La loi doit garantir la modernisation du service public et son ouverture sur l'avenir
En assurer une consolidation immédiate
Sur proposition de son rapporteur, votre Commission des
Affaires économiques s'est déclarée favorable à ce
que
soient inscrites dans la loi de démonopolisation
, d'une part,
la prohibition de saisir le poste téléphonique d'un
particulier
faisant l'objet d'une procédure de saisie
mobilière et, d'autre part,
l'interdiction de déconnecter sa
ligne
et de le priver ainsi de toute possibilité de recevoir des
appels ou de joindre les secours d'urgence. Dans cette hypothèse,
l'abonné pourrait être privé du droit de passer des
communications -autres que celles correspondant à des numéros
d'urgence-, mais ne saurait voir rompre le " fil de la vie
sociale ".
Serait ainsi établi, indirectement, un service universel minimal
entièrement gratuit.
Bien entendu, des sanctions pécuniaires importantes pourraient
être instituées pour dissuader des détournements abusifs de
cette procédure et assurer qu'elle se trouve réservée
à ceux qui connaissent une situation sociale difficile.
Votre commission soutient parallèlement le principe, retenu par
M. François Fillon, ministre délégué à
la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace,
d'une
évolution du périmètre et du contenu du service universel
au rythme du progrès technique et des développements du
marché.
L'examen de l'opportunité de telles adaptations pourraient être
programmées dans la loi sous forme, par exemple, de
rendez-vous
quinquennaux
au cours desquels le Parlement examinerait le bilan de
fonctionnement du service universel. Ce bilan aurait à être
dressé par le Gouvernement.
Dans le même ordre d'idée, la modernisation du service universel
apparaît, à votre rapporteur, imposer une remise en cause
partielle des conceptions monolithiques qui président actuellement
à sa mise en oeuvre. Assurer une prestation téléphonique
de qualité à un prix abordable pour tous, ce n'est pas
nécessairement proposer le même produit au même prix au plus
grand nombre.
D'autres entreprises de service public, telle EdF-GdF, l'ont compris.
Il
faut accroître la liberté de choix des abonnés et offrir
des prix encore plus abordables
que les actuels, en permettant une
gradation combinée des prestations et des tarifs. Le présent
rapport avancera plusieurs suggestions en ce sens (Titre II - Chapitre III -
II).
Outre cette triple confortation du service universel, la loi à venir
aura aussi, dans l'intérêt de l'aménagement du territoire,
à étendre le champ du service public de
télécommunications, en y intégrant l'obligation
de
garantir en tout point de l'espace national l'accès à des
services de télécommunications de haut niveau
, tels que le
réseau numérique à intégration de services (RNIS),
la commutation de données par paquets et des liaisons
spécialisées.
Ces services ne seraient pas soumis aux exigences tarifaires des prestations de
service universel et pourraient donc être proposés à des
conditions commerciales. Ils auront toutefois à respecter le principe
d'égalité, dans la mesure où celui-ci interdit de traiter
de manière différente des situations comparables.
En préparer l'avenir
Ce souci d'irriguer de la manière la plus large les
zones rurales au moyen des télécommunications doit
simultanément conduire à réfléchir aux moyens
permettant de gommer leur principal handicap en la matière : le
coût difficilement amortissable, sur des populations de taille
limitée et les importants investissements d'ingénierie civile que
nécessite la pose d'infrastructures filaires.
C'est la raison pour laquelle il apparaît indispensable à votre
commission de
réserver en priorité aux campagnes
, par
préférence aux villes,
le bénéfice des nouvelles
technologies de communication par voie hertzienne
, moins dispendieuses,
comme le MMDS (Microwawes Multichannel Diffusion System : système
de diffusion multiplexée par canal micro-ondes). Il convient
également
d'en assurer la couverture la plus rapide possible en
radiotéléphonie et en radiomessagerie mobiles
.
De ce point de vue, votre Commission des Affaires économiques ne peut
que
soutenir l'initiative
du ministre délégué aux
Postes et Télécommunications
visant à créer
,
dans la loi de démonopolisation,
une Agence nationale des
fréquences radioélectriques
. Une telle instance lui
apparaît, en effet, de nature à gérer au mieux la ressource
rare que constitue le spectre des fréquences tout en favorisant une
amplification de ses utilisations civiles.
