II. MODERNISATION DE L'AÉROPORT DE NANTES ATLANTIQUE : NE PLUS PERDRE DE TEMPS POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DU TERRITOIRE ET TENIR LES ENGAGEMENTS DE L'ÉTAT
A. AGIR AU PLUS VITE POUR LA MODERNISATION DE L'AÉROPORT, EN ÉTANT À L'ÉCOUTE DES ACTEURS LOCAUX
1. Assurer les travaux urgents d'entretien et d'aménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique
a) Des investissements à mener à court terme pour l'entretien de la plateforme de Nantes Atlantique
Depuis 2019, des travaux ont été réalisés par le concessionnaire de l'aéroport de Nantes Atlantique, notamment en matière de mise en conformité de certains équipements (détection des explosifs dans les bagages de soute) et de création de places de stationnement automobile. Pourtant, force est de constater que ces travaux demeurent nettement insuffisants au regard de l'état actuel de l'aéroport et de la qualité de service proposée, comme indiqué précédemment.
À court terme, des travaux apparaissent donc indispensables pour améliorer les conditions d'accueil des voyageurs et assurer la sécurité des vols. Il revient à l'État, autorité concédante, de s'assurer que le concessionnaire de l'aéroport de Nantes Atlantique effectue les aménagements requis et ce, de manière urgente.
Interrogée à ce sujet, la mission de réaménagement de Nantes Atlantique (MNA) a indiqué qu'il semblait « effectivement nécessaire, compte tenu de la vétusté et de l'exiguïté de l'aéroport », d'effectuer des opérations d'aménagement sans attendre la nouvelle concession. La MNA précise : « il incombe au concessionnaire de définir quels sont les travaux à réaliser en l'attente du futur concessionnaire et de proposer un programme de travaux au concédant dans le cadre de son contrat ». La DGAC aurait adressé au concessionnaire un courrier demandant à ce qu'un programme de travaux lui soit fourni avant la fin novembre 2023 ; selon les informations recueillies par le rapporteur, le concessionnaire aurait demandé un délai supplémentaire. Pour rappel, en 2019, l'État avait mis en demeure AGO de proposer un programme de travaux, qui avait conduit à la réalisation de nouveaux équipements.
À la lumière de ses travaux, le rapporteur identifie plusieurs aménagements dont la réalisation à court terme semble possible et indispensable.
S'agissant de l'aérogare, les compagnies aériennes ont notamment souligné la nécessité d'une réfection des moquettes, du renouvellement des assises et du mobilier, de la rénovation des sanitaires, de la mise en place d'un circuit dédié pour les clients prioritaires et de lecteurs de badges pour fluidifier et sécuriser l'accès à certaines zones.
S'agissant de la piste, plusieurs opérations seraient également urgentes selon Air France :
- remplacer les passerelles d'avion obsolètes ;
- améliorer l'éclairage sur les points de parking et de cheminement des clients ;
- sécuriser les cheminements piétons pour les embarquements et débarquements à pied ;
- augmenter la puissance électrique afin de disposer d'une capacité suffisante pour électrifier le matériel de piste ;
- assurer une fréquence électrique de 400 hertz sur passerelle ou au sol.
Interrogée par le rapporteur, la métropole de Nantes a indiqué attendre « de l'État des précisions quant aux travaux de court terme qui pourraient être conduits par le concessionnaire actuel dans l'attente du projet de modernisation ». Elle souhaite en particulier que soit proposé « au plus vite des modalités de stationnement (véhicules légers/vélos) sécurisé suffisantes à proximité de l'aéroport, tout en réduisant l'impact environnemental lié au déploiement d'une offre de stationnement en surface ». Cet acteur précise « à ce jour, le stationnement anarchique se déploie toujours aux abords de l'aéroport ».
