C. LE LIBAN " FINLANDISÉ " ?

C'est en 1976 que les Syriens sont entrés au Liban sous les couleurs de la Ligue Arabe puisqu'ils constituaient la force arabe de dissuasion avec plusieurs autres contingents nationaux. Depuis lors, ces contingents ont quitté le Liban et les Syriens sont les seuls à être restés.

Aujourd'hui, le gros des forces syriennes s'est concentré dans la Vallée de la Bekaa qui a pour la Syrie une importance stratégique capitale, car il s'agit d'un couloir qui ouvrirait la voie à l'armée israélienne vers des villes comme Damas, Homs et Hama. Les forces syriennes ont installé un peu partout des barrages filtrants, même s'il est vrai que l'armée libanaise se substitue progressivement aux Syriens. Ainsi, M. Rafic Hariri, Président du Conseil des Ministres, a assuré qu'il n'y avait plus de barrages syriens dans Beyrouth. A cela, il faut ajouter que les services secrets libanais se trouvent sous la coupe des Syriens.

Troupe d'occupation ou forces de stationnement ?

Si l'on met à part les Libanais qui souhaitent une collaboration très poussée avec la Syrie, les Libanais sont partagés entre l'indifférence, parfois feinte, la résignation et l'inquiétude la plus vive. En tout cas, les Syriens peuvent justifier leur " présence " par le fait incontestable que le retour à la paix civile a permis de préserver l'unité du Liban. La " pax syriaca " n'aurait donc pas que des inconvénients. Ainsi, selon M. Abdel-Halim Khaddam, Vice-Président de la République Arabe de Syrie, le Liban aurait été " rayé de la carte " sans l'intervention de la Syrie.

Aujourd'hui, il n'est pas certain que la Syrie veuille ou même puisse annexer purement et simplement le Liban. M. Rafic Hariri l'a marqué dans un entretien au quotidien " Libération " " Nous ne sommes pas à vendre et les Syriens ne sont pas acheteurs ".

On peut en effet estimer que les préoccupations fondamentales du régime syrien sont d'un autre ordre. Son premier souhait est de récupérer les territoires perdus par les armes en 1967, soit le Golan. La Syrie entend ensuite assurer sa sécurité en évitant l'encerclement par la Turquie, la Jordanie et Israël. A terme, les Syriens qui n'ont pas oublié le passé prestigieux de la Dynastie des Omeyades n'auront de cesse de vouloir occuper une place prépondérante parmi les pays du Proche-Orient.

Traité de fraternité, de coopération et de coordination entre la République libanaise et la République arabe syrienne
- 22 mai 1991 -

Préambule et articles premier à 3

La République libanaise et la République arabe syrienne, eu égard aux relations privilégiées qui les unissent et qui tirent leur force de leur voisinage, de leur histoire, de leur appartenatce, de leur destin et de leurs intérêts communs ; convaincues que la réalisation de la coopération et de la coordination les plus larges sert leurs intérêts mutuels, garantit leur progrès et leur développement, assure leur sécurité nationale, protège leur prospérité et leur stabilité, leur donne les moyens d'affronter tous les événements régionaux et internationaux, et répond aux aspirations des populations des deux pays, conformément au Document d'Entente nationale approuvé par le Parlement libanais le 5 novebre 1989, conviennent de ce qui suit :

Article 1 - Les deux Etats oeuvrent à la réalisation des plus hauts degrés de coopération et de coordination dans tous les domaines : politique, économie, sécurité, culture, sciences et autres, réalisant ainsi l'intérêt des deux pays dans le respect de la souveraineté et de l'indépendance de chacun d'eux. Ceci leur permet d'utiliser leur potentiel politique, économique et leurs moyens de sécurité afin d`assurer la prospérité et la stabilité de manière à garantir leur sécurité nationale, de développer leurs intérêts communs et de consolider leurs relations fraternelles, ce qui garantit leur avenir commun.

Article 2 - Les deux Etats oeuvrent pour réaliser la coordination et la coopération dans tous les secteurs de l'économie, y compris l'agriculture, l'industrie, le commerce, le transport, les douanes et les communications, entreprennent des projets et des plans de développement communs.

Article 3 - L'interdépendance de la sécurité des deux Etats nécessite que le Liban ne soit, à aucun moment, une source de menace pour la sécurité de la Syrie, et inversement. C'est pourquoi, le Liban ne permettra pas que son territoire soit utilisé comme un point de passage, ou comme un foyer pour toute force, tout Etat ou toute organisation qui aurait l'intention de mettre en danger sa sécurité ou celle de la Syrie, tandis que la Syrie sera soucieuse de préserver la sécurité, l'unité, l'indépendance du Liban et l'entente entre les Libanais, et ne permettra aucune action qui constituerait une menace ou un danger pour la sécurité, l'indépendance et la souveraineté du Liban.

Dans ces conditions, on ne voit pas quel profit direct ou indirect la Syrie tirerait d'une annexion en bonne et due forme du Liban, qui, en outre, serait mal perçue des autres pays arabes comme l'a montré l'exemple du Koweit.

Mieux vaut sans doute pour la Syrie en rester à la situation actuelle qui lui permet d'exercer une mainmise moins voyante sur les institutions libanaises.

Les Syriens ont d'autant plus intérêt au maintien du statu quo qu'il a été consacré juridiquement par l'accord de Taëf et le traité de fraternité de coopération et de coordination entre la République libanaise et la République arabe syrienne.

Cet accord et ce traité aboutissent peu ou prou à une forme de finlandisation qui s'apparente à un protectorat, à un mandat de la Syrie sur le Liban . L'indépendance et la liberté d'action du Liban sont préservées, du moins en apparence, mais les autorités libanaises doivent " coopérer " avec la Syrie et s'interdisent d'engager une action que Damas estimerait contraire à sa sécurité ou à ses intérêts fondamentaux.

Il est constant que la navette entre Beyrouth et Damas fait partie du processus de délibération politique et notamment que la formation du Gouvernement est précédée de diverses consultations damascéennes 21( * ) . Ainsi, vers la mi-octobre, M. Nabib Berry, Président sortant de la Chambre des Députés, s'est rendu à Damas pour conférer pendant près de trois heures avec le Président syrien sur la formation du gouvernement libanais.

Il est évident que la présence de 35 000 militaires syriens ne peut que peser sur les décisions du Gouvernement.

Arbitres du jeu politique libanais, les Syriens n'ont pas pu se désintéresser du renouvellement de la Chambre des Députés.

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