2. Une décision politique ambitieuse pour l'Europe : le timbre unique
Souvenons nous que la création du timbre poste en
France, au milieu du XIXe siècle, et la péréquation
tarifaire entre tous les usagers du service postal qui lui était
liée, politiquement audacieuses à l'époque, avaient
favorisé l'unification économique du territoire
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et s'étaient
révélées d'une totale pertinence économique.
Pourquoi alors, aujourd'hui, ne mettrions-nous pas l'idée de
postalisation du territoire au service de l'unité économique
européenne.
Créons un timbre à valeur unique pour le courrier inter-Etats
membres : l'euro timbre.
La circulation de flux postaux inter-Etats à un tarif unique sur
l'ensemble des territoires de l'Union permettra de développer un bel
exemple de solidarité européenne.
Fortement symbolique, une telle initiative permettrait d'affirmer
l'unité économique de l'Union européenne à la face
du monde. Surtout, elle donnerait à tous les habitants de l'Union un
instrument d'identité collective plus expressif encore que la monnaie
unique. D'ailleurs, comment, à terme, pourrait-on concevoir une monnaie
unique sans timbre unique ? Comment pourrait-on affirmer l'unité
économique du territoire européen en rejetant le principe de sa
postalisation
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)
?
Le prix du timbre unifié sur le courrier transfrontière devra
certes être fixé à un niveau acceptable par tous.
Il ne pourra être trop élevé car il emporterait la double
opposition des postes où le coût d'affranchissement est faible,
c'est-à-dire celles où la qualité de service n'est pas
exemplaire (en Espagne, par exemple) et celles dont la productivité est
forte (KPN, par exemple).
A l'inverse, s'il est fixé à un niveau trop bas, il aura sur les
postes dont les tarifs intérieurs élevés
apparaîtraient par comparaison disproportionnés (l'Allemagne mais
aussi la France), des effets équivalents au repostage.
Au total, la solution consisterait à associer à la
création du timbre européen, celle d'un fonds de
péréquation postal destiné à compenser la
différence existant pour certaines postes entre le prix de l'euro-timbre
et le tarif intérieur et à financer la modernisation des
réseaux nationaux défaillants (ceux de certaines postes du Sud de
l'Europe, notamment).
L'Europe ne doit pas avoir peur d'afficher ainsi, au moyen de symboles forts,
son ambition d'unité économique et de solidarité entre ses
membres.
La création d'un euro-timbre accentuerait, en outre, le
caractère " europhile " de la lutte contre le repostage
.
Ce problème résulte, en effet, si on en résume les termes,
à la différence existant entre le tarif d'affranchissement du
courrier sortant dans le pays d'origine et le montant des frais terminaux
alloués à la poste du pays où est installé le
destinataire de ce courrier.
La concertation menée par les postes européennes dans le cadre de
l'accord " Reims 2 " s'attache à faire en sorte que le
montant
des frais terminaux tiennent compte de la réalité
économique (c'est-à-dire des coûts de distribution).
Pourquoi ne pas jouer parallèlement sur l'autre plateau de la balance :
le prix des timbres sur le courrier transfrontières ?
Certes d'aucuns objecteront : n'est-il pas trop tard ? Les pays
des postes les plus performantes et les plus conquérantes peuvent-ils
encore être touchés par la " grâce de l'esprit "
européen, eux qui s'en réclament pourtant à chaque fois
qu'il s'agit de distendre les liens de solidarité sociale
existants ? N'empêche, peuvent-ils jouer sur tous les tableaux,
à la fois se déclarer les plus pro-européens et ne pas
jouer le jeu de la construction d'une solidarité
européenne ? Est-il encore possible aujourd'hui pour l'Union
européenne d'avoir d'autres horizons que celui des ambitions
mercantiles ? Votre rapporteur l'espère, mais il ne peut
s'empêcher d'en douter. N'est-il pas déjà trop
tard ?
En tout état de cause, les responsables politiques français
doivent avoir le courage et l'audace de mener une telle politique
européenne. Ce volontarisme doit être partagé par La Poste,
qui doit s'adapter à un monde postal en pleine évolution.