L'avenir de France Télécom: un défi national
M. Gérard Larcher, Sénateur
Rapport No 260 / 1995 - 1996 / Commission des Affaires économiques et du Plan
Table des matières
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AVANT-PROPOS
- TITRE I : FRANCE TÉLÉCOM : LE CHANGEMENT COMME SEUL HORIZON, UN DÉFI NATIONAL À RELEVER
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CHAPITRE I - FRANCE TÉLÉCOM EST UNE ENTREPRISE STRATÉGIQUE POUR LA FRANCE: SON
AVENIR EST UN ENJEU NATIONAL
- FRANCE TÉLÉCOM EST AUJOURD'HUI L'UNE DES PLUS GRANDES ENTREPRISES FRANÇAISES
- FRANCE TÉLÉCOM EST UNE CARTE MAÎTRESSE POUR LA FRANCE
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CHAPITRE II : FRANCE TÉLÉCOM EST HÉRITIÈRE D'UNE LONGUE TRADITION
ADMINISTRATIVE, SOURCE D'ATOUTS ET DE VULNÉRABILITÉS
- ELLE A HÉRITÉ D'UNE TRADITION ADMINISTRATIVE CONTRASTÉE
- LES ATOUTS DU LEGS ADMINISTRATIF
- LES VULNÉRABILITÉS NÉES DU PASSÉ
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CHAPITRE III : FRANCE TÉLÉCOM EST CONFRONTÉE
À CINQ DÉFIS MAJEURS
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TITRE II : LES RÉPONSES LES PLUS ADAPTÉES
DOIVENT ÊTRE FORMULÉES SANS TARDER -
CHAPITRE I - LES DÉCISIONS À PRENDRE SONT D'ABORD POLITIQUES
- ELLES INCOMBENT, POUR L'ESSENTIEL, AUX REPRÉSENTANTS DE LA NATION ET NON À L'ENTREPRISE
- ELLES NÉCESSITENT UNE CLARIFICATION DU VOCABULAIRE
- ELLES IMPOSENT A LA FOIS DÉBAT DÉMOCRATIQUE ET DIALOGUE SOCIAL
- ELLES DOIVENT REPOSER SUR DES ENGAGEMENTS FORTS DU GOUVERNEMENT
- ELLES SUPPOSENT UN CALENDRIER DE MISE EN OEUVRE FERME ET RAPIDE
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CHAPITRE II - LA LOI DE " DÉMONOPOLISATION " DOIT ÊTRE
UNE LOI DE CONSOLIDATION DU SERVICE PUBLIC ET DE RÉGLEMENTATION DE LA
CONCURRENCE
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LA DÉMONOPOLISATION DOIT ÊTRE ACCOMPAGNÉE DE MESURES DE CONSOLIDATION DU
SERVICE PUBLIC
- AUCUN OBSTACLE JURIDIQUE NE S'OPPOSE AU MAINTIEN, EN ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL, DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC ASSURÉES AUJOURD'HUI DANS LE CADRE DU MONOPOLE
- LA NOTION DE SERVICE PUBLIC DES TÉLÉCOMMUNICATIONS DOIT ÊTRE CLARIFIÉE, MODERNISÉE ET OUVERTE SUR L'AVENIR
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LA DÉMONOPOLISATION DOIT AVOIR POUR COROLLAIRE UNE RÉGLEMENTATION ÉQUILIBRÉE DE
LA CONCURRENCE
- NI CONCURRENCE DÉBRIDÉE, NI PROTECTION EXCESSIVE DE L'OPÉRATEUR HISTORIQUE
- NI RÉGLEMENTATION FIGÉE, NI RENONCEMENT DE L'ÉTAT RÉPUBLICAIN À SES RESPONSABILITÉS RÉGALIENNES
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LA DÉMONOPOLISATION DOIT ÊTRE ACCOMPAGNÉE DE MESURES DE CONSOLIDATION DU
SERVICE PUBLIC
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CHAPITRE III : L'AVENIR DE FRANCE TÉLÉCOM PASSE PAR LE SERVICE PUBLIC, LA
POURSUITE DU RÉAJUSTEMENT TARIFAIRE ET SA
" SOCIÉTISATION "
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FRANCE TÉLÉCOM DOIT DEMEURER L'OPÉRATEUR D'UN SERVICE PUBLIC ASSURÉ SUR
L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE
- DES SOLUTIONS D'UNE AUTRE NATURE SONT RETENUES PAR LES PAYS D'ORIGINE DES DEUX GRANDS PARTENAIRES DE NOTRE OPÉRATEUR HISTORIQUE
- DES SOLUTIONS D'UNE AUTRE NATURE SONT ÉGALEMENT SOUHAITÉES EN FRANCE
- LA SOLUTION LA PLUS CONFORME À NOS TRADITIONS NATIONALES GARANTIT LA CONTINUITÉ DU SERVICE
- LES OBLIGATIONS SPÉCIFIQUES DE L'OPÉRATEUR PUBLIC DOIVENT ÊTRE JUSTEMENT COMPENSÉES
- FRANCE TÉLÉCOM DOIT POURSUIVRE SON RÉAJUSTEMENT TARIFAIRE
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POUR RÉUSSIR FRANCE TÉLÉCOM DOIT DEVENIR UNE SOCIÉTÉ ANONYME À MAJORITÉ
DÉTENUE PAR L'ÉTAT
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LA TRANSFORMATION DE FRANCE TÉLÉCOM EN SOCIÉTÉ ANONYME DÉTENUE MAJORITAIREMENT
PAR L'ÉTAT EST INDISPENSABLE
- La sociétisation est la clef de la réussite internationale
- La sociétisation ne saurait s'envisager qu'avec l'Etat comme actionnaire majoritaire : l'entreprise doit rester une entreprise publique
- La sociétisation ne créerait aucun obstacle à l'attribution de ses actuelles compétences à France Télécom
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LA PRÉOCCUPATION SOCIALE ET LE RESPECT DES DROITS DU PERSONNEL DOIVENT ÊTRE
PLACÉS AU COEUR DE L'OPÉRATION DE SOCIÉTISATION
- Maintien solennel du statut de fonctionnaire des personnels
- Liberté laissée à l'entreprise de continuer à recruter des fonctionnaires
- Incitation à la conclusion de conventions collectives de groupe et de branche
- Développement de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise
- Réservation d'une part significative de l'opération de sociétisation aux personnels
- Echange d'une participation en capital avec Deutsche Telekom
- Ajustement des charges de retraite de France Télécom sur les prélèvements sociaux de droit commun
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Ouverture de nouveaux droits aux personnels pour leur offrir des libertés de
choix
- Possibilités de reclassement volontaire dans la fonction publique nationale, voire territoriale
- Liberté effective pour un fonctionnaire de choisir le statut de salarié de droit privé sous convention collective
- Amplification des programmes et des moyens consacrés à la formation professionnelle interne
- Instauration par la loi d'un régime exceptionnel de retraite anticipée pour les fonctionnaires souhaitant quitter une entreprise appelée à perdre son caractère d'administration.
-
LA TRANSFORMATION DE FRANCE TÉLÉCOM EN SOCIÉTÉ ANONYME DÉTENUE MAJORITAIREMENT
PAR L'ÉTAT EST INDISPENSABLE
-
FRANCE TÉLÉCOM DOIT DEMEURER L'OPÉRATEUR D'UN SERVICE PUBLIC ASSURÉ SUR
L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE
- CONCLUSION
- ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES LORS DES AUDITIONS, ENTRETIENS ET RENCONTRES RÉALISÉS POUR LA PRÉPARATION DU RAPPORT D'INFORMATION
- ANNEXE 2 : LES EFFORTS DE RÉÉQUILIBRAGE TARIFAIRE DÉJÀ ENTREPRIS PAR FRANCE TÉLÉCOM
- ANNEXE 3 : ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
- ANNEXE 4 : EXTRAITS DU CAHIER DES CHARGES DE FRANCE TÉLÉCOM
- (CONDITIONS GÉNÉRALES D'EXÉCUTION DES SERVICES PUBLICS ET CONTRIBUTIONS AUX MISSIONS DE L'ÉTAT)
- ANNEXE 5 : RÉSOLUTION N°53 DU SÉNAT, RELATIVE À PLUSIEURS PROPOSITIONS ET PROJETS DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES DANS LE DOMAINE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
- ANNEXE 6 : STATUT DES PREMIERS OPÉRATEURS MONDIAUX DE TÉLÉCOMMUNICATIONS
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
C'est le 8 novembre dernier que la Commission des Affaires économiques
du Sénat a confié à votre rapporteur la mission
d'élaborer un rapport d'information sur l'avenir de France
Télécom, dont le thème directeur était
" France Télécom face à ses défis et les
réponses à préparer ". Il lui était ainsi
demandé de donner une suite au rapport d'information sur " l'avenir
du secteur des télécommunications en Europe " qu'il avait
présenté et que la commission avait approuvé le 30
novembre 1993. Il s'agissait, à travers ce nouveau rapport
d'information, de fournir au Sénat des éléments
d'appréciation pouvant contribuer à enrichir ses
réflexions sur les réformes envisagées, par le
Gouvernement, dans le domaine des télécommunications.
Pour répondre au mandat qui lui était confié, votre
rapporteur a réalisé un important programme d'investigations et
s'est, notamment, déplacé à Bonn, à Bruxelles et
aux États-Unis.
Il a souhaité rencontrer, en premier lieu, les organisations du
personnel de France Télécom, dont les mandataires sont souvent
venus en délégation et parfois à plusieurs reprises. En
France et en Europe, il a également eu des entretiens directs avec les
dirigeants de Deutsche Telekom, les responsables du ministère allemand
des télécommunications, les commissaires européens en
charge du dossier, MM. Van Miert et Bangemann, tous les ministres
français concernés, le Président de France
Télécom, le Président et le Directeur
général de la Poste, les entreprises clientes ou concurrentes de
France Télécom, les industriels fabriquant des équipements
de télécommunications, les associations d'usagers et plusieurs
experts du secteur.
Lors de son déplacement aux États-Unis, il a pu discuter avec les
cadres des équipes de France Télécom installées
à New-York, avec des analystes financiers, avec des dirigeants de grands
opérateurs téléphoniques, avec des chercheurs, ainsi
qu'avec les responsables des principaux organismes en charge du contrôle
du marché des télécommunications au plan
fédéral et local.
Pour comprendre, mieux encore qu'à travers ses rencontres avec les
centrales syndicales, les préoccupations et les aspirations des
salariés de France Télécom, il a organisé dans son
département des rencontres individuelles et collectives avec un certain
nombre d'entre eux pour pouvoir converser directement avec des gens qui, sans
avoir de mandat représentatif, étaient représentatifs des
différents métiers de l'entreprise.
Au total, à l'achèvement de son programme de travail, il aura
réalisé plus de
60 auditions et réunions
qui lui
auront permis de rencontrer, sur le dossier qui lui a été
confié,
près de 200 personnes de tous horizons, dont un grand
nombre de salariés et de syndicalistes
1(
*
)
.
Par ailleurs, la Commission des Affaires économiques a elle-même
entendu certaines de ces personnes les 24 et 31 janvier derniers.
A l'issue de ces quatre mois de travail, votre rapporteur s'est forgé
la conviction que, pour les prochaines années, France
Télécom a l'impératif du changement pour principal
horizon, que sa réussite est un enjeu national et que les mesures
nécessaires à cette réussite sont à prendre sans
tarder.
Il a soumis l'ensemble de ses conclusions à la Commission des Affaires
économiques qui les a approuvées le mardi 12 mars 1996.
Ces conclusions, les analyses qui les sous-tendent et les propositions qui les
accompagnent sont exposées ci-après.
TITRE I : FRANCE TÉLÉCOM : LE CHANGEMENT COMME SEUL HORIZON, UN DÉFI NATIONAL À RELEVER
France Télécom est confrontée à
une pluralité de défis. Tous peuvent pourtant se résumer
d'un mot : changement.
Le secteur économique dans lequel l'entreprise intervient est
entré dans une ère de mutations. La rapidité des
progrès techniques commence même à rendre fugace la notion
d'impossibilité.
Dans les dix jours qui ont précédé la publication du
présent rapport, on a annoncé qu'il était désormais
possible de transmettre, en une seconde, sur une fibre optique, et sous forme
de codes informatiques, l'équivalent du fonds documentaire d'une
bibliothèque riche de 250.000 livres. La moitié des possessions
de la bibliothèque du Sénat, l'une des plus importantes de Paris,
en une seconde ! Qu'annoncera-t-on au cours des dix prochains mois ?
Qui aurait dit il y a trois ans qu'un réseau de
télécommunications mondial pouvait connaître une
progression quasi géométrique du nombre de ses abonnés ?
Pourtant, dans la seule année 1994, le clan des
" branchés " d'Internet est passé de
12,2 à 26,1 millions de membres. 13,9 millions de
personnes connectées supplémentaires ; plus de 110 %
d'augmentation !
Les différents marchés nationaux sont tous aspirés dans le
même tourbillon international. Les opérateurs multiplient
alliances et stratégies mondiales.
Les frontières économiques établies deviennent vaporeuses.
Les métiers hier distincts de l'audiovisuel, de l'informatique et des
télécommunications tendent à se fondre dans une
globalité encore informe : le " multimédia ".
Les règles de droit applicables sont en complet remodelage. Ce qui
était prohibé, il y a peu, commence à être
autorisé et ce qui était permis -des droits exclusifs sur le
téléphone par exemple- tend à être interdit. Des
cloisonnements juridiques rigoureux, tels ceux existant encore le mois dernier
aux États-Unis entre marché local et marché interurbain ou
entre câblo-opérateurs et compagnies téléphoniques,
explosent. Qui, il y a deux mois, en France, aurait prédit que ce ne
serait pas Deutsche Telekom qui serait retenu comme opérateur de
télécommunications par le Bundestag ?
Dans cet environnement en voie de complète recomposition, France
Télécom ne peut pas rester en retrait. Les mouvements de
l'extérieur lui imposent des évolutions internes si elle veut
rester " en phase " avec son milieu naturel.
Cette adaptation n'est pas nécessairement aisée. L'entreprise a
hérité de son riche passé d'immenses atouts mais aussi de
lourds handicaps. Néanmoins, elle n'a pas le droit à l'inertie.
Dans cette affaire, elle engage au-delà d'elle-même et de la
communauté humaine qui l'anime. Elle met en jeu le destin du pays qui
l'a porté au premier plan et qui a besoin d'elle pour acquérir
des positions fortes dans le monde de demain.
C'est donc non seulement pour elle-même mais aussi pour la Nation que
France Télécom doit relever les défis que lui lance
l'avenir.
CHAPITRE I - FRANCE TÉLÉCOM EST UNE ENTREPRISE STRATÉGIQUE POUR LA FRANCE: SON AVENIR EST UN ENJEU NATIONAL
Si d'aucuns doutaient de l'assertion qui précède, le seul bilan des acquis de notre opérateur de télécommunications et des perspectives qui lui sont ouvertes suffirait à étouffer leur scepticisme.
FRANCE TÉLÉCOM EST AUJOURD'HUI L'UNE DES PLUS GRANDES ENTREPRISES FRANÇAISES
UN GÉANT NATIONAL
Par les résultats
Mieux qu'un long exposé, le rappel lapidaire de
quelques chiffres permet de prendre conscience de la force des positions
qu'occupe France Télécom dans notre économie.
En 1994, en France, l'entreprise téléphonique est
2(
*
)
:
celle qui a réalisé
le plus gros bénéfice
(9,2 milliards de francs), devançant largement les banques, tels le
Crédit agricole (2e ; 5,8 milliards) ou la Caisse des
dépôts (3e ; 4 milliards), les industriels comme LVMH (5e) ou
Alcatel (8e ; 3,6 milliards), les pétroliers (Total, 10e ; 3,3
milliards), les assureurs (Axa, 15e ; 2,2 milliards) et les distributeurs
(Carrefour, 18e ; 2,1 milliards) ;
le plus gros investisseur
(35,8 milliards de francs) devant EDF, la
SNCF et la Générale des Eaux (14,9 milliards de francs) ;
la deuxième entreprise de services
avec 130 milliards de francs
de chiffre d'affaires, derrière EDF mais devant la Poste et la SNCF.
le cinquième employeur
(150.000 salariés en effectifs
permanents), la Poste (près de 300.000), la SNCF, la
Générale des Eaux (215.000) et Alcatel Alsthom (197.000) se
classant avant.
Ce poids, propre à l'entreprise France Télécom stricto
sensu, ne reflète qu'une partie de sa puissance. Elle est, en effet,
à la tête d'un groupe totalisant quelque
150 filiales,
qui
ajoutent 20 milliards de francs de chiffre d'affaires à celui issu du
téléphone et environ 17.000 salariés aux effectifs de la
maison mère.
Par l'étendue des activités
Une large diversification autour du métier de base
France Télécom a cessé depuis longtemps
de cantonner ses activités au seul téléphone. Elle pilote,
au travers de ses filiales, toute une gamme de services
périphériques à son coeur de métier.
A ce titre, la compagnie générale des communications (Cogecom),
la holding
3(
*
)
qui rassemble l'ensemble des
filiales et gère les participations du groupe dans une cinquantaine
d'autres sociétés, est organisée en quatre grands
pôles d'activité : réseaux, mobiles et terminaux, logiciels
et services audiovisuels.
Au premier rang du
pôle réseaux
, on trouve des entreprises
de renom sur la scène nationale et internationale : Transpac et FCR.
Transpac exploite le réseau français de transmission de
données par paquets. C'est le réseau public de transmission de
données le plus important dans le monde. Il compte plus de 100.000
abonnés en France et s'étend dans plusieurs pays d'Europe.
Transpac propose également des services à valeur ajoutée :
administration de réseaux, sécurisation des données,
messagerie professionnelle, échange de documents informatisés...
FCR commercialise les liaisons spécialisées internationales,
l'épine dorsale des grands réseaux mondiaux d'entreprises. A
travers ses partenariats, FCR est le représentant de France
Télécom dans la gestion des réseaux publics
étrangers. A la tête d'une flotte de navires câbliers, cette
filiale est également spécialisée dans l'ingénierie
financière et technique des systèmes de câbles sous-marins.
Le
pôle mobile
est un domaine où le groupe a
incontestablement pris du retard par rapport à ses homologues
étrangers.
Il commence néanmoins à décliner une palette de
prestations très complète dans la téléphonie mobile
(Radiocom 2000, le radiotéléphone analogique, Bi-Bop, le
téléphone de poche, Itinéris, le
radiotéléphone numérique à la norme
européenne GSM), mais aussi en matière de radiomessagerie
(Alphapage, Eurosignal et Opérator).
Operator est commercialisé par TDF-RS, filiale à 100 % de
Télédiffusion de France (TDF). France Télécom
Mobiles Radiomessagerie propose pour sa part Alphapage, à vocation
essentiellement urbaine, et Eurosignal, service " bip "
couvrant la
France, l'Allemagne et la Suisse.
En matière de
terminaux
, EGT fournit une large gamme
d'équipements commercialisés sous le nom de France
Télécom Équipements : radiotéléphones,
télécopieurs, téléphones, récepteurs de
radiomessagerie. France Télécom Logiciels et Systèmes
(FTLIS) regroupe les
activités logiciels et services à valeur
ajoutée
de Cogecom.
FTLIS comprend notamment les sociétés
Télésystèmes, Diagram (ex-SCBF) et leurs filiales
respectives, ainsi que des participations dans le domaine des logiciels (Sema,
IBSI...) et des services à valeur ajoutée, notamment à
travers Eucom. Ces prises de participations, majoritaires et minoritaires,
permettent à France Télécom d'être un intervenant
majeur dans le secteur français de l'informatique.
Télésystèmes (administration de réseaux...) et
Diagram (banques, finances...) comptent notamment parmi les plus importantes
sociétés françaises de services et d'ingénierie en
informatique.
Trois filiales sont tout particulièrement présentes dans le
domaine de l'image : Télédiffusion de France (TDF), VTCOM et
France Télécom Câble.
" Dialogues ", la revue interne du groupe France
Télécom, dans le numéro intitulé " Portrait de
groupe " en faisait la présentation suivante :
"
TDF
maîtrise l'ensemble de la chaîne de diffusion
des images, du son et des données, de la conception à
l'exploitation. A ce titre, elle commercialise des réseaux de
radiodiffusion et de télédiffusion en France
métropolitaine et dans les DOM-TOM.
VTCOM
se situe sur le marché des services à valeur
ajoutée de l'audiovisuel, au carrefour des
télécommunications et de l'image. Elle intervient dans
l'élaboration des images analogiques, numériques et dans le
domaine de la Télévision Haute-Définition (TVHD). Son
offre commerciale dans ce domaine concerne l'ensemble des prestations
liées à la TVHD : prises de vue, montage, réception,
transmission...
France Télécom Câble
a été
créée en 1992 à la suite de prises de participations
majoritaires dans le capital de diverses sociétés commerciales
d'exploitation. Ces sociétés exploitent une douzaine de
réseaux câblés de télévision. FT Câble
place France Télécom au quatrième rang des
câblo-opérateurs français ".
Pour l'exercice 1994, le chiffre d'affaires consolidé des filiales
était de 20,2 milliards de francs. Par grands domaines
d'activité, ce chiffre d'affaires se décomposait comme suit :
|
Chiffre d'affaires 1994 |
% du CA |
Activités des réseaux |
9.282 MF |
46 % |
Audiovisuel et multimédia |
4.496 MF |
22 % |
Mobiles et terminaux |
3.859 MF |
19 % |
Logiciels et services |
2.602 MF |
13 % |
En 1994, le résultat net consolidé -part du groupe- de la Cogecom s'est élevé à 210 millions de francs.
Des participations financières très hétérogènes
France Télécom utilise certaines de ses filiales
détenues à 100 % -telles France Télécom
Financière Internationale- pour prendre des participations dans le
capital de certains de ses partenaires étrangers.
Ainsi, à la fin de 1990, elle a été amenée à
prendre une participation de 5 %, pour un montant de plus de 2 milliards de
francs, dans l'opérateur de télécommunications mexicain
Telmex, à la suite de la privatisation de ce dernier.
Cependant, de la date de sa transformation en exploitant autonome à
début 1993, elle a aussi été conduite à s'engager,
à l'instigation du Gouvernement, dans le capital de
sociétés ayant peu, voire rien à voir avec sa logique
d'activités. En deux ans, elle a investi quelque 2 milliards de francs
dans des entreprises publiques des secteurs de l'assurance, de la banque et de
l'électronique (Bull, Thomson).
Rien qu'au début de 1993, elle a soutenu 3 opérations de ce type.
Elle a pris une participation dans les groupes publics d'assurances AGF (2,5 %,
pour un montant de 754 millions de francs) et UAP (0,5 %, pour un montant
de 292 millions de francs). Il lui a également été
demandé d'acheter à l'État des titres THOMSON SA pour un
montant de 379 millions de francs. Via deux holdings créées
avec CEA-Industries et THOMSON-CSF, France Télécom s'est enfin vu
instiguée de participer, à hauteur de 11,7 %, au capital du
fabricant franco-italien de semi-conducteurs SGS-THOMSON (346 millions de
francs).
Il serait pour le moins audacieux de prétendre que ce rôle de
" factotum " d'une politique industrielle défaillante lui
ait
permis de développer ses compétences. Ceci doit être
gardé en mémoire lorsqu'il s'agira d'examiner les moyens de
préparer l'avenir, afin d'éviter toute reproduction de tels
errements.
Il n'en reste pas moins vrai que l'intégration du groupe
constitué par France Télécom et ses filiales tend à
s'accentuer. Depuis l'an dernier Cogecom a cessé de produire un rapport
financier spécifique et France Télécom publie des comptes
consolidés incluant ceux de Cogecom.
UN GRAND MONDIAL
Par sa taille
France Télécom est le quatrième
opérateur mondial par le chiffre d'affaires réalisé dans
le secteur des télécommunications (25,6 milliards de dollars en
1994). Elle se classe derrière le japonais NTT (71,1 milliards de
dollars), l'américain ATT (50,1 milliards de dollars) et Deutsche
Telekom (37,3 milliards de dollars), mais devance le britannique BT (21,6
milliards) et Telecom Italia (18 milliards).
France Télécom est également le quatrième
opérateur mondial en termes de trafic international (2,5 milliards de
minutes en 1994).
L'opérateur assure sa présence à l'étranger
à travers un réseau de bureaux auquel s'ajoutent des
représentations commerciales.
Il a des bureaux permanents dans les pays suivants : États-Unis
-où, à New York, votre rapporteur a pu apprécier la grande
compétence des équipes de France Télécom North
America-, Argentine, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Belgique,
Suède, Hongrie, République Tchèque, Pologne, Russie, Inde,
Chine, Japon, Indonésie. Des représentations commerciales
existent à Honk-Hong, Singapour, aux Pays-Bas et au Brésil.
Certains bureaux disposent d'équipes commerciales en charge de la
promotion des produits et services internationaux du groupe.
Par ses participations à l'étranger
Dans la droite ligne de l'un des objectifs stratégiques
de son contrat de plan, France Télécom tend à s'appuyer
sur ses compétences et ses points forts pour se développer
à l'étranger. C'est ainsi que le groupe tend à prendre des
participations dans les sociétés téléphoniques de
pays à fort potentiel et à y exporter son savoir-faire dans
plusieurs domaines : la modernisation des réseaux de base, les mobiles,
l'ingénierie et l'expertise technique.
Depuis 1990, année de sa transformation en opérateur autonome,
l'entreprise a engagé une politique très active d'investissements
à l'étranger.
D'une manière générale le groupe oriente ces
investissements vers :
- la zone Asie-Pacifique, qui est en fort développement ;
- l'Amérique latine, où il détient des participations dans
de grands opérateurs nationaux en Argentine (Telecom Argentina) et au
Mexique (Telmex);
- l'Europe de l'Est, où il participe déjà à l'offre
d'un service mobile en Pologne et en République Tchèque, ainsi
qu'à des opérations en Russie.
Dans les pays développés, notre exploitant public
s'intéresse, en particulier, à l'ingénierie de
réseaux, aux services mobiles, aux services aux entreprises et au
multimédia. Il a ainsi été choisi, en février
dernier, par la Suède pour moderniser, aux côtés de
l'opérateur national Télia, le réseau
téléphonique des administrations et collectivités locales
suédoises (un contrat de 9 milliards de francs sur 5 ans, que se
partageront les deux entreprises).
La présence de France Télécom à l'étranger
s'appuie sur l'acquisition de droits d'exploitation, par la participation aux
privatisations de réseaux téléphoniques de base et par
l'obtention de licences dans le secteur des mobiles. Dans ces diverses
opérations, France Télécom se présente souvent dans
le cadre d'un consortium constitué avec d'autres opérateurs.
Parmi les principales réalisations de 1994 et 1995, on notera le
protocole d'accord signé, dans le
domaine des réseaux de
base
, par France Télécom, Deutsche Telekom et US West avec
Rostelecom pour la construction d'un réseau longue distance en fibres
optiques en Russie. Parallèlement, Westbalt Telekom,
société détenue à 49 % par le groupe, a
inauguré son réseau public de télécommunications
dans la région de Kaliningrad (Russie). D'importants contrats ont
également été signés au Vietnam, pour la
construction de plusieurs centaines de milliers de lignes, et en
Indonésie, pour la construction, ainsi que l'exploitation d'un
réseau de 460.000 lignes. En outre, France Télécom
poursuit la modernisation des réseaux de
télécommunications au Mexique et dans la partie nord de
l'Argentine.
Dans le domaine des mobiles
, on citera la signature, en juin dernier,
avec le ministère des postes et télécommunications du
Liban d'un contrat de réalisation et d'exploitation d'un réseau
GSM. France Télécom est également entré dans le
consortium MTS titulaire d'une licence d'exploitation exclusive d'un
réseau de téléphonie mobile à Moscou pour une
durée de dix ans. En outre, l'offre de France Télécom
Mobile International a été retenue par le Gouvernement belge pour
l'exploitation du second réseau GSM (Mobistar) en Belgique (ce
réseau sera opérationnel en 1996).
En matière d'ingénierie et de conseil
, le groupe a
poursuivi ses activités dans de nombreux pays et a notamment
remporté deux contrats relatifs à l'installation de
systèmes de gestion des abonnés en Afrique du Sud et en
Indonésie.
A la fin de 1994, les investissements à l'étranger
atteignaient un montant cumulé de 6 milliards de francs environ.
Le groupe réalise ou contrôle, en prenant en compte les parts de
capital détenues, un chiffre d'affaires à l'étranger qui
s'est élevé, en 1994, à environ 6,5 milliards de francs
dont la plus grande partie provient de Telecom Argentina (Argentine) et de
Telmex (Mexique). Il convient de préciser que les prises de
participation du groupe dans certains pays contribuent à favoriser la
présence d'industriels français dans ces pays, dans le domaine de
la téléphonie publique par exemple.
Signalons pour mémoire que France Télécom dispose, pour
ses investissements financiers à l'étranger, d'une
capacité d'investissement de 20 milliards de francs
programmés sur la période couverte par son deuxième
contrat de plan (1995/1998), soit 15,5 % de ses investissements totaux.
Rappelons également qu'à la fin de 1995, France
Télécom a créé avec le groupe informatique italien
Olivetti une société commune, dont l'objectif est de devenir le
principal opérateur alternatif de télécommunications en
Italie.
Par ses alliances internationales
Une exigence stratégique
Un des premiers objectifs du groupe est de répondre aux
besoins de ses clients ayant des activités dans plusieurs pays et de les
accompagner dans leur expansion internationale. Or, il ne peut, à lui
seul, leur proposer une gamme complète de services partout dans le
monde, alors même que le marché des réseaux de
communication interne des firmes transnationales -d'envergure encore
limitée- connaît des taux de croissance annuels de 15 à
20 % qui, d'après les experts devraient se poursuivre
jusqu'à la fin de la décennie. En outre, c'est sur ce
marché que s'élaboreront les savoir-faire qui décideront
des positions respectives dans le monde des télécommunications du
début du troisième millénaire.
D'où l'importance
stratégique d'alliances avec des grands opérateurs
étrangers pour couvrir l'ensemble de la planète.
D'ailleurs, il y a déjà plusieurs années que les plus
puissantes compagnies de télécommunications de pays
étrangers ont constitué des partenariats internationaux pour
répondre aux besoins d'une clientèle d'entreprises
multinationales. Il s'agit principalement de Concert -regroupant BT, le premier
britannique, et MCI, le deuxième américain- mais aussi d'Uniworld
(associant ATT et ses partenaires de World Partners -KDD, Singapore Telecom- et
les européens fédérés au sein d'Unisource, à
savoir le suédois Télia ainsi que les opérateurs
historiques néerlandais, suisse et, récemment, espagnol). Ces
deux groupes ont commencé à proposer des prestations sur le
marché international en 1994.
Signalons ici que la Compagnie générale des Eaux (CGE),
2ème opérateur français de téléphonie
mobile, et Unisource ont fondé, en avril 1995, une filiale commune
-SIRIS- dont l'objectif est de détenir plus de 10 % du
marché français des télécommunications
professionnelles d'ici l'an 2000.
C'est dans ce contexte de restructuration internationale du secteur que doit se
comprendre les alliances nouées entre France Télécom et
Deutsche Telekom, ainsi qu'entre les deux européens et
l'américain Sprint.
L'accord avec Deutsche Telekom
Après avoir été ébauchées
au début de la décennie au sein de leur filiale Eunetcom
détenue à parité (50-50), les bases du rapprochement de
Deutsche Telekom et France Télécom ont été
jetées fin 1993 au travers d'un protocole de rapprochement, qui
prévoyait la constitution d'une société
-dénommée Atlas- fédérant les offres de services
des deux grands opérateurs en matière de transmission de
données, de réseaux privés virtuels et de liaisons
internationales.
L'ambition d'Atlas peut se résumer d'une formule : proposer des
prestations " sans coutures " à l'échelle
planétaire aux entreprises multinationales. Il s'agit d'éviter
à ces entreprises d'avoir à gérer un contrat de
télécommunications différent dans chaque pays où
elles sont installées, ainsi que les problèmes techniques de
connexion ou de compatibilité de divers réseaux de transmission
de données qu'elles peuvent avoir à utiliser.
L'intérêt commercial d'une telle structure découle du fait
qu'elle garantit aux entreprises multinationales une offre homogène
permettant le développement de services très sophistiqués.
En décembre 1994, France Télécom et Deutsche Telekom ont
conclu l'accord Atlas, sur la base du protocole signé auparavant.
Cet accord a aussitôt été notifié à la
Commission européenne. Celle-ci, après presqu'une année de
discussions, a en définitive autorisé la mise en oeuvre du
projet, en novembre dernier, sous réserve du respect de plusieurs
conditions, justifiées par le souci d'éviter que l'accord ne
porte atteinte au jeu de la concurrence dans le secteur.
Atlas a commencé à proposer ses services sur le marché
européen à compter du 1er janvier 1996.
Globlal one
Pour élargir l'assise territoriale de leur alliance,
France Télécom et Deutsche Telekom ont signé, en juin
1994, un protocole d'accord avec le troisième opérateur
nord-américain, Sprint, afin de constituer, ensemble, une filiale
présente sur tous les continents : Global one.
Global One a vocation à fournir une offre globale à
l'échelle mondiale. Celle-ci inclura des services de voix, de
données et d'images pour les multinationales, les grands clients
d'affaires et les entreprises ayant des besoins de communications
internationales. Elle comportera également des services internationaux
pour les particuliers, notamment dans un premier temps, dans le domaine des
cartes téléphoniques pour les personnes en déplacement.
Enfin, elle proposera des services d'opérateur à opérateur.
Les trois partenaires ont signé, le 22 juin 1995, un accord de
partenariat sur la base du protocole de 1994.
Après de longues négociations, à la phase finale
desquelles a participé votre rapporteur, cet accord a successivement
reçu l'approbation de la commission américaine de surveillance
des investissements étrangers, celle du département
américain de la Justice et, à la fin de l'an dernier,
l'autorisation décisive de la Commission fédérale des
communications (FCC).
A la suite de la publication définitive de cette dernière
décision, France Télécom, Deutsche Telekom et Sprint ont
annoncé la naissance de la nouvelle société le 31 janvier
dernier.
Simultanément, France Télécom et Deutsche Telekom ont
acquis une catégorie nouvelle d'actions préférentielles de
Sprint, d'une valeur totale de 3 milliards de dollars. Suite à cette
opération, France Télécom et Deutsche Telekom
détiennent chacun environ 7,5 % des droits de vote dans Sprint. Le solde
de l'investissement de France Télécom et Deutsche Telekom dans
Sprint sera réalisé après l'opération de scission
(spinn-off) de Sprint Cellular Co, prévue pour le premier semestre de
cette année et qui a pour objet de permettre à Sprint de
s'alléger d'une partie de ses activités de
téléphonie mobile peu compatibles avec ses nouvelles licences en
ce domaine. France Télécom et Deutsche Telekom détiendront
alors chacun environ 10 % des droits de vote dans Sprint. En fonction du cours
de l'action Sprint Cellular au moment de la scission, la valeur de la
transaction devrait se situer dans une fourchette de 3,5 à 3,7 milliards
de dollars.
D'après ses créateurs, Global One offrira à ses clients
partout dans le monde un seul point de contact vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, sept jours sur sept, et devrait peser environ 25 milliards de
francs d'ici à la fin du siècle.
FRANCE TÉLÉCOM EST UNE CARTE MAÎTRESSE POUR LA FRANCE
Les enjeux des télécommunications, ceux de l'économie multimédia et de l'aménagement du territoire, mais aussi l'enjeu européen de la coopération franco-allemande sont cruciaux pour notre pays. Or, sur tous ces terrains, France Télécom occupe une position centrale.
FACE AUX ENJEUX DU MARCHÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Enjeux économiques
En France, on estime habituellement que
le secteur des
télécommunications
lato sensu (services et
équipements) emploie directement et indirectement environ 230.000
personnes (dont plus de 170.000 dans les services). Dans l'Union
européenne ces activités procurent quelque 1,55 million d'emplois
(1 million dans le tertiaire, 300.000 directement et 250.000 indirectement dans
l'industrie).
L'an passé, lesdites activités ont généré un
chiffre d'affaires impressionnant de 174 milliards de dollars. Grâce
à une croissance de 6 % par an, le secteur devrait dépasser, rien
que pour l'Europe, le chiffre des 1.000 milliards de francs en 1998,
année de la libéralisation totale du téléphone.
Au plan mondial comme en Europe, dans l'ensemble de la branche,
les
services de télécommunications
-le coeur du métier de
France Télécom- assurent la plus grande part de ces
résultats : pour un marché planétaire global de 545,4
milliards de dollars en 1995, ils représentent 448,4 milliards de
dollars (82,3 % du total).
A eux seuls ils devraient générer
plus de 3.200 milliards de
francs en l'an 2000,
car ils englobent les secteurs où les taux de
croissance sont les plus spectaculaires. Entre 1984 et 1994, plus de 250
millions de lignes téléphoniques ont été
installées dans le monde, soit une croissance de 66 % en 10 ans. Dans le
même temps, le trafic international a quadruplé. Pour le seul
radiotéléphone, de 1991 à 1995, le nombre d'abonnés
a augmenté de 500 %.
Est-il besoin, au vu de tels chiffres, d'expliquer plus avant pourquoi
France Télécom est une entreprise stratégique pour la
France ?
Enjeux de société
Le plus important n'est pourtant sans doute pas exprimé
par les chiffres précités. Un exemple permet de le comprendre.
D'ores et déjà,
chaque jour
, le montant des
transactions financières réalisées sous forme
électronique, sur le réseau bancaire mondial,
s'élève à 12.000 milliards de francs, soit près de
deux fois le PIB annuel de la France
.
En d'autres termes, les télécommunications ne sont plus un simple
moyen de communication mais tendent, bel et bien, à devenir le
" système sanguin " de l'économie et de la
société.
C'est autour de ces réseaux, de ces techniques, que la vie collective va
de plus en plus s'organiser. Ceux-ci semblent désormais avoir
vocation à irriguer tous les aspects de la vie en
société
, pénétrant au plus profond de la vie
quotidienne des gens et des processus de la démocratie.
La " révolution multimédia " ne peut
qu'accélérer cette évolution.
FACE AUX ENJEUX DE L'ÉCONOMIE MULTIMÉDIA
Une économie émergente
Votre rapporteur le soulignait dans le rapport d'information
sur les télécommunications qu'il a présenté en
1993
4(
*
)
:
" Les
phénoménaux développements des techniques de
numérisation permettent, désormais, de transcrire, de
manière identique, sous une forme informatique aisée à
stocker et à traiter, tous les types d'informations quelle qu'en soit la
présentation : message sonore, texte écrit, image fixe, image
animée. Cette unification des techniques de gestion du signe
entraîne un effacement des frontières existant entre les
infrastructures, les supports et les métiers de secteurs
économiques jusqu'alors séparés : les
télécommunications, l'audiovisuel et l'informatique ".
Ces trois secteurs tendent aujourd'hui à se fondre dans un ensemble aux
contours encore flous, désigné communément sous le terme
multimédia.
Or,
l'économie du multimédia est
, de par le monde,
en
voie de constitution rapide.
Les cinq dernières années ont
été marquées par l'apparition
accélérée d'une nébuleuse presque planétaire
d'alliances, constituées par le jeu de fusions-absorptions ou de prises
de participation, entre les divers pôles industriels concernés.
Il ressort ainsi d'une étude de la société Apredia, dont
les résultats ont été publiés en novembre 1995,
que,
si 15 accords de ce type avaient été conclus en 1993, 56
l'avaient été en 1994 et 141 l'ont été sur les
seuls huit premiers mois de 1995.
Le caractère international de ces rapprochements est très
marqué. Sur la période 1993-1995, plus de la moitié des
alliances (54 %) ont été nouées par au moins deux firmes
de nationalité différente. Cette internationalisation
reflète néanmoins une certaine
spécialisation
internationale
: les logiciels, les microprocesseurs et les programmes pour
les États-Unis, les matériels pour le Japon,
les
télécommunications pour l'Europe
.
Il n'en demeure pas moins que les accords les plus remarquables ont pour coeur
les États-Unis et que plus du tiers de ceux recensés (34 %)
relève des seules firmes américaines.
On peut citer sans être exhaustif : Microsoft/Intel/General Instrument ;
Microsoft/NBC ; Walt Disney/ABC ; Westinghouse/CBS ; AT&T/NTT/Sony/Apple ;
Microsoft/TCI ; Viacom/Paramount ; US West/Time Warner ; Time Warner/TBS (CNN)
; Time Warner/TCI/Sega.
En revanche, les pactes entre firmes européennes seules et entre firmes
japonaises sont relativement peu nombreux, respectivement 8 et 4 % du total. De
même, on remarque que les entreprises américaines sont
omniprésentes dans ces nouveaux consortiums. Elles sont
impliquées dans 72 % d'entre eux, alors que les Japonais n'y
participent que pour 20 % et les Européens pour 42 %.
S'agissant de notre pays, on peut simplement évoquer quelques
partenariats : France Télécom/France Té
lévision ; Canal Plus/CLT
5(
*
)
/Bertels-mann/Philips. On peut, de même, rappeler
la prise de contrôle de Canal Plus par la Compagnie
Générale des Eaux (2e opérateur de
téléphonie mobile) et la Société
générale, le lancement de Multivision par la
Lyonnaise-Communication, France Télécom, la CLT et TF1, ainsi que
le regroupement industriel entre le français Thomson, le japonais
Toshiba et l'américain Time Warner pour le développement du
CD-Rom de grande capacité (DVD).
En tout état de cause, ces alliances en série commencent à
modeler la cartographie de l'économie mondiale du siècle prochain.
La place de l'Europe et de la France dans l'économie multimédia de demain dépend pour une large part des télécommunications
Un enjeu considérable
D'après les études de l'observatoire mondial des
systèmes de communication (OMSYC), rassemblées, les industries
multimédias (à savoir l'audiovisuel, l'informatique et les
télécommunications)
représentaient, en 1995,
près de 7.000 milliards de francs
6(
*
)
dans
le monde
et pesaient déjà plus lourd que l'ensemble du
marché de l'automobile. En d'autres termes, aujourd'hui, pour 1.000
dollars de produit brut mondial, 59 dollars sont déjà
générés directement ou indirectement par le secteur des
" infocommunications ".
En l'an 2000, dans quatre ans, ce secteur devrait générer plus de
9.600 milliards de francs
, ce qui correspond à une progression de
37 % en 5 ans. Plus du double du taux de croissance prévu pour le
reste de l'économie mondiale !
Ni la France, ni l'Europe ne peuvent se permettre d'être absente d'un
tel marché ou d'être réduites à y occuper des places
secondaires.
Or, l'étude précitée d'Apredia montre que sur le total des
alliances multimédias déjà nouées, les
opérateurs de télécommunications sont présents dans
41 % des cas, loin devant les détenteurs de droits sur les programmes
audiovisuels (31 %), les éditeurs de logiciels (29 %), les constructeurs
de matériels informatiques (22 %), les fabricants d'électronique
grand public (20 %) et les câblo-opérateurs (18 %).
La concurrence sur le marché du multimédia met en effet en
présence deux forces principales : les acteurs qui fournissent les
"
contenants
" (les réseaux électroniques) et
ceux qui fournissent les "
contenus
"
(les
produits
audiovisuels ou informatiques), la jonction entre ces deux catégories
d'acteurs étant réalisée grâce aux éditeurs
de logiciels. Les fabricants de terminaux (micro-ordinateur ou poste de
télévision) sont en retrait par rapport aux acteurs
précédents, mais continuent néanmoins, en raison de leurs
liens de proximité avec l'utilisateur final, de tenir un rang non
négligeable dans le concert des alliances.
La Sillicon Valley domine le monde de l'informatique. Hollywood domine le monde
de l'image. Face à l'hégémonie américaine en
informatique et en audiovisuel, il faut prendre les moyens de défendre
l'exception culturelle européenne. L'obtention de positions
européennes fortes dans l'industrie multimédia passe donc par le
développement de stratégies articulées autour des
télécommunications et de la richesse du patrimoine culturel.
Néanmoins, si tous les grands pays du Vieux Continent paraissent avoir
adopté une telle attitude, ils ne sont pas dans des situations
identiques.
Des situations nationales contrastées
L'Allemagne dispose d'un marché important et de
puissants groupes industriels.
En Allemagne, deux acteurs principaux jouent un rôle dans l'industrie du
multimédia : d'une part le groupe Bertelsman
7(
*
)
,
qui se place parmi les trois premiers groupes
mondiaux avec Time Warner et Walt Disney en termes de fournisseurs de
" contenus ", et, d'autre part, Deutsche Telekom,
troisième opérateur mondial de télécommunications.
Deutsche Telekom mise sur le transport de programmes multimédia et sur
le développement des logiciels nécessaires à ce transport.
L'opérateur aspire à réaliser 20 % de son chiffre
d'affaires pour de tels services d'ici à l'an 2000.
Notre partenaire d'outre-Rhin a déjà commencé à
mettre en oeuvre cette ambition.
Dans le domaine de la clientèle résidentielle, Deutsche Telekom,
propriétaire du plus important réseau câblé d'Europe
(16 millions de foyers), a créé au début de l'année
1995 une filiale spécialisée dans les services
multimédias, Multimédias Software Gmbh (MSG). Installée
à Dresde, dotée d'un capital de 27 millions de francs, elle
s'appuie sur les sociétés de vente par correspondance, Otto et
Quelle, et l'éditeur Bertelsmann. Depuis juin 1995, Deutsche Telekom a
également entrepris de tester un premier projet pilote de
multimédia dans les villes de Berlin, Hambourg, Cologne/Bonn, Stuttgart,
Leipzig, Munich et Nuremberg avec les collectivités territoriales. Ce
projet est mené en coopération avec Alcatel-Sel, la filiale
allemande d'Alcatel, Bosch-ANT, Hewlett-Packard et IBM.
Dans le domaine des applications professionnelles, Deutsche Telekom mise sur
des perspectives de croissance très fortes ; cet optimisme peut
expliquer l'entrée à hauteur de 5 % dans le capital du
fournisseur d'accès à Internet, America on Line (AOL), et la
prise de 30 % des parts dans l'alliance AOL-Bertelsmann. En échange, ces
derniers se sont portés acquéreurs de 30 % de T-On Line, le
service en ligne de Deutsche Telekom. T-On Line est plutôt destiné
aux professionnels et AOL s'attaquera plutôt au marché des
particuliers. Depuis fin novembre 1995, le serveur en ligne commun de
Bertelsmann et de AOL a fait son démarrage commercial à partir de
51 points d'accès en Allemagne. Notons ici que ce rapprochement fait
actuellement l'objet d'investigations de la part de la Commission
européenne qui souhaite vérifier qu'il n'y a pas là abus
de position dominante.
En Grande-Bretagne, les alliances ont surtout été le fait des
opérateurs de télécommunications et des
câblo-opérateurs.
L'alliance entre l'opérateur britannique BT et l'opérateur
américain longue distance MCI, si elle souhaite dans un premier temps
répondre aux besoins en télécommunications des entreprises
multinationales, se veut une alliance multimédia globale.
Cette alliance devrait à terme pouvoir bénéficier de
l'accord noué entre MCI et le groupe australien de Ruppert Murdoch Nexs
Corp, qui s'est concrétisé par l'entrée de MCI dans le
capital de son nouvel associé pour 2 milliards de dollars. Cet accord
devrait permettre à l'opérateur américain de
télécommunications de développer sa stratégie en
matière de contenu, puis d'en faire profiter l'alliance BT-MCI.
Dès le début 1996, devrait ainsi être mis sur le
marché un service en ligne directement sur Internet.
Une caractéristique du marché britannique est également la
domination du marché du câble par les
câblo-opérateurs d'origine américaine : ils
détiennent ainsi plus des deux tiers des franchises. Ce
phénomène est d'autant plus important qu'on assiste à une
concentration du marché : 75 % des foyers britanniques sont
abonnés à l'un des cinq premiers câblo-opérateurs.
Cependant, leur développement est actuellement freiné par le
monopole de fait du réseau de chaîne à péage BskyB,
détenu à 50 % par l'australien Murdoch. Après avoir
trusté la quasi totalité des droits dans le sport et le
cinéma, il impose ses tarifs aux câblo-opérateurs.
En Italie, les alliances s'organisent autour d'opérateurs de
télécommunications.
La société commune constituée par France
Télécom et Olivetti ambitionne de devenir le deuxième
opérateur de télécommunications du pays.
Dédiée dans un premier temps aux services à valeur
ajoutée de télécommunications aux entreprises,
déjà ouverts à la concurrence, la nouvelle
société commune sera détenue à 51 % par Olivetti et
Bell Atlantic et à 49 % par France Télécom. Les
partenaires prévoient d'investir 600 millions de francs sur les deux
années à venir dans cette nouvelle joint-venture. Cet accord
touchera tous les segments du secteur des télécommunications, y
compris le câblage sur réseau large bande ou le satellite.
En parallèle, Fininvest, le pôle audiovisuel du groupe Berlusconi
est à la recherche d'un opérateur de
télécommunications. BT a notamment été pressenti
récemment pour entrer dans le capital de Mediaset, filiale audiovisuelle
de Fininvest. BT pourrait, en l'espèce, s'appuyer sur sa filiale
italienne Albacom, joint-venture avec la banque publique italienne BNL,
destinée à opérer dans le secteur déjà
libéralisé des services avancés de
télécommunications.
En France, les télécommunications constituent un axe central
Dans le domaine des " contenus ", la
France dispose
de deux groupes puissants dont l'implication dans le multimédia ne fait
aucun doute.
Le
groupe Havas
, dans le capital duquel France Télécom a
pris une participation de 5,6 %, affiche une politique volontariste. La
faiblesse d'Havas est cependant de n'être majoritaire dans aucune
télévision. De ce fait, la stratégie audiovisuelle du
groupe n'apparaît pas complètement homogène.
Le
groupe Matra-Hachette
utilise le savoir-faire de sa filiale
américaine Grolier Electronic comme point de départ de sa
stratégie multimédia. Il dispose ainsi d'un studio d'une centaine
de personnes et étudie actuellement trente à cinquante produits
pour une sortie d'ici à deux ou trois ans.
