C. UN EFFORT BUDGÉTAIRE ANNONCÉ DE PRÈS DE 5 MILLIARDS D'EUROS IMPOSSIBLE À RECONSTITUER

1. Une absence de budget consolidé fiable qui se traduit par d'importantes divergences de chiffrage
a) Les données transmises par l'État : des différences entre le chiffrage par le cabinet du secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté et celui de la préfecture

Les crédits alloués par l'État au plan Marseille en grand ne sont pas suivis de manière consolidée. Il en résulte que le montant total de l'effort financier de l'État est non seulement très peu fiable mais également évolutif dans le temps.

Ainsi, les sites internet de l'Élysée et celui de la préfecture des Bouches-du-Rhône évoquent 5 milliards d'euros sans toutefois faire la distinction entre les crédits nouveaux spécifiquement ouverts à cette fin, les crédits existants déjà au sein des programmes budgétaires et les garanties d'emprunts ou avances remboursables.

D'après un tableau transmis par le secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté, les montants du plan Marseille en grand se décomposent comme suit par axe :

Composition des crédits alloués au plan Marseille en grand

(en euros)

Axes

Annonces

Montants annoncés

Sécurité/police

Installation de 500 caméras de vidéoprotection dans les quartiers Nord et sur les lieux de trafic

Chiffrage en cours

Moderniser l'équipement des forces de l'ordre

8 000 000 €

Nouvel hôtel de police

150 000 000 €

Commissariat commun des 13/14ème arrondissements

8 500 000 €

Logement

Rénovation urbaine ANRU

650 000 000 €

Santé

Réhabilitation et soutien aux hôpitaux

799 000 000 €

Éducation / Jeunesse

Rénovation des écoles

1 050 000 000 €

Écoles innovantes et microstructures

2 500 000 €

Emploi

Carrefours de l'entreprenariat

17 700 000 €

Jeunes créateurs

Cinéma

Plan de modernisation

25 000 000 €

Cinéfabrique

Chiffrage en cours

Cinémathèque

Chiffrage en cours

Base logistique

Chiffrage en cours

Mobilités

Mobilité

1 000 000 000 €

LNPCA

1 400 000 000 €

Extension et desserte aérogare Marignane

Chiffrage en cours

Environnement

Odysséo

Chiffrage en cours

TOTAL

5 110 700 000,00 €

Source : Commission des finances à partir des réponses du secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté

Cependant, l'analyse des réponses du secrétariat d'État permet un chiffrage plus fin qui ne correspond ni aux annonces du Président de la République ni aux éléments chiffrés transmis par la préfecture des Bouches-du-Rhône.

Tableau comparatif des crédits alloués aux différents axes
du plan Marseille en grand

(en euros)

Source : Commission des finances à partir des réponses du secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté, de la préfecture et du discours du Président de la République

Selon les réponses transmises, le total des mesures pour lesquels des montants ont été annoncés est donc compris entre 2,9 et 5,1 milliards d'euros.

b) Des données encore différentes dans le contrat métropolitain de relance et de transition écologique (CMRTE)

La maquette financière du CMRTE, signé entre la métropole et l'État, présente, quant à elle, des chiffres quelques peu différents pour les seuls domaines relevant de la compétence de la métropole.

Ainsi, sont prévus dans le contrat au titre du plan Marseille en grand un total de 2,4 milliards d'euros, en provenance de l'État, composés comme suit :

- 256 millions d'euros de crédits et 744 millions d'avances remboursables pour les mobilités alors que d'après les données transmises par la préfecture des Bouches-du-Rhône, 500 millions seront consacrés aux transports ;

- 600 millions d'euros pour la rénovation urbaine contre 650 millions d'euros évoqués par la préfecture et le secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté ;

- 14,7 millions d'euros pour l'emploi des jeunes ;

- 540 millions d'euros au titre du Ségur de la santé pour moderniser et assainir la situation financière des établissements de santé ;

- 239 millions d'euros spécifiquement pour l'AP-HM ;

- 28 millions d'euros pour les investissements du quotidien des établissements de santé et médico-sociaux soit un total de 807 millions d'euros pour la santé contre 766,9 millions d'euros dans les chiffres de la préfecture et du secrétariat d'État.

En ajoutant le milliard d'euros prévu pour les écoles, le total de 5 milliards d'euros n'est toujours pas atteint non plus dans le CMRTE.

Il en résulte que le montant total du plan, de 5 milliards d'euros, semble relever largement d'effets d'annonce.

2. Une origine des crédits pas toujours aisée à identifier

L'analyse de l'origine des crédits, en s'appuyant sur les réponses transmises, aboutit quant à elle à des montants encore différents de sorte que, là encore, il est impossible, à ce jour, de reconstituer précisément les 5 milliards d'euros annoncés.