Ces travaux pourraient, au moins pour partie, être financés à travers les sommes récoltées par le concessionnaire dans le cadre du dispositif de préfinancement des travaux de Notre-Dame-des-Landes instauré en 2010. L'Autorité de régulation des transports (ART) relève en effet que les recettes du concessionnaire divergent de ses charges, si bien que « la marge nette d'AGO est largement supérieure à celle des autres aéroports » relevant de son champ de compétences.
Ce dispositif, mis en place par le Gouvernement, est fondé sur un rehaussement du niveau des redevances payées par les compagnies aériennes opérant à Nantes Atlantique. Selon les travaux menés par le rapporteur, l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes n'a pas conduit le concessionnaire à revoir à la baisse les redevances acquittées par les compagnies. Le total des sommes accumulées depuis 2010 serait de l'ordre de 100 à 120 millions d'euros, selon les estimations. Un contentieux est en cours entre Vinci et l'État s'agissant de l'affectation de cette somme.
Débats sur le sort des sommes versées à AGO pour le préfinancement de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes
La DGAC indique que la non-réalisation des travaux de construction de l'aéroport de Notre-Dame des Landes prévus par le contrat de concession conclu avec AGO fin 2010 et la réalisation subséquente de travaux de moindre ampleur pour assurer la continuité du service public sur la plateforme de Nantes Atlantique, ont eu pour conséquence que le concessionnaire bénéficie aujourd'hui, dans ses comptes, d'un « report à nouveau » (RAN) important, évalué à environ 110 millions d'euros à fin 2023. Une partie de cette somme aurait été mise à disposition de Vinci S.A. dans l'attente de son utilisation. En application de l'article 4.M du contrat de concession, AGO ne peut verser cette somme sous forme de dividendes à ses actionnaires.
Ce montant est principalement constitué des redevances aéroportuaires perçues sur les compagnies aériennes depuis 2011 et non utilisées.
L'État considère que les sommes constitutives du RAN doivent lui être retournées en fin de contrat, afin d'être reversées au futur concessionnaire qui sera en charge du réaménagement de Nantes Atlantique.
Ceci a conduit le Gouvernement à prendre des positions affirmées à ce sujet :
- il a, par un courrier du 10 mai 2021, réaffirmé son analyse sur l'affectation nécessaire du RAN et modifié unilatéralement le contrat de concession pour confirmer qu'AGO ne peut pas verser tout ou partie du RAN en dividendes à ses actionnaires, malgré la décision d'annulation de Notre-Dame-des-Landes ;
- l'article L. 6325-8 du code des transports a été introduit par la loi de finances initiale du 30 décembre 2021 pour permettre le transfert du RAN directement d'AGO au futur titulaire de la concession de Nantes Atlantique ;
- il a notifié à la Commission européenne l'aide d'État correspondant au solde du RAN à verser au futur concessionnaire de la concession de Nantes Atlantique.
La DGAC précise que « les compagnies aériennes, qui ont préfinancé pendant plus de 10 ans des travaux pour un aéroport dans le Grand Ouest, de même que l'Autorité de régulation des transports (ART), sont attentives à l'utilisation qui sera faite du RAN. Elles le sont d'autant plus que l'État a déjà communiqué auprès d'elles sur le fait (i) qu'il se considérait comme propriétaire du RAN et (ii) que ces sommes seront utilisées pour les travaux de réaménagement de Nantes Atlantique. »
Néanmoins, AGO conteste devant le tribunal administratif (TA) de Nantes la propriété du RAN dans le cadre d'un contentieux sur le montant de l'indemnité due au titre de la résiliation du contrat de concession de Notre-Dame-des-Landes.
Par ailleurs, à la suite du courrier du 10 mai 2021 précité, les actionnaires d'AGO (Vinci Airports, la CCI de Nantes, ETP et CIFE) ont contesté devant la même juridiction la position de l'État consistant à réaffirmer l'interdiction de verser le RAN en dividendes et, ce faisant, la propriété du RAN.
Ces contentieux sont en cours d'instruction par le TA de Nantes.
