N° 227

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 décembre 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) relatif à la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique,

Par M. Didier MANDELLI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François ongeot, président ; M. Didier Mandelli, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Pierre Barros, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Georges Naturel, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Hervé Reynaud, Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, M. Michaël Weber.

L'ESSENTIEL

Comprendre pourquoi, près de 6 ans après l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique est toujours « au point mort » et formuler des recommandations pour sortir au plus vite de l'impasse : telle est la mission confiée à Didier Mandelli, rapporteur de la mission d'information « flash » relative à la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique, par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Le constat est clair : les nombreuses promesses formulées par l'État depuis 2018 consécutivement à la décision de maintenir en activité l'aéroport de Nantes Atlantique n'ont été que peu suivies d'effets.

L'aéroport demeure dans un état de vétusté avéré et la qualité de service y est toujours insuffisante, au détriment des voyageurs et des compagnies aériennes. En outre, les compensations promises afin d'améliorer la desserte ferroviaire de la région nantaise se font toujours en grande partie attendre.

Surtout, l'appel d'offres (AO) de renouvellement de la concession dont dépendait le lancement des travaux de réaménagement de l'aéroport a été annulé en septembre 2023. De l'avis unanime des acteurs locaux entendus par le rapporteur, cette procédure a par ailleurs été marquée par un manque de transparence et de concertation avec le territoire nantais. Cette situation est lourde de conséquences pour le quotidien des riverains de l'aéroport, qui subissent d'importantes nuisances sonores.

Face à ces constats, suivant les orientations de son rapporteur, la commission a adopté à l'unanimité 15 recommandations selon trois axes :

- agir au plus vite en faveur de la modernisation de l'aéroport, selon une méthode fondée sur la co-construction avec les acteurs du territoire et la transparence ;

maîtriser l'impact environnemental de l'aéroport ;

faire de la santé des populations riveraines une priorité.

I. APRÈS L'ABANDON DU PROJET DE NOTRE-DAME-DES-LANDES, DE NOMBREUSES PROMESSES DÉÇUES

A. APRÈS LE CHOC DE 2018, UNE PLUIE D'ANNONCES, MAIS DES RÉSULTATS AU COMPTE-GOUTTE

 

des votants avaient répondu favorablement au transfert de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes

Le projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique a pour origine l'abandon, en 2018, du projet de création d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. En 2016, dix ans après la publication de la déclaration d'utilité publique, une consultation sur Notre-Dame-des-Landes est organisée en Loire-Atlantique. En dépit des résultats positifs et à rebours de ses promesses, le Gouvernement annonce l'abandon du projet Notre-Dame-des-Landes le 17 janvier 2018. Ce revirement a suscité un « choc » localement et, dans certains cas, un sentiment de défiance vis-à-vis de la parole publique.

Conscient de cette cassure, le Gouvernement signe, le 8 février 2019, un « Contrat d'avenir » avec la région Pays de la Loire comportant 37 engagements compensatoires, dont 21 concernant les transports. Outre la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique, deux projets étaient prioritaires : renforcer l'accessibilité en transport en commun de l'aéroport et améliorer la desserte ferroviaire de la région.

Quel bilan tirer de ces engagements ? Malheureusement, quatre ans après, ils sont loin d'avoir produit des résultats à la hauteur des attentes.

B. L'APPEL D'OFFRES : UN ATTERRISSAGE FORCÉ APRÈS QUATRE ANS DE PROCÉDURE

Le calendrier initial de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique était ambitieux. Le Gouvernement entendait désigner le nouvel exploitant fin 2021 afin que les travaux commencent dès 2022. Si l'avis de concession a été publié dès le 31 octobre 2019, le 29 septembre dernier, près de quatre ans plus tard, l'appel d'offres a été annulé par le Gouvernement.

De fait, cette décision unilatérale revient à renvoyer la modernisation de l'aéroport aux calendes grecques : la procédure d'attribution de la concession doit repartir de son point de départ et aucuns travaux d'ampleur ne pourront donc avoir lieu avant 2027, alors que Nantes Atlantique est dans un état de vétusté avéré.

Pourtant, le trafic aérien connaît une forte croissance dans cet aéroport : le nombre de passagers annuels devrait prochainement rattraper le niveau d'avant-crise sanitaire (7,2 millions de passagers en 2019) et même atteindre 8 millions en 2030. Le risque d'une dégradation de la qualité de service et d'une saturation des infrastructures est bien réel. Cette situation est également défavorable au développement économique de la région, dont la connectivité avec le territoire français et le reste du monde se trouve dégradée.

Comment expliquer cet échec préjudiciable pour le territoire ?

Un seul candidat a remis une offre en juin 2022, alors que trois acteurs avaient manifesté leur intérêt en 2019. Plusieurs options retenues par l'État ont rendu l'appel d'offres peu attractif : la question du partage des risques revêt en effet une importance sensible dans le contexte particulier de l'aéroport de Nantes compte tenu de son historique. Un sujet en particulier a concentré les difficultés : l'allongement de la piste.

Afin de réduire les nuisances sonores pour les riverains, l'allongement de la piste a été envisagé par l'administration. Cependant, les candidats à l'appel d'offres ont très tôt montré leur réticence envers cette option, compte tenu de l'impact environnemental des travaux, des lourdeurs administratives et des potentielles contestations qu'ils pourraient engendrer. Des études complémentaires ont montré que les gains acoustiques attendus étaient négligeables. Pourtant, le Gouvernement a fait le choix de maintenir ce projet dans le cahier des charges.

Le projet de modernisation de l'aéroport de Nantes aurait dû marquer un nouveau départ après les années d'errance sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes. Or, nombre d'élus locaux et d'habitants ont fustigé la méthode employée par le Gouvernement au cours de l'appel d'offres, marquée par de multiples revirements et des efforts jugés très insuffisants en matière de dialogue et de transparence. En définitive, cette approche n'a pas permis de créer un climat de confiance avec les acteurs locaux sur ce dossier pourtant particulièrement sensible et stratégique pour le territoire.

II. MODERNISATION DE L'AÉROPORT DE NANTES : UNE PROCÉDURE À RELANCER D'URGENCE EN TENANT COMPTE DES ATTENTES DU TERRITOIRE

A. AGIR AU PLUS VITE POUR LA MODERNISATION DE L'AÉROPORT, EN ÉTANT À L'ÉCOUTE DES ACTEURS LOCAUX

À court terme, l'État doit s'assurer de la réalisation de travaux urgents à l'aéroport de Nantes à deux titres. D'une part, améliorer la qualité de service et la sécurité, tant au niveau de l'aérogare que de la piste, et développer l'offre de stationnement. D'autre part, anticiper le déploiement d'infrastructures d'alimentation électrique sur les postes de stationnement au contact qui sera obligatoire en 2025 (règlement européen « AFIR » de 2023).

 Demander au concessionnaire un programme d'investissements urgents en faveur de l'aéroport de Nantes Atlantique, en mettant l'accent sur l'amélioration des conditions d'accueil des voyageurs, la sécurité de la piste et la conformité des infrastructures aux obligations issues du règlement européen « AFIR » (proposition n° 1).

L'AO de la nouvelle concession doit être mené à bien dans les meilleurs délais, en tirant les enseignements du passé : les acteurs locaux ont fustigé « une culture de l'opacité » dans la gestion du précédent AO par les services de l'État.

Deux points doivent faire l'objet d'une forte vigilance : l'association des acteurs locaux dans l'élaboration du futur cahier des charges et la publicité de ce document. En outre, le rapporteur s'alarme du recours étonnamment « massif » aux prestations de conseil par le Gouvernement dans le cadre du nouvel appel d'offres, un an après la publication du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques.

Une nouvelle approche est indispensable pour renouer les liens de confiance avec le territoire nantais, selon trois mots d'ordre rappelés par les maires des 24 communes de la métropole de Nantes : « transparence - clarté - confiance ».

 Assurer une meilleure transparence de la nouvelle procédure d'appel d'offres, à travers (proposition n° 4) :

la conduite de réunions de concertation régulières avec les acteurs de terrain (élus locaux, milieux socio-économiques et riverains), notamment au cours de l'élaboration du cahier des charges ;

la soumission pour avis du projet de cahier des charges aux collectivités territoriales directement concernées par le projet de modernisation de l'aéroport ;

la publicité du cahier des charges. 

 Encadrer strictement le recours à des cabinets privés dans la gestion du projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer la publicité des prestations demandées (proposition n° 5).

B. MAÎTRISER L'IMPACT ENVIRONNEMENTAL DE NANTES ATLANTIQUE

L'aéroport de Nantes Atlantique génère des nuisances environnementales liées notamment aux aéronefs (émissions de particules fines) et aux engins de piste. Or, il est situé à moins de 3 kilomètres de la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu (zone Ramsar) qui constitue l'un des plus grands lacs de plaine d'Europe. D'une superficie de 2 695 hectares, elle abrite des centaines d'espèces protégées et une population d'oiseaux exceptionnelle.

Si des traces d'hydrocarbures ont été retrouvées dans l'eau du lac, il n'existe pas de données étayées sur l'impact de l'activité de la plateforme (nuisances sonores liées au survol des aéronefs, émissions polluantes et eaux de ruissellement non traitées) sur la réserve. Dans ces conditions, la mise en oeuvre de mesures préventives et correctives est rendue particulièrement difficile.

 Assurer une intégration durable de l'aéroport dans son environnement par (proposition n° 7) :

- le lancement dès aujourd'hui d'une étude destinée à mesurer les effets des nuisances issues de l'aéroport sur la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu ;

- l'établissement d'un cahier des charges plus ambitieux sur le plan environnemental pour le prochain appel d'offres (par exemple, sur la gestion des eaux de ruissellement, la décarbonation des engins de piste et la maîtrise du foncier utilisé).

C. FAIRE DE LA SANTÉ DES POPULATIONS RIVERAINES UNE PRIORITÉ

Les riverains de l'aéroport de Nantes subissent un haut niveau de nuisances sonores aériennes, du fait de la proximité immédiate de l'aéroport avec le centre-ville de Nantes et des trajectoires de décollage et d'atterrissage des avions, qui survolent à basse altitude des zones habitées.

Ces nuisances sont un enjeu majeur de santé publique (maladies cardiovasculaires, perturbations du sommeil, etc.). Il est donc impératif de répondre à la demande pressante et légitime des populations d'être mieux protégées.

Plusieurs mesures ont d'ores et déjà été prises pour atténuer les nuisances sonores, à commencer par la mise en place en avril 2022 d'un couvre-feu entre minuit et six heures du matin. Cependant, ce dispositif n'est pas suffisamment respecté. Les compagnies aériennes peuvent en effet mettre en avant des « raisons indépendantes de leur volonté » pour y déroger. En outre, le caractère flou de cette dérogation est source de divergences d'interprétation entre ces dernières et l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), chargée de prononcer les sanctions. De surcroît, les amendes fixées par l'Acnusa en cas de violation du couvre-feu sont insuffisamment dissuasives.

 Renforcer le couvre-feu à l'aéroport de Nantes Atlantique et en améliorer l'application par (proposition n° 9) :

- la réécriture de l'arrêté établissant le couvre-feu, afin de clarifier les conditions exonératoires pouvant être invoquées par les compagnies aériennes en cas d'atterrissage en dehors des horaires programmés ;

- le doublement du plafond des amendes de l'Acnusa en cas de non-respect du couvre-feu ;

- l'interdiction des atterrissages avant 7 heures du matin et des décollages après 21 heures.

En outre, afin de réduire les nuisances sonores « à la source », le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisés à Nantes Atlantique est un levier à exploiter. Les dernières générations d'avions mises sur le marché sont en effet bien plus performantes acoustiquement que les plus anciennes et peuvent permettre des gains sonores marqués. Le rapporteur estime que le renouvellement des flottes pourrait être encouragé, de façon volontariste, grâce à une modulation des redevances aéroportuaires1(*).

 Assurer rapidement le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisés à l'aéroport de Nantes Atlantique par la modulation des redevances aéroportuaires selon la classe acoustique des aéronefs utilisés par les compagnies aériennes, grâce à un barème ayant vocation à être renforcé au fil des années (proposition n° 11).

En complément de ces mesures visant à réduire les nuisances sonores à la source, les mesures d'atténuation de leurs effets sont à renforcer, notamment par l'insonorisation des logements. Des dispositifs existent déjà pour accompagner les riverains dans ces travaux, mais ils restent encore insuffisants. Les aides à l'insonorisation sont en effet plafonnées à un niveau fixé en 2011 alors que le coût des travaux a augmenté de 33,4 % depuis cette année. À cet égard, le rehaussement de 25 % de ce plafond annoncé par le Gouvernement n'est pas à la hauteur des besoins. En outre, certains riverains ont bénéficié d'une aide à une époque où les techniques d'insonorisation étaient moins performantes et le trafic plus faible qu'aujourd'hui et n'y sont donc plus éligibles : des travaux de mise à niveau peuvent être indispensables pour ces personnes.

 Renforcer les dispositifs d'atténuation des effets des nuisances sonores pour les riverains de Nantes Atlantique par (proposition n° 13) :

- le rehaussement du plafond des aides à l'insonorisation en tenant compte de l'inflation ;

- la réouverture du droit à l'isolation phonique pour les travaux effectués avant une date qui serait fixée par voie réglementaire, pour tenir compte des évolutions intervenues en matière de techniques d'isolation.

Enfin, la procédure aujourd'hui utilisée pour éviter le survol du centre-ville de Nantes engendre de nombreuses nuisances sonores pour d'autres populations riveraines et des risques pour la sécurité des vols, faute d'outils technologiques adéquats. Une solution (dite approche « RNP AR ») permettrait de conserver la trajectoire dérogatoire actuelle, tout en la rendant plus sûre et fluide et donc moins bruyante pour les populations survolées. Le rapporteur juge opportun de prévoir une application obligatoire de ce dispositif d'ici à 2027.

 Mettre en place la procédure d'approche « RNP AR » pour limiter les nuisances sonores autour de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer une meilleure sécurité des vols (proposition n° 15).

RAPPORT

I. APRÈS L'ABANDON DU PROJET DE NOTRE-DAME-DES-LANDES, DE NOMBREUX ENGAGEMENTS NON TENUS

A. À LA SUITE DU RENONCEMENT À CONSTRUIRE UN AÉROPORT À NOTRE-DAME-DES-LANDES, DES COMPENSATIONS ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT

1. L'abandon unilatéral du projet de Notre-Dame-des-Landes : le fait générateur des difficultés actuelles

Le projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique trouve ses origines dans l'abandon, en 2018, de la construction d'un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes - ou « aéroport du Grand Ouest » - qui était envisagée depuis près de soixante ans.

Retour sur l'historique du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes

La construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes a été envisagée dès les années 1960, dans l'objectif d'améliorer la desserte aérienne des régions Bretagne et Pays de la Loire. Ce projet vise aussi à permettre le transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique - alors dénommé aéroport de Nantes Château-Bougon2(*) - vers une infrastructure plus capacitaire, compte tenu de la hausse attendue du trafic aérien sur cette plateforme.

Projet de transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes

Source : site internet de la Commission nationale du débat public.

En 1963, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) lance le projet des « métropoles d'équilibre » dans l'objectif de favoriser le développement de centres de pouvoir au niveau régional, en contrepoids à l'hypercentralisation parisienne ; Nantes-Saint-Nazaire fait partie des premières métropoles d'équilibre identifiées par le Gouvernement. Le projet de construction d'un grand aéroport intervient dans ce contexte, et afin de répondre aux besoins croissants du territoire en matière de transport aérien.

