de poste
existant à l'heure actuelle, seuls entre 300 et 700 bureaux
pourraient subsister en l'an 2005,
les autres étant purement et
simplement supprimés.
L'organisme de régulation des postes et
télécommunications va jusqu'à
estimer que
le
mouvement tendant à confier les services postaux à des
commerçants s'amplifiera et que
la Suède pourrait ne plus
compter que 50 bureaux de poste d'ici l'an 2000
!
Il estime cette évolution nettement préférable à
celle également développée par Posten jusqu'ici et
consistant à multiplier les nouveaux métiers au sein de la poste
(vente de billets de théatre, papeterie, voyages organisés, etc.).
Après avoir qualifié cette approche "
d'aspirine pour
soigner un cancer
", le directeur général de l'organisme
de régulation a déclaré à votre rapporteur
souhaiter que Posten se débarasse de ces nouveaux métiers et se
concentre sur les services postaux, l'avenir résidant dans les nouveaux
modes de communication.
En réalité, il n'a pas craint d'affirmer que s'était
ouverte une période transitoire, permettant de combler le fossé
entre les générations d'internautes et les autres.
Il
juge que la poste peut et doit s'adapter aux nouvelles
technologies et que la Poste actuelle disparaîtra au profit d'une
nouvelle Poste, associée aux autres opérateurs de
télécommunications.
La poste garderait la responsabilité de la sécurisation du
courrier en période de crise et du service aux personnes
handicapés ou défavorisées. Pour le reste, la distribution
physique serait adaptée aux besoins, en association avec d'autres modes
de distribution, de produits alimentaires par exemple, le transport par taxi ou
par bus pouvant être envisagé dans les zones isolées.
Le représentant du syndicat SEKO, lui-même avance une
conclusion tout aussi révolutionnaire
, au sens propre du terme.
Il estime, en effet, que le maintien d'un certain nombre de bureaux de poste
pendant une dizaine d'années se justifie -ce qui permettra d'attendre le
départ à la retraite des postiers- mais qu'à terme, ils
auront vocation à disparaître totalement, en raison des nouvelles
technologies, qui supprimeront notamment les virements et paiements
postaux.
Notons que Posten assure aujourd'hui 70 % des mandats et
virements en Suède.
En quelques années, les transactions de guichet ont déjà
chuté de 50 %!
Posten proposera d'ailleurs bientôt un nouveau service destiné
à permettre les virements postaux sur Internet, grâce à
l'identification électronique par carte à puce.
D'ores et déjà, l'opérateur a mis à la disposition
du public deux galeries marchandes :
- l'une est accessible à 19.000 entreprises et concerne donc
les flux d'entreprise à entreprise ;
- l'autre est accessible à tous et permet des achats aussi
variés que des billets de train, d'avion, de théâtre, de
biens de consommation par correspondance...
Selon Posten AB, il s'agit là du site le plus visité
d'Europe, avec 110.000 visiteurs particuliers chaque jour et
4 millions de connections quotidiennes.
Ces opérations de commerce électronique se concrétisent
ensuite par des envois physiques de courrier et colis par Posten.
L'opérateur voit
donc clairement
son avenir dans les services
électroniques et le développement des services logistiques
.
Il pense n'avoir aucune chance de développer ses services financiers,
alors que les mandats postaux représentent à l'heure actuelle
50 % des paiements effectués, les Suédois utilisant
très peu les cartes de paiement et les chèques.
Posten resterait cependant un spécialiste du système de paiement
et aurait un grand rôle à jouer en matière de
sécurisation des paiements.
Un consensus très large règne donc en Suède, s'agissant
tant de l'évolution en cours que des perspectives d'avenir de
l'opérateur national.
Déjà en l'an 2000, le paysage postal suédois sera
radicalement transformé. L'ensemble des acteurs concernés en ont
conscience, anticipent et même encouragent cette évolution.
Peut-être les Suédois vont-ils un peu loin dans la
" poste-fiction ".
Il n'en reste pas moins que Posten AB restera l'acteur dominant du
marché jusqu'à ce que les nouvelles technologies fassent
disparaître ses métiers traditionnels.
C'est
donc bien
en faisant preuve de son efficacité, en
s'adaptant et en se positionnant en leader sur le marché de la
communication et de la logistique que Posten assurera son avenir
.
Celui-ci-passera sans doute également par des alliances internationales.
Ceci ouvre des opportunités pour La Poste française qui pourrait
prendre position sur le marché suédois soit par le biais
d'alliances, soit en tant que concurrent, les organismes de régulation
et de concurrence étant loin d'être hostiles à
l'implantation de concurrents étrangers.
IV. LES SUCCÈS DE KPN254( * ) : REGARDS SUR LA POSTE DU XXIe SIÈCLE
La poste néerlandaise a pris, la première en
Europe, un tournant décisif, en opérant une
réforme
radicale
. Cette volonté de changement a été
facilitée par le contexte économique et social qui prévaut
aux Pays-Bas et par un recours systématique à la concertation
dans la préparation de la réforme : aucune grève
postale n'a eu lieu depuis 1985.
La réforme de la Poste s'est trouvée confortée par la
tradition commerçante des Provinces-Unies et par le génie
marchand propre à ses habitants. Tout comme la Poste allemande, la Poste
néerlandaise est passée d'un déficit chronique à un
bénéfice conséquent et d'un statut de service de
l'État jusqu'en 1989, à l'économie marchande.
Réalisant des profits, à la différence de la Deutsche Post
AG, elle a même fait l'objet d'une introduction en bourse, et son capital
a été ouvert aux investisseurs étrangers, en 1995.
Désormais, l'État ne possède plus que 45% des actions de
KPN.
A côté de
réformes internes
, dont certaines ont
été radicales, -par exemple la sortie de tous les emplois de
fonctionnaires du statut de droit public-, les Pays-Bas ont mis au point une
stratégie de développement
international
, dans la
perspective de l'ouverture du marché postal.
Ainsi, la poste néerlandaise s'apprête désormais à
offrir ses services à tous les pays d'Europe dont elles estiment le
marché à 300 milliards de francs. Elle souhaite
également conquérir des parts importantes du marché des
colis internationaux aussi bien en Europe qu'en Asie.
La " focale " de l'optique néerlandaise n'a donc, par
conséquent, rien à voir avec celle d'autres pays d'Europe.
1. Une réforme dans sa maturité : 1986-1997
La réforme du secteur des postes et télécommunications néerlandais, naguère réunis sous l'égide d'un seul ministère, a été envisagée dès le début des années 1980 lorsque plusieurs rapports ont souligné les dysfonctionnements d'un système par trop étatisé. Après que des négociations eurent associé les pouvoirs publics et les organisations syndicales, à compter de 1986, cette réforme s'est concrétisée en 1988 par le vote des lois sur le changement de statut des PTT, sur les télécommunications, sur les postes et enfin sur la transformation du statut du personnel. Voici donc plus de dix ans que la poste néerlandaise a entamé sa révolution, le mot n'est pas trop fort, passant d'un déficit chronique à des bénéfices remarquables .
2. Des profits considérables fruits de transformations radicales
a) Des profits considérables
Désormais, KONINKLIJKE PTT NEDERLAND (KPN) est une
société holding de droit privé qui dispose de
participations dans PTT Telecoms qui gère la branche
télécommunications et dans PTT Post, l'opérateur postal.
Il convient de noter que la branche services financiers a été
intégralement séparée du reste du groupe KPN, et vendue
à un groupe bancaire, dès 1985.
Au total,
les résultats financiers globaux de KPN sont à la
mesure de son succès commercial
. Comme le montre le tableau suivant,
la société a réalisé, en 1996, un chiffre
d'affaires de près de 64 milliards de francs et un résultat
net de plus de 7 milliards de francs, qui lui permet de réaliser
des investissements très importants.
RÉSULTATS FINANCIERS DE KPN POUR 1996
(en milliards de florins)
Chiffre d'affaires total |
21,33 |
Bénéfice net total |
2,46 |
Dividende par
action
|
2,85 florins |
(un florin = 3,02 francs)
Sur ce total, les résultats de ses deux principales filiales, PTT Post
et PTT Telecoms sont également très remarquables puisque leurs
chiffres d'affaires respectifs atteignent 6,71 milliards de florins
-20 milliards de francs-, pour la branche postale,
en hausse de
10 %
et 14,276 milliards de florins -près de
43 milliards de francs-, pour la branche télécoms.
b) Les fruits d'une transformation radicale
Ce succès provient, en premier lieu, d'une
réorganisation des services
et d'une
réforme du statut des
agents
des PTT qui sont passés, au début 1989, du statut de
fonctionnaires à celui d'employés des sociétés
anonymes de droit privé dont la loi a prévu la création.
La réforme -qui a touché l'ensemble des
95.000 fonctionnaires de l'ancienne administration- a permis
d'opérer une
gestion plus dynamique du personnel, en fonction de ses
capacités et de ses résultats
. Elle a été bien
acceptée par les salariés, du fait des augmentations de salaires
qu'elle a entraînées pour eux : en effet, la fonction publique
néerlandaise n'offrait pas de perspectives salariales aussi avantageuses
que celles qui résultaient, pour les employés, de l'appartenance
à un grand groupe privé. Il est clair que cette réforme
opérée en douceur, avec l'assentiment du personnel, a largement
conditionné la réussite de la sociétisation de la poste
néerlandaise.
En outre, KPN a procédé à une
réorganisation
spatiale
progressive de ses guichets. En l'an 2000, sur 2.300 points
postaux, 300 seulement seront gérés par PTT Post, tandis que les
2.000 autres seront franchisés.
KPN est cependant tenu, de par la loi, de transporter tous les envois de moins
de dix kilogrammes qui lui sont confiés.
Pour les responsables de PTT Post, " l'âge du facteur " est
dépassé. Le courrier néerlandais sera, dans les
années à venir, trié dans six centres de tri
seulement, contre 12 actuellement, grâce aux progrès de la
lecture par scanner. Les sacoches des facteurs leur seront remises
intégralement triées, par rues et même par numéro
dans chaque rue. Dès lors, le métier de facteur lui-même
sera amené à évoluer, les facteurs travaillant de plus en
plus à temps partiel.
La poste néerlandaise envisage même de desservir, par des moyens
électroniques, d'autres États européens, dès lors
que les monopoles auront été abolis.
Comme le relevait l'un des interlocuteurs de votre rapporteur durant sa mission
aux Pays-Bas, le marché néerlandais est trop étroit pour
que KPN puisse s'en satisfaire, aussi la société a-t-elle choisi
plutôt que le confinement et l'anoxie, " l'air du large ".
3. Une politique mondiale
Le sens des affaires et du commerce avec l'étranger qui
fit des Provinces-Unies, la plaque tournante de l'économie
européenne aux XVIe et XVIIe siècles trouve à s'appliquer
avec bonheur dans le secteur postal. La poste néerlandaise se fait fort
d'adapter son service aux besoins de ses clients, même les plus
éloignés, et elle souhaite conquérir des parts des
marchés les plus porteurs tels que celui du transport des colis
internationaux.
KPN est ainsi très soucieux de répondre aux besoins
exprimés par sa clientèle, en lui offrant un service à
haute valeur ajoutée qui prend en charge l'ensemble de ses besoins.