Source : DGAC
Si les sommes récoltées dans le cadre du préfinancement de Notre-Dame-des-Landes sont globalement destinées au futur concessionnaire de l'aéroport de Nantes Atlantique, il apparaît qu'elles pourraient, pour partie, permettre de financer des aménagements dans le cadre de l'actuelle concession. La MNA a ainsi indiqué au rapporteur que le programme de travaux que devrait proposer le concessionnaire actuel « doit être financé par les sommes accumulées dans les comptes d'AGO et issues du mécanisme de préfinancement des travaux de Notre-Dame-des-Landes ».
b) Anticiper dès aujourd'hui les obligations issues du règlement européen « AFIR »
En septembre 2023 a été publié le règlement (UE) 2023/1804 du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE. Ce texte instaure de nouvelles obligations pour les aéroports du réseau RTE-T en matière de déploiement d'infrastructures d'alimentation électrique sur les postes de stationnement des aéronefs. En application de l'article 12 du règlement, ces aéroports doivent assurer la fourniture d'électricité aux aéronefs selon deux échéances :
- au 31 décembre 2024, pour tous les postes de stationnement au contact utilisés pour les opérations de transport aérien commercial d'embarquement ou de débarquement de passagers ou de chargement ou de déchargement de marchandises ;
- au 31 décembre 2029, pour tous les postes de stationnement au large utilisés pour les opérations de transport aérien commercial d'embarquement ou de débarquement de passagers ou de chargement ou de déchargement de marchandises.
Ce texte relève du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dont l'objectif est de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d'au moins 55 % d'ici 2030 dans l'Union européenne.
L'aéroport de Nantes Atlantique comporte à la fois des postes de stationnement au contact et au large des terminaux : des opérations d'aménagement seront donc à conduire afin de respecter ces deux échéances.
Compte tenu du report de l'attribution de la nouvelle concession à l'horizon 2025-2026, il revient au concessionnaire actuel de l'aéroport de réaliser les travaux nécessaires pour se conformer à l'obligation d'assurer la fourniture d'électricité aux postes de stationnement au contact des terminaux, d'ici au 31 décembre 2024.
Proposition n° 1 : Demander au concessionnaire un programme d'investissements urgents en faveur de l'aéroport de Nantes Atlantique, en mettant l'accent sur l'amélioration des conditions d'accueil des passagers, la conformité des infrastructures aux nouvelles obligations du règlement européen « AFIR » (applicables au 31 décembre 2024) et la sécurité de la piste.
c) Prendre des mesures immédiates de traitement des eaux de ruissellement de l'aéroport, pour protéger le lac de Grand-Lieu
Parmi les travaux réalisés depuis 2019 par AGO figurent des opérations de mise en conformité à la loi sur l'eau et les milieux aquatiques16(*). Des ouvrages de traitement des eaux ont ainsi été construits par l'actuel concessionnaire.
Toutefois, il apparaît que les équipements de traitement des eaux de ruissellement mis en place ne concernent que les écoulements vers le bassin versant de la Loire, via le ruisseau du Bougon. Pourtant, une partie des eaux de ruissellement émanant de l'aéroport s'écoule vers le lac de Grand-Lieu.
Le gestionnaire de la réserve a indiqué au rapporteur qu'aucune mise aux normes de la plateforme sur ce plan n'a été effectuée. Cette situation est d'autant plus préjudiciable que, comme l'a souligné cet acteur, « les molécules potentielles sur ce type d'espace imperméabilisé sont nombreuses : issues de la combustion du kérosène, des produits de dégivrage, d'entretien des avions, de déverglaçage de la piste, etc. » Si une démarche de remise aux normes du traitement des eaux pluviales a été lancée cette année par le concessionnaire de l'aéroport, rien ne semble prévu à ce jour pour les eaux s'écoulant dans le lac.
Face à cette situation préoccupante, le rapporteur estime indispensable que le concessionnaire de l'aéroport mette en place sans plus attendre les moyens adéquats pour assurer le traitement des eaux de ruissellement qui s'écoulent vers le lac de Grand-Lieu.