Le site de Notre-Dame-des-Landes est sélectionné en 1968 ; il est situé à environ 20 kilomètres au nord-ouest de Nantes et à 50 kilomètres au nord-est de Saint-Nazaire. En 1974, une « zone d'aménagement différé » (ZAD) est créée par arrêté préfectoral, sur une zone d'environ 1 650 hectares constituée de bocage humide utilisé notamment pour des activités de pâturage. La ZAD est une procédure permettant aux collectivités territoriales, à travers l'exercice d'un droit de préemption, d'acquérir progressivement des réserves foncières en vue d'un projet d'aménagement futur.

Des premières contestations émergent et, à la suite notamment des « chocs pétroliers », le projet est mis en suspens au cours des années 1970.

Le projet est relancé au début des années 2000, dans quatre objectifs :

- répondre à la saturation de l'aéroport de Nantes Atlantique qui fait face à un essor de son trafic ;

- améliorer la desserte du Grand Ouest vis-à-vis des principales villes de France, mais aussi de l'Europe et de destinations à l'international ;

- réduire la dépendance du territoire aux infrastructures aériennes parisiennes ;

- contribuer au développement économique du territoire.

En 2006, à la suite d'un débat public de deux ans mené sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), l'enquête publique est lancée. La déclaration d'utilité publique du projet est publiée par décret le 10 février 2008. Le groupe Aéroports du grand ouest (AGO) remporte l'appel d'offres en 2010.

La procédure et le lancement des travaux sont toutefois entravés par la vive contestation suscitée par le projet et, en pratique, par l'occupation de la ZAD par des opposants à la construction de l'aéroport. Cependant, en dépit des très nombreux recours contentieux menés contre le projet - ils ont donné lieu à plus d'une centaine de décisions - la légalité de celui-ci a été confirmée par les différentes juridictions saisies.

Le 26 juin 2016, un peu moins de dix ans après la publication de la déclaration d'utilité publique sur le projet d'aéroport du Grand Ouest, une consultation locale a été organisée en application de l'article L. 123-20 du code de l'environnement3(*) et d'un décret4(*) publié au mois d'avril. Les habitants de Loire-Atlantique ont été invités à répondre à la question suivante : « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? ».

Avec un taux de participation de l'ordre de 51 %, la majorité des votants (55,17 %) a répondu de manière affirmative à cette question.

Si cette consultation n'était pas contraignante d'un point de vue juridique, Manuel Valls, alors Premier ministre, s'était engagé à ce que les travaux de construction de l'aéroport soient engagés en cas de victoire du « oui ».

Extrait des questions au Gouvernement du 21 juin 2016 - Assemblée nationale (Propos de Manuel Valls, Premier ministre)

« Le Conseil d'État a rejeté hier le recours formé contre le décret relatif à la consultation des électeurs des communes de la Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique vers la commune de Notre-Dame-des-Landes. À quelques jours de ce référendum, il me paraît important de rappeler que la juridiction a validé le périmètre de la consultation, ainsi que la question posée aux électeurs. Pour ceux qui pouvaient en douter, la consultation aura donc bien lieu dimanche prochain, sur la base du projet déclaré d'utilité publique en 2008. Je me réjouis bien sûr de cette décision. Je veux en tout cas assurer que l'État met tout en oeuvre pour que cette consultation se déroule dans les meilleures conditions et dans le respect des principes du droit et de la démocratie. [...]

Cette consultation constitue en effet une innovation démocratique majeure. Je ne doute pas que c'est en donnant la parole aux citoyens les plus concernés par le projet que nous pourrons sortir par le haut des blocages actuels [...].

J'invite donc les forces citoyennes à se mobiliser pour que la participation soit la plus élevée possible dimanche [...] et que cette consultation soit non seulement une expérience civique qui fera honneur à notre démocratie, mais aussi un moment de vérité sur ce projet [...].

Le Gouvernement tiendra compte, bien sûr, du résultat de la consultation. Si le « non » l'emporte, le projet sera abandonné. Si le « oui » l'emporte, le projet sera engagé [...].

Quel que soit le résultat, les personnes qui occupent illégalement des propriétés devront partir. L'État de droit s'appliquera à Notre-Dame-des-Landes comme partout ailleurs dans notre pays. »

Pourtant, en 2017, le Gouvernement lance une mission de médiation afin de comparer les avantages et inconvénients des deux options en présence : la construction de l'aéroport du Grand Ouest et la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Le 17 janvier 2018, le Premier ministre Édouard Philippe annonce l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, « après cinquante années d'hésitation », au profit du réaménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Extrait de la déclaration du Premier ministre, Édouard Philippe, annonçant l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes - 17 janvier 2018

« [...] Cette décision est une décision d'apaisement. Elle doit aussi être l'occasion d'un nouveau départ, l'occasion de construire différemment, intelligemment. Le Grand Ouest a besoin de solutions pour croître. C'est une région puissante. Sa démographie et son économie sont dynamiques. Elle a besoin pour son développement d'être connectée au reste de la France et au reste de l'Europe. Mais précisément cette connexion ne peut plus s'envisager aujourd'hui comme elle était pensée il y a cinquante ans ou même il y a vingt ans. Il y a cinquante ans, le modèle pour Notre-Dame-des-Landes c'était de bâtir le troisième aéroport français et d'accueillir le Concorde pour rejoindre la vitesse supersonique le plus vite possible. Il y a vingt ans, le projet a été redéfini pour réaliser une plateforme aéroportuaire régionale permettant de développer des vols internationaux. Ce projet ne répond plus aux objectifs actuels, aux réalités actuelles de l'organisation aéroportuaire qui réservent à quelques grands aéroports nationaux les vols long-courriers.

Ce dont le Grand Ouest a besoin, ce à quoi le Gouvernement s'engage, c'est de garantir que Brest, que Nantes, que Rennes, disposent de liaisons faciles avec les autres métropoles européennes et de mettre en place des liaisons rapides avec les hubs long-courriers internationaux. Le récent rapport de médiation a montré qu'il n'y a pas de solution idéale, mais qu'il existe une alternative crédible au transfert de l'aéroport.

Cette solution, c'est le réaménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique. Les études ont aussi montré qu'il était possible de prendre des mesures limitant la hausse des nuisances sonores pour la population. Dans un premier temps, l'aérogare de Nantes Atlantique sera modernisée et les abords de pistes seront aménagés pour permettre à l'aéroport d'accueillir plus de passagers.

Ces premières mesures peuvent être réalisées sur l'emprise actuelle de l'aéroport dans des délais rapides. En parallèle, la procédure pour l'allongement de la piste sera engagée. Elle permettra de réduire les nuisances sonores à Nantes. Nous ferons tout pour réduire ces nuisances pour le village de Saint-Aignan-Grandlieu et si techniquement cela n'était pas possible, elles feraient l'objet de compensations exemplaires [...] ».

Cette décision, qui allait à l'encontre de la volonté exprimée par la population de Loire-Atlantique lors de la consultation locale de 2016, est à l'origine des difficultés rencontrées aujourd'hui à l'aéroport de Nantes Atlantique.

Elle a suscité une lourde incompréhension dans le pays nantais. De nombreux acteurs ont évoqué un Gouvernement « revenant sur sa parole » et un sentiment de « trahison ». Dès le début de ses travaux, le rapporteur a tenu à aller à la rencontre des acteurs locaux (élus, riverains et acteurs économiques) pour recueillir leur point de vue. Lors d'un déplacement à Nantes le 13 novembre 2023, nombre d'entre eux ont évoqué un « un coup de canif dans un contrat de confiance », « une forte déception » ou encore « un sentiment d'amertume » par rapport à la décision du Gouvernement.

De manière plus grave encore, le choix du Gouvernement de ne pas tenir compte des résultats de la consultation publique a pu alimenter un sentiment de défiance vis-à-vis de la puissance publique, voire de suspicion, en particulier parmi les riverains et élus locaux des communes voisines de l'aéroport de Nantes Atlantique qui sont les plus touchées par les nuisances sonores aériennes.

L'Association contre le survol de l'agglomération nantaise (Acsan) a ainsi souligné auprès du rapporteur que les habitants ont vécu ces « revirements » et « atermoiements » de l'État comme un « déni de démocratie ». Elle a rappelé que la décision d'abandonner le projet de Notre-Dame-des-Landes « a entraîné des conséquences désastreuses sur la confiance que les citoyens pouvaient avoir dans l'État et les institutions républicaines ».

2. Le contrat d'avenir entre l'État et les Pays de la Loire : de nouveaux engagements gouvernementaux pour compenser l'enterrement du projet de Notre-Dame-des-Landes

L'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes par le Gouvernement a induit une rupture du lien de confiance avec le territoire nantais.

Dans ce contexte, et compte tenu des conséquences néfastes de la décision unilatérale du Gouvernement pour la santé des populations riveraines de l'aéroport de Nantes Atlantique d'une part et le développement du territoire d'autre part, un ensemble de mesures compensatoires a été prévu pour la région Pays de la Loire.

Le 8 février 2019, le Premier ministre, Édouard Philippe, a ainsi signé à Nantes un Contrat d'avenir des Pays de la Loire avec la présidente de la région, Christelle Morançais, répondant à deux objectifs : « renforcer l'attractivité et l'accessibilité de la Région en développant les mobilités et les infrastructures de transport » et « rebondir en se projetant vers l'avenir ». Ce contrat comporte 37 projets, répartis selon quatre axes :

- améliorer les mobilités ;

- accélérer le déploiement du numérique sur tous les territoires ;

- développer l'économie de la connaissance ;

- accompagner le défi de la transition écologique.

La majorité de ces projets (21 sur 37) concernent l'amélioration des mobilités dans la région.

· Le premier engagement tire les conséquences de l'abandon de la construction d'un nouvel aéroport pour le Grand Ouest : il prévoit le réaménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique « pour répondre à l'augmentation du trafic observée et à venir ».

Présentation succincte de l'aéroport de Nantes Atlantique

Anciennement dénommé « aéroport de Nantes-Château-Bougon », l'aéroport de Nantes atlantique est situé sur le territoire des communes de Bouguenais et de Saint-Aignan-Grandlieu, au sud-ouest de la ville de Nantes.

Héritier d'un camp d'aviation créé dès les années 1920, l'aéroport a vu ses activités commerciales et de tourisme se développer véritablement à partir des années 1950. La capacité d'accueil de l'aéroport augmente sensiblement au cours des années 1980, période à laquelle il est renommé « aéroport de Nantes Atlantique ». Tout comme l'aéroport de Saint-Nazaire Montoir, il est la propriété de l'État et est géré par le concessionnaire « Aéroports du Grand Ouest » (AGO), une filiale du groupe Vinci.

L'aéroport actuel dispose d'une emprise au sol de 340 hectares et d'une piste de 2 900 mètres. L'aérogare dispose d'un terminal unique d'une superficie de 43 000 m2.

Il accueille aujourd'hui une vingtaine de compagnies aériennes. Toutefois, seules quatre compagnies sont « basées » à Nantes Atlantique (c'est-à-dire qu'elles y hébergent des flottes d'avions) : Air France, sa filiale à bas coûts Transavia, Volotea et Easy Jet.

Selon les données transmises par AGO, en 2019, l'aéroport générait environ 3 250 emplois directs et 4 900 emplois indirects. Sa contribution au produit intérieur brut (PIB) s'élevait à près de 1,5 milliard d'euros au niveau national et à 0,9 milliard d'euros pour la région (soit 60 % du PIB généré dans la région Pays de la Loire).

En 2022, l'aéroport a accueilli 5,78 millions de passagers et plus de 44 000 vols. Entre janvier et octobre 2023, ces chiffres s'élèvent respectivement à 5,66 millions de passagers et plus de 41 000 vols. Après deux années de baisse du trafic en 2020 et 2021, le trafic est donc reparti à la hausse, même s'il demeure à un niveau inférieur à celui de 2019 (7,19 millions de passagers et plus de 63 000 vols).

Source : Ouest France.

Il était prévu que ce premier projet soit conduit « en concertation avec les collectivités locales » et qu'un appel d'offres en vue de choisir un nouveau concessionnaire soit lancé en 2021.

À court terme, il était également prévu que des travaux de mise à niveau soient engagés par le concessionnaire actuel de l'aéroport, à travers la « réfection du balisage du taxiway, la libération de l'aérogare des fonctions annexes pour la réserver aux passagers et la création de nouvelles lignes de postes d'inspection et de filtrage ». Le concessionnaire devait également augmenter la capacité du stationnement automobile dès 2019 et moderniser les équipements de détection d'explosifs dans les bagages en soute.

· Le deuxième engagement vise à améliorer la desserte de l'aéroport via les transports en commun.

Le contrat indique en effet que l'« une des conséquences majeures du maintien de l'aéroport à Nantes Atlantique est la nécessité d'améliorer et fluidifier l'accessibilité à la plate-forme aéroportuaire actuelle ». Il était prévu qu'une étude soit lancée pour améliorer cette desserte depuis l'ensemble de la région et le centre de la métropole, par voie de transport public ferré ou routier, et que l'État concoure au financement de cette étude.

Le contenu de ces mesures a été précisé en octobre 2019, à travers la publication de 31 engagements de l'État.

· Le contrat d'avenir affichait en outre une nouvelle ambition en faveur du transport ferroviaire dans la région Pays de la Loire. Deux engagements ont suscité des attentes particulières à cet égard.

D'une part, l'objectif de développer, à long terme, l'accès ferroviaire à Paris et à ses aéroports, à travers plusieurs mesures, dont la plus emblématique est la mise en place du nouveau mode de signalisation répondant aux standards européens « ERTMS 2 » sur la ligne à grande vitesse (LGV) reliant Nantes et Paris. Un déploiement était prévu entre 2023 et 2027 sur la section Sablé-Angers-Nantes, particulièrement saturée aux heures de pointe. La création d'une voie supplémentaire dédiée à cette LGV entre Massy et Valenton était également prévue, pour améliorer la capacité de cette ligne sur laquelle circule par ailleurs le RER C.

D'autre part, à court terme, améliorer la qualité de service de la liaison ferroviaire vers Paris. Était notamment prévue l'accélération de la mise aux standards de protection de la portion de la LGV située entre Nantes, Angers et Sablé, à travers la pose de clôtures le long de certains tronçons concernés par des heurts d'animaux (une des premières causes des retards de train aujourd'hui), de maîtriser la végétation de manière à éviter les chutes d'arbres lors d'évènements climatiques violents et, enfin, de mettre en place un système de télédétection de l'état du réseau et de multiplier les accès aux voies depuis la route pour les engins de réparation. Ainsi, plus de 70 km de voies devaient bénéficier de cette protection renforcée avant la fin 2022.

Enfin, l'amélioration des liaisons ferroviaires entre Nantes, la Loire-Atlantique et la Bretagne constituait également un engagement important du contrat d'avenir. Était aussi envisagée la réalisation d'études en vue de la création d'une ligne nouvelle entre Rennes et Redon et la modernisation du réseau existant entre Nantes et Redon (par exemple à travers la modernisation de la signalisation).

B. QUATRE ANS APRÈS : DES PROMESSES DÉÇUES, UN SENTIMENT DE « DOUBLE PEINE »

1. Des mesures compensatoires qui se font toujours attendre sur le territoire
a) Des efforts d'adaptation de la plateforme de Nantes Atlantique réalisés qui demeurent nettement insuffisants

Édouard Philippe, Premier ministre, a déclaré le 8 février 2019 que le premier engagement de l'État pour répondre à la situation engendrée par l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes était « la transformation de l'aéroport de Nantes Atlantique en un aéroport moderne ». Or, à rebours de cette promesse, l'état de l'infrastructure demeure préoccupant.