En outre, une large partie de l'enveloppe provient de crédits déjà existants qui seront fléchés sur les actions du plan Marseille en grand, de montants correspondant à des garanties d'emprunts (650 millions d'euros pour les écoles) ou encore à des avances remboursables (744 millions d'euros pour les transports).

Ainsi, d'après les éléments transmis par le secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté aux rapporteurs spéciaux, les crédits alloués au plan Marseille en grand proviendraient des programmes suivants :

Origine des crédits affectés au plan Marseille en grand

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances à partir des réponses du secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté

AE : autorisations d'engagement / FIPDR : fonds de prévention de la délinquance et de la radicalisation / ONDAM : Objectif national de dépenses d'assurance maladie / MIG : mission d'intérêt général8(*) / FIR : fonds d'intervention régional9(*) / COPERMO : comité interministériel de performance et de l'offre de soins (comité supprimé à l'issu du Ségur de la santé en juillet 2020).

À ces montants, doivent être ajoutés les garanties d'emprunts à hauteur de 650 millions d'euros pour le volet « écoles ». À l'inverse, les crédits dédiés à l'avance remboursable de 744 millions d'euros pour le volet « transport », initialement annoncés, ont été supprimés car transformés, en partie, en subventions.

Concernant le volet « santé », des ressources extra budgétaires seraient encore attendues pour des montants restant en discussion.

De surcroit, dans les faits, les 500 millions d'euros pour les transports semblent portés directement par l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), sur ses ressources fiscales propres, et non résulter de dotations supplémentaires de l'État à l'établissement public.

Concernant les 650 millions d'euros de l'ANRU, 66 millions d'euros seront consacrés à la rénovation des écoles de sorte qu'ils sont comptabilisés deux fois dans le tableau ci-dessus et dans les chiffrages du secrétariat d'État ou de la préfecture.

Enfin, l'affectation de 169 millions d'euros prévus pour la modernisation de l'AP-HM a été décidée lors du comité interministériel de performance et de l'offre de soins en janvier 2020 soit plus d'un an avant le lancement du plan Marseille en grand.

Au total, les chiffres transmis ne permettent pas d'obtenir un total de 5 milliards d'euros. Certaines actions ne sont pas chiffrées. De surcroit, des crédits annoncés comme nouveaux étaient déjà actés antérieurement au lancement du plan ou proviennent de fonds existants, sans pouvoir vérifier si ces derniers ont été abondés spécifiquement pour le plan Marseille en grand.

3. Des crédits évolutifs ventilés, sur 10 programmes budgétaires et trois opérateurs de l'État, et pas toujours traçables

Pour les crédits qui ont pu être identifiés, ils proviennent de 10 programmes budgétaires, de trois opérateurs (AFTIF, ANRU et ARS) ce qui rend leur suivi global particulièrement complexe voire impossible.

Par ailleurs, les montants alloués varient au gré des annonces du Président de la République.

Ainsi, lors de sa deuxième visite à Marseille, le Président de la République a indiqué que la subvention pour les transports attribuée à la Métropole Aix-Marseille-Provence allait être doublée (passant de 256 à 500 millions d'euros). Les avances remboursables de 744 millions d'euros semblent pour leur part, d'après les éléments transmis par la préfecture des Bouches-du-Rhône, avoir été supprimées.

Autre exemple de difficultés à tracer les crédits, la reprise d'une partie de la dette de l'AP-HM, évoquée dans le discours du Président de la République pour un montant de 233 millions d'euros, n'apparait dans aucune des réponses transmises aux rapporteurs spéciaux.

Enfin, le volet « cinéma et audiovisuel » du plan prévoit un investissement total de l'État de 22,5 millions d'euros sur les trois prochaines années sans aucune précision sur la provenance de ces crédits. Cet effort de l'État doit être complété par les lauréats de l'appel à projets national « Grande fabrique de l'image » du plan France 2030 sans indication sur le nombre de projets (et leur montant) qui pourraient être retenus dans le cadre du plan Marseille en grand. Le procédé pourrait d'ailleurs surprendre dans la mesure où il est normalement impossible de connaitre ex-ante les projets qui seront retenus dans le cadre d'un appel à projets. Or, il semblerait que des crédits du plan France 2030 seront donc en partie, de fait, fléchés sur le plan Marseille en grand sans même connaitre la qualité des projets qui seront déposés.


* 8 Les Missions d'Intérêt Général et d'Aide à la Contractualisation (MIGAC) sont définies par les articles L. 162-22-13, D. 162-6, D. 162-7 et D. 162-8 du code de la sécurité sociale. Le suivi des financements alloués est assuré par les ARS.

* 9 Le fonds d'intervention régional (FIR) a été créé le 1er mars 2012, en application de l'article 65 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2012. Il finance des actions et des expérimentations validées par les agences régionales de santé en faveur de : la performance, la qualité, la coordination, la permanence, la prévention, la promotion ainsi que la sécurité sanitaire.

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