Proposition n° 2 : Assurer sans attendre la conformité du traitement des eaux de ruissellement de l'aéroport, y compris s'agissant des eaux s'écoulant vers la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu.
2. Mener dans les meilleurs délais l'appel d'offres en vue de la nouvelle concession, en tirant les enseignements du passé
Compte tenu des problèmes de qualité de service et de sécurité rencontrés sur la plateforme aéroportuaire actuelle, des nuisances sonores aériennes subies par les populations riveraines et de l'important retard déjà pris sur la modernisation de Nantes Atlantique, le rapporteur appelle le Gouvernement à mener à bien la procédure de réattribution de la concession de Nantes Atlantique dans les meilleurs délais.
Toutefois, il est indispensable que la nouvelle procédure ne reproduise pas les erreurs passées : à cet égard, plusieurs points d'attention doivent être mis en avant.
a) L'allongement de la piste : une « chimère » ayant causé des difficultés dans le précédent appel d'offres
Premier point d'attention : le projet d'allongement de la piste, qui avait été intégré au précédent cahier des charges et dont le fondement suscite, encore aujourd'hui, de fortes interrogations.
Si plusieurs scénarii étaient envisagés dès 2018 (pas d'allongement, allongement de 400 mètres et allongement de 800 mètres ou encore construction d'une piste transversale), c'est finalement l'option d'un allongement de la piste de 400 mètres qui avait été retenue par la DGAC dans l'élaboration du précédent cahier des charges. Selon les éléments transmis au rapporteur, ce projet devait répondre à deux objectifs : réduire les nuisances sonores aériennes et étendre les possibilités de construction sur les zones d'aménagement concerté (ZAC) de l'île de Nantes et de Pirmil-Les-Isles, en réduisant les sujétions d'urbanisme dans ces secteurs en pleine expansion. Selon la DGAC, l'allongement aurait en effet permis de décaler vers le sud « les enveloppes de bruit » et, en conséquence, de réduire la population soumise aux nuisances sonores aériennes et de sécuriser la constructibilité des deux ZAC.
Pourtant, il est apparu au cours de la procédure que le gain acoustique permis par cet allongement aurait été très faible (1 décibel) et, en tout état de cause, inférieur au seuil de perception de l'oreille humaine (environ 3 décibels). Surtout, des options alternatives (double approche axée et désaxée, selon les conditions météorologiques, et hausse des pentes d'approche) ou des évolutions survenues au cours de la procédure (réduction des prévisions de trafic au moment de la crise sanitaire liée à la covid-19) sont apparues suffisantes, voire plus efficaces, pour réduire le nombre d'habitants soumis au bruit des aéronefs. La DGAC indique ainsi que : « la population soumise à plus de 55 décibels (bruit modéré à fort) est réduite de plus de 3 000 personnes par le seul effet de l'évolution du trafic et des trajectoires, alors que l'effet de l'allongement de la piste concernerait seulement 120 personnes environ. » Ces évolutions devaient aussi permettre de ne pas inclure les ZAC précitées dans la zone soumise à un bruit modéré.
Pour des raisons qui demeurent obscures, le choix a malgré tout été fait de maintenir l'allongement de la piste dans le cahier des charges et ce, alors même que cette option impliquait des besoins fonciers (de l'ordre de 15 hectares) et des impacts environnementaux plus importants (artificialisation des sols, impact sur des zones humides...), susceptibles d'affaiblir l'acceptabilité du projet et de décourager les candidats potentiels à l'appel d'offres. L'allongement de la piste aurait en effet impliqué davantage de travaux, y compris la déviation d'une route et le dévoiement de conduites de gaz. Elle aurait en outre eu des conséquences négatives pour la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu, comme l'a souligné son gestionnaire : « cet allongement aurait nécessité la destruction de zones humides situées en bout de piste actuelle ».
