CHAPITRE PREMIER : VERS UNE CONCEPTION COMMUNE DE LA SÉCURITÉ : LES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE DE L'UEO
Ce chapitre traitera des thèmes qui ont fait l'objet des débats de l'Assemblée de l'UEO au cours de la période considérée, qu'il s'agisse des perspectives ouvertes par la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne, du rôle de l'UEO en tant que pilier européen de l'Alliance atlantique ou de ses capacités opérationnelles, notamment dans le domaine de l'observation spatiale.
L'Assemblée a également débattu de la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique, de la situation dans l'ancienne Yougoslavie de questions régionales (Méditerranée orientale, Ukraine, Mer Baltique) du rôle des Parlements nationaux en matière de sécurité et de défense et de son budget de fonctionnement.
SECTION I : L'UEO ET LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE DE L'UNION EUROPÉENNE
I. LA PRÉPARATION DE MAASTRICHT II
Dès l'ouverture de la session, le 29 juin 1995, L'Assemblée de l'UEO abordait la discussion du rapport (doc 1458 et amendements) de Mme AGUIAR (Portugal, social-démocrate) sur l'avenir de la sécurité européenne et la préparation de Maastricht II, en réponse au 40ème rapport annuel du Conseil.
Si une fusion entre l'Union de l'Europe occidentale et l'Union européenne n'est pas réalisable pour le moment, cela ne doit pas pour autant empêcher la mise en route d'un processus d'intégration progressive des deux organisations et leurs pays membres devraient a terme "coïncider" avec ceux de l'OTAN. Tel est le message essentiel que l'assemblée a voulu transmettre au Conseil en adoptant le rapport présente par Mme AGUIAR au nom de la commission politique.
Allant au coeur du débat en cours sur l'identité de l'UEO en tant que système de défense, ce rapport indique qu'une fusion sera difficile tant que les pays membres de l'UEO et de l'Union européenne et les membres européens de l'OTAN ne seront pas identiques. Cinq membres de 1 Union européenne - l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Irlande et la Suède -ne sont pour l'instant pas membres de l'UEO tandis que la Turquie, la Norvège et l'Islande sont membres de plein droit de l'OTAN, mais non de l'UEO C'est pourquoi l'Assemblée invite le Conseil des ministres de 1 UEO à "faire en sorte qu'aucune mesure tendant à l'intégration progressive de l'UEO à l'Union européenne ne puisse compromettre la coopération étroite entre l'UEO et l'OTAN" Elle demande également au Conseil de veiller a ce que la Conférence intergouvernementale de 1996 aboutisse a l'approfondissement du Traité de Maastricht afin de permettre "que le pays membres de l'UEO, ceux de l'Union européenne et les pays européens de l'OTAN finissent, graduellement, par coïncider".
Dans la présentation de son rapport, Mme AGUIAR a indiqué que l'important est de savoir si c'est dans le cadre de l'Union européenne à quinze -soit pas un pilier dit communautaire, soit pas un pilier dit intergouvernemental- ou plutôt dans le cercle plus homogène de l'UEO à dix, que l'on pourra aboutir plus rapidement, plus aisément, à des progrès réels dans la construction d'une vraie communauté de défense en Europe
La diversité des statuts des pays participant aux travaux de l'UEO ne trouve pas de parallèle dans l'Union européenne et permet à l'UEO de se présenter, d'une part, comme le "noyau dur" en matière de défense et, d'autre part, comme une organisation ouverte, coopérant, à vocation vraiment européenne Une communauté de défense ancrée sur la double appartenance aux Traités de Bruxelles et de Washington ne coïncide pas avec le cercle l'Union européenne Aussi longtemps que cette réalité demeurera, il n'est pas réaliste de vouloir fusionner l'UEO dans l'Union européenne, a estimé le rapporteur On ne parvient pas à fusionner une volonté politique qui fait défaut, au nom de la "cohérence théorique" ou à l'aide d'une vision idéologique Aussi longtemps qu'il y aura des membres de l'Union européenne -un tiers du total aujourd'hui- qui ne sont pas prêts à s'intégrer à l'UEO, l'autonomie de l'UEO sera un atout pour la construction de l'Europe de la défense.