Certes, des travaux ont été menés depuis 2019 par l'actuel concessionnaire. Selon les informations transmises par AGO, ils portent notamment sur :

- les équipements de détection d'explosifs dans les bagages de soute ;

- les dispositifs de traitement des eaux ;

- le taxiway et les voies de circulation ;

- la réalisation d'un poste de contrôle (PC) dédié à la vidéosurveillance sûreté et équipement d'un deuxième « PC crise » ;

- la mise en place de barrières lourdes et de plots béton sur le linéaire devant l'aérogare.

Cependant, une large part de ces travaux constituait en réalité des aménagements urgents, destinés à assurer la conformité des équipements de la plateforme à la réglementation en vigueur, notamment au regard de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques et en matière de sûreté.

D'autres aménagements ont été réalisés pour améliorer la qualité de service de la plateforme, comme la construction de postes d'inspection filtrage (PIF) supplémentaires ou encore la création de nouvelles places de stationnement automobile (création de 400 places supplémentaires au sein d'un parking étape).

Source : éléments transmis par AGO.

Des travaux ont également été conduits afin de développer une nouvelle activité au sein de l'aéroport : la plateforme a connu des aménagements afin d'être en mesure d'accueillir des avions de type « Beluga XL », c'est-à-dire des avions-cargo capables de transporter des pièces d'avion entre différents sites de production.

Source : éléments transmis par AGO.

Au total, ces efforts ne sont toutefois pas suffisants pour répondre réellement aux besoins de qualité de service et résoudre le problème de « saturation » rencontré par l'aéroport de Nantes Atlantique.

En outre, certains travaux n'ont en réalité été réalisés qu'à titre temporaire : certains nouveaux locaux ont ainsi été créés au sein de bâtiments modulaires.

Source : éléments transmis par AGO.

Selon le concessionnaire, cette situation s'explique par le fait que « la perspective d'un transfert de l'aéroport Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes a conduit à privilégier des solutions modulaires pour les aménagements qui ont été réalisés durant les années précédant la date annoncée du transfert » et à « maintenir en état des équipements vieillissants tels que les passerelles d'accès aux avions ».

Passerelle réalisée à titre temporaire à Nantes Atlantique

Source : déplacement sénatorial à Nantes le 13 novembre 2023.

Dans ce contexte, les compagnies aériennes basées à l'aéroport de Nantes Atlantique entendues par le rapporteur soulignent unanimement que le niveau de service rendu et la qualité des infrastructures de la plateforme sont nettement insuffisants, voire en voie de dégradation. Ce constat s'applique aussi bien à l'aérogare qu'aux infrastructures de piste.

L'une d'entre elles souligne ainsi « de nombreuses difficultés concernant les services offerts par l'aéroport de Nantes, tant sur le plan des opérations que de l'expérience pour les voyageurs » et estime que « le retard de modernisation sature les infrastructures ».

Selon cette compagnie, « les zones d'enregistrement et d'embarquement ne disposent pas aujourd'hui de la capacité nécessaire pour prendre en charge convenablement les voyageurs et leur faire bénéficier d'un niveau de service adéquat. » S'agissant de la piste, de manière encore plus préoccupante, elle précise que la « forte coactivité entre les différents intervenants provoque des situations dangereuses et menace la santé-sécurité de nos salariés ainsi que la sécurité des vols ». À ce sujet, la FNAM ajoute que la piste, du fait de son usure, « possède sur une partie de sa surface des irrégularités qui conduisent à des atterrissages très durs » et que « ces défauts pourraient à terme représenter un danger pour la sécurité des vols ».

Une autre compagnie met ainsi en avant que « les conditions d'accueil des clients sont très dégradées ». Elle précise : « l'aéroport de Nantes est celui où nous enregistrons les taux de satisfaction les plus bas. [...] Les installations se révèlent être aujourd'hui sous-dimensionnées et obsolètes au regard des niveaux de trafic réalisés par l'aéroport, au détriment tant du confort des passagers que de la sécurité du personnel, des opérateurs et de l'image de marque de la métropole nantaise et de la région ».

Au cours d'un déplacement à Nantes en novembre 2023, le rapporteur a pu constater in situ la saturation du terminal. Il s'y est pourtant rendu un jour de semaine et à une période de l'année où le trafic aérien est loin d'être le plus dense. L'état de saturation du terminal est encore bien plus important lors des week-ends et en période estivale, périodes où le trafic aérien atteint un pic.

En définitive, si des travaux ont été réalisés par l'actuel concessionnaire depuis 2019 à la suite de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes ceux-ci demeurent nettement insuffisants pour assurer une qualité de service adéquate, tant pour les compagnies aériennes que pour les voyageurs.

b) Desserte de l'aéroport et de la région nantaise en transports collectifs : des améliorations qui tardent à se concrétiser 

En dépit des objectifs fixés en 2019, la desserte de l'aéroport en transports collectifs demeure peu satisfaisante. Une navette relie le centre-ville de Nantes et l'aéroport, et deux lignes de bus (38 et 98) desservent également l'aérogare. L'aéroport n'est cependant pas desservi par le tramway. Cette situation s'explique notamment par la fermeture programmée de l'aéroport de Nantes Atlantique jusqu'en 2018.

Pendant des années, le projet de transfert de l'aéroport a en effet conduit les collectivités territoriales à ne pas s'engager dans la réalisation de nouvelles offres de services ou infrastructures urbaines ou interurbaines pour améliorer la connectivité de l'aéroport. Face à ce constat, le Gouvernement a entendu faire de l'amélioration de la desserte de l'aéroport une priorité : il s'agissait du deuxième projet du Contrat d'avenir des Pays de la Loire et cet engagement a été repris parmi les 31 mesures en faveur de l'aéroport dévoilées en octobre 2019.

Le 12 février 2021, a été publié conjointement par Nantes Métropole, la région Pays de la Loire et la préfecture de région un schéma directeur d'accessibilité de l'aéroport de Nantes Atlantique. Le scénario retenu dans ce document prévoit la création d'une ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) entre la gare de Nantes et l'aéroport. En complément, une halte ferroviaire à proximité de l'aéroport sur la ligne Nantes - Saint Pazanne, qui sera desservie par le BHNS, sera également mise en service.

Cependant, le calendrier de mise en oeuvre de ces projets est contrarié par le report des travaux de modernisation de l'aéroport. En particulier, les travaux relatifs la création de la halte ferroviaire ont vocation à être lancés concomitamment au réaménagement de l'aéroport. Nantes Métropole souligne à cet égard que « l'absence de projet de modernisation dans les délais initialement annoncés à la suite de la décision du 29 septembre 2023 de déclaration sans suite de l'appel d'offres engagé en 2019 [...] ne permet pas aux collectivités concernées et en premier lieu, Nantes Métropole de penser les interfaces nécessaires entre les projets de manière à concevoir la nécessaire intermodalité à toutes les échelles et assurer l'ancrage territorial de la plateforme dans son environnement en lien avec le pôle économique adjacent ».

Le Gouvernement s'est aussi engagé à améliorer la desserte ferroviaire de la région, et notamment s'agissant de la liaison ferroviaire entre Nantes et Paris. Quatre ans plus tard, les progrès constatés sur ce sujet sont encore insuffisants.

Des travaux de régénération du réseau ont certes été menés entre Le Mans et Nantes entre 2019 et 2023 pour un total de 134,5 M€.

Cependant, contrairement à ce qui était prévu dans le Contrat d'avenir, la liaison Nantes/Paris ne fait pas partie des premiers axes ferroviaires identifiés pour bénéficier du nouveau mode de signalisation répondant aux standards européens, l'ERTMS 2. Des études préliminaires ont bien été lancées, cependant, la mise en service de l'infrastructure ne devrait avoir lieu qu'entre 2030 et 2041, et les trains ne devraient être adaptés à cette nouvelle technologie qu'entre 2035 et 2039. Le Contrat d'avenir prévoyait pourtant une mise en service au cours de la période 2023-2027. Une mise en oeuvre plus rapide de ce nouveau mode de signalisation aurait pourtant permis d'accélérer le cadencement des trains sur cette ligne saturée en heures de pointe et d'améliorer la qualité de service. Le Premier ministre avait d'ailleurs souligné en 2019 « l'importance que revêtent les signalisations modernes et les plus performantes [...] qui font la différence dans l'exploitation efficace et fluide d'une ligne ferroviaire ».

Par ailleurs, la qualité de service de la liaison entre Paris et Nantes pâtit de la configuration des infrastructures entre Massy et Valenton, en Île-de-France. Une zone de croisement entre les lignes de RER et les trains à grande vitesse entraîne en effet des difficultés de circulation. Des travaux ont donc été prévus pour créer une deuxième voie uniquement dédiée à ces derniers. Ils s'organisent en deux phases : une première phase concerne la partie est du secteur, et une seconde, la partie ouest. La première partie des travaux a été achevée en 2021. L'État s'est en outre engagé à mettre en service la section ouest du projet entre 2023 et 2027 dans le cadre du Contrat d'avenir. Des travaux, encore en cours de finalisation, se sont déroulés à l'été 2023. Cependant, d'autres opérations sont encore nécessaires et devraient être lancées prochainement, une fois les financements identifiés.

2. L'appel d'offres sur la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique : « beaucoup de bruit pour rien »
a) La remise en concession de l'aéroport de Nantes Atlantique : une procédure laborieuse, victime d'un « atterrissage forcé »

Si des aménagements de court terme sont indispensables, ceux-ci ne suffiront pas à résoudre totalement les problèmes structurels liés à de la mauvaise qualité de service présentée par l'aéroport de Nantes Atlantique. Or, près de six ans après l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes et malgré de nombreuses promesses formulées en 2019, l'État n'a pas été en mesure de mener à bien la procédure de renouvellement de la concession de l'aéroport.

Le calendrier initial de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique annoncé par le Premier ministre en 2019 était précis et ambitieux. Il s'agissait de « désigner le nouvel exploitant avant la fin de l'année 2021 et [de] commencer les travaux de réaménagement complet dès le début de l'année 2022 ». Le réaménagement de l'aéroport était d'ailleurs le premier projet mentionné dans le Contrat d'avenir, ce qui atteste du caractère central et prioritaire de cet enjeu.

Chronologie de la procédure d'appel d'offres sur le renouvellement de la concession de Nantes Atlantique

- 31 octobre 2019 : publication de l'avis de concession

- 7 janvier 2020 : date limite de remise des candidatures

- 17 mars 2020 : début de la crise sanitaire liée à la Covid-19 (1er confinement)

- 4 avril 2020 : information des sociétés ou groupements des suites données à leurs candidatures (trois candidats admis à présenter une offre)

- 8 avril 2022 : envoi aux candidats admis à présenter une offre de la base de données (« data room »)

- 1er juillet 2020 : transmission du dossier de consultation des entreprises (DCE) aux candidats (remise des offres fixée au 14 décembre 2020)

- Juillet 2020 : visites de terrain sur les aéroports de Nantes Atlantique et Saint-Nazaire Montoir par les candidats organisées par l'État et prise de vidéos des deux plateformes par drone

- 20 juillet 2020 : retrait d'un candidat

- 14 et 15 octobre 2020 : nouvelles visites de terrain des candidats

- 16 octobre 2020 : réception des dossiers préliminaires et notes de commentaires, conduisant à organiser des auditions des candidats

- 18 et 19 novembre 2020 : premier cycle d'audition des candidats

- 3 décembre 2020 : nouvelle visite de terrain

- 29 janvier 2021 : remise par les candidats de notes d'analyse et de propositions sur le modèle de régulation économique, à la demande de l'État

- Nouvelle date de remise des offres fixée au 13 septembre 2021

- Janvier à juin 2021 : nouvelles investigations réalisées à la demande des candidats, et nouvelles visites de terrain hors concession

- Mars 2021 : second cycle d'audition des candidats, incluant des échanges avec la métropole et la région

- 8 juillet 2021 : entretien des candidats avec la CARENE (élus concernés par l'aéroport de Saint-Nazaire Montoir, qui doit servir d'aéroport provisoire durant la fermeture de piste de l'aéroport de Nantes Atlantique pour les travaux de piste)

- 9 juillet 2021 : entretien des candidats avec les garantes du débat public organisé par la CNDP en 2019

- 3 août 2021 : envoi d'un DCE modificatif intégrant notamment des modifications relatives au modèle de régulation économique

- 30 septembre 2021 : par suite de la demande de la DGAC, remise par les candidats de notes de commentaires sur la qualité de service et le développement durable, le délaissement, le bouclage financier, le plafonnement des tarifs et la clause de bonne fortune

- 31 octobre 2021 : envoi d'un DCE modificatif intégrant des modifications sur la qualité de service, le développement durable, le délaissement

- 7 décembre 2021 : report de six mois de la date de remise des offres en raison des incertitudes liées à la nouvelle vague COVID (émergence du variant Omicron)

- 3 mai 2022 : retrait d'un second candidat

- 28 juin 2022 : remise de l'offre du dernier candidat

- 30 novembre 2022 - 12 décembre 2022 : échanges de courriers entre la DGAC et le dernier candidat

- Janvier-février 2023 : auditions avec ce candidat

- 24 avril 2023 : réunion de la Commission d'appel d'offres portant sur l'analyse de l'offre

- 26 avril 2023 : audition du candidat par la Commission d'appel d'offres

- 22 septembre 2023 : la Commission d'appel d'offres rend son avis

- 28 septembre 2023 : déclaration sans suite de la procédure d'appel d'offres liée à l'absence de concurrence

Source : DGAC

Certes, l'appel d'offres a bien été lancé dans les délais promis par le Gouvernement : l'avis de concession a ainsi été publié dès le 31 octobre 2019.

En avril 2020, trois candidats ont été admis à présenter une offre et le 1er juillet 2020, le dossier de consultation des entreprises (DCE) a été transmis aux candidats. Malgré la crise sanitaire, la mission réaménagement de l'aéroport Nantes Atlantique, structure ad hoc créée pour piloter la procédure au sein de direction générale de l'aviation civile (DGAC), a donc fait en sorte que le calendrier soit tenu.

Toutefois, très rapidement, des difficultés sont intervenues dans le déroulement de la procédure : le 20 juillet, un premier candidat se retire de l'appel d'offres. En mai 2022, un second candidat décide également de se retirer.

Selon les informations recueillies par le rapporteur, plusieurs points soulevaient de particulières difficultés pour les candidats.

La première difficulté est la décision d'inclure dans le cahier des charges de l'appel d'offres un allongement de 400 mètres de la piste de l'aéroport. Alors que les études menées par la DGAC n'ont pas permis d'établir que cette solution pourrait apporter des gains acoustiques perceptibles et que les candidats mettaient en avant les difficultés contentieuses que pourraient poser les procédures d'expropriation nécessaires, le Gouvernement décide au printemps 2021 de maintenir cet allongement dans l'appel d'offres.

La seconde difficulté concerne la déclaration d'utilité publique du projet. De façon peu usuelle, la DGAC afin, selon elle, de gagner du temps, décide qu'il reviendra au candidat retenu de mener la procédure en vue de l'obtention de la déclaration d'utilité publique censée permettre les principaux aménagements nécessaires au projet -- responsabilité qui incombe habituellement à l'administration.

Dans cette situation, seul un candidat - le concessionnaire sortant - remet une offre en juin 2022.

Or, dès l'été 2022, la DGAC constate l'insuffisance de cette offre, mais décide malgré tout d'entamer des discussions avec le candidat. Elle lui transmet donc près de 600 questions sur son offre entre les mois d'août et d'octobre 2022. À la fin du mois de novembre 2022, un courrier est adressé au candidat pour lui faire part du caractère « très insatisfaisant » de son offre. Plusieurs auditions du candidat sont ensuite menées en début d'année 2023 pour étudier les possibilités de faire évoluer son offre.