France Télévision de son côté s'est
rapprochée du groupe Time Warner. Elle a passé un accord global
de coopération de trois ans qui porte à la fois sur les
programmes, la musique, les chaînes câblées et satellites
ainsi que sur la distribution vidéo.
Dans le domaine des terminaux, Thomson, grâce à des technologies
télévisuelles et numériques de pointe, affiche de belles
réussites dans le secteur du multimédia et exporte son
savoir-faire, notamment aux États-Unis, avec son offre de système
de télévision numérique par satellite (DDS).
Le succès de ce service a permis de conclure, en septembre 1995, un
contrat de un milliard de dollars pour la fourniture de décodeurs
à Tele-TV, un consortium réunissant trois opérateurs de
télécommunications : Bell Atlantic, Nynex et Pacific Telesis. Le
groupe Thomson doit par ailleurs construire un réseau câblé
sans fil qui permettra au consortium de proposer des films et des jeux à
domicile.
Néanmoins, à l'analyse, c'est France Télécom qui
constitue, pour la France, la meilleure chance d'occuper une place
satisfaisante dans l'économie multimédia qui dominera le monde de
demain.
D'abord, le groupe occupe le secteur où, nous l'avons vu, l'Europe
dispose de la meilleure spécialisation internationale (les
télécommunications). Ensuite, il est de tous nos " champions
du multimédia " celui qui dispose de l'assise financière la
plus large. Son chiffre d'affaires est quatre fois supérieur à
celui d'Havas, son bénéfice dix fois plus important
8(
*
)
et sa capacité d'investissement
considérable.
Enfin, il manifeste une volonté résolue de s'impliquer dans le
développement du marché naissant du multimédia.
Cette stratégie repose sur une politique sélective de
partenariats de services non exclusifs avec d'autres acteurs du marché.
Ainsi, pour les supports, France Télécom a choisi quatre
industriels : Alcatel, Matra Ericsson, Sat et Siemens et, pour les contenus,
l'entreprise a conclu un accord cadre de trois ans avec France
Télévision. De cette manière, elle participera au
cofinancement de films, destinés à une exploitation
" pay-per-view ", à des chaînes thématiques
diffusant des programmes interactifs.
Pour que la France puisse être de ceux qui atteindront et
dépasseront cette " nouvelle frontière " du
multimédia, elle a donc besoin de France Télécom. On ne
doit jamais l'oublier quand on se préoccupe de l'avenir du groupe.
FACE AUX ENJEUX DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION
Le rapport d'information
9(
*
)
de
la Mission sénatoriale d'information sur l'aménagement du
territoire
10(
*
)
le soulignait
déjà:
" Les télécommunications joueront
dans l'avenir, pour l'aménagement du territoire, un rôle aussi
important que les infrastructures de transport. Dès à
présent, aucune entreprise ne peut survivre sans branchement
téléphonique et peu nombreuses sont celles qui acceptent de
s'installer sans être assurées d'un accès facile aux
banques de données, aux fichiers informatisés ou à la
transmission d'images fixes ou semi-animées ".
D'ailleurs, à l'initiative de sa commission spéciale
11(
*
)
chargée d'examiner le projet de loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire, le Sénat a introduit un article additionnel (devenu
l'article 20 du texte définitif) pour imposer l'établissement
d'un schéma national des télécommunications. Votre
rapporteur à qui, à l'époque, incombait la tâche de
défendre ce dispositif avait d'ailleurs fait valoir, lors de son examen
en séance publique, que
" les télécommunications
portaient pour l'avenir le rêve de tout aménageur : abolir les
distances ".
Les développements qui précèdent confirment la pertinence
des positions adoptées en ce domaine par notre Haute Assemblée.
Demain, la maîtrise des " moyens d'abolir la distance " sera
une condition essentielle du
développement des zones aujourd'hui
enclavées du territoire
, celles qui sont exposées au risque
" d'exclusion spatiale ".
Mais, à partir du moment où les télécommunications
tendent à s'affirmer comme l'un des modes dominants de communication
entre les êtres humains, il faudra veiller à ce qu'elles ne
deviennent pas un facteur supplémentaire
d'exclusion sociale
mais, bien au contraire, qu'elles servent
d'instrument de lutte contre cette
forme d'exclusion.
En ce sens, le contrôle des technologies
" démiurgiques " de la communication par un opérateur
apte, par sa culture de service public et sa force économique, à
transcrire de telles priorités dans son action est aussi un important
avantage pour notre pays.
FACE AUX ENJEUX EUROPÉENS
Hors la construction aéronautique et spatiale, les
télécommunications se révèlent le secteur des
technologies de l'avenir où la coopération franco-allemande est
la plus étroite.
Le couple franco-allemand étant le socle de toute la construction
européenne,
France Télécom est aussi
, par maints
aspects,
une entreprise stratégique pour l'Europe.
*
Il est capital que les chances que France Télécom donne à notre pays et à notre continent ne soient pas gaspillées.
CHAPITRE II : FRANCE TÉLÉCOM EST HÉRITIÈRE D'UNE LONGUE TRADITION ADMINISTRATIVE, SOURCE D'ATOUTS ET DE VULNÉRABILITÉS
France Télécom est une entreprise récente.
Dans notre pays, le développement du téléphone n'a
été confié à des compagnies privées que de
1876 (date de son invention) à 1889.
Ensuite, à compter de la nationalisation de la Société
française du téléphone
12(
*
)
, cette activité a
toujours été
assurée par une administration d'État placée sous la
même autorité ministérielle que les Postes, l'une des plus
anciennes administrations d'État.
Ce n'est que depuis le 1er janvier 1991, suite à la loi de juillet 1990,
que cette administration a pris une forme juridique proche de celle d'un EPIC
(établissement public industriel et commercial) et dont la
quasi-totalité des salariés sont fonctionnaires.
Ainsi, pour comprendre France Télécom, il faut se rappeler qu'au
contraire d'autres exploitants publics, tels EDF et la SNCF, elle n'a qu'une
expérience et une culture d'entreprise limitées. Ses racines
plongent dans le siècle passé et moins de 10 ans après les
avoir " replantées dans un autre terreau ", elle devra
affronter quelques unes des plus grosses vagues de changement qui vont
déferler sur nos économies à l'aube du prochain
millénaire.
Le défi est d'autant plus important que si son histoire administrative
l'a dotée d'atouts importants, elle lui a aussi légué un
certain nombre de vulnérabilités.
ELLE A HÉRITÉ D'UNE TRADITION ADMINISTRATIVE CONTRASTÉE
Pendant longtemps, en France, le téléphone est
resté le moyen de communication des notables, le
télégraphe assurant l'essentiel des échanges officiels et
professionnels.
Ceci explique sans doute que, malgré les progrès techniques qui
ont facilité sa pénétration territoriale pendant
l'entre-deux guerres, le téléphone ait été
" oublié " dans les programmes de reconstruction
engagés à partir de 1945. Aussi paradoxal que cela puisse
paraître aujourd'hui, au sortir de la Seconde guerre mondiale, les
pouvoirs publics ont manifesté un profond désintérêt
envers les télécommunications.
Ainsi, jusqu'en 1966, la téléphonie française a
été caractérisée par une pénurie de l'offre
alors que la demande s'accroissait progressivement.
A cette époque, Fernand Raynaud brocardait notre service
téléphonique (" le 22 à Asnières ") et en
faisait rire.
On ne pouvait guère se glorifier du " service
public téléphonique à la française ".
C'était plutôt un service public " à la
roumaine " puisque le taux d'équipement des deux pays était
comparable.
Pour résorber ce retard des communications, on a eu recours aux capitaux
internationaux et privés en créant la Caisse nationale des
télécommunications (CNT), puis des sociétés par
actions louant des équipements à l'administration (Finextel,
Codetel...). On l'a souvent oublié, mais à l'époque, ce
sont les forces du marché qui sont venues au secours du service public
et ont créé les conditions de sa qualité.
Dans "
Genèse et croissance des
télécommunications
" (mars 1983), M. Louis Joseph Libuis
décrit fort précisément ce moment clef où, avec le
Ve Plan (1966-1970), les télécommunications françaises ont
commencé à sortir du tunnel :
" Jusqu'alors les
télécommunications pratiquaient un autofinancement
intégral : à partir du Ve Plan, pour faire face à
l'accroissement des investissements, sans faire appel uniquement à des
augmentations de tarifs, l'administration des PTT sera autorisée
à emprunter, même sur les marchés extérieurs. Ce
sera l'objet de la Caisse nationale des télécommunications (CNT)
qui sera créée par un décret du 3 octobre 1967.
(...)
Mais les énormes besoins en capitaux qui sont nécessaires pour
accélérer les programmes de télécommunications
à la fin du Ve Plan conduisent à mettre au point d'autres
méthodes de financement. Dans ce but, sont créées,
à la fin de l'année 1969, sous l'impulsion du ministre des PTT,
M. Robert Galley, des " sociétés de financement du
téléphone " (loi du 24 décembre 1969).
Il s'agit là d'une innovation importante. Dans son article premier, la
loi de 1969 stipule que " chacune des sociétés de
financement a pour objet de concourir, sous la forme du crédit-bail
mobilier et immobilier, au financement des équipements de
télécommunications dans le cadre de conventions signées
avec l'administration des Postes et Télécommunications ".
Quatre sociétés seront successivement créées :
Finextel, Codetel, Agritel, Créditel. Grâce à ces
sociétés, les moyens de financement des
télécommunications acquerront une dimension nouvelle. (...)
Par la suite, à partir de 1971, la Caisse nationale des
télécommunications sera autorisée à émettre
aussi des emprunts sur le marché français et même,
après une modification de ses statuts en 1975, à
" participer au capital de sociétés ayant le statut de
banque ou d'établissement financier et dont l'objet exclusif est le
financement des télécommunications " (...) L'activité
de la CNT deviendra très importante à partir de 1974 : 2,6
milliards de francs seront empruntés en 1974, 3,9 en 1975, 4,6 en 1976,
5,5 en 1977, 7,3 en 1978, 8,9 en 1979, 7,1 en 1980 et 8,6 en 1981.
A la fin
de 1981 la dette de la Caisse dépassait 50 milliards de francs.
(...)
Du point de vue du financement, les mesures prises au cours du Ve Plan marquent
donc une étape décisive dans la mise en place de structures
solides capables d'apporter aux télécommunications
françaises les moyens financiers qui leur avaient fait cruellement
défaut jusque-là. Les bases du redressement financier existent
désormais ; le VIe Plan permettra de poursuivre le redressement
engagé : les crédits d'investissement des
télécommunications seront multipliés par 10 (en francs
courants) entre 1965 et 1975 ".
Le VIIe Plan, avec 120 milliards de francs engagés de 1976 à
1980, consacrera la priorité reconnue à ce secteur
d'activité demeuré dans une sorte de pénombre au cours des
vingt années ayant suivi la libération.
Avec le plan de rattrapage du téléphone préparé
depuis 1967 et adopté en 1975, la France non seulement a continué
à combler son retard mais, en outre, a engagé une nouvelle
politique industrielle et a amorcé -après le rapport Nora/Minc de
1978- une diversification de ses réseaux et de ses services de
télécommunications (Transpac, Télétel...). Ceci
l'a, peu à peu, conduite à occuper l'un des premiers rangs
mondiaux du secteur des équipements et des services.
Cependant, à une époque où les
télécommunications françaises sont à nouveau
à un tournant de leur histoire et où l'État ne semble, pas
plus qu'en 1966, en mesure de satisfaire à leurs immenses besoins de
financement, il faut garder en mémoire qu'il y a trente ans ce sont les
investisseurs privés qui ont secouru -et contribué à
sauver- un service public plus que défaillant.
LES ATOUTS DU LEGS ADMINISTRATIF
Depuis sa transformation en exploitant autonome, France
Télécom a fortement développé son implantation
à l'étranger et a noué d'importantes alliances
internationales. C'est un atout récent, mais c'est un atout fondamental
face aux mutations que va connaître l'économie des
télécommunications. Sur ce point, il convient de rendre hommage
à celui qui a été à la fois le concepteur et
l'artisan de cette stratégie clairvoyante, M. Marcel Roulet,
Président de France Télécom jusqu'en septembre 1995.
Son passé ancien d'administration monopolistique a conféré
d'autres avantages à l'opérateur public : l'assise tant technique
que commerciale conférée par des réseaux maillant tout le
territoire, une clientèle très satisfaite et un centre de
recherche (le CNET) de réputation mondiale ; une expérience
unique des services en ligne grâce au Minitel ; une productivité
comparable à celle de ses principaux homologues ; une grande culture du
service public, qui intègre de mieux en mieux les exigences de
l'aménagement du territoire.
UNE CONFORTABLE ASSISE TECHNIQUE ET COMMERCIALE
Des réseaux bien établis
Si les réseaux de communication mobile de France
Télécom ne couvrent encore qu'une partie du territoire -ce que
déplore, à juste titre, les élus ruraux-
13(
*
)
,
il n'en va pas de même pour ses réseaux
filaires. Ces derniers pénètrent dans la quasi totalité
des foyers et relient entre elles toutes les entreprises.
Le tableau ci-après souligne l'ampleur et la densité de ces
réseaux filaires.
LES ACTUELS RÉSEAUX FILAIRES DE FRANCE TELECOM |
|||
Réseaux |
Informations transportées |
Débits |
Nombre d'abonnés ou trafic |
Réseau téléphonique commuté |
Voix + données |
1.200 à 19.200 bit/s |
32,4 millions |
Numéris |
Voix + données + images fixes ou semi-animées |
accès de base
|
268.000 accès
|
Transpac |
Tous types de données numériques |
200 bits/s à 1,9 Mbits/s |
4.300 milliards d'octets/mois |
Transfix |
Données numériques point à point (liaisons spécialisées) |
64 kbits/s à 2
Mbits/s
|
108.000 liaisons |
Ces réseaux sont d'une grande qualité. France
Télécom affirme d'ailleurs posséder le premier
réseau 100 % numérique en Europe.
Surtout, son réseau téléphonique lui garantit, pour
longtemps encore, un véritable monopole de fait sur ce que, dans le
jargon technique, on appelle la " boucle locale ", à savoir
les lignes reliant l'abonné individuel au réseau
général. En raison du coût de pose de ces lignes, leur
doublement n'est guère envisageable et le réseau commuté
de France Télécom s'impose donc aujourd'hui comme un point de
passage obligé.
Une clientèle très satisfaite
Si, avant le plan de rattrapage du téléphone, le
service téléphonique national était une source de
raillerie et d'hilarité pour les Français, ce n'est plus le cas
aujourd'hui.
Selon le sondage Sofrès/Figaro Magazine sur l'image d'une dizaine de
services publics (Poste, SNCF, Sécurité sociale, Police, Justice,
école, hôpitaux...), publié le 16 septembre 1995, 92 % des
Français estiment que le service public téléphonique
fonctionne bien et 6 % pas très bien. Après soustraction du
second pourcentage, ceci correspond à un indice de satisfaction de 86 %
qui place France Télécom loin devant (la Poste occupe la seconde
place avec 61 %).
De même, le baromètre national d'image externe
-réalisé par le Groupe IREQ auprès du grand public et du
marché professionnel- de dix grandes entreprises (dont la Poste,
Renault, la FNAC, Carrefour, la SNCF, Air France, UAP, Bouygues...) place
France Télécom en tête avec une moyenne de 7,5/10 devant
EdF/GdF (7,3)
14(
*
)
.
Autre indice de cet engouement des Français pour leur opérateur
téléphonique : selon certains renseignements, le nombre de postes
téléphoniques en service dépasserait maintenant celui des
habitants.
Un remarquable potentiel de recherche : le CNET
L'une des forces de France Télécom réside
dans son potentiel de recherche et développement. L'opérateur y
consacre chaque année au moins 4 % de son chiffre d'affaires (5,5
milliards de francs l'an dernier).
Avec 4.300 personnes, dont 3.000 chercheurs, le Centre National d'Études
des Télécommunications (CNET) est le premier centre de recherche
de télécommunications en Europe. Il est à l'origine de
très nombreuses innovations telles que la commutation
électronique, le Minitel, ou plus près de nous la technique de
transmission à très hauts débits (ATM). Il invente les
services que France Télécom proposera à ses clients et
s'attache à l'amélioration permanente des réseaux et des
outils d'exploitation. Cependant, ses activités couvrent aussi
l'ensemble du processus d'innovation dans le domaine des
télécommunications, depuis certains programmes de recherche
fondamentale confiés par l'État jusqu'à l'assistance
technique aux commerciaux et exploitants du groupe. Le CNET joue
également un rôle important dans la normalisation. Ses travaux
sont conduits en étroite collaboration avec le monde de la recherche
publique et avec les industriels.
Le haut niveau des travaux du CNET est à l'origine de l'excellente
réputation technique dont bénéficie France
Télécom à l'étranger. Ainsi la commutation
temporelle asynchrone ATM conçue par le CNET tend à s'imposer,
dans le monde entier, comme la technique de transmission permettant de
répondre aux exigences des transferts multimédias.
Elle permet d'établir des liaisons à débit variable selon
la demande et de garantir la continuité du débit avec un retard
acceptable pour les communications audiovisuelles. Énorme avantage, elle
permet donc de traiter indifféremment des liaisons vocales, de
données et audiovisuelles, et de commuter efficacement les signaux
à très haut débit.
Adoptée en 1988 par le Comité consultatif international
télégraphique et téléphonique, organisme de l'Union
internationale des télécommunications chargé de la
normalisation, cette technique n'est pas encore déployée dans
l'ensemble des réseaux de télécommunications, mais des
expérimentations ont eu lieu dans de nombreux pays, et en France
dès 1993.
Autre nouveauté d'importance, la même technique étant
également proposée par les constructeurs d'informatique pour les
réseaux locaux d'entreprise, elle devrait assurer pour la
première fois une homogénéité technique entre les
réseaux locaux informatiques et les réseaux publics de
télécommunications. Ceci, à en croire certains, ne sera
d'ailleurs pas sans avoir un impact industriel sensible puisqu'il va en
résulter une ouverture du marché des
télécommunications aux constructeurs d'équipement de
commutation informatique et vice-versa.
Une exceptionnelle expérience des services en ligne : le Minitel
Disposant d'un parc de micro-ordinateurs bien moins important
que celui des États-Unis, la France bénéficie pourtant
d'un capital de savoir-faire unique au monde en matière de services
informatiques en ligne grâce au Minitel.
Dans notre pays, chaque client de France Télécom peut avec le
Minitel se procurer, gratuitement ou pour un prix modique, un terminal
informatique peu encombrant qui lui permet d'accéder, par sa ligne
téléphonique, aux grands réseaux informatiques et d'y
trouver toutes sortes d'informations et de services : numéros de
téléphone, cotations boursières, horaires de trains,
réservations de voyages, petites annonces...
Actuellement, les 6,9 millions de Minitel installés ont accès
à quelque 26.000 services et ont généré 88 millions
d'heures de communications et un chiffre d'affaires de 5 milliards de francs
(hors taxes) en 1994.
Cette expérience exceptionnelle -avec tout ce qu'elle comporte de
développement de compétences techniques, industrielles et de
gestion de réseaux- était jusqu'à présent
limitée par le caractère très " national " de la
norme " Minitel ", qui déroge à tous les standards
informatiques mondiaux. La tentative de l'enraciner dans l'Ouest
américain avec le soutien d'US-West n'a pas abouti. Force est, en outre,
de constater que l'imagination et la créativité dont il avait
été fait preuve dans les années 1980 a quelque peu
marqué le pas dans les années 1990.
Mais la récente décision de France Télécom d'ouvrir
l'accès à Internet, à un tarif proche de celui de la
communication téléphonique locale quel que soit le point du
territoire français d'où est émis l'appel, devrait
permettre de faire fructifier les compétences qu'a fait naître le
Minitel et de leur ouvrir un nouvel espace de conquête. Si Internet
connaît en France le succès qu'il a connu ailleurs, ce sera en
effet une formidable incitation à la duplication de services
" Minitel " sur le " réseau des
réseaux " et
à leur diffusion mondiale.
UNE PRODUCTIVITÉ DE BON NIVEAU
Pour apprécier cet élément important du
niveau de compétitivité de notre opérateur public, votre
rapporteur a pris connaissance des résultats de quatre études
comparatives réalisées sur ce sujet au cours des trois
dernières années :
Une étude du
cabinet McKinsey,
éditée en
octobre 1992 et intitulée " Service sector productivity ".
Cette étude propose une méthode originale de calcul de la
productivité totale des entreprises de télécommunications
et fait apparaître qu'en 1991, par rapport à ses concurrents sur
le plan international (BT, Mercury, Deutsche Telekom, NTT, les baby's bells
américaines et AT&T), France Télécom était bien
placé en termes de productivité du travail, mais souffrait d'une
mauvaise productivité de ses immobilisations.
Une étude non publiée du
cabinet Sirius,
qui date
d'octobre 1994.
Ce document analyse en profondeur les différentes méthodes de
calcul de la productivité globale des entreprises de
télécommunications.
Les publications de 1994 et 1995 de
l'OMSYC
(Observatoire mondial des
systèmes de communication) " Chiffres clés et indicateurs
des télécommunications mondiales. "
Ces publications constituent une source de données brutes concernant les
télécommunications mondiales. Elles ne font aucun commentaire sur
ces données.
Parmi les indicateurs fournis, on trouve des indicateurs
" simples "
liés à la productivité des opérateurs, notamment le
nombre de lignes par employé, le chiffre d'affaires par employé,
le nombre de communications, etc.
Enfin, bien qu'ils ne constituent pas des études comparatives, les
rapports d'activité
des grands opérateurs mondiaux
fournissent souvent des indications précises sur leur
productivité et leur examen est source d'enseignement.
Il résulte de cet inventaire qu'il existe une multitude de
manières de mesurer la productivité des opérateurs de
télécommunications mais qu'en définitive, des indicateurs
sophistiqués, tels ceux inventés par Mc Kinsey, sont assez peu
didactiques. En revanche, des indicateurs simples, tels ceux retenus par
l'OMSYC, permettent d'avoir une représentation claire des ordres de
grandeur des grands opérateurs mondiaux.
QUELQUES INDICATEURS SIMPLES DE LA PRODUCTIVITÉ DU
TRAVAIL ET DE LA PRODUCTIVITÉ DU CAPITAL IMMOBILISÉ DES
OPÉRATEURS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS
Indicateurs |
Unités |
FT |
BT |
Telia |
DT |
Lignes par employé |
lignes |
207 |
171 |
181 |
174 |
Minutes de communications par employé |
x 1000 |
664 |
674 |
NC |
NC |
Valeur ajoutée par employé |
1000 F |
668 |
590 |
548 |
654 |
CA téléphonie par employé |
1000 F |
695 |
563 |
659 |
760 |
Valeur ajoutée/capital immobilisé |
% |
45 |
62 |
59 |
31 |
Source : OMSYC et rapport d'activité des grands
opérateurs mondiaux, données pour 1994.
Ces indicateurs, dont les valeurs sont aisément calculables, constituent
la base de la plupart des commentaires sur la productivité des
opérateurs de télécommunications.
Certes, les ratios en numéraire -chiffre d'affaires et valeur
ajoutée par employé- intègrent un effet prix qui
obère la réalité de la productivité des
opérateurs, en surévaluant la production d'un opérateur
comme Deutsche Telekom dont les tarifs sont très élevés.
Cependant, au vu de l'ensemble des indicateurs utilisés, on
s'aperçoit que France Télécom se situe dans la moyenne
supérieure du tableau, sa productivité d'ensemble étant
plus proche de celle de BT que de celle de Deutsche Telekom.
En outre, les travaux publiés par l'OMSYC en 1995 couvrent un champ plus
large d'opérateurs (incluant les 7 Baby's bells, ainsi que la SIP) et
mettent en avant un indicateur intéressant : le chiffre d'affaires
généré par un dollar de dépense en salaire.
Or, selon ce critère, la rentabilité économique des agents
employés par l'opérateur français figure au
deuxième rang -derrière la SIP- avec un chiffre d'affaires
supérieur à celui des Américains, bien que les effectifs
de ces derniers soient moindres. Cela laisse donc supposer, puisque les agents
de France Télécom sont plus nombreux, qu'ils sont aussi moins
payés que leurs collègues américains.
UNE FORTE CULTURE DE SERVICE PUBLIC ET UNE PRISE DE CONSCIENCE DES EXIGENCES DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Les excellents scores réalisés par France
Télécom dans les sondages précités sur la
satisfaction procurée par les services publics démontrent que
l'entreprise a complètement intégré la dimension sociale
de ses missions.
Elle est aussi maintenant de plus en plus attentive aux exigences de la
politique d'aménagement du territoire dans le domaine des
télécommunications.
Aujourd'hui, les réseaux Transpac et Télétel sont
facturés indépendamment de la distance, ce qui évite de
privilégier les grands centres urbains isolés et atténue
les désavantages des départements enclavés.
Surtout l'instauration, en 1994, des zones locales élargies glissantes
de tarification a sensiblement réduit les inégalités
existant antérieurement entre les habitants des zones densément
peuplées et ceux des zones rurales, du point de vue du nombre de
correspondants accessibles pour le prix d'une communication locale.
Enfin, la décision récente d'assurer l'accès à
Internet au même prix sur tout le territoire a confirmé cette
orientation qui ne peut que satisfaire nombre d'élus locaux.
LES VULNÉRABILITÉS NÉES DU PASSÉ
On ne demeure pas, pendant plus d'un siècle,
administration d'Etat sans connaître un certain décalage avec les
réalités du marché quand on commence à devenir une
entreprise. France Télécom en a fait l'expérience depuis
qu'elle est devenue, le 1er janvier 1991, un exploitant autonome de droit
public.
Elle s'est d'ailleurs résolument attaquée à la correction
de cette distorsion. Marcel Roulet l'a propulsée vers le marché
international et a amorcé la substitution d'une " culture de
clientèle " à une " culture de l'usager ". Michel
Bon, son nouveau Président, tend à accentuer cette
dernière orientation en remodelant les structures internes.
Cependant, on ne transforme pas l'héritage de cent ans de comportements
administratifs en cinq ans. France Télécom, si elle est riche de
ses traditions de service public, est encore handicapée par certaines
conséquences des politiques et des pratiques antérieures. En ce
domaine, votre commission distingue quatre vulnérabilités :
l'importance de la dette, le poids des réflexes réglementaires,
des charges de retraite asphyxiantes, une grille tarifaire
déconnectée de la réalité des coûts.
L'IMPORTANCE DE LA DETTE
En 1990, au moment de sa transformation en exploitant
autonome, France Télécom traînait une dette dont le montant
atteignait 120,7 milliards de francs.Celle-ci dépassait largement son
chiffre d'affaires (103 milliards de francs). Le poids des frais financiers (11
milliards de francs) représentait le pourcentage très
élevé de 11 % du chiffre d'affaires (3 fois supérieur
à celui de BT).
Cette situation très dégradée s'expliquait,
essentiellement, par l'obligation faite, depuis 1982, à l'ancienne
direction générale des télécommunications, de
reverser à l'Etat une partie des bénéfices inscrits au
budget annexe des P et T. Ce prélèvement -qui a culminé
à 18,3 milliards de francs en 1986- avait naturellement
suscité de coûteux recours au marché financier pour assurer
les investissements. En outre, il convient de rappeler que dans le cadre de la
réforme de 1990, France Télécom s'est trouvé
substituée à la Caisse nationale des
Télécommunications pour le remboursement de ses financements
obligataires.
Dans le cadre des engagements pris dans son contrat de plan 1991-1994,
l'opérateur a réussi à faire baisser cette dette colossale
à 95 milliards de francs fin 1994.
Son nouveau contrat de plan (1995-1998) lui impose un objectif de 45 milliards
de francs de dette fin 1998, soit un effort 1,7 fois supérieur à
celui consenti antérieurement. Il s'agit d'abaisser le ratio frais
financiers sur chiffres d'affaires -qui est un important ratio de
productivité- pour l'amener au niveau de celui de ses meilleurs
concurrents, c'est-à-dire 2 % ou moins. Fin 1994, ce ratio était
de 5,6 % à France Télécom.
En 1995, en raison notamment du report sur 1996 de l'investissemennt
prévu pour l'entrée au capital de l'allié américain
Sprint, l'entreprise a consacré 16,8 milliards de francs à son
désendettement au lieu des 3,5 milliards initialement prévus. Il
a ainsi ramené sa dette à
78,5 milliards de francs.
Cependant la crainte qu'on peut avoir face à l'ampleur du
rétablissement financier -certes indispensable- demandé à
l'entreprise publique, c'est que celui-ci soit réalisé au
détriment de l'investissement, surtout si les bénéfices ne
demeurent pas au niveau de ceux réalisés ces deux
dernières années.
D'ores et déjà, l'enveloppe des investissements programmée
par le nouveau contrat de plan est de 132 milliards de francs sur la
période 1995-1998, contre 150 milliards de francs pour le
précédent contrat de plan.
L'importance de sa dette financière entrave donc assez sensiblement les
mouvements de l'entreprise.
LE POIDS DES RÉFLEXES RÉGLEMENTAIRES
Un tropisme administratif
A l'analyse, en France, la différence majeure entre une
administration et une entreprise ne réside pas dans la taille -il existe
des entreprises comptant plusieurs centaines de milliers d'employés et
des administrations aux effectifs squelettiques-, ni dans le statut des hommes
et des femmes qui en assurent la vie- il y a des fonctionnaires remarquables de
dynamisme et d'adaptabilité comme il existe des salariés de droit
privé peu motivés. Cette différence se
révèle bien davantage dans l'attitude adoptée à
l'égard des relations tant externes qu'internes.
Dans le cas de l'entreprise, c'est une logique contractuelle qui tend à
présider à ces relations. On négocie avec les clients
comme on discute avec les salariés. Ces négociations sont
menées avec plus ou moins de souplesse selon les circonstances ou selon
l'importance des interlocuteurs. La manière dont la grande distribution
négocie avec ses fournisseurs n'est pas, à en croire les
débats actuels, un modèle du genre. Mais, d'une manière
générale, une relation commerciale ou salariale résulte
d'un accord des deux parties en présence.
Dans une administration, en revanche, le schéma dominant n'est pas
contractuel, il est réglementaire. Il ne repose pas sur la
négociation mais sur l'autorité. L'administration dispose tant
dans ses relations externes qu'internes de prérogatives de puissance
publique, exorbitantes du droit commun, qui lui permettent d'imposer son point
de vue à ses interlocuteurs. En bref, même si elle peut être
amenée à composer, elle fonctionne davantage sur un mode
unilatéral que sur celui du dialogue.
France Télécom s'est construite dans ce cadre et elle reste
marquée par celui-ci.
Une inflexion commerciale
Longtemps, ses abonnés ont été
considérés comme des " usagers " -c'est-à-dire
comme de simples utilisateurs de ce qui leur était
" souverainement " proposé- et non comme des clients,
c'est-à-dire comme des personnes que l'on s'efforce de satisfaire.
L'opérateur oeuvrant pour l'intérêt général
ne s'attardait pas à examiner la complexité contrastée des
divers intérêts particuliers. Tout imbu de l'importance des
tâches confiées par la Nation, les préoccupations
commerciales étaient, pour lui, frappées du sceau de la
trivialité. C'eut été déchoir que de s'y
intéresser.
Il y a encore quelques années, oser contester le montant de sa facture
téléphonique relevait d'un acte de foi dans les droits du
consommateurs. Même quand les sommes exigées étaient
aberrantes, la plupart de ceux qui s'y sont essayés ont
été privés de téléphone jusqu'à ce
que la justice se prononce.
A la décharge de l'exploitant téléphonique, on peut faire
remarquer que c'est là une tendance partagée par des entreprises
publiques qui n'ont pas de passé administratif. Ainsi, à la SNCF,
le retentissant échec de " Socrate " semble bien s'expliquer
par des attitudes inspirées par les mêmes
présupposés " d'infaillibilité technocratique ".
Les choses ont indéniablement changé en ce domaine. Ayant perdu
une partie de son monopole en 1991 (les services dits à valeur
ajoutée), France Télécom a pris conscience qu'elle avait
besoin de ses abonnés autant qu'ils avaient besoin d'elle. Elle a
commencé à les traiter en clients.
Une persistance dans les relations sociales
En revanche, la situation semble avoir beaucoup moins
évolué en ce qui concerne les relations entretenues avec les
salariés.
La manière dont ont été réalisées, à
France Télécom, les reclassifications des personnels
15(
*
)
, décidées parallèlement à
la réforme des PTT, constitue, de l'avis de votre rapporteur, une
illustration des infirmités sociales qui découlent de cet
état de fait.
La transformation juridique de la Poste et de France Télécom en
exploitant autonome de droit public a, en effet, été
accompagnée d'un ambitieux programme social qui a fait l'objet d'un
accord avec trois des organisations représentatives du personnel, le 9
juillet 1990.
Ce programme social comportait deux volets. Le premier consistait en des
mesures classiques de reclassement des personnels fonctionnaires dans de
nouvelles échelles indiciaires plus favorables. Il a été
mis en oeuvre en 1991 et 1992. Le second volet correspondait à une
réorganisation des " classifications " des personnels. Il a
été appliqué progressivement à partir du 1er
janvier 1993. Cette réorganisation visait à mieux harmoniser le
grade détenu et la fonction exercée. L'objectif affiché
par cette refonte des classifications était de valoriser les
tâches exercées par les agents en reconnaissant le
professionalisme qu'elles exigeaient.
De manière concrète, la " reclassification " s'est
traduite par le rattachement de chaque fonctionnaire de La Poste et de France
Télécom à une fonction correspondant au poste qu'il
occupait effectivement, puis par son intégration dans le grade de
reclassification correspondant au niveau de cette fonction.
Elle s'est articulée en trois phases :
- la classification de l'ensemble des fonctions, qui a consisté pour
chaque exploitant à identifier, décrire et évaluer les
différentes fonctions exercées, puis à les classer sur les
quinze niveaux hiérarchiques prévus par l'accord du 9
juillet 1990 ;
- l'élaboration des dispositions statutaires applicables aux nouveaux
corps de classification et définissant, notamment, les conditions de la
nouvelle situation indiciaire des agents ;
- la reclassification des agents, c'est-à-dire la proposition, faite
à chaque agent, de rattachement de son poste de travail à une
fonction identifiée et l'intégration dans le grade correspondant
à cette fonction, après avis d'une commission paritaire
spéciale et selon les règles fixées par les dispositions
statutaires.
La reclassification a conduit à une revalorisation conséquente
des traitements des personnels, allant au-delà des mesures
instaurées dans le cadre du protocole d'accord Durafour pour les
personnels de la fonction publique de l'Etat (environ 10 % pour l'ensemble des
mesures de reclassement et de reclassification).
A France Télécom, le coût annuel
16(
*
)
induit
par les seules reclassifications est
estimé à environ 660 millions de francs, soit 2,8 % de la masse
salariale annuelle ou encore, en moyenne, quelque 4.400 francs par an et par
agent.
A la Poste, où ce coût individualisé a été
moindre, les reclassifications paraissent n'avoir suscité aucune
contestation d'envergure. A France Télécom, toutes les
organisations syndicales qu'a rencontrées votre rapporteur ont reconnu
que cette procédure avait engendré beaucoup de frustrations et un
immense mécontentement. La plupart de ces organisations ont d'ailleurs
critiqué de manière très vive les modalités de mise
en oeuvre de la réforme. La quasi totalité des salariés
avec lequels votre rapporteur s'est entretenu directement lui ont,
également, fait part de la déception et du ressentiment
qu'avaient fait naître les reclassifications.
Lorsqu'était souligné le paradoxe existant entre le
caractère a priori très favorable de la mesure et l'ampleur des
critiques dont sa traduction faisait l'objet, les réponses
formulées étaient révélatrices :
" Les gens
ne vivent pas que de pain ; ils ont aussi, et parfois surtout, besoin de
considération ". " On n'indemnise pas une vexation avec de
l'argent ". " Les gens ont eu l'impression d'avoir été
trompés. Ce qu'on a fait ne correspondait pas à ce qui avait
été promis ". " Tout ça a été
mené de façon très autoritaire. Celui qui proposait une
reclassification était aussi celui qui statuait sur le recours qui
pouvait être opposé à sa décision "...
Le présent rapport n'a nullement pour objet d'enquêter sur les
modes de gestion sociale de France Télécom. Il ne saurait donc en
l'espèce formuler le moindre jugement sur les causes de l'insatisfaction
qu'ont créée les reclassifications. Il se doit toutefois de
souligner l'importance du malaise social qui en est résulté.
A titre personnel, votre rapporteur ne peut s'empêcher d'y déceler
une certaine difficulté de France Télécom à
communiquer autrement qu'à distance. Ceci peut donc amener à
craindre que les conditions d'un réel dialogue social n'y soient pas
réunies, comme si n'y avait pas encore été bien
perçu que les formes réglementaires de communication avec le
personnel qui ont cours dans une administration ne sont plus adaptées
à une structure qui tend à devenir une entreprise à part
entière. Si tel était le cas, il conviendrait d'y remédier
prioritairement, tant il est vrai que sans l'adhésion de ses agents
beaucoup des ambitions que l'on peut nourrir pour notre opérateur
téléphonique seraient vaines.
UN STATUT DE DROIT ADMINISTRATIF
L'article premier de la loi n° 90-568 du
2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de
la poste et des télécommunications a fait de France
Télécom, à compter du 1er juillet 1991, une
" personne morale de droit public "
désignée sous l'appellation "
d'exploitant
public
".
La jurisprudence administrative a depuis reconnu qu'au delà de son
caractère spécifique, cette terminologie instituait un
établissement public industriel et commercial (EPIC).
Il en résulte que,
confrontée à un environnement en
pleine mutation, l'entreprise continue à être régie par des
règles administratives conçues pour assurer son action dans un
cadre économique stable.
Cette inadéquation flagrante entre son régime juridique et les
exigences de son marché avait été critiquée par
votre rapporteur lors de la discussion de la loi de 1990. Depuis, sous l'effet
de l'accélération des évolutions économiques et
juridiques en cours, ce décalage entre le droit applicable et les
exigences de l'action s'est aggravé.
Il constitue un handicap d'autant plus grave que le statut de l'entreprise va
de pair avec son assujettissement à des contributions de retraite tout
à fait exorbitantes du droit commun.
DES CHARGES DE RETRAITE ASPHYXIANTES
Le régime de retraite appliqué à France Télécom
France Télécom emploie aujourd'hui plus de
150.000 personnes dont 97 % sont des fonctionnaires qui relèvent du
régime spécial de retraite de la fonction publique défini
dans le Code des Pensions Civiles et Militaires (PCM).
Les agents contractuels sont, pour leur part, assujettis au régime
général de sécurité sociale et cotisent à
des régimes complémentaires obligatoires : IRCANTEC pour les
agents contractuels de droit public et ARRCO-AGIRC pour les salariés
régis par la Convention commune La Poste-France Télécom.
S'agissant des fonctionnaires,
l'article 30 de la loi 90-568 du
2 juillet 1990
relative à l'organisation du service public de
la poste et des télécommunications a posé le principe
selon lequel
les pensions des fonctionnaires de France Télécom
sont versées par l'Etat et intégralement remboursées
à ce dernier par l'exploitant public.
Ce remboursement s'effectue d'une part grâce à une retenue
effectuée sur le traitement des fonctionnaires dont le taux, aujourd'hui
de 7,85 %, est fixé par le Code des PCM et d'autre part grâce
à une contribution complémentaire, assimilable à une
cotisation patronale, permettant la prise en charge intégrale des
pensions des agents retraités de France Télécom.
En outre, France Télécom rembourse à l'Etat les charges
résultant des mécanismes de compensation -compensation
généralisée démographique vieillesse- et de
surcompensation -compensation spécifique vieillesse-.
Ce système de retraites s'applique également à La Poste.
Les charges de pensions versées aux agents fonctionnaires de La Poste ou
de France Télécom mis à la retraite avant le 1er janvier
1992, sont forfaitairement partagées entre eux : 61,6 % pour La Poste,
38,4 % pour France Télécom. Les pensions des fonctionnaires mis
à la retraite après le 1er janvier 1992 sont prises en charge par
l'exploitant public dont relève l'agent le jour de sa radiation des
cadres.
Ce mécanisme entraîne que les charges de pensions incombant
à France Télécom depuis 1990 et prévues pour 1995
se présentent comme suit :
CHARGES DE PENSION DE FRANCE TÉLÉCOM (en millions de francs) |
|||||
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
Prévision 1995 |
Remboursement à l'Etat des charges de pensions |
6.157 |
6.451 |
7.020 |
7.229 |
7.671 |
dont cotisations salariales |
1.281 |
1.321 |
1.422 |
1.399 |
1.466 |
dont contributions complémentaires de France Télécom |
4.876 |
5.130 |
5.598 |
5.830 |
6.205 |
ajustement sur exercice antérieur |
|
|
|
- 150 |
|
versement total |
6.157 |
6.451 |
7.020 |
7.079 |
7.671 |
En outre, les contributions de France Télécom au financement de la compensation généralisée démographique vieillesse et de la compensation spécifique vieillesse sont retracées ci-dessous :
CONTRIBUTIONS DE FRANCE TÉLÉCOM À LA " COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE "
(en millions de francs)
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
Prévision 1995 |
Compensation et surcompensation |
1.157 |
1.233 |
1.819 |
1.377 |
1.367 |
Ajustement sur exercice antérieur |
|
|
|
- 485 |
|
Versement total |
1.157 |
1.233 |
1.819 |
892 |
1.367 |
En 1994, la charge globale du paiement des pensions s'est
donc
élevée à environ 8,1 milliards de francs, dont 1,4
milliard de francs au titre de la cotisation salariale et 6,7 milliards
à la charge de l'opérateur
17(
*
)
.
Le versement annuel de France Télécom correspondant aux
versements effectifs des pensions payées aux retraités de France
Télécom et n'ayant pas le caractère de cotisation
libératoire, ceci conduit France Télécom à
s'engager sur le futur pour assurer le financement en tant que de besoin des
retraites de ses fonctionnaires.
Depuis 1992, l'exploitant public provisionne d'ailleurs, de manière
partielle, ses futures charges de retraite
18(
*
)
.
Ce régime se différencie donc très nettement d'un
régime à cotisations libératoires, du type de celui du
régime général, où le versement des cotisations
effectué par l'entreprise est juridiquement déconnecté du
niveau des pensions servies et libère ainsi l'entreprise de tout
engagement sur le futur.
Ses perspectives d'évolution
La situation démographique
du régime de
retraites des fonctionnaires de France Télécom n'est pas
favorable à terme. La pyramide des âges de France
Télécom se caractérise en effet par " un
ventre " très prononcé pour les classes dont l'âge se
situe entre 35 et 50 ans, classes qui regroupent 62 % des effectifs.
De manière résumée, la pyramide des âges de
l'opérateur public se présente comme suit :
- 18/35 ans : 26.000 : 17 %
- 36/49 ans : 96.000 : 62 %
- 50/65 ans : 33.500 : 21 %
Toutes choses égales par ailleurs, les charges de retraites
connaîtraient donc une croissance progressive jusqu'en 2005, puis une
forte accélération après cette date.
Compte tenu des hypothèses sur le niveau de l'emploi faites par France
Télécom, le système actuel conduirait alors à ce
que le ratio " charges de retraites des fonctionnaires sur masse
salariale
des fonctionnaires " augmente sensiblement. Selon les études
réalisées à ce jour,
le taux de
contribution
patronale
19(
*
)
passerait
de 29 %
aujourd'hui à 38 % en 2000, 47 % en 2005 et ...77 % en 2010.
Si France Télécom continuait, à cet horizon, à
bénéficier d'un monopole, elle pourrait financer l'accroissement
de cette charge en fixant ses tarifs à un niveau supérieur
à ce qu'une exploitation dans des conditions de droit commun lui
permettrait de proposer.
Ce ne sera cependant plus le cas. Elle se trouvera donc confrontée
à la concurrence d'entreprises acquittant déjà aujourd'hui
de l'ordre de 10 points de charges de retraite en moins
20(
*
)
et risque donc, dans ces conditions, de crouler sous
le poids des pensions de ses anciens fonctionnaires.
UNE GRILLE TARIFAIRE DÉCONNECTÉE DE LA RÉALITÉ DES COÛTS
Ce n'est un mystère pour personne et cela a
déjà été expliqué à de nombreuses
reprises par votre Commission des Affaires économiques et du Plan : la
structure des tarifs téléphoniques de France
Télécom est aujourd'hui assez sensiblement
déconnectée de la réalité des coûts. D'une
manière générale, les communications locales se
révèlent sous facturées au détriment des
communications " longue distance ". De plus, certaines
charges fixes
telles celles perçues au titre du raccordement au réseau ou de
l'abonnement sont généralement considérées comme
sous-évaluées.
Ceci s'explique, en partie, par des raisons historiques : les anciennes
techniques de commutation et de transmission ainsi que les coûts initiaux
d'installation des réseaux rendaient, il y a encore une dizaine
d'années, les coûts de communication beaucoup plus
dépendants de la distance parcourue que maintenant. Aujourd'hui, sous
l'effet des nouvelles techniques (commutation électronique, transmission
numérique...) et de l'amortissement des équipements filaires,
c'est la durée de la communication et non plus l'éloignement du
correspondant qui tend à devenir l'élément
déterminant de la chaîne des coûts.
Des facteurs politiques et sociaux ont toutefois largement contribué
à la situation actuelle : la grille tarifaire en vigueur permet aux
particuliers, dont les communications sont majoritairement passées au
niveau local, de téléphoner à moindre coût et, en
conséquence, l'adaptation de cette grille aux nouvelles
réalités suppose un ajustement des prix pouvant, s'il est brutal,
être socialement insupportable.
Cependant, le prix des services proposés par un opérateur de
télécommunications est un facteur majeur de
compétitivité dans un marché concurrentiel. Si certains de
ses prix sont supérieurs aux coûts des services fournis, d'autres
peuvent proposer ces mêmes services pour moins chers et s'attacher la
clientèle pénalisée par la majoration des prix.
Les corrections apportées à ce dangereux
déséquilibre tarifaire dans le cadre de l'exécution du
précédent contrat de plan et celles programmées par celui
en cours d'application sont exposées en annexe (n° 2) au
présent rapport.
Pour votre Commission des Affaires économiques, il est toutefois
indispensable que la poursuite de ces ajustements tarifaires ne
préjudicie pas aux intérêts sociaux qui
bénéficient des actuels déséquilibres. Il convient
que France Télécom puisse, simultanément, s'adapter aux
exigences économiques des changements en cours sans renier ses
obligations de service public. Il s'agit là d'un des cinq grands
défis que l'entreprise aura à affronter au cours des prochaines
années. Elle doit disposer des moyens de le relever.
CHAPITRE III : FRANCE TÉLÉCOM EST
CONFRONTÉE
À CINQ DÉFIS MAJEURS
Au regard, tant des forces que des fragilités qui résultent de son histoire, d'une part, et de l'orientation des changements en cours dans le secteur des télécommunications, d'autre part, France Télécom aura à relever cinq défis majeurs au cours des années à venir : la perte de son monopole téléphonique, l'adaptation au marché dans la fidélité au service public, un double défi social et moral, ainsi que, le plus immédiat : le défi de l'urgence.
LA FIN DU MONOPOLE TÉLÉPHONIQUE
Selon les propres prévisions de France
Télécom, en 1995, sur 131,5 milliards de francs de chiffre
d'affaires, 111 milliards provenaient de ses activités liées au
téléphone
21(
*
)
. Aujourd'hui
encore, le groupe tire plus de 80 % de ses recettes de la
téléphonie de base ! Or, au 1er janvier 1998, le monopole
séculaire dont il dispose en ce domaine disparaîtra. Le
2 janvier 1998, les entreprises communautaires
22(
*
)
désireuses de proposer des services
téléphoniques aux Français auront le droit de le faire.
L'échéance est juridiquement inéluctable ! Cependant, il
faut bien avoir conscience qu'elle n'est, par beaucoup d'aspects, que la
conséquence d'une évolution technologique irrésistible qui
produit les mêmes effets partout dans le monde et qui répond
à de puissantes raisons économiques.
JURIDIQUEMENT INÉLUCTABLE
Une obligation programmée
La France, comme la plupart
23(
*
)
de ses partenaires communautaires, s'est
engagée devant l'Union européenne à ouvrir à la
concurrence les services de téléphonie publique à compter
du 1er janvier 1998. Elle y est donc obligée par ses engagements
internationaux.
L'évolution de la politique communautaire dans le domaine des
télécommunications est détaillée en annexe 3. Ses
grandes étapes passées et à venir sont
résumées dans le calendrier ci-après.
CALENDRIER EUROPÉEN
DE L'OUVERTURE DES
TÉLÉCOMMUNICATIONS
À LA CONCURRENCE
1984
Décision d'engager l'élaboration d'un
Livre vert sur le rôle des télécommunications dans
la construction européenne
1986
Adoption de l'Acte unique européen (signature par la France
le 18 décembre 1986 ; ratification le 17 décembre 1986)
1987
Publication par la Commission européenne, sur le fondement
du Traité de Rome et de l'Acte unique, du Livre vert sur le
rôle des télécommunications dans la construction
européenne.
1988
Concurrence pour les terminaux (dont postes
téléphoniques).
1989
Sous présidence française : décision du
Conseil d'ouvrir progressivement à la concurrence la plupart des
services de télécommunications, sous réserve des
droits exclusifs et spéciaux sur le service
téléphonique entre points fixes et sur les infrastructures
publiques.
1990
Concurrence pour les services à valeur ajoutée.
1992
Concurrence pour les services de transmission de
données.
1993
Décision du Conseil de généraliser la
concurrence sur tous les services de télécommunications
à compter du 1er janvier 1998.
1994
Décision du Conseil d'ouvrir à la concurrence la
fourniture des infrastructures de téléphonie filaire
à compter du 1er janvier 1998.
1996
Concurrence pour les mobiles (1988 en France).
1996
Concurrence pour les infrastructures alternatives.
1998
Concurrence pour le service téléphonique ouvert au
public.
