UN STATUT DE DROIT ADMINISTRATIF
L'article premier de la loi n° 90-568 du
2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de
la poste et des télécommunications a fait de France
Télécom, à compter du 1er juillet 1991, une
" personne morale de droit public "
désignée sous l'appellation "
d'exploitant
public
".
La jurisprudence administrative a depuis reconnu qu'au delà de son
caractère spécifique, cette terminologie instituait un
établissement public industriel et commercial (EPIC).
Il en résulte que,
confrontée à un environnement en
pleine mutation, l'entreprise continue à être régie par des
règles administratives conçues pour assurer son action dans un
cadre économique stable.
Cette inadéquation flagrante entre son régime juridique et les
exigences de son marché avait été critiquée par
votre rapporteur lors de la discussion de la loi de 1990. Depuis, sous l'effet
de l'accélération des évolutions économiques et
juridiques en cours, ce décalage entre le droit applicable et les
exigences de l'action s'est aggravé.
Il constitue un handicap d'autant plus grave que le statut de l'entreprise va
de pair avec son assujettissement à des contributions de retraite tout
à fait exorbitantes du droit commun.
DES CHARGES DE RETRAITE ASPHYXIANTES
Le régime de retraite appliqué à France Télécom
France Télécom emploie aujourd'hui plus de
150.000 personnes dont 97 % sont des fonctionnaires qui relèvent du
régime spécial de retraite de la fonction publique défini
dans le Code des Pensions Civiles et Militaires (PCM).
Les agents contractuels sont, pour leur part, assujettis au régime
général de sécurité sociale et cotisent à
des régimes complémentaires obligatoires : IRCANTEC pour les
agents contractuels de droit public et ARRCO-AGIRC pour les salariés
régis par la Convention commune La Poste-France Télécom.
S'agissant des fonctionnaires,
l'article 30 de la loi 90-568 du
2 juillet 1990
relative à l'organisation du service public de
la poste et des télécommunications a posé le principe
selon lequel
les pensions des fonctionnaires de France Télécom
sont versées par l'Etat et intégralement remboursées
à ce dernier par l'exploitant public.
Ce remboursement s'effectue d'une part grâce à une retenue
effectuée sur le traitement des fonctionnaires dont le taux, aujourd'hui
de 7,85 %, est fixé par le Code des PCM et d'autre part grâce
à une contribution complémentaire, assimilable à une
cotisation patronale, permettant la prise en charge intégrale des
pensions des agents retraités de France Télécom.
En outre, France Télécom rembourse à l'Etat les charges
résultant des mécanismes de compensation -compensation
généralisée démographique vieillesse- et de
surcompensation -compensation spécifique vieillesse-.
Ce système de retraites s'applique également à La Poste.
Les charges de pensions versées aux agents fonctionnaires de La Poste ou
de France Télécom mis à la retraite avant le 1er janvier
1992, sont forfaitairement partagées entre eux : 61,6 % pour La Poste,
38,4 % pour France Télécom. Les pensions des fonctionnaires mis
à la retraite après le 1er janvier 1992 sont prises en charge par
l'exploitant public dont relève l'agent le jour de sa radiation des
cadres.
Ce mécanisme entraîne que les charges de pensions incombant
à France Télécom depuis 1990 et prévues pour 1995
se présentent comme suit :
CHARGES DE PENSION DE FRANCE TÉLÉCOM (en millions de francs) |
|||||
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
Prévision 1995 |
Remboursement à l'Etat des charges de pensions |
6.157 |
6.451 |
7.020 |
7.229 |
7.671 |
dont cotisations salariales |
1.281 |
1.321 |
1.422 |
1.399 |
1.466 |
dont contributions complémentaires de France Télécom |
4.876 |
5.130 |
5.598 |
5.830 |
6.205 |
ajustement sur exercice antérieur |
|
|
|
- 150 |
|
versement total |
6.157 |
6.451 |
7.020 |
7.079 |
7.671 |
En outre, les contributions de France Télécom au financement de la compensation généralisée démographique vieillesse et de la compensation spécifique vieillesse sont retracées ci-dessous :
CONTRIBUTIONS DE FRANCE TÉLÉCOM À LA " COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE "
(en millions de francs)
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
Prévision 1995 |
Compensation et surcompensation |
1.157 |
1.233 |
1.819 |
1.377 |
1.367 |
Ajustement sur exercice antérieur |
|
|
|
- 485 |
|
Versement total |
1.157 |
1.233 |
1.819 |
892 |
1.367 |
En 1994, la charge globale du paiement des pensions s'est
donc
élevée à environ 8,1 milliards de francs, dont 1,4
milliard de francs au titre de la cotisation salariale et 6,7 milliards
à la charge de l'opérateur
17(
*
)
.
Le versement annuel de France Télécom correspondant aux
versements effectifs des pensions payées aux retraités de France
Télécom et n'ayant pas le caractère de cotisation
libératoire, ceci conduit France Télécom à
s'engager sur le futur pour assurer le financement en tant que de besoin des
retraites de ses fonctionnaires.
Depuis 1992, l'exploitant public provisionne d'ailleurs, de manière
partielle, ses futures charges de retraite
18(
*
)
.
Ce régime se différencie donc très nettement d'un
régime à cotisations libératoires, du type de celui du
régime général, où le versement des cotisations
effectué par l'entreprise est juridiquement déconnecté du
niveau des pensions servies et libère ainsi l'entreprise de tout
engagement sur le futur.