Elle se propose, par exemple, de faire imprimer les catalogues des entreprises
de vente par correspondance, de centraliser les appels
téléphoniques des acheteurs et d'acheminer les marchandises dans
les délais les plus courts. Dans l'optique de KPN, dès lors
qu'une entreprise étrangère a créé une filiale aux
Pays-Bas, il n'est plus possible de qualifier son recours à
l'opérateur néerlandais de " détournement " de
trafic. Chacun appréciera l'exactitude de ces vues, qui traduisent bien
le
désir d'un développement rapide vers l'étranger,
lequel est justifié par l'exiguïté du marché
intérieur et facilité par le recours aux nouvelles technologies
de l'information
.
Aux Pays-Bas, KPN contrôle une forte partie du marché domestique
des colis, mais la société souhaite également prendre pied
sur le marché du transport international de colis. Pour ce faire, elle a
choisi d'acheter, grâce à ses immenses profits, pour
2,7 milliards de florins, soit plus de 8 milliards de francs, le
groupe de transport et de logistique australien TNT. Cet achat fait de KPN une
véritable multinationale du transport international
, dotée
de 700 bureaux dans 47 pays.
KPN dispose, d'ores et déjà, d'une expérience en
matière de transports internationaux grâce à sa
participation à GDnet Express Worldwide, aux côtés des
postes française, suédoise, allemande et canadienne et du groupe
australien TNT. Après la défection de tous ses partenaires
européens, qui ne parvenaient pas à définir une
stratégie commune, KPN s'est trouvée le seul actionnaire de GDnet
Express Worlwide. La prise de contrôle de TNT lui ouvre des perspectives
encore plus larges.
En effet, dans les vingt années à venir, le marché du
colis international, qui est le plus rentable compte tenu de sa forte valeur
ajoutée, est promis à une véritable explosion. Les
analystes les plus pessimistes estiment que son taux de croissance pourrait
atteindre de 15 à 20 % par an. Or, ce marché mondial est
actuellement concentré entre quatre grandes entreprises : Federal
express, UPS, DHL et TNT. L'achat de TNT par KPN traduit donc
l'ambition
mondiale de la poste néerlandaise
, et son désir de se tourner
aussi bien vers l'Europe que vers l'Asie.
4. Un libéralisme prédateur à usage externe
Les détracteurs du système postal
néerlandais lui adressent des critiques de trois ordres. Ils lui
reprochent, en premier lieu, de n'avoir pas séparé
l'activité postale de celle des télécommunications. Ils
regrettent, en second lieu, certaines de ses pratiques commerciales. Ils
déplorent, enfin, le développement du phénomène du
" repostage ".
La réunion de la branche courrier et de la branche
télécoms de KPN fait de cette société un
puissant conglomérat
, ce qui revient, toutes choses égales
par ailleurs, à compenser la vente du secteur financier postal. L'avenir
dira si KPN réussit à obtenir des résultats aussi
brillants que ceux auxquels elles parvient actuellement, si le secteur des
télécommunications n'y contribuait plus.
Le second reproche adressé à KPN est de jouir, aux termes de la
loi, d'un
monopole
sur le courrier inférieur à
500 grammes, ce qui est contraire à l'esprit d'une
libéralisation totale, et d'autant moins justifié que les postes
néerlandaises ne sont pas soumises, sur la superficie des Pays-Bas, aux
mêmes charges de service public que leurs homologues allemande ou
française.
Le maintien d'un monopole légal se double
d'avantages non
tarifaires
consentis à l'opérateur public par les
autorités néerlandaises. Ses concurrents estiment, par exemple,
que les colis affranchis sous la couronne de KPN jouissent d'un traitement plus
favorable du point de vue du contrôle douanier que celui dont font
l'objet les colis des opérateurs privés, aussi bien à
l'entrée qu'à la sortie des Pays-Bas. En effet, les colis
confiés aux autres transporteurs doivent être soumis à la
douane ouverts, alors même que ceux de KPN ne sont pas astreints à
une réglementation analogue. Il en résulte un avantage non
négligeable dans un métier soumis à la contrainte de
rapidité.
Certains clients de KPN, qui se félicitent de la qualité du
service que délivre la société, regrettent
néanmoins que ses
prix
soient
relativement
élevés
eu égard aux coûts qu'elle supporte.
On notera cependant, afin de nuancer cette critique, que le prix du timbre n'a
pas varié aux Pays-Bas depuis 1991.
Enfin, plusieurs sources concordantes tendent à prouver qu'une partie du
"
repostage
" qui s'effectue notamment au détriment
des
postes allemande et française transite par les Pays-Bas. Comme l'a
publiquement relevé M. Arne Börnsen, le président de la
commission pour la poste et les télécommunications du Bundestag,
alors que chaque année, 33,4 millions de lettres vont d'Allemagne
aux Pays-Bas, 120,3 millions de lettres sont adressées des Pays-Bas
vers l'Allemagne
255(
*
)
. Rapportés
à la population de chacun des deux États, ces chiffres signifient
qu'alors qu'un Allemand n'adresse que 0,4 lettre chaque année
à un néerlandais, celui-ci y répond, en retour par huit
missives !...
A l'évidence,
l'inégalité patente des flux entre La
Haye et Berlin traduit bien plus les méfaits du repostage qu'un
goût immodéré des Néerlandais pour la
correspondance
. Au demeurant, un phénomène analogue est
observé entre la France et les Pays-Bas, avec les mêmes
conséquences dommageables pour La Poste française.
5. Une banque postale adossée au réseau du courrier
En janvier 1986, les services financiers de la poste qui
géraient les comptes courants et ceux gestionnaires des comptes
d'épargne ont été fusionnés pour constituer la
Post Bank. Trois ans plus tard, en novembre 1989, Post Bank a
été fusionnée avec la NMB Bank, avant que cette nouvelle
entité ne soit à son tour réunie à l'assureur
Nationale Nederlanden. Le nouveau groupe bancaire a pris le nom de
l'Internationale Nederlanden groupe ou ING.
Le groupe ING se subdivise en quatre branches distinctes respectivement
consacrées à la gestion de portefeuille, à la banque
d'affaires, aux services financiers internationaux et enfin aux
activités domestiques sous le nom d'ING Nederland.
Au sein d'ING Nederland,
quatre divisions
ont été
créées : TN, qui regroupe des courtiers d'assurances, ING Bank
Nederland qui gère 400 succursales bancaires, RVS, qui vend et
gère également des assurances, et enfin, Post Bank qui a la
charge du marketing direct et détient une participation à hauteur
de la moitié du capital de la société gestionnaire des
bureaux de poste dénommée Postkantoren. L'autre moitié du
capital Postkantoren est détenue par KPN. Ainsi, tous les liens entre
les services financiers et les services postaux distributeurs du courrier
n'ont-ils pas été rompus puisque les opérateurs se sont
associés au sein d'un
joint venture
dont ils retirent des
bénéfices et dont ils assumeraient, le cas échéant,
les pertes.
Il convient cependant de noter que 1.000 guichets sont des succursales de
Postkantoren et que 1.500 autres points de vente sont franchisés.
Outre la collecte du courrier et la vente des timbres, ils commercialisent, par
exemple, des journaux sous l'enseigne " Bruna " qui a
été rachetée par Postkantoren, ainsi que des cigarettes ou
du tabac, la diversification des activités des points postaux assurant
leur équilibre financier.
La division statutaire des services financiers et postaux s'accompagne donc
d'une collaboration au sein des succursales et des points postaux et d'une
diversification des activités destinées à maximiser la
rentabilité des agences.
ING Nederland détient, grâce à ses quatre filiales, le
premier rang dans la gestion des comptes à vue. Elle gère
43 % des dépôts avec plus de 50 milliards de florins
d'encours de comptes courants pour 6,3 millions de particuliers. De ce
fait, avec 27 % de parts de marché, elle occupe la première
place sur le marché de l'assurance-vie.
Quant au bilan de Post Bank, il a atteint 168 milliards de francs en
1996.
Outre ses activités de banque de dépôt, la Post Bank
-qui emploie 7.000 personnes- est spécialisée dans le
marketing direct. A cette fin, elle distribue des produits financiers
standardisés, tels que des titres cotés en bourse, dans des
conditions très avantageuses pour les clients, grâce à des
frais de courtage très réduits (système du
discount
broking
), elle réalise une importante publicité et utilise
largement la vente par téléphone.
Elle souhaite développer ses activités dans le domaine de la
" banque à la maison " ou
home bank
grâce
à la consultation des comptes bancaires par téléphone et
à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information.
KPN a su mettre à profit
l'avantage comparatif dont dispose tout
opérateur postal installé aux Pays-Bas
. En effet, le chiffre
d'affaires dans le domaine du courrier et de la messagerie est fonction
croissante de la densité de la collecte, de la densité des
transports et de la densité de livraison au kilomètre
carré. L'opérateur néerlandais bénéficie
donc d'un avantage d'échelle du seul fait de sa situation
géographique. A cet avantage comparatif s'ajoutent désormais les
profits réalisés grâce à la rationalisation
opérée depuis 1986, lesquels permettent à KPN de
réaliser les plus importants investissements d'Europe. Ceux-ci sont la
meilleure garantie de son futur développement.