1998
Concurrence pour l'établissement des infrastructures
filaires.
Le fruit d'une constance politique
Le calendrier qui vient d'être présenté le
souligne :
le processus qui s'achèvera le 1er janvier 1998 aura
été engagé de longue date. Il a été
amorcé
par la Commission européenne le 17 décembre
1984,
sous le premier septennat de François Mitterrand.
Il a
été officialisé, le 30 juin 1987, toujours sous ce
septennat, par la publication du Livre vert sur le rôle des
télécommunications dans la construction européenne. Ce
document s'appuyait sur le Traité de Rome, mais aussi et surtout sur
l'Acte unique européen
signé par le Gouvernement de M.
Laurent Fabius, ratifié par le Parlement français pendant le
Gouvernement de cohabitation dirigé par M. Jacques Chirac.
Dans le domaine des services, ce processus a été constamment
soutenu par le Conseil européen des ministres des
télécommunications de 1989 à 1994.
En l'espèce,
les deux décisions majeures ont été prises en 1989 et
1993, sous le second septennat de François Mitterrand (la
première pendant la présidence française de la
Communauté), l'une par le Gouvernement de M. Rocard, l'autre par le
Gouvernement de M. Balladur.
Si une attitude aussi constante a été maintenue par tous les
Gouvernements qui se sont succédés depuis sept ans, ce n'est pas
par aveuglement. C'est parce que notre champion du secteur, France
Télécom, compte parmi les plus forts du Vieux Continent. En toute
logique, s'il sait s'adapter, s'il ne se referme pas sur lui-même, il ne
peut que gagner à l'ouverture des marchés de nos partenaires. En
outre, les efforts de compétitivité que ceci le conduira à
faire ne peuvent que lui ouvrir plus largement encore les portes du
marché mondial.
Enfin, nul ne doit oublier qu'une telle ouverture ne peut que favoriser la
croissance du marché des équipements de
télécommunications, où Alcatel occupe les premiers rangs
mondiaux.
TECHNIQUEMENT IRRÉSISTIBLE
Même en l'absence des échéances juridiques
fixées par Bruxelles, les progrès technologiques
enregistrés dans le domaine des télécommunications ces
derniers temps tendraient à rendre obsolètes les protections
monopolistiques.
La concurrence téléphonique, c'est déjà aussi
simple que le " call back ".
Le " call back " consiste à appeler, depuis une ligne
téléphonique déclarée, un ordinateur à
l'étranger. On laisse retentir la sonnerie et on raccroche, sans avoir
établi la communication. L'ordinateur compose alors automatiquement le
numéro de téléphone correspondant à la ligne
déclarée et la connecte sur un central
téléphonique. On décroche alors son
téléphone et on compose le numéro que l'on désire
obtenir dans un pays étranger. La communication est ensuite obtenue dans
les conditions habituelles, à la différence que sa facturation
n'est pas établie par France Télécom mais, à des
coûts bien moindres, par la compagnie étrangères qui a
acheminé l'appel.
Certes, la signature d'un contrat de " call back " entraîne
la
souscription d'un engagement de consommation minimum et suppose l'acceptation
d'une légère contrainte d'utilisation.
En revanche, comme les prestataires de " call back " sont
installés dans des pays où la concurrence a déjà
fait baissé les prix (États-Unis, Grande-Bretagne...), le
coût de la communication est 30 à 70 % moins
élevé que si elle était établie par France
Télécom.
Bien plus, lorsqu'on choisit un opérateur de " call back "
américain et que le correspondant à joindre est installé
sur le territoire des États-Unis, l'appel n'est pas
considéré comme un appel international, mais comme un appel
intérieur aux États-Unis et se trouve donc facturé 2
à 3 fois moins cher.
Comment, dans ses conditions, s'étonner de la vogue que connaît le
" call back " auprès d'entreprises disposant de succursales
à l'étranger ou auprès de particuliers dont des proches
séjournent hors de nos frontières ?
La grande " porosité " des actuelles " casemates
monopolistiques " est également mis en évidence par les
projets futuristes de réseaux satellitaires permettant de
s'exonérer des contraintes imposées par les infrastructures
filaires et, en conséquence, d'offrir des services de
téléphonie en ignorant ceux qui sont propriétaires de ces
infrastructures.
Le plus connu de ces projets est celui piloté par Bill Gates -le
Président de Microsoft, première entreprise mondiale de logiciel-
et Craig Mc Caw, le milliardaire américain de la
téléphonie cellulaire.
Ils ont, en effet, annoncé leur intention d'ouvrir, à compter de
2001, un réseau mondial de télécommunications
constitué de 840 satellites en orbite basse
24(
*
)
. Ce réseau permettrait de couvrir la
totalité de la planète et de véhiculer, de manière
interactive et à très grande vitesse, des voix
(c'est-à-dire des services téléphoniques), des
données, des images et la plupart des prestations multimédias
(vidéo-conférence, télédiagnostic, ...). Ce serait
l'une des plus importantes applications commerciales de la technologie
développée par le programme de recherche dit " guerre des
étoiles ".
A cet effet, les deux associés ont, d'ores et déjà,
fondé une société,
Teledesic Corporation
, dont ils
détiennent chacun 30 % des parts. Ils prévoient d'investir,
au total, 9 milliards de dollars (environ 50 milliards de francs)
dans l'opération.
Sceptiques, certains soulignent que ce projet souffre de sérieux
handicaps. On ne dispose pas des capacités de lancement qu'exigerait le
maintien d'un tel nombre de satellites en orbite basse. Ceux-ci tombant assez
rapidement en raison de leur faible altitude, il faudrait, en effet, pouvoir en
remplacer 4 à 5 par semaine. En outre, actuellement, les antennes
d'émission satellitaire à haut débit sont à la fois
très volumineuses et très chères.
Cependant, l'existence d'un marché important et les avancées
technologiques enregistrées dans ces domaines pourraient, dans les
années qui viennent, effacer ces obstacles. Par ailleurs, Teledesic ne
compte pas exploiter directement son réseau auprès des usagers,
mais le vendre comme support à d'autres opérateurs, nationaux ou
locaux.
Surtout, en novembre 1995, l'Union internationale des
télécommunications (UIT) a, lors de sa conférence annuelle
à Genève, attribué une gamme de fréquences aux
satellites non géostationnaires pour des services de transmission de
données à haut débit. Comme les Américains sont les
plus en pointe en la matière, ceci n'est pas sans être
préoccupant pour les Européens.
D'autant plus préoccupant que Teledesic n'est pas le seul projet de
cette nature. Motorola a déjà programmé, cette
année, la mise sur orbite de cinq satellites expérimentaux pour
tester son projet Iridium, moins ambitieux que Teledesic, mais reposant sur des
principes comparables.
Cependant, Alcatel participe à Globalstar, projet de communications
mobiles par satellites développé par Loral et cherche des
partenaires pour financer le projet Sativod, moins coûteux que Teledesic
et pouvant offrir les mêmes services.
Au-delà des perspectives ouvertes par une " résille de
satellites " tourbillonnant autour de la planète, le formidable
potentiel qu'offre la combinaison des technologies numériques et
hertziennes n'est pas sans frapper votre rapporteur.
Aujourd'hui, dans les laboratoires de " Advanced Television Test
Center ", à Washington, on affirme être à même
de faire circuler simultanément 30 programmes de
télévision sur les fils du téléphone
en
numérisant les images et en comprimant les données ainsi obtenues
avec des algorithmes adéquats.
Appliquées à des systèmes de communication par voie
hertzienne comme le MMDS (Microwaves Multichannel Distribution System,
système de distribution multipoint multiplexé) ces technologies
numériques ouvrent de nouvelles possibilités de desserte, par des
réseaux à hauts débits, des zones rurales où
l'installation d'infrastructures lourdes serait difficilement rentable.
Dans cette perspective, le MMDS pourrait être le
câble hertzien
de l'espace rural
.
Parallèlement aux possibilités ouvertes par les technologies
hertziennes, certains pronostiquent des formes de concurrence inédites
sur les réseaux filaires. Ainsi, Christian Huitema, chercheur à
l'INRIA et membre de " l'Internet Architecture
Board "
25(
*
)
, affirme
"
qu'il est évident
qu'à terme il y aura intégration des voix et des données
sur l'Internet. Dans le futur, on ne vendra plus de postes
téléphoniques mais des outils de communication dont le
téléphone ne sera qu'une composante. Si les opérateurs de
téléphone veulent survivre, ils doivent prendre le
virage "
26(
*
)
.
Certes, aujourd'hui, il est difficile d'être convaincu par une telle
assertion. Pour avoir une conversation téléphonique sur le
" réseau des réseaux ", il faut disposer d'un
équipement coûteux (micro-ordinateur, doté d'un
haut-parleur et d'un microphone, logiciel ad hoc...). En outre, même avec
un tel matériel, la qualité des transmissions est très
éloignée de celle assurée par les réseaux
téléphoniques, inférieure à celle pouvant
être tenue sur la CB (Citizen Band).
Mais, demain, la perspective d'être en mesure d'appeler Tokyo pour le
prix d'une communication locale ne va-t-elle pas susciter une demande accrue
des " Internautes ", pouvant conduire à l'émergence de
produits rendant attractif et peu cher le téléphone sur le
" Net " ?
Nul ne sait ! En revanche, il est certain que s'il restait enfermé dans
la " ligne Maginot du monopole ", notre opérateur
téléphonique serait vite contourné et aurait bien peu de
chance de résister à " l'offensive " des nouvelles
technologies. Face à ces dernières, le monopole juridique sur le
téléphone n'apparaît guère plus solide qu'un
" bouclier de carton ".
ÉCONOMIQUEMENT INDISPENSABLE
La théorie du monopole naturel se justifie de moins en moins
La justification de monopoles régulés par
l'État dans les industries de réseau a longtemps reposé
sur les théories dites du
monopole naturel
s'inspirant des
travaux d'économistes comme L. Walras et W. Pareto.
Dans le cas des télécommunications, le monopole se trouvait
légitimé par le fait qu'il permettait des
rendements
croissants
, c'est-à-dire une situation où, en raison du
coût élevé des infrastructures, les prix unitaires du
service diminuent si ce dernier est fourni en grande quantité par un
seul prestataire.
La pertinence de cet argument, tout à fait fondé pendant
longtemps, doit désormais être relativisée.
Tout d'abord, même si le coût des travaux de génie civil
nécessaires à l'établissement des lignes reste très
élevé, les charges d'investissement se déplacent
maintenant des lignes vers les centraux de commutation. Plusieurs raisons
à cela : les infrastructures filaires maillent désormais
l'ensemble du territoire, les techniques hertziennes moins onéreuses
commencent à apparaître dans certains cas comme des alternatives
intéressantes, le fait que tant la puissance que l'intelligence des
réseaux dépendent de plus en plus des logiciels qui les pilotent
à partir des commutateurs. Or, le coût de ces logiciels tend
à croître à proportion des services qu'ils rendent.
Surtout, le formidable développement de l'informatique fait voler en
éclat le principe traditionnel selon lequel l'unicité du
réseau imposait l'unicité d'opérateur. Dans un
passé encore récent, il était inenvisageable ou
extrêmement onéreux de mettre en place des dispositifs permettant
d'identifier et de facturer l'utilisation d'un réseau de
télécommunications par un autre que son propriétaire.
Désormais, ce n'est plus vrai. Les logiciels de comptage et de suivi des
connexions implantés sur les commutateurs sont à même
d'effectuer ces tâches pour un coût minime.
Le monopole a des coûts économiques de plus en plus lourds
Une entrave à la diffusion des progrès techniques
D'une manière générale, dans un
environnement technologique en évolution rapide, les structures
monopolistiques ne favorisent pas la diffusion du progrès technique. Les
monopoles, voire les duopoles, sont naturellement conduits à maximiser
les bénéfices que leur procurent leurs investissements en cours
d'amortissement. Ils sont en définitive davantage portés vers la
rente que vers l'innovation car, face à un marché captif, il
n'est pas sûr que l'innovation apporte beaucoup de recettes
supplémentaires alors qu'il est certain que l'investissement la
permettant entraînera une dépense.
De ce point de vue,
l'importance du retard enregistré par la France
en matière de téléphonie mobile est un exemple
probant
. En Suède, où il y a trois opérateurs de
radiotéléphone, on compte 21,6 abonnés pour 100 habitants
; en France, où pendant huit ans, il n'y a eu que deux opérateurs
dont un par ailleurs en situation de monopole sur le téléphone
entre points fixes, on ne compte que 2,1 abonnés pour 100 habitants. Dix
fois moins ! Un des taux le plus bas d'Europe ! Le plus bas des pays de
niveau de développement comparable !
Certes, entre le 1er janvier 1994 et le 30 juin 1995, le nombre
d'abonnés au radiotéléphonie a, d'un coup, doublé,
dépassant à cette date -sous l'effet d'une baisse des prix
prononcée- le seuil du million de personnes. Cette brutale
accélération peut apparaître surprenante. Elle se comprend
mieux quand on se rappelle qu'en 1994, a été
désigné un troisième opérateur de
téléphonie mobile : Bouygues Télécom. Sa prochaine
arrivée sur le marché a en quelque sorte déclenché
un sursaut préventif des deux opérateurs en place.
S'il
fallait trouver une preuve que la concurrence favorise la
démocratisation du progrès technique, on pourrait la voir
là.
Un handicap de productivité pour l'économie
Dans un contexte de forts changements technologiques, un
autre
inconvénient du monopole est qu'il n'est pas naturellement enclin
à répercuter l'évolution de ses coûts sur ses prix.
C'est le cas actuellement de France Télécom. On l'a vu, ses
tarifs ne reflètent pas la répartition réelle de ses
charges de production.
Il en résulte une distorsion dans l'allocation des ressources qu'il
fournit à ses clients. Ceci constitue indéniablement un
handicap de productivité pour les entreprises
qui payent un
service plus cher que leurs concurrentes étrangères. Dans le cas
d'un secteur aussi essentiel et aussi porteur d'avenir que les
télécommunications, un tel phénomène peut
même devenir
pénalisant pour l'ensemble de
l'économie
.
Ainsi, votre rapporteur ne peut s'empêcher de constater que, au milieu
des années 1980, le " Big Bang " de la City, la place
financière londonnienne, et l'expansion des services financiers anglais
qui en a résulté a été postérieur à
la libéralisation des télécommunications britanniques.
N'est-ce pas parce que les banques et les financiers internationaux sont
attirés par les pays où les communications internationales et la
transmission de données sont peu chères ?
MONDIALEMENT PROGRAMMÉ
Il n'y a pas que dans l'Union européenne que le glas
a sonné pour les monopoles téléphoniques.
En Australie, en Nouvelle Zélande, cela a déjà
été décidé. Nombre des pays d'Europe de l'Est
s'orientent dans cette direction et la quasi totalité est
déjà engagée dans la voie de la concurrence pour la
téléphonie mobile.
Aux États-Unis, le " Telecommunication Act " du 8
février dernier a levé toutes les barrières.
Même au Japon, le Conseil des Télécommunications a
recommandé, au début de ce mois, de supprimer le monopole encore
détenu par NTT sur les communications locales.
Sans compter que, dans le même temps, sont relancées, au sein de
l'organisation mondiale du commerce (OMC), les négociations relatives
à une libéralisation internationale des services de
télécommunications.
France Télécom n'a donc guère d'autres choix que celui
de se dépouiller de ses habitudes monopolistiques. Dans un monde
où la vélocité décidera du sort des batailles, une
armure serait une entrave mortelle.
LE CHANGEMENT DANS LA FIDÉLITÉ AU SERVICE PUBLIC
UN CHANGEMENT RADICAL
Dans à peine plus de 21 mois, France
Télécom affrontera la concurrence sur tous ses créneaux
d'activité.
" Le changement sera brutal "
annonce
Michel Bon, son nouveau Président.
On ne peut que lui donner raison. Jusqu'à maintenant le monopole de
l'exploitant public a été ébréché, il n'a
jamais été ébranlé. La téléphonie
mobile a été ouverte à la concurrence en 1988 ; au 30 juin
1995, il continuait à contrôler près de 70 % du
marché (numérique + analogique). Demain, cette
hégémonie sera remise en cause ; c'est le terrain sur lequel il a
fondé sa prospérité qui pourra lui être
disputé. La situation sera radicalement différente.
Il devra s'adapter à la nouvelle donne. Ses atouts sont connus, ses
faiblesses aussi. Les uns et les autres ont été exposés
précédemment.
Son plus lourd handicap est sans conteste la force d'inertie des habitudes
bureaucratiques qu'il a héritées de son passé
d'administration jacobine : sa centralisation parisienne, son caractère
procédurier, son organisation qui n'est pas sans rappeler certains
schémas militaires.
France Télécom est une entreprise d'ingénieurs qui s'est
construite autour d'une
culture de l'offre
. Jusqu'à une date
récente, la définition de ses produits répondait davantage
à des préoccupations techniques qu'à des visées
commerciales. Dans le cadre de son monopole, elle pouvait se permettre de
pratiquer une
politique de marge
sans se soucier des quantités
écoulées.
Il va lui falloir s'enrichir d'une nouvelle approche de ses marchés
traditionnels, développer son sens commercial, accepter une logique
d'expansion qui passe par une baisse des prix et un accroissement des
quantités vendues. Il va lui falloir s'intéresser davantage
qu'hier aux attentes des entreprises et des particuliers. Bientôt
l'entreprise ne pourra plus imposer son offre ; elle devra s'adapter à
la demande. Elle doit donc échapper à ses tropismes
réglementaires et
apprendre la réactivité
.
Le passé récent démontre qu'elle est en mesure de
relever ce défi
. Le succès de son nouveau service de
radiomessagerie grand public (Tatoo : 100.000 clients en 3 mois), la
réorganisation de la Direction générale, le renforcement
du réseau commercial désormais structuré autour des
principaux marchés de l'entreprise (grand public, clients d'affaires,
grandes entreprises) sont autant de gages de réussite future.
UN IMPÉRATIF : LA FIDÉLITÉ AU SERVICE PUBLIC
Si la bourrasque commerciale doit
régénérer l'entreprise, elle ne doit pas tout emporter sur
son passage. Toutes les prestations de télécommunications n'ont
pas vocation à être soumises aux lois du marché.
La concurrence en poussant à la baisse des prix sur les communications
longue distance devrait profiter à l'espace rural. Cependant, les zones
enclavées ou peu peuplées du territoire vont demeurer plus
coûteuses à desservir que les grands centres urbains.
Parallèlement, les couches les moins aisées de la population ne
sauraient supporter une hausse prononcée des services de base.
Aujourd'hui, le service public téléphonique satisfait à
des exigences sociales et territoriales de solidarité nationale. Cela
doit demeurer.
Le service public ne doit pas être affecté par
la disparition du monopole.
France Télécom doit en conséquence recevoir les moyens de
continuer à assurer ses missions de service public sans que cela entrave
son adaptation commerciale
. Il y a là un arbitrage politique majeur
à assumer. Le présent rapport avancera des propositions en ce
sens.
UN DOUBLE DÉFI SOCIAL ET MORAL
UN DÉFI SOCIAL
La communication sociale n'est pas satisfaisante à
France Télécom.
Après avoir rencontré toutes
les organisations du personnel et discuté directement avec plus d'une
cinquantaine de " télécommunicants ", votre rapporteur
en est convaincu. Le bilan généralement tiré des
" reclassifications " l'a conforté dans cette opinion.
Certes, on n'assiste pas à une paralysie du dialogue social
institutionnel. L'accord très novateur sur le temps partiel conclu, en
novembre dernier, avec quatre des syndicats représentatifs du personnel
est là pour le démontrer.
Pourtant les messages circulent mal au sein de l'entreprise. Les orientations
suivies ne sont pas toujours présentées suffisamment clairement
au personnel pour qu'ils les comprennent et puissent y adhérer.
Ainsi, il est difficile de ne pas considérer comme
révélateur qu'un document officiel consacré à
France Télécom par l'un des plus importants syndicats de
salariés énonce successivement que :
" Aujourd'hui, France Télécom est centralisé et
hiérarchisé à l'excès, ce qui constitue toujours
une de ses faiblesses. Le poids de l'organisation bureaucratique et de la
culture taylorienne ont continuellement défavorisé le
personnel ".
" L'adaptation de France Télécom aux nouveaux enjeux passe
avant tout par l'existence d'un projet et
d'une stratégie sociale
basée sur la mise en oeuvre de règles collectives connues de
tous
.... ".
De même, on ne peut manquer d'être frappé par le fait que
les programmes de réorganisation internes ayant pour objet de rapprocher
l'entreprise de ses clients soient présentés aux salariés
sous des sigles aussi éloquents que ÉO1, ÉO2 et
ÉO3. Chacun de ces acronymes aussi hermétique
qu'ésotérique signifie
" évolution de
l'organisation -
phase 1, phase 2 et phase 3 "
. Plus
qu'un
programme, ces barbarismes revèlent une philosophie sociale ! Ils
expriment une conception de l'action collective qu'un observateur
extérieur peut difficilement s'empêcher d'estimer
déphasée au regard des enjeux. Utiliser de telles expressions
pour, de nos jours, rassembler dans un grand projet commun des hommes et des
femmes d'un haut niveau moyen de formation, c'est oublier qu'une
communauté humaine ne comprend pas le langage binaire, mais des mots et
des images qui lui décrivent une ambition où elle est
impliquée.
Si ceux qui composent la force humaine d'une entreprise ne perçoivent
pas les contours du chemin que leurs dirigeants leur proposent de suivre quand
les temps présents leur semblent incertains, comment s'étonner
qu'ils nourrissent des appréhensions face à l'avenir ?
Aujourd'hui, votre rapporteur a le sentiment qu'à France
Télécom beaucoup des salariés ont peur de l'avenir parce
qu'on ne sait pas leur expliquer les " challenges "
individuels et
collectifs qu'ils vont avoir à relever. De ce fait, ils n'ont plus
confiance dans ce qui leur est dit.
Certes, l'arrivée prochaine de la concurrence explique une grande part
de leur inquiétude. Mais l'équivoque de certains des discours qui
leur ont été tenus l'a amplifiée. De ce point de vue, la
" valse hésitation " qui a eu lieu, avant les
présidentielles, à propos de la transformation de l'entreprise en
société anonyme détenue majoritairement par l'Etat, n'a
pas été sans influence dans la crispation d'une majorité
des personnels à la perspective de changements dont la
nécessité n'est pas comprise.
Or, rien de grand et de fort ne saurait réussir à France
Télécom sans que les hommes et les femmes de l'entreprise n'y
soient associés.
UN DÉFI MORAL
Respecter les engagements pris
Face aux changements que la concurrence va imposer, France
Télécom et l'Etat ont d'abord l'obligation, à la fois
juridique et morale, de respecter les engagements qui ont été
pris à l'égard de ceux qui ont choisi d'embrasser la
carrière de fonctionnaire des télécommunications en raison
du statut qui y correspondait.
Ils ont donc à
réaffirmer clairement
, dans des formes
solennelles,
qu'ils garantissent le maintien de leur statut et de la
sécurité individuelle d'emploi qui en découle à
ceux qui travaillent pour l'entreprise publique
.
Dire la vérité
Relever le défi moral du changement, c'est aussi
dire la vérité.
Dire la vérité, c'est d'abord reconnaître qu'on ne sait
pas ce que seront tous les métiers des télécommunications
dans vingt ans mais qu'en tout état de cause, ils vont vraisemblablement
connaître des transformations importantes et que cela va imposer un
effort d'adaptation à beaucoup des agents de France
Télécom.
Dire la vérité c'est aussi énoncer ce que disent les
salariés de France Télécom eux-mêmes, à
savoir qu'il y a des branches de l'entreprise où l'emploi devrait
connaître un développement important (les fonctions commerciales
par exemple) et d'autres où il devrait stagner, voire diminuer.
Il n'est pas possible de prétendre que tout va changer pour l'entreprise
sans que rien ne change pour le personnel. C'est faire injure à
l'intelligence des agents de France Télécom.
La plupart de ceux qu'a rencontrés votre rapporteur le savent. La France
a rattrapé son retard d'équipement téléphonique.
Les réseaux sont installés. Ils doivent continuer à
être entretenus et modernisés. Petit à petit la fibre
optique va remplacer les fils de cuivre. Mais cela ne va pas demander un effort
aussi important que celui accompli au cours des dernières
décennies et la concurrence ne permettra pas de laisser insuffisamment
employées des compétences qui pourraient s'exprimer ailleurs dans
l'entreprise.
Il y a donc à prévoir, dans les années qui viennent, des
reconversions professionnelles permettant un redéploiement des effectifs
ajustés aux nouvelles priorités de l'opérateur public. Il
est difficile d'envisager que les choses se passent autrement. Les
salariés de France Télécom le savent ou le devinent. Ne
pas leur dire franchement leur laisserait supposer qu'on leur cache la
vérité et cela introduirait le doute sur toutes les assurances
qui peuvent leur être données par ailleurs.
Pour rétablir la confiance, il faut dire la vérité.
Mais dire la vérité, c'est aussi proclamer
qu'aucun de ces
ajustements ne pose de problème s'ils sont entrepris à temps,
d'une manière respectueuse des droits acquis et avec une
véritable préoccupation sociale fondée sur la
reconnaissance des services rendus.
Dire la vérité, c'est enfin faire litière de cet
argument selon lequel la concurrence constituerait automatiquement une menace
pour l'emploi
. Les précédents anglais ou allemands qui sont
agités comme des épouvantails ne sont pas probants. En 1984, BT
avait une productivité déplorable, très nettement
inférieure à celle de France Télécom aujourd'hui.
Et l'efficacité des personnels de notre opérateur est de loin
supérieure à celle des téléphonistes d'Allemagne de
l'Est qui ont intégré les rangs de Deutsche Telekom après
la réunification allemande. Par ailleurs, les pratiques sociales
américaines ne sont pas celles qui ont cours en Europe et il n'est pas
envisagé, au contraire de ce qui s'est passé chez ATT, de
fractionner France Télécom.
En outre, considérer que la concurrence va avoir pour effet de
réduire les activités de France Télécom parce que
ses compétiteurs vont prendre une partie du marché est une
absurdité économique, car la concurrence entraîne des
baisses de prix qui ont pour effet d'accroître la taille du
marché. Aux Etats-Unis de 1986 à 1993, en 7 ans, le nombre de
minutes consommées a doublé et ATT, l'opérateur historique
dont le monopole avait été démantelé, a maintenu et
même accru ses recettes au cours de la période.
Qui plus est, notre histoire administrative fournit une illustration de cette
vérité économique. En 1868, le Vicomte de la Vougy,
Directeur des PTT, a pris la décision de diviser par deux les tarifs du
télégraphe. L'année d'après, le trafic
télégraphique avait doublé et, dans les années qui
ont suivi, les recettes de son administration ont augmenté.
En ce domaine, la crainte des changements que peut inspirer la fin du monopole
téléphonique est, en définitive, un avatar de ce
" mal français " qui consiste à croire que tout
changement est à somme nulle et ne peut engendrer que des gagnants et
des perdants. Le changement conduit aussi à des enchaînements
gagnants/gagnants qui profitent à tous. A France Télécom,
l'emploi a-t-il pâti de l'automatisation des centraux et de la
disparition du métier d'opératrice ?
Dans un monde ouvert, c'est le refus de l'adaptation à la concurrence
qui serait destructeur d'emplois !
Michel Bon, Président de France Télécom, l'a
affirmé devant la Commission des Affaires économiques du
Sénat lors de son audition du 24 janvier dernier : si la croissance
du marché téléphonique et des nouveaux services de
communication est à l'aune de ce qu'on peut légitimement
espérer, l'entreprise ne manquera pas des moyens d'assurer la formation
professionnelle et les reclassements de ses personnels sans dommage pour leur
carrière.
Cela ne sera toutefois possible que si les personnels sont associés
à un projet d'entreprise intelligible par tous et si les mesures qui
s'imposent sont prises sans tarder.
LE DÉFI DE L'URGENCE
Lors de son entretien
27(
*
)
avec
Reynold Levy, vice-président d'ATT, votre rapporteur lui a
demandé comment ATT avait vécu, au début des années
1980, la situation à laquelle va se trouver confrontée France
Télécom, à savoir la disparition de son monopole
téléphonique. Reynold Levy, qui était à
l'époque conseiller du Président d'ATT, a répondu
longuement en introduisant son propos de la manière suivante :
" Cela a été très dur.
Nous étions
Ma'Bell. Nous étions la mère de l'Amérique.
Et, on
nous demandait de devenir un simple opérateur
téléphonique. Nous ne savions pas où cela allait nous
mener. (...) C'était l'incertitude quant à l'avenir (...) mais,
au présent, nous savions qu'il fallait nous transformer (...) Nous avons
fait les choix qui nous apparaissaient les plus adaptés (...) Maintenant
nous ne sommes plus Ma'Bell, mais nous sommes restés une très
grande entreprise... ".
France Télécom ne s'est jamais appelée
" Ma'Bell " mais elle a joué pour la France le rôle qu'a
tenu ATT aux Etats-Unis.
Aujourd'hui, elle est, elle aussi, une entreprise à la croisée
des chemins.
L'année 1996 lui offre l'opportunité historique de changements
à risques encore maîtrisés.
Le refus de ces changements et la tétanie dans le statu quo serait,
à terme, synonyme de crise et de déclin, sans que plus jamais
puissent se représenter les opportunités existant aujourd'hui.
Il faut donc entreprendre le mouvement sans tarder. Trop d'acteurs
économiques attendent les décisions pour agir. Trop
d'intérêts nationaux sont en jeu pour prendre le risque de
dilapider nos chances.
*
En d'autres termes, France Télécom dispose de
tous les moyens nécessaires à la réussite de son
adaptation à la nouvelle donne du marché des
télécommunications si les mesures à même de faire
disparaître ses vulnérabilités sont prises rapidement.
Les changements à opérer ne peuvent toutefois s'envisager qu'en
apaisant, par des engagements forts et des propositions claires et
cohérentes, les appréhensions de ceux qui pourraient en supporter
les conséquences et les craintes de ceux qui auront pour mission de les
mener. Tel est l'objet de la deuxième partie du présent rapport.
TITRE II : LES RÉPONSES LES PLUS
ADAPTÉES
DOIVENT ÊTRE FORMULÉES SANS TARDER
Bien sûr, le défi de l'urgence est le plus
pressant. Il conditionne l'efficacité des réponses à
apporter aux autres défis.
Plus on tarde à fixer les règles de la future concurrence, plus
celles de nos entreprises, qui sont concernées, diffèreront leurs
investissements et plus se creuseront les écarts avec leurs homologues
européennes et mondiales. Plus on tarde à confirmer
législativement le maintien du service public des
télécommunications dans sa double dimension sociale et
d'aménagement du territoire, plus on laisse prise aux rumeurs avivant
les inquiétudes et plus on renforce la crainte de la réforme.
Plus on tarde à doter France Télécom des armes
indispensables à sa réussite internationale, plus on rend
difficile sa nécessaire adaptation et plus on réduit ses marges
de liberté.
Répondre à l'urgence ne doit toutefois pas conduire à agir
dans la précipitation. Le temps est compté mais cela ne doit pas
amener à décider abruptement. Il faut répondre aux
interrogations des Français et des personnels de France
Télécom.
Sans tarder à agir dans le sens de l'intérêt du pays et de
l'entreprise, il convient d'écouter, d'expliquer et de convaincre.
En cela, les décisions à prendre sont d'abord politiques. Elles
doivent consolider le service public et réglementer la concurrence afin
que tous -particuliers comme entreprises- tirent avantage de la
libéralisation. Elles doivent aussi assurer l'avenir de France
Télécom en lui donnant les moyens du succès.
CHAPITRE I - LES DÉCISIONS À PRENDRE SONT D'ABORD POLITIQUES
ELLES INCOMBENT, POUR L'ESSENTIEL, AUX REPRÉSENTANTS DE LA NATION ET NON À L'ENTREPRISE
"
Personne ne peut sauter hors de son
ombre
", Ernst Jung, le grand psychologue, se plaisait à
répéter ce vieux proverbe allemand.
Appliquée à notre opérateur historique, la maxime conduit
à reconnaître que la mission sur l'avenir du groupe France
Télécom confiée à Marcel Roulet, en novembre 1993,
était une " mission impossible " dans la mesure où elle
avait, en partie, pour but de susciter en interne l'impulsion du
changement
28(
*
)
. On ne le devinait sans doute
pas à l'époque ; le travail de Marcel Roulet a permis d'en
prendre conscience : laissée à elle-même, l'entreprise ne
peut pas échapper aux pesanteurs de son passé.
Or, les décisions à prendre engagent non seulement l'avenir
d'une entreprise publique mais aussi celui de la Nation. Elles incombent donc,
avant tout, aux représentants de la Nation : au Gouvernement et au
Parlement.
En tout état de cause, une entreprise publique est un bien commun
à tous les Français. Il est donc logique que ce soit eux qui se
prononcent sur son destin par la voix de leurs élus.
Mais, en outre, l'intervention du pouvoir politique est un voeu exprimé
au sein même de France Télécom, par des hommes et des
femmes appartenant à toutes les catégories de personnel, à
tous les grades de la hiérarchie. Du Président à
l'employé de l'agence locale, le plus grand dénominateur commun
de l'ensemble des propos tenus à votre rapporteur au cours de ses
auditions à, sans conteste, été : "
c'est
maintenant aux politiques de prendre leurs responsabilités
".
ELLES NÉCESSITENT UNE CLARIFICATION DU VOCABULAIRE
L'explication didactique des réformes envisagées
suppose de débarrasser la terminologie employée pour les
présenter des scories syntaxiques qui en faussent le sens et
obscurcissent tant les objectifs que les motifs réels de ces
réformes.
Pour exposer les changements que va entraîner l'irruption de la
concurrence sur le marché du téléphone, cessons de
recourir à des mots et à des concepts ambigus d'origine
anglo-saxonne, tels "
dérégulation
" ou
"
déréglementation
". Ils laissent
présumer un passage de l'ordre au désordre, d'un monde
organisé à la jungle économique.
Ce n'est pas le cas. Il n'est pas projeté de supprimer toute
règle. Il est tout bonnement prévu de remplacer celles existantes
par d'autres qui, d'ailleurs, seront plus détaillées que les
règles actuelles. En économie, c'est le monopole qui se satisfait
de prescriptions elliptiques et le contrôle du marché qui appelle
des normes explicites !
Le mot
" libéralisation "
est plus exact car il est
vrai que la concurrence va ouvrir aux consommateurs des espaces de
liberté jusqu'ici ignorés. Il n'est toutefois pas exempt
d'ambiguïtés, tant il est vrai "
qu'entre le riche et le
pauvre, entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la
loi qui libère "
.
Les expressions
" perte du monopole "
ou
" fin du
monopole "
utilisées antérieurement dans le
présent rapport sont satisfaisantes sur le plan du sens mais elles ont
une portée symbolique négative car elles évoquent une
dépossession. Surtout elles reposent sur une approche unilatérale
du phénomène puisqu'elles ne l'appréhendent que du point
de vue de l'opérateur alors qu'il aura, par ailleurs, des
retombées très positives pour les consommateurs.
En définitive, le terme le plus exact est celui de
"
démonopolisation "
.
Il décrit exactement
l'exercice que nous imposent nos engagements communautaires en matière
téléphonique. Tout un chacun en comprend le sens. Il ne figure
toutefois pas dans les dictionnaires. Qu'importe, le substantif
"
surendettement
" n'apparaissait pas dans les
lexiques avant
que le Sénat ne l'impose dans la loi Neïertz de 1989.
Le présent rapport utilisera donc l'expression
"
démonopolisation
" pour désigner le processus
à engager pour adapter notre droit à l'échéance du
1er janvier 1998.
L'équivoque règne également en maître quand on
évoque la transformation de France Télécom en
société anonyme à majorité détenue par
l'Etat.
Parler de "
privatisation
" est une absurdité. Jamais
il n'a été question que l'Etat puisse perdre le contrôle de
France Télécom. Et, ce n'est pas parce qu'une part minoritaire
d'une entreprise se trouve détenue par des intérêts
privés que l'entreprise est privatisée. En 1981, M. Michel Rocard
ne défendait-il pas, au sein du parti socialiste, l'idée de
"
nationalisation à 51 %
" ? De 1937 à
1983, la SNCF a été une société anonyme
détenue par l'Etat. Celui qui aurait argué qu'elle était
privatisée parce qu'elle avait une forme sociale de nature commerciale
se serait fait rire au nez ! Pourquoi aujourd'hui jouer avec les mots et
adopter une attitude différente à l'égard de France
Télécom ?
La locution "
changement de statut de l'entreprise "
n'est pas
plus satisfaisante. Elle entretient l'équivoque avec le statut du
personnel auquel nul ne propose de toucher. Bien au contraire, il a toujours
été affirmé qu'il serait préservé.
Le vocable "
capitalisation
" qui désigne l'action de
capitaliser serait techniquement plus exact. Il a toutefois des connotations
idéologiques facilitant des amalgames et des détournements de
sens pouvant laisser entendre qu'il s'agirait de soumettre France
Télécom aux lois du "
capital privé
", ce
qui n'est d'aucune façon le cas.
Là encore, dans la mesure où il est simplement souhaité
opérer une transformation en société anonyme, seul un
néologisme permet d'exprimer la vérité de la
pensée, le mot
"
sociétisation
".
C'est
celui retenu par votre rapporteur. C'est lui qui sera utilisé dans la
suite du présent rapport.
ELLES IMPOSENT A LA FOIS DÉBAT DÉMOCRATIQUE ET DIALOGUE SOCIAL
L'opinion publique doit être informée de
l'importance des enjeux que recouvrent les réformes envisagées,
ainsi que des avantages qui en résulteront pour tous les Français.
On doit le proclamer avec force :
la loi de démonopolisation
sera une loi de liberté qui favorisera la diminution du prix du
téléphone et l'enrichissement de la gamme des services. Elle
profitera au consommateur
. Telle qu'articulée par les
propositions du présent rapport, elle confortera les acquis du service
public tant pour les abonnés les plus défavorisés que pour
les zones peu peuplées du territoire.
Qui, aujourd'hui pourrait prétendre que le service public de
radiodiffusion et de l'audiovisuel ait pâti de l'affirmation du principe
de liberté des ondes et de la création des chaînes de
télévision privées ? Qui, aujourd'hui, oserait proposer de
bâillonner les radios libres ou de diminuer le nombre de chaînes de
télévision ?
L'évolution qui s'annonce dans le domaine du téléphone
sera de même nature. La concurrence accélérera la diffusion
du progrès technique dans l'ensemble du tissu social. Elle contribuera
à ce que les nouveaux services de télécommunications -dont
on commence à peine à percevoir la diversité et la
richesse- améliorent la vie quotidienne des gens.
Parallèlement, la loi de sociétisation évitera aux
contribuables de supporter le coût du sinistre qui, à terme, ne
manquerait pas de résulter du statu quo. Un syndrome Air France,
ça suffit ! Il faut écarter tout risque de même nature avec
France Télécom. La sociétisation le permettra et, en
outre, bien conduite, elle aboutira à faire financer le coût des
adaptations concurrentielles de notre opérateur historique par les
marchés boursiers internationaux.
Surtout, les attentes du personnel de France Télécom doivent
pouvoir être exprimées et prises en compte.
Il existe dans cette entreprise publique, un déficit de communication
sociale qui doit être rapidement comblé. L'Etat doit y veiller.
Emportée vers le " grand bain concurrentiel ", France
Télécom semble encore s'y préparer avec des
méthodes d'administration centrale, voire dans la fidélité
à certaines traditions militaires qui, en la circonstance,
n'apparaissent pas les plus appropriées pour entraîner
l'adhésion du personnel aux projets de l'entreprise.
La motivation des hommes et des femmes qui composent sa plus grande richesse
est, pourtant, un enjeu essentiel au regard des échéances qui
s'approchent.
Dans une lettre qu'il a adressée le 16 janvier dernier à
M. François Fillon, ministre délégué
à la poste, aux télécommunications et à l'espace,
votre rapporteur suggérait
d'organiser un vaste dialogue social
autour de l'avenir de France Télécom.
Il s'agissait de
permettre la plus large expression des personnels de l'opérateur et de
leurs organisations représentatives, mais aussi de conférer une
dimension nationale au dossier en associant aux réflexions d'autres
acteurs concernés (entreprises, collectivités locales,
élus nationaux...). Pour conduire une telle opération, il
était avancé l'idée de désigner un médiateur
extérieur pouvant être un homme disposant d'une expérience
politique mais n'exerçant plus de mandat national.
Ces suggestions restent valables aujourd'hui.
ELLES DOIVENT REPOSER SUR DES ENGAGEMENTS FORTS DU GOUVERNEMENT
Les évolutions juridiques qu'annoncent la mutation
concurrentielle du secteur des télécommunications suscitent des
interrogations, voire des préoccupations, plus ou moins fortement
exprimées, à la fois parmi les Français, parmi les
élus locaux et au sein du personnel de France Télécom.
Les premiers s'inquiètent mezza voce des futures conditions d'exercice
du service public téléphonique, les deuxièmes des
perturbations qui pourraient en résulter pour l'aménagement du
territoire et la desserte des zones rurales en télécommunications
avancées, les derniers pour leur statut et l'avenir de leurs missions.
Ce malaise n'a pas lieu d'être
. Il n'en doit pas moins être
résorbé. C'est pourquoi, le Gouvernement aura à accentuer
son effort de communication en ce domaine et
à répéter
avec force que
:
le lien social essentiel qu'assure le téléphone sera garanti et
même, si on suit les préconisations du présent rapport,
conforté ;
l'égalité de traitement du territoire en
télécommunications sera réaffirmée, voire
améliorée ;
le statut des personnels de l'opérateur historique et de l'importance
des missions que leur confie la Nation seront confirmés.
ELLES SUPPOSENT UN CALENDRIER DE MISE EN OEUVRE FERME ET RAPIDE
Il faut qu'au plus tard à la fin de l'année
1996, les réformes législatives dont on débat depuis
bientôt trois ans, à savoir la démonopolisation de la
téléphonie et la sociétisation de France
Télécom, soient accomplies.
A continuer à les annoncer sans les faire, on finirait par
accroître l'angoisse de ceux qui les redoutent et à les rendre si
difficiles que les entreprendre deviendrait aventureux. En outre, on
dilapiderait presque toutes nos chances de conserver un champion national parmi
les premiers du monde dans l'économie de demain : celle de la
communication.
La stratégie de découplage des deux textes que le Gouvernement a
retenue est cohérente. Il est toutefois nécessaire que, d'une
part, celui relatif à la démonopolisation soit adopté
avant la fin de la session unique de 1996 -et donc présenté au
Parlement au plus tard début avril- et que, d'autre part, celui
opérant la sociétisation de France Télécom se
trouve examiné et voté au cours du dernier trimestre de la
même année.
Sur le premier texte, la France s'est, en effet, engagée à
permettre dès le 1er juillet 1996 l'ouverture de la
concurrence sur les infrastructures dites alternatives (réseaux de
télécommunications de la SNCF, des sociétés
d'autoroutes, d'Air France...). Il convient qu'elle respecte cette
échéance.
En ce qui concerne le second projet de loi, l'urgence est un peu moindre. La
mise sur le marché de la première tranche du capital de Deutsche
Telekom (50 à 75 milliards de francs), en novembre prochain, va en
quelque sorte " essorer " le marché des liquidités
financières internationales à même de se porter sur une
valeur de télécommunication. Il ne sera donc guère utile
d'être en mesure de proposer une part minoritaire du capital de France
Télécom sociétisée sur le même marché
à la même date.
En revanche, il faudra être prêt à réaliser
l'opération dans les premiers mois de 1997.
Selon certaines analyses financières, les tergiversations passées
auraient déjà pu conduire à minorer de
plusieurs
dizaines de milliards de francs la valeur estimée de l'entreprise.
De fait, cette valeur se trouve appréciée en fonction des
résultats passés et des évolutions prévisibles sur
les cinq années suivant l'année de calcul. Ainsi, plus on se
rapproche du 1er janvier 1998, plus les évaluations tendent
à baisser, du fait des incertitudes quant à l'impact de la
concurrence sur le niveau des recettes.
De ce point de vue, l'année la plus favorable eut sans doute
été 1993 : celle où M. Gérard Longuet, alors
ministre des postes et des télécommunications, avait
proposé d'engager une procédure de sociétisation.
En outre, plus le nombre de titres de sociétés de
télécommunications offerts sur le marché s'accroît,
plus la rareté de ce type de titre diminue et cela n'est pas sans
influencer la cotation des nouveaux titres.
Ainsi, à autres facteurs de valorisation constants, au vu de
l'évolution de sa marge brute d'auto-financement, la valeur totale de
France Télécom pourrait varier de quelque 240-250 milliards
de francs début 1994 à 200-210 milliards de francs
début 1997. Cela équivaudrait à une perte d'environ
30-40 milliards de francs en trois ans, sous le seul effet du report de la
réforme et de la mise en vente d'une partie des actions de Deutsche
Telekom.
Or, entre le début de 1997 et 1998, ce n'est pas moins de 75 à
100 milliards de francs de titres d'entreprises européennes de
télécommunications dont la vente est programmée sur le
marché financier international (1ère tranche pour STET, Telia,
TeleDanmark ; 2e tranche de Telefonica et de Telecom Portugal ;
3ème tranche de KPN).
On ne peut plus attendre indéfiniment. Rien qu'en termes de recettes
potentielles de sociétisation (maximum de 49 % de la valeur du
capital),
les délais déjà acceptés pourraient
représenter une perte de l'ordre de 15 à 20 milliards de
francs.
L'équivalent du budget du ministère de la Justice
!
A un moment où le budget de l'Etat a cruellement besoin de
ressources et où il serait nécessaire de le solliciter pour
assurer les meilleures conditions d'adaptation concurrentielle à France
Télécom, est-ce là un luxe qu'on peut raisonnablement
continuer à s'offrir ?
Alors qu'il serait de l'intérêt de France Télécom et
de ses personnels de voir rapidement transférer sur le budget
général une partie des charges de retraite pesant sur
l'entreprise, le report des décisions les plus appropriées au
règlement de ce problème ne leur est-il pas objectivement
préjudiciable ?
Votre rapporteur incline à répondre par l'affirmative à
cette dernière question. C'est pourquoi, il estime que le seul
élément pouvant éventuellement amener à
infléchir le calendrier qu'il propose serait un nouveau report de la
vente des titres de Deutsche Telekom, sachant qu'un premier report a
déjà eu lieu. Dans cette hypothèse -peu probable - on
pourrait en effet se demander s'il ne conviendrait pas de prendre les
dispositions permettant à France Télécom de remplacer
Deutsche Telekom.
*
Les développements qui suivent n'ont pas d'autres objets que de démontrer que les orientations politiques qui viennent d'être esquissées sont non seulement essentielles pour la France, mais aussi et surtout qu'elles ne lèsent aucun des intérêts sociaux concernés. Bien au contraire, elles apparaissent, à l'analyse, les seules à mêmes d'assurer une sauvegarde effective de ces intérêts.
CHAPITRE II - LA LOI DE " DÉMONOPOLISATION " DOIT ÊTRE UNE LOI DE CONSOLIDATION DU SERVICE PUBLIC ET DE RÉGLEMENTATION DE LA CONCURRENCE
Assurer le financement du service public des
télécommunications dans le cadre d'un monopole est chose
aisée. Il suffit de " taxer " les catégories d'usagers
qui ne sont pas considérées comme prioritaires par les
autorités de tutelle. Quel que soit le prix demandé, ces usagers
n'ont pas la possibilité de changer de prestataire. Bien plus, ils
peuvent rarement résilier leur contrat car le service fourni est le plus
souvent indispensable à leur activité, ou à une vie
quotidienne normale
29(
*
)
. Ils peuvent simplement
diminuer leurs consommations.
Si le monopole n'existe plus, la situation change de manière
significative. Les clients mécontents des prix ou du service rendu ont
toute liberté de s'adresser à d'autres prestataires. Ils peuvent
donc cesser de financer directement le service public. Gérer ce dernier
devient moins facile car le consommateur n'est plus captif.
Cependant, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, la
continuation du service public n'en devient pas pour autant très
compliquée.
Il suffit d'imposer à l'ensemble des entreprises en concurrence
d'assurer les prestations correspondantes ou de les obliger à payer
l'une ou plusieurs d'entre elles pour ce faire.
En matière téléphonique, il y a douze ans qu'un
système de ce type fonctionne aux États-Unis et qu'il garantit
aux populations américaines une correction satisfaisante des
déséquilibres sociaux et territoriaux qui pourraient, à
défaut, résulter du jeu désordonné des lois du
marché.
Certes, aux États-Unis, le terme utilisé
" universal
service "
n'est pas le même qu'en France et ce n'est pas un
opérateur public mais plusieurs opérateurs privés qui sont
chargés des prestations. Il n'en demeure pas moins que le niveau de
service garanti aux citoyens n'est pas globalement inférieur à
celui constaté chez nous. Les informations collectées sur place,
par votre rapporteur, auprès de la FCC (Federal Communications
Commission), du NTIA (National Telecommunications and Information
Admimistration) et de la PSC (Public Service Commission) de l'Etat du Maryland
sont, de ce point de vue, tout à fait probantes.
Maintenir le niveau et la qualité de notre service public
téléphonique dans un cadre démonopolisé ne
relève donc aucunement de la gageure. Il suffit d'en affirmer clairement
le contenu et les enjeux, tout en prenant les moyens législatifs
d'organiser une concurrence loyale.
LA DÉMONOPOLISATION DOIT ÊTRE ACCOMPAGNÉE DE MESURES DE CONSOLIDATION DU SERVICE PUBLIC
Appréhendée dans son ensemble, l'expression
française de service public recouvre un concept complexe à
définir et difficile à expliquer à des étrangers
car elle a plusieurs sens. Elle est polysémique et peut, par la
même, alimenter des polémiques jouant sur son caractère
équivoque.
