C. ÉTABLIR, AU NIVEAU EUROPÉEN, UN CALENDRIER POUR LA DÉCARBONATION DES OPÉRATIONS AU SOL DANS LES GRANDS AÉROPORTS
Tout comme pour l'incorporation des carburants d'aviation durables, un calendrier commun, à l'échelle européenne, pour la décarbonation des opérations au sol dans les grands aéroports présenterait l'intérêt de donner plus de visibilité aux différents acteurs impliqués : gestionnaires d'aéroports, compagnies aériennes, fournisseurs d'équipements aéroportuaires, etc.
Un tel calendrier pourrait détailler un certain nombre de mesures de décarbonation qui seraient standardisées dans tous les grands aéroports : l'optimisation du roulage, l'utilisation de technologies plus propres pour l'alimentation des aéronefs au sol, le roulage sur un seul moteur ou avec un taxibot, l'introduction de véhicules décarbonés pour le transport des bagages, etc. De telles mesures auraient d'ailleurs un impact très positif sur la qualité de l'air et la santé publique.
Enfin, l'établissement d'un calendrier de décarbonation stimulera la demande pour de nouvelles technologies et de nouveaux services, en laissant le temps aux entreprises d'adapter leur offre.
D. PROGRAMMER L'ADAPTATION DES AÉROPORTS DE VILLES DE TAILLE MOYENNE À L'ESSOR DE L'AVIATION RÉGIONALE
L'aviation régionale est à l'aube d'une transformation majeure avec la mise en service, dans les prochaines années, d'avions de capacité d'emport et de rayon d'action limités, dotés de nouveaux modes de propulsion électrique, hybride et, à terme, possiblement à hydrogène. Ces aéronefs seront, par leur chaîne de propulsion, radicalement différents de ceux que nous connaissons aujourd'hui.
Les avions de cette nouvelle génération bénéficieront d'une efficacité énergétique améliorée et de coûts de maintenance plus faibles, ce qui devrait se traduire par une baisse de prix pour les passagers. Si elle advient, cette évolution des tarifs permettra le développement d'une nouvelle offre de liaisons aériennes régionales à bas coût, ne transitant pas par les grands hubs nationaux. Elle ne concurrencera pas directement le train, puisque les capacités des deux moyens de transport ne sont en rien comparables.
Un autre avantage de ces nouveaux aéronefs résidera dans leurs émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques réduites, voire nulles au décollage, à l'atterrissage et au sol. Ces avions seront également nettement plus silencieux que leurs homologues à moteur à combustion. La diminution de la pollution et du bruit sera particulièrement bénéfique pour les aéroports de villes moyennes, souvent situés dans des zones résidentielles ou à proximité de centres urbains.
Ces perspectives incitent à programmer sans trop tarder l'adaptation des infrastructures aéroportuaires dans les villes de taille moyenne. Il faut y intégrer l'accroissement du nombre de passagers et, dans un premier temps, le déploiement des technologies électrique et hybride, pour tirer pleinement parti des bénéfices environnementaux, économiques et opérationnels qu'elles promettent.
Les premiers avions électriques et hybrides qui seront disponibles avant la fin de cette décennie seront destinés à l'aviation générale, c'est-à-dire à des usages aussi diversifiés que les écoles de pilotage, l'aviation d'affaires ou les vols de loisirs, et aux liaisons courtes. Des aérodromes de taille plus limitée pourraient par conséquent être aussi très vite concernés.
Le développement d'une aviation régionale largement décarbonée donnera une nouvelle impulsion à ces aéroports et pourrait ainsi contribuer à revitaliser le tourisme et le tissu économique local. Il est également susceptible de jouer un rôle important dans l'accompagnement de la réindustrialisation de l'ensemble du territoire, en particulier dans les espaces les plus enclavés où des entreprises pourraient hésiter à s'implanter malgré des conditions, en termes de coût et d'environnement, par ailleurs favorables.
Enfin, comme le note l'économiste Christian Saint-Etienne dans un rapport récent, « à l'heure du retour des conflits militaires sur le continent européen (...) il faut traiter la question centrale de la couverture territoriale aérienne » en assurant le « maintien opérationnel de plateformes aéroportuaires qui furent souvent d'initiative militaire »163(*). Le développement de l'aviation régionale pourra y contribuer.
* 163 L'avenir des aéroports de territoire, Christian Saint-Etienne, septembre 2023.