Il faut attendre le 29 septembre 2023 pour que le Gouvernement annonce dans un communiqué de presse que l'appel d'offres est déclaré sans suite « pour un motif d'intérêt général tiré de l'insuffisance de concurrence ».

Or, entre le moment où la DGAC a identifié les premières insuffisances de l'offre de Vinci et l'abandon de la procédure, environ une année s'est donc écoulée. Cet important délai a été consacré à des négociations entre la DGAC et le candidat, qui n'ont pas permis de parvenir à un accord. Il ressort des auditions menées par le rapporteur que la DGAC et le candidat ont eu une perception sensiblement différente du déroulement de la procédure. Des divergences de vues sont apparues de manière assez précoce au cours de l'appel d'offres, ce qui interroge sur les délais pris par la DGAC pour prendre acte de l'impossibilité de conclure positivement la procédure.

Vinci a en effet souligné avoir « répondu à chacune des phases de l'appel d'offres et soumis une offre conforme au cahier des charges, complète, engageante et répondant à toutes les demandes formulées par le concédant ». Il considère que cette procédure « inhabituellement et excessivement longue » est due à deux facteurs, la complexité du cahier des charges et le manque de communication de l'État. Selon lui, « les échanges avec les services de l'État ont été marqués par des lacunes de communication et plusieurs revirements de la part de l'État ».

En résumé, les services de l'État estiment que le cahier des charges faisait porter une part substantielle des risques sur le concédant et que le dernier candidat en lice a rendu une offre insuffisante. Celui-ci considère en revanche que la complexité du dossier, d'une part, notamment compte tenu des lourdes procédures administratives à mettre en oeuvre (déclaration d'utilité publique en particulier) et les aléas et risques inhérents à ce dossier, d'autre part, amenaient à une allocation des risques défavorable au concessionnaire.

En définitive, il apparaît que certains choix opérés par le Gouvernement afin d'accélérer la procédure ont pu contribuer à nourrir de profondes divergences de vues entre le concédant et les potentiels concessionnaires.

b) La modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique renvoyée aux calendes grecques

À la suite de l'annulation de l'appel d'offres le 29 septembre dernier, la procédure d'attribution de la concession doit, pour ainsi dire, repartir à son commencement.

Clément Beaune, ministre chargé des transports, s'est rendu le 2 octobre dernier à Nantes et a annoncé le lancement de la procédure d'appel d'offres d'ici la fin de l'année 2023. L'avis de concession a été publié le 14 décembre dernier. La remise des offres est prévue d'ici mars 2024.

Lors d'un second déplacement à Nantes le 15 novembre dernier, le ministre a clarifié le calendrier de la nouvelle procédure de remise en concession. Après la publication de l'avis de concession, suivie en 2024 de la transmission du cahier des charges à d'éventuels candidats, des négociations devraient s'établir avec ces derniers jusqu'en 2025. Le nouveau contrat devrait donc être signé en 2026.

Par conséquent, des travaux d'ampleur ne pourraient commencer à être menés qu'en 2027 à l'aéroport de Nantes Atlantique, soit près de dix ans après l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes.

Si on peut saluer le caractère ambitieux de ce calendrier et la volonté de relancer la procédure sans attendre, au regard des difficultés rencontrées lors du précédent appel d'offres, rien n'assure que les délais indiqués seront tenus. Malheureusement, la seule certitude dont disposent les acteurs locaux et usagers de l'aéroport est donc que les travaux de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique seront reportés et que le service rendu ne devrait pas substantiellement s'améliorer dans les prochaines années.

Or, les prévisions d'augmentation du trafic aérien à Nantes Atlantique induisent des difficultés structurelles qui risquent d'aggraver les problèmes de qualité de service rencontrés.

Depuis le début des années 2000, on observe une hausse tendancielle du nombre de mouvements et de passagers à l'aéroport de Nantes Atlantique.

Évolution du nombre de vols et de passagers à Nantes Atlantique depuis 2000

La DGAC anticipe qu'en 2030, cet aéroport accueillera 8 millions de passagers par an, contre 7,2 millions en 2019, année qui a constitué un « pic » pour l'activité de l'aéroport, à la veille de la crise sanitaire. Quant au nombre de mouvements annuels, il pourrait passer de 43 200 en 2022 à 57 000 en 2030, sans atteindre toutefois, selon les prévisions, le record de 2019 qui était de 63 000 vols. En outre, l'aéroport devrait accueillir environ 9,2 millions de passagers en 2040. Ces estimations doivent en outre être mises en regard avec l'important dynamisme démographique de la région Pays de la Loire, qui est susceptible d'induire un accroissement du trafic aérien.

Or, à l'été 2023, les infrastructures aéroportuaires étaient d'ores et déjà pour partie saturées. Sur certains créneaux horaires, le concessionnaire n'était d'ailleurs pas en mesure de répondre à la demande des compagnies, comme l'indique le graphique ci-dessous.

Nombre de passagers constatés au départ à Nantes Atlantique à l'été 2023 (sur 24 h type)

Source : éléments transmis par AGO.

En l'état actuel des choses et dans l'attente des travaux de modernisation de l'aéroport, ces difficultés ne peuvent que s'aggraver dans les prochaines années.

Or, l'aéroport de Nantes Atlantique est l'un des deux plus importants aéroports de l'ouest de la France avec Bordeaux Mérignac. Les élus locaux attendent de cette plateforme qu'elle accompagne le dynamisme du territoire et qu'elle assure une connectivité fiable et efficace du Grand Ouest avec le reste du pays et du monde.

Pour les acteurs socio-économiques, disposer d'un aéroport performant à même de désenclaver efficacement la région et d'assurer une desserte de nombreuses destinations avec des vols nombreux et réguliers est une condition de développement économique. Selon une étude du cabinet Utopies réalisée en 2020 à la demande de Vinci Airports, ce sont environ 27 000 emplois qui sont soutenus par l'aéroport. La plateforme aurait une contribution directe et indirecte de 1,5 Md € au produit intérieur brut (PIB) français, dont environ la moitié en Loire-Atlantique.

Cependant, en pratique, la vétusté actuelle de l'aéroport limite l'ampleur de ces impacts positifs pour la région. Plusieurs acteurs ont en outre souligné que l'état de la plateforme nuit à l'image de la région, car il induit une mauvaise « première impression » du territoire pour les visiteurs qui atterrissent à Nantes.

Il est donc urgent que le nouvel appel d'offres réponde pleinement aux aspirations des acteurs du territoire, qui réclament au plus vite un aéroport accueillant, sûr et moderne, répondant aux standards internationaux en la matière.

3. Un constat largement partagé : de multiples errances des services de l'État et une incapacité à susciter la confiance des élus locaux et des populations

La déception et l'émoi suscités par l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes auraient dû conduire l'État à redoubler d'efforts en matière de dialogue et de transparence, afin de renouer le lien de confiance avec le pays nantais et d'assurer la réussite de l'appel d'offres sur la modernisation de Nantes Atlantique. Pourtant, force est de constater que ces efforts n'ont pas été à la hauteur des attentes, voire qu'ils ont été négligés.

Les acteurs locaux rencontrés par le rapporteur, aussi bien les élus que les associations de riverains, dénoncent unanimement un manque de transparence et même « une culture de l'opacité » de la DGAC, qu'ils ont ressentie dans la conduite de ce dossier. Un maire d'une commune de l'agglomération nantaise a même déclaré au rapporteur que les élus locaux avaient l'impression de faire face à une « volonté de cacher ».

Les acteurs mettent en avant des procédures de concertation très insuffisantes, au cours desquelles les informations fournies étaient bien souvent parcellaires, mais aussi des décisions prises sans réelle prise en compte des propositions formulées par les acteurs du territoire.

Ainsi, alors que le projet de modernisation de l'aéroport de Nantes aurait dû marquer un nouveau départ après les années d'errances sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes, les acteurs ne semblent pas constater de véritable changement de méthode de la part du Gouvernement : ils décrivent au contraire une procédure marquée par un manque d'écoute vis-à-vis du territoire et des décisions et revirements difficilement compréhensibles.

La question de l'allongement de la piste est à cet égard symptomatique de ces difficultés.

L'allongement de la piste : un exemple des errements de la puissance publique dans la gestion du projet de modernisation de l'aéroport

La piste actuelle de l'aéroport mesure 2  900 mètres de long. Un éventuel allongement de la piste vers le sud permettrait de limiter l'impact sonore des survols de Nantes dans la mesure où la trajectoire des avions serait légèrement modifiée si bien qu'ils survoleraient la ville à plus haute altitude. D'autres projets de plus forte ampleur ont aussi été étudiés, comme la création d'une nouvelle piste perpendiculaire à la piste actuelle.

Deux scénarii d'allongements ont été étudiés. L'un prévoyait un allongement de 800 mètres, l'autre de 400 mètres. Le jour de l'annonce de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, le 17 janvier 2018 le Premier ministre a déclaré que « la procédure pour l'allongement de la piste sera engagée ». Un an plus tard, le 8 février 2019, il, considérait cependant que « toutes les hypothèses sont sur la table ».

Lors de la concertation menée sur la modernisation de l'aéroport en 2019, les options d'un allongement de la piste ou d'une simple réfection sont apparues préférables aux participants, sans qu'un consensus clair ne se dégage sur l'une des options. La DGAC décide de retenir un allongement de la piste de 400 mètres dans le cahier des charges de l'aéroport et l'annonce au mois d'octobre. C'est la quinzième des 31 mesures annoncées par l'État relatives à la modernisation de l'aéroport.

Cette décision a été prise bien que l'allongement soit de nature à induire des nuisances supplémentaires à Saint-Aignan-Grandlieu et qu'il implique, de fait, un rapprochement de la piste par rapport au lac de Grand-Lieu, qui est une zone naturelle exceptionnelle protégée notamment au titre de la convention de Ramsar et classée zone Natura 2000.

Dès 2021, les candidats à l'appel d'offres de renouvellement de la concession font part de réticences sur cet aménagement, qui implique d'acquérir de nouvelles emprises, dont certaines sur des zones naturelles à proximité immédiate de zones protégées. Parallèlement, des études complémentaires sont menées par la DGAC. Selon les informations qu'elle a transmises au rapporteur, celles-ci «  ont montré que le gain acoustique était très faible (moins de 1 dB en bruit instantané, et à moins de 0,5 dB en moyenne Lden), et en tout état de cause inférieur au seuil de perception de l'oreille humaine (environ 3 dB) ».

La DGAC recommande donc de supprimer l'allongement de la piste du cahier des charges de l'appel d'offres. Cependant, cette option est finalement maintenue dans le cahier des charges.

La DGAC, au contraire, considère avoir mené son travail en toute transparence. Elle a rappelé que s'est tenue du 27 mai au 31 juillet 2019 une concertation sur le projet de réaménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique sous l'égide de deux garantes désignées par la Commission nationale du débat public (CNDP). Selon la DGAC, cette concertation a permis « un temps de dialogue entre l'État et les parties prenantes au projet et, également, entre les parties prenantes. Les échanges ont été nombreux, riches et argumentés. La concertation a aussi été un temps de débat. [...] Les enseignements que l'État, en particulier la DGAC, tire de la concertation sont riches. Ils ont permis à l'État d'approfondir sa réflexion, d'éclairer la formation de sa décision et d'adapter la conception du projet de réaménagement ».

Elle met en avant la mise en place d'une « gouvernance du projet de réaménagement transparente et ouverte à l'ensemble des parties prenantes » à travers la création de nombreuses structures ad hoc parmi lesquelles :

- un groupe contact qui se réunit mensuellement afin de tenir les collectivités territoriales informées du projet et échanger à son propos ;

- un comité de suivi des engagements de l'État et des collectivités territoriales (CSEECT) : il réunit des élus, les services de l'État, les chambres consulaires, des associations de riverains, des associations environnementales, des organisations professionnelles et syndicales. Il s'est réuni quatre fois depuis 2019 ;

- la commission consultative de l'environnement (CCE) de l'aéroport de Nantes Atlantique ;

- un observatoire de Nantes Atlantique chargé d'étudier les effets de la présence de l'aéroport sur le territoire, comportant un collège scientifique et technique chargé de valider la qualité méthodologique, scientifique et technique de ses productions ;

- un groupe de travail sur la modification de trajectoires de La Chevrolière, qui a été effectuée dans le cadre d'une expérimentation.

La DGAC a aussi organisé plusieurs consultations et réunions publiques, parmi lesquelles :

- une consultation publique par voie électronique sur le projet d'arrêté instaurant un couvre-feu en programmation sur les vols entre minuit et 6 heures du matin (cf. infra : C du présent I) ;

- une consultation publique par voie électronique sur le projet de plan de prévention du bruit dans l'environnement de l'aérodrome de Nantes Atlantique ;

- deux réunions publiques d'information sur la modification de trajectoire de La Chevrolière.

Un site internet consacré au projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique a également été créé.

Ces nombreuses structures de concertation et réunions publiques traduisent assurément une volonté de transparence de la part des services de l'État.

Les acteurs locaux soulignent pourtant une écoute insuffisante, certains évoquant le sentiment d'une dichotomie entre les « sachants » des services ministériels et les « empiriques » issus du territoire.

Ce sentiment est particulièrement prégnant sur la manière d'appréhender les nuisances sonores aériennes, qui a suscité de profonds désaccords entre les élus et riverains, d'une part, et la DGAC, d'autre part. Un exemple fournit à cet égard une illustration éclairante : celle de l'expérimentation du changement de couloir aérien menée à l'automne 2022.

« Ils ont mis le feu dans la commune » : retour sur l'échec de l'expérimentation de changement des couloirs aériens en 2022

Les aéronefs décollant face au sud effectuent actuellement un virage au-dessus de la commune de la Chevrolière. Il en résulte de nombreuses nuisances pour ses habitants.

Afin d'en diminuer le niveau, la DGAC a étudié une possibilité consistant à modifier la trajectoire des aéronefs afin qu'ils passent entre les communes de la Chevrolière et de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu. Près de 600 habitants devaient être concernés par de nouvelles nuisances d'un bruit faible à modéré et 7 pour un bruit modéré à fort. Cet impact devait être compensé par de nombreux gains pour les habitants de la Chevrolière, si bien que, in fine, l'exposition au bruit totale devait fortement diminuer. L'exposition à un bruit modéré à fort devait toucher 3 300 personnes de moins et l'exposition à un bruit faible à modéré 1 000 personnes de moins.

La DGAC a donc lancé une expérimentation de mise en oeuvre de cette trajectoire du 8 septembre au 8 novembre 2022. Cependant, celle-ci est loin d'avoir été concluante.

Alors que la commune de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu ne devait compter que 400 personnes touchées par les nuisances, le maire de la commune estime le nombre réel de personnes concernées à 4 000. Le premier jour de l'expérimentation, de nombreux habitants étonnés ont appelé la mairie dont le standard a été saturé. À la demande du maire de la commune, une réunion d'information a été organisée le 19 octobre en présence de représentants de la DGAC. Environ 800 personnes étaient présentes selon les estimations de la mairie, pour manifester leur mécontentement.

Cette expérimentation a également été menée de façon « hasardeuse » selon le maire de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu. Lors de sa conception, un seul appareil de mesure du son a été disposé sur le territoire de la commune pour évaluer les effets de l'expérimentation, ce qui rendait impossible l'obtention de mesures fiables pour tous les hameaux de celle-ci. Le maire de la commune a obtenu, au cours de l'expérimentation, qu'un second appareil soit installé.

Il a confié au rapporteur que cet épisode avait « mis le feu dans la commune » et alimenté un sentiment de défiance vis-à-vis des services centraux dans la conduite de ce dossier.

En définitive, la DGAC n'a pas donné suite à cette expérimentation.