Comme l'indique, fort justement, le rapport de la commission sur les services
publics qu'à présidée M. Christian Stoffaës
30(
*
)
: "
On y trouve imbriqués une
tradition juridique, un modèle social, et des compromis entre objectifs
politiques et exigences d'efficacité économique. On peut donc
l'approcher par des formulations juridiques ou des critères
économiques, mais sans jamais l'exprimer complètement : ce serait
la débarrasser d'ambiguïtés qui sont en fait constitutives
de sa nature. Plutôt qu'un concept, le
service public
est une
notion composite et englobante, dont la simplicité jette une trompeuse
clarté. Elle amalgame des registres d'argumentation distincts, au point
d'être invoquée dans les débats politiques et sociaux pour
légitimer des points de vue divers, parfois contradictoires ".
Cette ambiguïté résulte, en définitive, du fait
qu'
une même locution sert à désigner, à la fois,
un type d'organisation, un régime juridique particulier et des missions
d'intérêt général dont le contenu évolue avec
le progrès technique
. Rien d'étonnant à ce que,
parfois, il soit peu facile de saisir quel est l'objet du débat ! Mais,
il doit être expressément souligné que ce n'est pas
parce qu'on réforme le type d'organisation qu'il est porté
atteinte aux missions.
Cette problématique d'ensemble n'entre bien entendu pas dans le cadre du
présent rapport qui ne s'intéresse qu'au service public
téléphonique et, pour le présent développement,
à ce qu'un tel service apporte et doit continuer à apporter
à la collectivité nationale.
Le sujet n'échappe toutefois pas entièrement à ladite
problématique. A l'analyse, on s'aperçoit que ce qui est
habituellement considéré comme le service public des
télécommunications englobe des obligations très
hétérogènes.
Il n'en demeure pas moins que l'ensemble des tâches correspondant
à ces obligations pourront continuer à être exercées
dans un environnement concurrentiel et dans le respect de nos engagements
communautaires, sous la seule condition que certaines de leurs modalités
de financement soient réformées.
AUCUN OBSTACLE JURIDIQUE NE S'OPPOSE AU MAINTIEN, EN ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL, DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC ASSURÉES AUJOURD'HUI DANS LE CADRE DU MONOPOLE
La démonopolisation ne signifie nullement le renoncement aux missions de service public confiées à France Télécom...
La portée de la notion de service public des télécommunications à la française
Votre rapporteur le soulignait dans le rapport d'information
sur l'avenir du secteur des télécommunications en Europe qu'il a
présenté, au nom de la Commission des Affaires
économiques, en novembre 1993
31(
*
)
:
France Télécom est assujettie à des
obligations
de
service public
qui jouent "
à l'égard
de la population
(principes d'universalité,
d'égalité et de continuité du service offert) mais aussi,
d'une manière plus générale,
à l'égard de
la Nation
(contribution à la politique de défense et de
sécurité, participation à l'effort de recherche au travers
du Centre national d'études
des télécommunications, formation des ing&eacu
te;nieurs en télécommunication).
La loi n° 90-566 du 2 juillet 1990
relative à
l'organisation du service public de la poste et des
télécommunications ne faisait pas ressortir clairement cette
distinction.
L'article 3 de la loi indique sans précision particulière que :
" France Télécom a pour objet, selon les règles
propres à chacun de ses domaines d'activité, contenues notamment
dans le code des postes et télécommunications : d'assurer
tous
services publics de télécommunications
dans les relations
intérieures et internationales et, en particulier, d'assurer
l'accès au service du téléphone à toute personne
qui en fait la demande ; ... "
A peine plus explicite, l'article 8 de la même loi dispose :
" Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil
d'État, après avis motivé et rendu public de la commission
instituée à l'article 35, fixe, pour chacun des exploitants
publics
32(
*
)
, ses droits et
obligations, le cadre général dans lequel sont
gérées ses activités, les principes et procédures
selon lesquels sont fixés ses tarifs et les conditions
d'exécution des services publics qu'il a pour mission d'assurer.
Il précise notamment les conditions dans lesquelles sont assurées
: la desserte de l'ensemble du territoire national ; l'égalité de
traitement des usagers ; la qualité et la disponibilité des
services offerts ; la neutralité et la confidentialité des
services ; la participation de l'exploitant à l'aménagement du
territoire ; la contribution de l'exploitant à l'exercice des missions
de défense et de sécurité publique.
Le cahier des charges précise les garanties d'une juste
rémunération des prestations de service public assurées
par chaque exploitant, notamment, pour la Poste, des prestations de transport
et de distribution de la presse ".
En revanche,
le cahier des charges de France Télécom
33(
*
)
met en évidence la distinction
rappelée ci-dessus. Au sein du chapitre premier consacré aux
" missions propres de France Télécom ",
l'article 2 traite exclusivement des "
conditions
générales d'exécution des services publics
",
alors que le chapitre II réservé à ses
"
contributions aux missions de l'État
" définit
un ensemble d'autres missions qui, par une interprétation juridique a
contrario, ne relèveraient pas des services publics au sens
strict
34(
*
)
.
Il s'agit de contributions : aux communications gouvernementales (article 15) ;
aux missions de défense et de sécurité publique (article
16) ; à la sauvegarde des personnes et des biens (article 17) ; aux
missions de réglementation et de normalisation (article 18) ; à
la promotion de l'innovation et de la technologie française à
l'étranger (article 19) ; à la coopération technique
internationale et à l'aide au développement (article 20) ;
à la politique générale de recherche (article 21) ;
à l'enseignement supérieur (article 22).
A noter comme seule exception à la particularité de ces missions,
les services d'appel téléphonique d'urgence mentionnés
à l'article 17 qui relèvent, à l'évidence, du
service public à la population.
Jusqu'à présent, cette démarcation juridique n'avait eu
qu'une faible portée concrète puisque les missions propres de
France Télécom ressortissant de la qualification de service
public et celles se voyant parer de la qualité de contributions aux
missions de l'État ont continué à être
financées par l'opérateur national de la même
manière, à savoir par les marges bénéficiaires que
lui assure l'exploitation, sans concurrence, de services commerciaux rentables.
En bref, dans la pratique, nulle séparation n'a encore été
faite entre les prestations d'intérêt général
rendues à la population (aux habitants) et celles fournies à
l'État (à la Nation). L'intervention du cadre
réglementaire élaboré par l'Union européenne pour
organiser la démonopolisation du secteur des
télécommunications va imposer de mettre en oeuvre cette
différenciation, sans pour autant remettre en cause l'exécution
des différentes prestations concernées.
La portée de la notion de service universel communautaire
Le cadre juridique fixé par la Communauté
européenne à l'ouverture à la concurrence du secteur des
télécommunications intègre la préoccupation
d'assurer, à la population, le bénéfice de prestations de
télécommunications, à des conditions que ne permettrait
pas de garantir le seul jeu des lois du marché.
Ceci a été énoncé à plusieurs reprises par
le
Conseil des Ministres des Télécommunications de l'Union
européenne.
Dans sa
résolution du 7 février 1994 sur les principes
en matière de service universel dans le secteur des
télécommunications
(94/C 48/01)
35(
*
)
,
le Conseil reconnaît :
"
(...)
-
que le maintien et le développement d'un service de
télécommunications universel, assuré par un financement
adéquat, sont un facteur clé pour le développement futur
des télécommunications dans la Communauté ;
- que les principes d'universalité, d'égalité, de
continuité sont à la base du service universel pour permettre
l'accès à un ensemble minimal de services définis d'une
qualité donnée, ainsi que la fourniture de ces services à
tous les utilisateurs, indépendamment de leur localisation et, à
la lumière des conditions spécifiques nationales, à un
prix abordable ;
(...)
- que, en raison d'obligations de service universel, le service de base de
téléphonie vocale ne peut être fourni qu'à perte ou
à des conditions s'écartant des normes commerciales habituelles ;
ce service peut, si cela est justifié et sous réserve de
l'approbation de l'autorité réglementaire nationale, être
financé au moyen de transferts internes, de redevances d'accès ou
d'autres mécanismes tenant dûment compte des principes de
non-discrimination et de proportionnalité,
tout en assurant le
respect des règles de la concurrence, afin d'apporter une juste
contribution à la charge que représente la fourniture d'un
service universel ;.
(...)
- la notion de service universel doit évoluer au rythme du
progrès technique, des développements du marché et de
l'évolution des besoins des utilisateurs ".
A cette résolution était annexée une
déclaration de la Commission
(94/C 48/08) précisant les
éléments de service constituant le service universel, à
savoir : le réseau public commuté et le service de
téléphonie vocale, avec des critères de
disponibilité, continuité et qualité de service ; un
service de renseignements et d'annuaire ; des cabines publiques ;
l'accès aux services d'urgence ; des conditions spécifiques pour
les handicapés ou personnes ayant des besoins spécifiques.
Des résolutions postérieures ont repris ces
éléments. On notera dans la
résolution du
18 septembre 1995 sur la mise en place du futur cadre
réglementaire des télécommunications
(95/C 258/01) que
:
" le Conseil reconnaît comme éléments clés
de l'élaboration du futur cadre réglementaire des
télécommunications dans l'Union (...) le maintien et le
développement d'un service universel, et pour ce faire :
- l'obligation faite à certains opérateurs, par les
Etats-membres, d'assurer la fourniture d'un ensemble minimal de services de
télécommunications définis, d'une qualité
donnée, et, à la lumière de conditions spécifiques
nationales, à un prix abordable... ".
Les
propositions de directives du Parlement européen et du
Conseil
, tout comme les
projets de directives
(article 100 A du
Traité)
de la Commission
(article 90-3 du Traité) qui
visent à fixer les règles de fonctionnement d'un marché
libéralisé -et qui sont en voie d'adoption- traduisent cette
préoccupation en termes de droit positif. Ces textes retiennent des
formulations variant avec leur objet, mais ils concourent au même
objectif : donner aux États membres les moyens juridiques
d'organiser le service universel dans des conditions compatibles avec la
concurrence.
La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
relative à l'interconnexion dans le secteur des
télécommunications et à la garantie du service universel
et de l'interopérabilité par l'application des principes de
fourniture de réseau ouvert
(Communication publiée au
JOCE 95/C 313/04 ou COM (95) 379 final) traite en particulier des
modalités de financement du service universel.
Elle prévoit, notamment à son article 5.1, que :
" Seuls
les réseaux publics de télécommunications et les services
publics de télécommunications définis à l'annexe I
partie 1 peuvent être financés par un partage des coûts avec
les autres acteurs du marché ". Cela
comprend le
réseau public commuté classique (permettant la transmission de la
voix, la communication par télécopie ou la transmission de
données avec modem) et le service de téléphonie vocale, y
compris les renseignements, annuaires, cabines publiques et aide aux
handicapés.
La Commission a également adopté, en août 1995, le
projet de directive modifiant la directive 90/388/CEE et concernant l'ouverture
complète du marché des télécommunications à
la concurrence
(communication publiée au JOCE : 95/C 263/07).
Ce projet traite du service universel à l'article 4 quater, et
prévoit notamment que : "
tout régime national qui est
nécessaire pour partager le coût net de fourniture d'un service
universel résultant des obligations imposées aux organismes de
télécommunications, avec d'autres organismes qui fournissent des
réseaux et/ou des services de télécommunications(...) ne
s'appliquera qu'aux fournisseurs de services concurrentiels de
téléphonie vocale et de réseaux publics de
télécommunications ".
Un recouvrement partiel mais sans exclusive
En d'autres termes, la notion communautaire
de
" service universel "
recouvre celle de
"
service public
à la population
" exposée précédemment
mais n'englobe pas celle de "
service public à la
Nation
" que met également en oeuvre France
Télécom.
Ainsi, le droit communautaire de la concurrence régissant les services
de télécommunications autorise les États membres à
obliger les entreprises du secteur à assurer ou à financer les
prestations correspondant au premier volet -le plus important- du service
public des télécommunications à la française.
Les prestations relevant de ce volet, qui correspond à la
définition du service universel, sont soumises au principe dit du
" Pay or Play ".
Mais, si la législation
européenne n'interdit nullement de continuer à mettre en oeuvre
le second volet de notre service public des télécommunications,
elle ne permet pas de le soutenir par les mêmes moyens.
Il est donc totalement erroné d'affirmer, sous prétexte que
les notions de service public et de service universel ne coïncident pas
complètement, que la démonopolisation impulsée par
Bruxelles remet en cause le service public " à la
française " dans le domaine des
télécommunications.
En revanche, les règles qui s'appliqueront à compter du
1er janvier 1998, nous imposent de clarifier et de diversifier ses
modes de financement.
... mais elle impose une clarification et une diversification du financement du service public
Péréquation tarifaire maintenue, mais adaptée pour les prestations de service public relevant du service universel
En France, pour résumer,
le service public
téléphonique rendu à la population, c'est un type de
prestation et un prix.
Les prestations englobent les services élémentaires de la
téléphonie dite filaire, que permet la souscription d'un
abonnement résidentiel auprès de France Télécom ou
l'utilisation d'une cabine téléphonique (mise à
disposition d'un équipement terminal, accès au réseau et
à certains services : annuaire, renseignements, appels d'urgence...).
Ces prestations sont soumises à un certain nombre de principes
(disponibilité, neutralité et adaptation constante
36(
*
)
), dont le plus important est celui de
l'égalité de traitement des usagers
.
Outre ses effets sur la nature des prestations, l'application de ce dernier
principe entraîne que le prix de chacun des services proposés
(raccordement, abonnement, communication locale, communication interurbaine...)
est le même pour tous (sous la seule réserve d'un abonnement
spécifique aux professionnels). Or, le coût de ces services n'est
pas le même partout. Le prix de revient d'une communication passée
sur une ligne à forte fréquentation est plus faible que celui
enregistré sur les autres lignes. Les dépenses engagées
pour raccorder une maison isolée dans une zone rurale, où
l'habitat est dispersé, sont bien plus importantes que celles consenties
pour relier au réseau un appartement dans un immeuble situé au
coeur d'une grande agglomération.
L'égalité des prix implique donc une péréquation
géographique entre les utilisateurs du service public
. Ceux qui sont
situés dans des zones à forte densité démographique
payent plus que ce que coûtent leurs consommations pour éviter que
ceux habitant des territoires isolés se voient facturer des prix
prohibitifs. C'est là une des clefs de la politique d'aménagement
du territoire.
En France, comme dans beaucoup d'autres pays, le principe
d'égalité a aussi donné lieu à une
péréquation
, sans doute abusivement qualifiée de
sociale
37(
*
)
, qui consiste à
maintenir des tarifs assez bas pour les abonnements résidentiels et les
communications locales en majorant ceux des communications interurbaines ou
internationales.
Quel que soit le type de péréquation, l'irruption de la
concurrence impose de l'adapter. En effet, en se focalisant sur les segments
les plus rentables du marché et en proposant des prix alignés sur
les coûts réels -et donc, par construction, inférieurs
à ceux de l'opérateur pratiquant une forte
péréquation- les concurrents auraient beau jeu de lui confisquer
ses recettes de péréquation et de ne lui laisser que les
déficits.
Confrontés à cette nouvelle situation, certains pays ont
annoncé qu'ils comptaient abandonner la péréquation
géographique des tarifs -qui est, historiquement, une obligation dans la
plupart des États de l'Union européenne- pour la remplacer par la
fixation de plafonds permettant à l'opérateur d'offrir des tarifs
alternatifs.
Ainsi, au Royaume-Uni, BT vient de conclure un accord en ce sens avec l'Office
de régulation (Oftel) ; les Pays-Bas et le Danemark s'orientent vers des
solutions identiques, sans pour autant les avoir déjà mises en
oeuvre.
Par ailleurs, dans les pays scandinaves, les aides apportées, en
matière téléphonique, aux handicapés et à
certaines catégories défavorisées sont depuis longtemps
financées par l'État et non pas par les acteurs du marché.
De ce point de vue, la concurrence ne changera rien.
En revanche, dans les pays autres que ceux qui viennent d'être
cités, il n'est pas envisagé de renoncer à la
péréquation géographique. En outre, on continue à y
considérer que les intervenants sur le marché des
télécommunications doivent supporter le coût des soutiens
dont bénéficient les couches désavantagées de la
population.
Votre commission, tout comme d'ailleurs le Gouvernement, est favorable à
cette orientation.
Les péréquations géographique et sociale doivent
être maintenues
quitte à ce que la dernière connaisse
une déclinaison plus " ciblée " qu'actuellement. Le
principe d'égalité inscrit au frontispice de tous nos monuments
publics interdit une autre solution.
Les tarifs téléphoniques
doivent rester les mêmes en tout point du territoire et tous les acteurs
du marché doivent contribuer à ce résultat.
Il est toutefois clair que même avec des mécanismes de
compensation, le ou les opérateurs desservant des zones peu rentables
seront handicapés par rapport à ceux n'intervenant que sur les
portions les plus peuplées du territoire, notamment en ce qui concerne
les communications interurbaines où la concurrence sera
vraisemblablement la plus vive.
Maintenir une tarification strictement égalitariste conduirait à
favoriser l'émergence de déséquilibres. Cependant,
autoriser, à l'instar de ce que pratiquent certains services publics de
transport, une tarification variant selon les trajets serait contraire aux
objectifs d'aménagement du territoire.
C'est pourquoi, votre commission propose que la tarification soit uniforme,
quelle que soit la destination, mais puisse varier en fonction du volume des
communications. Un gros consommateur pourrait, par exemple,
bénéficier pour ses appels de prix unitaires moins
élevés que la norme tarifaire en contrepartie d'abonnements plus
chers,
comme cela est déjà le cas pour la fourniture
d'électricité.
En d'autres termes, la tarification pourrait être modulée en
fonction du nombre de communications mais pas en fonction de la ligne
empruntée. Ainsi, à taille égale, une entreprise de Rodez
ne serait pas pénalisée par rapport à une entreprise de
Puteaux.
Autres sources de financement pour les prestations de service public ne relevant pas du service universel
Hors service universel, les acteurs du marché ne
pourront pas être contraints à un soutien complet du service
public. La législation européenne ne souffre d'aucune
ambiguïté en la matière.
Par ailleurs, dans un contexte concurrentiel, il est hors de question de
continuer à faire peser le coût des prestations non couvertes par
le service universel sur le seul opérateur public. Cela
équivaudrait à lui faire supporter des charges auxquelles
échapperaient ses concurrents et reviendrait à entraver sa
capacité d'adaptation.
La libéralisation des télécommunications porte-t-elle pour
autant un coût fatal à la partie du service public à la
française qui ne relève pas du service universel ? Nullement !
Les ressources à trouver n'excèdent pas, selon les calculs de
votre rapporteur, quelque 800 millions de francs. Ceci constitue, certes,
une somme importante -pas loin de 9 % des bénéfices annuels
de France Télécom-, mais la collecte n'en apparaît pas hors
de portée.
En premier lieu, l'État pourrait, pour équilibrer les conditions
de concurrence,
imposer à tous les intervenants sur le marché
une contribution à la recherche-développement, l'enseignement et
à la normalisation
.
Déjà, les cahiers des charges auxquels sont soumis la
Société française de Télécommunications
(SFR)
38(
*
)
et Bouygues-Télécom,
pour l'exploitation de réseaux de radio-télécommunications
mobiles, prévoient que chacune de ces entreprises est tenue de consacrer
7 % des montants hors taxes de ses investissements à des actions en
ces domaines, cette obligation pouvant être satisfaite par des
prestations en nature ou par le versement d'une contribution financière.
Un tel dispositif, déjà accepté par Bruxelles pour la
téléphonie mobile, pourrait donc être appliqué
à tous les entrants sur le marché de la téléphonie
publique entre points fixes.
Il ne sera toutefois pas permis -législation communautaire oblige-
d'affecter les sommes ainsi mobilisées par les nouveaux entrants aux
missions, parfois fort lourdes, que l'Etat impose à France
Télécom. Ils pourront les affecter aux opérations de leur
choix pourvu qu'elles répondent aux exigences de leur licence.
L'équilibre réalisé ne sera donc que partiel et
superficiel.
En ce qui concerne les contributions aux communications gouvernementales,
à la défense et à la sécurité publique,
à la promotion de l'innovation et de la technologie française
à l'étranger, ainsi qu'à la coopération technique
internationale et à l'aide au développement, l'arbitrage devrait
découler d'un examen détaillé des obligations qui
correspondent à ces contributions.
Dans les cas où le service rendu bénéficierait
exclusivement à l'État, ce dernier devrait logiquement en
supporter le coût sur son budget.
Dans les cas où l'entreprise tirerait avantage du respect de certaines
prescriptions (exemples : protection de ses installations et surveillance de
leur bon fonctionnement pour être en mesure de contribuer à la
défense et à la sécurité publique ;
coopération technique internationale...), un partage des charges
pourrait être envisagé.
Dans tous les cas, l'État devra assurer une juste compensation du
coût des prestations.
S'agissant de
la recherche
, France Télécom, acteur majeur
de l'effort de recherche-développement (R-D) français en
télécommunications, a été amenée à
consentir des efforts, que son monopole lui permettait de soutenir, sur des
programmes auxquels sa seule qualité d'opérateur
téléphonique ne l'aurait sans doute pas conduit à
s'intéresser.
Dès lors qu'il est exclu que son laboratoire de recherche, le Centre
national d'études des télécommunications, connaisse une
évolution distincte de celle de l'entreprise en devenant par exemple
prestataire indépendant
39(
*
)
, France
Télécom doit pouvoir être autorisée à
recentrer ses dépenses de R-D vers son métier de base. Ceci ne
peut toutefois s'envisager qu'à la double condition de la poursuite de
sa contribution aux recherches d'intérêt public à long
terme
40(
*
)
et d'un maintien de l'emploi des
chercheurs.
Or, au regard des quelque 5,5 milliards de francs mobilisés en 1995
par France Télécom au titre de la R-D, les programmes de
recherche d'intérêt général qui pourraient
être estimés ne plus relever de son champ d'intérêt
direct correspondent, d'après les évaluations de votre
rapporteur, à une
enveloppe globale de l'ordre de 300 millions
de francs.
Là encore, l'ajustement à réaliser n'apparaît
nullement inaccessible quand on considère l'évolution des
crédits de R-D de France Télécom au cours des
dernières années. De 1992 à 1995, l'entreprise a -sans
doute de manière un peu excessive- recentré ses efforts de R-D
vers les services concurrentiels en réduisant de 23 à 17 %
la part de recherche amont dans l'ensemble des dépenses. Dans le
même temps, elle a diminué de 450 à 100 millions de
francs ses dépenses de recherche non contractualisées.
Ainsi, les mesures à envisager pour lui permettre d'adapter son budget
de recherche à la réalité concurrentielle (transfert de
certains programmes à des laboratoires publics ou privés,
accentuation des soutiens industriels ou publics à ceux maintenus en
interne sans intérêt particulier, ...) semblent pouvoir être
mises en oeuvre, sans porter atteinte à des équilibres sociaux ou
territoriaux devant être préservés.
Il s'agit néanmoins, au préalable, d'étudier attentivement
les diverses déclinaisons possibles de ces mesures et d'en
négocier les différents volets avec tous les acteurs
concernés.
En définitive, le dossier financièrement le plus délicat
à régler semble bien être celui de
l'enseignement
supérieur des télécommunications.
France Télécom est, d'après l'article 22 de son
cahier des charges, substituée à l'État pour assurer la
mission de service public d'enseignement supérieur des
télécommunications. A ce titre, elle coiffe les Écoles
nationales supérieures de télécommunications (ENST) de
Paris-Brest et Evry. Elle est aussi partie prenante dans plusieurs groupements
d'intérêt économique gérant des pôles
d'enseignement, dont l'École nationale d'ingénieurs en
communication (ENIC), à laquelle participent également
l'université de Lille et l'Institut Théséus à
Sophia Antipolis, ainsi que l'École nationale supérieure des
Postes et Télécommunications (ENSPTT) avec la Poste et le
ministère de tutelle.
L'opérateur public paie à chacune de ces écoles, dont
85 % des diplômés ne sont pas embauchés par lui, les
prestations de formation réalisées pour ses besoins propres et
leur verse, en outre, diverses subventions de fonctionnement.
Au total, les subventions attribuées par l'exploitant public pour la
formation d'ingénieurs n'intégrant pas ses rangs
s'élèvent à quelque
430 millions de francs
(hors ENSPTT).
Le cahier des charges de France Télécom avait prévu qu'un
décret en Conseil d'Etat fixerait, au plus tard le 1er janvier 1994,
l'organisation définitive de ce service qui incombe, sans conteste,
à l'État au titre de ses attributions en matière
d'éducation nationale. Ce décret n'est pas paru et, en
l'état des finances publiques, le budget national absorberait
difficilement un tel transfert. La situation actuelle ne peut pas pour autant
perdurer car France Télécom se trouverait, de facto,
amenée à subventionner ses concurrents en assurant à ses
frais la formation de leur encadrement supérieur.
C'est pourquoi,
votre commission est amenée à proposer que
le produit de l'impôt additionnel à la taxe professionnelle
payé par France Télécom et ses concurrents soit
entièrement affecté au financement des écoles
supérieures de télécommunications.
Actuellement, les sommes versées à ce titre par la SFR et
Bouygues-Télécom alimentent les budgets des Chambres de commerce
et d'industrie (CCI), qui n'interviennent pas dans l'enseignement
supérieur des télécommunications. La contribution fiscale
de France Télécom abonde, quant à elle, le budget de
l'État sans reversement aux CCI ou aux écoles de
télécommunications.
La solution préconisée constituerait donc une réponse
équitable au problème posé. Votre commission
considère toutefois que si le produit de l'impôt ne couvrait pas
la totalité des frais, il conviendrait de prévoir une subvention
budgétaire pour le solde.
LA NOTION DE SERVICE PUBLIC DES TÉLÉCOMMUNICATIONS DOIT ÊTRE CLARIFIÉE, MODERNISÉE ET OUVERTE SUR L'AVENIR
La loi doit préciser le contenu et les priorités du service public
Une confirmation claire des acquis
Alors que, depuis 1934, le " Communication
Act "
américain donne une définition sans équivoque du service
téléphonique universel, notre législation n'est pas en ce
domaine -nous venons de le constater- d'une parfaite limpidité. Certes,
l'examen attentif des textes permet de démêler l'écheveau
de la complexité. Il n'en demeure pas moins qu'en l'état actuel
de la présentation des règles, les citoyens ne peuvent avoir
qu'une perception confuse de la réalité juridique. De ce fait,
des propos erronés tenus sur le sujet peuvent acquérir une
certaine " aura de crédibilité ".
Il est donc indispensable que la loi de démonopolisation donne une
définition du service public des télécommunications
aisément compréhensible, de manière qu'à sa lecture
nul ne puisse prétendre que le maintien de ce service est en quoi que ce
soit mis en cause par l'ouverture à la concurrence du marché
téléphonique.
Cette définition devra nettement faire apparaître la double
composante du service public des télécommunications à la
française, à savoir, d'une part, le service
téléphonique universel et, d'autre part, les missions
d'intérêt général à accomplir dans le domaine
des télécommunications, en ce qui concerne la défense, la
sécurité, la normalisation, la coopération technique
internationale, la recherche et l'enseignement supérieur.
S'agissant du service téléphonique universel à garantir
à la population, votre commission souhaite qu'il englobe la fourniture
à un prix abordable de prestations de qualité, la gratuité
des appels d'urgence, la mise à disposition d'un service de
renseignements et d'un annuaire d'abonnés, ainsi que le maillage de tout
le territoire en cabines téléphoniques.
Une affirmation effective des priorités
La loi doit également exprimer nettement les
priorités du service universel en matière sociale et
d'aménagement du territoire.
Il doit pour ce faire y être rappelé que les prestations
afférentes auront à bénéficier de tarifs en
assurant l'accès à tous, notamment aux handicapés et aux
personnes démunies, dans des conditions identiques sur tout le
territoire. Doit également y être fixé le cadre des
procédures permettant d'en contrôler la qualité.
Enfin, la loi devra
rappeler solennellement le
caractère
fondamental de la péréquation géographique des tarifs.
La loi doit garantir la modernisation du service public et son ouverture sur l'avenir
En assurer une consolidation immédiate
Sur proposition de son rapporteur, votre Commission des
Affaires économiques s'est déclarée favorable à ce
que
soient inscrites dans la loi de démonopolisation
, d'une part,
la prohibition de saisir le poste téléphonique d'un
particulier
faisant l'objet d'une procédure de saisie
mobilière et, d'autre part,
l'interdiction de déconnecter sa
ligne
et de le priver ainsi de toute possibilité de recevoir des
appels ou de joindre les secours d'urgence. Dans cette hypothèse,
l'abonné pourrait être privé du droit de passer des
communications -autres que celles correspondant à des numéros
d'urgence-, mais ne saurait voir rompre le " fil de la vie
sociale ".
Serait ainsi établi, indirectement, un service universel minimal
entièrement gratuit.
Bien entendu, des sanctions pécuniaires importantes pourraient
être instituées pour dissuader des détournements abusifs de
cette procédure et assurer qu'elle se trouve réservée
à ceux qui connaissent une situation sociale difficile.
Votre commission soutient parallèlement le principe, retenu par
M. François Fillon, ministre délégué à
la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace,
d'une
évolution du périmètre et du contenu du service universel
au rythme du progrès technique et des développements du
marché.
L'examen de l'opportunité de telles adaptations pourraient être
programmées dans la loi sous forme, par exemple, de
rendez-vous
quinquennaux
au cours desquels le Parlement examinerait le bilan de
fonctionnement du service universel. Ce bilan aurait à être
dressé par le Gouvernement.
Dans le même ordre d'idée, la modernisation du service universel
apparaît, à votre rapporteur, imposer une remise en cause
partielle des conceptions monolithiques qui président actuellement
à sa mise en oeuvre. Assurer une prestation téléphonique
de qualité à un prix abordable pour tous, ce n'est pas
nécessairement proposer le même produit au même prix au plus
grand nombre.
D'autres entreprises de service public, telle EdF-GdF, l'ont compris.
Il
faut accroître la liberté de choix des abonnés et offrir
des prix encore plus abordables
que les actuels, en permettant une
gradation combinée des prestations et des tarifs. Le présent
rapport avancera plusieurs suggestions en ce sens (Titre II - Chapitre III -
II).
Outre cette triple confortation du service universel, la loi à venir
aura aussi, dans l'intérêt de l'aménagement du territoire,
à étendre le champ du service public de
télécommunications, en y intégrant l'obligation
de
garantir en tout point de l'espace national l'accès à des
services de télécommunications de haut niveau
, tels que le
réseau numérique à intégration de services (RNIS),
la commutation de données par paquets et des liaisons
spécialisées.
Ces services ne seraient pas soumis aux exigences tarifaires des prestations de
service universel et pourraient donc être proposés à des
conditions commerciales. Ils auront toutefois à respecter le principe
d'égalité, dans la mesure où celui-ci interdit de traiter
de manière différente des situations comparables.
En préparer l'avenir
Ce souci d'irriguer de la manière la plus large les
zones rurales au moyen des télécommunications doit
simultanément conduire à réfléchir aux moyens
permettant de gommer leur principal handicap en la matière : le
coût difficilement amortissable, sur des populations de taille
limitée et les importants investissements d'ingénierie civile que
nécessite la pose d'infrastructures filaires.
C'est la raison pour laquelle il apparaît indispensable à votre
commission de
réserver en priorité aux campagnes
, par
préférence aux villes,
le bénéfice des nouvelles
technologies de communication par voie hertzienne
, moins dispendieuses,
comme le MMDS (Microwawes Multichannel Diffusion System : système
de diffusion multiplexée par canal micro-ondes). Il convient
également
d'en assurer la couverture la plus rapide possible en
radiotéléphonie et en radiomessagerie mobiles
.
De ce point de vue, votre Commission des Affaires économiques ne peut
que
soutenir l'initiative
du ministre délégué aux
Postes et Télécommunications
visant à créer
,
dans la loi de démonopolisation,
une Agence nationale des
fréquences radioélectriques
. Une telle instance lui
apparaît, en effet, de nature à gérer au mieux la ressource
rare que constitue le spectre des fréquences tout en favorisant une
amplification de ses utilisations civiles.
Préparer l'avenir du service public, c'est aussi ne pas le concevoir
comme la simple reproduction de ses formes passées.
Dans cette perspective,
la conception du service universel
développée par l'Union européenne n'est pas sans
refléter une certaine indigence d'ambition au regard de ce qui pourrait
être envisagé
ou de ce qu'ont déjà retenu les
États-Unis dans leur " Telecommunication Act " du 8
février 1996.
Ce texte ouvre notamment, dans le cadre du "
universal
service
", la possibilité de desservir en services de
télécommunications avancés ("
advanced
telecommunications services
"), à des tarifs inférieurs
à ceux exigés habituellement ("
at rates less than the
amounts charged for similar services to other parties
"), un
certain
nombre d'établissements assurant des tâches d'intérêt
général (écoles élémentaires et secondaires,
bibliothèques, centres de soins à but non lucratif situés
dans des zones rurales).
L'audace créative du législateur français en ce domaine
n'a d'ailleurs rien à envier à celle de son homologue
américain puisque dans la loi pour l'aménagement et le
développement du territoire (n° 95-115 du 4 février 1995)
plusieurs dispositions,
introduites à l'initiative du
Sénat
, orientent l'action publique en ce sens. Ainsi, l'article
premier précise que la politique d'aménagement a notamment pour
but d'assurer l'égal accès au savoir de chaque citoyen. Surtout,
en application de ce principe, l'article 20 qui impose l'élaboration
d'un schéma national des télécommunications exige que
ledit schéma examine
"
les conditions prioritaires dans
lesquelles pourraient être mis en oeuvre les raccordements aux
réseaux interactifs à haut débit des établissements
et organismes éducatifs, culturels ou de formation
".
Las, l'actuelle législation communautaire exclut que le service
universel des télécommunications intègre de telles
perspectives. Les conséquences s'en déduisent d'elles-mêmes
:
- l'article 129 B du Traité sur l'Union européenne a fixé
comme objectif la réalisation de grands réseaux
transeuropéens de télécommunications, mais ceci n'est
toujours qu'un voeu pieux ;
- plus du tiers des centres éducatifs américains
bénéficient déjà d'une connexion à Internet,
alors que la liste des écoles ou lycées européens dans ce
cas ne doit pas être bien longue, et les États-Unis prennent les
moyens législatifs de creuser l'écart.
Faut-il se résigner à ce décrochage ?
Votre rapporteur et, avec lui, votre Commission des Affaires économiques
s'y refusent !
Il faut à Bruxelles, mais aussi en France,
explorer les voies
permettant de brancher au moindre coût nos enfants sur les réseaux
de l'avenir
. Il s'agirait que dès l'âge scolaire -et qu'ils
soient dans l'enseignement public ou dans l'enseignement privé- ils
puissent, dans " les lieux du savoir ", avoir la possibilité
de se familiariser avec les modes de communication qu'ils auront à
employer tout au long de leur vie d'adulte et dont la maîtrise par la
population décidera de l'efficacité des économies
nationales.
Comment faire ?
Intégrer un tel projet dans le service universel ? Si cela est
décidé sans progressivité pour tous les
établissements concernés, on risque d'accroître
sensiblement le coût de ce service. Il pourrait en résulter une
atténuation des gains de productivité dont notre appareil de
production devrait bénéficier du fait de la concurrence. Cela
pourrait se révéler pénalisant pour nos entreprises, si
nous étions seuls à promouvoir une telle stratégie en
Europe.
Peut-on envisager des réponses hors service universel et hors service
public sous forme, par exemple,
d'appels d'offres
régionaux ou
départementaux
subventionnés, où celui qui emporterait
le marché serait le " moins disant " en termes de demandes
de
subventions ?
Des entreprises soucieuses de leur image de marque ne
seraient-elles pas capables d'avancer des offres dépourvues de demandes
de subventions ? Peut-on miser sur l'intérêt commercial à
long terme que représenterait
ce type de mécénat
pour un opérateur dynamique ? Pourquoi pas ?
Sur ce point, votre commission et votre rapporteur n'ont pas la
prétention de chercher à apporter une réponse
définitive. Ils souhaitent principalement lancer le débat.
LA DÉMONOPOLISATION DOIT AVOIR POUR COROLLAIRE UNE RÉGLEMENTATION ÉQUILIBRÉE DE LA CONCURRENCE
Il faut d'emblée faire litière d'un argument
qu'on entend encore trop souvent ici ou là et selon lequel la
libéralisation conduirait à l'abandon de tout contrôle
collectif sur le fonctionnement du marché des
télécommunications. C'est faux ! L'irruption de la concurrence
dans un secteur antérieurement sous monopole ne signifie d'aucune
façon l'avènement de la " loi de la jungle ".
Bien plus, lorsque ce secteur a une forte résonance sociale et qu'il
fait l'objet de l'organisation d'un service public, rien ne peut s'envisager
sans la détermination de règles du jeu stables et ostensibles.
Tel est le cas en l'espèce. Le cadre législatif à
construire aura, à la fois, à concilier le maintien du service
public avec le développement de la concurrence et à servir de
référence visible à tous les acteurs. Il ne peut donc
qu'établir les fondations d'une compétition loyale et
contrôlée.
Reste que si l'État doit assumer tant la surveillance du bon
fonctionnement du service public que l'essentiel des prérogatives
relatives à l'organisation du marché, il ne saurait
contrôler toutes les modalités de fonctionnement de ce
marché. A partir du moment où il doit garder la maîtrise de
l'opérateur public, s'il exerçait ce type de contrôle, il
se trouverait juge et partie.
NI CONCURRENCE DÉBRIDÉE, NI PROTECTION EXCESSIVE DE L'OPÉRATEUR HISTORIQUE
La concurrence doit être réellement ouverte et soigneusement organisée
Une concurrence réelle
Cet objectif ne nécessite pas de longs
développements. Les différentes contributions à la
consultation publique menée par le ministère en charge des
Télécommunications ont très nettement fait ressortir les
attentes du marché et tout particulièrement celles des
entreprises.
La loi devra simplement fixer un certain nombre de principes qu'il appartiendra
au pouvoir réglementaire de décliner.
Parmi ces
principes
, votre commission tend à considérer
comme
essentiels
:
- la liberté de proposer tous services de
télécommunications, y compris ceux de téléphonie
entre points fixes ;
- la liberté d'exploiter ou d'installer des réseaux de
télécommunications ouverts au public ;
- la fixation à un niveau objectivement acceptable et selon des
procédures transparentes des charges dites d'interconnexion, que devra
acquitter un prestataire de services ou un exploitant de réseau aux
propriétaires de réseaux permettant aux clients des premiers de
dialoguer avec les abonnés des seconds.
Bien entendu, les nouvelles libertés instituées devront s'exercer
dans le respect des règles légales et réglementaires en
vigueur.
Cependant, pour votre commission, les autorisations administratives auxquelles
pourra, en tant que de besoin, être soumis l'exercice de ces
libertés ne sauraient être refusées que pour des motifs
d'ordre public lato sensu, de limitation d'emploi de ressources rares (cas des
fréquences hertziennes) ou dans un but de protection du consommateur.
Ainsi, un candidat dont la viabilité technique ou financière
serait jugée douteuse pourra être écarté car son
éventuelle défaillance ultérieure serait de nature
à léser ses clients.
Reste également que pour assurer le bon acheminement des messages et un
fonctionnement satisfaisant du marché, l'établissement de
réseaux ou de services ouverts au public aura à respecter des
cahiers des charges garantissant, notamment, la compatibilité technique
des réseaux et l'équivalence des obligations supportées
par les différents opérateurs.
Une concurrence organisée
De manière équitable s'agissant de
l'accès au marché
Le projet de directive de la Commission européenne modifiant sa
directive 90/388/CEE et concernant l'ouverture complète du marché
des télécommunications à la concurrence ouvre la
faculté (dans son 16e considérant) d'exempter de
contribution au service universel les nouveaux entrants dont la présence
sur le marché ne serait pas encore significative (projet
enregistré au Sénat sous la référence E-508).
Des pays de l'Union dont l'Allemagne s'orientent dans cette direction. Par
ailleurs, d'aucuns, au sein de la Commission, semblent souhaiter que cette
faculté qui, en l'état actuel des textes, relève du
principe de subsidiarité, devienne une obligation.
Par sa résolution n° 53 adoptée le 27 décembre 1995
sur proposition de votre Commission des Affaires économiques
41(
*
)
, le Sénat a clairement estimé qu'une
telle règle devait continuer à relever du principe de
subsidiarité.
Votre commission maintient ici cette position. Le haut niveau de service
universel envisagé en France interdit de retenir une telle option.
Tout nouvel entrant, quelle que soit sa part de marché, devra
contribuer au service universel
.
Face aux offres décevantes faites dans le cadre des négociations
menées au sein de l'organisation mondiale du commerce (OMC) sur les
télécommunications de base et aux tentations quelque peu
hégémoniques des États-Unis en ce domaine, il convient de
demeurer très vigilant quant à
l'exigence de
réciprocité avec les pays tiers
.
La réciprocité avec les pays tiers : une position constante
La question de la réciprocité avec les pays
tiers dans le domaine des télécommunications est, depuis
longtemps, au coeur des préoccupations de votre Commission des Affaires
économiques lorsqu'elle examine le dossier des négociations
commerciales menées par la Communauté, avec ses partenaires
extérieurs.
Elle a pris, ces dernières années, des positions très
nettes sur ce sujet.
Déjà, le rapport d'information, publié par votre
rapporteur, sur l'avenir du secteur des télécommunications en
Europe
42(
*
)
dénonçait les
"
dangers d'un ultra-libéralisme naïf
" dans
l'ouverture commerciale du marché communautaire. Il estimait que ce
dernier devait être "
ouvert sans être offert
" et
préconisait pour se faire de "
prendre les moyens d'assurer une
juste réciprocité commerciale
".
Plus récemment, la résolution sur les propositions de directive
relatives aux marchés publics des secteurs dits exclus, adoptée
à l'unanimité en séance publique par le Sénat
à l'initiative de votre commission
43(
*
)
,
et le rapport présenté à ce sujet par M. Henri
Revol
44(
*
)
, faisaient de la
nécessité de la réciprocité sur les marchés
de télécommunications un des éléments majeurs des
objections élevées à l'encontre des projets communautaires.
Enfin, la résolution n°53 précitée a exprimé
une attitude très ferme sur ce sujet.
Aussi, en l'absence d'engagements satisfaisants avant l'adoption de la loi de
démonopolisation, conviendrait-il
d'envisager d'appliquer, voire
d'étendre, les clauses de réciprocité existantes aux
activités faisant l'objet de licences et de prévoir un
régime adapté pour les services internationaux
.
De manière raisonnable en ce qui concerne les droits de passage sur
les propriétés publiques et privées
France Télécom a hérité, en vertu de la loi du 2
juillet 1990, des prérogatives exorbitantes du droit commun qui
étaient antérieurement reconnues à la Direction
générale des télécommunications, administration
d'État, pour implanter ses réseaux.
Droits et prérogatives de France
Télécom pour l'implantation de ses réseaux
Implantation sur le domaine public
France Télécom est occupant de droit du domaine
public et à ce titre peut implanter sans autorisation ses installations,
dans l'emprise des chemins publics et de leurs dépendances
c'est-à-dire " le domaine public de circulation " (article
L.
47 alinéa 1 et D. 407 alinéa 1 du code des P et T).
La seule limite concerne le domaine public communal pour lequel France
Télécom doit se conformer aux règlements de voirie
(articles L. 47 alinéa 2 et suivants du code des P et T).
Implantation en propriété privée
France Télécom peut également
établir des supports soit à l'extérieur des murs ou
façades donnant sur la voie publique, soit même sur les toits ou
terrasses à condition que l'on puisse y accéder par
l'extérieur.
France Télécom peut également établir des conduits
ou supports sur le sol ou le sous-sol des propriétés non
bâties et non closes, ainsi que dans les parties communes des immeubles
collectifs ainsi que sur les façades ne donnant pas sur la voie publique
à condition que l'on puisse y accéder par l'extérieur.
Ces implantations sont soumises aux procédures de droit commun
(autorisation de passage ou convention de servitude avec la collectivité
ou le particulier propriétaires). Mais en l'absence d'accord amiable
France Télécom bénéficie de prérogatives de
puissance publique : l'arrêté préfectoral prévu au
code des P et T.
La servitude de déplacement et d'élagage
La servitude prévue à l'article L. 65 permet,
lorsque la transmission des signaux est gênée par des arbres ou
l'interposition d'un objet placé à demeure mais susceptible
d'être déplacé, de faire prendre les mesures
nécessaires par le Préfet.
La servitude d'élagage est prévue à l'article L. 65-1 du
code des P et T. Elle permet, dans des conditions définies par le code,
de faire élaguer les plantations et arbres gênant ou compromettant
le fonctionnement des lignes de télécommunications.
Déclaration d'utilité publique
Dans la mesure où France Télécom est
décidé à acquérir une parcelle de terrain pour
implanter ses ouvrages et où le propriétaire se refuse à
la vendre, il bénéficie de prérogatives de puissance
publique et peut mettre en oeuvre la procédure de l'expropriation pour
cause d'utilité publique.
La nécessité d'équilibrer les conditions de concurrence
amènent à considérer que les autres exploitants
d'infrastructures de télécommunications devront pouvoir
déployer leurs réseaux selon des modalités
équivalentes. A défaut, ils devraient pouvoir accéder aux
tranchées ou conduites déjà installées, d'une
manière compatible avec les exigences de sécurité propres
à ces ouvrages ainsi qu'avec les règles du droit de la
propriété et de la responsabilité. Dans l'hypothèse
où cet accès se heurterait à des obstacles dirimants, il
conviendrait
d'envisager un régime spécifique d'interconnexion
pouvant s'apparenter à une gestion déléguée d'une
portion de réseau.
Il faut toutefois ne pas perdre de vue que la multiplication de réseaux
concurrents et redondants peut être, à la fois, source de
gaspillage d'investissements, de perturbations des populations et des
collectivités locales confrontées aux creusements
répétés de tranchées, ainsi que d'atteintes
à l'environnement quand les lignes ne sont pas enfouies.
C'est pourquoi, il est proposé
d'instituer des redevances
d'occupation du domaine public pour le passage des réseaux de
télécommunications
.
La mise en oeuvre de cette orientation et son application à tous les
opérateurs ne pourront que contribuer à assurer un optimum
économique en matière de réseaux.
La concurrence ne doit pas en effet être considérée comme
une fin en soi, mais comme un moyen d'aboutir à une meilleure allocation
des ressources.
La concurrence ne doit pas justifier des comportements excessifs envers l'opérateur historique
Un équilibre indispensable
Le 1er janvier 1998 -dans 659 jours à la date de
présentation du présent rapport- France Télécom
perdra le monopole de droit qu'elle détient sur la
téléphonie vocale depuis plus d'un siècle. L'entreprise
n'en continuera pas moins -et pour longtemps- à conserver un monopole de
fait en la matière. Son réseau sera le seul à mailler tout
le territoire et tous les autres opérateurs devront s'y connecter pour
que leurs clients puissent converser avec l'ensemble des utilisateurs du
téléphone en France.
Cette position lui procurera d'indéniables avantages mais lui imposera
en contrepartie des obligations que ses concurrents n'auront pas à
supporter dans un premier temps, puisqu'aucun ne lui sera comparable. Ainsi,
puisque tous devront se connecter à son réseau,
il serait
logique que France Télécom publie une offre
générale d'interconnexion garantissant la transparence de ses
tarifs
et, ce qui en différera l'application aux autres, qu'une
telle obligation ne pèse que sur les exploitants d'infrastructures
possédant une part significative du marché.
Cette nécessité de traiter de manière différente
des situations dissemblables ne doit pas conduire à appliquer
systématiquement des régimes dissymétriques à
l'opérateur historique et à ses challengers. Des obligations
spécifiques trop lourdes ne pourraient qu'entraver la capacité
d'adaptation de France Télécom et il faut qu'elle soit en mesure
d'affronter le marché.
A l'inverse, il ne s'agirait pas que le législateur succombe à la
tentation d'un " maternage réglementaire ". Celui-ci serait
en
définitive néfaste pour notre exploitant public. Il est
impératif qu'il affronte directement la concurrence avant qu'elle se
généralise, afin qu'il en tire immédiatement des
enseignements qui lui permettront de devenir rapidement plus fort.
En l'espèce, la règle doit être : pas de spoliation, mais
pas non plus de rente de situation !
Pas de spoliation : refuser l'utilisation téléphonique des réseaux du " Plan câble " sans juste rétribution
Dans le cadre du " Plan câble ", mis en
oeuvre à partir de 1983, l'établissement des réseaux
câblés locaux était confié à l'État et
non aux communes. L'État a alors attribué à la Direction
générale des Télécommunications -devenue depuis
France Télécom- la maîtrise d'ouvrage et la
propriété des réseaux, en laissant l'exploitation
commerciale à la commune ou à l'exploitant que celle-ci
choisissait.
Le régime juridique ainsi institué dissociait donc la
propriété technique des infrastructures, détenue par
l'opérateur public de télécommunication, et leur
exploitation commerciale assurée par des sociétés
privées, le plus souvent filiales des compagnies des eaux et
communément appelées câblo-opérateurs. Ces derniers
ont conclu avec les communes des conventions qui précisent leurs
obligations de prestations de services de radiodiffusion sonore et de
télévision sur le câble. Ils ont également
négocié avec France Télécom des contrats
d'exploitation qui fixe les conditions d'utilisation des réseaux du Plan
câble.
La loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle a
créé, à compter de sa publication, un nouveau
régime juridique. Elle a donné aux communes la possibilité
d'autoriser l'établissement des réseaux câblés et
d'en choisir à la fois le constructeur et l'exploitant. Elle n'a en
revanche pas remis en cause le statut des réseaux construits dans le
cadre du Plan Câble.
De ce fait, aujourd'hui, France Télécom, avec 4 millions de
logements connectés dans le cadre du Plan Câble, contrôle
65,9 % du parc total, avec seulement 44 réseaux sur les 373 qui existent
en France. Ces 44 réseaux couvrent pour la plupart les principales
villes de France, telles que Paris, Lyon, Marseille ou Toulouse.
Le maintien du régime juridique issu du Plan câble entraîne
également que les contrats passés, dans ce cadre, entre les
câblo-opérateurs et France-Télécom restent valables.
