UN DOUBLE DÉFI SOCIAL ET MORAL
UN DÉFI SOCIAL
La communication sociale n'est pas satisfaisante à
France Télécom.
Après avoir rencontré toutes
les organisations du personnel et discuté directement avec plus d'une
cinquantaine de " télécommunicants ", votre rapporteur
en est convaincu. Le bilan généralement tiré des
" reclassifications " l'a conforté dans cette opinion.
Certes, on n'assiste pas à une paralysie du dialogue social
institutionnel. L'accord très novateur sur le temps partiel conclu, en
novembre dernier, avec quatre des syndicats représentatifs du personnel
est là pour le démontrer.
Pourtant les messages circulent mal au sein de l'entreprise. Les orientations
suivies ne sont pas toujours présentées suffisamment clairement
au personnel pour qu'ils les comprennent et puissent y adhérer.
Ainsi, il est difficile de ne pas considérer comme
révélateur qu'un document officiel consacré à
France Télécom par l'un des plus importants syndicats de
salariés énonce successivement que :
" Aujourd'hui, France Télécom est centralisé et
hiérarchisé à l'excès, ce qui constitue toujours
une de ses faiblesses. Le poids de l'organisation bureaucratique et de la
culture taylorienne ont continuellement défavorisé le
personnel ".
" L'adaptation de France Télécom aux nouveaux enjeux passe
avant tout par l'existence d'un projet et
d'une stratégie sociale
basée sur la mise en oeuvre de règles collectives connues de
tous
.... ".
De même, on ne peut manquer d'être frappé par le fait que
les programmes de réorganisation internes ayant pour objet de rapprocher
l'entreprise de ses clients soient présentés aux salariés
sous des sigles aussi éloquents que ÉO1, ÉO2 et
ÉO3. Chacun de ces acronymes aussi hermétique
qu'ésotérique signifie
" évolution de
l'organisation -
phase 1, phase 2 et phase 3 "
. Plus
qu'un
programme, ces barbarismes revèlent une philosophie sociale ! Ils
expriment une conception de l'action collective qu'un observateur
extérieur peut difficilement s'empêcher d'estimer
déphasée au regard des enjeux. Utiliser de telles expressions
pour, de nos jours, rassembler dans un grand projet commun des hommes et des
femmes d'un haut niveau moyen de formation, c'est oublier qu'une
communauté humaine ne comprend pas le langage binaire, mais des mots et
des images qui lui décrivent une ambition où elle est
impliquée.
Si ceux qui composent la force humaine d'une entreprise ne perçoivent
pas les contours du chemin que leurs dirigeants leur proposent de suivre quand
les temps présents leur semblent incertains, comment s'étonner
qu'ils nourrissent des appréhensions face à l'avenir ?
Aujourd'hui, votre rapporteur a le sentiment qu'à France
Télécom beaucoup des salariés ont peur de l'avenir parce
qu'on ne sait pas leur expliquer les " challenges "
individuels et
collectifs qu'ils vont avoir à relever. De ce fait, ils n'ont plus
confiance dans ce qui leur est dit.
Certes, l'arrivée prochaine de la concurrence explique une grande part
de leur inquiétude. Mais l'équivoque de certains des discours qui
leur ont été tenus l'a amplifiée. De ce point de vue, la
" valse hésitation " qui a eu lieu, avant les
présidentielles, à propos de la transformation de l'entreprise en
société anonyme détenue majoritairement par l'Etat, n'a
pas été sans influence dans la crispation d'une majorité
des personnels à la perspective de changements dont la
nécessité n'est pas comprise.
Or, rien de grand et de fort ne saurait réussir à France
Télécom sans que les hommes et les femmes de l'entreprise n'y
soient associés.