Au cours des auditions, les acteurs ont fait part au rapporteur de leur circonspection quant au maintien de cette option dans le précédent cahier des charges : certains ont évoqué une préparation insuffisante du cahier des charges, un « manque d'objectivité » sur ce dossier, voire de possibles « pressions » politiques. Ce maintien est d'autant plus surprenant que la DGAC a indiqué avoir recommandé, dès mars 2021, de supprimer cette option du cahier des charges, compte tenu de son inefficacité attendue et des difficultés qu'elle pouvait soulever.
En novembre 2023, Clément Beaune, ministre des transports, a annoncé lors d'un déplacement à Nantes que l'allongement de la piste serait abandonné et ne figurerait pas dans le prochain appel d'offres. Le rapporteur salue cette décision, qu'il juge indispensable.
On peut en outre s'interroger sur le rôle qu'a pu jouer dans l'échec du précédent appel d'offres cette décision de maintenir l'allongement de la piste dans le cahier des charges : elle impliquait en effet l'obtention d'une déclaration d'utilité publique et donc, la conduite d'une procédure administrative potentiellement lourde que l'État avait fait le choix de mettre à la charge du futur concessionnaire. Or, l'abandon de l'appel d'offres a été justifié par un manque de concurrence, seul le concessionnaire sortant s'étant maintenu jusqu'à l'issue de la procédure. Il est probable que la décision de maintenir l'allongement de la piste ait contribué à rendre la procédure d'appel d'offres moins attractive pour les candidats.
Proposition n° 3 : Confirmer l'abandon du projet d'allongement de la piste dans le cahier des charges du prochain appel d'offres concernant la remise en concession de l'aéroport.
b) La déclaration d'utilité publique et la question de la répartition des risques juridiques entre le concédant et le concessionnaire
Au cours des auditions conduites par le rapporteur, un élément singulier de la précédente procédure d'appel d'offres a été mis en avant : l'absence de conduite, par l'État concédant, de la procédure nécessaire à l'obtention de la déclaration d'utilité publique.
La DGAC a en effet indiqué qu'il était demandé « aux candidats de fournir, dans le cadre de leur offre, le projet de dossier de déclaration publique (DUP), ce qui est inusuel. C'est sur la base de la DUP qu'il appartenait ensuite au concessionnaire désigné d'obtenir l'ensemble des autorisations administratives ou environnementales préalables à la réalisation des travaux, dont l'autorisation environnementale. »
La DUP, qui permet de réaliser une opération d'aménagement sur des terrains privés par le biais d'expropriations pour cause d'utilité publique, constitue une procédure particulièrement lourde. C'est la raison pour laquelle elle est généralement mise en oeuvre par l'État : s'agissant du projet de Notre-Dame-des-Landes, la procédure préalable à l'obtention de la DUP avait d'ailleurs été réalisée par l'État en 200817(*) (l'enquête publique ayant été réalisée en 2006), deux ans avant le choix du concessionnaire. La même pratique semble se retrouver pour d'autres types de contrats de concession, comme en matière de concessions autoroutières.
Interrogé par le rapporteur, le groupe Vinci, seul candidat à avoir maintenu son offre jusqu'au terme de la procédure, a indiqué qu'en l'espèce, « l'allocation des risques entre concédant et concessionnaire était particulièrement défavorable à ce dernier, en particulier en ce qui concerne le transfert au secteur privé des risques liés à l'obtention de la déclaration d'utilité publique - procédure fondamentale habituellement menée par l'État préalablement au lancement du projet ».
Ce point semble tout particulièrement problématique s'agissant du dossier de l'aéroport de Nantes Atlantique, compte tenu de l'antécédent du projet de Notre-Dame-des-Landes qui avait suscité une contestation sociale très virulente et un nombre inédit de procédures contentieuses. Ce contexte local particulier conduit de fait les candidats potentiels à la remise en concession de Nantes Atlantique à craindre une faible acceptabilité des projets qu'ils pourront porter et à anticiper d'importants risques juridiques.