ANNEXE 5 -
RÉPARTITION DES POINTS DE
CONTACT POSTAUX PAR STRATE DE COMMUNES AU 1ER JANVIER 1997
Population |
BP (*) |
% |
GA (**) |
% |
AP (***) |
% |
TOTAL |
% |
500 |
1.606 |
13,4 |
506 |
26,2 |
1.258 |
40,9 |
3.370 |
19,8 |
500-1000 |
2.707 |
22,5 |
380 |
19,7 |
751 |
24,4 |
3.838 |
22,5 |
1000-2000 |
2.735 |
22,7 |
172 |
8,9 |
411 |
13,4 |
3.318 |
19,5 |
2000-5000 |
2.350 |
19,5 |
148 |
7,7 |
182 |
5,9 |
2.680 |
15,7 |
5000-10.000 |
878 |
7,3 |
90 |
4,7 |
89 |
2,9 |
1.057 |
6,2 |
10.000-20.000 |
476 |
4,0 |
144 |
7,5 |
102 |
3,3 |
722 |
4,2 |
20.000-50.000 |
504 |
4,2 |
238 |
12,3 |
157 |
5,1 |
899 |
5,3 |
50.000-100.000 |
233 |
1,9 |
91 |
4,7 |
59 |
1,9 |
383 |
2,2 |
100.000-300.000 |
311 |
2,6 |
98 |
5,1 |
48 |
1,6 |
457 |
2,7 |
300.000 |
229 |
1,9 |
61 |
3,2 |
16 |
0,5 |
306 |
1,8 |
TOTAL |
12.029 |
100 |
1.928 |
100 |
3.073 |
100 |
17.030 |
100 |
Population |
BP(*) |
% |
GA(**) |
% |
AP(***) |
% |
TOTAL |
% |
Habitants
|
700 |
2.840 |
23,6 |
712 |
36,9 |
1.672 |
54,4 |
5.224 |
30,7 |
12 |
700-2000 |
4.208 |
35,0 |
346 |
17,9 |
748 |
24,3 |
5.302 |
31,1 |
13 |
2000-5000 |
2.350 |
19,5 |
148 |
7,7 |
182 |
5,9 |
2.680 |
15,7 |
14 |
5000-10.000 |
878 |
7,3 |
90 |
4,7 |
89 |
2,9 |
1.057 |
6,2 |
11 |
10.000-20.000 |
476 |
4,0 |
144 |
7,5 |
102 |
3,3 |
722 |
4,2 |
11 |
20.000-50.000 |
504 |
4,2 |
238 |
12,3 |
157 |
5,1 |
899 |
5,3 |
8 |
50.000-100.000 |
233 |
1,9 |
91 |
4,7 |
59 |
1,9 |
383 |
2,2 |
8 |
100.000-300.000 |
311 |
2,6 |
98 |
5,1 |
48 |
1,6 |
457 |
2,7 |
8 |
300.000 |
229 |
1,9 |
61 |
3,2 |
16 |
0,5 |
306 |
1,8 |
7 |
TOTAL |
12.029 |
100 |
1.928 |
100 |
3.073 |
100 |
17.030 |
100 |
100 |
(*) BP : Bureaux de Poste
(**)GA : Guichets annexes
(***)AP : Agences postales
ANNEXE 6 -
PRINCIPALES FILIALES DE LA POSTE
FILIALES NON RATTACHÉES DIRECTEMENT À UNE
BRANCHE OPÉRATIONNELLE
Nom |
Création |
Objet |
Participation |
CA
|
Résultat
|
Société
d'exploitation
|
1991 |
Transport aérien de fret et de passagers |
40 % (+10 % via Chronopost |
1055 |
6,9 |
Somepost |
1961 |
Ingénierie et service en informatique |
100 % |
146 |
0,9 |
Sofrepost |
1988 |
Promotion à l'étranger des méthodes et techniques de la poste française |
68 % |
11,9 |
2,7 |
FILIALES RATTACHÉES À LA BRANCHE COURRIER
Datapost |
1994 |
Création et production de courrier informatique |
74,5% |
30 |
72,1 |
Dynapost |
1993 |
Traitement intégré du courrier des entreprises (collecte, adressage, affranchissement) |
100 % |
85 |
1,1 |
Intra Muros Communication |
1994 |
Logistique de communication directe |
51 % |
11,8 |
0,6 |
Médiapost |
1987 |
Marketing direct, publicité ciblée en boîte à lettres, gestion de la régie publicitaire de La Poste |
90 % |
353 |
13,0 |
Société de traitement de presse (S.T.P.) |
1996 |
Portage de presse : traitement et acheminement de la presse abonnée |
100 % |
- |
4,3 |
FILIALES RATTACHÉES À LA BRANCHE COLIS
Chronopost |
1985 |
Transport et livraison de colis express jusqu'à 30 kg |
66 % |
2096 |
75,2 |
TAT Express |
1976 |
Transport de fret industriel jusqu'à 140 kg |
66 % |
740 |
16,9 |
FILIALE RATTACHÉE À LA BRANCHE SERVICES FINANCIERS
Sogeposte |
1988 |
Gestion des SICAV et FCP de La Poste |
50 % |
94 |
8,7 |
Source : La Poste
ANNEXE 7 -
LES OFFRES COMMERCIALES DE LA POSTE
ANNEXE 8 -
CO MMUNICATION DE M. GÉRARD LARCHER
DEVANT LA
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN
ET LE GROUPE
D'ÉTUDES SUR L'AVENIR DE LA POSTE
ET DES
TÉLÉCOMMUNICATIONS,
LE
MERCREDI 8 OCTOBRE 1997
M. Gérard Larcher, rapporteur
, a tout d'abord
indiqué que, dans le cadre du rapport d'information dont il avait
été chargé par la commission et par le groupe
d'études sur l'avenir de La Poste et des
Télécommunications, il avait auditionné plus de quatre
cents personnes parmi lesquelles on comptait, outre les dirigeants de La Poste,
des responsables des organisations représentatives du personnel, des
clients ainsi que des concurrents de l'opérateur national. Il a
remercié ses collègues, Mme Janine Bardou, Mme Anne
Heinis, MM. Jean-François Le Grand, Pierre Hérisson, et
Adrien Gouteyron de l'avoir respectivement reçu à Mende, à
Cherbourg, à Sevrier et au Puy pour tenir des forums de discussion avec
des personnels représentatifs de tous les métiers de La Poste. Il
a indiqué qu'il avait également effectué plusieurs
déplacements (aux Etats-Unis et en Suède avec des membres du
groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des
télécommunications, en Allemagne, aux Pays-Bas, et à
Bruxelles) et qu'il avait enfin demandé et obtenu des informations
intéressantes émanant des représentations
françaises dans les principaux pays de l'Union européenne.
Il a exposé que sa communication avait pour objectif de tirer les
enseignements de ces déplacements et d'esquisser des pistes de
réflexion.
M. Gérard Larcher, rapporteur,
a ensuite observé que le
paysage postal évoluait beaucoup plus vite que ne le percevaient les
Français. Il a exposé que les nouvelles technologies de
communication telles que la télécopie, le courrier
électronique ou Internet, se substitueraient de plus en plus au courrier
physique. Il a relevé qu'un certain nombre de grands clients de La
Poste, tels que la Caisse nationale d'assurance maladie ou le Crédit
agricole, étudiaient la possibilité de recourir
systématiquement au courrier électronique plutôt
qu'à la lettre. Il a ajouté que les lettres
échangées entre les ménages représentaient moins de
5 % du trafic global du courrier et que certains pays se
préparaient, d'ores et déjà, aux conséquences d'une
quasi disparition de la correspondance traditionelle.
Evoquant le développement de la concurrence
, M. Gérard
Larcher, rapporteur,
a observé qu'elle s'exerçait notamment
sur les marchés du publipostage et de la messagerie et que, de ce fait,
La Poste avait, en quelques années, perdu la moitié de ce dernier
marché qui est en très forte croissance. Il a
évoqué, en particulier, la concurrence exercée par des
sociétés françaises telles que Jet Services, Extand et
Exapaq ou celle des intégrateurs étrangers tels que United Parcel
service (UPS) -deuxième entreprise américaine, avec
331.000 salariés transportant l'équivalent de 5 % du
produit intérieur brut des Etats-Unis-, DHL, Federal Express ou Trans
National Transport (TNT)-racheté par la poste néerlandaise,
grâce aux bénéfices importants qu'elle a
réalisés, notamment grâce au " repostage "-,
ayant conquis 76 % du marché français de la messagerie
internationale.
Evoquant les moyens dont disposaient les concurrents de La Poste,
M. Gérard Larcher, rapporteur,
a déclaré que
la flotte d'UPS était plus importante que celle d'Air France et que sur
l'aéroport de Cork, en Irlande, les avions de TNT étaient plus
nombreux que ceux de la compagnie locale Airlingus. Il a ajouté, qu'en
revanche, La Poste avait réalisé des performances remarquables
dans le domaine du monocolis, sa filiale Chronopost conservant le tiers du
marché national.
M. Gérard Larcher, rapporteur,
a exposé que
l'activité colis de La Poste se remettait difficilement des
grèves de 1995. Il a observé que la création de nouvelles
zones industrielles n'entraînait, le plus souvent, pas d'accroissement du
chiffre d'affaires de La Poste, du fait de l'offensive de la concurrence.
Il a, par ailleurs, relevé que du fait du repostage -qui
entraînait des détournements internationaux de courriers
nationaux-, La Poste perdait des sommes importantes.
Puis, il a évoqué les conséquences de la proposition de
directive européenne qui prévoyait une ouverture du marché
postal portant sur 50 % du trafic courrier, contre 25 % actuellement.
Il a indiqué que sans l'accord franco-allemand de Dublin (de
décembre 1996), obtenu grâce à l'intervention du
président de la République, l'ouverture du marché à
la concurrence aurait été beaucoup plus forte, à compter
du 1er janvier 1998. Il a souligné cependant que cet accord de
nature politique comptait de nombreux détracteurs et qu'après
2003, la France ne pourrait pas s'opposer à la libéralisation du
marché de la publicité adressée et du courrier
transfrontalier qui représentaient respectivement 11 % et 6 %
du chiffre d'affaires courrier de La Poste. Il a enfin ajouté
qu'à cette date, moins de 25 % du chiffre d'affaires total de La
Poste pourraient rester sous la protection d'un monopole.
M. Gérard Larcher, rapporteur,
a ensuite évoqué
l'évolution d'autres postes occidentales. S'agissant des Etats-Unis, il
a estimé que United States Postal Service (USPS) était en quelque
sorte " un géant aux pieds d'argile ",
caractérisé par le corporatisme et le protectionnisme. Il a
indiqué que la poste américaine avait perdu 95 % du
marché des colis et était soumise à une vive concurrence
des grands intégrateurs internationaux.
Abordant le cas de l'Allemagne, il a exposé que la Deutsche Post
était une société à capitaux d'Etat, mais que le
Gouvernement envisageait sa privatisation. Il a, par ailleurs, fait état
d'un projet de loi tendant à réduire fortement le
périmètre du monopole postal. Il a indiqué que, de l'aveu
même des dirigeants allemands, la séparation du service du
courrier et des services financiers avait été une erreur, mais
que la rationalisation du réseau -qui était passé de
26.000 points de contact en 1994 à 12.600 points en 1996-
avait permis d'améliorer les résultats de l'entreprise. Il a
noté que la mise en place d'agences mobiles n'avait d'ailleurs pas
diminué le chiffre d'affaires de La Poste. Il a enfin rappelé
que, dans le secteur du colis, la poste allemande avait procédé
à de fortes rationalisations et qu'elle cherchait actuellement des
partenaires internationaux.
A propos de la poste néerlandaise,
M. Gérard Larcher,
rapporteur,
a indiqué qu'elle avait engagé une importante
réforme à compter de 1986 et qu'elle était
désormais une société de droit privé dont l'Etat ne
conservait que 45 % du capital. Il a rappelé que ses services
financiers avaient été vendus à un groupe bancaire
dès 1989 et que la réorganisation de son réseau
était profonde, celui-ci devant être composé en l'an 2000
de 300 points de contact gérés directement par KPN et de
2.000 points franchisés. Il a précisé que la filiale
de KPN dénommée Postkantoren, qui gérait les guichets
postaux, affichait d'ores et déjà des résultats positifs.
Abordant le cas de la Suède, il a rappelé que la
société de droit privé Posten AB était
intégralement détenue par l'Etat et que le monopole postal avait
été supprimé à compter du
1er janvier 1993. Il a souligné que la concurrence y avait
été créée ex nihilo et que le principal concurrent
de Posten, City Mail, avait été " sauvé "
à deux reprises après des dépôts de bilan, notamment
par la poste suédoise elle-même. Il a précisé que la
Deustche Bank et l'opérateur de télécommunications
britannique Mercury figuraient aujourd'hui au nombre de ses actionnaires. Il a
rappelé que c'était à l'initiative du premier ministre
social démocrate M. Ollof Palme que le statut des fonctionnaires
avait été supprimé dans les années 1970. Il a
souligné que les syndicats se félicitaient du reclassement de
personnels autrefois employés par la poste chez les concurrents
privés de cette dernière et du fait qu'un certain nombre d'entre
eux créaient leur propre micro-entreprise de service postal.
M. Gérard Larcher, rapporteur,
a déploré le refus
d'installer un " hub " destiné à la réception de
colis à Strasbourg, qui aurait favorisé à l'avenir la
concurrence avec les plates-formes installées par les grands
intégrateurs internationaux en Belgique et aux Pays-Bas. Il a
insisté sur la croissance que connaissait ce marché, du fait de
la gestion des stocks des entreprises à flux tendus et regretté
l'impact négatif qu'aurait cette décision sur la poste
française.