C. ANNULATION DE L'APPEL D'OFFRES : UNE DÉCISION LOURDE DE CONSÉQUENCES POUR LA SANTÉ DES RIVERAINS DE NANTES ATLANTIQUE

1. Les nuisances sonores aériennes : un enjeu majeur en termes de santé publique et un coût réel pour la collectivité

Pour les personnes résidant à proximité des aéroports, les nuisances sonores aériennes sont source d'une dégradation du cadre de vie et, dans les cas les plus graves, de réels problèmes de santé publique.

En 2020, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)5(*) a publié une analyse faisant la synthèse des travaux scientifiques concernant l'impact sanitaire du bruit émis par le trafic aérien. Ce travail met en avant des effets sanitaires allant au-delà des effets auditifs, qui touchent aux maladies cardiovasculaires, à des perturbations du sommeil, à des problèmes cognitifs ainsi qu'à des problèmes de gêne liée au bruit.

En se fondant sur l'actualisation des lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2018, cette étude indique que les niveaux de preuves scientifiques s'agissant du lien entre nuisances sonores aériennes et maladies cardiovasculaires se situent à un niveau « faible » et qu'ils s'établissent à un niveau « modéré » s'agissant des trois autres effets sur la santé précités. Toutefois, l'Anses indique que ce travail de l'OMS « conforte la confiance dans les niveaux de preuve de ces quatre effets sanitaires liés à l'exposition au bruit des transports ». L'Anses rappelle en outre que « quelle que soit la qualification du niveau de preuve de la relation exposition-réponse pour chacun de ces effets, l'OMS considère que les données scientifiques sont suffisantes (notamment la causalité) pour agir ».

Outre ces quatre effets sanitaires avérés, l'Anses note que les nuisances sonores aériennes peuvent avoir des incidences sur le métabolisme : « les connaissances disponibles, d'une part, sur le lien entre perturbations chroniques du sommeil et altération du processus de régulation de la glycémie (et des conséquences associées telles que le diabète de type II et l'obésité), et d'autre part sur la perturbation du sommeil induite par le bruit des aéronefs, renforcent les résultats de récentes études documentant des relations entre l'exposition au bruit aérien et des effets métaboliques »6(*).

Sur la base de cette revue des connaissances, l'Anses conclut que des travaux complémentaires pourraient être menés pour « affiner le niveau de preuve » s'agissant des conséquences des nuisances sonores aériennes sur le système cardiovasculaire et d'autres problèmes de santé (cancer du sein, effets métaboliques de type obésité et diabète en particulier). Elle précise cependant que « ces incertitudes ne sont pas bloquantes pour prévenir dès à présent les conséquences indéniables et délétères du bruit aérien sur la santé ».

Compte tenu de l'amélioration des connaissances scientifiques sur les effets sanitaires des nuisances sonores aériennes, l'OMS a d'ailleurs qualifié les lignes directrices relatives au transport aérien de « fortes » dans le cadre de la publication de ses Lignes directrices relatives au bruit de l'environnement en 20187(*) pour l'Europe. Elle recommande à ce titre que l'exposition diurne au bruit émis par les avions ne dépasse pas 45 dB Lden et que l'exposition nocturne ne dépasse pas 40 dB Lden.

La mesure du bruit émis par les aéronefs

Le Lden (l = level, d = day, e = evening, n = night) est un indice de gêne sonore exprimé en décibel (dB(A)) représentant le niveau d'exposition totale au bruit. C'est donc une moyenne des niveaux sonores enregistrés sur une période donnée, souvent annualisée. Cet indicateur est fréquemment utilisé afin de mesurer l'impact du bruit sur la santé et il est l'indice de référence pour la plupart des cartes de bruit en France. Il tient compte du niveau sonore moyen pendant chacune des trois périodes de la journée (le jour, la soirée et la nuit), avec une pondération selon la période de la journée considérée (les niveaux sonores constatés en soirée ou la nuit sont ainsi pénalisés).

D'autres indicateurs sont également employés, de nature plus évènementielle. Ainsi, la valeur LAmax correspond à l'intensité maximale d'un pic de bruit durant le passage d'un avion. Elle peut être utilisée pour construire un autre indicateur : le nombre d'évènements sonores dont l'intensité maximale atteint ou dépasse un certain niveau de bruit (exprimé en France en LAmax) pendant une certaine durée : c'est le NA (Number Above).

Du fait de son impact sur la santé et sur le bien-être des populations, le bruit présente en outre un coût social avéré, que l'Ademe8(*) a modélisé en 2021.

Selon l'étude de l'Ademe, le coût social du bruit en France s'élèverait à environ 147 milliards d'euros par an, dont 97,8 milliards d'euros liés au seul secteur des transports. Si le trafic routier représente la majeure partie de ces coûts (80,6 milliards d'euros), on estime à 6,1 milliards d'euros le coût social imputable au transport aérien.

Ces coûts se composent essentiellement de coûts sanitaires : selon l'Ademe, ils « reflètent la perte de bien-être subie par les personnes exposées au bruit du fait de la gêne, des perturbations du sommeil, des maladies cardiovasculaires, de l'obésité, des troubles de santé mentale et des difficultés d'apprentissage induits, ainsi que la part liée au bruit dans la survenue des infarctus fatals (mortalité prématurée) ».

S'y ajoutent des coûts sanitaires marchands liés au surcroît de la demande de soins causé par les effets du bruit ainsi que des coûts non sanitaires, qui correspondent à la perte de productivité des individus et à la dépréciation immobilière.

2. L'aéroport Nantes Atlantique : un aéroport urbain qui génère des nuisances sonores et environnementales considérables
a) L'impact sonore de l'aéroport de Nantes Atlantique pour les populations riveraines

L'un des arguments à l'origine du projet de Notre-Dame-des-Landes était de mettre fin aux nuisances sonores et environnementales causées par l'aéroport de Nantes Atlantique, qui présente la singularité d'être situé à proximité du centre-ville de Nantes.

Or, la décision d'abandonner le projet de Notre-Dame-des-Landes conduit, de fait, le Gouvernement à chercher à concilier deux impératifs contraires : d'une part, augmenter les capacités de l'aéroport de Nantes Atlantique pour absorber l'essor du trafic aérien dans la région et, d'autre part, répondre à la demande pressante et légitime des populations riveraines de voir les nuisances sonores qu'elles subissent diminuer. Lors de sa déclaration précitée du 8 février 2019, Édouard Philippe avait d'ailleurs déclaré que le développement de l'aéroport de Nantes Atlantique devait avoir lieu en « prenant soin, de façon systématique et attentive, à ce que les riverains ne pâtissent pas de cette évolution ».

L'aéroport est situé en milieu périurbain, sur les communes de Bouguenais et de Saint-Aignan-Grandlieu au sein de la métropole de Nantes, à environ 5 kilomètres de l'île de Nantes. Il résulte de cette situation géographique des difficultés prégnantes en matière d'exposition au bruit des populations riveraines.

Plusieurs documents, ayant des natures et fonctions différentes, permettent d'appréhender les nuisances sonores liées aux aéroports : il s'agit du plan de gêne sonore (PGS), du plan d'exposition au bruit (PEB) et du plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE).

Présentation des documents visant à appréhender et atténuer les nuisances sonores liées aux aéroports

Le Plan d'exposition au bruit (PEB) est un document d'urbanisme qui encadre l'urbanisation à proximité des aéroports. Il délimite quatre zones (A, B, C et D) à proximité des aéroports en fonction du niveau de gêne sonore qui y est constaté. Dans les zones A et B, les plus touchées par le bruit aérien, les terrains sont en grande majorité inconstructibles. En zone C, certaines constructions peuvent être autorisées sous conditions. Dans la zone D, les nouveaux logements sont autorisés à condition de faire l'objet d'une isolation phonique. Les principes d'urbanisation dans ces différentes zones sont définis à l'article L. 112-10 du code de l'urbanisme.

Le PEB en vigueur à Nantes Atlantique a été approuvé le 17 septembre 2004 : il n'est donc plus adapté à la situation actuelle du trafic aérien. Selon la DGAC, le document est en cours de révision et un nouveau PEB devrait toutefois être approuvé d'ici le milieu de l'année 2025.

Le Plan de gêne sonore (PGS) définit les zones à l'intérieur desquelles les riverains des aéroports sont éligibles à une aide financière à l'insonorisation de leur logement. Il est composé de trois zones : les zones de très forte nuisance, de forte nuisance et de nuisance modérée.

Le PGS en vigueur à Nantes Atlantique a été approuvé le 20 mai 2019, il n'est pas prévu à ce stade de le réviser.

Enfin, le Plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) est réalisé afin de limiter l'impact sonore de certaines grandes infrastructures, dont les aéroports. Il prend la forme d'un plan d'actions de prévention des effets du bruit et, si nécessaire, de réduction du niveau de bruit, ainsi que de préservation de zones calmes.

Le PPBE en vigueur à Nantes Atlantique a été approuvé le 24 septembre 2021.

Selon les données transmises par la DGAC, au total, 126 500 habitants seraient aujourd'hui touchés par des nuisances sonores significatives correspondant à des pics de bruit atteignant 65 dB engendrées par l'activité de l'aéroport.

Le PPBE 2020-2024 de l'aéroport de Nantes Atlantique note que les zones les plus touchées par la circulation aérienne sont les quartiers de Couëts à Bouguenais (au nord de la piste), le bourg de Saint-Aignan-Gandlieu (au sud de la piste) ainsi que plusieurs hameaux de ces deux communes et plusieurs quartiers de Rezé et de Nantes.

Selon ce document, à partir de la situation de référence de 2019, 8 570 personnes vivent dans des habitations soumises à un niveau Lden supérieur ou égal à 55 décibels. Parmi ces personnes, 2 820 seraient soumises à une forte gêne. 17 établissements d'enseignement et 8 établissements médico-sociaux sont également situés dans cette zone.

En outre, 1 730 personnes sont soumises à un niveau Lden supérieur ou égal à 50 décibels ; parmi elles, 410 personnes sont affectées par de fortes perturbations du sommeil.

Au-delà de la proximité immédiate de l'aéroport avec la ville de Nantes -- il existe d'autres aéroports en France situés à proximité d'espaces fortement urbanisés, comme celui de Nice -- une part importante des nuisances est liée à l'orientation de la piste dans l'axe sud du centre-ville de Nantes et aux trajectoires utilisées par les aéronefs pour décoller et atterrir.

Le schéma ci-dessous présente les trajectoires des avions à l'aéroport de Nantes Atlantique et leurs flux, en 2022.

Source : éléments transmis par le concessionnaire de l'aéroport de Nantes Atlantique au rapporteur.

Il est fréquent que les aéronefs, au stade du décollage ou de l'atterrissage, survolent le centre-ville de Nantes. En effet, environ un tiers (35 %) des arrivées se font en passant au-dessus de cette zone.

Des mesures ont été prises afin de limiter le survol du centre-ville nantais. De fait, ces dispositifs conduisent à un renforcement des nuisances sonores sur les territoires limitrophes.

Ainsi que cela a été exposé au rapporteur au cours des auditions, les aéronefs qui atterrissent à Nantes Atlantique en arrivant par le nord (et qui passent donc au-dessus de Nantes) adoptent une trajectoire d'atterrissage spécifique décalée de 12 degrés par rapport à l'axe de piste. En fin de manoeuvre, lorsque les pilotes ont la piste dans leur champ de vision, ils effectuent un « virage de dernière minute » pour se remettre dans l'axe de la piste d'atterrissage. Cette manoeuvre empêche la mise en place de trajectoires dites de « descente continue » qui permettent de limiter l'usage des moteurs et, en conséquence, les nuisances sonores au cours des atterrissages.

En outre, cette trajectoire, qui ne peut être appliquée que lorsque la météo est favorable pour des raisons de sécurité, amène de fréquentes « remises de gaz »9(*) lorsque les conditions d'atterrissage ne sont pas réunies. Selon les informations recueillies par le rapporteur, il est déjà arrivé que des aéronefs tentent de se poser à plusieurs reprises sans succès avant d'être déroutés vers un autre aéroport.

b) L'aéroport de Nantes Atlantique : une réelle contrainte urbanistique pour le développement de l'agglomération nantaise

Outre les effets néfastes pour la santé et le bien-être des populations riveraines, les nuisances sonores induites par l'aéroport de Nantes Atlantique ont un impact non négligeable sur les possibilités d'aménagement de l'agglomération de Nantes.

Du fait de la proximité du centre-ville vis-à-vis de l'aéroport, le PEB induit des contraintes urbanistiques fortes et réduit les réserves foncières de la métropole nantaise.

Plan d'exposition au bruit en vigueur autour de Nantes Atlantique

Source : Géoportail

De la zone A à la zone D, les opérations d'aménagement et d'urbanisme sont soumises à des contraintes allant de l'interdiction de la majorité des constructions (zones A et B) à l'autorisation sous conditions de constructions (zone C) et à leur autorisation, sous réserve d'effectuer des travaux d'isolation phonique (zone D). Ces contraintes sont fortes au sein des communes les plus proches de l'aéroport et concernent également une partie de la ville de Nantes.

À ce titre, l'évaluation socio-économique et financière annexée à la déclaration d'utilité publique du projet de Notre-Dame-des-Landes soulignait que le maintien de l'activité de Nantes Atlantique « entraverait l'urbanisation de Nantes bien au-delà de la gare »10(*), c'est-à-dire dans le coeur de ville. Un représentant du Collectif des citoyens exposés au trafic aérien (Coceta) entendu par le rapporteur a d'ailleurs fait part de son interrogation face à un aéroport qui pourrait « se retourner contre son territoire », et cela y compris d'un point de vue économique.

Le PEB actuel date de 2004 et sa mise à jour a été annoncée par le Gouvernement d'ici 2025 : en l'état actuel des choses, et compte tenu de la hausse tendancielle du trafic constatée depuis le début des années 2000, son actualisation impliquera vraisemblablement un renforcement des contraintes d'urbanisme dans l'agglomération nantaise, au bénéfice de la protection des populations exposées au bruit.

c) Des nuisances environnementales mal quantifiées, mais à prendre en considération

Outre les nuisances sonores, l'aéroport de Nantes Atlantique génère des nuisances environnementales. D'une part, les aéronefs émettent des particules fines et ultrafines, en particulier au stade du décollage et de l'atterrissage, mais également lors du roulage et du stationnement. D'autre part, l'activité de l'aéroport a des impacts sur la qualité de l'eau des cours d'eau situés à proximité.

Or, l'aéroport est situé à environ 2,5 kilomètres d'un site naturel remarquable d'intérêt national, le lac de Grand-Lieu : l'extrémité sud de la piste est située au début de la zone d'inondation du lac.

Le lac de Grand-Lieu : un site naturel remarquable à proximité de l'aéroport

Le lac de Grand-Lieu est un lac naturel d'eau douce de très faible profondeur entouré de milieux humides remarquables. Une réserve naturelle nationale a été créée en son sein en 1980. Elle est gérée par la Société nationale de protection de la nature (SNPN) depuis 1985.

La réserve dispose d'une superficie de 2 695 hectares, s'inscrivant au sein du site du lac de Grand-Lieu qui couvre 6 300 hectares. Le lac est alimenté par deux cours d'eau : la Boulogne et l'Ognon. Il déverse ses eaux dans l'Acheneau, qui le relie à l'estuaire de la Loire.

Selon la SNPN, la faible profondeur et les variations des niveaux d'eau entre l'hiver et l'été ont permis la constitution de milieux humides ou aquatiques remarquables sur ce site. Cet acteur indique en effet que « la zone centrale du lac, toujours en eau, abrite ainsi un vaste herbier de nénuphars et autres plantes aquatiques, sans équivalent en France ou en Europe de l'Ouest. En périphérie de la zone centrale, les “roselières boisées” sont constituées d'une mosaïque de milieux marécageux difficilement accessibles à l'homme (aulnaie, saulaie, roselières, pelouses amphibies, vasières) ».

