III. LE TAUX DE CROISSANCE INDIEN
Le bilan économique des trois premières décennies de l'indépendance est, en dépit de résultats significatifs dans plusieurs secteurs, notamment l'agriculture, en définitive décevant, et apparaît comme nettement insuffisant à partir des années 1970.
Cela tient en particulier à l'explosion démographique. La chute du taux de mortalité infantile de 36 %, à 15 %, entraîne une augmentation du taux de croissance de la population de 1,25 % dans les années 1940 à 2, 2 % ou il se situe encore actuellement. La population de l'Inde double pour atteindre 680 millions d'habitants en 1981. La croissance démographique annule, dans une large mesure, les effets de la croissance. Celle-ci s'avère nettement plus lente que dans le reste de l'Asie. Elle s'établit à 3 5 % en moyenne sur l'ensemble de la période, contre plus de 5 % aux voisins de l'Inde, et ceci en dépit d'investissements élevés. Les commentateurs parlent avec commisération d'un « taux de croissance indien », dont la modestie entraîne une régression de la part de l'Inde dans l'économie mondiale. L'Inde représentait 12 % dans la production du tiers-monde en 1950, cette part tombe a 4.5 % en 1980, 10 ème puissance industrielle en 1950, elle n'occupe plus que la 27 ème position en 1980. Ramenée au nombre d'habitants, la production de l'Inde se retrouve à la 100ème place dans le monde.
IV. LES PREMIÈRES TENTATIVES DE RÉFORME
À la fin des années 1970, le système économique commence à être mis en question. Les faiblesses d'un développement qui a tourné le dos au marché mondial sont reconnues. Les usines ont vieilli. Les produits sont de qualité médiocre et souvent périmés : les modèles de voitures ont 15 ans d'âge. Le secteur public, qui a été considérablement étendu, tourne le plus souvent à perte. La pauvreté ne recule que lentement et le chômage est en hausse. Le mécontentement se développe dans tous les milieux.
Conscient de cette situation Rajiv Gandhi, qui succède à sa mère en 1984, s'engage sur la voie des réformes et promet de préparer l'Inde « à entrer dans le 21 ème siècle ». Mais les changements qu'il introduit sont timides et de demi-mesures en demi-mesures, l'Inde s'achemine, au cours des années 1980-1990, vers une crise grave qui débouchera en 1991 sur un changement profond d'orientation.
Rajiv Gandhi critique les mauvaises performances du secteur public, mais n'ose pas s'engager dans un assainissement radical incluant des privatisations. L'ouverture sur l'extérieur qu'il souhaite ne progresse qu'à petit pas. Les contrôles de l'administration sur le secteur privé se relâchent, mais restent pesants et continuent de freiner l'initiative.
Pour insuffisants qu'ils soient, ces changements accélèrent la croissance du PNB dont le taux atteint 5.5 %. Le secteur industriel progresse de 7 % par an, notamment dans la production des biens semi-durables. La mise en valeur du gisement off-shore de pétrole et de gaz au nord de Bombay constitue un des apports les plus positifs de cette période.
Mais la progression des exportations reste modeste alors que les importations s'envolent. Aussi la croissance s'accompagne-t-elle d'un déficit extérieur important et d'un endettement qui devient critique à la fin de la décennie : 24 milliards de dollars en 1981. 64 milliards de dollars en 1991. L'inflation, inférieure à 5 % en 1985-86, fait un bond à 17 % en 1991.
Deux facteurs extérieurs, la guerre du Golfe et l'implosion de l'URSS, transforment l'impasse économique en crise ouverte. La hausse du prix du pétrole, le tarissement des transferts financiers des travailleurs indiens expatriés au Moyen Orient, les retraits de fonds opérés par les Indiens non résidents, inquiets de la détérioration de la situation du pays, provoquent une crise des paiements aiguë. Au printemps de 1991 les réserves en devises ne représentent plus que 15 jours d'importations. Le service de la dette est mis en danger. New Delhi en appelle à l'aide internationale. Mais Gouvernements et institutions internationales font la sourde oreille au moment même où les élections du printemps 1991 ont lieu et où Rajiv Gandhi est assassiné. De la crise émergeront les réformes qui, même si elles sont incomplètes à de nombreux égards, modifient radicalement l'orientation générale de la politique indienne. « Le monde », déclarera le nouveau ministre des finances, Manmohan Singh, « doit comprendre que l'Inde a changé ».