Evoquant les principales tendances qui caractérisaient
l'évolution du secteur postal en Europe,
M. Gérard Larcher,
rapporteur,
a déclaré que l'on observait, en premier lieu,
des évolutions statutaires, se traduisant par le passage
d'administration d'Etat au statut d'opérateur public autonome ou
à celui de société à capitaux publics, voire
même à capitaux privés. Il a rappelé que KPN
était privatisée, que la Deutsche Post AG (DPAG) devrait
l'être d'ici quelques années également et que Royal Mail
allait être dotée d'un capital.
S'agissant, en deuxième lieu, de la rationalisation des réseaux
entreprise par les postes étrangères avec le soutien de leurs
gouvernements, il a relevé que celles-ci passaient d'une conception
" immobilière " à une conception dynamique du service,
en offrant, par exemple, des prestations à domicile et en
développant le partenariat avec le secteur privé. A cet
égard, il a indiqué qu'en Allemagne les revenus issus de
l'activité postale représentaient jusqu'à 30 % pour
les commerces qui avaient reçu une franchise de la DPAG.
Enfin, il a déclaré qu'on observait souvent une stabilisation,
voire une contraction des effectifs, ainsi que l'évolution d'un statut
de droit public vers un statut mixte intégrant de plus en plus le droit
du travail. Au total, il a souligné que toutes les postes avaient
ressenti le besoin d'introduire davantage de souplesse dans leur gestion.
M. Gérard Larcher, rapporteur,
a ensuite estimé que La
Poste, à laquelle les Français étaient très
attachés, disposait d'atouts certains mais qu'elle souffrait de lourds
handicaps, tels que les charges de service public insuffisamment
compensées ou le coût du réseau. A cet égard, le
rapporteur a indiqué que le surcoût occasionné par la
participation de La Poste à l'animation des territoires ruraux
défavorisés était estimé par l'Inspection
générale des finances à 4 milliards de francs,
chiffre particulièrement élevé au regard du montant du
budget alloué à l'aménagement du territoire ces
dernières années, qui s'élevait à environ
1,8 milliard de francs. Il a estimé qu'il était en
conséquence nécessaire d'entamer une réflexion sur
l'utilisation des crédits destinés à l'aménagement
du territoire. Evoquant ensuite la question des retraites, il a jugé que
la dérive annuelle cumulative de 600 millions de francs
occasionnée par leur financement constituait un grave péril pour
La Poste.
Il a, en outre, considéré que les problèmes posés
par certaines grèves endémiques étaient de nature à
faire perdre à La Poste le marché de la vente par correspondance
(VPC). Il a estimé que la qualité des prestations postales
était inégale, notamment dans certaines régions du sud de
la France, et il a observé que les entreprises de VPC avaient
commencé à opter pour d'autres solutions tant dans la
région Provence-Côte d'Azur qu'en Languedoc-Roussillon.
Il a, par ailleurs, indiqué que certaines entreprises de presse avaient
d'ores et déjà de moins en moins recours à La Poste et
développaient le portage à domicile. Il a souligné le fait
que dans les départements où le portage de la presse
s'était accru, les frais de structure de La Poste restaient identiques,
ainsi que les difficultés qu'elle rencontrait à satisfaire la
demande des éditeurs de presse.
Evoquant le moratoire instauré au début de 1993 sur la fermeture
des services publics, le rapporteur s'est inquiété de
l'immobilisme qu'il contribuait à instituer. Il s'est interrogé
sur les possibilités d'adapter le réseau et a demandé aux
membres de la commission et du groupe d'études de lui faire part, avant
la présentation de son rapport définitif, des observations que
leur inspiraient les informations qu'il leur avait présentées sur
le coût de ce réseau et des commentaires que suscitaient les
réflexions qu'il leur avait soumises à ce sujet.
Soulignant les atouts détenus par La Poste,
M. Gérard Larcher,
rapporteur,
a indiqué que le réseau constituerait l'un de ces
atouts s'il était dynamisé, que la poste française
était l'une des trois meilleures postes du monde, que son personnel
était animé par un fort esprit de service public et que ses
dirigeants, à la fois lucides et compétents, étaient tout
à fait sensibles aux enjeux économiques auxquels était
confrontée l'entreprise.
M. Jean François-Poncet, président
, a remercié le
rapporteur pour la qualité de sa présentation. Il s'est
félicité de l'ampleur de ses investigations et de son souci,
à la fois, d'adapter et de préserver La Poste. Il a estimé
que le Sénat pouvait jouer un rôle important dans la
réflexion sur ce sujet largement ignoré. Il a souligné que
si presque tous les grands services publics rencontraient, pour s'adapter, des
difficultés liées aux inquiétudes devant l'avenir et aux
réticences de ceux qui travaillaient dans l'entreprise, La Poste
connaissait en plus un problème spécifique que les
sénateurs étaient particulièrement à même de
mesurer : les réactions " sur le terrain " et, notamment,
celles des élus locaux. Il a fait valoir, à cet égard, que
pour la plupart des maires ruraux, traiter la problématique de la
restructuration du réseau postal en dehors d'une problématique de
l'aménagement du territoire qui réponde aux attentes de ceux que
la fermeture des bureaux de poste allait désespérer, était
une politique " injouable ".
Après avoir remercié le rapporteur de s'être rendu
" sur le terrain ", notamment dans les zones rurales et de
s'y
être mis à l'écoute des postiers et des syndicats,
Mme
Janine Bardou
a observé qu'une évolution du réseau
postal serait inquiétante pour les zones rurales, qu'elle risquait de
conduire vers une véritable marginalisation. Elle a souhaité que
des solutions soient envisagées afin de compenser d'éventuelles
fermetures de bureaux de poste par l'implantation d'autres services de La Poste
(centre de tri, etc...). Elle a souhaité qu'une réflexion globale
soit menée en ce domaine.
M. Jean Huchon
a estimé que le développement des
activités de La Poste était largement fonction de l'implication
des postiers sur le terrain. Il a cité le cas d'un changement
d'équipe survenu dans son département, qui avait permis à
La Poste d'y réaliser des résultats remarquables.
Après avoir souligné l'intérêt des
déplacements auxquels il avait participé,
M. Pierre
Hérisson
a félicité le rapporteur et estimé que
sa communication constituait une véritable synthèse des
problèmes et qu'elle devait permettre de tracer la voie d'une
évolution consensuelle. Il a souligné les difficultés
rencontrées pour passer d'une administration postale à une
véritable poste commerciale, mais il a souligné qu'il avait
été impressionné par l'état d'esprit de la nouvelle
génération de postiers. Evoquant les caractéristiques de
la poste américaine, il a rappelé que son mauvais fonctionnement
était devenu proverbial. Concluant son propos, il a jugé
souhaitable de se donner les moyens de moderniser l'opérateur, notamment
grâce au développement d'expérimentations locales.
Répondant à
M. Pierre Hérisson,
le rapporteur
a souligné le fait que l'essentiel n'était pas le maintien
d'un réseau physique immobilier mais la constitution d'un réseau
de services aux besoins des utilisateurs. Il a estimé que le
défaitisme n'était pas de circonstance, comme le montraient la
stabilisation et le début de reconquête commerciale qu'avaient
connu les services financiers. Répondant ensuite à
M. Jean
François-Poncet, président
, il a estimé qu'un des
problèmes centraux tenait aux réticences manifestées par
les élus face à l'éventualité d'une réforme
et que ces réticences étaient partiellement liées au fait
que La Poste les avait insuffisamment sensibilisés à ses
problèmes. Il a souligné que le personnel était, en
revanche, sensible à la réduction des activités postales,
notamment dans tous les points de contact qui recevaient moins de trois clients
par jour. Il a indiqué qu'il menait une réflexion avec
l'Association des maires de France sur la question du réseau.
Evoquant le rôle social de La Poste en milieu urbain, le rapporteur a
indiqué que, dans certaines banlieues en difficulté, le montant
moyen des retraits effectués sur les livrets A était de moins de
trente francs, soit d'un niveau quasiment équivalent au coût d'une
telle opération. Il a également évoqué le cas de
bureaux où, à la veille d'un long week-end ou d'un jour
férié, le chef de bureau faisait des avances de faible montant
sous sa propre responsabilité.
Il a souligné le fait que le passage d'une culture d'administration
à une culture d'entreprise ne s'effectuait pas au même rythme dans
tous les services de La Poste, les centres de tri ayant une culture
spécifique. Il a regretté l'indifférence face à la
situation du personnel contractuel, alors même que celui-ci se trouvait
parfois en situation de grande précarité.
Répondant à
M. Roger Rinchet
qui l'interrogeait sur les
raisons pour lesquelles il n'avait pas évoqué la situation des
postes du sud de l'Europe,
M. Gérard Larcher, rapporteur,
a
indiqué qu'il avait souhaité étudier prioritairement le
cas de pays subissant de fortes contraintes d'aménagement du territoire,
comme la Suède. Il a indiqué que les postes italiennes et
espagnoles étaient caractérisées par une faible
qualité de service.
Le rapporteur a indiqué qu'il avait été
particulièrement impressionné par le fait que la poste
néerlandaise envisageait de desservir les départements
français les plus ruraux, le cas échéant par
télécopie pour le courrier, et par un service à domicile
pour les colis. Il a souligné le fait que d'ores et déjà,
elle offrait aux entreprises de VPC un service intégré qui
alliait la réalisation de catalogues à la gestion des
réclamations et des échanges.
M. Francis Grignon
a jugé impératif d'aider La Poste
à atteindre un équilibre financier, mais il a estimé qu'il
n'était pas souhaitable de considérer la rentabilité comme
le seul objectif dans la gestion du réseau postal. Il a appelé de
ses voeux la mise au point de solutions souples et pragmatiques qui passent,
notamment, par la réalisation des études d'impact prévues
par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 relative à
l'aménagement et au développement du territoire.
Après avoir déclaré partager les propos tenus par Mme
Janine Bardou,
M. Louis Minetti
a observé que les
départements ruraux n'étaient pas les seuls à avoir besoin
de La Poste et que les grandes agglomérations ressentaient cruellement,
parfois, l'absence de présence postale.
Répondant aux deux orateurs précédents,
M.
Gérard Larcher, rapporteur
, a estimé qu'il était
indispensable de définir les conditions du financement d'un service
universel postal et a précisé qu'en vertu de la proposition de
directive européenne, il était possible d'y parvenir, soit
grâce au maintien d'un monopole, soit par la constitution d'un fonds de
compensation alimenté par une contribution prélevée sur
l'ensemble des opérateurs postaux. Il s'est prononcé en faveur de
la première de ces solutions. Evoquant la question de la sortie du
moratoire, il a estimé que les dispositions de l'article 29 de la
loi du 4 février 1995, mentionnées par M. Francis Grignon,
permettaient d'opérer les études d'impact nécessaires.
Evoquant enfin la présence postale dans une partie des sept cents
quartiers en difficulté, le rapporteur a souligné que, bien
souvent, La Poste y fonctionnait comme un guichet social, mettant à la
disposition de la clientèle des interprètes ou des
écrivains publics, et que le coût estimé de ce service
s'élevait à 400 millions de francs par an.
EXAMEN DU RAPPORT
Au cours d'une réunion tenue le
mardi 21 octobre à 16 heures, conjointement avec le
groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications, sous la présidence de M. Jean
François-Poncet, président, la Commission des Affaires
économiques a procédé à l'examen du rapport
d'information de M. Gérard Larcher, président du groupe
d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications sur "
La Poste, opérateur
public de service public, face à l'évolution technique et
à la transformation du paysage postal européen
".
