CINQUIÈME PARTIE
UN ÉCOSYSTÈME AÉRONAUTIQUE FRANÇAIS À RENFORCER

I. LA DÉCARBONATION, TOURNANT MAJEUR POUR LE SECTEUR AÉRONAUTIQUE FRANÇAIS

A. UNE NOUVELLE ÈRE DE L'AVIATION

Pour le secteur aéronautique, la décarbonation représente une évolution majeure, sans doute plus décisive que le passage à l'ère des avions à réaction à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Cette transition nécessitera de redéfinir les technologies, les pratiques, les cadres réglementaires et juridiques ainsi que les stratégies économiques de l'aéronautique mondiale.

Le secteur aéronautique français dispose de nombreux atouts. Il bénéficie d'une longue tradition d'innovation et d'excellence en ingénierie, incarnée par des géants industriels tels qu'Airbus et Dassault, mais aussi par un réseau dense de plusieurs milliers d'ETI, PME et TPE.

De plus, l'existence de clusters aéronautiques dynamiques, notamment autour des villes de Toulouse et Bordeaux, favorise la synergie entre les entreprises, les instituts de recherche et les universités.

En outre, ce secteur est fortement structuré, en lien étroit avec l'État, autour d'organismes qui font référence dans leurs champs respectifs, tels que la DGAC, le GIFAS ou encore le CORAC.

Enfin, la formation de grande qualité offerte par des institutions comme l'Institut Supérieur de l'Aéronautique et de l'Espace et l'École Nationale de l'Aviation Civile assure un renouvellement constant de talents hautement qualifiés. Ces facteurs combinés positionnent la France comme l'un des leaders de l'industrie aéronautique mondiale.

Ainsi que l'a souligné Yannick Assouad, la France est l'un des rares pays disposant du savoir-faire nécessaire pour concevoir et réaliser l'intégralité d'un avion. Cette spécificité résulte en grande partie de la capacité du secteur aéronautique à associer investissements publics et privés.

Toutefois, cette situation enviable ne doit pas masquer le défi que représente la décarbonation. Comme l'ont montré les exemples récents des industries aérospatiale et automobile, une position de premier plan peut rapidement être remise en question par les évolutions technologiques.

B. QUELLE AVIATION DURABLE EN 2050 ?

Il est bien entendu difficile de prévoir à quoi ressemblera l'aviation dans le monde en 2050. Néanmoins, sur la base des informations recueillies par les rapporteurs au cours de leurs entretiens et de leurs déplacements, il est possible de tracer avec une certaine confiance quelques grandes lignes directrices.

À la fois en raison des limitations des alternatives technologiques en cours de développement et du temps nécessaire à leur déploiement à grande échelle, les compagnies aériennes continueront très probablement à exploiter, pour les vols long-courriers et probablement moyen-courriers, qui représentent l'essentiel des émissions de gaz à effet de serre, des avions à réaction similaires à ceux actuellement en service.

De ce fait, les carburants d'aviation durables représenteront, d'ici 2050, le levier principal de décarbonation de l'aérien long-courrier. La capacité à assurer leur production en quantités suffisantes pour répondre à des besoins croissants, à un prix aussi bas que possible, constitue un enjeu majeur. L'industrie aéronautique n'est bien entendu pas seule concernée. Dans ce domaine, elle est fortement dépendante des secteurs agricole et énergétique.

L'accroissement de l'efficacité énergétique des flottes aériennes est le deuxième levier majeur, parce qu'il permettra de limiter les besoins en carburants d'aviation durables ainsi que l'impact de leur prix sur le coût du transport aérien de passagers et de marchandises.

Comme exposé précédemment, l'atteinte de cet objectif passe par un investissement soutenu dans la recherche et développement sur un large éventail de pistes technologiques : amélioration des caractéristiques aérodynamiques des avions, réduction de leur masse, optimisation de leur propulsion, etc. mais aussi par l'optimisation des opérations en vol et au sol.

A contrario, des changements technologiques significatifs devraient intervenir pour les avions court-courriers et régionaux, avec l'entrée en service très prochaine de nouveaux aéronefs d'une à une vingtaine de places à propulsion électrique ou hybride électrique.

Le rendement élevé des moteurs électriques et le prix modéré de l'électricité, ainsi qu'une maintenance simplifiée, devraient permettre d'abaisser notablement les coûts d'exploitation de ces avions, et donc également le prix des billets ou du transport de marchandises sur de courtes distances. Cette évolution pourrait entraîner une augmentation notable des liaisons aériennes directes entre régions et au sein de chaque région.

Les avions à hydrogène pourraient également jouer à terme un rôle dans la réorganisation du transport aérien, d'abord sur de courtes distances avec un nombre de passagers limité, à plus long terme pour des vols moyen-courriers. Le principal frein à leur déploiement à grande échelle pourrait être d'ordre logistique : il nécessitera d'assurer la production, le transport, le stockage et la distribution de l'hydrogène sur un grand nombre d'aéroports.

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