Le rapporteur jugerait pertinent d'étudier la possibilité, comme c'est la pratique habituellement pour ce type de contrats de concession, de confier à l'État le soin de conduire la procédure d'obtention de la déclaration d'utilité publique et, éventuellement, des autorisations environnementales nécessaires aux travaux. Afin de ne pas retarder la remise en concession de Nantes Atlantique, l'État pourrait conduire la procédure nécessaire à l'obtention de la DUP en parallèle de l'appel d'offres.
Il est en tout état de cause indispensable que le Gouvernement soit attentif à la question du partage des risques entre l'État et le futur concessionnaire, s'il souhaite recueillir davantage de candidatures et faire aboutir le prochain appel d'offres de Nantes Atlantique. Or, ce dossier sensible, qui s'insère dans un territoire encore profondément marqué par Notre-Dame-des-Landes, ne saurait être suffisamment attractif pour de nouveaux entrants qu'à la condition que la puissance publique assure un soutien et un accompagnement solides au futur concessionnaire, y compris dans l'exécution des travaux qu'il aura à mener.
3. Rétablir le lien de confiance avec le territoire, en mettant la transparence et la concertation au coeur de la nouvelle procédure d'appel d'offres
Compte tenu de la sensibilité de ce dossier, des fortes attentes qu'il suscite et des multiples tensions et incompréhensions attisées par la décision d'abandon de l'appel d'offres sur la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique prise en septembre dernier, le rapporteur juge primordial un réel changement de méthode de la part du Gouvernement en vue du prochain appel d'offres. Les maires des communes de la métropole de Nantes indiquent trois mots d'ordre à respecter dans la relance de l'appel d'offres : « transparence, clarté, confiance ».
Le rapporteur salue les efforts déployés par Clément Beaune, ministre chargé des transports, depuis septembre 2023, pour renouer le dialogue avec les acteurs locaux.
Il estime que la procédure de remise en concession devra être conduite à la lumière d'un impératif essentiel : garantir la bonne intégration de l'aéroport de Nantes Atlantique au sein de l'agglomération nantaise. Cela nécessite une volonté accrue de transparence et de concertation locale.
a) Élaboration du cahier des charges : assurer une procédure transparente et concertée
Nombre d'acteurs ont critiqué un manque de dialogue et de concertation autour de la précédente procédure d'appel d'offres, s'agissant plus spécifiquement de l'élaboration du cahier des charges.
· Compte tenu des enjeux que soulève la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique pour le territoire, il est nécessaire que des réunions de concertation régulières soient organisées, tout au long de la procédure d'élaboration du cahier des charges, avec les élus locaux directement concernés, les acteurs économiques et, bien sûr, les riverains. En particulier, le rapporteur jugerait opportun que la DGAC organise des réunions avec les élus locaux, au cours desquels ceux-ci pourraient formuler des propositions en vue du volet du futur cahier des charges qui concernera l'environnement et les nuisances sonores.
À ce titre, le rapporteur se félicite que le Gouvernement ait annoncé18(*) la tenue d'un groupe de travail consacré à la préparation du futur cahier des charges, associant les collectivités territoriales intéressées et la DGAC.
Aussi, le rapporteur considère indispensable que les acteurs locaux, à commencer par les collectivités territoriales concernées (région des Pays de la Loire, département de Loire-Atlantique, ville et métropole de Nantes et communes directement touchées par les nuisances sonores liées au transport aérien), soient consultés sur le futur projet de cahier des charges. Cette consultation pourrait prendre la forme d'un avis simple, formulé par le conseil délibérant de chaque collectivité.
· Sensible au besoin de transparence unanimement exprimé par les acteurs du pays nantais, le rapporteur est particulièrement préoccupé par le choix du Gouvernement de recourir de manière extensive (quatre appels d'offres lancés, pour un montant total maximal qui dépasse les 12 millions d'euros) à des cabinets privés en vue de la conduite de la procédure d'appel d'offres.