Après que M. Jean François-Poncet, président, eut
salué la présence à cette réunion de M. le
Président du Sénat, M. Gérard Larcher, rapporteur, a
présenté les grandes lignes de son rapport et ses propositions.
Félicitant le rapporteur pour la richesse et la qualité de son
exposé, M. Jean François-Poncet, président
,
a
souligné que celui-ci avait tenu compte, d'une part, des
préoccupations du personnel et des impératifs
d'aménagement du territoire et d'autre part, de l'exigence d'ouverture
de La Poste à la concurrence et à la modernité.
Ayant, à son tour, félicité le rapporteur, M. René
Monory, président du Sénat, a souligné que son travail
était riche d'enseignements.
M. Jean François-Poncet, président, a ensuite demandé au
rapporteur pour quelles raisons il pensait que la poste allemande, dont la
privatisation était prévue, pourrait choisir de s'allier à
la poste française, qui reste un opérateur public. Puis, il l'a
questionné sur les motifs qui l'inclinaient à penser que la
procédure préalable à toute réorganisation des
services publics prévue par la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire permettrait de
répondre aux attentes des élus locaux en matière de
présence postale sur le territoire, faisant valoir que cette
procédure confiait la décision finale au ministre et qu'elle
n'offrait aucun recours aux élus, si la décision finale
était celle du repli.
S'agissant de l'alliance avec la Deutsche Post AG, M. Gérard
Larcher lui a répondu que si, actuellement, le secteur postal
était une industrie de main d'oeuvre, à l'avenir il serait de
plus en plus capitalistique, ce qui rendrait nécessaire la conclusion
d'alliances internationales. Il a observé qu'en l'état actuel des
choses, la poste allemande était celle qui était la plus
susceptible de s'allier avec la poste française, compte tenu de la forte
tradition de service public existant outre-Rhin et du fait de la
" taille
critique " qu'elle permettrait d'atteindre, pour nouer une alliance
avec
un intégrateur mondial. Il a ajouté que si l'on souhaitait
développer les activités internationales de La Poste, il
était nécessaire de ne pas exclure de la doter d'un capital.
En ce qui concerne la réorganisation du réseau, il a
souligné que les articles 28 et 29 de la loi précitée
prévoyaient, en cas de désaccord du préfet sur la
fermeture d'un service public, un arbitrage du ministre et que cet arbitrage
serait rendu sous le regard de la représentation nationale. Il a, en
outre, indiqué qu'il était nécessaire de s'interroger sur
les moyens qui permettraient de réaliser un aménagement dynamique
du territoire et qu'à cette fin, il avait proposé d'affecter une
partie de la taxe professionnelle de France Télécom à
l'aménagement postal du territoire.
Il a souligné le fait qu'en Haute-Loire, par exemple, le
développement des activités économiques n'avait pas
profité à La Poste mais aux opérateurs privés.
Après avoir félicité le rapporteur et souligné
l'importance du rôle social de La Poste en zone rurale, Mme Janine Bardou
a rappelé l'inquiétude des élus locaux face à
l'éventualité d'une levée du moratoire. Elle a
estimé qu'il fallait avoir une vision dynamique de l'aménagement
du territoire et, notamment, compenser la fermeture de certains services
postaux en zone rurale par la délocalisation d'autres services de
l'opérateur public dans les mêmes zones.
En réponse, M. Gérard Larcher
a déclaré que
La Poste était non seulement un guichet social de fait, mais qu'elle
constituait aussi, bien souvent, à la fois la banque et la
" tirelire " des personnes défavorisées. Evoquant
ensuite le problème du réseau, il a estimé que les
élus ne devaient pas être les victimes d'un " marché
de dupes ". Il a souligné la nécessité de
procéder à des délocalisations de services telles que
celle réalisée récemment par les services financiers de La
Poste en Limousin, et il a souhaité le développement d'un service
postal mobile de haute qualité, analogue à celui qui est
développé en Allemagne.
M. Jean Huchon a souligné l'impact des différences de
densité de population entre les pays européens et il a
évoqué l'incidence négative des grèves des centres
de tri de 1995 pour La Poste, avant de rappeler le rôle que jouait la
qualité des hommes pour l'avenir du service postal.
M. Gérard Larcher, après avoir constaté que la
densité postale était très variable en Europe, a
indiqué, s'agissant de la grève, que lors du conflit de 1995,
5 % du personnel étaient parvenus à bloquer
l'activité de l'entreprise. Il a estimé qu'il était
nécessaire d'encourager la médiation dans les conflits sociaux et
il a jugé qu'une garantie de la continuité du service devait
être la contrepartie de l'effort demandé aux Français pour
le financement de La Poste.
M. Pierre Lefebvre
a remercié le rapporteur de la qualité
de son exposé, dont il a cependant indiqué qu'il ne partageait
pas certaines conclusions. Il a déclaré que ce travail avait le
mérite d'ouvrir le débat. Puis, il a souligné le
rôle social de La Poste, y compris en milieu urbain, avant de
s'interroger sur les liens entre l'accroissement de la concurrence et le
" braconnage " postal lié au repostage.
En réponse, M. Gérard Larcher
a déclaré que
le système des frais terminaux qui résultait des accords de
l'Union postale universelle donnait lieu à une
rémunération insuffisante des postes qui connaissaient les plus
lourdes charges de structures. Il a indiqué que La Poste
française ne percevait que 27 centimes pour la distribution d'une
lettre en provenance de l'étranger alors même que le coût
moyen de celle-ci s'élevait à 1,3 franc par lettre. Il a
rappelé que KPN, la holding qui détient la poste hollandaise,
avait mis en oeuvre une stratégie tendant à conquérir la
première place sur le marché du transport international, tant
grâce au port de Rotterdam que grâce à KPN ou à KLM.
Il a insisté sur le fait que le repostage rapportait 2 milliards de
francs par an à cette société et sur la
nécessité de lutter fermement contre cette pratique. Il a
jugé indispensable une réévaluation des frais terminaux et
une contre attaque commerciale de La Poste sur les marchés
internationaux et a proposé la création d'un " euro
timbre " à tarif unique pour l'envoi des courrier inter
Etats-membres au sein de l'Union européenne.
Répondant à M. Alain Pluchet qui l'interrogeait sur le
problème, en apparence insoluble, posé par le financement des
retraites, le rapporteur a souligné qu'actuellement les charges sociales
supportées par La Poste étaient supérieures de
7 points à celles de ses concurrents et que si rien n'était
fait pour y remédier, elles représenteraient le double de celles
acquittées par la concurrence à l'horizon 2005. Il a
évoqué plusieurs solutions au règlement de la question des
retraites : le versement d'une soulte, difficilement envisageable, la
prise en charge partielle des retraites par l'Etat, voire l'affiliation des
nouveaux embauchés au régime de retraite des salariés.
M. Hilaire Flandre
a souligné le risque de déstabilisation
de certains services du fait du développement des activités
financières ou d'assurance de La Poste. Puis, il a interrogé le
rapporteur sur l'incidence du développement des nouvelles technologies
sur les échanges de courriers.
M. Gérard Larcher lui a répondu que, même si la France
était pour le moment moins équipée que certains pays tels
que la Suède, les nouvelles technologies de la communication avaient
d'ores et déjà une incidence négative sur les
échanges de courrier physique. Il a souligné, en
conséquence, l'importance vitale que revêtait une reconquête
du marché des colis qui, lui, n'était pas soumis à ce type
de concurrence et connaissait une croissance.
Répondant à M. Louis Minetti, qui avait souligné
l'analogie entre le problème des retraites agricoles et celui des
retraites des postiers, M. Gérard Larcher a indiqué que La
Poste connaissait, comme le budget annexe des prestations sociales agricoles
(BAPSA), un problème de décroissance démographique, mais
qu'en outre la compétitivité de l'opérateur postal se
trouvait fortement limitée par rapport à ses concurrents,
à cause du poids des retraites. Il a souhaité, par
conséquent, que La Poste soit mise en mesure de supporter des charges
équivalentes à celles qui pèsent sur ses concurrents.
Ayant salué la qualité du rapport, M. Jean-Marc Pastor a
jugé qu'il restait cependant des interrogations, notamment sur
d'éventuels nouveaux statuts. Il a souhaité qu'il ne soit
procédé au vote sur les conclusions du rapport qu'à
l'occasion d'une réunion ultérieure de la commission.
Après avoir souligné le fait que le rapporteur s'était
attaché à trouver une voie aussi médiane que possible, en
tenant compte des sensibilités diverses et d'un environnement qui
s'impose à tous, M. Jean François-Poncet,
président
,
a estimé qu'il était difficile de
trouver un meilleur équilibre que celui proposé dans le rapport
et il a considéré qu'il n'était pas possible de
différer le vote sur les conclusions présentées à
la commission, précisant qu'il était en revanche loisible de
prévoir un débat ultérieur sur le sujet.
M. Gérard Larcher
a alors indiqué à
M. Jean-Marc Pastor qu'il était prêt à engager un
débat sur ce thème à l'occasion de la transposition de la
directive postale.
Répondant à
M. Désiré Debavelaere
,
qui s'interrogeait sur la possibilité d'asseoir la soulte de La Poste
sur les recettes tirées d'une seconde tranche d'ouverture du capital de
France Télécom au public, M. Gérard Larcher
a
souligné l'intérêt de cette proposition tout en relevant
que, dans la mesure où France Télécom gérait un
service public national et employait des fonctionnaires, une telle
opération ne pourrait en aucun cas remettre en cause la détention
majoritaire du capital de l'opérateur de
télécommunications par l'Etat. Il a souligné qu'une telle
opération reposait sur l'ancienne solidarité existant entre La
Poste et France Télécom.
Le rapport de M. Gérard Larcher a été adopté sans
opposition, tous les membres des groupes de l'Union centriste, des
Républicains et indépendants, du Rassemblement
démocratique et social européen, du Rassemblement pour la
République votant pour, les membres du groupe Communiste,
Républicain et Citoyen s'abstenant et les membres du groupe Socialiste
ne prenant pas part au vote.
1
Rattaché à la Commission
des Affaires économiques ; nombre de ses adhérents font partie de
cette Commission, d'autres n'y appartiennent pas.
2
La liste des personnes rencontrées à titre officiel
figure en annexe I.
3
Le grand nombre de personnes rencontrées et l'importance du
volume de documents traités ont d'ailleurs, de temps à autre,
amené votre rapporteur à constater des divergences parfois
difficiles à éclaircir dans certaines données
chiffrées qui lui ont été fournies. Ceci traduit, selon
lui, la nécessité d'un approfondissement de la cohérence
des méthodes analytiques et statistiques pouvant être
employées dans l'appréhension de la réalité postale.
4
Eugène Vaillé,
Histoire des Postes jusqu'à
la Révolution
, Paris, PUF, 1946.
5
Louis Cumin,
Les Postiers
, Editions universitaires, 1984,
p.95 et groupe d'études du Sénat sur l'avenir de la Poste et des
Télécomunications.
6
C'est en quelque sorte sur un système de même nature
que, pendant une brève période, au XIXe siècle, reposera
aux Etats-Unis, le fonctionnement du célèbre " Pony
Express ".
7
La création du timbre entraîna un léger
déficit du fait de la baisse du prix unitaire des lettres avant de
favoriser la multiplication des missives et, partant, le retour à une
activité bénéficiaire.