Or, ces contrats limitent la mise à disposition des capacités de
transport des réseaux aux seuls services de radio et de
télévision et en excluent expressément les services de
téléphonie.
En outre, France Télécom continue à assurer la maintenance
des réseaux.
Face aux immenses enjeux commerciaux que recouvre le marché de la
téléphonie dans les plus grandes villes françaises, les
câblos-opérateurs critiquent la pérennisation de cette
situation.
Ils font valoir que :
L'existence d'une séparation entre le commercial et le technique
crée une interface entre l'opérateur et le client qui complique
leur travail et retarde la résolution des problèmes, puisque
directement alerté par le client, l'opérateur doit passer par le
prestataire technique pour apporter une réponse au problème, ce
qui est créateur de retards.
Le dispositif en vigueur constitue un frein au développement de
nouvelles offres commerciales.
Le frein est d'autant plus regrettable que, construits en fibre optique et
avec une structure innovante pour l'époque, les réseaux du Plan
câble ont la capacité de transporter trois types de services
nouveaux : la télévision en compression numérique, la
transmission de données vers des ordinateurs, les services de
transmission de la voix.
Ils souhaitent en conséquence que "
les exploitants des
réseaux du Plan Câble bénéficient de l'usage de ces
infrastructures pour offrir les services téléphoniques en
concurrence avec l'opérateur national, sans que celui-ci ne puissent
entraver ce développement
".
France Télécom estime, en revanche, que l'exploitation
commerciale des réseaux du Plan câble par un autre
opérateur "
doit continuer à ne concerner que les
services de télédistribution ".
L'entreprise met en avant l'argumentation suivante :
" La
dichotomie
entre opérateur technique et opérateur commercial est en effet
possible, comme l'expérience l'a montré, dès lors que ces
deux opérateurs ne sont pas concurrents. En revanche, on a du mal
à concevoir un système dans lequel un exploitant offrirait un
service téléphonique concurrent de celui de France
Télécom sur un réseau exploité techniquement par ce
dernier et lui appartenant. Il est en effet nécessaire de
préciser que, en l'état actuel de la technique, la fourniture
d'un service téléphonique sur un réseau câblé
nécessite l'adjonction de câbles supplémentaires
dédiés à la téléphonie à
côté des câbles de télédistribution proprement
dits, ce qui ramène au problème du partage des tranchées
et conduites dont les graves inconvénients ont été
soulignés précédemment. Enfin, il serait paradoxal que les
réseaux du Plan Câble qui, depuis plusieurs années,
pèsent lourdement sur les comptes de France Télécom,
contribuent en outre à la détérioration du compte
d'exploitation de son service téléphonique en étant mis
à la disposition de ses concurrents.
Il serait souhaitable que la loi écarte clairement cette
éventualité
". (Contribution à la consultation
publique ; p. 51).
En l'espèce, le maintien du
statu quo
constituerait à
n'en pas douter une
entrave sérieuse au développement de la
concurrence ;
mais
autoriser les câblo-opérateurs
à utiliser,
sans droits complémentaires
, les fibres
optiques des réseaux du Plan câble pour des services de
téléphonie vocale équivaudrait à une
véritable spoliation
de France Télécom.
L'application du principe énoncé précédemment
amène donc votre rapporteur à se déclarer
favorable
à une ouverture des réseaux du Plan câble à la
téléphonie vocale sous réserve du versement d'une juste
rétribution à France Télécom.
Pas de rente de situation : assurer la " portabilité " des numéros de téléphone dès 1998
Si plusieurs opérateurs peuvent proposer leurs services
mais que pour passer de l'un à l'autre il faille changer de
numéro de téléphone, la fluidité du marché
ne sera pas assurée. Imagine-t-on une PME refaire imprimer tout son
papier à en-tête parce qu'elle pourrait économiser quelques
milliers de francs sur ses factures téléphoniques ? Le coût
immédiat du changement serait dissuasif bien qu'il soit nettement
avantageux sur plusieurs années. L'obstacle se révélerait
tout aussi dirimant pour un particulier mécontent de l'attitude
commerciale de son opérateur et qui désirerait en changer : il
aurait alors à informer un à un tous ses proches de son nouveau
numéro, alors même qu'il n'aurait pas
déménagé.
Ceci n'est pas acceptable. Le consommateur doit être en mesure de
bénéficier du jeu de la concurrence sans se heurter à des
contraintes de nature administrative.
Lorsqu'il reste au même endroit, il faut, s'il le souhaite, qu'il
puisse, pour une somme modique correspondant aux frais techniques de mise en
oeuvre, conserver son numéro quand il change d'opérateur. La loi
aura à lui réserver ce droit.
Techniquement, le plan de numérotation à 10 chiffres qui doit
entrer en vigueur le 18 octobre prochain rend possible une telle solution.
Celle-ci doit donc être mise en oeuvre dès le 1er janvier
1998.
La concurrence doit bénéficier en priorité au consommateur : pour un droit de propriété sur les numéros de téléphone
Le nouveau plan de numérotation apparaissant
également le permettre si on s'en donne les moyens,
dès 1998
ou au plus tard dans les deux années suivantes, chaque abonné
devrait pouvoir conserver son numéro de téléphone non
seulement s'il change d'opérateur en restant au même endroit mais
également s'il déménage, qu'il conserve ou non le
même opérateur.
Dans un premier temps, un tel choix nécessitera une démarche
préalable et ne sera pas gratuit. L'utilisateur aura à demander
un type de numéro spécifique à son prestataire et à
payer le prix du service offert, sous forme par exemple de supplément
d'abonnement.
Cependant,
à terme, cette option pourrait être ouverte
à tous et pour un prix minime, voire gratuitement.
De fait, actuellement les numéros attribués couramment
correspondent encore à une " adresse
téléphonique ". Mais, demain -et ce sera le cas
bientôt pour les numéros " géographiquement
portables "-, avec les progrès des techniques de traitement
informatique, on peut raisonnablement envisager que la composition d'un
numéro envoie sur une base de données où figurera la
dernière " adresse téléphonique " de la personne
appelée. La communication sera alors automatiquement aiguillée
vers le poste de cette personne, que celle-ci ait ou non changé
" d'adresse téléphonique " depuis l'attribution du
numéro composé.
Pour les experts qui réfléchissent à ces perspectives, en
l'état actuel des techniques, la mise en oeuvre d'une telle solution
pour tous les numéros conduirait à allonger, dans des proportions
assez sensibles, le laps de temps qui s'écoule entre la composition d'un
numéro et le déclenchement de la première sonnerie sur le
poste appelé. Cependant, le formidable accroissement de puissance des
microprocesseurs -les moteurs des ordinateurs- prévisible dans les
années à venir semble de nature à aplanir rapidement
l'obstacle.
La loi formulée de manière empirique, en 1965, par Gordon Moore
(l'un des fondateurs d'Intel) s'est, en effet, constamment
vérifiée depuis : à prix constant, la puissance des
microprocesseurs (ou puces) double tous les dix-huit mois. Cela signifie que,
pour le prix d'un micro-ordinateur acquis en 1980, on pouvait acheter un
équipement 4 fois plus performant en 1983, ce rapport passant à
16 en 1986, à 64 en 1989, à 256 en 1992 et à ... 1.000 en
1995.
Selon les spécialistes, il est probable que la loi de Moore va continuer
à jouer pendant encore une vingtaine d'années. Si c'est le cas,
dans quinze ans, à prix constant, un micro-ordinateur sera 1.000 fois
plus rapide qu'aujourd'hui -un million de fois plus qu'en 1980 !- et, en 2002,
dans six ans, une opération qui réclame actuellement 6 secondes
de traitement durera moins d'un dixième de seconde.
Dans une telle hypothèse, il sera possible à tout un chacun de
disposer d'un numéro de téléphone valable quel que soit
l'endroit du territoire
où il s'installe
(tout au moins pour
les 8 derniers chiffres ne correspondant pas au préfixe régional
dans le nouveau plan de numérotation).
Avoir un numéro de
téléphone pour la vie et en devenir propriétaire sera
alors possible.
Il en résultera une liberté de choix qui n'existe pas
aujourd'hui. Les numéros les plus attractifs pourront en effet pour
partie être mis aux enchères et, pour partie, attribués par
un système de loterie (pour éviter que seuls les entreprises ou
les particuliers les plus aisés puissent en bénéficier).
Surtout pourra se développer une sorte de " bourse
d'échange " des numéros : ceux étant peu attrayants
pour les uns pouvant l'être pour les autres, par exemple s'ils
correspondent à une date et un lieu de naissance.
Ainsi, le (01) 29.10.72.61 présente beaucoup moins
d'intérêt objectif que (01) 02.03.04.05, sauf ... pour celui
né un 29 octobre 1972 dans l'Orne.
Dès lors, on pourrait
au début du 21e siècle voir apparaître en France un nouveau
type de cadeau d'anniversaire : le numéro de
téléphone personnalisé.
Si, en outre, on réintroduisait des lettres sur les claviers de
téléphone, rien n'interdirait dans un tel système de
proposer des " numéros " de téléphone sous forme
de noms, de prénoms, d'acronymes ou de substantifs expressifs. Les
ordinateurs des centraux de commutation se chargeront des conversions en
chiffres.
Fini les problèmes de mémorisation que pourraient
poser des numéros à 10 chiffres !
Dans ces conditions, ceux se satisfaisant de combinaisons banales pourraient
avoir des numéros portables entièrement gratuits, le
marché des numéros attractifs pouvant être suffisamment
dynamique pour financer l'ensemble.
Si la vente des numéros séduisants (ou d'option sur ces
numéros) était engagée dès la mise en place du
nouveau plan de numérotation, les ressources dégagées
pourraient être immédiatement affectées à la
modernisation des réseaux indispensable à la
généralisation et à la démocratisation de cette
nouvelle liberté.
Outre le fait qu'elle constituera une puissante incitation à la
modernisation des réseaux, la concurrence devrait logiquement contribuer
à la mise en oeuvre d'un tel système car il favorisera une
moindre dépendance des abonnés envers les opérateurs.
Encore s'agit-il qu'elle y soit incitée. Telle pourrait être l'une
des préoccupations de la loi de démonopolisation !
NI RÉGLEMENTATION FIGÉE, NI RENONCEMENT DE L'ÉTAT RÉPUBLICAIN À SES RESPONSABILITÉS RÉGALIENNES
Ferme dans ses fondements, la législation à
élaborer ne saurait pour autant tout régler dans le moindre
détail. Si, tant soit peu, que l'ambition puisse en être
caressée, l'absence de véritable précédent au
processus de libéralisation retenu en Europe en soulignerait la
vanité.
L'originalité de la situation impose la structuration de réponses
novatrices. Ailleurs, beaucoup de ces réponses se sont inspirées
des traditions anglo-saxones et ont pris la forme de la création
d'instances de régulation spécifiques au secteur des
télécommunications. La voie pourrait donc apparaître
tracée. Elle ne doit toutefois pas être empruntée sans
être adaptée à nos propres traditions juridiques.
Le caractère inédit de la " démonopolisation à l'européenne " impose une réglementation stable dans ses principes mais adaptable dans ses applications
La stratégie appliquée par l'Union
européenne pour ouvrir l'ensemble du marché
téléphonique des Quinze à la concurrence est sans
équivalent dans le monde. Nul part ailleurs, le mouvement aura
revêtu une telle ampleur (tous les services et toutes les infrastructures
ouverts au public), avec une telle ouverture internationale (sous
réserve d'un décalage dans le temps pour certains États,
toutes les entreprises de tous les pays de l'Union pourront entrer sur le
marché de chacun des Etats-membres), dans des délais aussi brefs
(moins de cinq ans entre la décision et la réalisation).
Les États-Unis ont parcouru le même chemin en deux étapes
et en douze ans. Ils ont démantelé le monopole d'ATT et introduit
la concurrence sur les communications " longue distance "
en 1984.
Ils viennent juste de décider, le 8 février dernier, de mettre
fin au monopole des compagnies régionales sur les communications locales.
En Grande-Bretagne, pays de l'Union où le processus a été
engagé dès le début des années 1980, le changement
s'est opéré en trois temps sur plus d'une dizaine d'années
:
- en 1982, Mercury-filiale de Cable and Wireless
45(
*
)
, est autorisée à créer un
réseau téléphonique public distinct de celui de
l'opérateur historique British Télécom (BT) ;
- en 1984, le " Telecommunication Act Britannique "
privatise British
Telecom à hauteur de 50,2 %. Parallèlement, il autorise
l'interconnexion du réseau de BT avec celui de Mercury. Il accorde
également aux deux opérateurs l'exclusivité des licences
d'exploitation de ce réseau filaire, jusqu'en 1990. Enfin, il
délivre des licences d'exploitation des réseaux publics de
radiotéléphonie cellulaire à deux sociétés
(Racal Vodaphone et Cellnet, filiale de BT), tout en créant l'OFTEL
(Office des télécommunications), organisme gouvernemental
indépendant chargé de réguler les activités de
télécommunications ;
- en 1991, le monopole BT/Mercury sur le réseau commuté est
supprimé. Le Gouvernement permet à d'autres
sociétés d'obtenir des licences d'établissement et
d'exploitation, tandis que BT doit ouvrir son réseau à tout
prestataire de services. Les câblo-opérateurs, tout comme les
sociétés de téléphonie sans fil, peuvent
désormais offrir n'importe quel service empruntant le réseau
commuté, y compris le téléphone de base ;
En 1993 et 1994 de nouvelles licences de " public
télécommunication opérators " permettant d'offrir des
services au public ont été accordées à de nouvelles
sociétés, tandis que les câblo-opérateurs commencent
à livrer une concurrence sévère à BT sur les
communications locales.
La situation qui sera créée en Europe, le 1er janvier 1998,
sera donc sans précédent.
Cela ne signifie pas qu'elle sera inconnue. D'autres pays se sont
engagés avant nous, de manière certes plus progressive, dans la
libéralisation de la téléphonie vocale. Les
États-Unis et la Grande-Bretagne ont été cités. On
peut y ajouter la Nouvelle-Zélande, l'Australie et, dans une moindre
mesure, la Suède.
Il n'en demeure pas moins que si ces expériences
étrangères permettent, à l'avance, d'identifier les
questions à résoudre et d'affirmer une stratégie, elles ne
fournissent pas de " recettes " à appliquer telles quelles
à la nouvelle réalité économique qui naîtra
des changements juridiques programmés pour 1998.
Même aux États-Unis, où la FCC (Federal communications
commission) dispose du recul que procurent douze ans d'expérience, les
dispositions qui seront prises au vue des évolutions résultant de
l'ouverture de la " boucle locale " à la compétition ne
semblent pas, au vu des entretiens que votre rapporteur a eus avec plusieurs
des responsables de cet organisme, définitivement arrêtées,
tout au moins dans le détail.
Nul ne sait, en effet, quelle sera exactement la forme la plus courante que
prendra cette compétition : mise en place d'une infrastructure nouvelle
? Utilisation d'une infrastructure alternative déjà
installée (câble par exemple) en payant le prix de sa mise
à niveau ? Achat en gros, par un nouvel opérateur, des
capacités d'un réseau téléphonique existant avec
revente au détail ? Des arbitrages restent à prendre. Ils seront
orientés par le fonctionnement du marché apprécié
au travers d'une grille de principes visant à orienter ce fonctionnement
dans un sens donné.
Au-delà de 1998, l'horizon se présente sous un jour similaire
pour le législateur français. L'image de ce qui est
souhaité est précise : maintien conforté du service
public, jeu équilibré de la concurrence, orientation vers
l'amélioration de la compétitivité et la satisfaction des
consommateurs... Il en va de même pour la détermination des moyens
qu'il est nécessaire de déployer pour atteindre le
résultat souhaité : péréquation tarifaire,
liberté d'activité avec cantonnement des excès,
régime précis d'interconnexion des réseaux... Cependant,
le réglage conjoncturel de l'adaptation des moyens aux fins est hors de
sa portée.
Dans ces conditions, la loi se doit prioritairement d'énoncer un
certain nombre de règles stables permettant aux acteurs
économiques d'être éclairés sur l'avenir. Les
entreprises ont besoin de telles " balises " pour décider de
leurs stratégies.
Mais, aucun " phare législatif " ne peut éclairer
au-delà de la ligne d'horizon économique. De plus, en
l'espèce, ni le législateur, ni le pouvoir réglementaire
ne sauraient, d'un coup, tout prévoir et tout préciser. Ce serait
une erreur de chercher à décliner dans les moindres
détails le futur droit applicable.
Il n'y a donc pas d'autres solution raisonnable que d'attribuer à une
instance à définir le soin d'appliquer les principes retenus
à la diversité des situations et des litiges qui
résulteront de la nouvelle " donne juridique ".
Un accord général semble se dessiner sur ce point. La question
qui reste débattue est celle de la nature et des prérogatives de
l'autorité chargée de cette mission.
L'autorité de régulation doit être indépendante mais adossée sur l'État
Les expériences étrangères
La Nouvelle-Zélande
a entrepris la
démonopolisation de ses télécommunications dès les
années 80. C'est alors à l'instance chargée de
contrôler le respect du droit commun de la concurrence qu'a
été donnée compétence pour assurer la
régulation du marché des télécommunications.
Depuis, les néo-zélandais ont décidé de confier
cette mission à un organisme spécifique car, après
plusieurs années d'application du dispositif initial, l'opérateur
historique continuait à occuper une position hégémonique
et ses concurrents n'étaient pas arrivés à s'imposer.
La leçon que les observateurs qualifiés tirent de cette
expérience est que le droit commun de la concurrence et les
autorités chargées de la mettre en oeuvre ne suffisent pas
à assurer la régulation d'un marché en voie de
démonopolisation.
Ils invoquent trois raisons à l'appui de cette thèse.
Le droit de la concurrence est habituellement conçu pour assurer
l'équilibre de marchés où coexistent déjà
plusieurs offres. Il est donc quelque peu inapproprié pour régler
les problèmes que pose un secteur contrôlé presque
entièrement par une seule entreprise.
L'intervention du régulateur de droit commun s'effectue a posteriori,
quand l'abus de position dominante est constaté, et non a priori pour
éviter qu'il ne s'exerce.
Surtout, le régulateur de droit commun dispose rarement des
compétences et des moyens lui permettant d'assurer un contrôle
efficace des conditions de l'interconnexion des réseaux, qui constitue
pourtant le facteur décisif de la réalité de l'ouverture
concurrentielle.
Pour toutes ces raisons, un tel mode de régulation n'est pas
considéré comme suffisamment viable et, bien que France
Télécom s'en soit longtemps fait le thuriféraire, il
apparaît difficile de l'envisager comme solution exclusive.
Aux États-Unis, la Commission fédérale des
communications (FCC)
, agence indépendante des pouvoirs
exécutif et législatif, a la charge de l'application des textes
de loi, sur lesquels elle s'appuie pour réglementer l'ensemble du
secteur des télécommunications et de l'audiovisuel. Elle a
été établie par la " Communication Act " de 1934.
Elle est dirigée par cinq commissaires dont un
" président ", nommés par le Président des
États-Unis. Tous les commissaires sont confirmés par le
Sénat. Les décisions sont prises de manière
collégiale.
Les effectifs de la Commission sont d'environ 2.000 employés, son
budget provient des impôts et des taxes prélevés par les
industries réglementées, et les ressources sont affectées
par le législatif.
Son indépendance est assurée par plusieurs dispositions du
Communication Act qui :
- interdit aux commissaires la pratique d'une activité
rémunérée parallèle durant leur mandat ;
- prévoit qu'au plus trois commissaires peuvent appartenir au même
parti politique ;
- interdit à tout employé de la FCC de détenir une
participation directe ou indirecte dans une société du secteur.
Le pouvoir de la FCC est considérable. Il va de l'attribution des
licences radio (pour les communications mobiles comme pour la diffusion de
programmes) au contrôle du respect des règles antitrust
prévalant dans les domaines de la téléphonie, en passant
par les communications spatiales, la télévision haute
définition et la mise aux enchères du spectre hertzien. Elle peut
fixer des tarifs, interpréter les principes généraux de la
concurrence, autoriser des fusions ou des prises de participation
capitalistique (ex. Global one), interdire des entrées sur le
marché ou les soumettre à conditions.
La commission
édicte des textes
(" rules ",
" guidelines ")
dont la nature, en droit français,
serait
réglementaire, mais qui, aux États-Unis relèvent
plutôt du pouvoir législatif. Comme un organe exécutif,
elle a des
pouvoirs de surveillance, de contrôle et d'injonction
.
Elle peut ainsi mener des enquêtes et organiser des auditions. Elle
exerce enfin des
missions préjuridictionnelles
, arbitrant ou
réglant des conflits avant jugement éventuel, sous le
contrôle des tribunaux et de la Cour suprême.
En Grande-Bretagne
, l'Oftel (Office des
télécommunications) a été créé en
1984 par le " Telecommunications Act ".
L'Oftel est un office indépendant du Gouvernement. Son directeur
général est nommé par le Secrétaire d'Etat pour le
commerce et l'industrie pour 5 ans. Il ne peut être
révoqué que pour incapacité ou faute
(
"
misbehaviour ").
Il dispose en propre de
services
(160 agents fonctionnaires ou contractuels). Il est doté d'un budget
voté par le Parlement. Dans ses domaines de compétence, l'Oftel
prend des décisions qui ne peuvent être contestées que
devant les tribunaux.
Le Secrétaire d'Etat chargé des télécommunications
est responsable de l'élaboration des lois et règlements et des
négociations internationales dans le secteur. L'Oftel exerce dans ces
domaines un rôle de conseiller. Il peut procéder à des
consultations publiques. Les licences individuelles sont
délivrées par le Secrétaire d'Etat après avis
conforme de l'Oftel qui dispose d'un pouvoir d'instruction et de
rédaction des cahiers des charges.
Les compétences propres de l'Oftel sont fixées par la loi. Elles
sont résumées ci-dessous :
- l'Oftel contrôle la mise en oeuvre et l'application des licences
délivrées. A ce titre, il veille notamment au respect des
obligations de service universel contenues dans la licence de BT. L'Oftel peut
amender le contenu des licences avec l'accord de l'opérateur
concerné et saisir la " Monopolies and Mergers Commission "
(MMC) en cas de contestation ;
- il peut prendre, à l'issue d'une procédure contradictoire, les
décisions temporaires ou définitives qu'il juge
nécessaires. Il arbitre les conflits entre opérateurs relatifs
à l'interconnexion ;
- il joue un rôle important en matière d'information des
utilisateurs et veille à ce que les opérateurs publient des codes
de conduite à l'usage des consommateurs. Il peut intervenir pour
trancher des litiges en matière de facturation ;
- il gère le plan national de numérotation et l'attribution des
numéros.
L'Office of Fair Trading est responsable de la surveillance de la concurrence
sur le marché britannique. Cette responsabilité est
partagée avec l'Oftel pour le secteur des
télécommunications.
En Allemagne
, le projet de loi actuellement examiné par le
Bundestag propose d'établir une "
autorité de
régulation des télécommunications et des postes en tant
qu'autorité fédérale suprême
dans le ressort
d'activité du Ministre Fédéral de
l'Économie
" (article 65 du projet).
Cette autorité est notamment chargée de veiller au respect des
règles de la concurrence et des obligations imposées aux
opérateurs par leurs licences (article 68 du projet). Elle dispose
à cette fin d'une palette de moyens et d'instruments, comprenant un
droit d'enquête et d'informations ainsi que des possibilités de
sanctions graduées (article 69).
La nature de l'autorité a fait l'objet de longues négociations.
Alors que le précédent projet prévoyait une
autorité ayant rang de ministère, le texte présenté
au Parlement prévoit simplement
l'institution d'une autorité
subordonnée au ministère de l'économie
. Cet arbitrage
conforte, en fait, l'Office fédéral des cartels avec qui la
nouvelle autorité devra traiter les questions de concurrence sur le
marché des télécommunications, ainsi que le
ministère fédéral de l'économie puisque la
dissolution du ministère des postes est prévue à la date
d'entrée en vigueur de la loi.
La régulation des tarifs constituera une mission essentielle de
l'autorité de régulation, ceux concernant le service vocal et les
voies de transmissions lorsqu'ils sont offerts au public par une entreprise en
position dominante ne pouvant pas être librement fixés. Pour les
services autres que la téléphonie vocale et les voies de
transmissions, le projet de loi prévoit un droit d'intervention de
l'autorité de régulation à l'égard des entreprises
occupant une position dominante, lorsqu'elles utilisent leur situation de
façon abusive en matière de prix.
Les exigences de nos traditions nationales
On le constate à la lecture des exemples
précédents, le choix d'une commission spécifique,
extérieure à l'appareil d'État, pour réguler un
marché monopolistique ouvert à la concurrence est typiquement
anglo-saxon et même, plus précisément, américain.
Ce choix s'explique par un certain nombre de traditions politiques : le culte
de la libre entreprise
46(
*
)
, une philosophie de
common law
47(
*
)
, une relative défiance
à l'égard de l'État central, un système
constitutionnel reposant sur une stricte séparation des
pouvoirs
48(
*
)
et, en définitive, un
arbitrage des antagonismes sociaux s'appuyant autant sur le juge que sur le
politique.
Or, ces traditions sont fort éloignées des nôtres. En
France, l'État a construit la Nation et une part de son économie.
Le colbertisme est une notion étrange outre-Atlantique
49(
*
)
; il continue à imprégner une part de
notre culture. Surtout, dans notre pays, c'est à l'État et aux
élus du suffrage universel qu'incombe la responsabilité
primordiale d'arbitrer, dans le sens de l'intérêt
général, entre des intérêts collectifs divergents.
Dans l'ordre politique français, l'idée que l'habilitation des
opérateurs proposant
au public
l'accès à des
réseaux ou à des services de télécommunications et
la détermination de leur cahier des charges puisse être
confiées, sans contrôle de l'Etat, à des instances
dépourvues de légitimité démocratique ne serait pas
acceptable ! La perspective que
le contenu et les tarifs du service
universel
puissent être décidés par d'autres que des
responsables élus le serait encore moins !
N'oublions pas que l'article 20 de notre Constitution dispose que :
"
Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation
(...). Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant
les procédures prévues aux articles 49 et 50 ".
Certes, on pourrait objecter que le Conseil de la politique monétaire
constitue une " entorse " à cette exigence politique. Mais,
son instauration avait été rendue obligatoire par l'article 107
du Traité de Maastricht, en vertu de l'article 55 de la Constitution qui
précise que :
"... les traités ou accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès
leur publication, une autorité supérieure à celle des
lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie "
.
Il ne faut pas déduire de ce qui précède que nos
traditions juridiques interdisent toute attribution de prérogatives
à des instances ne procédant pas directement du pouvoir
politique. Les principes fondamentaux de notre droit excluent uniquement, pour
des raisons constitutionnelles, que le Gouvernement puisse
déléguer son pouvoir de réglementation
générale.
Depuis l'institution du médiateur, en 1973, le législateur a
créé plusieurs
autorités administratives dites
indépendantes
qui,
dans des champs limités de l'action
publique
, se sont vues reconnaître des compétences
significatives qu'elles exercent en propre. Dans le domaine qui nous
intéresse, on peut citer le Conseil supérieur de l'audiovisuel
(CSA)
50(
*
)
et le Conseil de la Concurrence
51(
*
)
.
Le seuil d'acceptabilité d'une délégation de
compétence d'administration générale à une instance
extérieure à l'appareil d'État réside, en
définitive, dans le caractère de cette compétence. Si elle
est de nature régalienne, ce n'est pas recevable. Si elle ne l'est pas,
cela le devient.
Il reste donc tout à fait possible, pour la régulation du
marché des télécommunications, de
confier
des
tâches techniques qui ne relèvent pas des
responsabilités régaliennes de l'État à une
autorité administrative indépendante.
Cela n'implique nullement de désigner pour ce faire le CSA ou le
Conseil de la concurrence.
Les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel sont
établies par la loi de 1986 et la future législation relative aux
télécommunications devra les respecter. Cependant, en
l'espèce, l'essentiel est d'assurer non pas une régulation
technique des " contenus " pour laquelle le CSA dispose
d'une
expérience incontestable, mais une régulation des
" contenants " -les réseaux- et de leur interconnexion.
En outre, à envisager une extension des attributions du CSA et à
viser, en quelque sorte, l'institution d'une FCC française on
s'engagerait, de facto, dans l'engrenage d'une régulation à
l'américaine dont on a signalé plus haut les inconvénients.
Aussi, pour votre Commission des Affaires économiques,
il ne saurait
être question
de transférer tout ou partie de la
régulation des télécommunications au Conseil
supérieur de l'audiovisuel.
Désigner le Conseil de la concurrence pour exercer la plénitude
de ces missions techniques ne serait guère pertinent au vu de
l'expérience néo-zélandaise dont on a rappelé le
bilan. Il n'y a, en revanche, aucune raison d'exclure de son champ de
compétence les problèmes de concurrence pouvant se poser, en
matière de télécommunications, dans des termes de droit
commun : abus de position dominante, refus de vente, ententes et
autres pratiques entravant la libre concurrence...
Bien au contraire, il serait dommageable d'instaurer deux droits distincts de
la concurrence, l'un pour les télécommunications, l'autre pour
les secteurs connaissant déjà une pluralité d'offres. Le
consommateur s'y perdrait. En outre, à l'achèvement du processus
de libéralisation, le Conseil de la Concurrence a, selon votre
rapporteur, vocation à être la seule instance de régulation
d'une branche de l'économie que rien ne distinguera plus des autres.
Reste à répondre à la question qui est parfois
posée : pourquoi une autorité administrative indépendante
plutôt qu'une autorité ministérielle ?
L'argument selon lequel les arbitrages techniques pouvant être
délégués seraient trop complexes ou trop délicats
pour relever d'un ministre est, bien entendu, à écarter
d'emblée. Au quotidien, l'activité politique fourmille d'exemples
de décisions techniques complexes et délicates prises par les
ministres en exercice.
La réponse est en définitive de nature bien plus politique. C'est
tout simplement parce qu'au travers des opérateurs historiques de
télécommunications ce sont, en définitive, les Etats
membres de l'Union européenne qui vont avoir à s'appliquer
à eux-mêmes les règles d'une concurrence loyale et
transparente. C'est pourquoi, il ne serait pas sain qu'ils soient, à la
fois, acteurs indirects du marché et arbitres de toutes les composantes
de son fonctionnement à l'intérieur de leurs frontières.
L'instauration d'un régulateur indépendant constitue d'ailleurs
le souhait de toutes les entreprises qui prévoient d'agir sur ce
marché, que ce soit comme prestataire ou comme client.
Les solutions envisageables
Pour votre Commission des Affaires économiques,
l'Autorité administrative des télécommunications (AAT)
doit être totalement indépendante des opérateurs et
n'être en rien soumise aux contingences politiques, mais elle n'en doit
pas moins être adossée sur l'Etat, notamment sur le Parlement.
Elle pourrait donc être composée de 5 ou 7 membres disposant d'un
mandat assez long (6 ans s'ils sont remplacés de manière
échelonnée) mais non renouvelable, et dont la nomination serait
assortie du respect de conditions garantissant leur liberté de
décision. Trois d'entre eux (si 5 membres) ou quatre (si 7 membres)
seraient désignés par le Gouvernement pour leurs
compétences juridiques, économiques, techniques et sociales dans
le domaine des télécommunications et deux (si 5) ou trois (si 7)
par les Présidents des assemblées (un par le Président du
Sénat, un par le Président de l'Assemblée nationale et -si
3 membres- un conjointement).
Son budget serait fixé par le Parlement et elle disposerait d'une partie
des moyens en personnels actuellement affectés au ministère de
tutelle de France Télécom.
L'AAT aurait à être
consultée
sur les textes
réglementaires intervenant en matière de
télécommunications, ainsi que sur les décisions
gouvernementales relatives au service public (tarifs notamment).
Elle apporterait son
expertise technique
au ministre chargé
d'attribuer les autorisations de services ou de réseaux de
télécommunications. Elle contrôlerait le respect des
prescriptions fixées par ces autorisations.
Ce serait à elle qu'incomberait la gestion de l'ensemble des
numéros de téléphone que pourront attribuer les
différents opérateurs.
Elle recevrait surtout pour
mission centrale de préciser les
règles, tant techniques que financières, applicables à
l'interconnexion des réseaux
. Elle arbitrerait les litiges pouvant
découler de la mise en oeuvre de ces règles.
La loi pourrait également lui conférer
compétence pour
sanctionner les infractions ou manquements
des opérateurs aux
dispositions légales ou réglementaires.
Les décisions de l'autorité administrative des
télécommunications resteraient bien entendu soumises à
recours devant les juridictions compétentes, le cas
échéant selon des procédures
accélérées.
Parallèlement, la
Commission supérieure du service public des
Postes et Télécommunications
serait consultée par
l'autorité de régulation, cette consultation pouvant
éventuellement être obligatoire, selon des procédures
accélérées, avant le prononcé des sanctions les
plus lourdes que l'AAT serait habilitée à prendre. A cette
occasion, et dans la logique du bicamérisme, la
représentation
parlementaire
assurée au sein de cette commission serait accrue
afin, notamment, de permettre un
rééquilibrage des
effectifs
de députés et de sénateurs.
*
Dans de telles conditions, la réalité et la transparence de la concurrence serait assurée sans que l'Etat renonce pour autant à celles de ses responsabilités dont l'exercice constitue, dans notre pays, un des fondements de la vie démocratique.
CHAPITRE III : L'AVENIR DE FRANCE TÉLÉCOM PASSE PAR LE SERVICE PUBLIC, LA POURSUITE DU RÉAJUSTEMENT TARIFAIRE ET SA " SOCIÉTISATION "
Au vu des forces et des faiblesses de France
Télécom, ainsi que de l'ampleur des défis externes et
internes qui lui sont lancés, il apparaît clairement que
l'entreprise résistera difficilement au choc du 21e siècle si la
politique à lui appliquer n'arrive pas à assurer, à la
fois, l'enracinement dans l'avenir des valeurs républicaines dont elle a
héritées et l'adaptation de ses structures aux exigences des
temps plus rigoureux qui s'annoncent.
C'est ce souci d'assurer la continuité de l'essentiel (le service
public, les droits du personnel, les emplois d'aujourd'hui et de demain...), en
procédant au changement de ce qui, en comparaison, peut être
considéré comme secondaire (les traditions tarifaires, la forme
juridique de l'entreprise), qui inspire les développements qui suivent.
C'est cette préoccupation centrale qui a guidé
l'élaboration de l'ensemble des propositions présentées.
C'est elle qui conduit à recommander que France Télécom
demeure l'opérateur du service public national, poursuive son
réajustement tarifaire et devienne une société anonyme
à majorité détenue par l'Etat.
FRANCE TÉLÉCOM DOIT DEMEURER L'OPÉRATEUR D'UN SERVICE PUBLIC ASSURÉ SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE
Ce premier choix paraît aller de soi tant nos traditions
en ce domaine sont fortes. Il n'est cependant pas celui qui semble être
effectué le plus fréquemment par les pays disposant d'un vaste
territoire.
En Europe, la Belgique, le Portugal et les Pays-Bas, dont le territoire n'a pas
la dimension du nôtre, semblent opter pour une solution identique en
prévoyant une fourniture du service universel à l'échelon
national.
Certes, l'Italie paraît également prête à s'orienter
en ce sens.
Mais le Royaume-Uni, qui avait réservé le service universel
à son opérateur historique tout au long de la période
où il a ouvert son marché intérieur à la
concurrence, vient d'annoncer qu'il comptait permettre aux opérateurs
concurrents de le fournir. La Suède et la Finlande ont fait le
même choix.
Ailleurs, l'Australie -pays à la dimension d'un continent- s'est
engagée dans la même voie.
Surtout, les pays où sont basés nos principaux partenaires, les
Etats-Unis -dont les présupposés libéraux sont connus-,
mais aussi l'Allemagne -où les traditions de service public sont
très fortes- ont exprimé leur intention d'ouvrir le service
universel à la concurrence.
En outre, en France, à l'occasion de la consultation publique
lancée sur la future réglementation des
télécommunications, beaucoup -dont les entreprises- ont
souhaité voir organiser une offre concurrentielle du service universel.
DES SOLUTIONS D'UNE AUTRE NATURE SONT RETENUES PAR LES PAYS D'ORIGINE DES DEUX GRANDS PARTENAIRES DE NOTRE OPÉRATEUR HISTORIQUE
En Allemagne
Le refus de désigner, a priori, un opérateur du
service universel avait déjà été
décidé en Allemagne lors du déplacement qu'y a
effectué votre rapporteur, le 8 décembre dernier. Ses
interlocuteurs le lui avaient confirmé, précisant à cette
occasion que cet arbitrage satisfaisait Deutsche Telekom.
Depuis, ce choix est devenu officiel, le projet de loi sur la
libéralisation des télécommunications ayant
été adopté par le Gouvernement fédéral, le
30 janvier dernier.
Ce projet de loi, que le Bundestag a commencé à examiner
dès le 1er février, repose sur l'idée que la
liberté d'établissement et la concurrence entre entreprises
permettront de garantir au mieux une offre universelle de services. Le
marché allemand des télécommunications sera ainsi ouvert
à toute société qui en fera la demande. Le droit
d'accès ne sera limité que dans des cas limitativement
fixés par la loi (absence de fiabilité ou de compétences
techniques des entreprises, par exemple). Pour favoriser l'accès au
marché du plus grand nombre d'entreprises, ce texte précise que
les licences pourront avoir un caractère régional et que les
obligations du service universel assuré à l'ensemble d'une
population pourront être satisfaites dans ce seul cadre.
Il n'est donc pas prévu d'imposer à une ou plusieurs entreprises
de fournir le service universel, ni de conférer à ce dernier une
dimension nationale. Le dispositif repose plutôt sur l'idée que,
d'une manière générale, le service universel sera
assuré localement par le seul jeu du marché.
C'est pourquoi, le texte allemand ne crée une obligation de fourniture
que dans le cas où il serait constaté une insuffisance ou une
inadéquation des offres de prestations relevant du service universel
pour un type de service ou pour un territoire particulier. Les entreprises
détenant au moins 5 % de l'ensemble du chiffre d'affaires de
l'activité en cause ou celles occupant une position dominante, telle que
définie par l'article 22 de la loi contre les limitations de
concurrence
52(
*
)
, sur le marché
directement concerné (apprécié au plan matériel et
territorial) peuvent être obligées de fournir ces prestations. La
même obligation vaudra pour plusieurs entreprises qui, ensemble,
domineraient un marché donné. Si cette obligation engendre un
déficit pour le ou les opérateurs désignés, il sera
compensé par le versement d'une contribution à laquelle seront
soumis les opérateurs disposant d'une part de marché
supérieure à 5 %.
Aux Etats-Unis
Au sein de cet " empire du libéralisme "
qui
a longtemps su protéger ses compagnies privées monopolistiques,
le principe d'un accès au service universel du téléphone
à un tarif "
juste, raisonnable et accessible "
a
été posé par le " Communication Act " de 1934
qui a, également, fixé les principes de la réglementation
des tarifs des opérateurs en ce domaine.
Le système actuel permet notamment, d'après les chiffres
officiels, à 40 millions d'Américains vivant en dehors des
grandes métropoles, de bénéficier d'un accès au
service téléphonique de base à des prix comparables
à ceux des zones urbaines. Il assure également une prestation
téléphonique de même nature à l'ensemble des
ménages défavorisés.
Cet accès universel au téléphone était
assuré par les opérateurs régionaux qui, jusqu'à
maintenant disposaient du monopole des communications locales sur leur
territoire. Ils recevaient, en contrepartie, des compensations
financières versées par les compagnies " longue
distance ". Ces compensations transitaient par l'intermédiaire d'un
réseau complexe de fonds et de procédures. Elles étaient
organisées à la fois au niveau fédéral et au niveau
de chaque Etat fédéré.
Il est à noter que s'il y avait, jusqu'à une date récente,
pluralité d'acteurs délivrant le service universel, chacun
disposait d'une compétence exclusive sur le territoire qui lui
était attribué. Ceci a été changé par le
nouveau " Telecommunication Act " signé par le
Président Clinton, le 8 février dernier.
Désormais, la concurrence est ouverte sur tous les aspects du service
téléphonique entre les compagnies régionales, celles
spécialisées dans les communications à grandes distances
(ATT, MCI, Sprint, GTE) et les câblo-opérateurs.
Le nouveau cadre législatif va entraîner des modifications des
modes de financement du service universel, mais il ne remet nullement en cause
le principe de sa fourniture obligatoire. Bien au contraire, le texte
américain retient une définition ambitieuse incluant, notamment,
la fourniture à prix réduit de services de
télécommunications avancés pour des établissements
scolaires et hospitaliers à but non lucratif.
DES SOLUTIONS D'UNE AUTRE NATURE SONT ÉGALEMENT SOUHAITÉES EN FRANCE
Par les entreprises utilisatrices
Dès l'introduction à sa réponse à
la consultation publique portant sur les nouvelles règles du jeu pour
les télécommunications en France, le Conseil national du Patronat
français (CNPF) a nettement fait part de son opposition à la
proposition de désigner France Télécom comme seul
opérateur de service public.
Selon le CNPF, cette désignation soulève "
de
sérieux problèmes "
tant de mise en oeuvre que de
conditions de concurrence "
sans que cela apparaisse justifié
par l'impossibilité d'agir autrement
".
Il considère qu'une telle désignation "
n'est, en effet,
pas neutre et interviendra dans le choix des clients qui pourront notamment en
déduire que seule France Télécom est en mesure de fournir
un service de qualité garantie à un prix abordable et permettant
de communiquer avec l'ensemble des abonnés. Elle ne peut que freiner,
voire bloquer, la mise en oeuvre d'une véritable concurrence
".
La thèse développée est la suivante :
"
... On peut penser que l'unique mission que France
Télécom soit seule en mesure de remplir est d'assurer le
" droit au téléphone " en quelque point que ce soit du
territoire et qu'il doit certainement être " l'opérateur de
dernier recours "...
Tout opérateur doit par contre être en mesure de fournir,
dès le départ, un service au moins comparable à celui de
France Télécom en termes de qualité, tarification, etc.
(selon les impératifs de la concurrence et/ou de leur cahier des
charges) et permettant de communiquer avec l'ensemble des autres abonnés
(c'est l'objet de l'interconnexion).
L'impossibilité de faire jouer les péréquations
géographiques pour ces nouveaux opérateurs, au moins au
départ, ne paraît pas non plus un argument déterminant
puisque l'intention confirmée est d'y mettre fin et d'y substituer si
nécessaire d'autres mécanismes de financement.
Dans ces conditions, il apparaît possible et souhaitable de laisser aux
opérateurs l'option de prendre en charge ou non les obligations de
service universel (" pay or play "), étant noté que le
rôle d'opérateur de " dernier recours " ne devrait pas
pénaliser France Télécom qui devrait donc recevoir une
juste rémunération, s'il est prouvé que ce rôle
entraîne un coût "
53(
*
)
.
Le CIGREF
54(
*
)
, qui regroupe 70 très
grosses entreprises privées, organismes semi-publics ou administrations,
tous grands utilisateurs de système d'information et de
télécommunications, défend des positions similaires.
Dans sa réponse à la consultation publique, il estime que le
principe qui exige une dimension nécessairement nationale de l'offre de
service universel -et conduit au choix exclusif de France
Télécom- a pour inconvénient d'exclure le secteur
concurrentiel du service universel.
Il est ainsi jugé "
plus conforme aux objectifs d'instauration
d'une concurrence immédiate et à large échelle de pouvoir
octroyer, sur des zones géographiques limitées (locales ou
régionales), des " concessions de service universel " en
concurrence, selon les possibilités et la demande éventuelle
d'opérateurs alternatifs ou de France Télécom même,
lorsque ce serait possible ".
Selon les défenseurs de cette position :
"
Cette approche permettrait de mieux répartir les investissements et
les forces techniques des nouveaux entrants, de susciter une concurrence plus
généralisée en assurant une grande intégrité
du service global rendu. Cette approche permettrait en outre d'inciter les
opérateurs alternatifs à construire progressivement une offre
importante dans des domaines qui, autrement, resteraient le privilège ou
l'exclusivité de fait de France Télécom et seraient
voués à la marginalisation. Une telle orientation impliquerait
naturellement que soient édictées des règles d'engagement
à couvrir progressivement et de manière homogène de
nouvelles zones de couverture de la part des opérateurs ayant choisi
cette option, afin d'assurer un développement intégré et
harmonieux du service universel...
Cette incitation de l'ensemble des opérateurs à participer au
service universel aurait aussi l'avantage d'aiguillonner France
Télécom y compris dans les zones défavorisées,
ainsi que sur les offres corollaires du service universel qui, autrement,
risqueraient de tomber en déshérence ou de favoriser la
résurgence d'effets néfastes hérités de la
situation de monopole. "
55(
*
)
Par les entreprises concurrentes
Parmi les actuels concurrents de France
Télécom, tous ne sont pas hostiles à l'attribution de
fortes compétences de service public à France
Télécom.
M. Jean-Marie Messier, Directeur général de la Compagnie
générale des Eaux, est très net sur ce point :
"
à la différence des ultra-libéraux, la
Générale des Eaux ne croit pas que le seul jeu des forces du
marché puisse garantir le service public que nous connaissons
aujourd'hui. Libéralisation ne signifie pas dérégulation
sauvage, tout au contraire :
la vraie libéralisation passe par des
règles fortes, contraignantes, contrôlées par une instance
de régulation indépendante, disposant de pouvoirs de sanction
réels qui la feront respecter de tous les acteurs.
Pour passer du
monopole au vrai marché, force est de traverser une phase de
" domination " de l'opérateur historique durant laquelle le
jeu du marché ne peut naître et se développer qu'au travers
d'une régulation forte et indépendante, en charge notamment de
vérifier le respect des engagements pris, comme la capacité de
les prendre ".
56(
*
)
En revanche, le Groupe Bouygues dont la filiale Bouygues-Télécom
est le troisième opérateur français de
radiotéléphone, critique vivement l'idée selon laquelle
France Télécom devrait continuer à être
l'opérateur national de service universel. Il souhaite que des missions
de service universel puissent être confiées à d'autres
opérateurs sur des zones géographiques déterminées.
Le groupe propose
57(
*
)
" pour que
soit
assurée la distribution du service universel, dans sa définition
communautaire, un système d'appel d'offres régionaux pour la
desserte de la clientèle non rentable ".
Dans ce schéma
: " le régulateur définirait, dans
le cadre de la politique d'aménagement du territoire, avec les
collectivités locales concernées, un maillage du territoire en
régions suffisamment larges pour couvrir à la fois des zones
urbaines et rurales éloignées. Il demanderait alors à
France Télécom de lui fournir, pour chacune de ces
régions, la liste des zones non rentables, que l'opérateur public
ne serait plus disposé à desservir en l'absence de subvention. Il
serait ensuite organisé un appel d'offres pour lequel il serait
proposé au plus grand nombre d'opérateurs de desservir cette
clientèle non rentable sans aucune subvention. L'appel d'offres serait
ouvert à tous les systèmes de distribution possibles
(exploitation de lignes de France Télécom, utilisation
d'infrastructures alternatives ou de réseaux de
radiotéléphonie mobile, déploiement de réseaux
utilisant de nouvelles technologies moins onéreuses, comme
l'accès fixe radio par exemple), et associé à un cahier
des charges précisant les contraintes de tarifs et d'universalité
du service.
La distribution du service universel représentant une valeur marchande,
de nombreux opérateurs seraient, sans doute, disposés à
répondre positivement. Si tel n'était pas le cas,
l'opérateur demandant, pour assurer toute la couverture de cette
clientèle régionale non rentable, la subvention la plus faible,
remporterait l'appel d'offres.
L'ensemble de ces subventions représenterait alors le coût
national du service universel à partager de manière
équitable entre tous les opérateurs. Il conviendrait, bien
entendu, de réévaluer cette subvention
régulièrement au regard des coûts et recettes réels
du service universel. "
LA SOLUTION LA PLUS CONFORME À NOS TRADITIONS NATIONALES GARANTIT LA CONTINUITÉ DU SERVICE
Une régionalisation du service universel ne serait, sans doute, pas sans intérêt pour l'aménagement du territoire...
La délivrance sur une base locale ou régionale
des licences incluant la fourniture du service universel pourrait favoriser une
plus grande implication des collectivités territoriales dans
l'organisation des services de télécommunications.
L'émergence, dans ce cadre, d'acteurs téléphoniques locaux
serait vraisemblablement une source dynamique de multiplication des initiatives
commerciales et des expérimentations techniques, qui irait dans le sens
d'un meilleur rapprochement des prestations offertes et des
réalités du terrain.
Ce mouvement serait, bien entendu, soutenu par des mécanismes de
péréquation des charges entre opérateurs et entre zones
géographiques.
S'il était accompagné -ce qui serait logique- par une
volonté de régionalisation du régulateur, il n'est pas
sûr qu'à terme, il ne serait pas très positif du point de
vue de l'aménagement du territoire en raison de l'importance croissante
que prennent les télécommunications dans le développement
local.
Une telle hypothèse n'est pas sans intérêt, mais elle
repose implicitement sur le postulat qu'il est relativement aisé
d'assurer des prestations de service universel. Or, ce n'est pas vrai. On ne
s'improvise pas opérateur en ce domaine. Ceci demande des
compétences et une expérience. Fragmenter le service universel,
fût-ce sur une base locale, présenterait donc, en l'état
actuel des techniques, plus d'inconvénients que d'avantages.
... mais, le maintien du caractère national du service universel est la plus sûre garantie de sa qualité
Le premier inconvénient d'un éclatement du
service universel entre une pluralité d'opérateurs serait
d'entraîner des perturbations, soit du jeu de la
péréquation géographique, soit de l'application du
principe d'égalité.
Si le principe d'égalité est appliqué strictement, les
nouveaux entrants seront tous soumis à des barèmes tarifaires
calculés nationalement qui, localement, pourraient s'avérer ou
trop rigoureux ou très bénéfiques. Les écarts en
résultant ne seront pas aisés à combler rapidement puisque
les mécanismes de la péréquation entre de multiples
opérateurs pouvant avoir des coûts de production différents
ne sera pas facile à établir. Des comportements commerciaux
erratiques, voire des interruptions de prestations ou des dépôts
de bilan pourraient se produire. Il résulterait des gênes
sérieuses pour le consommateur.