Ce site est reconnu d'intérêt international par la Convention Ramsar et il est pour partie classé en zone Natura 2000, car il constitue une réserve de biodiversité exceptionnelle.

S'agissant de la flore, on y compte plus de 700 espèces parmi lesquelles une cinquantaine sont protégées et/ou inscrites sur « liste rouge » (flore menacée et fortement raréfiée). S'agissant de la faune, le site comporte par exemple une espèce de poisson migratrice particulièrement menacée : l'anguille européenne. Le site abrite surtout une population d'oiseaux exceptionnelle. Plus de quarante espèces d'oiseaux menacées y sont présentes. Il abrite en outre entre 25 000 et 35 000 canards, oies et foulques en hiver. On trouve également au lac de Grand-Lieu le quart des effectifs nicheurs de la spatule blanche au niveau national.

Le rapporteur s'est rendu dans cette réserve, le 8 décembre 2023, afin d'appréhender les potentiels impacts de l'activité de Nantes Atlantique et les enjeux soulevés par la modernisation de la plateforme pour ce site.

Source : site internet de la SNPN - Lac de Grand-Lieu

Si le survol de la réserve est interdit à une altitude inférieure à 300 mètres11(*), cette interdiction ne s'applique pas aux aéronefs décollant ou atterrissant à l'aéroport de Nantes Atlantique.

Selon les informations recueillies par le rapporteur, peu de données à ce jour permettent d'évaluer précisément l'impact du trafic aérien sur la faune du lac. Le gestionnaire de la réserve indique cependant que les oiseaux sont les plus susceptibles d'être impactés par les survols d'aéronefs et les nuisances sonores engendrées. Il précise que si « visuellement, les survols d'avions ne provoquent que peu d'envols de la part des oiseaux stationnant sous les couloirs de vol des avions (canards, mouettes et goélands et grands échassiers), dans certaines circonstances, le bruit causé par les turbulences de sillage provoque des envols généralisés ». Il recommande en tout cas de ne pas modifier substantiellement les trajectoires de survol au-dessus du lac et d'envisager un survol de la réserve à plus haute altitude, avec une pente légèrement plus forte à l'approche de l'aéroport.

L'impact de l'activité de l'aéroport sur la qualité de l'eau du lac semble plus caractérisé. Une partie des eaux de ruissellement émanant de la plateforme aéroportuaire s'écoule en effet vers le lac de Grand-Lieu en passant par un ruisseau qui traverse la commune de Saint-Aignan-Grandlieu. Or, selon le gestionnaire de la Réserve naturelle, aucune mise aux normes de la plateforme - à travers la mise en place d'un système adéquat de traitement des eaux de ruissellement destiné à empêcher la diffusion de polluants au sein du lac - n'a été effectuée. Il a également souligné la « présence significative » de plusieurs polluants (Benzo(a)pyrène, pyrène, anthracène, fluoranthène...), à un niveau si élevé que le lac a été considéré comme étant en mauvais état chimique au regard des attendus de la directive-cadre sur l'eau12(*) à la suite de prélèvements effectués en 201913(*). Si la source de ces polluants n'est pas identifiée de manière précise, faute d'études étayées menées sur le sujet, il est très probable que leur présence a un lien avec l'activité aéroport (survols du lac par des avions et/ou pollution liée aux eaux de ruissellement non traitées provenant de l'aéroport).

En définitive, si le gestionnaire de la réserve estime que les effets de l'activité aéroportuaire sur l'équilibre écologique du lac de Grand-Lieu « paraissent modérés », ce point de vue doit être appréhendé avec prudence et nuance, compte tenu de l'absence d'étude réalisée sur ce sujet.

3. Des réponses insuffisantes apportées par l'État aux riverains touchés par les nuisances sonores

À la suite de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, Édouard Philippe, Premier ministre, avait annoncé la mise en oeuvre de mesures destinées à réduire les nuisances sonores que subit la population, à travers l'instauration d'un couvre-feu et de « mesures de compensation exceptionnelles pour les riverains de Nantes Atlantique ». Or, force est de constater que leur mise en place n'a pas été à la hauteur des attentes.

a) Le couvre-feu en programmation des vols à l'aéroport de Nantes : un bilan mitigé

La première des 31 mesures promises par l'État concernant l'aéroport de Nantes Atlantique est la mise en place d'un couvre-feu des vols en programmation.

L' arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes Atlantique, entré en vigueur le 8 avril 2022, met en place ce dispositif. Il prévoit qu'aucun aéronef ne peut atterrir ou quitter le point de stationnement entre minuit et 6 heures en vue d'un décollage. Toutefois, une exception est prévue pour l'atterrissage et le décollage des aéronefs effectuant des vols programmés entre 21 heures et 23 h 30 et qui ont été retardés et des vols programmés entre 6 h 30 et 9 heures et qui ont été anticipés, pour des « raisons indépendantes de la volonté du transporteur ».

Entendues par le rapporteur, les compagnies aériennes ont souligné les progrès réels permis par le couvre-feu. Selon Air France, « toutes compagnies confondues, le nombre de vols entre minuit et 6 h du matin sur la plateforme a déjà été divisé par 6 entre les années 2018-2019 et la période du couvre-feu (1,1 vol par nuit en 2023 en moyenne). Près d'une nuit sur deux (49 %) ne comporte aucun vol entre minuit et 6 h depuis la mise en oeuvre du couvre-feu, alors que cette proportion n'était que de 2 % en 2019 ». Le représentant de Volotea rencontré par le rapporteur a en outre souligné que les compagnies ont rencontré un temps d'adaptation à ce dispositif et que son respect sera mieux assuré en 2023.

Pourtant, au regard des données collectées par le rapporteur, le bilan du couvre-feu apparaît mitigé.

Selon la DGAC, 220 procès-verbaux ont été dressés en 2022 constatant le non-respect du couvre-feu par les compagnies. Avec 43 procès-verbaux dressés pour 10 000 mouvements en moyenne -- la quasi-totalité étant liée au non-respect du couvre-feu -- la plateforme de Nantes Atlantique est celle où est constaté le taux d'infraction à la réglementation environnementale le plus élevé, selon les données transmises par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa). À titre de comparaison, seule une autre plateforme, celle de Bâle-Mulhouse présente une proportion de procès-verbaux supérieure à 10 pour 10 000 mouvements (24 procès-verbaux constatés en 2022 pour 10 000 vols). À la date du 8 novembre 2023, l'Acnusa constatait déjà 238 procès-verbaux dressés s'agissant de l'aéroport de Nantes Atlantique, un chiffre qui représente les 2/3 du total des infractions constatées par l'autorité à la même date sur l'ensemble du territoire et en prenant en compte l'ensemble des règles environnementales dont elle assure le contrôle.

L'Acnusa considère que de tels manquements ont eu lieu « dans des proportions dépassant celles qui auraient pu être admissibles pour la riveraineté pour une première année, malgré le délai de prévenance entre la publication de ces règles et leur entrée en vigueur », qui a été d'environ six mois.

Il semble que ce nombre élevé d'infractions puisse, en partie, s'expliquer par un « flou juridique » dans la rédaction de l'arrêté, s'agissant de ce que recouvrent les « raisons indépendantes de la volonté du transporteur » permettant de déroger au couvre-feu.

Tant l'Acnusa que les compagnies aériennes soulignent les difficultés d'interprétation posées par cette rédaction. La fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM) a ainsi indiqué au rapporteur : « nous déplorons que l'arrêté ne détaille pas plus ce que l'administration considère comme constituant des raisons indépendantes de la volonté du transporteur, ce qui a permis à l'Acnusa de sanctionner largement les compagnies, quand bien même les vols auraient été retardés pour des raisons hors du contrôle des compagnies aériennes ».

En pratique, l'Acnusa a précisé au rapporteur que son collège chargé de prononcer les amendes cherchait à établir, au cas par cas, « si les conséquences des différents aléas qui ont impacté chaque mouvement litigieux examiné, au point qu'il a été opéré pendant la période de couvre-feu, auraient pu être évitées si le transporteur avait pris toutes les mesures raisonnables qui étaient en son pouvoir pour respecter ce couvre-feu ». Les compagnies semblent toutefois avoir une appréhension plus extensive de la notion de « raisons indépendantes » de leur volonté.

Il résulte de ce conflit d'interprétation un nombre élevé de recours contentieux initiés par les compagnies aériennes à l'encontre des décisions de sanction prononcées par l'Acnusa. Cette situation est en outre source d'incertitude pour tous les acteurs, à commencer par les riverains.

Les représentants du Coceta rencontrés par le rapporteur ont d'ailleurs fait part de leur lassitude concernant le respect insuffisant du couvre-feu. L'Acsan juge quant à elle ce dispositif « insuffisant » et note que « la rédaction de cet arrêté laisse beaucoup trop de possibilités de déroger à l'interdiction ».

b) Les aides à l'insonorisation des logements : un dispositif qui n'est pas à la hauteur des besoins

Lorsqu'il n'est pas possible de limiter les nuisances à la source, l'insonorisation peut être un moyen de limiter leur impact sur la qualité de vie et la santé des riverains. Cette solution a toutefois une limite évidente : elle n'est efficace que lorsque les riverains sont confinés à l'intérieur de leur logement. Ce problème est particulièrement prégnant en été, moment de l'année où le trafic aérien est d'ailleurs le plus important.

L'aide à l'insonorisation est accessible aux riverains dont le logement se situe à l'intérieur du périmètre du plan de gêne sonore (PGS) d'un aéroport. L'accompagnement financier atteint entre 80 % et 100 % du coût des travaux, en fonction des conditions de ressources. Le PGS identifie trois zones éligibles à l'aide à l'insonorisation, la zone I correspondant au périmètre dans lequel la gêne sonore est la plus importante.

Plan de gêne sonore en vigueur à Nantes Atlantique depuis 2019

Source : Géoportail

L'aide à l'insonorisation est financée par le produit de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), versée par les compagnies aériennes en fonction du nombre de mouvements qu'elles effectuent, de leur horaire et du caractère plus ou moins bruyant des avions au sein de chaque aéroport disposant d'un PGS.

Le tarif de la taxe est fixé de manière différenciée en fonction des aéroports, de façon à être en adéquation avec le coût prévisionnel de l'insonorisation des logements situés au sein du PGS. Ainsi, à Nantes Atlantique, ce tarif était de 10 euros jusqu'au 1er juillet 2019. Cependant, du fait du maintien sur site de l'aéroport, le Gouvernement s'était engagé à en augmenter le montant, qui est aujourd'hui de 27 euros.

En complément de ce dispositif de droit commun, un dispositif spécifique à Nantes Atlantique - dit « aide exceptionnelle à l'insonorisation » - a été mis en place à la suite de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes : il permet de porter de 80 % à 90 % et de 90 % à 100 %, selon les cas, le taux de prise en charge des travaux d'insonorisation pour les riverains. Ce dispositif est financé par le Fonds de compensation de Nantes Atlantique (FNCA), géré dans le cadre d'un groupement d'intérêt public (GIP) institué le 2 août 2019 et abondé par l'État.

Selon les données transmises par la DGAC, il reste 2 836 locaux à insonoriser autour de la plateforme de Nantes Atlantique. Entre 2009 et 2023, 1 407 locaux ont été insonorisés (620 au titre de l'ancien PGS 2009-2019 et 787 au titre du PGS révisé depuis 2020). En outre, sur les deux premiers quadrimestres de l'année 2023, l'exploitant de l'aérodrome de Nantes Atlantique aurait reçu 114 nouvelles demandes d'aide à l'insonorisation, dont 45 ont été reconnues éligibles après examen.

Cependant, en dépit de ces mesures exceptionnelles, les résultats produits par le dispositif d'aide à l'insonorisation dans l'agglomération nantaise semblent encore insuffisants. En plus d'être imparfait dans son principe (puisqu'il n'a aucun effet sur les nuisances sonores subies à l'extérieur des logements), il n'est pas calibré de manière adéquate pour répondre à l'étendue des besoins.

Premièrement, un montant maximum de prise en charge des travaux d'insonorisation par pièce est prévu, pour chaque zone du PGS. Ces plafonds n'ont d'ailleurs pas été revus depuis 2011, alors même que le coût des travaux d'insonorisation a augmenté d'environ un tiers depuis cette date selon la DGAC. Par conséquent, en dépit des dispositifs existants, les riverains font face à des restes à charge élevés et n'ont d'autre choix, notamment pour les plus précaires, que de renoncer à mener les travaux.

Deuxièmement, l'éligibilité à ces dispositifs d'aide à l'insonorisation apparaît trop étroite. Si un logement a déjà bénéficié de travaux d'insonorisation, même il y a de nombreuses années, il ne peut plus être éligible au dispositif. Or, certains riverains indiquent avoir bénéficié des travaux à une période où les techniques d'insonorisation étaient moins performantes qu'aujourd'hui, les normes applicables moins strictes et le trafic aérien moins intense. Ces personnes se trouvent aujourd'hui dans l'impossibilité de bénéficier d'une aide pour effectuer une mise à niveau de l'isolation sonore de leur logement.

Pour faire face à cet écueil, le Gouvernement a mis en place un dispositif d'aide à la mise aux normes actuelles d'insonorisation. Néanmoins, ce dispositif souffre des mêmes écueils que le dispositif de droit commun, avec une prise en charge des travaux soumise à des plafonds similaires. En outre, ses conditions d'éligibilité apparaissent très restrictives. Seuls sont concernés les biens « dont la construction a été autorisée en zone D du PEB entre le 17 septembre 2004 (date d'entrée en vigueur du PEB) et le 31 décembre 2013 (date d'entrée en vigueur de la nouvelle norme d'insonorisation pour les logements construits dans le périmètre de la zone D du PEB) » et les biens acquis, construits ou ayant fait l'objet d'une extension significative de la surface de plancher entre le 1er janvier 2011 et le 17 janvier 2018.

c) Le droit au délaissement : une mesure trop circonscrite dans sa mise en oeuvre

Le droit au délaissement exceptionnel fait partie des 31 engagements pris par le Gouvernement en 2019 pour compenser l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes.

Il a été institué par la loi de finances initiale pour 202014(*) et ses conditions d'application ont été précisées par un décret de 202115(*). Entré en vigueur en avril 2021, ce dispositif donne droit, pour une période de cinq ans, aux propriétaires d'un logement exposé à un niveau de bruit d'indice Lden supérieur à 62 décibels, de demander à l'État de racheter leur bien. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'aviation civile et du budget a fixé la liste des parcelles cadastrales situées dans ce périmètre et bénéficiant du droit de délaissement.

Pour être éligible au dispositif, un propriétaire doit remplir les conditions suivantes :

- être propriétaire d'un logement se situant dans la zone de délaissement ;

- avoir procédé à l'achat de sa résidence principale, à la reconstruction de cette dernière ou à l'augmentation significative de sa surface de plancher entre la date de signature du contrat de concession entre l'État et Aéroports du Grand Ouest (décembre 2010) et l'annonce du réaménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique (janvier 2018).

Selon la DGAC, 48 unités foncières ont été identifiées comme concernées par le dispositif : 11 sont situées à Bouguenais et 37 à Saint-Aignan-Grandlieu. Depuis 2021, 22 dossiers ont été déposés, dont 17 considérés comme éligibles.

En novembre 2023, l'État avait acquis 10 biens (un à Bouguenais et neuf à Saint-Aignan-Grandlieu), pour un montant total de 3,4 millions d'euros.