8
A cette époque, selon un mémorialiste parisien,
"
ceux qui n'ont pas de domestiques se servent de petits
savoyards qui
sont dans les rues pour s'écrire les uns aux autres
".
9
Imaginé par Renouard de Villayer, aujourd'hui injustement
oublié.
10
Henry Fayol,
L'incapacité industrielle de l'Etat : Les
PTT
,Paris, Dunod, 1921, p.64.
11
Sénat, Rapport n° 333, sur "
L'avenir du
service public de La Poste et des Télécommunications dans le
nouveau contexte international
", p.106.
12
Archives parlementaires de 1787 à 1860
,
deuxième série, T.LVIII, Paris, Dupont, 1885, p.356.
13
Cité par E. Vaillé,
Histoire de la poste
française
, tome II, p.194.
14
Intervention de M. Fournier devant le Sénat, le
29 mars 1881, JO, Débats et documents parlementaires, 1881,
p.496.
15
Cité par Paul Charban,
Quelle belle invention que la
Poste
, Gallimard, 1991, p.92.
16
Robert Bigo,
Les banques françaises au cours du XIXe
siècle
, Paris, Sirey, 1947, p 57.
17
Entre les recensements de 1926 et de 1990, la population
française métropolitaine totale passe de 40,7 à 56,6
millions d'habitants, tandis que la population urbaine et la population rurale
passent respectivement de 19,9 et 20,8 à 41,8 et 14,8 millions
d'habitants.
18
Jocelyne Barreau,
La réforme des PTT
, Paris, La
Découverte, 1995, p.42.
19
Alors conseiller maître à la Cour des Comptes.
20
Rapport de synthèse remis par Hubert Prévot
à Paul Quilès à l'issue du débat public sur
l'avenir du service public de la Poste et des Télécommunications,
page 118.
21
Ibidem pages 119-220. Cette citation fait partie des principales
conclusions du rapport.
22
JORF, Débats, Sénat, 6 juin 1996, p.1255.
23
JORF, Débats, Sénat, 6 juin 1996, p.1257.
24
Cf l'article 2 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990
précitée.
25
Car quand on peut sans contrainte concurrentielle fixer librement
le prix du timbre sur un nombre important d'objets faisant l'objet de droits
exclusifs, il n'y a guère de limite objective au financement de charges
publiques.
26
On trouvera dans l'annexe 3 du présent rapport des
tableaux présentant de façon synthétique ces
différents éléments : un panorama de l'Europe postale en
1996, ainsi qu'une présentation synoptique des postes de l'Union
européenne du triple point de vue du statut juridique (et de ses
évolutions programmées), des effectifs (et de leur régime
statutaire) et des compétences (missions de service public,
étendue du monopole...).
27
Voir la présentation de la poste américaine
à l'annexe 4 (I).
28
Voir la présentation de la poste suédoise à
l'annexe 4 (III).
29
Néologisme forgé par votre rapporteur dans son
rapport d'information "
L'avenir de France Télécom : un
défi national
" pour désigner la transformation d'un
établissement public en société anonyme maintenue
majoritairement dans l'orbite de l'Etat et distinguer ainsi cette
opération d'une privatisation qui consiste, elle, à
transférer la majorité du capital à des
intérêts privés.
30
Voir la présentation de la poste néerlandaise
à l'annexe 4 (IV).
31
Voir la présentation de la poste allemande à
l'annexe 4 (II).
32
Voir la présentation de la poste suédoise en annexe
4 (III).
33
La Poste française ne peut proposer ni des crédits
à la consommation ni des crédits immobiliers sans épargne
préalable ; elle peut simplement offrir des prêts immobiliers de
droit commun en complément de prêts d'épargne logement.
34
Si l'on tient compte du nombre d'emplois en équivalent
temps plein.
35
Par point de contact postal, on vise l'ensemble des bureaux de
poste de l'opérateur national, des agences postales (en partenariat en
règle générale avec le secteur privé) et des autres
moyens de présence postale (services mobiles...).
36
Quoiqu'existent également dans notre pays des agences
postales, fonctionnant en partenariat avec les municipalité, et -nous le
verrons- des accords de distribution avec des " réseaux
associés ".
37
Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative
à l'organisation du service public de la poste et des
télécommunications (JO RF du 8 juillet 1990). Pour plus
de précisions sur les conditions d'élaboration et le contenu de
cette loi, voir chapitre premier-II-D.
38
Rappelons que, depuis la publication de la loi, la jurisprudence
a précisé cette qualification législative en estimant que
La Poste était un établissement public à caractère
industriel et commercial et en lui appliquant le droit commun régissant
cette catégorie de personne publique (voir notamment : TA Nantes,
Baraud, 7 avril 1993 ; TC, Matisse et autres,
22 novembre 1993).
39
Article 4 de la loi et article 14 du cahier des charges de
La Poste.
40
Articles 5 et 8 de la loi, articles 17 à 20 du
cahier des charges de La Poste.
41
Rappelons pour mémoire, que l'article 2
(alinéa 3) de la loi laisse à La Poste le soin d'assurer
dans le respect des règles de concurrence
des services
"
de collecte, de transport et de distribution d'objets et de
marchandises
" qui ne relèvent pas du service public du
courrier. Parallèlement, l'alinéa 4 du même article lui
fixe également pour objet : "
D'offrir, dans le respect
des règles de la concurrence
, des prestations relatives aux moyens
de paiement et de transfert de fonds, aux produits de placement et
d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts
d'épargne-logement et à tous produits d'assurance
. " Par
ailleurs, l'article 5 de son cahier des charges permet de lui imposer, par
arrêté ministériel, d'assurer des services ouverts à
la concurrence. Cependant, toutes ces activités n'ont pas le
caractère de mission d'intérêt général et ne
lui permettent pas, en contrepartie, de bénéficier de droits
exclusifs ou de compensations financières.
42
Ainsi, pour être complet, que l'article 21 (1er
alinéa du 3°) qui fixe les modalités de compensation des
charges résultant de cette participation et l'article 34 qui
habilite le ministre chargé des postes à prendre toutes les
mesures utiles de nature "
à favoriser la diversification des
activités et la polyvalence des bureaux de poste en milieu
rural
".
43
La fonction de cohésion sociale assurée par les
services financiers est d'ailleurs évoquée comme une mission
à faire reconnaître par l'Etat dans l'avis du Conseil de la
concurrence du 26 Juin 1996 sur requête de l'AFB, ainsi que
dans l'avis rendu le 17 septembre 1996 sur requête de la
commission des finances du Sénat.
44
Cf Titre premier, Chapitre I-I.
45
Jusqu'à la promulgation de la Constitution de la
IVe République dont le préambule dispose que "
Le
droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le
règlementent
", la jurisprudence administrative
considérait qu'un agent public qui se mettait en grève s'excluait
par là même du service et, par voie de conséquence, du
bénéfice des garanties disciplinaires (CE,
7 août 1909, Winkell).
46
L'arrêt Blanco qui fait du service public un
élément central du droit de la responsabilité de l'Etat
est rendu par le Tribunal des Conflits en 1873 et l'arrêt dit " bac
d'Eloka " qui étend cete notion aux activités industrielle
et commerciale intervient en 1921.
47
Décret n° 90-1214 du 29
décembre 1990.
48
Qui ont déjà été mentionnés
dans le chapitre premier du présent titre lors de la présentation
générale de cette loi.
49
Concept qui désigne - rappelons-le- l'unité
territoriale résultant du fait que les courriers de même nature
(par exemple l'acheminement en métropole des lettres entrant dans la
même catégorie) soit assurée partout au même prix,
quelle que soit la localisation de l'envoyeur, celle du destinataire et
-originalité majeure au regard d'autres prestations de service public-
quelle que soit la distance entre les deux.
50
Prévue par l'article 3 précité du cahier des
charges de La Poste.
51
Le fonds de péréquation du transport aérien
créé par la loi n° 95-115 du
4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire fonctionne depuis 1996 et le fonds de
service universel des télécommunications, institué par la
loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation
des télécommunications, a vocation à entrer en fonction au
1er janvier 1998.
52
Mission Delfau : le rapport - Septembre 1990 (p. 27).
53
Pour une présentation approfondie du concept de service
universel, notamment en comparaison avec la notion de service public, voir
chapitre IV-II-B du présent rapport.
54
Voir le chapitre premier (I) du présent titre.
55
Les agences postales communales, même si elles ont connu
des formes diverses, existent depuis le XIXe siècle.
56
Si on relève 41 fermetures en 1993 (37 en zone
rurale, 4 en zone urbaine), en raison de l'intervention du moratoire en
cours d'année, et 4 fermetures en 1994 (3 en zone rurale, 1 en zone
urbaine), du fait d'un accord antérieur avec les collectivités
locales, aucune fermeture n'a été enregistrée en 1995 et
1996.
La Poste a cependant procédé à des transformations pour
optimiser son réseau, ce qui a conduit par exemple, en 1995, à
convertir 138 recettes rurales en guichets annexes (voir
définitions page suivante).
57
Quoiqu'elle reconnaisse elle-même que malgré ses
efforts
(convention Etat/Poste du 14 janvier 1994 pour les
quartiers prioritaires, rénovations exemplaires comme à La
Courneuve, en banlieue parisienne...),
ces zones se caractérisent par
un
sous-équipement postal.
58
Dont 38.000 (plus de la moitié) s'effectuent dans les
communes de moins de 10.000 habitants et 16.800 (près du quart)
dans les communes de moins de 2.000 habitants.
59
Chapitre Ier-II-C du présent Titre.
60
Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 308
Octidi, 8 thermidor an IV, p.1230-3.
61
Du nom du conseiller d'État ayant présidé la
commission tripartite (parlementaires, presse, administrations
concernées), qui a fixé, en février 1980, le taux de
couverture par la presse des charges supportées par La Poste.
62
Par les inspections générales des Finances et des
Postes et Télécommunications.
63
Coût réajusté à partir de 1993 sur les
bases de la mission des inspections générales des Finances et des
Postes et Télécommunications.
64
Ce mécanisme n'était pas sans une certaine
pertinence quand, à la Libération par exemple, les journaux
d'opinion n'étaient édités que sur quelques feuilles.
65
Par une commission composée de magistrats.
66
C'est sur ce chiffre que le syndicat de la presse parisienne, qui
le trouvait insuffisant, a fait porter l'essentiel de ses critiques et a
fondé son refus de signer le protocole découlant des accords
" Galmot ".
67
Confère II du présent chapître.
68
Cité par INC Hebdo, N°242, 1996.
69
Il faut savoir que le maintien d'un support matériel pour
le livret A induit un coût pour La Poste, alors même que les
comptes sur livrets offerts pas les établissements de crédit sont
de plus en plus souvent dématérialisés.
70
Pour des sommes inférieures à 10.000 francs.
71
A l'occasion du forum de discussion avec les postiers auquel il
avait invité votre rapporteur, en Haute-Loire, au Puy.
72
Cf Bilan social 1996, p.6.
73
22,4 millions de personnes en mars 1997.
74
Cf Rapport financier 1996, p.11.
75
Compte tenu des taux de détention et après
élimination des chiffres d'affaires intragroupe.
76
Ce chiffre correspond au compte consolidé du groupe et
regroupe les comptes de La Poste, les comptes consolidés de la
société holding SOFIPOST et les comptes des SCI
" L'Immobilière Poste " et " Réseau ".
Cf La
Poste, Rapport financier 1996, p.8.