La tentation serait alors grande d'alléger les contraintes de
péréquation pour permettre un jeu plus fluide du système.
Ainsi, aux Etats-Unis, si le service universel est assuré dans tous les
Etats de la fédération, sa tarification n'est pas identique
partout. Même si les différences ne sont pas considérables,
elles existent.
En France, la Compagnie générale des Eaux cite un exemple
très intéressant de péréquation du prix de l'eau
dans le département de Vendée. Il n'en demeure pas moins qu'en la
matière il n'existe aucune préréquation nationale. L'eau
distribuée par des opérateurs locaux est facturée à
des prix sensiblement différents entre les communes et entre les
régions. Une multiplicité d'acteurs de service
téléphonique universel pourrait donc être source
d'inégalité entre les usagers, ce qui ne serait pas acceptable au
regard des principes traditionnellement appliquées à ce service
public.
A s'engager dans cette voie, ne risquerait-on pas également qu'à
terme, les collectivités locales soient conduites à supporter
financièrement une part des prestations relevant du service universel ?
Cependant, la raison fondamentale de conserver France Télécom
comme seul opérateur du
service public à la population, cette
déclinaison française du service universel
, réside
dans son efficacité prouvée en ce domaine et dans la remarquable
imprégnation de ses personnels par les valeurs qu'implique le rendu de
ce service.
Tout au long des rencontres qu'il a eues avec les personnels de France
Télécom, votre rapporteur a été frappé par
cette constance.
Les hommes et les femmes qui composent l'âme de
France Télécom ont le service public chevillé au coeur.
" C'est notre raison de vivre ". " C'est faire
de
l'égalité avec des fils de cuivre ". " C'est vital,
c'est comme la Sécu ". " C'est faire que tout le monde soit
satisfait de la même façon ". " C'est un outil de
justice sociale ". " C'est l'égalité entre tous les
Français ".
Les mots qu'ils utilisent pour parler du service
public téléphonique sont forts.
L'idée même que d'autres pourraient exercer cette mission qu'ils
ont intériorisé les heurte, pour ne pas dire plus.
"
Qu'on touche pas à mes lignes ; mes lignes, c'est mon
jardin
" s'exclamait un de ceux dont le métier est de poser,
connecter et entretenir ces fils de cuivre ou ces fibres optiques dans lesquels
glissent nos conversations téléphoniques.
"
Chez nous, l'amour du métier passe, en partie, par la
dévotion à un mythe : l'usager
" disait un des cadres
rencontrés. Peut-être est-ce un peu exagéré. En tout
cas, le client de France Télécom, lui, s'en félicite. Elle
est, de toutes les entreprises publiques, celle dont les Français sont
le plus satisfaits. Les sondages réalisés sur ce sujet le
démontre régulièrement.
Il n'y a donc guère de raison, dans ces conditions, de remplacer un
système qui fonctionne à la satisfaction de tous et de
déjuger une entreprise qui n'a, d'aucune façon,
démérité !
Cet arbitrage se justifie aussi par le fait que si beaucoup demandent à
pouvoir fournir le service universel, peu apparaissent prioritairement
intéressés par le service du simple particulier.
D'ailleurs, à comparer de manière empirique le service de cabine
téléphonique assuré par Nynex, la Baby's Bell de New-York
qui n'a pas une bonne réputation sur ce sujet aux Etats-Unis, et celui
de France Télécom, on perçoit une différence
sensible.
N'abandonnons pas nos traditions en matière de service public
téléphonique. Elles sont garantes de sa bonne
exécution.
Elles n'excluent d'ailleurs pas une participation directe des autres acteurs de
télécommunications à des aspects du service universel qui
demandent la collaboration de tous (ex. : annuaire et renseignements
téléphoniques universels). Elles n'interdisent pas non plus,
s'ils le demandent, que d'autres opérateurs confortent les actions
locales d'aménagement du territoire de l'opérateur national (ex.
: cabines téléphoniques en zones isolées).
LES OBLIGATIONS SPÉCIFIQUES DE L'OPÉRATEUR PUBLIC DOIVENT ÊTRE JUSTEMENT COMPENSÉES
Le montant des charges de service universel reste à être clairement établi
Selon
Bouygues Télécom
, le
troisième opérateur français de téléphonie
mobile, le
coût du service universel
ne devrait pas
dépasser
2 milliards de francs
, dont seulement 150 à
300 millions de francs au titre de l'aménagement du territoire.
Plus précisément, dans la réponse faite par cette
entreprise à la consultation publique lancée par le
ministère, on peut lire (page 22) :
" Le Cabinet Analysys a évalué, pour notre compte, le
coût du service universel en France, lequel se monte tout au plus
à 2 % du chiffre d'affaires du réseau téléphonique
public commuté (RTCP) de France Télécom, soit
2 milliards de francs maximum, limite supérieure qu'il convient de
ne pas dépasser. Après rééquilibrage tarifaire,
compte tenu de l'augmentation des recettes de télécommunications
qui en découleraient, le coût du service universel ne
représenterait plus que 1 % du chiffre d'affaires du RTCP, soit 1
milliard de francs.
[...]
Quant à la nécessité d'avoir accès en tout point du
territoire au réseau téléphonique commuté public,
en particulier dans les zones rurales ou reculées, celle-ci est souvent
considérée comme la partie la plus importante de ce coût du
service universel. Il n'en est rien. Le Cabinet Analysys estime que cette
contrainte d'aménagement du territoire ne représente, en fait,
que 15 % du coût total du service universel, soit de 150 à 300
millions de francs, en fonction de l'état de rééquilibrage
des tarifs. Le résultat sur le coût de l'aménagement du
territoire a été obtenu à partir de plusieurs
études commandées par des régulateurs nationaux et par la
Commission européenne, en particulier celle réalisée, l'an
dernier, au Royaume-Uni pour l'OFTEL, le régulateur britannique, dans
laquelle il apparaît que seules 1,2 % des lignes
téléphoniques au Royaume-Uni desservent à coût
élevé des zones reculées et doivent donc être
financées au titre du service universel "
.
A l'inverse, même si aucun chiffre n'a officiellement été
avancé, quand des évaluations sont formulées au sein de
France Télécom,
les montants les plus souvent cités
ne sont pas inférieurs à
20 milliards de francs
.
Un écart de 1 à 10 entre les deux évaluations
!
Le fait, déjà signalé, que France Télécom ne
dispose pas encore d'une comptabilité analytique permettant de faire
ressortir clairement ses coûts n'est pas sans favoriser le
caractère surréaliste du débat.
Il n'en reste pas moins que ce débat se trouve obscurci par la
complexité technique de certaines évaluations.
Ainsi, on sait que le coût d'une ligne téléphonique est
inversement proportionnel à la densité de population. Pour
calculer la charge de desserte des zones les moins denses, il suffit donc, en
théorie, de calculer le coût moyen de pose d'une ligne et de faire
la différence avec les dépenses engagées sur des
territoires peu peuplés. Cependant, cette dernière estimation
dépend très largement du type de découpage
géographique retenu et, là encore, des chiffres dont dispose
l'opérateur historique.
La controverse se trouve aussi alimentée par des divergences quant aux
bases de l'évaluation.
D'aucuns sont tentés d'estimer la valeur du réseau de France
Télécom non pas à ses coûts historiques
(c'est-à-dire, ceux acquittés pour le construire : très
élevés), mais à l'aune de ce qu'il faudrait investir
aujourd'hui pour le mettre en place avec les nouvelles technologies (des sommes
beaucoup moins importantes), ce qui minore très sensiblement les volumes
d'amortissement à répartir. D'autres font valoir que le montant
de l'abonnement représente la moitié de la facture
téléphonique pour 30 % des consommateurs. Ils en
déduisent que la charge sociale du service universel est
considérable, mais ils oublient que dans cette statistique annuelle sont
englobées une grande part des factures acquittées par les
propriétaires de résidences secondaires.
Surtout, France Télécom estime que la couverture insuffisante des
coûts fixes de son réseau local pose un problème qui
"
n'est pas dissociable de celui du service
universel
", dans
la mesure où ce dernier sera encore assuré, pendant plusieurs
années, "
grâce à des tarifs d'abonnements
inférieurs aux coûts fixes
"
58(
*
)
.
L'opérateur historique juge, en
conséquence, que "
c'est bien l'ensemble des opérateurs
utilisant le réseau local qui doivent contribuer à la couverture
des coûts fixes
"
1
.
Ceux qui sont favorables à l'ouverture de la plus large concurrence
possible contestent ce point de vue. Ainsi, le CNPF fait observer que :
" Le fait que l'ensemble des frais fixes ne soient pas couverts par
les
abonnements peut être un choix commercial. A titre d'exemple, on peut
citer certaines offres de radiomessageries telles que Tatoo proposée
depuis peu sans abonnement par France Télécom. Il ne faudrait
donc pas systématiquement imputer le déficit de couverture des
frais fixes du réseau local aux obligations demandées par l'Etat
et imposer des charges d'accès se fondant sur ce
déséquilibre. "
59(
*
)
La Générale des Eaux est également très nette sur
ce point
: " on nous dit que le service universel doit comprendre
la
compensation de ce qu'on appelle le " déficit
d'accès ", c'est-à-dire de la différence entre les
coûts du raccordement des abonnés et le tarif de l'abonnement, que
l'on sait plus bas en France que dans les grands pays voisins. C'est pour nous
difficilement compréhensible et totalement inacceptable. Il a bien un
déficit lié au service universel, mais il ne recouvre que le
déficit lié aux obligations de desservir des abonnés que
certains qualifient un peu brutalement de " non
rentables ", que ce
soit par leur faible consommation ou leur localisation géographique
difficile. Ce déficit total doit d'ailleurs être mis en regard de
la rente découlant des gros abonnés bien situés. Le
déficit d'accès pris dans son ensemble est quant à lui
lié avant tout à une distorsion tarifaire de l'abonnement qui
doit être corrigée
60(
*
)
".
Dans son principe,
ce débat sur l'inclusion du " déficit
d'accès " dans l'assiette financière du service universel
demande un
arbitrage politique clair.
Cependant, plusieurs des aspects de la discussion sur le coût du service
universel revêtent un caractère éminemment technique.
Aussi, la constitution, dès le mois d'octobre dernier, d'un groupe
d'expertise, présidé par M. Paul Champsaur, Directeur
général de l'INSEE, et chargé de dessiner le financement
du futur service public de télécommunications a-t-elle
été une initiative très judicieuse. Il s'agit, en effet,
que les arbitrages politiques à prendre puissent s'effectuer à
partir de données chiffrées incontestables et reconnues comme
telles par les acteurs économiques concernés, ainsi que par nos
partenaires européens.
Tous les opérateurs doivent participer à la prise en charge des missions de service universel
S'il n'est pas encore possible, à l'heure actuelle, de
déterminer avec précision le coût -vraisemblablement assez
significatif- du service universel, cela n'interdit nullement de fixer dans la
loi les principes de sa répartition.
Le groupe d'expertise précité sur l'économie de
l'interconnexion et du service universel, animé par M. Champsaur, a
prévu de remettre son rapport au mois d'avril prochain. Le Gouvernement
disposera alors de tous les éléments lui permettant d'appliquer
ces principes.
Le Parlement aura comme principale responsabilité en ce domaine à
déterminer quelles seront l'assiette et les modalités des
soutiens du marché au service universel.
Pour votre commission,
tous les exploitants de réseaux ouverts au
public et tous les prestataires de services téléphoniques
destinés au public devront participer à la prise en charge des
missions de service universel.
Cette participation prendrait la forme soit de l'accomplissement direct d'un
nombre limité de tâches de service universel (ex. : desserte
de territoires isolés en cabines téléphoniques) par des
opérateurs le demandant, soit, plus généralement, d'une
contribution au financement de l'ensemble des missions relevant du service
universel.
Par cohérence avec la position sur le rééquilibrage
tarifaire, qu'il exposera plus avant, votre rapporteur estime nécessaire
que
cette contribution
-à établir proportionnellement au
volume d'activité des assujettis-
compense les coûts de
péréquation géographique et sociale du service universel,
mais aussi, jusqu'à leur résorption, ceux découlant des
déséquilibres tarifaires historiques de l'opérateur
chargé d'assurer toutes les composantes de ce service universel. Ceci
doit inclure la part de son " déficit d'accès " qui
peut, sans conteste, être considérée comme contribuant
à ces déséquilibres.
Les experts ont, sans doute,
techniquement
raison quand ils expliquent
qu'il serait préférable, pour une régulation
homogène de la concurrence, que les prix s'approchent des coûts
sur tous les segments du marché. C'est l'optimum vers lequel il faut
tendre et qu'il conviendra de réaliser, dès que possible. Mais,
tant qu'il n'aura pas été opéré, il ne saurait
être
politiquement
question de faire supporter à
l'opérateur historique un handicap concurrentiel tout à fait
exorbitant, qu'il assume pour des raisons sociales.
La compensation du service universel doit être juste
,
c'est-à-dire qu'elle ne doit couvrir que des charges dûment
identifiées et comptabilisées par une entité
indépendante, mais toutes ces charges sans exception.
Sur la méthode de collecte de la compensation financière,
l'option entre un " fonds de service universel " et une
redevance
complémentaire aux charges d'interconnexion, qui était
proposée initialement par le Gouvernement, paraît pouvoir
être combinée de manière différente dans le temps.
Jusqu'à la résorption des déséquilibres
tarifaires historiques du service public à la population
, le
financement des coûts imputables aux obligations de service universel
serait assuré :
- d'une part, par un prélèvement complémentaire aux droits
d'interconnexion au réseau de service universel ; ce
prélèvement aurait à
couvrir le coût net des
obligations de péréquation tarifaire, y compris celui
résultant des déséquilibres historiques
;
- d'autre part, par un fonds de service universel alimenté
indépendamment de l'interconnexion et affecté au financement du
coût net des obligations de service universel devant (annuaire universel,
renseignements téléphoniques...) ou pouvant (cabines
téléphoniques servant à l'aménagement du
territoire) être partagées entre plusieurs intervenants.
Après résorption des déséquilibres tarifaires
historiques du service public
, le fonds conserverait sa vocation
première, mais serait également utilisé pour rembourser
à l'opérateur de service universel le coût net de ses
seules obligations de péréquation tarifaire. Le
prélèvement complémentaire aux droits d'interconnexion
serait alors supprimé et remplacé par une redevance assise sur le
chiffre d'affaires téléphonique des exploitants de réseaux
et des prestataires de services de télécommunications.
Nos amis allemands formulent habituellement deux objections à
l'encontre du recours à une redevance d'interconnexion pour financer le
service universel : son absence de transparence et le risque qu'en augmentant
les coûts d'accès aux réseaux existants, les concurrents ne
soient tentés d'en développer de nouveaux qui ne
répondraient pas à de réels besoins collectifs.
Eu égard notamment à l'importance des enjeux sociaux que recouvre
cette question en France, de tels arguments
61(
*
)
ne sauraient toutefois suffire à écarter la solution
recommandée.
Tout d'abord, l'identification des deux composantes de l'interconnexion (le
prélèvement spécifique au service universel et le droit
d'usage du réseau) sur les factures correspondantes ne pose qu'un
problème de moyens informatiques dont il appartient à
l'exploitant public de se doter. Ensuite le risque de voir se multiplier les
réseaux filaires inutiles, pour cause de majoration du prix
d'accès aux réseaux existants, apparaît
singulièrement limité à partir du moment où ceux
envisageant de développer ces infrastructures redondantes devront
acquitter des droits de passage aux collectivités locales.
Au total, le seul effet économique sensible que pourrait avoir le
dispositif
temporaire
qui est proposée serait d'inciter au
développement des réseaux hertziens. Si tel était le cas,
on ne pourrait que s'en féliciter, eu égard aux retards
accumulés par la France dans ce domaine.
FRANCE TÉLÉCOM DOIT POURSUIVRE SON RÉAJUSTEMENT TARIFAIRE
Les tarifs téléphoniques de France
Télécom ne reflètent pas ses coûts de production.
C'est sa principale vulnérabilité commerciale. Mais elle est de
taille. En environnement commercial, cela peut être critique.
Le présent rapport a déjà souligné les causes et
les dangers de cette situation (titre premier, chapitre II, III).
Les réponses propres à remédier à cette
vulnérabilité ont donc à être mises en oeuvre
prioritairement. Elles doivent, toutefois, de manière tout aussi
impérative, intégrer toutes les préoccupations sociales
qu'expriment les déséquilibres tarifaires qu'il s'agit
désormais de corriger.
LES RÉÉQUILIBRAGES TARIFAIRES SONT UNE PRIORITÉ
Les réponses à apporter passent, à
l'évidence, par un rééquilibrage visant à aligner
les tarifs sur les prix de revient. Nous l'avons également vu,
l'opérateur public a, tout particulièrement depuis 1994, pris
nombre de mesures en ce sens. La baisse moyenne de 8,9 % du prix de ses
communications internationales, annoncée le 20 janvier dernier,
était la cinquième en moins de quatre ans.
Ces efforts restent toutefois insuffisants. Selon une étude
internationale réalisée -sur la base des tarifs 1995- par le
cabinet américain National Utility Service (NUS), France
Télécom demeurait, pour les dix premiers pays
industrialisés, l'opérateur proposant les abonnements les plus
bas et les tarifs interurbains les plus chers après les tarifs
allemands. Même si certains des éléments sur lesquels est
fondée cette étude peuvent faire l'objet de réserves, la
fragilité commerciale de France Télécom n'en est pas moins
mise en évidence. Si ceux de ses clients, particuliers comme
entreprises, qui sont de gros utilisateurs de liaisons interurbaines
contractaient avec ses concurrents, la facturation de ses seuls services locaux
creuserait de profonds déficits. Mutatis mutandis, la seule baisse de
ses tarifs interurbains produirait les mêmes effets.
L'entreprise se trouve donc condamnée à
rééquilibrer ses tarifs en continuant à diminuer ceux
relatifs aux communications interurbaines et internationales, tout en faisant
payer à un prix plus conforme aux réalités
économiques ses prestations locales. Dans tous les pays où la
concurrence sur les service téléphonique de base a
été introduite, on a procédé à des
rééquilibrages tarifaires.
Ainsi, en 1995,
en
Suède
, la concurrence a fait baisser
les tarifs de 24 % pour les appels interurbains et de 12,9 % pour les
appels internationaux. Le consommateur
britannique
continue, quant
à lui, à profiter de la baisse de tarifs des appels
internationaux et interurbains. Toutefois, les appels locaux et l'abonnement se
situent à un niveau élevé, l'abonnement ayant même
augmenté en moyenne de 2,4 % l'an dernier.
Cependant,
aux Etats-Unis
, l'appel local a baissé de 15,7 %
en moyenne en 1994, malgré la hausse des tarifs de base des principaux
opérateurs. Ceci est le résultat, selon le cabinet NUS, de
réductions complexes sur le volume proposées par les
opérateurs. Cette pratique est le moyen le plus récent
destiné à attirer le client. D'autres moyens vont de
l'installation gratuite à une " prime de signature " -une
entreprise qui change d'opérateur reçoit une prime importante.
Cependant, il semble que l'offre soit devenue trop complexe pour que le
consommateur moyen s'y retrouve aisément.
Par ailleurs, les appels locaux sont toujours gratuits
au Canada
. Les
tarifs des appels interurbains et internationaux continuent leur baisse
spectaculaire, 17 % pour les appels interurbains et 38 % pour les
internationaux. Mais cette tendance pourrait être renversée.
Plusieurs revendeurs ont, en effet, fait faillite à cause de la
concurrence agressive et d'autres, y compris le concurrent principal de Bell
Canada, Unitel, ont des problèmes financiers.
On le voit, la concurrence n'est pas univalente. Elle est une puissante
incitation à la baisse des prix. A moyen terme, les ajustements
nécessaires peuvent donc s'envisager avec une faible variation en francs
courants des tarifs à réévaluer.
Ceci apparaît, en revanche, plus difficile à réaliser
à l'horizon de deux ans. C'est pourquoi, les corrections tarifaires
auxquelles devra procéder France Télécom doivent
intégrer les préoccupations sociales que traduisent les actuels
déséquilibres.
ILS NE SAURAIENT ÊTRE QUE PROGRESSIFS ET RAISONNABLES
Le 2 mars dernier, le prix de l'abonnement
téléphonique mensuel est passé de 45,76 francs
à 52,80 francs. Il reste toutefois l'un des moins chers d'Europe.
Celui de Télia (Suède) s'élève à
77,55 francs, celui de BT (Grande-Bretagne) à 63 Francs et
celui de Deutsche Telekom à 73 francs.
La réévaluation effectuée marque un pas important dans la
bonne direction. Cependant, les experts s'accordent pour considérer que
le niveau atteint est encore loin de compenser les charges de France
Télécom liées à l'amortissement et à
l'entretien de son réseau.
Sur ce point, votre Commission des Affaires économiques et le
Sénat dans son ensemble ont pris une position très claire dans la
résolution qu'ils ont adoptée, en décembre dernier, sur
les propositions et projets de directives communautaires visant à
achever le processus juridique de libéralisation du secteur des
télécommunications.
Dans le rapport
62(
*
)
qui a conduit à
l'adoption de cette résolution, M. Pierre Hérisson relevait
que le projet de directive relatif à l'ouverture complète du
marché des télécommunications
" tend donc à
démontrer la volonté de la commission européenne d'imposer
un réajustement brutal des tarifs téléphoniques avant
1988. Ceci laisse supposer un profond manque de compréhension des enjeux
économiques et sociaux que représente, dans notre pays, le prix
des communications locales et de l'abonnement au téléphone.
En France, comme partout ailleurs, les charges fixes engendrées par les
réseaux locaux constituent la très grande majorité des
coûts de réseaux de télécommunications. Mais,
contrairement à d'autre pays et en dépit des réformes
tarifaires vigoureuses engagées depuis 1994, la structure des prix de
France Télécom est encore assez sensiblement
déconnectée de la réalité des coûts. Ainsi,
aujourd'hui encore, une part substantielle des charges fixes du réseau
local n'est pas prise en charge par l'abonnement mais couverte par les
excédents financiers dégagés sur les communications
interurbaines qui sont, elles, facturées au delà de leur
coût de production.
(...)
Cette logique tarifaire a, jusqu'à présent, assuré le
développement d'un service public de très haut niveau. Elle ne
peut toutefois perdurer dans un environnement concurrentiel car les
compétiteurs de l'opérateur public pourraient alors facilement
lui soustraire sa clientèle passant beaucoup de communications
interurbaines et ne lui laisser à gérer que les déficits
des réseaux locaux.
Un ajustement des tarifs d'abonnement est donc indispensable. En raison du
retard accumulé, il ne saurait toutefois être complètement
réalisé avant le 1er janvier 1998. "
A la suite des débats auxquels ce rapport avait donné lieu,
votre commission des Affaires économiques avait affirmé que :
- le prix d'accès au téléphone devrait rester abordable
pour toutes les couches de la population ;
- et qu'il ne devait pas, non plus, pénaliser les entreprises
installées dans des zones défavorisées du territoire.
La résolution
63(
*
)
retenue par la
commission et adoptée, le 27 décembre 1995, par le
Sénat exprime sans équivoque cette volonté politique,
puisque le Sénat :
" (...)
Considérant que l'ouverture des
télécommunications ne peut donc se faire que dans le respect d'un
service universel ambitieux, dont l'ensemble des coûts doivent être
pris en considération et partagés entre les intervenants sur les
marchés ;
Considérant que le rééquilibrage des tarifs du service
téléphonique, nécessaire dans la perspective de
l'ouverture complète du marché, ne peut s'envisager que selon des
modalités supportables par l'ensemble de la population et, en
particulier, par les personnes disposant des revenus les plus modestes ou
résidant dans des zones défavorisées, ainsi que par les
entreprises installées dans ces zones ;
(...) Soutient que le rééquilibrage des tarifs du service
téléphonique en fonction des coûts doit être
progressif, doit assurer le maintien du caractère abordable du prix de
ce service et ne saurait, en tout état de cause, être mis en
oeuvre qu'en prenant en compte les conséquences d'un tel
rééquilibrage pour les ménages et sans porter atteinte
à la politique d'aménagement du territoire.
(....) "
Votre rapporteur, qui avait contribué à la rédaction
définitive de cette disposition, en appuie tous les termes.
Cela ne l'en amène pas moins à s'inscrire en faux contre la
théorie, défendue dans certains cénacles, qui consiste
à prétendre que les frais fixes induits par le réseau de
l'opérateur national doivent être entièrement
compensés par des charges fixes. La thèse -complémentaire
de la précédente- selon laquelle les frais fixes ont à
être estimés aux " coûts comptables historiques "
de France Télécom n'est pas plus acceptable.
Les investissements passés de France Télécom ont
déjà été partiellement amortis. Surtout,
l'idée que les recettes de communication n'ont pas vocation à
financer une partie de ses coûts fixes apparaît, du point de vue de
l'économie générale des industries de réseau, une
position peu défendable.
Nul grand opérateur européen n'applique une telle règle !
D'ailleurs, si elle avait la moindre pertinence, comment expliquer que France
Télécom puisse propose sans abonnement son nouveau système
de radiomessagerie, Tatoo ?
Il faut savoir raison garder ! La vérité est que les
recettes d'abonnement et celles issues des communications locales sont encore
vraisemblablement inférieures à ce qu'une saine gestion
commerciale imposerait. L'écart à réduire n'est en pas
pour autant considérable. Rien d'impossible à assumer à
l'horizon de la fin du siècle avec la baisse tendancielle des prix du
téléphone constatée ces dix dernières
années. De 1985 à 1996, en francs constants, le prix moyen de la
minute de conversation téléphonique a été
divisé par plus de deux pendant que, dans le même temps, les prix
à la consommation ont augmenté de 40 %.
En bref, la baisse prévisible du coût des communications
pourraient largement compenser, sur plusieurs années, les
réévaluations tarifaires qui peuvent être
envisagées. Il y a néanmoins
une condition essentielle
à la réussite d'une telle stratégie : assurer avec la plus
extrême vigilance la satisfaction des besoins téléphoniques
des plus démunis des Français et des zones
défavorisées du territoire, dans des conditions
équivalentes -et même supérieures- à celles
d'aujourd'hui.
La sauvegarde de notre opérateur public ne doit d'aucune manière
signifier l'oubli des moins favorisés.
Telle est la raison pour laquelle il a été proposé que
tous les concurrents de l'opérateur de service universel contribuent au
déséquilibre historique des tarifs. A défaut, celui-ci
serait acculé à choisir entre l'érosion drastique de ses
bénéfices et des hausses brutales de prix, insupportables pour
certains.
Voilà pourquoi, ce dispositif ne constitue pas, au fond, une mesure de
protection de France Télécom mais bel et bien un acte de
défense du service public téléphonique et des
équilibres sociaux qu'il a su préserver. Il découle d'une
exigence politique, nullement d'un quelconque calcul économique.
Cette exigence politique essentielle conduit, également, à
préconiser que les réajustements tarifaires ne s'accomplissent
pas de manière uniforme.
ILS NE DOIVENT PAS S'ACCOMPLIR DE MANIÈRE UNIFORME
Diversifier l'offre de service public
L'idée de ne plus chercher à offrir des
prestations monolithiques, identiques pour tous et ne distinguant qu'entre
services résidentiels et professionnels commence à faire son
chemin à France Télécom. Elle est excellente !
De grands services publics, tel celui assuré par Electricité de
France, ne proposent-ils pas aux particuliers plusieurs types d'abonnements
entraînant des tarifications différentes, mieux à
même de répondre à la diversité des besoins et des
moyens ? Pourquoi alors considérer que, pour le téléphone,
l'égalité devant le service public exclurait toute liberté
de choix entre plusieurs offres ? Le Conseil Constitutionnel, gardien
sourcilleux de nos principes républicains, ne donne pas une
interprétation aussi étroite du principe d'égalité.
Pour lui, son respect consiste à traiter de manière identique des
personnes connaissant des situations comparables.
Or, comme M. Michel Bon, président de France Télécom, a
coutume de le faire remarquer : les attentes d'une personne âgée
vivant loin de ses enfants, dans un village de province et disposant d'une
modeste pension de retraite ne sont pas les mêmes que celles de son petit
fils " surfeur " acharné du Web d'Internet, qui vient
d'obtenir une emploi bien rémunéré. Dans le premier cas le
téléphone sert à joindre les amis du village et à
entendre les enfants ou petits enfants qui appellent en fin de semaine. Dans
l'autre cas, il est le fil qui permet de dialoguer avec les
" babillards "
64(
*
)
dispersés
tout autour de la planète et accessibles en un clin d'oeil dans l'espace
virtuel d'Internet. Comment pourrait-on croire que le petit fils et la grand
mère souhaitent obtenir la même prestation
téléphonique ?
Au vu d'une telle réalité, la modernisation du service public
téléphonique préconisée antérieurement
(titre II, chapitre II, II) ne consisterait-elle pas à ce que
l'opérateur diversifie son offre de base ? Ne pourrait-on pas envisager
sa déclinaison dans une double direction ?
Une
déclinaison commerciale
, poussée par la concurrence,
aboutirait à proposer plusieurs " paniers " de services
où le consommateur pourrait bénéficier de forfaits de
communication à prix unitaire réduit, en contrepartie d'un
abonnement plus élevé. L'offre de base pourrait également
être enrichie d'options comme celle dite " Friends and
family ", introduite par MCI aux Etats-Unis, qui permet de
bénéficier de tarifs privilégiés pour l'appel de
ses proches.
L'offre de service universel
reposerait, elle aussi, sur plusieurs
bouquets tarifaires :
l'abonnement résidentiel
actuel avec une facturation à
l'unité des communications ;
un abonnement réduit
ouvrant droit à un certain nombre de
communications mensuelles à prix normal avec un prix majoré au
delà du seuil contractuel garanti (inspiré de l'abonnement
" faible consommation " actuel mais proposant plus d'unités
par facture) ;
un abonnement social
plus faible que le précédent mais
n'ouvrant droit qu'à un nombre limité de communications à
prix normal ;
le service universel minimal
qui résulterait de la proposition
de votre rapporteur d'interdire l'interruption de service
téléphonique et la saisie du poste. Il serait, de facto, gratuit
mais n'ouvrirait droit qu'à la tonalité, ce qui assurerait
néanmoins l'appel de tous les numéros d'urgence, ainsi que, bien
évidemment, la réception des communications. Dans ce cadre, on
pourrait être joint de partout mais on ne pourrait appeler que les
numéros essentiels au maintien du lien social.
Etre opérateur national du service universel, c'est aussi savoir
être un opérateur innovant
.
Étendre les zones locales élargies glissantes
La création des zones locales élargies
glissantes (ZLEG), décidée en 1993 et devenue effective en
janvier 1994, a eu un impact très positif sur l'aménagement
téléphonique du territoire puisque depuis, en France, les
circonscriptions téléphoniques sont plus étendues que dans
les autres pays européens, aussi bien en surface qu'en nombre
d'abonnés (trois fois plus qu'en Allemagne et deux fois plus qu'en
Angleterre par le nombre d'abonnés). On ne peut que s'en
féliciter car, de ce fait, un abonné rural peut joindre davantage
de correspondants pour le même prix. Il y a donc là un facteur de
réduction des inégalités territoriales.
Il n'en est pas moins vrai que le résultat obtenu ne doit pas être
exagéré. La France n'est-elle pas le pays le plus étendu
de l'Union européenne et le plus peuplé après l'Allemagne ?
En outre, même atténuées, des différences sensibles
persistent entre l'abonné urbain qui, à Paris par exemple, peut
joindre plus d'un million de personnes au tarif local, et celui d'un bourg
rural dont le nombre de correspondants accessibles au même coût est
beaucoup plus faible.
Au regard de ce constat, votre commission considère qu'on doit encore
chercher à améliorer la situation issue de la réforme de
1994 et qu'il convient, au cours des prochaines années, de poursuivre
l'effort d'extension des zones tarifaires locales
.
A un moment où les experts expliquent que le coût des
télécommunications est de plus en plus indépendant de la
distance et de plus en plus dépendant de la commutation, au moment
où certains " agitateurs d'idées " commencent à
évoquer la perspective d'une " semi-postalisation ", voire
d'une " postalisation " du téléphone, il serait pour le
moins paradoxal qu'on puisse prétendre que la situation issue de la
réforme de 1994 est figée pour longtemps.
Maintenir l'orientation des prix à la baisse
Le contrat de plan signé entre l'État et le
groupe France Télécom pour la période 1995-1998,
prévoit expressément que l'évolution des prix des services
de base (téléphone, publiphonie, liaisons louées et
services annexes du téléphone) devra globalement être
inférieure d'au moins 4,5 % en 1995, 5 % en 1996, 5,5 %
en 1997 et 6 % en 1998 à celle des prix à la consommation
(hors tabac).
Cette clause, qui correspond à l'application des règles dites de
" price cap "
65(
*
)
est
fondamentale.
Les principes qu'elle applique devront être reconduits dans les
engagements que l'entreprise sera amenée à prendre,
au-delà de 1998, envers la collectivité nationale. C'est, en
effet, la mise en oeuvre de ces principes qui garantit que les gains de
productivité de l'entreprise publique seront, en partie,
répercutés sur les usagers du service universel. C'est, en
définitive, de leur respect que dépend la réussite de sa
stratégie de baisse des communications à grande distance et
d'ajustement de certains de ses autres tarifs.
Sans maintien ou accentuation de la baisse globale des prix du
téléphone, les rééquilibrages tarifaires
risqueraient d'être socialement inacceptables et ne pourraient alors se
faire.
Certes, la concurrence contribuera à cette baisse générale
des prix. Il appartient toutefois à l'État de veiller à ce
que les tarifs résidentiels qui relève du service universel
n'échappent pas à ce mouvement.
L'équilibre commercial de France Télécom ne devra
d'aucune manière s'établir au détriment des
équilibres sociaux.
POUR RÉUSSIR FRANCE TÉLÉCOM DOIT DEVENIR UNE SOCIÉTÉ ANONYME À MAJORITÉ DÉTENUE PAR L'ÉTAT
Parmi les vingt premiers opérateurs mondiaux, France
Télécom est le seul sur lequel l'héritage administratif
pèse aussi lourdement. C'est le seul dont le statut juridique est
toujours équivalent à celui d'un établissement public
industriel et commercial. C'est donc le seul à être
dépourvu de capital social et d'une autonomie de gestion minimale par
rapport à l'Etat.
Aussi, France Télécom ne saurait longtemps continuer à
courir dans le " peloton de tête " des grands mondiaux si
ses
mouvements demeurent entravés par les contraintes que lui impose son
actuel statut. Sa sociétisation est un impératif incontestable.
Au terme des quatre mois qu'il a consacrés à l'étude
approfondie, tant de la situation de l'entreprise que de l'évolution
internationale du secteur des télécommunications, votre
rapporteur en est absolument certain.
Cependant, la perspective d'un tel changement suscite craintes et
appréhensions parmi les personnels de l'exploitant public. Celles-ci
peuvent apparaître excessives au regard des talents qu'ont su
démontrer ces personnels et des succès qu'ils ont su assurer
à leur entreprise au cours des deux dernières décennies.
Elles sont même incompréhensibles pour nombre d'observateurs
étrangers qui voient dans notre opérateur national un des plus
sérieux compétiteurs de leurs propres champions, s'il se dotait
des derniers moyens qui lui manquent pour s'affirmer complètement sur la
scène mondiale. Au-delà de nos frontières, à en
juger par certains propos tenus devant votre rapporteur, l'enlisement de cette
réforme est perçu, soit comme une sorte de psychodrame
typiquement " frenchie ", soit comme une forme larvée de
suicide commercial.
Votre rapporteur, quant à lui, n'est pas sans comprendre ce
désarroi d'une partie des hommes et des femmes de France
Télécom face à la nécessaire évolution
juridique de leur entreprise. Entrés au service d'une administration,
travaillant aujourd'hui dans le cadre d'un établissement public, ils
vivent comme un déchirement culturel, même s'ils sont
assurés de demeurer fonctionnaires, le fait d'avoir demain à agir
dans le cadre d'une structure de nature commerciale.
C'est pourquoi, la perception de cette atmosphère d'angoisse diffuse, au
cours des entretiens qu'il a pu avoir avec ceux et celles qui ont fait France
Télécom et feront son avenir, a conforté votre rapporteur
dans sa conviction initiale que la préoccupation sociale et le respect
des droits du personnel doivent être placés au coeur de
l'opération de sociétisation.
LA TRANSFORMATION DE FRANCE TÉLÉCOM EN SOCIÉTÉ ANONYME DÉTENUE MAJORITAIREMENT PAR L'ÉTAT EST INDISPENSABLE
La sociétisation est la clef de la réussite internationale
Nul ne saurait s'intéresser longtemps à France
Télécom sans, à un moment ou à un autre, entendre
développer, notamment par certaines centrales syndicales, un discours
qui, pour le résumer, consiste à affirmer, sur le mode de la
méthode Coué : " Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va
bien..., donc, ce n'est pas nécessaire de changer, ce n'est pas
nécessaire de changer... ".
Pour ceux qui ne craignent pas de regarder la réalité en face, un
tel argument est à la fois lénifiant et fallacieux. Il
présente toutefois l'avantage de souligner le caractère paradoxal
de la situation, que met en évidence la simple question :
" Pourquoi une entreprise qui gagne plus de 9 milliards de
francs par
an doit-elle changer de statut, alors qu'avec ce statut, elle engrange de tels
bénéfices ? "
Quand on connaît le dossier, la réponse est évidente :
c'est parce que les conditions qui fondent l'actuelle prospérité,
à savoir l'exploitation monopolistique d'un marché national ne
perdureront pas. Demain, il n'y aura plus de marché national, plus de
monopole. Il y aura un grand marché international et la concurrence.
D'aucuns peuvent le regretter. D'autres peuvent le nier. D'autres encore
peuvent bien promettre d'endiguer cette évolution. Rien n'y fera. Le
mouvement est mondial. Il est technologiquement irrésistible,
indifférent aux oppositions syndicales et politiquement
irrépressible. A marée montante, on n'arrête pas les vagues
de la mer avec des incantations, fussent-elles véhémentes.
Cependant, la réalité de demain est encore une abstraction pour
beaucoup et ses conséquences concrètes s'en trouvent mal
perçues.
Il est donc nécessaire d'expliquer pourquoi la sociétisation est
la condition de la réussite concurrentielle, non seulement pour
l'entreprise mais aussi pour son personnel et pour le pays.
Pour l'entreprise
Il serait illusoire de croire que les alliances
internationales conclues par France Télécom dans le cadre de
l'accord " Global One ", voire même dans le cadre d'Atlas,
pourraient résister longtemps dans un environnement économique
à évolution rapide si, à l'inverse de ses partenaires,
France Télécom continue à
ne pas disposer d'un capital
social, ni d'une autonomie statutaire de gestion.
Seuls des semblables peuvent s'associer durablement et résister,
ensemble, aux chocs que ne manqueraient pas de produire sur l'alliance les
soubresauts d'un marché mondial en expansion, qui aiguisera beaucoup
d'appétits et de convoitises. Prétendre le contraire serait aussi
vain que de soutenir que " sur un champ de course, le cheval qui tire
une
charrette peut continuer à courir à côté de ceux
pour lesquels on a remplacé la charrette par une selle. "
Il est des logiques de structure qui finissent par interagir sur les
comportements. Aujourd'hui, votre rapporteur a pu le constater lors de son
déplacement en Allemagne, France Télécom et Deutsche
Telekom sont unis par des liens plus forts que les seules obligations
juridiques forgées par les accords Atlas et " Global one " :
un passé administratif similaire, des valeurs communes, des
marchés contigus, une estime réciproque, le substrat de
l'amitié franco-allemande...
Sur ce socle, il est possible de construire un grand projet européen.
Mais, ces liens, aussi forts soient-ils, ne pourront que se relâcher
s'ils ne peuvent, à un moment ou un autre, être confortés
par des rapprochements financiers et si, à l'avenir, les deux
partenaires connaissent des évolutions par trop divergentes.
Or, Deutsche Telekom est maintenant une société commerciale et a
accompli sa " mue culturelle ". Au semestre prochain, une
partie de
son capital social (50 à 75 milliards de francs français) va
être proposée aux investisseurs du monde entier.
L'opérateur allemand a déjà pris le vent du large !
France Télécom est toujours l'équivalent d'un
établissement public et ne dispose toujours pas d'un capital social.
L'exploitant français est toujours ancré au port ! Si de
telles différences persistent, les destins des deux entreprises ne
sont-ils pas condamner à se dissocier ? On peut le craindre.
De même aujourd'hui, France Télécom et Deutsche Telekom
sont entrés dans le capital de Sprint, sans que Sprint demande à
participer au capital de ses deux alliés. De fait, l'opérateur
américain souhaite pouvoir mobiliser l'ensemble de ses ressources
financières pour se développer sur son marché
intérieur.
Toutefois, demain, dans le cadre de la nouvelle législation
américaine, il n'est pas impossible que des compagnies locales de
télécommunications, les anciennes Babys'bell, souhaitent
s'associer à un opérateur " longue distance " tel que
Sprint. Or, à l'inverse de ce dernier, les compagnies locales
américaines disposent d'une trésorerie abondante.
Rien n'interdit donc que, dans un futur proche, une ou plusieurs de ces
compagnies -dont en moyenne, le chiffre d'affaires représente la
moitié de celui de France Télécom - s'allient à
Sprint, souhaitent entrer dans l'accord " Global One " et
demandent
à consolider cet accord par des participations croisées en
capital avec les deux partenaires européens. Dans cette
hypothèse, et toutes choses égales par ailleurs, Deutsche Telekom
pourra dire oui, mais pas France Télécom. Pourrait-on alors
envisager une alliance transatlantique à deux vitesses ? Il
apparaît bien peu raisonnable de l'espérer.
Ceux qui expliquent que l'on peut construire des alliances internationales
solides sans échange de capitaux ferait d'ailleurs bien de
méditer l'exemple de Concert, la filiale construite par BT (85 % du
marché britannique) et MCI (18 % du marché américain)
pour proposer au plan mondial un certain nombre de services aux entreprises.
Lors de la conclusion de l'accord ayant conduit à créer
Concert, BT a acquis 20 % de MCI pour 4,3 milliards de dollars et MCI
a acquis une participation majoritaire dans BT-Amérique du Nord pour
125 millions de dollars.
Toutes ces raisons expliquent que
la sociétisation soit
nécessaire pour assurer la durabilité, l'approfondissement et
l'adaptabilité des alliances internationales de France
Télécom
et, par la même, sa place sur le marché
mondial.
Cette sociétisation aurait, en outre, l'avantage de fournir à
France Télécom
les moyens d'une gestion et d'une autonomie
commerciale adaptées à un environnement économique
demandant beaucoup de réactivité
.
La présence d'actionnaires et de partenaires autres que l'Etat à
son conseil d'administration serait de nature à enrichir sa
réflexion stratégique.
Cela lui permettrait également de se protéger d'une tutelle
d'autant plus envahissante qu'elle était exercée jusqu'à
présent par l'unique propriétaire de l'entreprise. Ceci devrait
donc lui éviter d'avoir à jouer les supplétifs de la
politique industrielle du Gouvernement, rôle auquel elle a
été trop souvent contrainte dans le passé.
C'est pourquoi, il est important que dès la première ouverture
minoritaire du capital, des
représentants des actionnaires
minoritaires puissent siéger à son conseil d'administration.
La sociétisation amènerait aussi à poser -et à
résoudre- le problème du handicap concurrentiel qu'inflige
à France Télécom l'obligation de rembourser à
l'Etat la totalité des pensions de retraites versées à ses
anciens agents et aux anciens agents de la Direction générale des
télécommunications.
En effet, en cas de sociétisation et de cession sur le marché
financier d'une partie du capital social, la Commission des opérations
de Bourse imposerait de provisionner au bilan le montant des charges
correspondant au montant total du paiement des pensions des actuels
retraités. Ce montant étant aujourd'hui estimé à 90
milliards de francs, une telle provision se révèlerait
difficilement réalisable puisqu'elle absorberait l'essentiel des
recettes qui pourraient résulter de la sociétisation.
Aussi, mis au pied du mur, l'Etat serait-il vraisemblablement amené
à accepter une répartition du paiement des charges de retraites
moins défavorable à l'entreprise qu'actuellement.
S'il en était besoin, la " solitude statutaire " de
France Télécom suffirait à convaincre de la
nécessité du changement.
Parmi les 20 premiers opérateurs mondiaux de
télécommunication
66(
*
)
cinq sont
des sociétés à capitaux majoritairement publics, mais
seule France Télécom n'a pas un statut à caractère
commercial.
D'ailleurs, l'un des cadres de terrain entendu par votre rapporteur relevait :
"
Quand certains m'expliquent que nous pourrons affronter la
concurrence internationale sans être une société, j'ai
l'impression d'entendre des disciples d'Astérix. Comme si, dans le monde
réel, il était possible qu'un petit village gaulois
entouré de palissades en bois puisse résister aux légions
qui ont imposé la Pax romana de la Mer Rouge à la
Manche. ".
D'autant plus, pourrait-on ajouter, que jusqu'à
présent nul n'a été à même de donner la
recette de la potion magique.
Pour les personnels de France Télécom
Essentielle pour l'entreprise, la sociétisation l'est
aussi -et c'est essentiel- pour assurer l'avenir de ses salariés.
Si l'entreprise fléchit, si elle régresse sur ses marchés
par manque d'armes commerciales adaptées, cela aura
nécessairement des répercussions sur son fonctionnement interne
et sur le niveau d'emploi qu'elle assure.
Certes, pour ceux de ses salariés qui sont fonctionnaires, la
sécurité de l'emploi ne serait pas remise en cause. Mais les
recrutements se tariront et, progressivement, par manque de " sang
neuf ", le déclin ne pourra que s'accentuer. Même maintenus,
les emplois s'en trouveront dévalorisés. Comment croire que ceux
et celles qui ont contribué à placer France Télécom
au zénith puissent envisager d'un coeur serein une telle perspective ?
Sans compter que si des déficits d'exploitation commencent à
apparaître, qui fera face aux besoins de financement que l'entreprise ne
sera plus à même d'assumer ? L'Etat, bien impécunieux
actuellement, et, à travers lui, les contribuables qui estiment que les
prélèvements obligatoires auxquels ils sont assujettis ont
atteint des plafonds infranchissables ? Peut-on réellement escompter
qu'aucun sacrifice ne serait alors demandé au personnel ? La
question mérite d'être posée.
A l'inverse, la sociétisation -surtout si, comme le souhaite votre
rapporteur, elle est réalisée sans tarder- irait dans le sens des
aspirations des salariés.
Cela découle tout d'abord du fait que c'est la meilleure manière
d'assurer l'adaptation compétitive de leur entreprise et d'ouvrir
à cette dernière des ambitions à sa mesure. Or,
l'attachement et la fierté que France Télécom inspire
à l'immense majorité de ses agents sont si forts que bien peu
d'entre eux peuvent être insensibles à cet effet.
En outre, il ne faut pas perdre de vue que la sociétisation permettra de
dégager des ressources financières à même, d'une
part, d'assurer dans les meilleures conditions les adaptations à mener,
et, d'autre part, de trouver des réponses satisfaisantes au
problème du financement de leurs pensions de retraites.
Pour le pays
Sans sociétisation, France Télécom perdra
pied sur le marché mondial et, par contagion, verra ses positions
s'effriter sur le marché national ! A voir la rapidité avec
laquelle s'effectuent les changements dans le secteur des
télécommunications, ceci n'est guère douteux.
Or,
la France ne peut pas dans 5 ou 6 ans supporter un syndrome Air
France à la puissance 4.
A ceux qui jugeraient exagérée l'évocation d'une telle
perspective, le rappel de quelques faits et de plusieurs chiffres permettra
peut-être de prendre conscience du danger.
1990
: Air France, entreprise au fonctionnement administratif qui
commence à être confrontée au bouillonnement concurrentiel
du marché aérien, est une compagnie triomphante. En
décembre-
il y a à peine plus de cinq ans
- elle
achète
, pour près de
7 milliards de francs
,
UTA et, par là même, Air Inter, c'est-à-dire les deux
autres grandes entreprises françaises de transport aérien.
1992
: En dépit d'une dégradation de ses résultats
financiers et de l'adoption d'un plan de modernisation intitulé
" Cap 93 ", Air France, compagnie encore conquérante, entre
à hauteur de 37,5 % dans le capital de Sabena, la compagnie belge. Dans
le même temps, elle prend le contrôle de 40 % de la compagnie
tchécoslovaque CSA. C'était il y a moins de quatre ans.
1994
: Air France est une compagnie déficitaire en piqué.
Elle a enregistré des
pertes de
8,4 milliards de
francs
en 1993. Elle a cédé ses participations dans Sabena et
CSA. Elle a adopté par référendum, à l'initiative
de son nouveau Président, M. Christian Blanc, un plan de redressement
auquel l'Etat donne son soutien en apportant
20 milliards de francs
à la société sous forme d'augmentation de capital.
En quatre ans
, une entreprise capable de débourser
7 milliards de francs
pour des acquisitions externes, mais qui n'a
pas su préparer sa plongée dans le bain concurrentiel, a
été réduite à une telle extrémité
qu'elle n'a dû sa survie qu'à un effort de solidarité
nationale correspondant à une aide de l'ordre de
500.000 francs
par emploi
.
Le marché censure brutalement et sans pitié
l'impréparation et les erreurs d'anticipation. Cependant, il n'est pas
un monstre incompréhensible. Ses réactions et ses sanctions sont
prévisibles. Dès 1991, la commission sénatoriale
d'enquête sur Air France
67(
*
)
avait
formulé un diagnostic alarmant sur la situation du groupe et
recommandé la mise en oeuvre immédiate de mesures qui n'ont
commencé à être appliquées que deux ans plus
tard
68(
*
)
. Trop tard !
Or, par les effectifs, Air France (39.000 salariés) est une
entreprise qui est près de quatre fois moins importante que France
Télécom (150.000 salariés).
