Tous les opérateurs doivent participer à la prise en charge des missions de service universel
S'il n'est pas encore possible, à l'heure actuelle, de
déterminer avec précision le coût -vraisemblablement assez
significatif- du service universel, cela n'interdit nullement de fixer dans la
loi les principes de sa répartition.
Le groupe d'expertise précité sur l'économie de
l'interconnexion et du service universel, animé par M. Champsaur, a
prévu de remettre son rapport au mois d'avril prochain. Le Gouvernement
disposera alors de tous les éléments lui permettant d'appliquer
ces principes.
Le Parlement aura comme principale responsabilité en ce domaine à
déterminer quelles seront l'assiette et les modalités des
soutiens du marché au service universel.
Pour votre commission,
tous les exploitants de réseaux ouverts au
public et tous les prestataires de services téléphoniques
destinés au public devront participer à la prise en charge des
missions de service universel.
Cette participation prendrait la forme soit de l'accomplissement direct d'un
nombre limité de tâches de service universel (ex. : desserte
de territoires isolés en cabines téléphoniques) par des
opérateurs le demandant, soit, plus généralement, d'une
contribution au financement de l'ensemble des missions relevant du service
universel.
Par cohérence avec la position sur le rééquilibrage
tarifaire, qu'il exposera plus avant, votre rapporteur estime nécessaire
que
cette contribution
-à établir proportionnellement au
volume d'activité des assujettis-
compense les coûts de
péréquation géographique et sociale du service universel,
mais aussi, jusqu'à leur résorption, ceux découlant des
déséquilibres tarifaires historiques de l'opérateur
chargé d'assurer toutes les composantes de ce service universel. Ceci
doit inclure la part de son " déficit d'accès " qui
peut, sans conteste, être considérée comme contribuant
à ces déséquilibres.
Les experts ont, sans doute,
techniquement
raison quand ils expliquent
qu'il serait préférable, pour une régulation
homogène de la concurrence, que les prix s'approchent des coûts
sur tous les segments du marché. C'est l'optimum vers lequel il faut
tendre et qu'il conviendra de réaliser, dès que possible. Mais,
tant qu'il n'aura pas été opéré, il ne saurait
être
politiquement
question de faire supporter à
l'opérateur historique un handicap concurrentiel tout à fait
exorbitant, qu'il assume pour des raisons sociales.
La compensation du service universel doit être juste
,
c'est-à-dire qu'elle ne doit couvrir que des charges dûment
identifiées et comptabilisées par une entité
indépendante, mais toutes ces charges sans exception.
Sur la méthode de collecte de la compensation financière,
l'option entre un " fonds de service universel " et une
redevance
complémentaire aux charges d'interconnexion, qui était
proposée initialement par le Gouvernement, paraît pouvoir
être combinée de manière différente dans le temps.
Jusqu'à la résorption des déséquilibres
tarifaires historiques du service public à la population
, le
financement des coûts imputables aux obligations de service universel
serait assuré :
- d'une part, par un prélèvement complémentaire aux droits
d'interconnexion au réseau de service universel ; ce
prélèvement aurait à
couvrir le coût net des
obligations de péréquation tarifaire, y compris celui
résultant des déséquilibres historiques
;
- d'autre part, par un fonds de service universel alimenté
indépendamment de l'interconnexion et affecté au financement du
coût net des obligations de service universel devant (annuaire universel,
renseignements téléphoniques...) ou pouvant (cabines
téléphoniques servant à l'aménagement du
territoire) être partagées entre plusieurs intervenants.
Après résorption des déséquilibres tarifaires
historiques du service public
, le fonds conserverait sa vocation
première, mais serait également utilisé pour rembourser
à l'opérateur de service universel le coût net de ses
seules obligations de péréquation tarifaire. Le
prélèvement complémentaire aux droits d'interconnexion
serait alors supprimé et remplacé par une redevance assise sur le
chiffre d'affaires téléphonique des exploitants de réseaux
et des prestataires de services de télécommunications.
Nos amis allemands formulent habituellement deux objections à
l'encontre du recours à une redevance d'interconnexion pour financer le
service universel : son absence de transparence et le risque qu'en augmentant
les coûts d'accès aux réseaux existants, les concurrents ne
soient tentés d'en développer de nouveaux qui ne
répondraient pas à de réels besoins collectifs.
Eu égard notamment à l'importance des enjeux sociaux que recouvre
cette question en France, de tels arguments
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)
ne sauraient toutefois suffire
à écarter la solution recommandée.
Tout d'abord, l'identification des deux composantes de l'interconnexion (le
prélèvement spécifique au service universel et le droit
d'usage du réseau) sur les factures correspondantes ne pose qu'un
problème de moyens informatiques dont il appartient à
l'exploitant public de se doter. Ensuite le risque de voir se multiplier les
réseaux filaires inutiles, pour cause de majoration du prix
d'accès aux réseaux existants, apparaît
singulièrement limité à partir du moment où ceux
envisageant de développer ces infrastructures redondantes devront
acquitter des droits de passage aux collectivités locales.
Au total, le seul effet économique sensible que pourrait avoir le
dispositif
temporaire
qui est proposée serait d'inciter au
développement des réseaux hertziens. Si tel était le cas,
on ne pourrait que s'en féliciter, eu égard aux retards
accumulés par la France dans ce domaine.