Préparer l'avenir du service public, c'est aussi ne pas le concevoir
comme la simple reproduction de ses formes passées.
Dans cette perspective,
la conception du service universel
développée par l'Union européenne n'est pas sans
refléter une certaine indigence d'ambition au regard de ce qui pourrait
être envisagé
ou de ce qu'ont déjà retenu les
États-Unis dans leur " Telecommunication Act " du 8
février 1996.
Ce texte ouvre notamment, dans le cadre du "
universal
service
", la possibilité de desservir en services de
télécommunications avancés ("
advanced
telecommunications services
"), à des tarifs inférieurs
à ceux exigés habituellement ("
at rates less than the
amounts charged for similar services to other parties
"), un
certain
nombre d'établissements assurant des tâches d'intérêt
général (écoles élémentaires et secondaires,
bibliothèques, centres de soins à but non lucratif situés
dans des zones rurales).
L'audace créative du législateur français en ce domaine
n'a d'ailleurs rien à envier à celle de son homologue
américain puisque dans la loi pour l'aménagement et le
développement du territoire (n° 95-115 du 4 février 1995)
plusieurs dispositions,
introduites à l'initiative du
Sénat
, orientent l'action publique en ce sens. Ainsi, l'article
premier précise que la politique d'aménagement a notamment pour
but d'assurer l'égal accès au savoir de chaque citoyen. Surtout,
en application de ce principe, l'article 20 qui impose l'élaboration
d'un schéma national des télécommunications exige que
ledit schéma examine
"
les conditions prioritaires dans
lesquelles pourraient être mis en oeuvre les raccordements aux
réseaux interactifs à haut débit des établissements
et organismes éducatifs, culturels ou de formation
".
Las, l'actuelle législation communautaire exclut que le service
universel des télécommunications intègre de telles
perspectives. Les conséquences s'en déduisent d'elles-mêmes
:
- l'article 129 B du Traité sur l'Union européenne a fixé
comme objectif la réalisation de grands réseaux
transeuropéens de télécommunications, mais ceci n'est
toujours qu'un voeu pieux ;
- plus du tiers des centres éducatifs américains
bénéficient déjà d'une connexion à Internet,
alors que la liste des écoles ou lycées européens dans ce
cas ne doit pas être bien longue, et les États-Unis prennent les
moyens législatifs de creuser l'écart.
Faut-il se résigner à ce décrochage ?
Votre rapporteur et, avec lui, votre Commission des Affaires économiques
s'y refusent !
Il faut à Bruxelles, mais aussi en France,
explorer les voies
permettant de brancher au moindre coût nos enfants sur les réseaux
de l'avenir
. Il s'agirait que dès l'âge scolaire -et qu'ils
soient dans l'enseignement public ou dans l'enseignement privé- ils
puissent, dans " les lieux du savoir ", avoir la possibilité
de se familiariser avec les modes de communication qu'ils auront à
employer tout au long de leur vie d'adulte et dont la maîtrise par la
population décidera de l'efficacité des économies
nationales.
Comment faire ?
Intégrer un tel projet dans le service universel ? Si cela est
décidé sans progressivité pour tous les
établissements concernés, on risque d'accroître
sensiblement le coût de ce service. Il pourrait en résulter une
atténuation des gains de productivité dont notre appareil de
production devrait bénéficier du fait de la concurrence. Cela
pourrait se révéler pénalisant pour nos entreprises, si
nous étions seuls à promouvoir une telle stratégie en
Europe.
Peut-on envisager des réponses hors service universel et hors service
public sous forme, par exemple,
d'appels d'offres
régionaux ou
départementaux
subventionnés, où celui qui emporterait
le marché serait le " moins disant " en termes de demandes
de
subventions ?
Des entreprises soucieuses de leur image de marque ne
seraient-elles pas capables d'avancer des offres dépourvues de demandes
de subventions ? Peut-on miser sur l'intérêt commercial à
long terme que représenterait
ce type de mécénat
pour un opérateur dynamique ? Pourquoi pas ?
Sur ce point, votre commission et votre rapporteur n'ont pas la
prétention de chercher à apporter une réponse
définitive. Ils souhaitent principalement lancer le débat.