Si une catastrophe similaire à celle de notre compagnie nationale
frappait notre opérateur téléphonique et que la
collectivité nationale devait lui fournir une aide équivalente
à celle versée pour Air France, ce serait donc, toutes
proportions gardées, quelque
80 milliards de francs
qu'il
faudrait débourser.
Pour fixer les idées, une telle somme représente
plus du quart
de ce qu'a rapporté l'an dernier l'impôt sur le revenu.
Peut-on raisonnablement prendre le risque de faire un jour supporter une telle
charge au contribuable alors qu'aujourd'hui, on sait quelle mesure il convient
de prendre pour, à coup sûr, rendre impossible tout sinistre de
cette nature ?
La réponse s'impose avec d'autant plus d'évidence que si cette
mesure n'était pas prise, on galvauderait en définitive l'un des
plus beaux atouts dont dispose la France pour relever avec succès le
défi de la société de l'information.
Certes, le coût du renoncement ne se percevrait pas immédiatement.
De même, l'impact bénéfique de la sociétisation ne
pourrait commencer à s'apprécier, dans sa totalité, qu'au
début du prochain siècle. Plus que l'horizon d'une
législature, moins que celui d'un septennat ! Mais, dans un cas, le
prix de " l'abstention " sera désastreux ; dans l'autre, les
" dividendes nationaux " seront considérables.
Incontestablement, il y là une grande oeuvre à accomplir pour un
Gouvernement.
La sociétisation ne saurait s'envisager qu'avec l'Etat comme actionnaire majoritaire : l'entreprise doit rester une entreprise publique
Capitalisation n'est pas privatisation.
En 1937, sous le Gouvernement dit de Front populaire, les
différentes compagnies ferroviaires existantes ont été
nationalisées et regroupées dans une société
anonyme créée à cette occasion, la Société
nationale des Chemins de Fer (SNCF) dans laquelle ces compagnies conservaient
49 % du capital, l'Etat détenant 51 %.
La SNCF a conservé son statut de société anonyme de 1937
à 1983. Pendant tout ce temps, - 45 ans !- nul n'a jamais
prétendu que la SNCF était privatisée. Cessons donc de
parler de privatisation quand on envisage de transformer France
Télécom en société anonyme détenue à
51 % par l'Etat !
Si France Télécom doit être sociétisée,
elle ne doit en aucun cas être privatisée.
D'une part, sa
privatisation poserait un problème constitutionnel ; d'autre part, son
maintien sous le contrôle de l'Etat est un impératif politique.
Une privatisation poserait un problème constitutionnel
Le préambule de la Constitution du
27 octobre 1946 dispose, en son 9e alinéa, que :
"
Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert
les
caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit
devenir la propriété de la collectivité ".
Le premier alinéa du préambule de la Constitution du
4 octobre 1958 précise, quant à lui, que : "
Le
peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de
l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont
été définis par la Déclaration de 1789,
confirmée et complétée par le préambule de la
Constitution de 1946. "
S'appuyant sur ce dernier texte, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel
considère que les principes énoncés dans le
préambule de la Constitution de 1946 ont, comme ceux proclamés
par la Déclaration de 1989, valeur constitutionnelle et qu'ils
s'imposent aux lois. La Haute Juridiction s'estime donc fondée à
censurer une disposition législative qui ne respecterait pas l'un de ces
principes.
Or, il est bien évident que dans le cadre de la nouvelle
réglementation des télécommunications qui est
envisagée,
France Télécom aura, à la fois, les
caractères d'un service public national
(puisqu'elle sera seule
à assurer le service public téléphonique)
et d'un
monopole de fait
(elle sera toujours le seul opérateur pouvant
assurer le raccordement des abonnés à un réseau
général, ses lignes étant les seules à desservir
tous les Français).
Dans ces conditions, si elle n'était pas déjà une
entreprise nationale, l'application du préambule de la Constitution de
1946 conduirait à ce qu'elle le devienne. Il est donc, a fortiori, hors
de question qu'elle puisse perdre cette qualité. Si -ce qui n'a jamais
été proposé- une disposition législative
était avancée en ce sens, le Conseil Constitutionnel ne pourrait
que la censurer.
Le maintien sous le contrôle de l'Etat est un impératif politique
Saisi par le Gouvernement de la question de savoir s'il est
constitutionnellement possible de placer des corps de fonctionnaires de l'Etat
auprès d'une société anonyme, le Conseil d'Etat a, dans
son avis du 18 novembre 1993, répondu par l'affirmative en
indiquant que, dans ce cas, il sera nécessaire que la loi qui porterait
création de la société anonyme France
Télécom :
" - définisse les missions de service public confiées
à cette société et les fasse figurer dans son objet social
;
- prévoie que le capital de cette société anonyme devra
demeurer majoritairement détenu, de manière directe ou indirecte,
par l'Etat, responsable en dernier ressort du bon fonctionnement de ce service
public national
;
- fixe les règles essentielles d'un cahier des charges imposant
à la société anonyme le respect d'obligations garantissant
la bonne exécution du service public ;
- édicte des dispositions propres à garantir que la nature
d'organisme de droit privé de la société anonyme France
Télécom ne pourra avoir pour conséquence qu'il puisse
être porté atteinte au principe de continuité du service
public. "
Pour que l'Etat tienne les engagements moraux et juridiques qu'il a
contractés envers les personnels de France Télécom, il est
donc impératif que la majorité du capital de la nouvelle
société demeure entre ses mains.
Exigences constitutionnelles et morale politique se conjuguent donc pour
imposer que France Télécom conserve son caractère
d'entreprise publique.
Deux conditions complémentaires seraient à respecter
Le Conseil d'Etat a, dans son avis de 1993, défini le
cadre juridique dans lequel, au vu de nos règles constitutionnelles,
devrait s'inscrire une loi de sociétisation.
Votre commission considère, bien entendu, qu'il conviendra de s'y
conformer.
Elle estime toutefois que la loi devrait exclure l'option ouverte par le
Conseil d'Etat d'une
détention indirecte
par l'Etat du capital de
la société anonyme à créer. Pour marquer
l'importance que revêt pour la Nation le service public
téléphonique, il est indispensable que
la majorité des
actions soit détenue directement par l'Etat
et non par une
nébuleuse financière contrôlée par lui.
Enfin, cette loi de sociétisation ne devrait d'aucune manière
porter atteinte à l'architecture de la loi n° 90-568 du
2 juillet 1990 qui organise le service public des
télécommunications. Cette dernière doit rester la seule
référence législative en ce domaine. Il s'agira donc
simplement de l'adapter sur quelques uns de ses articles pour permettre que,
dans le respect de ses obligations de service public, l'entreprise puisse
disposer des armes lui permettant de se battre sur le marché mondial
avec toutes les chances de succès.
La sociétisation ne créerait aucun obstacle à l'attribution de ses actuelles compétences à France Télécom
La remise en pleine propriété des infrastructures de télécommunications
De manière alarmiste, d'aucuns ont
suggéré que législateur pourrait se heurter à un
problème constitutionnel en décidant de remettre, en pleine
propriété, à une société anonyme des
infrastructures ayant appartenu au domaine public en raison, d'une part, de
leur possession par une personne publique, et, d'autre part, de leur
affectation, avec des aménagements spéciaux
réalisés à cet effet, à un service public et
à l'usage direct du public.
Les arguments avancés pourraient, sans doute, faire illusion si le
Conseil Constitutionnel n'avait pas déjà refusé
d'attribuer valeur constitutionnelle aux critères posés par la
jurisprudence administrative pour qualifier le domaine public.
Cela découle très clairement de sa décision du 18
septembre 1986 relative à la loi sur la communication audiovisuelle, en
ce qui concerne son volet spécifique relatif à
Télédiffusion de France.
Il en résulte que la seule contrainte qui pèse sur le
législateur désireux de transférer une infrastructure
publique à une société privée, alors même que
cette infrastructure sert à un service public, est de prévoir le
déclassement préalable de ladite infrastructure.
L'attribution des missions de service public
En droit français, deux régimes juridiques
permettent de confier à une société anonyme des missions
de service public :
- la concession de service public qui repose sur un contrat passé entre
l'État -le concédant- et une société -le
concessionnaire ;
- la licence, forme d'autorisation administrative unilatérale assortie
d'obligations de service public.
En l'espèce, le contrat de concession ne présente aucun avantage
et emporte trois inconvénients majeurs. Il est mal adapté, en
droit comme en fait, à la situation concurrentielle car il va le plus
souvent de pair avec le monopole de l'exploitation. Il introduit une rupture
d'égalité formelle entre les intervenants, c'est-à-dire
entre le concessionnaire, en situation contractuelle, et ses concurrents soumis
à un régime d'autorisation unilatérale. Il se
révèle enfin difficilement compatible avec les orientations
retenues par le projet de modification de la directive 90/388 du 28 juin 1990,
dite directive " services ".
En revanche, le régime de la licence apparaît entièrement
adapté aux objectifs poursuivis. Il permet à la fois d'attribuer
des tâches de service public et de régler les questions
d'accès des tiers au réseau. Il a été adopté
par les concurrents de France Télécom et il correspond à
l'évolution de la réglementation européenne.
C'est d'ailleurs ce régime qui est proposé par le Gouvernement
dans le cadre de la consultation publique.
Il n'y a donc nul tourment juridique à avoir : France
Télécom sociétisée pourra toujours être
opérateur de service public et continuer à posséder tous
ses actuels réseaux.
LA PRÉOCCUPATION SOCIALE ET LE RESPECT DES DROITS DU PERSONNEL DOIVENT ÊTRE PLACÉS AU COEUR DE L'OPÉRATION DE SOCIÉTISATION
Rien de grand et de fort ne saurait être mené
à bien sans que les hommes et les femmes qui font France
Télécom n'y participent, mais eux-mêmes ne sauraient
réussir sans que leur entreprise soit sociétisée.
Il faut donc apaiser les craintes qu'une telle perspective suscite parmi
eux. Pour cela, deux actions doivent être conduites simultanément
afin qu'elles se confortent mutuellement ;
- d'abord, leur donner de manière solennelle et pérenne toute
garantie quant au maintien de leur emploi et de leurs droits ;
- et, parallèlement, réaliser l'opération de
sociétisation selon des modalités qui assureront le maximum
d'atouts concurrentiels à France Télécom.
Maintien solennel du statut de fonctionnaire des personnels
Cet engagement avait été pris dès 1993,
par le Gouvernement d'Edouard Balladur, lorsque la nécessité de
la sociétisation avait été reconnue publiquement. C'est
d'ailleurs, pour identifier précisément les contraintes
juridiques en résultant que le Conseil d'Etat avait été
consulté et avait été amené à formuler
l'avis cité précédemment.
Essentielle, une telle orientation doit être confirmée
solennellement dès que la décision de sociétisation sera
arrêtée.
Une lettre personnelle du Premier ministre
adressée à chacun des fonctionnaires de France
Télécom,
le jour même de la présentation du
projet de loi en Conseil des ministres, pourrait en être la
première attestation officielle.
Ceci devra ensuite figurer en termes parfaitement clairs
dans le texte
de la loi
que le Parlement aura à élaborer.
Pour donner encore plus de poids aux assurances indéfectibles que
l'Etat, et à travers lui la Nation, donnerait ainsi à ceux de ses
agents qui le servent chez France Télécom, votre commission est
d'avis que, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat,
l'ensemble de la loi soit adoptée par
la procédure
exceptionnelle du scrutin public à la tribune,
où chaque
parlementaire est appelé nominalement à voter face à
l'ensemble des membres de son assemblée. De cette manière, le
serment législatif porté par la loi engagera à la fois
individuellement et collectivement les représentants de la Nation.
Du respect de la parole nationale exprimée dans de telles formes, nul
ne peut douter.
Liberté laissée à l'entreprise de continuer à recruter des fonctionnaires
Autant les obligations morales et juridiques souscrites par
l'Etat envers les fonctionnaires de France Télécom
recrutés avant la sociétisation de l'opérateur sont
irréfragables, autant ses liens avec ceux qui seront embauchés
postérieurement peuvent apparaître plus ténus. Certes, les
uns et les autres auront à participer à l'accomplissement des
missions de service public.
Cependant, dans le premier cas, les agents avaient initialement choisi
d'embrasser une carrière administrative. Bien peu auraient pu
prévoir qu'au cours de cette carrière, ils seraient amenés
à travailler dans une structure juridique de type commercial. Il est
donc juste et équitable de prendre les moyens de leur assurer la
poursuite de leur carrière en dépit de la transformation
juridique de leur employeur.
Telle n'est pas la situation dans le second cas. Tous les nouveaux
employés de la société France Télécom
sauront, dès leur embauche, qu'ils entrent dans une entreprise à
part entière.
Doit-on alors
systématiquement
traiter de manière
identique des situations fondamentalement dissemblables ? L'Etat doit-il
automatiquement
accorder les mêmes garanties à des
personnes envers lesquelles il n'a nullement pris les mêmes engagements
initiaux ? Votre commission n'en est guère convaincue. Par bien des
aspects, une réponse positive à ces questions lui semblerait
même de nature à induire une injustice à rebours, car ceux
auxquels il est le plus dû recevraient autant que ceux auxquels il est
peu dû.
Sans compter que la poursuite d'un recrutement quasi exclusif de fonctionnaires
entraînerait d'autres effets pervers.
Ainsi, le respect des règles de la fonction publique impliquerait le
recours aux seules procédures du concours administratif pour
sélectionner les candidats à un emploi. Or, il est de
notoriété publique que ces procédures -parfaitement
adaptées à un contexte administratif- sont lourdes à
mettre en oeuvre. Elles répondent en définitive assez mal aux
impératifs de réaction rapide qui seront ceux de France
Télécom dans un environnement concurrentiel.
D'aucuns pourraient, bien sûr, objecter qu'on pourrait surmonter cette
difficulté en procédant au recrutement de contractuels pendant la
durée de mise en oeuvre du concours et, en pourvoyant ensuite les postes
avec les lauréats du concours.
Mais que faire si les lauréats du concours ne sont pas les contractuels
ayant commencé à occuper les emplois ? Se séparer des
contractuels même s'ils étaient efficaces ? Les garder en
surnombre ?
On le voit bien, pour les embauches postérieures à la
sociétisation,
l'assujettissement complet
de France
Télécom aux règles spéciales du statut de la
fonction publique finirait par devenir pénalisant pour
l'opérateur.
Faut-il pour autant interdire tout recrutement de fonctionnaire ? Votre
commission ne le juge pas plus souhaitable.
Pour la gestion des personnels, les rigidités inhérentes au
statut de la fonction publique dans la gestion des carrières ne sont
pesantes que dans la mesure où les hommes et les femmes auxquels ce
statut s'applique rencontrent des difficultés pour s'adapter au
changement. C'est loin d'être le cas des différentes
catégories de fonctionnaires de France Télécom qui ont,
bien au contraire, su démontrer leur grande capacité d'adaptation
au cours des vingt dernières années.
Bien plus, toute la logique de la réforme proposée se trouve, au
total, fondée sur la confiance dans cette capacité d'adaptation
de la communauté humaine qui compose l'entreprise. Le choix de garantir
l'emploi et les carrières des actuels agents de France
Télécom, en dépit de la disparition d'un monopole qui
rendait facile la mise en oeuvre d'une telle garantie, n'a pas d'autre source.
Aussi, après sociétisation, conviendrait-il de laisser
à l'entreprise la liberté d'apprécier, selon les cas,
l'intérêt de recourir ou non aux règles de la fonction
publique pour pourvoir les emplois qu'elle offrira.
Incitation à la conclusion de conventions collectives de groupe et de branche
Sur les quelque 150.000 salariés permanents de
France Télécom, environ 3.600 -pour la plupart des cadres
supérieurs- sont des salariés de droit privé. Les autres
-à l'exception de 400 contractuels de droit public- sont
fonctionnaires.
France Télécom recourt à des contrats à
durée déterminée de façon presque exclusive pour
assurer des renforts dans les services en contact avec la clientèle
pendant les périodes d'afflux touristique (agences commerciales, centres
de renseignement, gestions de bureaux temporaires ou de cabines publiques dans
les stations de vacances, etc.) et de façon moindre dans les autres
services pour assurer des remplacements d'été. Ces contrats sont
de très courte durée, très souvent un mois, ce qui
entraîne d'importants flux d'entrée et de sortie au cours de la
même année.
A l'inverse, dans les filiales regroupées dans le holding Cogecom, la
quasi-totalité des personnels (environ 17.000 personnes) est
soumise au droit du travail.
Les salariés de droit privé de France Télécom sont
soumis à une convention collective commune à l'entreprise et
à la Poste. En revanche, dans les filiales, les employés ne sont
couverts que par la convention collective de la branche où s'exerce
l'activité de la filiale concernée, quand il existe une
convention de branche.
Au plan social, il n'est donc pas possible de parler d'unité du groupe
France Télécom alors que, par ailleurs, depuis 1994, ce groupe
publie des comptes consolidés et ne diffuse plus d'informations
statistiques distinguant la maison-mère de ses filiales.
Dans la perspective d'une transformation de France Télécom en
société anonyme contrôlée par l'Etat, ce maquis des
règles ayant vocation à s'appliquer aux salariés du groupe
qui relèvent du droit privé peut être jugé excessif.
D'autant plus que la distinction liée à la différence de
statut juridique entre l'opérateur et les sociétés qu'il
contrôle se trouverait atténuée.
Sans compter que dans l'hypothèse -qui semble la plus probable- d'un
accroissement graduel des effectifs de droit privé, ce morcellement des
situations particulières peut être une source de malaise social
qu'il serait préférable de prévenir. Dans le même
esprit, il conviendrait également de rechercher une harmonisation
réaliste, entre les statuts de droit privé et ceux de la fonction
publique qui coexisteront au sein de l'entreprise.
Aussi apparaît-il souhaitable que l'Etat incite France
Télécom à
négocier
-dans les limites du droit
applicable
69(
*
)
-
une convention
collective de groupe
avec l'ensemble des organisations syndicales
représentatives.
Toutefois, l'affirmation de cette volonté d'égalisation des
conditions de travail ne devrait pas se limiter au seul groupe France
Télécom. La régulation de la concurrence dans le secteur
des télécommunications passe aussi par l'organisation des
conditions sociales de cette concurrence.
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur est favorable à un
engagement fort des pouvoirs publics dans le sens de l'élaboration d'une
convention collective de branche
s'appliquant à l'ensemble de ce
secteur.
A terme, il conviendrait sans doute de promouvoir
des accords englobant
l'ensemble des entreprises de communication afin d'accompagner au plan social
l'émergence de l'économie multimédia.
En tout état de cause, il faut qu'à France Télécom
-entreprise publique- l'Etat prenne les moyens d'assurer un véritable
dialogue social.
Développement de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise
Les salariés de France Télécom
bénéficient déjà des dispositions légales
relatives à l'intéressement. Cela résulte de
l'article 32 de la loi du 2 juillet 1990 qui leur a rendu
applicable les dispositions du chapitre 1er de l'ordonnance du 27 octobre
1986
70(
*
)
.
En revanche, France Télécom ne figure pas dans la liste des
sociétés nationales
que le décret du
26 novembre 1987 a assujetties à celles des dispositions de
l'ordonnance de 1986 relatives à la participation des salariés.
La sociétisation de l'opérateur assurerait donc de pouvoir
l'inscrire sur cette liste et d'étendre ainsi les avantages dont
disposent déjà ses personnels au titre de l'intéressement.
Réservation d'une part significative de l'opération de sociétisation aux personnels
La valeur à laquelle France Télécom sera
estimée au moment du lancement de l'opération de
sociétisation dépendra d'un certain nombre de facteurs : la
date retenue -plus elle sera tardive, moins la valeur capitalistique de
l'entreprise sera élevée
71(
*
)
-,
les perspectives de rééquilibrage tarifaire -moins elles seront
favorables, plus l'évaluation sera faible
72(
*
)
-,
la manière dont sera résolu le
problème des charges de retraites qui pèsent sur
l'opérateur -nous y reviendrons plus avant.
Cependant, quelque soit le montant retenu (les chiffres cités variant
entre 150 et 200 milliards de francs), une part sera le fruit des efforts
et du talent de la communauté d'hommes et de femmes qui ont construit
France Télécom. En outre, la combativité de l'entreprise
dans un environnement plus difficile reposera, pour l'essentiel, sur leurs
épaules.
La réservation d'une part du capital sociétisée à
leur intention marquerait donc la reconnaissance qui leur est due pour leur
réussite passée. Elle constituerait une source de motivation
supplémentaire pour l'avenir.
La loi de privatisation du 19 juillet 1993, qui modifie la loi du
6 août 1986, autorise l'attribution de 10 % du capital
d'une entreprise nationale à son personnel lors d'une offre publique de
vente.
Quoiqu'en l'espèce il ne s'agirait pas d'une privatisation,
un
pourcentage équivalent devrait être réservé à
un prix attractif aux salariés de France Télécom
, si
leur entreprise devient une société dont une partie des actions
est mise en vente.
Pour chaque tranche de 10 % du capital proposé sur le
marché financier, ceci représenterait entre 1,5 et
2 milliards de francs, soit 10.000 à 13.000 francs
par agent en activité
. Comme de telles sommes excèdent
vraisemblablement la capacité d'épargne à court terme d'un
grand nombre d'entre eux, le droit ouvert aux salariés n'aurait pas
à être exercé, en totalité, au moment de
l'opération financière mais pourrait, par exemple, être mis
en oeuvre sous forme d'options à lever dans les deux ans suivants,
fût-ce à l'aide d'un emprunt dont le taux serait bonifié
par l'entreprise.
Ce droit serait bien entendu ouvert, dans des conditions identiques, pour
chaque tranche d'actions offerte sur le marché, la limite de 49 %
ne pouvant toutefois pas être franchie.
De manière complémentaire, le mécanisme institué
par Deutsche Telekom pour favoriser la participation de ses salariés
à son introduction en Bourse pourrait utilement servir de source
d'inspiration.
A Deutsche Telekom, les salariés -qu'ils soient employés ou
qu'ils aient le statut de fonctionnaire -pourront verser chacun la somme de
1.035 francs (300 Deutsche marks) -correspondant à l'achat de 60
actions- à une société participative, baptisée
Telecom Invest Partner, gérée par les associations
d'épargne et de prêt et de la Poste qui ont la confiance des
" télécommunicants allemands ". Cette
société achètera et gérera un paquet d'actions
Deutsche Telekom pour un montant équivalent à 5.175 francs (1.500
DM) par salarié. La différence, 4.140 francs (1.200 DM),
sera financée par un prêt sans risque de l'Union des Banques
Suisses (UBS). Les salariés participants auront la garantie de l'UBS de
récupérer au moins la valeur du capital investi au bout de six
ans. Si le cours augmente, ils toucheront des plus-values sur les
5.175 francs (1.500 DM) placés pour eux. Ils n'auront pas le
droit de se désengager de la société avant la fin du
programme.
Cette participation sera subventionnée par Deutsche Telekom à
hauteur de 1.035 francs (300 DM) par salarié participant.
Echange d'une participation en capital avec Deutsche Telekom
Tout n'a toutefois pas vocation à être ouvert au
public à l'intérieur des 49 % dont la détention par
l'Etat ne serait pas obligatoire. La sociétisation doit, en
priorité, être un moyen de conforter la position de notre
opérateur historique en lui permettant de consolider ses alliances
internationales.
Doté d'un capital, il pourrait en effet procéder, à
hauteur de 10 % par exemple, à un échange avec son principal
allié : Deutsche Telekom.
L'évolution de la Commission de Bruxelles sur ce type de dossier,
marquée notamment par son acceptation de l'accord Atlas, ouvre
désormais la voie à de telles associations capitalistiques.
Si nos partenaires d'Outre-Rhin donnaient suite à une proposition de cet
ordre, l'axe franco-germanique ainsi constitué esquisserait les contours
d'un géant européen bicéphale qui, dans le secteur des
télécommunications représenterait 2,5 fois le chiffre
d'affaires de BT et près d'une 1,5 celui d'ATT avant scission en
trois entités. Seul, au plan mondial, le japonais NTT serait de taille
comparable.
A ceux qui clament que la sociétisation constitue une menace pour
l'emploi, il serait alors
possible de demander si, sur un marché
ouvert au grand vent de la concurrence, il existe de meilleure garantie
d'avenir qu'une alliance aussi étroitement nouée entre deux
partenaires de cette taille
.
Existe-t-il aussi une plus belle chance pour notre pays et pour l'Europe
d'occuper une place enviable dans un monde où, demain, la
capacité à traiter l'information et l'aptitude à la
communiquer seront les premières richesses économiques ?
Ajustement des charges de retraite de France Télécom sur les prélèvements sociaux de droit commun
Cela a été signalé
précédemment (ce chapitre, III, A) : la décision de
transformer France Télécom en société anonyme
publique commandera de régler la question du handicap concurrentiel qui
découle des règles auxquelles elle se trouve assujettie en
matière de retraite.
Rappelons, pour mémoire, que ces règles obligent France
Télécom à financer non pas une cotisation patronale au
régime de retraite de ses salariés, mais toute la partie des
annuités de pensions qui ne sont couvertes par les cotisations
salariales.
Pour la présentation d'une société sur le marché
financier, les dispositions comptables françaises et internationales
exigent un provisionnement immédiat des engagements pris envers les
quelque 70.000 agents actuellement pensionnés, à savoir
environ 90 milliards de francs.
Les règles internationales d'origine anglo-saxonne imposent
également de provisionner les droits acquis des actifs, soit environ
50-60 milliards de francs selon les calculs actuariels. Mais, elles
autorisent un étalement de cette provision sur le nombre moyen
d'annuités restant à courir avant la date d'exigibilité de
ces droits et elles n'imposent cette provision que pour les exercices suivant
la cotation sur le marché financier.
Au total, la sociétisation de France Télécom, en
l'état actuel des règles applicables au financement des retraites
de ses agents, conduirait à inscrire immédiatement au passif de
son bilan une somme de l'ordre de 90 milliards de francs.
Si telle était la solution retenue, la valeur de l'entreprise chuterait
d'autant -voire même plus que proportionnellement- et s'établirait
à un niveau inférieur de moitié à ce qu'elle serait
si France Télécom était soumise à des
prélèvements sociaux normaux
73(
*
)
.
Dans une telle hypothèse, la stratégie d'alliance
renforcée avec Deutsche Telekom, que permettrait la
sociétisation, s'en trouverait rudement hypothéquée, car
la valeur financière des deux opérateurs serait alors par trop
disproportionnée.
Par ailleurs, le présent rapport l'a également
évoqué (titre premier, chapitre II, III), si rien n'est
fait, les charges de pensions pesant sur l'entreprise vont s'accroître
progressivement jusqu'en 2005, puis véritablement
" exploser "
à compter de cette date.
Aujourd'hui, la population des 36/49 ans représente 62 % des
effectifs de fonctionnaires et, de 1995 à 2010, sur 15 ans,
partiront en retraite autant de personnes qu'il y a actuellement de
pensionnés des " télécoms ", dont plus de 41 %
entre 2005 et 2010.
Or, les prélèvements sociaux acquittés par les concurrents
s'annoncent considérablement inférieurs, puisque ceux-ci n'auront
à financer que des cotisations au régime de retraite de leurs
salariés et non le régime lui-même.
En cas de maintien de la situation actuelle, l'opérateur national est
donc condamné à l'asphyxie financière ou à la
perfusion budgétaire permanente.
Mais s'il y a assistance budgétaire, il y aura une aggravation des
prélèvements obligatoires. Celle-ci retombera sur les
contribuables. Peut-on en accepter l'augure, alors que, dès à
présent, tous tendent à estimer que lesdits
prélèvements ont atteint des niveaux indépassables ?
Certainement pas !
Là encore, la sociétisation -si elle est intelligemment
menée- permettrait de résoudre le problème en permettant
de financer le coût des pensions de retraites, non pas par l'impôt,
mais par l'épargne et les bénéfices futurs de France
Télécom.
La transformation en société anonyme peut permettre de fondre
le boulet de la dette de retraites en un ressort concurrentiel.
Pour assurer cette " transmutation ", la proposition avancée
est la suivante :
A compter de l'année suivant celle de la sociétisation de France
Télécom,
prise en charge par l'État
,
sans
remboursement intégral par France Télécom, de la charge de
paiement des pensions des anciens agents des
télécommunications.
A compter de la même date
, paiement par France Télécom
d'une cotisation patronale au régime de retraite de ses fonctionnaires.
Cette cotisation
aura
un caractère libératoire
.
Elle sera calculée de manière à ce qu'elle n'induise ni
handicap, ni avantage concurrentiel -apprécié au regard de
l'ensemble des prélèvements sociaux patronaux- entre
l'opérateur et ses concurrents n'employant pas de fonctionnaires.
En effet, si sur le plan des cotisations de retraites, l'emploi des
fonctionnaires désavantage France Télécom par rapport
à ses concurrents, il n'en va pas de même pour les cotisations
à l'assurance maladie et à l'assurance chômage. Pour ceux
de ses agents relevant du statut de la fonction publique, l'opérateur ne
paye pas de cotisations maladies sur les primes complémentaires au
traitement et ne contribue pas, aux caisses de l'Unedic, pour les sommes
correspondant aux traitements de personnels qui ne sont pas exposés au
risque du chômage.
Avec le mécanisme proposé, les taux de cotisations patronales de
l'opérateur public seraient plus importants que ceux de ses concurrents
en ce qui concerne les régimes de retraites, moins élevés
pour les autres régimes, mais globalement équivalents. Il en
résulterait également que sa contribution au régime des
pensions civiles et militaires de l'État resterait très
significative (de l'ordre de 23-24 % de la masse des traitements
indiciaires, auxquels s'ajouterait les 7,85 % des cotisations salariales).
Versement à l'État d'une " soulte "
acquittée par France Télécom,
cette soulte ayant
vocation à compenser partiellement le coût du transfert vers le
budget de l'Etat du paiement intégral des droits acquis des actuels
pensionnés.
France Télécom a pris la mesure du fardeau financier qui allait
découler de ses obligations en matière de retraite. Depuis 1992,
l'opérateur téléphonique a commencé à
provisionner ses charges de retraite futures. Fin 1994, 12,7 milliards de
francs étaient inscrits en provision au bilan. En 1995, l'effort
consenti à ce titre a atteint 4,1 milliards de francs.
Malgré l'ouverture à la concurrence des infrastructures
alternatives au 1er juillet prochain, cet effort paraît pouvoir
être maintenu -voire même légèrement accentué-
sans dommages pour les comptes de l'exploitant public au cours de l'actuel
exercice et du prochain. Ainsi, au 1er janvier 1998, il disposerait
d'une
" cagnotte " d'environ 25 milliards de
francs
qui
serait alors versée au budget de l'État au titre de la
compensation des charges transférées.
Remise par France Télécom de la dette
téléphonique des ministères
Depuis 1993, lors de chaque discussion budgétaire, votre Commission des
Affaires économiques attire régulièrement l'attention du
Sénat et de l'opinion sur la charge qu'impose à France
Télécom les factures téléphoniques impayées
de l'État.
Cette dette a, pour l'essentiel, été contractée avant la
fin 1992, tout particulièrement entre 1990 et cette date. A
l'été 1990, elle ne s'élevait qu'à
700 millions de francs. Trois ans plus tard, au 31 août 1993, elle
atteignait 2,38 milliards de francs. Depuis, elle ne s'est pas
aggravée mais elle ne s'est pas non plus résorbée. Quoique
France Télécom ne facture pas de pénalités de
retard sur ces sommes, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis du
budget des Postes et Télécommunications, notait dans son avis sur
le projet de loi de finances pour 1996
74(
*
)
que
:
" Ces impayés atteignaient au 30 août 1995, la somme
tout à fait considérable de deux milliards 450 millions de
francs ".
Pour apurer définitivement cette dette endémique, il est donc
proposé que l'opérateur en fasse la remise à l'Etat comme
contrepartie complémentaire à sa dispense de rembourser
l'intégralité des pensions versées.
Maintien du régime en vigueur jusqu'à l'année suivant
celle de la transformation en société anonyme
Le maintien du régime en vigueur jusqu'au 1er janvier 1998, date de
l'ouverture complète de la téléphonie de base à la
concurrence, a été envisagé par votre rapporteur.
Cependant, cette solution lui est apparue de nature à obscurcir la
perception de la sociétisation les marchés financiers et, par
voie de conséquence, à peser exagérément sur
l'évaluation de l'entreprise.
Le système actuel doit, en revanche, être préservé
jusqu'à la première année civile suivant la transformation
en société anonyme d'État de notre opérateur,
à savoir au 1er janvier 1997, si cette transformation est
effectuée avant la fin 1996, ainsi que cela a été
préconisé précédemment.
Hors cotisations salariales, France Télécom verserait ainsi, pour
l'actuel exercice, environ
6,2 milliards de francs
au titre des
retraites payées par l'État
75(
*
)
Abondement du budget de l'État par les recettes de
sociétisation
Si les mesures recommandées ci-dessus étaient prises,
l'estimation financière de France Télécom pourrait
atteindre -et peut être même dépasser
76(
*
)
- les
200 milliards de francs.
Dans ces conditions, la vente de 25 % des actions de la nouvelle
société anonyme pourrait rapporter quelque 50-52 milliards
de francs
77(
*
)
.
Au total, si les propositions ici avancées étaient suivies,
sur les 90 milliards de francs d'engagements correspondant aux droits
acquis des pensionnés", 85,6 milliards de francs seraient
couverts
78(
*
)
sans aucun recours à
l'impôt. Manqueraient simplement 4,4 milliards de francs
d'engagements à 20-25 ans qui représenteraient environ
2 % de la valeur de la société anonyme dont l'État
détiendrait alors 75 % des actions. Une telle somme paraît
aisément pouvoir être recouvrée par une opération
d'augmentation de capital menée, par exemple, après l'annonce
d'un échange de titres avec Deutsche Telekom.
Les recettes dégagées par le paiement de la soulte et la
sociétisation pourraient être :
- affectées en totalité au budget de l'État, ce qui lui
assurerait sur 1996-1997
79(
*
)
, quelque
77 milliards de francs de ressources exceptionnelles
pouvant
être affectées à la lutte contre le chômage et
à la réduction de la dette ;
- ou, pour partie, attribuées à une caisse spécifique
recevant vocation d'abonder le régime des pensions civiles et militaires
de l'Etat pour la part relative aux retraites des anciens
" télécommunicants ".
Miser sur l'entreprise
France Télécom est assujettie depuis le 1er janvier 1994 aux
impôts et taxes de droit commun, en lieu et place des
prélèvements versés antérieurement au budget
général de l'Etat et à la participation au budget de son
ministère de tutelle.
Dans ce cadre, en 1994, la part des taxes et impôts locaux payés
à l'Etat s'est élevée à 3,9 milliards de
francs (4,6 milliards de francs prévus en 1995), dont
3,8 milliards de francs de taxe professionnelle.
L'opérateur a également versé 7,2 milliards de francs au
titre de l'impôt sur les bénéfices et, sur son
bénéfice de 9,2 milliards de francs, 4,5 milliards de
francs ont été affectés à l'Etat et
4,7 milliards aux réserves.
Au total, en 1994, l'État a reçu 15,6 milliards de francs
de France Télécom,
hors remboursement des charges de pensions.
Cette manne se tarira si l'opérateur ne reçoit pas rapidement les
moyens juridiques et financiers d'assurer son développement mondial.
En revanche, s'il est libéré du boulet de sa dette de retraite,
s'il est doté des mêmes atouts juridiques que ceux dont disposent
tant ses partenaires que ses adversaires, qui pourrait douter qu'il restera
l'un des premiers mondiaux et l'un des plus gros contributeurs au budget de
l'État ?
Le pari n'est pas très risqué et il peut rapporter gros : en
impôts, en dividendes et en cotisations patronales de retraites, France
Télécom apportera bien davantage à l'Etat que ne
coûtera le financement des retraites des anciens
" télécommunicants ".
Il ne faut donc pas que l'État hésite à miser sur
France Télécom.
Ouverture de nouveaux droits aux personnels pour leur offrir des libertés de choix
Possibilités de reclassement volontaire dans la fonction publique nationale, voire territoriale
Ce n'est pas une demande très fréquente parmi
les fonctionnaires travaillant à France Télécom car, d'une
manière générale, leur attachement à l'entreprise
est très fort. Elle se trouve cependant parfois formulée.
Sa satisfaction n'est pas des plus aisées.
En effet, elle suppose que des postes correspondant au profil et aux souhaits
des différentes catégories d'agents de France
Télécom puissent être proposés par des
administrations de l'État ou, éventuellement, par des
collectivités locales
80(
*
)
.
Or, ce n'est pas parce que tous les fonctionnaires sont soumis à des
règles statutaires semblables qu'ils sont interchangeables. Les
propositions risquent donc d'être limitées.
Il n'en demeure pas moins que l'État aura à faire un effort en ce
sens. De plus, avec le développement des
télécommunications, il n'est pas impossible que des
collectivités locales de taille importante soient
intéressées.
Chaque départ de l'agent intéressé par un des postes
proposés devrait alors recevoir l'aval de France Télécom
et l'ensemble des départs volontaires vers une autre administration
devrait être étalé dans le temps. Il ne conviendrait pas
que la mise en oeuvre d'une telle procédure puisse aboutir à
désorganiser l'opérateur. A un moment crucial de son existence,
il ne saurait être amputé brutalement des talents qui font sa
vigueur.
Enfin, les questions d'intégration dans le corps d'accueil devront
être réglées avec le plus grand soin, de manière que
l'arrivée de personnes disposant déjà d'une certaine
ancienneté administrative n'entraîne pas des réactions de
rejet pour cause de concurrence à l'avancement.
Liberté effective pour un fonctionnaire de choisir le statut de salarié de droit privé sous convention collective
Lors de son audition par votre Commission des Affaires
économiques, le 24 janvier 1995, M. Michel Bon, Président de
France Télécom, a fait, à juste titre, valoir que le
statut de fonctionnaire ne signifiait d'aucune manière un cumul
d'avantages et que si ceux en relevant bénéficiaient de la
garantie de l'emploi, leur rémunération n'était pas aussi
élevée, à poste équivalent, que celle de
salariés de droit privé.
Il n'est donc pas à exclure que certains de ceux -notamment dans
l'encadrement- qui ont intégré une administration par goût
du service public et ont, de ce fait, endossé automatiquement le statut
de fonctionnaire puissent être intéressés par un nouveau
type de relation de travail, dès lors que leur employeur serait devenu
une société anonyme.
Cependant, ce choix leur serait, de facto, interdit s'il entraînait perte
de droits à ancienneté ou renoncement à des perspectives
de carrière.
C'est pourquoi, il est
indispensable que la loi mais aussi, en
complément, la convention collective de groupe
recommandée
ci-dessus
précisent de manière rigoureuse les règles
applicables
en une telle circonstance.
A défaut, France Télécom ne disposerait d'aucun argument
particulier pour s'attacher la fidélité de fonctionnaires
expérimentés et talentueux, que la concurrence pourrait tenter de
débaucher avec des salaires plus attractifs que les traitements de la
fonction publique.
Amplification des programmes et des moyens consacrés à la formation professionnelle interne
Les agents de France Télécom formulent souvent
des critiques assez vives sur la manière dont les reclassifications
issues de la réforme de 1990 ont été menées.
Beaucoup estiment, notamment, qu'en l'espèce l'effort de formation
interne a été insuffisant.
Pourtant, à France Télécom, appréciée au
travers des chiffres, la formation professionnelle n'est pas un vain mot.
Globalement, en 1994, un peu plus de 930.000 jours de formation ont
été dispensés, ce qui représente, en moyenne, six
jours de formation par personne. Les dépenses correspondantes
s'élevaient à 2,3 milliards de francs, soit 9,54 % de
la masse salariale : un niveau assez sensiblement supérieur à la
majorité des autres entreprises du secteur.
Les leçons qu'il convient de tirer du bilan social des reclassifications
tout comme l'ampleur des adaptations qu'aura à réaliser
l'opérateur au cours des prochaines années amènent,
néanmoins, à considérer que ces programmes et ces moyens
financiers devront être significativement développés. Le
passage d'une culture professionnelle dominée par le souci de la
qualité d'une offre technique, à une culture visant
l'efficacité de la réponse commerciale à une demande de
services va susciter un immense besoin de formation.
Pour y répondre, l'objectif
d'un budget de 3 milliards de francs
(+ 30 % par rapport à 1994) consacré à des
actions en ce sens dès 1997 n'apparaît pas irréaliste. Il
devrait être retenu dès maintenant et poursuivi sans discontinuer
jusqu'à la fin du siècle.
En outre, il conviendrait que l'entreprise s'attache à recenser et
s'efforce de valoriser mieux qu'aujourd'hui les études que ses
salariés peuvent être amenées à entreprendre ou
à poursuivre parallèlement à leur travail, dans le cadre
du congé formation ou à titre personnel.
Instauration par la loi d'un régime exceptionnel de retraite anticipée pour les fonctionnaires souhaitant quitter une entreprise appelée à perdre son caractère d'administration.
Au cours des nombreux entretiens qu'il a eus avec les
salariés de France Télécom, votre rapporteur a
été frappé par la convergence des témoignages
révélant que, confrontés à la perspective de
l'irruption de la concurrence et de la transformation de France
Télécom en société anonyme à majorité
détenue par l'État, nombre d'agents arrivant en fin de
carrière caressaient l'idée de demander une préretraite.
Psychologiquement, cette attitude se comprend. Il est tout à fait
légitime que des gens ayant mené tous les combats des
télécommunications durant la trentaine d'années
passées hésitent, à deux, trois ou quatre ans d'une
retraite bien méritée, à en entreprendre un nouveau
auquel-qui plus est- leur expérience professionnelle ne les a pas
nécessairement préparée.
Mais, juridiquement, une telle possibilité est aujourd'hui interdite.
Les fonctionnaires n'ont pas de droit à la préretraite.
Ceux
qui ont effectué des services dits actifs se voient reconnaître la
faculté de demander une liquidation de leur pension avant 60 ans,
à 55 ans par exemple
81(
*
)
.
Mais, la législation en vigueur ne permet pas aux agents de
l'État de prendre, à leur demande et avec l'accord de
l'employeur, un congé rémunéré en attendant
d'être en mesure de demander la liquidation de leur pension.
L'accord, signé en novembre 1995 par France Télécom et
quatre syndicats représentatifs du personnel (CFDT, CFTC, CGC, et FO)
n'enfreint d'ailleurs pas cette interdiction. Il met en place un dispositif de
travail à temps partiel
destiné à favoriser le
recrutement de jeunes et à organiser la transmission des
compétences. Il permet, notamment, à tout salarié
âgé de plus de 57 ans, de travailler à 70 % en
étant rémunéré sur cette base.
L'interdit frappant les préretraites de fonctionnaire est logique.
L'État garantit la sécurité de l'emploi à ses
agents et il attend en retour qu'ils le servent jusqu'au terme fixé par
leur statut. S'ils leur reconnaissait le droit à une retraite
anticipée, il pourrait être amené à
rémunérer deux personnes pour un même poste
budgétaire : l'une en préretraite, l'autre occupant le poste. Un
tel modèle serait " explosif " en termes de finances
publiques. Le principe général d'interdiction, pour les
fonctionnaires, des préretraites dont peuvent bénéficier
les salariés du secteur privé est donc incontestable.
Son application rigide aux agents de France Télécom peut
toutefois prêter à discussion. Rares sont en effet les
fonctionnaires auxquels il est demandé,
en cours de
carrière
, de travailler pour une société de nature
commerciale exposée à la concurrence internationale.
Une telle dérogation au pacte général de la fonction
publique ne justifie-t-elle pas une dérogation limitée à
la prohibition des préretraites ?
Votre commission des Affaires économiques répond par
l'affirmative à cette question. Elle propose en conséquence que,
parallèlement à la loi de sociétisation qui modifiera la
loi de juillet 1990, un autre texte soit présenté au Parlement.
Ce dernier
autoriserait
, selon des modalités qui pourraient
être précisées par voie de négociation collective,
les fonctionnaires de France Télécom, âgé de plus
de 56 ou 57 ans à demander à bénéficier d'un
régime exceptionnel de retraite anticipée.
Ce régime serait ouvert, pendant une durée maximale de cinq ans,
à ceux qui le souhaiteraient. Il permettrait que les agents totalisant
déjà 37,5 ans de carrière -parce que l'ayant
commencée avant l'âge de 22 ans et demi- puissent obtenir une
rémunération équivalente, voire supérieure,
à celle de la pension à taux plein qu'ils obtiendraient à
l'âge de 60 ans
82(
*
)
.
Pour les autres, la rémunération pourrait ne pas atteindre
l'équivalent de la pension à taux plein mais correspondre, par le
jeu de bonifications indiciaires, à ce qu'elle serait si elle
était liquidée à l'âge de 60 ans avec le nombre
d'annuités atteintes au moment de la préretraite.
En bref, les personnes optant pour ce régime interrompraient totalement
leur activité et obtiendraient une rémunération
sensiblement supérieure à ce que permet l'actuel accord sur le
temps partiel.
L'instauration d'un tel régime présenterait un
quadruple
avantage
.
Elle serait d'abord une réponse équitable à une demande
sociale légitime.
Elle permettrait surtout d'
ouvrir les portes de l'entreprise, plus
rapidement qu'en appliquant les règles traditionnelles, à des
jeunes en quête d'un emploi.
Au lieu d'attendre deux à trois ans, parfois en
désespérant, la libération d'un emploi à France
Télécom, ceux qui souhaitent exercer leur compétence dans
les télécommunications pourraient immédiatement faire
profiter l'entreprise de l'énergie de leur jeunesse.
C'est pourquoi, même si la lucidité amène à penser
que la concurrence peut amener l'opérateur à être mis
devant la nécessité de réaliser des ajustements
conjoncturels, il ne saurait être accepté qu'un tel régime
puisse être mis en place sans que soit au moins appliquée la
règle de l'accord sur le temps partiel, à savoir : sept jeunes
recrutés et trois voeux de mobilité interne satisfaits pour dix
préretraites.
De cette manière, un régime de retraite anticipée
fondée sur le volontariat pourrait -c'est le troisième avantage-
être
le moyen de rajeunir
la communauté humaine qui compose
la principale force de notre opérateur. En effet, la moyenne d'âge
de son personnel est d'environ 42 ans. Elle va croître
continûment jusqu'en 2010. L'exploitant public n'a donc plus tout
à fait la jeune vigueur des années 70, celles du plan de
rattrapage téléphonique. Or, le défi que va lui lancer la
concurrence serait d'importance équivalente, si ce n'est
supérieure, à celui qu'il a relevé il y a plus de vingt
ans.
Un apport de " sang jeune " dans les années qui viennent lui
ferait donc d'autant plus de bien qu'il permettrait une certaine
régularité des recrutements, alors qu'à suivre la logique
de la pyramide des âges, ceux-ci risquent de subir de forts
à-coups dans les dix ans à venir.
Enfin, la solution préconisée -outre le fait qu'elle donnerait
les moyens d'une adaptation indolore aux contraintes pouvant résulter de
la libéralisation- permettrait
d'organiser un véritable plan
pour l'emploi et d'inscrire la politique de recrutement dans un vaste programme
de formation tant interne qu'en direction des écoles
.
Deux hypothèses sont envisageables pour le financement de ce
régime exceptionnel de retraite anticipée :
Soit les négociations avec l'État sur le transfert des charges
de pension se sont déroulées de la manière
suggérée par le présent rapport et alors, France
Télécom disposera des marges de manoeuvre lui permettant de
financer seule ce régime. Il lui appartiendrait donc de le
négocier avec les syndicats du personnel et de le mettre en place.
Soit, à la suite de ces négociations, l'entreprise n'est plus
à même de consentir cet effort. Il conviendra alors d'explorer
d'autres voies.
Celle que recommande votre commission consisterait à
réserver
un pourcentage
des recettes de sociétisation
à cette
fin.
Le sommes ainsi collectées seraient affectées à une
" caisse pour l'adaptation sociale et l'emploi ", gérée
de manière tripartite par des représentants de l'État, de
l'opérateur et des syndicats du personnel.
Cette caisse -qui pourrait éventuellement prendre la forme d'un
établissement public- disposerait des fonds pendant toute la
durée d'application du régime proposé. Elle financerait le
programme de préretraite, le plan d'embauche et la formation
professionnelle des jeunes recrutés pour remplacer des
préretraités ainsi que, éventuellement, les programmes de
reconversion professionnelle de ceux ayant opté pour un poste offert en
administration centrale ou locale et l'ayant obtenu.
A l'issue de la période de mise en oeuvre du régime, la caisse
serait dissoute et les sommes restant disponibles seraient reversées au
budget de l'État.
*
Tel est, présenté par le menu, l'ensemble des mesures préconisées par le présent rapport pour mener à bien, dans le respect des droits de tous, la sociétisation de France Télécom. Elles doivent être comprises en se rappelant que cette sociétisation est indispensable à l'entreprise, à ses salariés et, aussi, au pays.
CONCLUSION
Il faut du courage politique pour mener à bien les
grands projets qui engagent l'avenir du pays au-delà de l'horizon
immédiat. Il faut tenir le langage de la vérité pour
mobiliser ceux et celles sans lesquels ces projets ne pourront être
accomplis.
En l'espèce, la vérité peut s'exprimer sous la forme d'une
image. France Télécom se trouve, en quelque sorte, dans la
situation à laquelle s'est trouvée confrontée
l'armée d'Italie devant le Pont d'Arcole, à la différence
majeure qu'aujourd'hui ce n'est pas la mitraille mais son écho encore
éloigné qui fait trembler les pierres du parapet.
Rester sur la rive du passé, c'est sans doute transitoirement gommer les
angoisses, mais c'est la certitude de n'être, demain, qu'" un
petit " dans la cour des grands opérateurs mondiaux dont nous ne
serons plus.
Bientôt, les batteries de la concurrence internationale rendront mortel
le glacis du pont qui permet encore d'atteindre, sans danger, la rive de
l'avenir, de passer sans risque du temps de la commutation à celui de la
valeur ajoutée. Dans peu, elles finiront par nous couper
définitivement de nos alliés. A ce moment-là, elles ne
nous laisserons plus que le choix du déclin. Il faut donc traverser sans
tarder.