La DGAC note que le critère d'antériorité prévu par le dispositif actuel entraîne un sentiment d'iniquité pour de nombreux administrés. Deux dossiers ont été déposés et jugés inéligibles sur la base de ce critère : la DGAC indique que « les élus font part de remontées de leurs administrés qui souhaiteraient bénéficier du dispositif dans la partie la plus exposée de la zone de bruit fort du PEB, mais ne sont pas éligibles car ils ont acquis leurs biens avant le 31 décembre 2010 ».

Ce critère entraîne aussi un mitage du tissu urbain, d'autant plus problématique que l'État n'a pas vocation à conserver ces biens dans son domaine privé, leur gestion représentant des coûts importants. Or, la déconstruction des biens pose des difficultés d'acceptation, en particulier lorsqu'ils sont situés en centre-bourg. À ce stade, sur 17 dossiers jugés éligibles, seuls quatre biens auraient un usage futur identifié : deux biens seront acquis par la commune de Saint-Aignan-Grandlieu (pour y installer un artisan et une maison des adieux), un bien devrait accueillir une activité relative à la petite enfance et, enfin, un bien de la commune de Bouguenais devrait faire l'objet d'une démolition.

II. MODERNISATION DE L'AÉROPORT DE NANTES ATLANTIQUE : NE PLUS PERDRE DE TEMPS POUR RÉPONDRE AUX BESOINS DU TERRITOIRE ET TENIR LES ENGAGEMENTS DE L'ÉTAT

A. AGIR AU PLUS VITE POUR LA MODERNISATION DE L'AÉROPORT, EN ÉTANT À L'ÉCOUTE DES ACTEURS LOCAUX

1. Assurer les travaux urgents d'entretien et d'aménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique
a) Des investissements à mener à court terme pour l'entretien de la plateforme de Nantes Atlantique

Depuis 2019, des travaux ont été réalisés par le concessionnaire de l'aéroport de Nantes Atlantique, notamment en matière de mise en conformité de certains équipements (détection des explosifs dans les bagages de soute) et de création de places de stationnement automobile. Pourtant, force est de constater que ces travaux demeurent nettement insuffisants au regard de l'état actuel de l'aéroport et de la qualité de service proposée, comme indiqué précédemment.

À court terme, des travaux apparaissent donc indispensables pour améliorer les conditions d'accueil des voyageurs et assurer la sécurité des vols. Il revient à l'État, autorité concédante, de s'assurer que le concessionnaire de l'aéroport de Nantes Atlantique effectue les aménagements requis et ce, de manière urgente.

Interrogée à ce sujet, la mission de réaménagement de Nantes Atlantique (MNA) a indiqué qu'il semblait « effectivement nécessaire, compte tenu de la vétusté et de l'exiguïté de l'aéroport », d'effectuer des opérations d'aménagement sans attendre la nouvelle concession. La MNA précise : « il incombe au concessionnaire de définir quels sont les travaux à réaliser en l'attente du futur concessionnaire et de proposer un programme de travaux au concédant dans le cadre de son contrat ». La DGAC aurait adressé au concessionnaire un courrier demandant à ce qu'un programme de travaux lui soit fourni avant la fin novembre 2023 ; selon les informations recueillies par le rapporteur, le concessionnaire aurait demandé un délai supplémentaire. Pour rappel, en 2019, l'État avait mis en demeure AGO de proposer un programme de travaux, qui avait conduit à la réalisation de nouveaux équipements.

À la lumière de ses travaux, le rapporteur identifie plusieurs aménagements dont la réalisation à court terme semble possible et indispensable.

S'agissant de l'aérogare, les compagnies aériennes ont notamment souligné la nécessité d'une réfection des moquettes, du renouvellement des assises et du mobilier, de la rénovation des sanitaires, de la mise en place d'un circuit dédié pour les clients prioritaires et de lecteurs de badges pour fluidifier et sécuriser l'accès à certaines zones.

S'agissant de la piste, plusieurs opérations seraient également urgentes selon Air France :

- remplacer les passerelles d'avion obsolètes ;

- améliorer l'éclairage sur les points de parking et de cheminement des clients ;

- sécuriser les cheminements piétons pour les embarquements et débarquements à pied ;

- augmenter la puissance électrique afin de disposer d'une capacité suffisante pour électrifier le matériel de piste ;

- assurer une fréquence électrique de 400 hertz sur passerelle ou au sol.

Interrogée par le rapporteur, la métropole de Nantes a indiqué attendre « de l'État des précisions quant aux travaux de court terme qui pourraient être conduits par le concessionnaire actuel dans l'attente du projet de modernisation ». Elle souhaite en particulier que soit proposé « au plus vite des modalités de stationnement (véhicules légers/vélos) sécurisé suffisantes à proximité de l'aéroport, tout en réduisant l'impact environnemental lié au déploiement d'une offre de stationnement en surface ». Cet acteur précise « à ce jour, le stationnement anarchique se déploie toujours aux abords de l'aéroport ».

Ces travaux pourraient, au moins pour partie, être financés à travers les sommes récoltées par le concessionnaire dans le cadre du dispositif de préfinancement des travaux de Notre-Dame-des-Landes instauré en 2010. L'Autorité de régulation des transports (ART) relève en effet que les recettes du concessionnaire divergent de ses charges, si bien que « la marge nette d'AGO est largement supérieure à celle des autres aéroports » relevant de son champ de compétences.

Ce dispositif, mis en place par le Gouvernement, est fondé sur un rehaussement du niveau des redevances payées par les compagnies aériennes opérant à Nantes Atlantique. Selon les travaux menés par le rapporteur, l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes n'a pas conduit le concessionnaire à revoir à la baisse les redevances acquittées par les compagnies. Le total des sommes accumulées depuis 2010 serait de l'ordre de 100 à 120 millions d'euros, selon les estimations. Un contentieux est en cours entre Vinci et l'État s'agissant de l'affectation de cette somme.

Débats sur le sort des sommes versées à AGO pour le préfinancement de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes

La DGAC indique que la non-réalisation des travaux de construction de l'aéroport de Notre-Dame des Landes prévus par le contrat de concession conclu avec AGO fin 2010 et la réalisation subséquente de travaux de moindre ampleur pour assurer la continuité du service public sur la plateforme de Nantes Atlantique, ont eu pour conséquence que le concessionnaire bénéficie aujourd'hui, dans ses comptes, d'un « report à nouveau » (RAN) important, évalué à environ 110 millions d'euros à fin 2023. Une partie de cette somme aurait été mise à disposition de Vinci S.A. dans l'attente de son utilisation. En application de l'article 4.M du contrat de concession, AGO ne peut verser cette somme sous forme de dividendes à ses actionnaires.

Ce montant est principalement constitué des redevances aéroportuaires perçues sur les compagnies aériennes depuis 2011 et non utilisées.

L'État considère que les sommes constitutives du RAN doivent lui être retournées en fin de contrat, afin d'être reversées au futur concessionnaire qui sera en charge du réaménagement de Nantes Atlantique.

Ceci a conduit le Gouvernement à prendre des positions affirmées à ce sujet :

- il a, par un courrier du 10 mai 2021, réaffirmé son analyse sur l'affectation nécessaire du RAN et modifié unilatéralement le contrat de concession pour confirmer qu'AGO ne peut pas verser tout ou partie du RAN en dividendes à ses actionnaires, malgré la décision d'annulation de Notre-Dame-des-Landes ;

- l'article L. 6325-8 du code des transports a été introduit par la loi de finances initiale du 30 décembre 2021 pour permettre le transfert du RAN directement d'AGO au futur titulaire de la concession de Nantes Atlantique ;

- il a notifié à la Commission européenne l'aide d'État correspondant au solde du RAN à verser au futur concessionnaire de la concession de Nantes Atlantique.

La DGAC précise que « les compagnies aériennes, qui ont préfinancé pendant plus de 10 ans des travaux pour un aéroport dans le Grand Ouest, de même que l'Autorité de régulation des transports (ART), sont attentives à l'utilisation qui sera faite du RAN. Elles le sont d'autant plus que l'État a déjà communiqué auprès d'elles sur le fait (i) qu'il se considérait comme propriétaire du RAN et (ii) que ces sommes seront utilisées pour les travaux de réaménagement de Nantes Atlantique. »

Néanmoins, AGO conteste devant le tribunal administratif (TA) de Nantes la propriété du RAN dans le cadre d'un contentieux sur le montant de l'indemnité due au titre de la résiliation du contrat de concession de Notre-Dame-des-Landes.

Par ailleurs, à la suite du courrier du 10 mai 2021 précité, les actionnaires d'AGO (Vinci Airports, la CCI de Nantes, ETP et CIFE) ont contesté devant la même juridiction la position de l'État consistant à réaffirmer l'interdiction de verser le RAN en dividendes et, ce faisant, la propriété du RAN.

Ces contentieux sont en cours d'instruction par le TA de Nantes.

Source : DGAC

Si les sommes récoltées dans le cadre du préfinancement de Notre-Dame-des-Landes sont globalement destinées au futur concessionnaire de l'aéroport de Nantes Atlantique, il apparaît qu'elles pourraient, pour partie, permettre de financer des aménagements dans le cadre de l'actuelle concession. La MNA a ainsi indiqué au rapporteur que le programme de travaux que devrait proposer le concessionnaire actuel « doit être financé par les sommes accumulées dans les comptes d'AGO et issues du mécanisme de préfinancement des travaux de Notre-Dame-des-Landes ».

b) Anticiper dès aujourd'hui les obligations issues du règlement européen « AFIR »

En septembre 2023 a été publié le règlement (UE) 2023/1804 du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE. Ce texte instaure de nouvelles obligations pour les aéroports du réseau RTE-T en matière de déploiement d'infrastructures d'alimentation électrique sur les postes de stationnement des aéronefs. En application de l'article 12 du règlement, ces aéroports doivent assurer la fourniture d'électricité aux aéronefs selon deux échéances :

- au 31 décembre 2024, pour tous les postes de stationnement au contact utilisés pour les opérations de transport aérien commercial d'embarquement ou de débarquement de passagers ou de chargement ou de déchargement de marchandises ;

- au 31 décembre 2029, pour tous les postes de stationnement au large utilisés pour les opérations de transport aérien commercial d'embarquement ou de débarquement de passagers ou de chargement ou de déchargement de marchandises.

Ce texte relève du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dont l'objectif est de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d'au moins 55 % d'ici 2030 dans l'Union européenne.

L'aéroport de Nantes Atlantique comporte à la fois des postes de stationnement au contact et au large des terminaux : des opérations d'aménagement seront donc à conduire afin de respecter ces deux échéances.

Compte tenu du report de l'attribution de la nouvelle concession à l'horizon 2025-2026, il revient au concessionnaire actuel de l'aéroport de réaliser les travaux nécessaires pour se conformer à l'obligation d'assurer la fourniture d'électricité aux postes de stationnement au contact des terminaux, d'ici au 31 décembre 2024.

Proposition n° 1 : Demander au concessionnaire un programme d'investissements urgents en faveur de l'aéroport de Nantes Atlantique, en mettant l'accent sur l'amélioration des conditions d'accueil des passagers, la conformité des infrastructures aux nouvelles obligations du règlement européen « AFIR » (applicables au 31 décembre 2024) et la sécurité de la piste.

c) Prendre des mesures immédiates de traitement des eaux de ruissellement de l'aéroport, pour protéger le lac de Grand-Lieu

Parmi les travaux réalisés depuis 2019 par AGO figurent des opérations de mise en conformité à la loi sur l'eau et les milieux aquatiques16(*). Des ouvrages de traitement des eaux ont ainsi été construits par l'actuel concessionnaire.

Toutefois, il apparaît que les équipements de traitement des eaux de ruissellement mis en place ne concernent que les écoulements vers le bassin versant de la Loire, via le ruisseau du Bougon. Pourtant, une partie des eaux de ruissellement émanant de l'aéroport s'écoule vers le lac de Grand-Lieu.

Le gestionnaire de la réserve a indiqué au rapporteur qu'aucune mise aux normes de la plateforme sur ce plan n'a été effectuée. Cette situation est d'autant plus préjudiciable que, comme l'a souligné cet acteur, « les molécules potentielles sur ce type d'espace imperméabilisé sont nombreuses : issues de la combustion du kérosène, des produits de dégivrage, d'entretien des avions, de déverglaçage de la piste, etc. » Si une démarche de remise aux normes du traitement des eaux pluviales a été lancée cette année par le concessionnaire de l'aéroport, rien ne semble prévu à ce jour pour les eaux s'écoulant dans le lac.

Face à cette situation préoccupante, le rapporteur estime indispensable que le concessionnaire de l'aéroport mette en place sans plus attendre les moyens adéquats pour assurer le traitement des eaux de ruissellement qui s'écoulent vers le lac de Grand-Lieu.

Proposition n° 2 : Assurer sans attendre la conformité du traitement des eaux de ruissellement de l'aéroport, y compris s'agissant des eaux s'écoulant vers la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu.

2. Mener dans les meilleurs délais l'appel d'offres en vue de la nouvelle concession, en tirant les enseignements du passé

Compte tenu des problèmes de qualité de service et de sécurité rencontrés sur la plateforme aéroportuaire actuelle, des nuisances sonores aériennes subies par les populations riveraines et de l'important retard déjà pris sur la modernisation de Nantes Atlantique, le rapporteur appelle le Gouvernement à mener à bien la procédure de réattribution de la concession de Nantes Atlantique dans les meilleurs délais.

Toutefois, il est indispensable que la nouvelle procédure ne reproduise pas les erreurs passées : à cet égard, plusieurs points d'attention doivent être mis en avant.

a) L'allongement de la piste : une « chimère » ayant causé des difficultés dans le précédent appel d'offres

Premier point d'attention : le projet d'allongement de la piste, qui avait été intégré au précédent cahier des charges et dont le fondement suscite, encore aujourd'hui, de fortes interrogations.

Si plusieurs scénarii étaient envisagés dès 2018 (pas d'allongement, allongement de 400 mètres et allongement de 800 mètres ou encore construction d'une piste transversale), c'est finalement l'option d'un allongement de la piste de 400 mètres qui avait été retenue par la DGAC dans l'élaboration du précédent cahier des charges. Selon les éléments transmis au rapporteur, ce projet devait répondre à deux objectifs : réduire les nuisances sonores aériennes et étendre les possibilités de construction sur les zones d'aménagement concerté (ZAC) de l'île de Nantes et de Pirmil-Les-Isles, en réduisant les sujétions d'urbanisme dans ces secteurs en pleine expansion. Selon la DGAC, l'allongement aurait en effet permis de décaler vers le sud « les enveloppes de bruit » et, en conséquence, de réduire la population soumise aux nuisances sonores aériennes et de sécuriser la constructibilité des deux ZAC.

Pourtant, il est apparu au cours de la procédure que le gain acoustique permis par cet allongement aurait été très faible (1 décibel) et, en tout état de cause, inférieur au seuil de perception de l'oreille humaine (environ 3 décibels). Surtout, des options alternatives (double approche axée et désaxée, selon les conditions météorologiques, et hausse des pentes d'approche) ou des évolutions survenues au cours de la procédure (réduction des prévisions de trafic au moment de la crise sanitaire liée à la covid-19) sont apparues suffisantes, voire plus efficaces, pour réduire le nombre d'habitants soumis au bruit des aéronefs. La DGAC indique ainsi que : « la population soumise à plus de 55 décibels (bruit modéré à fort) est réduite de plus de 3 000 personnes par le seul effet de l'évolution du trafic et des trajectoires, alors que l'effet de l'allongement de la piste concernerait seulement 120 personnes environ. » Ces évolutions devaient aussi permettre de ne pas inclure les ZAC précitées dans la zone soumise à un bruit modéré.