En 2022, dans un rapport de commission d'enquête19(*), le Sénat a alerté sur l'intervention croissante des cabinets privés dans la conduite des politiques publiques. Le rapport note que le recours aux consultants est devenu un véritable « réflexe » pour l'État, même lorsque celui-ci dispose, en interne, des compétences techniques requises pour réaliser sa propre expertise. Au total, le recours aux cabinets de conseil pose un problème de souveraineté de l'État face aux acteurs privés, de bon usage des deniers publics, mais aussi de transparence de la décision publique et, en conséquence, de confiance envers la puissance publique.
Le rapporteur ne condamne pas, sur le principe, le fait de recourir à des cabinets privés pour accompagner la mise en oeuvre technique du nouvel appel d'offres. Le Gouvernement avait déjà eu recours à ce type de prestations lors du précédent appel d'offres.
Toutefois, dans la lignée des préconisations de la commission d'enquête sénatoriale, il recommande de limiter ces prestations au strict nécessaire en valorisant en premier lieu les compétences internes de la DGAC et de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter tout risque de conflits d'intérêts. À ce titre, il conviendrait que les candidats fournissent une déclaration d'intérêts à l'administration, afin que celle-ci puisse identifier toute incompatibilité éventuelle.
Surtout, il importe d'assurer la transparence des prestations de conseil auxquelles la DGAC aura recours. Le rapporteur recommande donc que le Gouvernement publie la liste des prestations de conseil qui seront réalisées et qu'il rende compte, notamment au moment de l'élaboration du cahier des charges, du rôle joué par les consultants au cours de la procédure. En tout état de cause, ceux-ci ne sauraient se substituer à l'administration dans les choix qui seront opérés au cours de la procédure. Il convient également que la DGAC publie, in fine, une évaluation des prestations réalisées par les cabinets.
Ces garde-fous apparaissent essentiels pour ne pas raviver un sentiment d'opacité déjà fort au sein de l'opinion publique nantaise s'agissant de la gestion du dossier de Nantes Atlantique - et, antérieurement, de Notre-Dame-des-Landes - par la DGAC.
· Enfin, garantir la publicité du prochain cahier des charges serait nécessaire et pertinent pour créer des liens de confiance entre le Gouvernement et les acteurs de l'agglomération nantaise, à commencer par les riverains et élus locaux.
Le cahier des charges est la pierre angulaire de la procédure d'appel d'offres sur la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique. Or, le précédent cahier des charges n'a jamais été rendu public. Il a même été difficile pour le rapporteur d'avoir accès à ce document pourtant central, alors même que la procédure d'appel d'offres pour laquelle il a été élaboré a été abandonnée en septembre dernier.
Compte tenu du fort sentiment de défiance vis-à-vis du Gouvernement qui ressort des auditions menées par le rapporteur, la publication du prochain cahier des charges avant le terme de la procédure (c'est-à-dire avant la signature du contrat de concession) semble nécessaire, dans le respect d'éventuelles exceptions réglementaires qui devront être justifiées et du secret des affaires.
Proposition n° 4 : Assurer une meilleure transparence de la nouvelle procédure d'appel d'offres, à travers :
- la conduite de réunions de concertation régulières avec les acteurs de terrain (élus locaux, milieux socio-économiques et riverains), notamment au cours de l'élaboration du cahier des charges, et le recueillement des propositions des élus locaux a minima sur le volet du cahier des charges relatif à l'environnement et aux nuisances sonores ;
- la soumission pour avis du projet de cahier des charges aux collectivités territoriales directement concernées par le projet de modernisation de l'aéroport ;
- la publicité du cahier des charges.
