ELLES DOIVENT REPOSER SUR DES ENGAGEMENTS FORTS DU GOUVERNEMENT
Les évolutions juridiques qu'annoncent la mutation
concurrentielle du secteur des télécommunications suscitent des
interrogations, voire des préoccupations, plus ou moins fortement
exprimées, à la fois parmi les Français, parmi les
élus locaux et au sein du personnel de France Télécom.
Les premiers s'inquiètent mezza voce des futures conditions d'exercice
du service public téléphonique, les deuxièmes des
perturbations qui pourraient en résulter pour l'aménagement du
territoire et la desserte des zones rurales en télécommunications
avancées, les derniers pour leur statut et l'avenir de leurs missions.
Ce malaise n'a pas lieu d'être
. Il n'en doit pas moins être
résorbé. C'est pourquoi, le Gouvernement aura à accentuer
son effort de communication en ce domaine et
à répéter
avec force que
:
le lien social essentiel qu'assure le téléphone sera garanti et
même, si on suit les préconisations du présent rapport,
conforté ;
l'égalité de traitement du territoire en
télécommunications sera réaffirmée, voire
améliorée ;
le statut des personnels de l'opérateur historique et de l'importance
des missions que leur confie la Nation seront confirmés.
ELLES SUPPOSENT UN CALENDRIER DE MISE EN OEUVRE FERME ET RAPIDE
Il faut qu'au plus tard à la fin de l'année
1996, les réformes législatives dont on débat depuis
bientôt trois ans, à savoir la démonopolisation de la
téléphonie et la sociétisation de France
Télécom, soient accomplies.
A continuer à les annoncer sans les faire, on finirait par
accroître l'angoisse de ceux qui les redoutent et à les rendre si
difficiles que les entreprendre deviendrait aventureux. En outre, on
dilapiderait presque toutes nos chances de conserver un champion national parmi
les premiers du monde dans l'économie de demain : celle de la
communication.
La stratégie de découplage des deux textes que le Gouvernement a
retenue est cohérente. Il est toutefois nécessaire que, d'une
part, celui relatif à la démonopolisation soit adopté
avant la fin de la session unique de 1996 -et donc présenté au
Parlement au plus tard début avril- et que, d'autre part, celui
opérant la sociétisation de France Télécom se
trouve examiné et voté au cours du dernier trimestre de la
même année.
Sur le premier texte, la France s'est, en effet, engagée à
permettre dès le 1er juillet 1996 l'ouverture de la
concurrence sur les infrastructures dites alternatives (réseaux de
télécommunications de la SNCF, des sociétés
d'autoroutes, d'Air France...). Il convient qu'elle respecte cette
échéance.
En ce qui concerne le second projet de loi, l'urgence est un peu moindre. La
mise sur le marché de la première tranche du capital de Deutsche
Telekom (50 à 75 milliards de francs), en novembre prochain, va en
quelque sorte " essorer " le marché des liquidités
financières internationales à même de se porter sur une
valeur de télécommunication. Il ne sera donc guère utile
d'être en mesure de proposer une part minoritaire du capital de France
Télécom sociétisée sur le même marché
à la même date.
En revanche, il faudra être prêt à réaliser
l'opération dans les premiers mois de 1997.
Selon certaines analyses financières, les tergiversations passées
auraient déjà pu conduire à minorer de
plusieurs
dizaines de milliards de francs la valeur estimée de l'entreprise.
De fait, cette valeur se trouve appréciée en fonction des
résultats passés et des évolutions prévisibles sur
les cinq années suivant l'année de calcul. Ainsi, plus on se
rapproche du 1er janvier 1998, plus les évaluations tendent
à baisser, du fait des incertitudes quant à l'impact de la
concurrence sur le niveau des recettes.
De ce point de vue, l'année la plus favorable eut sans doute
été 1993 : celle où M. Gérard Longuet, alors
ministre des postes et des télécommunications, avait
proposé d'engager une procédure de sociétisation.
En outre, plus le nombre de titres de sociétés de
télécommunications offerts sur le marché s'accroît,
plus la rareté de ce type de titre diminue et cela n'est pas sans
influencer la cotation des nouveaux titres.
Ainsi, à autres facteurs de valorisation constants, au vu de
l'évolution de sa marge brute d'auto-financement, la valeur totale de
France Télécom pourrait varier de quelque 240-250 milliards
de francs début 1994 à 200-210 milliards de francs
début 1997. Cela équivaudrait à une perte d'environ
30-40 milliards de francs en trois ans, sous le seul effet du report de la
réforme et de la mise en vente d'une partie des actions de Deutsche
Telekom.
Or, entre le début de 1997 et 1998, ce n'est pas moins de 75 à
100 milliards de francs de titres d'entreprises européennes de
télécommunications dont la vente est programmée sur le
marché financier international (1ère tranche pour STET, Telia,
TeleDanmark ; 2e tranche de Telefonica et de Telecom Portugal ;
3ème tranche de KPN).
On ne peut plus attendre indéfiniment. Rien qu'en termes de recettes
potentielles de sociétisation (maximum de 49 % de la valeur du
capital),
les délais déjà acceptés pourraient
représenter une perte de l'ordre de 15 à 20 milliards de
francs.
L'équivalent du budget du ministère de la Justice
!
A un moment où le budget de l'Etat a cruellement besoin de
ressources et où il serait nécessaire de le solliciter pour
assurer les meilleures conditions d'adaptation concurrentielle à France
Télécom, est-ce là un luxe qu'on peut raisonnablement
continuer à s'offrir ?
Alors qu'il serait de l'intérêt de France Télécom et
de ses personnels de voir rapidement transférer sur le budget
général une partie des charges de retraite pesant sur
l'entreprise, le report des décisions les plus appropriées au
règlement de ce problème ne leur est-il pas objectivement
préjudiciable ?
Votre rapporteur incline à répondre par l'affirmative à
cette dernière question. C'est pourquoi, il estime que le seul
élément pouvant éventuellement amener à
infléchir le calendrier qu'il propose serait un nouveau report de la
vente des titres de Deutsche Telekom, sachant qu'un premier report a
déjà eu lieu. Dans cette hypothèse -peu probable - on
pourrait en effet se demander s'il ne conviendrait pas de prendre les
dispositions permettant à France Télécom de remplacer
Deutsche Telekom.
*
Les développements qui suivent n'ont pas d'autres objets que de démontrer que les orientations politiques qui viennent d'être esquissées sont non seulement essentielles pour la France, mais aussi et surtout qu'elles ne lèsent aucun des intérêts sociaux concernés. Bien au contraire, elles apparaissent, à l'analyse, les seules à mêmes d'assurer une sauvegarde effective de ces intérêts.