Liberté laissée à l'entreprise de continuer à recruter des fonctionnaires
Autant les obligations morales et juridiques souscrites par
l'Etat envers les fonctionnaires de France Télécom
recrutés avant la sociétisation de l'opérateur sont
irréfragables, autant ses liens avec ceux qui seront embauchés
postérieurement peuvent apparaître plus ténus. Certes, les
uns et les autres auront à participer à l'accomplissement des
missions de service public.
Cependant, dans le premier cas, les agents avaient initialement choisi
d'embrasser une carrière administrative. Bien peu auraient pu
prévoir qu'au cours de cette carrière, ils seraient amenés
à travailler dans une structure juridique de type commercial. Il est
donc juste et équitable de prendre les moyens de leur assurer la
poursuite de leur carrière en dépit de la transformation
juridique de leur employeur.
Telle n'est pas la situation dans le second cas. Tous les nouveaux
employés de la société France Télécom
sauront, dès leur embauche, qu'ils entrent dans une entreprise à
part entière.
Doit-on alors
systématiquement
traiter de manière
identique des situations fondamentalement dissemblables ? L'Etat doit-il
automatiquement
accorder les mêmes garanties à des
personnes envers lesquelles il n'a nullement pris les mêmes engagements
initiaux ? Votre commission n'en est guère convaincue. Par bien des
aspects, une réponse positive à ces questions lui semblerait
même de nature à induire une injustice à rebours, car ceux
auxquels il est le plus dû recevraient autant que ceux auxquels il est
peu dû.
Sans compter que la poursuite d'un recrutement quasi exclusif de fonctionnaires
entraînerait d'autres effets pervers.
Ainsi, le respect des règles de la fonction publique impliquerait le
recours aux seules procédures du concours administratif pour
sélectionner les candidats à un emploi. Or, il est de
notoriété publique que ces procédures -parfaitement
adaptées à un contexte administratif- sont lourdes à
mettre en oeuvre. Elles répondent en définitive assez mal aux
impératifs de réaction rapide qui seront ceux de France
Télécom dans un environnement concurrentiel.
D'aucuns pourraient, bien sûr, objecter qu'on pourrait surmonter cette
difficulté en procédant au recrutement de contractuels pendant la
durée de mise en oeuvre du concours et, en pourvoyant ensuite les postes
avec les lauréats du concours.
Mais que faire si les lauréats du concours ne sont pas les contractuels
ayant commencé à occuper les emplois ? Se séparer des
contractuels même s'ils étaient efficaces ? Les garder en
surnombre ?
On le voit bien, pour les embauches postérieures à la
sociétisation,
l'assujettissement complet
de France
Télécom aux règles spéciales du statut de la
fonction publique finirait par devenir pénalisant pour
l'opérateur.
Faut-il pour autant interdire tout recrutement de fonctionnaire ? Votre
commission ne le juge pas plus souhaitable.
Pour la gestion des personnels, les rigidités inhérentes au
statut de la fonction publique dans la gestion des carrières ne sont
pesantes que dans la mesure où les hommes et les femmes auxquels ce
statut s'applique rencontrent des difficultés pour s'adapter au
changement. C'est loin d'être le cas des différentes
catégories de fonctionnaires de France Télécom qui ont,
bien au contraire, su démontrer leur grande capacité d'adaptation
au cours des vingt dernières années.
Bien plus, toute la logique de la réforme proposée se trouve, au
total, fondée sur la confiance dans cette capacité d'adaptation
de la communauté humaine qui compose l'entreprise. Le choix de garantir
l'emploi et les carrières des actuels agents de France
Télécom, en dépit de la disparition d'un monopole qui
rendait facile la mise en oeuvre d'une telle garantie, n'a pas d'autre source.
Aussi, après sociétisation, conviendrait-il de laisser
à l'entreprise la liberté d'apprécier, selon les cas,
l'intérêt de recourir ou non aux règles de la fonction
publique pour pourvoir les emplois qu'elle offrira.