Proposition n° 5 : Encadrer strictement le recours à des cabinets privés dans la gestion du projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer la publicité des prestations demandées, dans la lignée des recommandations du rapport sénatorial de mars 2022 sur l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques.
b) Associer le territoire à la gouvernance de l'aéroport, pour favoriser son intégration locale
Enfin, pour favoriser l'intégration de l'aéroport de Nantes Atlantique dans son environnement et réduire au mieux les nuisances induites par son activité pour les populations riveraines, le rapporteur jugerait pertinente la création d'une communauté aéroportuaire autour de cette plateforme, comme le recommandent les maires des communes de la métropole de Nantes.
Prévue par le code des transports20(*), la communauté aéroportuaire prend la forme d'un établissement public administratif, chargé de soutenir « des actions territoriales et des projets permettant de favoriser la correction des atteintes aéroportuaires à l'environnement et à la qualité de vie urbaine et rurale, l'accès des riverains aux emplois et aux équipements collectifs et l'information relative aux impacts de l'aéroport sur son territoire et aux actions menées pour en corriger les effets » (article L. 6363-2). Elle est créée par l'autorité administrative, sur la proposition du conseil régional, et dispose d'un périmètre d'intervention défini par l'autorité administrative, après consultation « des collectivités territoriales intéressées et des établissements publics de coopération intercommunale concernés ».
Selon l'article L. 6363-4, son conseil d'administration comprend deux collèges :
- le collège des collectivités territoriales, représentant les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale dont le territoire est compris en tout ou partie dans le périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire ;
- le collège des entreprises, représentant les entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire, composé du gestionnaire d'aéroport, des compagnies aériennes et des autres entreprises situées ou non sur l'emprise de l'aéroport.
Le conseil d'administration est présidé par le président du conseil régional ou son représentant.
La communauté aéroportuaire désigne en outre trois représentants d'associations de riverains ou de protection de l'environnement choisis parmi les membres de la commission consultative de l'environnement de l'aéroport, qui disposent d'une voix consultative.
Enfin, le représentant de l'État dans la région ou son représentant assiste au conseil d'administration de la communauté aéroportuaire avec voix consultative.
L'article L. 6363-5 précise quelles sont les ressources financières de la communauté aéroportuaire. Elles comprennent en particulier le produit des sanctions prononcées par l'Acnusa à la suite de manquements constatés sur l'aérodrome concerné, les contributions volontaires des entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire, du gestionnaire de l'aéroport et des collectivités territoriales et de leurs groupements et, enfin, des contributions versées au titre du Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires des communes riveraines de l'aéroport.
La communauté aéroportuaire peut financer des projets dans les domaines de l'environnement, des transports, de l'urbanisme, de l'emploi et de l'information.
Pour l'heure, il semble n'exister qu'une communauté aéroportuaire, en Île-de-France.
Le rapporteur estime qu'une communauté aéroportuaire pourrait être créée sans attendre à Nantes Atlantique. Dans l'optique d'assurer davantage de concertation dans le cadre du prochain appel d'offres, cette entité pourrait en outre être réunie de manière régulière au cours de la procédure, afin d'informer ses membres de l'avancement des travaux.
Proposition n° 6 : Créer une communauté aéroportuaire afin de mieux associer les collectivités territoriales et les autres acteurs locaux à la gouvernance de l'aéroport de Nantes Atlantique et à la conduite des travaux de modernisation.
* 16 Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.
* 17 Décret du 9 février 2008 déclarant d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation du projet d'aéroport pour le Grand Ouest - Notre-Dame-des-Landes et de sa desserte routière et emportant approbation des nouvelles dispositions des plans locaux d'urbanisme des communes de Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines, Notre-Dame-des-Landes, Treillières, Vigneux-de-Bretagne dans le département de la Loire-Atlantique.
* 18 Dossier de presse « Moderniser et réaménagement l'aéroport de Nantes Atlantique en association avec le territoire », novembre 2023.
* 19 Rapport n° 578 (2021-2022) fait au nom de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques sur « Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques » et Essentiel.
* 20 Articles L. 6363-1 à L. 6363-7 du code des transports.