III. LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES D'AOÛT-SEPTEMBRE : UN SCRUTIN SOUS INFLUENCE

A. LE SYSTÈME ÉLECTORAL - L'ANNULATION DE LA LOI ÉLECTORALE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

· Un mode de scrutin plurinominal à un tour avec panachage :

Conformément à la tradition juridique libanaise, le mode de scrutin est plurinominal, c'est-à-dire majoritaire, à un tour, avec possibilité de panachage.

Comme la Chambre des Députés est élue sur une base communautaire (64 chrétiens et 64 musulmans), les listes sont en principe composées en tenant compte de la répartition des sièges entre les communautés confessionnelles. Par exemple, le Chouf est représenté par 2 députés druzes, 3 maronites, 1 catholique et 2 sunnites. En août dernier, c'est toute la liste qui est passée. En revanche, si les électeurs usent de leur faculté de panachage, il peut arriver qu'un candidat ayant obtenu la majorité ne soit pas proclamé élu, dans le cas où la confession a déjà fait le plein des sièges qui lui étaient réservés, ce qui confirme la difficulté de concilier le système communautaire avec le principe de base : " Un homme, une voix ".

· Le choix de la circonscription

L'histoire électorale du Liban a vu se succéder deux catégories de circonscriptions électorales : le Caza ou canton et le Mohafazat (ou gouvernorat) qui peut être assimilé au département (il y a six gouvernorats : Beyrouth, Liban-Nord, Mont-Liban, Liban-Sud, Bekaa et Nabatiyé).

Le choix de la circonscription revêt une importance particulière au Liban

Dans une petite circonscription, l'élection du député aura une base confessionnelle plus marquée tandis que l'élection dans une circonscription plus grande comme le mohafazat dépendra moins du clientélisme communautaire.

D'autres personnalités politiques comme le Président du Conseil préconisent l'élection dans une circonscription unique qui favoriserait l'émergence de partis politiques modernes dont les programmes dépasseraient les frontières communautaires.

Jusqu'à l'accord de Taëf, c'était le Caza qui constituait la circonscription de base. Ainsi en 1960, on dénombrait 26 circonscriptions élisant chacune 3 à 8 députés.

L'accord de Taëf a retenu le Mohafazat comme circonscription électorale car l'idée était de renforcer l'intégration nationale.

En violation de cet accord, ces élections de 1992 ont été réalisées sur la base d'un découpage de circonstance dans la mesure où des circonscriptions ont été découpées sur mesure au Mont-Liban, dans la Bekaa, au Liban-Sud et à Nabatiyé dans le souci de favoriser les candidats progouvernementaux.

Pour les élections de 1996, la Chambre des Députés a retenu le Mohafazat sauf pour le Mont-Liban qui a été divisé en 6 circonscriptions électorales correspondant aux cazas de ce gouvenorat 22( * ) . Par ailleurs, la loi électorale " fusionne" les deux gouvernorats du sud du Liban.

Ce texte a suscité la colère des milieux maronites car le découpage a été réalisé de telle sorte que chaque communauté puisse en fait désigner ses propres représentants dans le Mont-Liban ( 35 députés dont 24 chrétiens), alors que dans les autres régions, les musulmans majoritaires ont pu peser sur le choix des députés chrétiens. Le principe d'égalité était ainsi mis en cause.

C'est d'ailleurs sur la base de ce grief que la loi électorale a été déférée au Conseil constitutionnel qui l'a annulée, motif pris de ce que le principe d'égalité dans la délimitation des circonscriptions ne pouvait être écarté par le législateur, sauf dans des circonstances exceptionnelles.

Le Parlement, après les habituelles consultations damascéennes, a rebondi à partir de ce considérant -qui était un obiter dictum- pour rétablir le découpage à deux dimensions, mais " pour une fois et à titre exceptionnel pour des raisons conjonctuelles liées à l'intérêt supérieur général ".

La " nouvelle " loi n'a pas été déférée au Conseil constitutionnel. Rien ne permet d'assurer que le texte nouveau assorti de sa clause de style eût été validé, car la notion de " circonstances exceptionnelles ", si elle peut être appréciée souverainement par le Parlement, n'échappe pas au contrôle minimum du juge constitutionnel qui est en droit de vérifier si le législateur a ou non commis une erreur manifeste d'appréciation. A cet égard, le Président du Conseil constitutionnel, M. Wajdi Mallat, a cité les décisions " Evolution de la Nouvelle-Calédonie " 23( * ) , ce qui confirmait, si besoin en était, sa parfaite connaissance de la jurisprudence constitutionnelle française.

Faute d'un deuxième recours, la loi électorale est entrée en vigueur, à quelques jours du premier dimanche électoral, car le scrutin s'est déroulé sur cinq dimanches, un par région électorale du 18 août jusqu'au 15 septembre.

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