B. LES PARTICULARITÉS DE LA PROCÉDURE CIVILE
Deux caractéristiques de la procédure civile ont retenu particulièrement l'attention de la mission : d'une part, le procès civil est pour l'essentiel conduit par les parties dont les conseils, selon Lord Woolf, multiplient les tactiques de retardement ; d'autre part, mais ce n'est pas sans lien, la plupart des affaires se concluent par une transaction avant l'audience.
1. La faiblesse de la mise en état
Comme le rappelle Lord Woolf dans son rapport
d'étape
9(
*
)
:
"
La conduite des contentieux civils en Angleterre et au pays de
Galles, comme dans d'autres pays de common law, est par tradition de type
accusatoire. Encadrées dans un corps de règles de fond et de
procédure établi par l'Etat pour la résolution des litiges
civils,
10(
*
)
les parties
assument l'essentiel de l'initiative et de la conduite des débats dans
chaque affaire et le plaignant fixe habituellement la cadence. Le rôle du
juge consiste à trancher sur les questions choisies par les parties au
moment où elles décident de les soumettre à la
cour
".
De savants échanges de pièces, d'expertises et de
témoignages entre les parties sont ainsi menés par les solicitors
qui tentent parfois de noyer l'adversaire sous la masse des documents.
Cette grande liberté laissée aux parties par la procédure
anglaise explique l'essentiel des coûts et des retards constatés
aujourd'hui.
Elle accroît l'inégalité entre les parties en permettant
à la plus fortunée de l'emporter à l'usure en acculant
à la transaction la partie la plus faible lorsque ses ressources sont
épuisées.
2. Le volume élevé des transactions
Le coût des procédures, qui croît à
l'approche de l'audience, notamment avec l'intervention éventuelle du
barrister
11(
*
)
, conduit la
plupart des affaires civiles à une conclusion négociée
avant que le procès n'ait lieu.
Toutefois,
la grande majorité des conciliations n'aboutit qu'au seuil
du tribunal.
Le rôle est donc encombré d'affaires qui ne
viendront jamais à l'audience.
En-dehors des petites affaires qui relèvent d'une procédure
d'arbitrage accélérée,
90 % des affaires civiles
se conclueraient ainsi par une conciliation
. Pour les dommages corporels,
ce chiffre dépasserait 99 %...
Outre les coûts, l'un des instruments favorisant ce taux de transaction
est la procédure dite du "
Payment in
". Elle
permet au
défendeur
d'une action en
dommages-intérêts ou en paiement d'une dette de
déposer
auprès de la juridiction la somme qu'il propose au plaignant pour clore
le litige.
S'il refuse cette offre et qu'à l'issue du procès
le juge,
qui lui-même n'en a pas connaissance
, lui accorde une
somme égale ou inférieure, le plaignant doit prendre en charge
ses frais et ceux de son adversaire à compter de la date du
dépôt de la somme. Compte tenu de l'importance de ces frais, la
partie gagnant le procès peut donc le perdre financièrement.
Le plaignant se trouve ainsi placé par son adversaire devant un
véritable pari sur la jurisprudence qui relève parfois du quitte
ou double. Lord Woolf a donc proposé de rééquilibrer cette
procédure.