77
Le solde, soit 579 millions de francs, est issu de produits du
réseau. Cf Rapport financier 1996, p.11.
78
La Poste, Rapport financier 1996, p.11.
79
Source : syndicat des entreprises de vente par correspondance et
à distance.
80
Cf Chapitre II-C ci-dessus.
81
Ce chiffre positif, qui résulte des efforts accomplis du
fait du " plan de reconquête " lancé à l'issue
des grèves de 1995, a cependant subi deux mouvements de sens contraire
puisqu'il a bénéficié de la hausse des tarifs intervenue
le 1er mars 1996, mais qu'en sens inverse, il a subi l'incidence de la
rationalisation des envois de courrier par les administrations liée
à l'abandon du régime de " franchise postale " dont
elles bénéficiaient.
82
Source : La Poste.
83
Le changement de méthode statistique (l'enquête
étant effectuée au niveau de la distribution et non plus, comme
par le passé, au niveau du dépôt du courrier) n'a pas
été sans distordre la cohérence des séries
établies.
84
Source : La Poste.
85
Chiffre d'affaires incluant la participation de 35 % dans
Jet Worldwide.
86
Dont 15,6 millions de francs avec La Poste en 1996.
87
La gestion du service des mandats donne lieu à un
résultat de 993 millions de francs.
88
Il s'agit des avoirs des livrets A et B, des comptes et des
plans d'épargne-logement, des livrets et des plans d'épargne
populaire et des Codévi.
89
Sigle désormais courant qui signifie, rappelons-le,
organismes de placement collectif de valeurs mobilières.
90
On se reportera, sur ce point, à l'entretien de
P. Spälti, président de Winterthur intitulé
"
La fusion banque-assurance est une tendance de
fond
"
publié dans Le Monde du 11 septembre 1997.
91
Voir l'article de Marion Kindermans paru dans le journal les
Echos en date du 6 août 1997.
92
La définition commerciale de chacun de ces produits est
précisée en annexe 7 sur les offres de La Poste.
93
La Poste, consciente de sa vulnérabilité en ce
domaine et des difficultés qu'elle lui pose pour identifier clairement
les causes de prestations insatisfaisantes et améliorer la
qualité de ses services, a engagé le développement d'un
système informatique intégré et d'un logiciel de tracing
lui permettant d'y remédier.
94
Voir le développement sur le secteur postal aux
États-Unis à l'annexe 4.
95
Voir la dépêche de l'Agence France Presse du
11 juin 1997.
96
Voir l'annexe 4 (IV) qui montre clairement la
stratégie de développement de KPN.
97
Selon l'Union française de marketing direct.
98
Voir les développements du chapitre premier (II) et de
l'annexe 4 (qui expose l'évolution de la poste en Allemagne, aux
Pays-Bas, en Suède et aux Etats-Unis).
99
Les lettres A, B et C représentent 3 pays
différents :
- la première lettre représente le pays d'émission du
courrier ;
- la seconde lettre représente le pays qui facture le client et dans
lequel le courrier transite ;
- la troisième lettre représente le pays destinataire.
100
Voir les développements précédents sur TNT
dans le présent chapitre I-B-
1
-b.
101
Articles L.1 et L.2 du Code des Postes et
Télécommunications et article 3 du cahier des charges de La Poste
déjà mentionné précédemment (voir le
chapitre premier I-D et le chapitre II-I-A du présent titre).
102
Le Sénat avait d'ailleurs dénoncé
ces dangers
au travers du rapport "
Construire l'Europe
postale
dans le respect du service public
", présenté par
M. Gérard Delfau au nom de la Délégation du
Sénat pour l'Union européenne (rapport Sénat
n° 135, 1995-1996).
103
Rapport de la Commission présidée par
M. Christian Stoffaës - "
Services publics - Questions
d'avenir
" - Commissariat général du Plan -
Éditions Odile Jacob/Documentation française - septembre 1995-
p. 46/47.
104
Sur la question de l'étendue des prestations couvertes
par les deux notions, dans son rapport d'information sur
"
L'avenir de
France Télécom : un défi national
"
(Sénat ; 1996), votre rapporteur proposait de distinguer, au sein
du cadre du service public, le "
service public à la
population
" que recouvre le service universel et le
"
service
public à la Nation
" qu'assurait également France
Télécom (Voir rapport précité p. 85-86). Cette
dichotomie lui apparaît conserver toute sa pertinence pour ce qui
concerne le service public postal.
105
L'économie juridique du dispositif retenu par la loi se
résume en définitive à l'équation suivante :
service public des télécommunications = service universel
des télécommunications + services obligatoires de
télécommunications + missions d'intérêt
général dans le domaine des télécommunications
(défense et sécurité, recherche publique et enseignement
supérieur).
106
Voir notamment l'arrêt "
Corbeau
" du
19
mai 1993, présenté dans ce même chapitre (au II-B-2).
107
Jusqu'à la révision ou, le cas
échéant, la caducité de la directive -voir ci-après
2-.
108
La législation française prévoit
déjà ce type de mécanisme compensateur dans le domaine des
télécommunications. La loi n° 96-659 du
26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications institue, en effet, un fonds de compensation
qui est affecté au financement des coûts nets des obligations de
service universel incombant à l'opérateur chargé de ce
service, à savoir France Télécom (L. 35-3 du code des
P et T résultant de l'article 6 de la loi précitée).
109
En d'autres termes, le projet de directive n'interdit pas
à la France d'attribuer à La Poste l'exclusivité du
service universel postal de la même manière qu'elle a
confié à France Télécom l'exclusivité du
service universel des télécommunications.
110
La Poste Socioscope 1995, résultats
généraux, p.12.
111
Ceci a été développé dans le
chapitre II-II-B du présent titre.
112
Voir Titre premier, Chapitre IV-II-B.
113
A savoir les services financiers déjà dans le
secteur concurrentiel (25 %) et la moitié (contre le quart
actuellement) du courrier. Aujourd'hui, du fait des droits exclusifs sur
75 % du trafic courrier, cette proportion est d'environ 44 %.
114
Voir notamment l'article de Nathalie Silbert
"
Bataille
de chiffres autour de la présence postale
", paru dans le
quotidien Les Echos du 24 septembre 1997 (page 17).
115
Il convient de préciser que l'approche de La Poste (tout
comme celle de l'Inspection générale des Finances) ne prend en
compte que les charges directes de guichet et exclut :
- les charges de distribution du courrier (tournées, distribution
spécialisée, manutention, tri-départ) qui relèvent
du service du courrier et non de l'aménagement du territoire, et peuvent
du reste, au plan technique, être organisées indépendamment
du réseau de points de contact ;
- les charges de structure résultant de la multiplication de petits
bureaux (coût des structures hiérarchiques, groupements,
directions départementales, directions régionales,
siège ; traitement des opérations financières
d'arrière-guichet par les centres régionaux, et non dans les
petits bureaux eux-mêmes). Il est vrai que l'affectation aux petits
bureaux d'un prorata des charges de structure -qui aurait alourdi le coût
global- aurait été très artificielle, les clés de
répartition choisies ne pouvant qu'être contestables, et ces
coûts dépendant pour partie du mode d'organisation choisi par La
Poste (centralisation, automatisation des traitements, ...).
116
Chapitre II-III du présent titre.
117
A l'inverse, en une année, aucune opération n'est
enregistrée sur 11,1 millions de livrets.
118
Par le rapport précité de l'Inspection
générale des Finances ayant évalué le coût de
la part peu sollicitée du réseau postal.
119
Article L.61 du Code des pensions civiles et militaires de
retraites.
120
Cité par Jocelyne Barreau,
La réforme des
PTT
, Paris, La Découverte, 1995, p.55.
121
Contrat à durée déterminée.
122
Contrat à durée indéterminée.
123
Contrat à durée indéterminée
intermittent.
124
Cf Bilan social 1996, p.10.
125
Cf Bilan social 1996, p.33.
126
L'article L 122-3-11 du code du travail dispose qu'à
l'expiration d'un CDD, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du
salarié dont le contrat a pris fin, ni à un CDD ni à un
contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'une période
égale au tiers de la durée de contrat, renouvellements inclus.
127
Pour plus de détails sur ce point voir le Titre premier,
chapitre III-I-A.
128
Du fait de son assujettissement à la taxe sur les
salaires.
129
Et non aux collectivités locales, en raison du
régime spécifique instauré par la loi de 1990.
130
On entend par charges nettes, le montant du coût des
obligations auxquelles La Poste est assujettie, déduction faite des
contreparties qui lui sont octroyées.
131
Hors service public du courrier dont le financement est
correctement assuré par le monopole.
132
M. Jean-François Le Grand est rapporteur pour avis du
budget de l'aviation civile et président du Conseil supérieur de
l'aviation marchande.
133
Rappelons que la DG IV est chargée de la concurrence.
134
Commissaire européen que votre Commission des Affaires
économiques a entendu en audition le mercredi 28 mai 1997.
135
Le système des frais terminaux, la pratique du repostage
et les effets pervers qu'ils induisent ont fait l'objet de longs
développements au titre premier, chapitre V-I-C.
136
Notons, à cet égard, que la France a
déposé les instruments de ratification de cet accord en juin 1997
et que celui-ci a fait l'objet du décret n° 97-810 du
22 août 1997 (publié au Journal Officiel du
31 août 1997).
137
Voir l'historique du service postal français
présenté dans le Titre premier du présent rapport
(Chapitre I - I).
138
Tous les envois de même catégorie relevant du
service universel au même prix quelle que soit la distance d'acheminement.
139
Voir Titre premier, Chapitre I-II et Chapitre IV-II.
140
Dénommée " International Mail distribution
service ".
141
Voir Titre premier, Chapitre I-I-B-1.
142
Voir Titre premier, Chapitre I-II et Chapitre IV-B.
143
Voir Titre premier, Chapitre V-I.
144
Voir Titre premier, Chapitre 5-II.
145
Cf Titre premier, Chapitre V-I.
146
Cf Titre premier, Chapitre IV-II-B-
1 :
"
Service
public français et service universel européen ".
147
Cf Titre premier, Chapitre II-I-A.
148
"
L'avenir de France Télécom : un
défi national
" (Rapport précité).
149
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et loi
n° 84-16 du 11 janvier 1984.
150
Voir les développements du Titre premier, Chapitre IV.
151
Voir Titre premier, Chapitre IV-II-B.
152
Voir Titre premier, Chapitre IV-II-B-1-b.
153
Voir Titre premier, Chapitre IV-D.
154
En application des articles R.1 et L.17 du code des postes et
télécommunications.
155
Selon l'Union internationale des
télécommunications.
156
Voir le Titre premier, Chapitre premier I-A-1.
157
Correspondance, messagerie, courrier publicitaire.
158
Voir Titre premier, Chapitre II-II : "
La Poste,
c'est
le territoire
".
159
Développement de technologies de substitution dans le
domaine des télécommunications (Titre premier, Chapitre IV-I
du présent rapport).
160
Cf. projet de directive européenne (Titre premier,
Chapitre IV-II-B du présent rapport).
161
La seule procédure pouvant s'imposer était
l'information des instances créées par l'article 38 de la
loi de 1990.
162
A l'initiative notamment de votre rapporteur, qui était
le rapporteur du Sénat sur ce texte, étant rappelé que sur
d'autres articles de la loi " Pasqua ", les rapporteurs
étaient MM. Jean-Marie Girault et Claude Belot.