France Télécom est une chance pour la France et l'Europe. La
chance, cela se mérite.
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES LORS DES AUDITIONS, ENTRETIENS ET RENCONTRES RÉALISÉS POUR LA PRÉPARATION DU RAPPORT D'INFORMATION
I. - EN FRANCE
A. FRANCE TÉLÉCOM
1. Présidence :
- M. Michel BON, président.
- M. Marc FOSSIER, directeur du cabinet du Président.
2. Organisations représentatives du personnel :
Amicale des cadres dirigeants d'établissements de France
Télécom :
- M. René DUPUY, président,
- M. Yves MARGUERITE, responsable de la Commission Stratégie,
- M. François COMET, Conseiller.
CFDT - PTT :
- Mme Marie-Pierre LIBOUTET, Secrétaire général,
- M. Alain GUYODO, secrétaire général adjoint à
l'action.
CFTC - PTT :
- M. Jean-François VANNESTE, président fédéral,
- M. Patrice DIOCHET, président fédéral adjoint
chargé des télécommunications.
CGT - PTT
- M. Jean SOULEIL, secrétaire fédéral.
- M. Jacques LEGOFF, membre du bureau fédéral,
- M. Christian MATHORELL, membre du bureau fédéral.
FO - PTT
- M. Jacques LEMERCIER, secrétaire général,
- M. Christian de CUIGUIERE, secrétaire national, responsable du secteur
télécom,
- M. Guy HUYGHE, secrétaire fédéral des
télécommunications.
Sud PTT
- Mme Annick COUPE, secrétaire général,
- M. Christophe AGUITON, secrétaire fédéral.
Sud TELECOM 78
83(
*
)
- M. Claude LESENE, responsable Sud Télécom 78,
- M. Jean-François CHIMOT, syndiqué, centre principal
d'exploitation de Montesson.
Syndicat national des contractuels de France Télécom
- M. Maxence d'EPREMESNIL, président,
- M. Gilles PAULI, vice-président,
- M. Jean-Pierre FORBÉ, Trésorier.
Union des Cadres Dirigeants de France Télécom
- M. Jemil LARABI, président,
- M. Gérard ANDRÉ, vice-président,
- M. MACRESY, vice-président.
3. Les personnels
1. A Paris
Section d'entreprises RPR France Télécom
84(
*
)
- M. Bernard MULE, président,
- M. Hervé DANIELOU, vice-président pour la Province,
- M. Yvon ESCOBAR, secrétaire général,
- M. Gilles LASSARRE, membre du bureau.
2. Dans les Yvelines
Direction régionale
- M. Olivier VOIRIN, directeur régional,
- M. Patrick TRONCHE, directeur des ressources humaines,
- M. Alain GAYRAUD, délégué à la communication.
Centre de construction des lignes de BUC
- M. Dominique BILIEN, collaborateur,
- M. Didier CONDAMINES, cadre,
- M. Luc DELASAUSSE, cadre,
- M. Dominique GUILLOT, collaborateur,
- M. Philippe MORVAN, collaborateur,
- M. Pascal PRIMAULT, collaborateur,
- Mme Annick VENTURA, collaboratrice,
- M. Patrick WOTELET, maîtrise.
Agence de Le Chesnay
- Mme Marine ALLOUCHERY, cadre,
- Mme Amélia BOSCHER, collaboratrice,
- M. Hervé LE DÛ, cadre,
- Mme Annick VAUDROUX, maîtrise.
Agence de Mantes
- M. Jacques CELLIER, cadre,
- Mme Marie-Noëlle DAOUDAL, maîtrise,
- M. Christian FAGES, collaborateur,
- M. Philippe LEBLOND, cadre,
- M. Louis-Pierre OGER, collaborateur,
- Mme Claudine PARIS, collaboratrice,
- M. Yannick PICHAUD, cadre.
Agence de Saint-Quentin
- Mme Françoise CATHALIFAUD, collaboratrice,
- Mme Marie-Christine GALI, cadre,
- Mme Yvette LAMOURE, collaboratrice,
- Mme Joëlle OZANNE, maîtrise,
- Mme Marie-Claude POSNIC, cadre,
- Mme Christine SALYI, collaboratrice,
- Mme Rosie TAUZIES, collaboratrice,
- Mme Viviane TORA, collaboratrice.
Saint-Quentin, direction des ressources humaines
- Mme Evelyne SOLINC, cadre.
Agence de Sartrouville
- Mme Elyette ALBI, collaboratrice,
- M. Hubert FAOU, cadre,
- Mme Patricia GLADIN, cadre,
- M. Philippe GUIRAUD, maîtrise,
- M. Olivier GUITTAUT, cadre,
-M. Alain LOUGE, cadre,
- M. Yves SACLEUX, cadre,
- Mme Jeanine THERIN, maîtrise.
Agence entreprises Yvelines
- M. Laurent FREAU, collaborateur,
- Mme Martine KAMINSKI, collaboratrice,
- Mme Christine ROY, cadre.
Centre principal d'exploitation de Yvelines, Sud
- M. Eric KERSULEC, collaborateur,
- M. Joël LASCAUX, maîtrise,
- M. Georges LAMOURE, cadre,
- M. Raymond LEGRAND, maîtrise,
- M. Pierre LEHO, maîtrise,
- M. René ROUGIE, collaborateur,
- M. Daniel TYMEN, collaborateur.
Département Finances et informatique
- M. Max FERRET, collaborateur
B. MINISTÈRES CONCERNÉS :
Ministère délégué à la Poste, aux
Télécommunications et à l'Espace
- M. François FILLON, ministre délégué
auprès du ministre de l'Industrie, de la Poste et des
Télécommunications, chargé de la poste, des
télécommunications et de l'espace,
- M. Patrick POUYANNÉ, directeur de cabinet de M. Fillon.
Direction de la réglementation générale
:
- M. Bruno LASSERRE, Directeur général,
- M. Patrick DE GUERRE, Directeur de la régulation des
télécommunications,
- M. Jean-Pierre DARDAYROL, Sous-Directeur économie et concurrence.
Ministère de l'Industrie, de la Poste et des
Télécommunications
- M. Franck BOROTRA, ministre de l'Industrie, de la poste et des
télécommunications,
- M. Jean-Luc ARCHAMBAUD, conseiller technique au cabinet de
M. Borotra.
Ministère de l'Economie et des Finances
- M. Jean ARTHUIS, ministre de l'économie et des finances
Cabinet du Premier Ministre
- M. François SOULMAGNON, Conseiller pour l'industrie,
l'équipement et la technologie au cabinet de M. le Premier ministre.
C. ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES ET ENTREPRISES
Conseil national du patronat français (CNPF)
- M. Alain BRAVO, président de la commission
télécommunications du CNPF,
- Mme Françoise CHASLES, membre de la commission
télécommunications du CNPF,
- M. Olivier GAINON, chargé de mission, rapporteur de la Commission
Télécommunications du CNPF.
Syndicat des industries de télécommunications (SIT)
- M. Jean-Claude LAVENIR, délégué général.
Club informatique des grandes entreprises françaises (CIGREF)
- M. Hervé NORA, vice-président et administrateur
délégué, directeur des activités informatiques de
FRAMATOME,
- M. Jean-Yves GRESSER, membre du groupe, conseiller pour la stratégie
informatique de la Banque de France,
- M. Etienne VALLES, chargé de mission.
Alcatel
- M. François PETIT, vice-président Governement affairs.
Bouygues Télécom
- M. René RUSSO, vice-président.
Compagnie Générale des Eaux
- M. Paul-Louis GIRARDOT, Administrateur, Directeur général,
- M. Jean-François DUBOS, secrétaire général.
La Poste
- M. André DARRIGRAND, président,
- M. Claude BOURMAUD, directeur général.
Lyonnaise des Eaux-Dumez
- M. Bernard PRADES, directeur général
délégué de la Lyonnaise des Eaux,
- M. Thierry CHAMBOLLE, directeur général
délégué pour la stratégie et le
développement stratégique de la Lyonnaise des Eaux,
- M. Cyrille du PELOUX, président de la Lyonnaise Communication.
TRT Lucent Technologies
- M. Patrice HÉNAULT, directeur général,
- M. Marc HOUÉRY, directeur général adjoint et directeur
commercial France,
- M. Pierre-Yves BURGAUD, directeur des ressources humaines.
D. ORGANISATION DE CONSOMMATEURS
Association française des utilisateurs du téléphone et
des télécommunications (AFFUT)
- M. Jean-François BERRY, délégué
général,
- M. Jean KIEFFER, conseiller technique,
- Mme Marie-Madeleine DOLLFUS, responsable des dossiers " grand
public ".
E. CABINETS DE CONSEIL ET EXPERTS
ALL COMM
- M. Yves ALEXANDRE, président directeur général,
- M. Michel DESCHAMPS, associé.
Groupe d'expertise sur l'économie de l'interconnexion et du service
universel
- M. Paul CHAMPSAUR, président,
- M. Jean-Pierre DARDAYROL, rapporteur général.
TELEASE CONSULTANT
- M. Mehdi HOUAS, président directeur général,
- M. Renaud FINAZ DE VILLAINE, directeur marketing et communication,
- M. Fabrice MOREAU, responsable marketing.
LEHMAN BROTHER'S
- M. Simon NORA, senior advisor Europe
85(
*
)
,
- M. Didier PERONNIN, managing director corporate France.
Personnalités qualifiées
- M. Jean-Pierre CHAMOUX, chef de la mission pour les services du
ministère des Finances,
- M. Elie COHEN, chercheur au CNRS
86(
*
)
,
- M.Christian STOFFAES, chargé du service de l'inspection
générale et de la prospective d'Electricité de France,
professeur à l'Institut d'Etudes politiques de Paris.
F. AUDITIONS DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
:
- M. Michel BON, président de France Télécom, et
M. Gérard MOINE, directeur des relations extérieures,
- M. Alain BRAVO, président de la commission
télécommunications du CNPF, et Mme Françoise CHASLES,
membre de la commission télécommunications du CNPF,
- M. René DUPUY, président de l'Amicale des cadres dirigeants
d'établissements de France Télécom, et M. Yves MARGUERITE,
délégué de la Commission stratégie,
- Mme Marie-Pierre LIBOUTET, secrétaire général de la
CFDT-PTT,
- M. Cyrille du PELOUX, président de la lyonnaise communication, et M.
Thierry CHAMBOLLE, directeur général délégué
pour la stratégie et le développement stratégie de la
Lyonnaise des Eaux,
- M. Jean SOULEIL, secrétaire de la fédération CGT-PTT, M.
Jacques LEGOFF, membre du bureau fédéral, et M. Christian
MATHORELL, membre du bureau fédéral.
II. - À L'ÉTRANGER
A. EN ALLEMAGNE
Ambassade de France - Poste d'expansion économique
- M. Francis CAHUZAC, conseiller commercial.
Deutsche Telekom
- M. Udo HÜCK, directeur exécutif général,
Identification et développement des marchés à
l'international,
- M. Bernard SPOHR, directeur, Regulierungsstrategie Europaïsche Union
- Mme Ulrike SCHUCH-DELITZ, Directeur adjoint, Regulierungsstrategie
Europaïsche Union
- M. Jörn KLOCKNER, directeur adjoint, Deutsche Telekom Generaldirektion.
Ministère fédéral des Postes et
Télécommunications
- M. Klaus-Dieter SCHEURLE, Chef de la Direction Questions fondamentales,
affaires internationales.
B. À BRUXELLES - Commission de l'Union européenne
Direction générale de la concurrence (DG IV)
- M. Karel VAN MIERT, commissaire,
- M. Philippe RENAUDIÈRE, conseiller technique au cabine de M. Van
Miert pour les questions de concurrence et de monopoles d'Etat,
- M. UNGERER, chef d'unité, chargé des
Télécommunications à la DG IV.
Direction générale des affaires industrielles, technologies de
l'information et des télécommunications (DG XIII)
- M. Martin BANGEMANN, commissaire
- Mme Dorothée BELZ, conseiller technique au cabinet de
M. Bangeman, pour les télécommunications,
- M. Jean-Eric de COCKEBORNE, chef d'unité du cadre réglementaire
des télécommunications (DG XIII).
C. AUX ETATS-UNIS
Ambassade de France
- M. François BUJON DE L'ESTANG, Ambassadeur de France.
Poste d'expansion économique
- M. Jean-Daniel GARDERE, Ministre plénipotentiaire des services de
l'expansion économique,
- M. François RIEGERT, Conseiller commercial,
- M. Damien REGNAULT, Attaché télécommunications,
- Mme Joëlle MARCHAND, Assistante commerciale.
ATT
- M. Reynold LEVY, vice-président relations publiques gouvernementales
et internationales,
- M. Frédéric TIPSON, directeur général,
International public affairs,
- M. Charlie MEYERS, Directeur, International public affairs,
- M. Patrice CHAZERAND, Directeur des affaires publiques (France).
France Télécom North America
- Mme Marie-Monique STECKEL, président,
- Didier DILLARD, vice-president, Business Development,
- Geoffroy DUBUS, Assistant vice-president, Market Observation,
- Jean LE MEZEC, Senior vice-president, Science and Technology,
- M. Benjamin EPSTEIN, vice-president, Business Development,
- Jane MOBILLE, vice-president, Corporate Planning and communications,
- Hélène MUSIKAS, Director Business Development,
- Aymerik RENARD, Associate Manager, Business Development.
Merrill-Lynch Investment Banking Group
- M. Alain LEBEC, Managing Director,
- M. Dick TOOL, Analyste financier.
Public service commission (PSC) de l'Etat du MARYLAND
- M. Gregory CAMEAN, executive director et deux de ses collaborateurs.
Federal communications commission (FCC)
- Mmes Rachelle CHONG et Susan NESS, commissaires de la FCC,
- M. Scott Blake HARRIS, chief international bureau,
- Mme Jennifer WARREN, legal advisor to the bureau Chief,
- Mme Diane CORNELL, chief, telecommunications division,
- M. Patrick DONOVAN, assistant bureau chief, policy coordination, common
carrier bureau,
- M. Robert PEPPER, chief, office of plans and policy,
- Mme Kathie LEVITZ, deputy chief, common carrier bureau,
- M. Peter COWHEY, chief, multilateral and development branch international
bureau.
National Telecommunications and information administration (NTIA)
- M. Larry IRVING, assistant secretary for communication and information,
administrator,
- Mme Carol CAMERON DARR, associate administrator, director of international
affaires,
- Mme Kathryn BROWN, director, office of policy analysis and development (OPAD),
- M. James McCONNAUGHEY, economist (OPAD),
- Mme Helen SHAW, senior telecommunications policy advisor, office of
international affairs,
- Mme Barbara WELLBERY, chief counsel.
Advanced Television Test Center (ATTC)
- M. Peter FANNON, president.
Consultants juridiques de France Telecom North America
- M. Ted KRAUSS, vice-president, legal and regulatory affairs (FNTA),
- M. Jeffrey CUNNARD, avocat chez Debevoise and Plimpton.
SPRINT INTERNATIONAL
- M. Davis F. LONG, Director, International regulatory Affairs,
- M. Stuart CHIRON, juriste chargé des questions internationales.
PERSONNALITÉS QUALIFIÉES
- Mrs Christy STRAWMAN, Representant Fields, Legislative Assistant in charge of
Commerce,
- M. Colin CROWELL, Representant Markey's Legislative, Assistant in charge of
Telecommunications,
- Ambassador Lady Diana DOUGAN, Chairperson for the International
Communications Studies Programme, CSIS,
- M. David LYTEL, Information Infrastructure Specialist, Executive Office of
the President Bill Clinton,
- M. William BERRY, Director European American Chamber of Commerce,
- Mrs Sharon BYWATER, Metropolitan Fiber System International,
- Mr Greg SIMON, Domestic Policy Advisor, Office of the Vice-President Al Gore,
- Mr David TURETSKY, Deputy Assistant Attorney General for Regulatory Affairs,
Department of Justice,
Lors du déplacement qu'il a effectué aux Etats-Unis du
29 novembre au 2 décembre 1995 avec M. François Fillon,
ministre délégué à la Poste, aux
Télécommunications et à l'Espace, le rapporteur s'est
également entretenu avec :
- M. Thomas BLILEY, Représentant de Virginie, Président de la
Commission " Energie, Commerce, Télécommunications " de
la Chambre des Représentants,
- M. Jack FIELDS, Représentant du Texas, Président de la
Sous-commission " Télécommunications " de la Chambre
des Représentants,
- M. William GOLDIN, Administrateur général de la NASA,
- M. Reed HUNDT, Président de la Federal Communications Commission (FCC),
- M. SENSENBRENNER, Représentant du Wisconsin, Président de la
Sous-commission " Espace et Aéronautique " de la Chambre des
Représentants.
ANNEXE 2 : LES EFFORTS DE RÉÉQUILIBRAGE TARIFAIRE DÉJÀ ENTREPRIS PAR FRANCE TÉLÉCOM
Les corrections accomplies dans le cadre du précédent contrat de plan (1991-1994)
Le contrat de plan signé entre France
Télécom et l'Etat en 1991 avait fixé comme objectif un
meilleur ajustement des tarifs de l'opérateur sur les coûts
réels de ses prestations. Dans le cadre d'une évolution des
tarifs globalement égale à la progression du PIB minorée
de 3 %, il était prévu, sur trois ans, une division par deux de
la durée de la communication téléphonique correspondant
à une unité locale.
Cependant, les décisions permettant la mise en oeuvre de cette
orientation n'ont été prises qu'en 1993 et le retard
accumulé a conduit à réaliser l'ajustement en une fois. Le
passage de six à trois minutes de la cadence de taxation locale s'est
opérée d'un coup, à compter du 15 janvier 1994.
Parallèlement, les communications interurbaines (au-delà de 100
kilomètres) ont diminué de 10 %.
Dans le même temps, suite au comité interministériel
d'aménagement du territoire qui s'était tenu à Mende, le
12 juillet 1993, avaient été créées les zones
locales élargies glissantes (ZLEG), elles aussi prévues dans le
contrat de plan.
Cette réforme, importante du point de vue de l'aménagement du
territoire, avait pour but d'étendre le tarif des communications locales
aux circonscriptions tarifaires limitrophes de celle du demandeur. Elle
assurait une meilleure prise en compte des réalités
géographiques économiques et humaines, notamment par l'abolition
de l'effet de frontière existant entre circonscriptions voisines. Elle
réduisait aussi l'inégalité entre abonnés de
grandes villes et abonnés des zones d'habitat dispersé : la
superficie des nouvelles zones locales et le nombre de correspondants pouvant
être joints au tarif des communications locales étaient ainsi
multipliés en moyenne par un coefficient égal à 7.
Les effets de la réforme tarifaire d'envergure ainsi
opérée ont fait l'objet d'une évaluation, sur un
échantillon d'environ 100.000 lignes téléphoniques
représentatives du parc français, de ce qu'aurait
été la facture des clients sur l'ensemble de l'année 1994
si les tarifs de France Télécom n'avaient pas changé. Ces
factures fictives ont été comparées aux factures
réellement acquittées par les clients en 1994.
Au vu des résultats obtenus par cette enquête et de multiples
études et sondages, un bilan de la réforme tarifaire a
été établi par la direction générale des
postes et télécommuniations (DGPT). Ce bilan a mis en
évidence des effets positifs de la réforme pour les utilisateurs
puisqu'elle s'est
traduite par une baisse moyenne de 3,4 % du prix du
téléphone
jouant pour toutes les catégories
d'utilisateurs même si elle est plus prononcée pour certaines
catégories d'utilisateurs (diminution globale de l'ordre de 6,6 % pour
les entreprises et de 0,3 % pour les ménages).
Elle a également apporté une amélioration significative de
la géographie tarifaire à travers l'augmentation du nombre
d'abonnés accessibles au tarif local. Aujourd'hui, aucune zone locale ne
compte moins de 150.000 abonnés.
Elle a enfin assuré une plus grande équité entre les
utilisateurs. L'écart entre la plus grande et la plus petite des zones
locales est passé de 800 à 25 en nombre d'abonnés
accessibles au tarif local.
Les ajustements programmés dans l'actuel contrat de plan (1995-1998)
La réforme de 1994 n'a pas achevé l'effort
d'ajustement tarifaire que France Télécom doit réaliser
pour être en phase avec les prix du marché.
Le contrat de plan en cours précise expressément que :
" La contribution essentielle de France Télécom au
développement du territoire sera constituée par la
réduction de l'importance du poids de la distance dans la structure
tarifaire du téléphone et des liaisons louées ainsi que
par des corrections de géographie tarifaire visant à en
améliorer l'équité. "
Ce document fixe également le cadre de la politique tarifaire de
l'opérateur. Il stipule, notamment, une poursuite de la baisse des
communications à longue distance et une évolution des prix
appliqués aux liaisons louées, qui sont de nature à
permettre aux clients de disposer de tarifs comparables aux meilleurs tarifs
européens.
La combinaison de cette disposition avec celle relative à
l'aménagement du territoire entraîne que les plus fortes baisses
devraient concerner :
- les communications téléphoniques à grande distance ;
- les communications Numéris à longue distance ;
- les liaisons louées nationales de type numérique à moyen
et haut débit, tout comme celles à longue distance ;
- les liaisons louées internationales.
En outre, son contrat de plan impose à France Télécom que
l'évolution des prix des services de base soit globalement
inférieure d'au moins 4,5 % en 1995, 5 % en 1996, 5,5 % en 1997 et 6 %
en 1998, à celle des prix à la consommation.
ANNEXE 3 : ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Le secteur des télécommunications n'est pas
visé par le Traité de Rome. De ce fait, la Communauté s'en
est longtemps désintéressée. La Commission
européenne n'a décidé d'élaborer un Livre vert en
ce domaine qu'en décembre 1984. C'est l'adoption de l'Acte unique et
l'objectif de construction du grand marché intérieur qui l'a, en
définitive, amenée à mettre en place une véritable
politique en ce domaine.
La publication, en 1987, du Livre vert de la Commission sur le rôle des
télécommunications dans la construction européenne et les
discussions qui l'ont suivie ont amené à définir des
règles d'actions largement mises en oeuvre et étoffées
depuis.
Une mise en oeuvre progressive
L'ouverture du marché des terminaux
Dans le domaine des matériels de
télécommunications, la Communauté s'est attachée
à favoriser la constitution d'un marché intérieur
unifié des équipements terminaux (postes
téléphoniques, terminaux téléinformatiques,
télécopieurs, répondeurs, téléphones sans
fils, modems, mais aussi centraux téléphoniques
d'entreprises...), c'est-à-dire des matériels permettant
d'accéder aux réseaux de télécommunications.
Pour ce faire, elle a institué une procédure de reconnaissance
mutuelle des agréments accordés à ces équipements
dans chaque État membre. Cette procédure a été
mise en oeuvre par deux directives du Conseil : la directive
n° 86-361 du 24 juillet 1986 et la directive
n° 91-263 du 29 juillet 1991.
Parallèlement à cette oeuvre d'harmonisation impulsée par
le Conseil, la Commission a -sur le fondement de l'article 90-3 du
Traité de Rome- adopté, en 1988, une directive ouvrant à
la concurrence l'importation, la commercialisation, la mise en service et
l'entretien de terminaux de télécommunications, sous
réserve du respect d'un certain nombre d'exigences essentielles.
Soulignons au passage, qu'en France, au moment de la parution de cette
directive, la fourniture de tels équipements n'était
déjà plus réservée au seul opérateur public.
Dans notre pays, les terminaux destinés à être
connectés au réseau public doivent obtenir un agrément
pris sur le fondement d'un arrêté transposant les directives
communautaires intervenues en la matière. Cet agrément vise
à vérifier le respect des exigences essentielles que sont, par
exemple, la protection de l'intégrité du réseau ou la
sécurité de l'utilisateur et des personnels travaillant sur le
réseau. En outre, la publicité pour les terminaux non
agréés est interdite.
Une libéralisation partielle des services de télécommunications
Pour ce qui concerne les services, les règles retenues ont été formulées par le compromis adopté, le 7 décembre 1989, sous présidence française, par le Conseil des ministres des Télécommunications.
Le compromis de 1989
Le compromis de 1989 repose sur l'acceptation
simultanée :
- d'une séparation des fonctions de réglementation et
d'exploitation, qui, en France, a conduit à transformer France
Télécom -administration d'État- en exploitant autonome de
droit public ;
- d'une ouverture à la concurrence de la plupart des "
services
de télécommunications à valeur
ajoutée
"
87(
*
)
, ainsi que -dans
des conditions permettant d'assujettir les nouveaux opérateurs à
des obligations de service public similaires à celles supportées
par l'opérateur en place- les "
services de transmission de
données
"
88(
*
)
;
- d'une exclusion de ce processus de libéralisation des services par
satellite, de la téléphonie mobile, de la radiomessagerie, ainsi
que des services de radiodiffusion et de télédiffusion
destinés au grand public ;
- d'un
maintien des droits exclusifs et spéciaux
reconnus aux
opérateurs publics
sur le
service téléphonique
vocal entre points fixes
(qui représente entre 75 et 80 % de
l'économie du secteur)
et
les infrastructures publiques
;
- d'une harmonisation des conditions dans lesquelles les opérateurs
traditionnels doivent répondre aux demandes d'accès à
leurs réseaux présentées par les nouveaux prestataires
autorisés.
Ces orientations ont été mises en oeuvre par deux directives
communautaires en date du 28 juin 1990.
La première
(n° 90-387), dite directive " ONP-cadre "
(Open
Network
Provision ou fourniture d'un réseau ouvert) a été prise
par le Conseil sur le fondement de l'article 100 A du Traité de
Rome. Elle fixait les grandes règles à respecter par les
détenteurs de réseau public pour garantir l'accès des
prestataires autorisés à ces réseaux et assurer une
harmonisation minimale en ce domaine dans toute la Communauté
89(
*
)
.
La seconde
(n° 90-388), dite
directive " services ",
prise par la Commission sur le
fondement
de l'article 90-3 du même Traité, organisait la concurrence sur le
marché des services de télécommunications.
En application de ces textes, la France a modifié sa législation
relative aux télécommunications. La loi du 29
décembre 1990 a limité le monopole de France
Télécom à l'établissement des réseaux
ouverts au public, ainsi qu'au service de télex et de
téléphonie vocale entre points fixes.
Plus précisément,
en matière de réseaux
, le
régime ainsi institué reconnaît à l'exploitant
public, France Télécom, des droits exclusifs pour
l'établissement des réseaux ouverts au public. Par
dérogation, des autorisations peuvent cependant être
accordées pour certains réseaux radioélectriques ouverts
au public (radiotéléphone, réseaux utilisant les
capacités de satellites). Une procédure d'autorisation
préalable est organisée pour l'établissement de
réseaux indépendants, c'est-à-dire réservés
à l'usage privé d'une entreprise ou à l'usage
partagé d'un groupe fermé d'utilisateurs, sauf pour les moins
importants d'entre eux qui peuvent être établis librement.
Les règles applicables aux
services
sont
différenciées selon les catégories instituées par
le texte.
Seuls sont réglementés les services fournis au
public et non ceux qui sont fournis à l'intérieur d'une
entreprise ou d'un groupe fermé d'utilisateurs
.
Le service du téléphone entre points fixes et le service
télex sont réservés à l'exploitant public. Les
services de transmission de données, dits services
" supports ", sont soumis à un régime d'autorisation
encadré par un cahier des charges. Les services de radiocommunications
et les services de télécommunications sur les réseaux
câblés, doivent, dans tous les cas, faire l'objet d'une
autorisation préalable.
Les autres services à valeur ajoutée sont offerts en libre
concurrence. Leur fourniture est soumise à une simple déclaration
préalable. Pour les plus importants d'entre eux, une autorisation est
exigée lorsqu'ils utilisent des liaisons louées à
l'exploitant public, afin de vérifier qu'il ne s'agit pas de services de
simple transport de données relevant du régime applicable aux
services " supports ".
On constate, à l'analyse, que le texte français allait, à
l'époque, au-delà de ce qu'exigeaient les directives
communautaires puisque -contrairement à ce qu'elles autorisaient- il ne
réservait pas à l'opérateur public les communications par
satellite, ni la radiotéléphonie mobile.
La fixation d'un objectif de libéralisation générale des services téléphoniques et l'extension du processus aux infrastructures
Le bilan de l'application des directives de 1990
précitées a été dressé, par la Commission de
Bruxelles, deux ans après leur publication. Au vu de ses
éléments, le Conseil des ministres des
Télécommunications du 16 juin 1993 a fixé comme
objectif la généralisation de la concurrence sur tous les
services de télécommunication, à compter du
1er janvier 1998.
Cette décision impliquait que, sauf exception
spécifique
90(
*
)
, les États membres
auraient l'obligation à cette date :
de permettre l'accès des prestataires au réseau public de
téléphonie vocale ;
d'ouvrir la concurrence sur l'ensemble des services de
téléphonie vocale publique entre points fixes.
Par ailleurs, dans la même résolution, le Conseil
considérait qu'il était nécessaire de définir la
politique communautaire qui serait appliquée aux communications mobiles,
aux communications par satellite et aux infrastructures de
télécommunications.
La poursuite du mouvement de libéralisation des services de télécommunications
Le principe d'un accès des prestataires de services au
réseau public de
téléphonie vocale
supposait que
les règles posées par la directive dite " ONP "
(90-387) soient modifiées en conséquence.
Après de longues discussions, le Conseil et le Parlement ont abouti
à une position commune au premier semestre 1995, sous présidence
française. La proposition de directive en découlant a
été adoptée, par la Commission, le 14 novembre
dernier. Elle fait actuellement l'objet de consultation auprès des Etats
membres.
Parallèlement, la Commission a adopté, en octobre dernier, une
directive ouvrant les réseaux câblés de
télédistribution à la fourniture de services de
télécommunications à compter du 1er janvier 1996.
Dans le domaine des
services de télécommunications stricto
sensu
, une nouvelle proposition de directive du Parlement européen
et du Conseil relative aux licences nécessaires à la prestation
de ces services a été adoptée, par la Commission, le 14
novembre 1995.
Ce texte prévoit notamment que, dans toute la mesure du possible, les
autorisations générales devront être
préférées aux licences individuelles et que les Etats
pourront ne pas subordonner l'accès au marché à un
régime d'autorisation. Il fait actuellement l'objet d'une consultation
des Etats membres.
Pour les
communications par satellite
, le Livre vert publié en
novembre 1990, proposait de leur étendre les principes
réglementaires en vigueur pour le secteur des
télécommunications.
Cette orientation, approuvée par le Conseil en décembre 1991, a,
suite aux décisions de 1993, fait l'objet d'une directive d'octobre 1994
-fondée sur l'article 90-3 du Traité- étendant le
champ d'application de la directive dite " services "
(90-388) pour
ouvrir à la concurrence le marché des services de
télécommunications par satellite.
S'agissant des
télécommunications mobiles
, la Commission
s'est appuyée sur le Livre vert relatif aux communications mobiles et
personnelles publié en décembre 1994 pour adopter, en juin
1995, un projet qui, après avis des Etats membres, devrait conduire
à une directive en cours d'adoption.
L'extension aux infrastructures de télécommunications
En ce qui concerne les infrastructures, le Conseil de
décembre 1993 avait confié à un groupe d'industriels de
premier plan, présidé par M. Martin Bangueman, le commissaire en
charge du dossier, le soin d'étudier les mesures qui pourraient
être envisagées par l'Union européenne .
Le rapport de ce groupe de travail, rendu public en mai 1994, concluait que :
- l'avènement de la "
société de
l'information
" était inéluctable et aurait des
conséquences bénéfiques pour l'économie, la
croissance, le progrès social et la construction européenne ;
- l'entrée de l'Europe dans cette "
société de
l'information
" ne pouvait être conduite que par les forces du
marché.
Il estimait, par ailleurs, que les technologies existantes permettraient
d'effectuer cette entrée sans délai et que, le
phénomène étant mondial, il convenait que l'Europe agisse
vite pour ne pas se laisser distancer par ses concurrents extérieurs.
Sur la base de ces analyses, il préconisait notamment un
achèvement du processus de libéralisation en
ouvrant la
concurrence sur les infrastructures.
La Commission a repris cette orientation. Elle en a esquissé les
modalités de mise en oeuvre dans son Livre vert d'octobre 1994 sur la
libéralisation des infrastructures de télécommunications
et des réseaux de télévision par câble.
Considérant qu'une telle libéralisation était une
condition nécessaire à l'exercice d'une concurrence
équitable et dynamique, la France en a soutenu le principe. Elle a
toutefois fait valoir que cette ouverture à la concurrence devait
s'accompagner, d'une part, de dispositions propres à assurer le partage
équitable du coût des obligations de service universel entre les
acteurs du marché et, d'autre part, d'une régulation
économique de l'interconnexion. Elle estimait qu'à défaut,
les nouveaux entrants pourraient procéder à un
écrémage du marché et interdire, par là même,
une rémunération satisfaisante des investissements de
réseaux consentis antérieurement par les opérateurs en
place.
En décembre 1994, sur la base du Livre vert précité, le
Conseil des ministres a retenu le principe de la libéralisation de la
fourniture d'infrastructure, de télécommunications, le
1er janvier 1998, à la même date que celle
arrêtée pour les services et dans les mêmes
conditions
91(
*
)
.
La France, fidèle à ses prises de position antérieures,
s'est attachée à ce que la résolution traduisant cette
position comporte l'engagement d'adopter les mesures d'accompagnement
nécessaires.
En application de la résolution du Conseil, la Commission a
adopté, en juillet 1995, deux projets de directives. La
première (référencée E-467, dans les documents
communautaires transmis au Sénat), fondée sur l'article 100
A du Traité, propose au Conseil et au Parlement européen
d'harmoniser les conditions de l'interconnexion et du financement des
obligations du service universel. La seconde (E-508), en cours d'adoption, vise
à amender la directive " services " (90-388) pour supprimer
les droits exclusifs et spéciaux au 1er janvier 1998, en ce qui
concerne la téléphonie vocale publique et les infrastructures.
Par ailleurs, dans le cadre de la négociation de l'acceptation de
l'accord Atlas par la Commission européenne, la France s'est
engagée à permettre aux propriétaires
d'infrastructures
alternatives
92(
*
)
d'offrir au public
des
services de télécommunications déjà
libéralisés
(ce qui exclut la téléphonie vocale
entre points fixes)
à compter du
1er
juillet 1986
.
ANNEXE 4 : EXTRAITS DU CAHIER DES CHARGES DE FRANCE
TÉLÉCOM
(CONDITIONS GÉNÉRALES D'EXÉCUTION DES
SERVICES PUBLICS ET CONTRIBUTIONS AUX MISSIONS DE L'ÉTAT)
ANNEXE 5 : RÉSOLUTION N°53 DU
SÉNAT, RELATIVE À PLUSIEURS PROPOSITIONS ET PROJETS DE DIRECTIVES
COMMUNAUTAIRES DANS LE DOMAINE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
ANNEXE 6 : STATUT DES PREMIERS OPÉRATEURS
MONDIAUX DE TÉLÉCOMMUNICATIONS
Rang
|
Opérateur |
Pays |
CA
|
Statut |
Date du dernier changement de statut/futur |
1 (1) |
NTT |
Japon |
71.183 |
Sté privée à
capitaux majoritairement
publics :
|
1986/
|
2(2) |
AT & T |
Etats-Unis |
50.160 |
Société commerciale
|
Séparation juridique des
activités services/infra/
|
3 (3) |
Deutsche Telekom |
Allemagne |
37.308 |
Société de droit
privé à capitaux
publics Holding public
|
Privatisation prévue pour 1996 |
4 (4) |
France Télécom |
France |
25.682 |
Exploitant autonome de droit droit public Etat 100 % |
1990 |
5 (5) |
BT |
Royaume-Uni |
21.607 |
100 % privé
|
BT devient société privée en août 84 |
6 (8) |
Telecom Italia |
Italie |
18.048 |
Société de droit
privé à
majorité publique :
|
Fusion de 4 filiales de la STET
et
cotation en bourse le 18
août 1994
|
7 (6) |
Bell South |
Etats-Unis |
16.845 |
Sté commerciale à capitaux privés |
Démantèlement d'AT&T le 01.01.84 |
8 (7) |
GTE |
Etats-Unis |
15.905 |
Sté commerciale à capitaux privés |
|
9 (10) |
Bell Altantic |
Etats-Unis |
13.791 |
Sté commerciale à capitaux privés |
Démantèlement d'AT&T le 01.01.84 |
10 (11) |
MCI |
Etats-Unis |
13.338 |
Sté commerciale à capitaux privés |
|
11 (9) |
Nynex |
Etats-Unis |
13.307 |
Sté commerciale à capitaux privés |
Démantèlement d'AT&T le 01.01.84 |
12 (13) |
Sprint |
Etats-Unis |
12.662 |
Sté commerciale à capitaux privés |
|
13 (12) |
Ameritech |
Etats-Unis |
12.569 |
Sté commerciale à capitaux privés |
|
14 (16) |
Telefonica |
Espagne |
11.786 |
Société anonyme depuis
1984
|
OPV par l'Etat de 12 % du capital le 4 octobre 1995 |
15 (14) |
SBC Com |
Etats-Unis |
11.619 |
Sté commerciale à capitaux privés |
|
16 (15) |
US West |
Etats-Unis |
10.953 |
Sté commerciale à capitaux privés |
Démantèlement d'AT&T le 01.01.84 |
17 (26) |
Telebras |
Brésil |
10.038 |
Société détenue à 58 % par l'Etat |
1972 |
18 (19) |
Teltra
|
Australie |
9.254 |
Société commerciale à capitaux publics Etat : 100 % |
issu de la fusion début 92 de Telecom Australia et Overseas Telecom. Corp. Ouverture du capital prévue pour 1996 ou 1997 |
19 (17) |
Pacific Telesis |
Etats-Unis |
9.235 |
Sté commerciale à capitaux privés |
Démantèlemenmt d'AT&T le 01.01.84 |
hc (hc) |
NTT Docomo |
Japon |
8.121 |
Filiale à 97,6 % de NTT pour les mobiles |
Activité filialisée en juillet 92 |
20 (20) |
Telmex |
Mexique |
7.806 |
Société commerciale à capitaux privés |
Privatisation en décembre 1990, vente des dernières parts de l'Etat en mai 94 |
1
Voir liste des personnes
rencontrées en annexe 1.
2
Sur la base des classements publiés par l'Expansion le 10
novembre 1995.
3
Détenue à 100 % par France Télécom.
4
L'avenir du secteur des télécommunications en
Europe - Rapport Sénat n° 129 (1993-1994).
5
Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion.
6
Sur la base du cours moyen de change du dollar américain
au second semestre 1994 utilisé par l'OMSYC et à partir de ses
évaluations en dollars.
7
Il a réalisé pendant l'exercice 1994-1995 un
chiffre d'affaires de 20,6 milliards de marks (72 milliards de francs) et
est présent dans quarante pays.
8
En 1994.
9
Rapport d'information n° 343 (Sénat ; 1993-1994).
10
Président : Jean François-Poncet ; Rapporteurs :
Gérard Larcher, Jean Huchon, Roland du Luart, Louis Perrein.
11
Président : Jean François-Poncet ; Rapporteurs :
Gérard Larcher, Jean-Marie Girault, Claude Belot.
12
On peut lire les débats qu'a suscité, à la
Chambre des Députés, le " projet de loi concernant le rachat
des téléphones " les 6, 9 et 10 juillet 1889 au Journal
Officiel des 7 (p. 1856), 9 (p. 1908 à 1914) et 10 juillet 1889 (p.
1920).
13
Dans le cadre de la préparation du présent
rapport, lors de son audition devant la Commission des Affaires
économiques, le 24 janvier dernier, M. Michel Bon, Président de
France Télécom, a indiqué qu'il avait pris la
décision d'accélérer le processus d'installation des
stations de base en en programmant l'installation de 1.600 en 1996 (contre
1.000 en 1995 et 600 en 1994) et qu'à terme rapproché l'objectif
était de desservir 95 % du territoire et 99 % de la population.
14
Relevons toutefois qu'en 1994 France Télécom avait
une note de 7,6 et EdF-GdF de 7,2.
15
A la fois pour la Poste et France Télécom.
16
Hors coût des reclassements dans les nouvelles
échelles indiciaires.
17
5,8 milliards de francs au titre de la contribution
complémentaire de France Télécom et 0,9 milliard de francs
au titre de la compensation et de la surcompensation.
18
12,7 milliards de francs de provision sont inscrits à ce
titre au bilan de l'opérateur à la fin de 1994.
19
Hors compensation démographique et hors provision pour
charges de retraite.
20
20 points
lorsqu'on prend en compte les provisions pour
charges de retraite et le coût de la compensation démographique.
21
Téléphone, kiosque vocal Audiotel,
télématique, télécopie,
radiotéléphone (Itinéris, Radiocom 2000), Bi Bop,
radiomessagerie (Eurosignal, ...), annuaires...
22
Autres que celles des pays bénéficiant d'un
délai supplémentaire.
23
L'Espagne, l'Irlande, la Grèce et le Portugal
bénéficieront d'un délai supplémentaire de
5 ans.
24
L'avantage des satellites en orbite basse (700 kms au lieu de
36.000 kms pour les satellites géostationnaires qui sont
traditionnellement utilisés en télécommunications), c'est
qu'il est possible de s'y connecter avec des petits terminaux sans fil, comme
les téléphones cellulaires ou certains micro-ordinateurs.
25
Par ailleurs, auteur de l'ouvrage " Et Dieu créa
Internet ".
26
Interview dans 01 Informatique du 16 juin 1995.
27
Le 5 février 1995, à l'occasion du
déplacement effectué à New York et Washington dans le
cadre de l'élaboration du présent rapport d'information.
28
Mission conclue par le rapport remis, en juin 1994, par M.
Marcel Roulet, Président de France Télécom, à M. le
Ministre de l'Industrie, des Postes et Télécommunications et du
Commerce extérieur sur l'avenir du Groupe France Télécom.
29
C'est d'ailleurs souvent la raison pour laquelle il a
été érigé en service public.
30
Rapport de la commission présidée par M. Christian
Stoffaes - Services publics. Questions d'avenir - Commissariat
général du Plan. Editions Odile Jacob/La documentation
française - Septembre 1995 - p. 46/47.
31
Rapport Sénat n° 129 (1993-1994).
32
NB : France Télécom et la Poste.
33
Annexé au décret du 29 décembre 1990,
publié au JO du 30 décembre 1990, p. 16.569 à 16.558.
34
Voir le texte de l'ensemble de ces dispositions en annexe 4.
35
qui reprend des principes exprimés dans des
résolutions antérieures du Conseil.
36
Cf. article 2 du cahier des charges de France
Télécom, joint en annexe 4.
37
Car même si la subvention ainsi accordée
bénéficie aux plus démunis, elle est également
attribuée à des catégories sociales disposant des moyens
de payer les services téléphoniques à un plus juste prix.
38
JO du 26 mars 1991.
39
Une telle disposition constituerait une véritable
mutilation pour l'opérateur public et serait lourde de
conséquences négatives.
40
En vertu du contrat de plan passé avec l'État,
France Télécom doit, au total, consacrer au moins 4% de son
chiffre d'affaires à la recherche.
41
Résolution n° 53 relative aux propositions d'actes
communautaires E-467, E-507, E-508 et E-509, jointe en annexe n°5.
42
Rapport d'information Sénat n° 129 (1993-1994) :
voir notamment p. 57 à 58 et p. 71 à 80.
43
Proposition de résolution n° 15 (1995-1996)
adoptée en séance publique le 12 octobre 1995.
44
Rapport Sénat n° 355 (1994-1995) : voir notamment p.
23 à 24 à propos de la réciprocité dans le secteur
des télécommunications.
45
Cable and Wireless, société privatisée en
1985, fournit depuis un siècle des services de
télécommunications aux pays du Commonwealth et exploite, à
cet effet, des réseaux internationaux.
46
Le respect de la libre entreprise est un principe exprimé
dans la Constitution américaine.
47
C'est le même droit qui s'applique à l'Etat et aux
personnes privées (les pays anglo-saxons ne connaissent pas
l'équivalent de notre droit administratif). En outre, les lois et
règlements n'y ont pas la même place que dans les systèmes
de droit régalien : ils s'inscrivent dans un processus contumier,
complétant des jurisprudences antérieures et ne s'appliquant
pleinement que lorsqu'ils sont à leur tour précisés par de
nouvelles jurisprudences.
48
Tant, aux Etats-Unis, entre les organes du pouvoir central
(éxécutif, législatif, judiciaire) qu'entre l'Etat
fédéral et les Etats fédérés (la
compétence des Etats étant la règle, celle de l'Etat
fédéral l'exception).
49
Quoique, par maints aspects, la politique de New Deal
menée par F.D. Roosevelt s'en approche.
50
Créé par la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication.
51
Crée par l'ordonnance n° 86-1243 relative
à la liberté des prix et de la concurrence.
52
Par entreprise " dominant un marché ",il
convient d'entendre une entreprise qui répond à plusieurs
critères tels que : sa puissance financière, son accès aux
fournisseurs et aux clients, ses relations avec d'autres entreprises,
l'existence d'obstacles à l'entrée sur le marché d'autres
entreprises et aussi, finalement, sa propre part du marché. La loi
contre les limitations de concurrence définit ce seuil à au moins
33 % du marché.
53
CNPF. Réponse à la consultation publique (p. 10).
54
Club informatique des grandes entreprises françaises.
Selon ses dirigeants, les membres du Club assurent, à eux seuls, environ
20 % du chiffre d'affaires de France Télécom.
55
Réponse du CIGREF à la consultation du
ministère des technologies de l'information et de la Poste (p. 17 et 18).
56
Intervention lors de la Table ronde concluant la consultation
publique organisée sur les nouvelles règles du jeu pour les
Télécommunications en France. Paris, 9 janvier 1996.
57
Réponse du Groupe Bouygues au document soumis à
consultation publique (p. 24).
58
Contribution de France Télécom à la
consultation publique lancée par le ministère chargé des
Télécommunications (page 33).
59
Document précité, p. 10.
60
Intervention précitée de M. Jean-Marie Messier,
Directeur général de la CGE.
61
Qui sont aussi parfois avancés de ce côté-ci
du Rhin.
62
Rapport Sénat n° 112 (1995-1996).
63
Résolution n° 53, précitée,
relative aux propositions d'actes communautaires E-467, E-507, E-508 et E-509,
jointe en annexe n°4.
64
Forums électroniques de discussion sur Internet.
65
Qui consistent à limiter l'évolution des prix
d'une année sur l'autre en fonction d'un plafond (cap).
66
Voir liste en annexe 6.
67
Dont le Président était M. Ernest Cartigny et le
rapporteur M. Serge Vinçon.
68
Rapport Sénat n° 330 (1990-1991).
69
Qui tend à subordonner la négociation de groupe
à la négociation de branche.
70
Articles L. 441-1 et suivants du code du travail.
71
Pour les raisons exposées dans le chapitre I (V) du
présent titre.
72
C'est, nous l'avons vu, la plus grande fragilité
commerciale.
73
200 milliards de francs - 90 milliards de francs -
décote liée à l'offre d'actions d'opérateurs de
télécommunications présentant des comptes plus attractifs
: le solde résiduel pourrait être de l'ordre de 100 milliards de
francs.
74
Avis Sénat n° 79 (1995-1996), page 17.
75
Soit de l'ordre de 7,5 milliards de francs avec les
contributions à la " compensation démographique ".
76
Si les autres éléments d'appréciation
conjoncturelle (date de l'opération, perspectives tarifaires...) sont
favorables.
77
le pourcentage réservé aux personnels ne se
déduisant pas de la somme puisqu'ils compteraient parmi les acheteurs.
78
25 milliards de soulte + 6,2 milliards de remboursement des
pensions versées en 1996 + 2,4 milliards de remise de dette +
52 milliards de recettes de sociétisation.
79
Si, les propositions avancées dans le cadre du
présent développement étaient suivies.
80
Dans ce second cas, la difficulté se trouve
doublée d'un problème juridique car les carrières de la
fonction publique d'État et de la fonction publique territoriale sont
disjointes.
81
Ils sont 24.000 dans ce cas à France
Télécom.
82
La pension étant calculée sur les derniers
traitements versés, une bonification indiciaire aurait à
être envisagée si l'agent peut encore espérer augmenter son
traitement par l'application des règles d'avancement à
l'ancienneté.
83
A sa demande.
84
A sa demande.
85
Membre du Conseil d'administration de France
Télécom.
86
Ancien membre du Conseil d'administration de France
Télécom.
87
Par " services à valeur ajoutée ", on
désigne tous les services nécessitant non seulement la
transmission et la commutation d'un signal, comme la téléphonie,
mais aussi un traitement particulier de ce signal, lui ajoutant une plus-value.
88
Par " services de transmission de données ",
on
entend l'exploitation commerciale du simple transport de données,
c'est-à-dire un service dont l'objet est de transmettre et d'acheminer
des signaux entre les points de terminaison d'un réseau de
télécommunications, sans faire subir à ces signaux de
traitements autres que ceux nécessaires à leur transmission,
à leur acheminement et au contrôle de ces fonctions.
89
Cette directive " ONP" a été suivie, en juin
1992, d'une directive du Conseil (n° 92-44) sur les lignes
louées, qui demandait aux Etats membres que les organismes de
télécommunications rendent disponibles certains types de lignes
louées à tous les prestataires. Cette directive " lignes
louées " a été transposée en droit
français par un décret du 23 juillet 1993.
90
Octroi de délais supplémentaires pour les pays
dont les réseaux sont peu développés (5 ans) et pour les
pays ayant un très petit réseau (2 ans).
91
A savoir l'octroi des délais supplémentaires
mentionnés précédemment.
92
Les infrastructures alternatives sont des infrastructures
privées de télécommunications installées et
exploitées par des entreprises pour la satisfaction de leurs besoins
propres et destinés à une utilisation exclusivement interne. On
peut citer parmi ces réseaux ceux de la SNCF, d'EdF, d'Air France, des
sociétés concessionnaires d'autoroutes et de certaines
régies municipales de transports (Lille, Marseille, Lyon).