G. LES E-CARBURANTS

Les e-carburants reposent sur le procédé FT-SPK par PtL. Les intrants sont, d'une part du CO2 capté, et d'autre part de l'hydrogène décarboné, en général produit par électrolyse de l'eau119(*).

L'électrolyse de l'eau est une brique technologique essentielle, la majeure partie de l'énergie consommée par la voie PtL concernant cette étape120(*). Cette technologie est coûteuse, encore peu développée à l'échelle industrielle (moins de 5 % de l'hydrogène produit dans le monde l'est par électrolyse de l'eau) et nécessite des évolutions sur le plan technique. Le rendement de l'électrolyse est pour le moment d'environ 60 %121(*). À haute température, le rendement de l'électrolyse pourrait dépasser 90 %. La réaction de Fischer-Tropsch étant très exothermique, la possibilité de valoriser cette chaleur fatale en la réintégrant dans le processus pour alimenter l'électrolyseur représente un avantage majeur de ce type d'électrolyse.

Le CO2 peut être capté dans l'atmosphère (concentration de 0,4 %), en sortie de cheminées industrielles (concentration de l'ordre de 10 %) ou dans le biogaz purifié issu de la méthanisation (concentré à 90 %). Plus la concentration est élevée, moins l'extraction nécessite d'énergie. Cependant, afin de ne pas encourager les industries les plus émettrices, la réglementation européenne interdit le captage du CO2 dans les installations industrielles après 2041. Le captage dans l'atmosphère, technique la plus coûteuse en énergie, deviendrait par conséquent la voie technologique prioritaire après cette date.

Actuellement, seule l'extraction de CO2 dans le biogaz est industrialisée, car les technologies de capture dans les fumées industrielles et dans l'air restent au stade de démonstrateurs122(*). Qui plus est, les processus actuels nécessitent de 7 à 10 GJ par tonne de CO2, ce qui représente 10 à 20 fois le coût thermodynamique théorique. Ceci met en lumière un potentiel considérable pour leur optimisation future.

Lors de l'audition de l'Académie des technologies, Daniel Iracane a souligné que la France souffre d'un retard dans le domaine du captage du CO2 par rapport à l'Allemagne et aux États-Unis qu'il est indispensable de combler rapidement, car il s'agit d'une brique essentielle sur le plan industriel.

Le procédé PtL comporte deux briques technologiques successives : l'étape RWGS (Reverse Water Gas Shift)123(*) transforme le CO2 et l'hydrogène en gaz de synthèse, puis le procédé Fischer-Tropsch synthétise les hydrocarbures par catalyse hétérogène du gaz de synthèse.

La réaction RWGS se situe au stade du prototype. En effet, en raison de considérations économiques et techniques, elle n'est pas actuellement mise en oeuvre à l'échelle industrielle124(*). Le procédé s'effectue à haute température en présence d'un catalyseur. En août 2023, Axens, Paul Wurth et IFP Énergies nouvelles ont signé un accord de développement pour optimiser le procédé permettant de mettre en oeuvre la réaction RWGS et son intégration dans des projets de production de carburants de synthèse.

L'amélioration du rendement de la voie PtL repose sur une maîtrise de l'électrolyse haute température, développée en France par la société Genvia issue du CEA, et la réutilisation de la chaleur produite par la réaction de Fischer-Tropsch pour l'électrolyse et la capture du CO2. Ceci suppose une intégration poussée des différentes briques technologiques sur le site de production. D'après l'Académie des technologies, une fois le procédé optimisé, son rendement global, défini comme le rapport entre la valeur énergétique du carburant d'aviation durable et l'énergie électrique utilisée pour le produire, pourrait atteindre 55 % à 60 %.

Daniel Iracane a également indiqué que la production d'un million de tonnes d'e-carburant nécessite 22 térawattheures d'électricité, dont 19 térawattheures pour la seule production d'hydrogène décarboné, alors qu'environ 20 térawattheures d'électricité devraient être disponibles en France à l'horizon 2035 pour cette application.

Le potentiel de décarbonation de la voie PtL est fortement lié à l'intensité carbone du mix électrique utilisé. Ainsi, d'après une estimation de l'ICCT (International Council on Clean Transportation), un e-carburant produit à partir du mix électrique moyen européen émettrait plus de CO2 que le kérosène. En 2021, l'empreinte carbone du mix électrique moyen européen s'établissait à 264 gCO2/kWh125(*).

Daniel Iracane a souligné qu'un e-carburant produit à partir d'un mix électrique dont l'empreinte carbone est de 20 gCO2eq/kWh permet de diviser par 10 les émissions par rapport au kérosène, alors qu'avec un mix électrique dont l'empreinte est de 180 gCO2eq/kWh les émissions du e-carburant et du kérosène sont équivalentes.

De ce fait, en dehors de la France, seuls quelques autres pays européens disposent d'une électricité suffisamment décarbonée pour produire utilement des e-carburants : l'Islande, la Norvège et la Suède.


* 119 Electrolyse de l'eau : 2 H2O liq ? 2 H2 gaz + O2 gaz.

* 120 Selon l'Académie des Technologies, sur 37 TWh d'électricité requis pour produire 1 Mt d'e-carburant, 31 TWh sont consommés par l'électrolyseur.

* 121 Pour produire un kilogramme de H2 par électrolyse, il faut 55 kWh d'électricité, et ce kilogramme de H2 représente 33,3 kWh d'électricité.

* 122 Sociétés Carbon Engineering et ClimeWorks.

* 123 WGSR (Watergas Shift Reaction) : CO2 + H2 ? CO + H2O.

* 124 S. Adelung et al., Impact of the reverse water-gas shift operating conditions on the Power-to-Liquid fuel production cost, Fuel, Volume 317,2022.

* 125 Chiffres clés du climat France, Europe et Monde - Edition 2023, Ministère de la Transition énergétique.

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