163
Au sein de cette catégorie, une part non
négligeable, de l'ordre de
15-20 %, apparaît
mobilisée moins de 1/4 d'heure par jour
.
164
A l'occasion du débat qui a suivi, devant la Commission
des Affaires économiques et le groupe d'études sur l'avenir de la
Poste et des télécommunications, la communication
préalable à la présentation du présent rapport
faite le 8 octobre 1997 (voir compte rendu en annexe 8).
165
Voir Titre premier, Chapitre II-II-B.
166
Opération T.E.A.M.S. Creuse 2001 (Travailler ensemble,
agir pour la Creuse en 2001).
167
Rapport sur "
Le maintien des services publics
dans les
zones à faible densité de population
" de MM.
Duchêne-Marcillaz et Zwickert.
168
Décret du 16 octobre 1979.
169
Selon la circulaire conjointe du ministère de
l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire et du
ministère de la Fonction publique, en date du
8 août 1994.
170
Sur le fondement d'une circulaire d'août 1996,
signée de M. Dominique Perben, ministre de la Fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de décentralisation dans le Gouvernement de
M. Alain Juppé.
171
Dans son article 9.
172
Comme par exemple dans le Tarn, ainsi que l'a signalé M.
Jean-Paul Delevoye, Président de l'Association des Maires de France,
lors de son audition par votre rapporteur.
173
En Suisse, le transport des voyageurs est une activité
qui s'inscrit dans la tradition de la poste au même titre que
l'acheminement de messages, de marchandises et de sommes d'argent. Outre sa
fonction de transporteur d'envois postaux, le service des cars postaux remplit
une tâche importante en assurant la desserte de base en matière de
transport public régional.
174
In Eugène Vaillé - Histoire des postes
françaises entre deux guerres.
175
Voir compte rendu en annexe 8.
176
Même si elle y gagne au total davantage en vendant plus de
produits.
177
Voir supra, II.
178
Le I de l'article 17 de la loi n° 95-115 du
4 février 1995 dispose : "
En 2015, aucune partie du
territoire français métropolitain continental ne sera
située à plus de cinquante kilomètres ou de
quarante-cinq minutes d'automobile
soit d'une autoroute ou d'une route
express à deux fois deux voies en continuité avec le
réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau
ferroviaire à grande vitesse ".
179
Voir Titre premier, Chapitre II-II-B.
180
Les schémas s'articulent en deux parties : une partie
" cadre " où sont identifiés les besoins peu ou mal
satisfaits et une partie " actions " où doivent être
définies les mesures envisagées.
181
Projet de loi relatif à l'amélioration des
relations entre les administrations et le public qui, entre autres, organisait
une rénovation du régime juridique des maisons de service public
(voir supra A).
182
Voir Titre premier, Chapitre I-I-D.
183
Voir Titre premier, Chapitre I-II-B.
184
Sénateur de Haute Savoie et Vice-Président du
groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications.
185
Les zones urbaines sensibles et les territoires ruraux de
développement prioritaire définis par l'article 42 de la loi
" Pasqua " du 4 février 1995.
186
Loi n° 96-659 du 26 juillet 1996
(précitée).
187
En réalité, cinq ans, à l'échelle de
la vie d'un pays ou d'une grande entreprise comme La Poste, ce n'est pas
beaucoup.
188
Cf. Titre premier, Chapitre III-I-A-2.
189
Cf. Titre premier, Chapitre III-I-A-2.
190
Cf. Titre Premier, Chapitre II-II-B-2.
191
Cf. critère retenu par la proposition de la loi
présentée supra : 3, c.
192
Voir la liste des personnes officiellement entendues sur ce
sujet en annexe 1.
193
Cf. Titre premier, Chapitres II-III-A.
194
Cf. Titre premier, Chapitre V-II.
195
Coût supplémentaire provoqué par la
distribution de la presse dès lors que La Poste distribue à titre
principal d'autres produits.
196
Rapport de synthèse de l'Inspection
générale des Finances et de l'Inspection générale
des Postes et Télécommunications sur l'aide au transport de
presse par voie postale, p.10.
197
Actuellement, les faiblesses constatées dans le comptage
de certains flux transportés et le poids des charges indivises
imputées à la presse ne permettent pas d'être
entièrement convaincus par les chiffres présentés par La
Poste. En effet, les principes sur lesquels repose la comptabilité
analytique de cette dernière aboutissent à affecter à un
produit donné des charges non affectables. Cette affectation intervient
une première fois au niveau des métiers de l'opérateur
(services financiers et courrier). Or, les charges imputables directement aux
métiers représentent 45 % du total des charges alors que les
charges indivises, réparties au moyen de clefs d'affectation, en
représentent 55 %. Cette affectation des produits et des charges
intervient une seconde fois, à l'intérieur du métier
courrier. Cependant les charges y sont réparties entre charges
opérationnelles et charges de structures, alors que seules les
premières sont identifiables et affectables au transport de presse.
198
Par une commission constituée à cet effet et
composée exclusivement de magistrats.
199
Minoration de 28 % par rapport aux augmentations
tarifaires acceptées par la profession en cinq ans (la durée
d'application des accords) de leurs factures d'acheminement postal.
200
N'oublions pas qu'à compter de l'entrée en
vigueur des règles posées par la directive postale
européenne en voie d'achèvement, les " subventions "
aujourd'hui indirectement versées par les clients du service public ne
seront plus légalement possibles.
201
Les éléments ayant permis ce calcul ont
été fournis par la Syndicat de la presse magazine et
d'information (SPMI).
202
KPN, La Poste néerlandaise ayant semble-t-il
déjà approché certains titres.
203
Le rapport présenté en 1995 par MM. Bernard
Villeneuve, directeur délégué de Desfossés
International et Michel Boyon, conseiller d'Etat, définit le portage de
presse comme : "
Un ensemble d'activités consistant à
acheminer durant une période déterminée, par
des moyens
exclusivement ou principalement affectés à cette fin
, un ou
plusieurs exemplaires d'un quotidien ou d'une publication directement jusqu'au
domicile ou à la résidence d'un particulier ou au siège
d'un établissement
". A l'étranger comme en France,
l'organisation du portage diffère d'un éditeur à l'autre :
recours à des salariés (porteurs de presse) ou à des
mandataires (filiales spécialisées, dépositaires,
diffuseurs, travailleurs indépendants, entreprises extérieures).
204
Pays où les tarifs de distribution postale sont -cela a
été signalé précédemment- beaucoup moins
élevés qu'en France.
205
Dénommé DELACH.
206
Document cité, p. 24.
207
Voir Titre premier, Chapitre I-III-A.
208
M. Patrice Cahart, délégué
général de l'AFB a été auditionné par votre
Commission des Affaires économiques et votre groupe d'études sur
l'avenir de la Poste et des Télécommunications, le 26 mars 1997.
209
Voir Titre premier, Chapitre premier II-B-1.
210
Voir dans le présent titre, chapitre II-I.
211
Voir Titre premier, Chapitre III-II-B.
212
Voir à ce propos les interrogations que cela
entraîne quant à l'évaluation pour La Poste du coût
du service public du transport de la presse (supra le chapitre III).
213
Voir le rapport Sénat n° 52 (1996-1997) :
" Banques : votre santé nous intéresse ".
214
L'article 7 de la loi du 2 juillet 1990, précisé
par l'article 32 du cahier des charges, ne la rend pas impossible.
215
Voir Titre premier, Chapitre premier I.
216
Voir Titre premier, Chapitre III-II-B.
217
Voir Titre premier, Chapitre premier-II-B-1.
218
Voir Titre premier, Chapitre IV-III-A-3.
219
Voir Titre premier, Chapitre IV-III-B-2.
220
Cf. la dépêche n°AA1234/161722 de l'Agence
France Presse du 16 octobre 1997.
221
Voir Titre premier, Chapitre V-E-4-c
222
Le CODEVI, par les contribuables ayant leur domicile fiscal en
France ainsi que leur conjoint ; le LEP, par les contribuables dont
l'impôt n'excède pas 4.000 francs par an ; le livret jeune,
par les jeunes entre 12 et 25 ans.
223
Voir Titre premier, Chapitre II-IV.
224
Cf ce chapitre, III et IV.
225
Voir les développements du Titre premier, chapitre V.
226
. Jusqu'ici rémunérée à ce titre sur
la base d'un forfait, La Poste devrait prochainement pouvoir facturer les
opérations affectant les comptes concernés et passer ainsi
à une relation du type fournisseur à client.
227
Voir le Titre premier, chapitre III-B-1.
228
Sur le taux des bons du Trésor à taux fixe (BTF)
à treize semaines, diminué d'une commission de 0,4 % en
contrepartie de la garantie accordée par l'État aux
dépôts sur les CCP, et situé dans une fourchette comprise
entre 4,75 % et 6,50 %.
229
En 1996, en plaçant 79 % des encours CCP à
moyen et long terme en bons du Trésor à cinq ans et en
obligations assimilables du Trésor à dix ans, et en ne conservant
que 21 % en emplois liquides BTF 13 semaines.
230
Pour les livrets A et B, les comptes et les plans
d'épargne-logement, les livrets et les plans d'épargne populaire,
ainsi que les CODEVI.
231
En vertu de l'article 925 du code général
des impôts.
232
Cf. Titre premier, Chapitre V-II.
233
N'oublions pas que La Poste est le premier employeur du secteur
marchand en France et que, à eux seuls, ses personnels
représentent 1,4 % de la population active.
234
Qui sur ce point se trouvait soumis aux mêmes dispositions
de la loi du 2 juillet 1990 que La Poste.
235
Financé par des droits réservés.
236
Voir ci-avant A-1.
237
Le mardi 21 octobre 1997. Voir le compte rendu de ces
débats à la fin du présent rapport.
238
Cf ce chapitre -I.
239
Cf ce chapitre - III.
240
Voir Titre premier, Chapitre V-II-D-3.
241
Article L.441-1 et suivants du code du travail.
242
Cf article de Frédéric Lemaître et Babette
Stern dans Le Monde du 23 juillet 1997.
243
Article publié dans la revue Le Débat, n°96,
septembre octobre 1996, et reproduit dans le journal Le Monde du 23 septembre
1997, p.1 et 15.
- 244 Cette délégation était composée de : M. Gérard Larcher, Rapporteur, Président du groupe d'études, M. Pierre Hérisson, vice-président du groupe d'études, M. René Régnault, vice-président du groupe d'études, M. Jean-Marie Rausch et M. Lucien Neuwirth.
246 Ce syndicat comprend à lui seul 220.000 membres.
247 C'est-à-dire un suivi permettant de connaître à chaque instant le stade d'acheminement de chaque colis.
248 Rapport Sénat n° 374 (1996-1997)
249 A la date de publication du rapport du GAO. Depuis, une reclassification est intervenue : la deuxième classe s'appelle désormais " Periodicals ", la 31ème et la 18ème classes ont été regroupées sous le nom de " Standard Mail ".
250 Rappelons qu'en Suède, 80 à 90 % des salariés sont affiliés à des syndicats, dont le poids est donc très important.
251 Dont 25 % de TVA.
252 Source : " Le Monde " du 16 septembre 1997.
253 M. Per Westberger a été ministre de l'industrie de 1991 à 1994. Il est vice-président de la commission des transports et des communications au Parlement suédois.
254 KPN : KONINKLIJKE PTT Nederland
255 Cf. General-Anzeiger du 17 mars 1997.