LES OBLIGATIONS SPÉCIFIQUES DE L'OPÉRATEUR PUBLIC DOIVENT ÊTRE JUSTEMENT COMPENSÉES
Le montant des charges de service universel reste à être clairement établi
Selon
Bouygues Télécom
, le
troisième opérateur français de téléphonie
mobile, le
coût du service universel
ne devrait pas
dépasser
2 milliards de francs
, dont seulement 150 à
300 millions de francs au titre de l'aménagement du territoire.
Plus précisément, dans la réponse faite par cette
entreprise à la consultation publique lancée par le
ministère, on peut lire (page 22) :
" Le Cabinet Analysys a évalué, pour notre compte, le
coût du service universel en France, lequel se monte tout au plus
à 2 % du chiffre d'affaires du réseau téléphonique
public commuté (RTCP) de France Télécom, soit
2 milliards de francs maximum, limite supérieure qu'il convient de
ne pas dépasser. Après rééquilibrage tarifaire,
compte tenu de l'augmentation des recettes de télécommunications
qui en découleraient, le coût du service universel ne
représenterait plus que 1 % du chiffre d'affaires du RTCP, soit 1
milliard de francs.
[...]
Quant à la nécessité d'avoir accès en tout point du
territoire au réseau téléphonique commuté public,
en particulier dans les zones rurales ou reculées, celle-ci est souvent
considérée comme la partie la plus importante de ce coût du
service universel. Il n'en est rien. Le Cabinet Analysys estime que cette
contrainte d'aménagement du territoire ne représente, en fait,
que 15 % du coût total du service universel, soit de 150 à 300
millions de francs, en fonction de l'état de rééquilibrage
des tarifs. Le résultat sur le coût de l'aménagement du
territoire a été obtenu à partir de plusieurs
études commandées par des régulateurs nationaux et par la
Commission européenne, en particulier celle réalisée, l'an
dernier, au Royaume-Uni pour l'OFTEL, le régulateur britannique, dans
laquelle il apparaît que seules 1,2 % des lignes
téléphoniques au Royaume-Uni desservent à coût
élevé des zones reculées et doivent donc être
financées au titre du service universel "
.
A l'inverse, même si aucun chiffre n'a officiellement été
avancé, quand des évaluations sont formulées au sein de
France Télécom,
les montants les plus souvent cités
ne sont pas inférieurs à
20 milliards de francs
.
Un écart de 1 à 10 entre les deux évaluations
!
Le fait, déjà signalé, que France Télécom ne
dispose pas encore d'une comptabilité analytique permettant de faire
ressortir clairement ses coûts n'est pas sans favoriser le
caractère surréaliste du débat.
Il n'en reste pas moins que ce débat se trouve obscurci par la
complexité technique de certaines évaluations.
Ainsi, on sait que le coût d'une ligne téléphonique est
inversement proportionnel à la densité de population. Pour
calculer la charge de desserte des zones les moins denses, il suffit donc, en
théorie, de calculer le coût moyen de pose d'une ligne et de faire
la différence avec les dépenses engagées sur des
territoires peu peuplés. Cependant, cette dernière estimation
dépend très largement du type de découpage
géographique retenu et, là encore, des chiffres dont dispose
l'opérateur historique.
La controverse se trouve aussi alimentée par des divergences quant aux
bases de l'évaluation.
D'aucuns sont tentés d'estimer la valeur du réseau de France
Télécom non pas à ses coûts historiques
(c'est-à-dire, ceux acquittés pour le construire : très
élevés), mais à l'aune de ce qu'il faudrait investir
aujourd'hui pour le mettre en place avec les nouvelles technologies (des sommes
beaucoup moins importantes), ce qui minore très sensiblement les volumes
d'amortissement à répartir. D'autres font valoir que le montant
de l'abonnement représente la moitié de la facture
téléphonique pour 30 % des consommateurs. Ils en
déduisent que la charge sociale du service universel est
considérable, mais ils oublient que dans cette statistique annuelle sont
englobées une grande part des factures acquittées par les
propriétaires de résidences secondaires.
Surtout, France Télécom estime que la couverture insuffisante des
coûts fixes de son réseau local pose un problème qui
"
n'est pas dissociable de celui du service
universel
", dans
la mesure où ce dernier sera encore assuré, pendant plusieurs
années, "
grâce à des tarifs d'abonnements
inférieurs aux coûts fixes
"
58(
*
)
. L'opérateur historique juge,
en conséquence, que "
c'est bien l'ensemble des
opérateurs utilisant le réseau local qui doivent contribuer
à la couverture des coûts fixes
"
1
.
Ceux qui sont favorables à l'ouverture de la plus large concurrence
possible contestent ce point de vue. Ainsi, le CNPF fait observer que :
" Le fait que l'ensemble des frais fixes ne soient pas couverts par
les
abonnements peut être un choix commercial. A titre d'exemple, on peut
citer certaines offres de radiomessageries telles que Tatoo proposée
depuis peu sans abonnement par France Télécom. Il ne faudrait
donc pas systématiquement imputer le déficit de couverture des
frais fixes du réseau local aux obligations demandées par l'Etat
et imposer des charges d'accès se fondant sur ce
déséquilibre. "
59(
*
)
La Générale des Eaux est également très nette sur
ce point
: " on nous dit que le service universel doit comprendre
la
compensation de ce qu'on appelle le " déficit
d'accès ", c'est-à-dire de la différence entre les
coûts du raccordement des abonnés et le tarif de l'abonnement, que
l'on sait plus bas en France que dans les grands pays voisins. C'est pour nous
difficilement compréhensible et totalement inacceptable. Il a bien un
déficit lié au service universel, mais il ne recouvre que le
déficit lié aux obligations de desservir des abonnés que
certains qualifient un peu brutalement de " non
rentables ", que ce
soit par leur faible consommation ou leur localisation géographique
difficile. Ce déficit total doit d'ailleurs être mis en regard de
la rente découlant des gros abonnés bien situés. Le
déficit d'accès pris dans son ensemble est quant à lui
lié avant tout à une distorsion tarifaire de l'abonnement qui
doit être corrigée
60(
*
)
".
Dans son principe,
ce débat sur l'inclusion du " déficit
d'accès " dans l'assiette financière du service universel
demande un
arbitrage politique clair.
Cependant, plusieurs des aspects de la discussion sur le coût du service
universel revêtent un caractère éminemment technique.
Aussi, la constitution, dès le mois d'octobre dernier, d'un groupe
d'expertise, présidé par M. Paul Champsaur, Directeur
général de l'INSEE, et chargé de dessiner le financement
du futur service public de télécommunications a-t-elle
été une initiative très judicieuse. Il s'agit, en effet,
que les arbitrages politiques à prendre puissent s'effectuer à
partir de données chiffrées incontestables et reconnues comme
telles par les acteurs économiques concernés, ainsi que par nos
partenaires européens.