On n'y parviendra pas par des réformes inspirées par une conceptualisation séparée du monde réel, a souligné le rapporteur. Toute solution proposant la "communautarisation" de la politique de défense, voire la fusion de l'UEO dans la PESC est toujours utopique, à un moment où les États refusent un tel transfert de souveraineté, aucun État n'acceptant d'engager son armée et de sacrifier ses soldats au vote majoritaire. La seule hypothèse d'intégration de l'UEO serait la création d'un quatrième pilier intergouvernemental où elle puisse garder toutes ses compétences actuelles.
Mme AGUIAR a déclaré : "On n'avance pas par la voie législative, mais par celle de l'entente entre États. Nous estimons que l'on ne se rend pas suffisamment compte des possibilités de progrès que l'on peut obtenir par le moyen intergouvernemental. L'UEO doit proposer de devenir le moteur d'une politique européenne de sécurité et de défense. Pendant trop longtemps, l'UEO n'est pas passée des virtualités aux actes. Le Traité commence à peine à porter ses fruits depuis que les pays signataires ont enfin décidé de s'en servir. La situation est devenue plus positive aujourd'hui qu'au moment où l'on a conclu les négociations de Maastricht ; on peut espérer, d'ici cinq ou dix ans, un bilan favorable, l'UEO offrant à l'Union européenne un "acquis" considérable "
Nos grandes priorités, a indiqué le rapporteur, doivent être le renforcement de la sécurité des citoyens et des États et le renforcement du principe démocratique en Europe. Sur ce dernier point, Mme AGUIAR s'est prononcée pour la création, à côté du Parlement européen, d'une deuxième Chambre composée de parlementaires nationaux.
Le rapporteur a également souhaité le renforcement des pouvoirs du Secrétaire Général de l'UEO et la tenue de sommets réguliers des Chefs d'État et de gouvernement jumelés avec les réunions du Conseil européen, "organisés de préférence avant ces réunions, pour que ce soit l'UEO qui puisse avancer des propositions à l'ensemble plus vaste des Quinze de l'Union européenne."
Intervenant dans la discussion, M Jean VALLEIX, député (RPR) Président de la délégation française, a déclaré souscrire à l'essentiel des thèses avancées par le rapporteur. Le Président VALLEIX a notamment déclaré : "En matière de défense - ne l'oublions pas - les décisions relèvent de la souveraineté des États et ce, sans doute pour pas mal de temps encore. Par conséquent, la notion de "communautarisation" évoquée parfois par certains me paraît à la fois aussi irréaliste que, par ailleurs, une faute contre des principes fondamentaux. Il faut que nous mesurions les limites de Maastricht, les limites de l'Union européenne, en toute simplicité et sans esprit d'agressivité. Il est évident, comme on le voit dans les problèmes que connaît aujourd'hui, malheureusement, la Yougoslavie, que des décisions collégiales ne permettent pas à l'Europe d'être un corps de gouvernement, un corps de décision à même d'engager des États et leurs populations dans des actions militaires, fussent-elles de maintien de la paix. Par conséquent, l'UEO ne peut être le bras armé d'une sorte de corps sans tête."
Après avoir invité à la prudence dans le processus d'ouverture de l'UEO, M. VALLEIX a conclu en ces termes : "...si Maastricht a été sans doute un pas en avant, je ne suis pas certain qu'il ait été tout à fait un pas dans le bon sens. Faire passer la monnaie, la finance, la banque avant l'économie et l'économie avant l'homme, ne correspond pas exactement à la démarche que je souhaitais, étant donné ma conception philosophique des choses. En vérité, je l'ai trouvée inversée. Mais, surtout, je n'y ai trouvé que des têtes de paragraphe concernant la diplomatie et la défense J'espère que nous sommes, sur la voie de la Conférence intergouvernementale de 1996, en train de nourrir les paragraphes, pour ne pas dire les chapitres concernant la défense et la diplomatie. La véritable avancée de l'Europe se fera par la diplomatie et par la défense. Raison de plus de rappeler que l'UEO a une mission spéciale en la matière, qui est d'abord politique et qui ne consiste pas simplement à s'insérer dans tel ou tel dispositif préexistant "
A l'issue du débat, l'Assemblée a adopté la recommandation (n° 575)