Pour des raisons qui demeurent obscures, le choix a malgré tout été fait de maintenir l'allongement de la piste dans le cahier des charges et ce, alors même que cette option impliquait des besoins fonciers (de l'ordre de 15 hectares) et des impacts environnementaux plus importants (artificialisation des sols, impact sur des zones humides...), susceptibles d'affaiblir l'acceptabilité du projet et de décourager les candidats potentiels à l'appel d'offres. L'allongement de la piste aurait en effet impliqué davantage de travaux, y compris la déviation d'une route et le dévoiement de conduites de gaz. Elle aurait en outre eu des conséquences négatives pour la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu, comme l'a souligné son gestionnaire : « cet allongement aurait nécessité la destruction de zones humides situées en bout de piste actuelle ».

Au cours des auditions, les acteurs ont fait part au rapporteur de leur circonspection quant au maintien de cette option dans le précédent cahier des charges : certains ont évoqué une préparation insuffisante du cahier des charges, un « manque d'objectivité » sur ce dossier, voire de possibles « pressions » politiques. Ce maintien est d'autant plus surprenant que la DGAC a indiqué avoir recommandé, dès mars 2021, de supprimer cette option du cahier des charges, compte tenu de son inefficacité attendue et des difficultés qu'elle pouvait soulever.

En novembre 2023, Clément Beaune, ministre des transports, a annoncé lors d'un déplacement à Nantes que l'allongement de la piste serait abandonné et ne figurerait pas dans le prochain appel d'offres. Le rapporteur salue cette décision, qu'il juge indispensable.

On peut en outre s'interroger sur le rôle qu'a pu jouer dans l'échec du précédent appel d'offres cette décision de maintenir l'allongement de la piste dans le cahier des charges : elle impliquait en effet l'obtention d'une déclaration d'utilité publique et donc, la conduite d'une procédure administrative potentiellement lourde que l'État avait fait le choix de mettre à la charge du futur concessionnaire. Or, l'abandon de l'appel d'offres a été justifié par un manque de concurrence, seul le concessionnaire sortant s'étant maintenu jusqu'à l'issue de la procédure. Il est probable que la décision de maintenir l'allongement de la piste ait contribué à rendre la procédure d'appel d'offres moins attractive pour les candidats.

Proposition n° 3 : Confirmer l'abandon du projet d'allongement de la piste dans le cahier des charges du prochain appel d'offres concernant la remise en concession de l'aéroport.

b) La déclaration d'utilité publique et la question de la répartition des risques juridiques entre le concédant et le concessionnaire

Au cours des auditions conduites par le rapporteur, un élément singulier de la précédente procédure d'appel d'offres a été mis en avant : l'absence de conduite, par l'État concédant, de la procédure nécessaire à l'obtention de la déclaration d'utilité publique.

La DGAC a en effet indiqué qu'il était demandé « aux candidats de fournir, dans le cadre de leur offre, le projet de dossier de déclaration publique (DUP), ce qui est inusuel. C'est sur la base de la DUP qu'il appartenait ensuite au concessionnaire désigné d'obtenir l'ensemble des autorisations administratives ou environnementales préalables à la réalisation des travaux, dont l'autorisation environnementale. »

La DUP, qui permet de réaliser une opération d'aménagement sur des terrains privés par le biais d'expropriations pour cause d'utilité publique, constitue une procédure particulièrement lourde. C'est la raison pour laquelle elle est généralement mise en oeuvre par l'État : s'agissant du projet de Notre-Dame-des-Landes, la procédure préalable à l'obtention de la DUP avait d'ailleurs été réalisée par l'État en 200817(*) (l'enquête publique ayant été réalisée en 2006), deux ans avant le choix du concessionnaire. La même pratique semble se retrouver pour d'autres types de contrats de concession, comme en matière de concessions autoroutières.

Interrogé par le rapporteur, le groupe Vinci, seul candidat à avoir maintenu son offre jusqu'au terme de la procédure, a indiqué qu'en l'espèce, « l'allocation des risques entre concédant et concessionnaire était particulièrement défavorable à ce dernier, en particulier en ce qui concerne le transfert au secteur privé des risques liés à l'obtention de la déclaration d'utilité publique - procédure fondamentale habituellement menée par l'État préalablement au lancement du projet ».

Ce point semble tout particulièrement problématique s'agissant du dossier de l'aéroport de Nantes Atlantique, compte tenu de l'antécédent du projet de Notre-Dame-des-Landes qui avait suscité une contestation sociale très virulente et un nombre inédit de procédures contentieuses. Ce contexte local particulier conduit de fait les candidats potentiels à la remise en concession de Nantes Atlantique à craindre une faible acceptabilité des projets qu'ils pourront porter et à anticiper d'importants risques juridiques.

Le rapporteur jugerait pertinent d'étudier la possibilité, comme c'est la pratique habituellement pour ce type de contrats de concession, de confier à l'État le soin de conduire la procédure d'obtention de la déclaration d'utilité publique et, éventuellement, des autorisations environnementales nécessaires aux travaux. Afin de ne pas retarder la remise en concession de Nantes Atlantique, l'État pourrait conduire la procédure nécessaire à l'obtention de la DUP en parallèle de l'appel d'offres.

Il est en tout état de cause indispensable que le Gouvernement soit attentif à la question du partage des risques entre l'État et le futur concessionnaire, s'il souhaite recueillir davantage de candidatures et faire aboutir le prochain appel d'offres de Nantes Atlantique. Or, ce dossier sensible, qui s'insère dans un territoire encore profondément marqué par Notre-Dame-des-Landes, ne saurait être suffisamment attractif pour de nouveaux entrants qu'à la condition que la puissance publique assure un soutien et un accompagnement solides au futur concessionnaire, y compris dans l'exécution des travaux qu'il aura à mener.

3. Rétablir le lien de confiance avec le territoire, en mettant la transparence et la concertation au coeur de la nouvelle procédure d'appel d'offres

Compte tenu de la sensibilité de ce dossier, des fortes attentes qu'il suscite et des multiples tensions et incompréhensions attisées par la décision d'abandon de l'appel d'offres sur la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique prise en septembre dernier, le rapporteur juge primordial un réel changement de méthode de la part du Gouvernement en vue du prochain appel d'offres. Les maires des communes de la métropole de Nantes indiquent trois mots d'ordre à respecter dans la relance de l'appel d'offres : « transparence, clarté, confiance ».

Le rapporteur salue les efforts déployés par Clément Beaune, ministre chargé des transports, depuis septembre 2023, pour renouer le dialogue avec les acteurs locaux.

Il estime que la procédure de remise en concession devra être conduite à la lumière d'un impératif essentiel : garantir la bonne intégration de l'aéroport de Nantes Atlantique au sein de l'agglomération nantaise. Cela nécessite une volonté accrue de transparence et de concertation locale.

a) Élaboration du cahier des charges : assurer une procédure transparente et concertée

Nombre d'acteurs ont critiqué un manque de dialogue et de concertation autour de la précédente procédure d'appel d'offres, s'agissant plus spécifiquement de l'élaboration du cahier des charges.

· Compte tenu des enjeux que soulève la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique pour le territoire, il est nécessaire que des réunions de concertation régulières soient organisées, tout au long de la procédure d'élaboration du cahier des charges, avec les élus locaux directement concernés, les acteurs économiques et, bien sûr, les riverains. En particulier, le rapporteur jugerait opportun que la DGAC organise des réunions avec les élus locaux, au cours desquels ceux-ci pourraient formuler des propositions en vue du volet du futur cahier des charges qui concernera l'environnement et les nuisances sonores.

À ce titre, le rapporteur se félicite que le Gouvernement ait annoncé18(*) la tenue d'un groupe de travail consacré à la préparation du futur cahier des charges, associant les collectivités territoriales intéressées et la DGAC.

Aussi, le rapporteur considère indispensable que les acteurs locaux, à commencer par les collectivités territoriales concernées (région des Pays de la Loire, département de Loire-Atlantique, ville et métropole de Nantes et communes directement touchées par les nuisances sonores liées au transport aérien), soient consultés sur le futur projet de cahier des charges. Cette consultation pourrait prendre la forme d'un avis simple, formulé par le conseil délibérant de chaque collectivité.

· Sensible au besoin de transparence unanimement exprimé par les acteurs du pays nantais, le rapporteur est particulièrement préoccupé par le choix du Gouvernement de recourir de manière extensive (quatre appels d'offres lancés, pour un montant total maximal qui dépasse les 12 millions d'euros) à des cabinets privés en vue de la conduite de la procédure d'appel d'offres.

En 2022, dans un rapport de commission d'enquête19(*), le Sénat a alerté sur l'intervention croissante des cabinets privés dans la conduite des politiques publiques. Le rapport note que le recours aux consultants est devenu un véritable « réflexe » pour l'État, même lorsque celui-ci dispose, en interne, des compétences techniques requises pour réaliser sa propre expertise. Au total, le recours aux cabinets de conseil pose un problème de souveraineté de l'État face aux acteurs privés, de bon usage des deniers publics, mais aussi de transparence de la décision publique et, en conséquence, de confiance envers la puissance publique.

Le rapporteur ne condamne pas, sur le principe, le fait de recourir à des cabinets privés pour accompagner la mise en oeuvre technique du nouvel appel d'offres. Le Gouvernement avait déjà eu recours à ce type de prestations lors du précédent appel d'offres.

Toutefois, dans la lignée des préconisations de la commission d'enquête sénatoriale, il recommande de limiter ces prestations au strict nécessaire en valorisant en premier lieu les compétences internes de la DGAC et de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter tout risque de conflits d'intérêts. À ce titre, il conviendrait que les candidats fournissent une déclaration d'intérêts à l'administration, afin que celle-ci puisse identifier toute incompatibilité éventuelle.

Surtout, il importe d'assurer la transparence des prestations de conseil auxquelles la DGAC aura recours. Le rapporteur recommande donc que le Gouvernement publie la liste des prestations de conseil qui seront réalisées et qu'il rende compte, notamment au moment de l'élaboration du cahier des charges, du rôle joué par les consultants au cours de la procédure. En tout état de cause, ceux-ci ne sauraient se substituer à l'administration dans les choix qui seront opérés au cours de la procédure. Il convient également que la DGAC publie, in fine, une évaluation des prestations réalisées par les cabinets.

Ces garde-fous apparaissent essentiels pour ne pas raviver un sentiment d'opacité déjà fort au sein de l'opinion publique nantaise s'agissant de la gestion du dossier de Nantes Atlantique - et, antérieurement, de Notre-Dame-des-Landes - par la DGAC.

· Enfin, garantir la publicité du prochain cahier des charges serait nécessaire et pertinent pour créer des liens de confiance entre le Gouvernement et les acteurs de l'agglomération nantaise, à commencer par les riverains et élus locaux.

Le cahier des charges est la pierre angulaire de la procédure d'appel d'offres sur la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique. Or, le précédent cahier des charges n'a jamais été rendu public. Il a même été difficile pour le rapporteur d'avoir accès à ce document pourtant central, alors même que la procédure d'appel d'offres pour laquelle il a été élaboré a été abandonnée en septembre dernier.

Compte tenu du fort sentiment de défiance vis-à-vis du Gouvernement qui ressort des auditions menées par le rapporteur, la publication du prochain cahier des charges avant le terme de la procédure (c'est-à-dire avant la signature du contrat de concession) semble nécessaire, dans le respect d'éventuelles exceptions réglementaires qui devront être justifiées et du secret des affaires.

Proposition n° 4 : Assurer une meilleure transparence de la nouvelle procédure d'appel d'offres, à travers :

- la conduite de réunions de concertation régulières avec les acteurs de terrain (élus locaux, milieux socio-économiques et riverains), notamment au cours de l'élaboration du cahier des charges, et le recueillement des propositions des élus locaux a minima sur le volet du cahier des charges relatif à l'environnement et aux nuisances sonores ;

- la soumission pour avis du projet de cahier des charges aux collectivités territoriales directement concernées par le projet de modernisation de l'aéroport ;

- la publicité du cahier des charges.

Proposition n° 5 : Encadrer strictement le recours à des cabinets privés dans la gestion du projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer la publicité des prestations demandées, dans la lignée des recommandations du rapport sénatorial de mars 2022 sur l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques.

b) Associer le territoire à la gouvernance de l'aéroport, pour favoriser son intégration locale

Enfin, pour favoriser l'intégration de l'aéroport de Nantes Atlantique dans son environnement et réduire au mieux les nuisances induites par son activité pour les populations riveraines, le rapporteur jugerait pertinente la création d'une communauté aéroportuaire autour de cette plateforme, comme le recommandent les maires des communes de la métropole de Nantes.

Prévue par le code des transports20(*), la communauté aéroportuaire prend la forme d'un établissement public administratif, chargé de soutenir « des actions territoriales et des projets permettant de favoriser la correction des atteintes aéroportuaires à l'environnement et à la qualité de vie urbaine et rurale, l'accès des riverains aux emplois et aux équipements collectifs et l'information relative aux impacts de l'aéroport sur son territoire et aux actions menées pour en corriger les effets » (article L. 6363-2). Elle est créée par l'autorité administrative, sur la proposition du conseil régional, et dispose d'un périmètre d'intervention défini par l'autorité administrative, après consultation « des collectivités territoriales intéressées et des établissements publics de coopération intercommunale concernés ».

Selon l'article L. 6363-4, son conseil d'administration comprend deux collèges :

- le collège des collectivités territoriales, représentant les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale dont le territoire est compris en tout ou partie dans le périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire ;

- le collège des entreprises, représentant les entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire, composé du gestionnaire d'aéroport, des compagnies aériennes et des autres entreprises situées ou non sur l'emprise de l'aéroport.

Le conseil d'administration est présidé par le président du conseil régional ou son représentant.

La communauté aéroportuaire désigne en outre trois représentants d'associations de riverains ou de protection de l'environnement choisis parmi les membres de la commission consultative de l'environnement de l'aéroport, qui disposent d'une voix consultative.

Enfin, le représentant de l'État dans la région ou son représentant assiste au conseil d'administration de la communauté aéroportuaire avec voix consultative.

L'article L. 6363-5 précise quelles sont les ressources financières de la communauté aéroportuaire. Elles comprennent en particulier le produit des sanctions prononcées par l'Acnusa à la suite de manquements constatés sur l'aérodrome concerné, les contributions volontaires des entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire, du gestionnaire de l'aéroport et des collectivités territoriales et de leurs groupements et, enfin, des contributions versées au titre du Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires des communes riveraines de l'aéroport.

La communauté aéroportuaire peut financer des projets dans les domaines de l'environnement, des transports, de l'urbanisme, de l'emploi et de l'information.

Pour l'heure, il semble n'exister qu'une communauté aéroportuaire, en Île-de-France.

Le rapporteur estime qu'une communauté aéroportuaire pourrait être créée sans attendre à Nantes Atlantique. Dans l'optique d'assurer davantage de concertation dans le cadre du prochain appel d'offres, cette entité pourrait en outre être réunie de manière régulière au cours de la procédure, afin d'informer ses membres de l'avancement des travaux.

Proposition n° 6 : Créer une communauté aéroportuaire afin de mieux associer les collectivités territoriales et les autres acteurs locaux à la gouvernance de l'aéroport de Nantes Atlantique et à la conduite des travaux de modernisation.

B. ASSURER UNE MEILLEURE MAÎTRISE DE L'IMPACT ENVIRONNEMENTAL DE L'ACTIVITÉ DE L'AÉROPORT DANS LA PERSPECTIVE DU PROCHAIN APPEL D'OFFRES

Le report de la procédure d'attribution de la nouvelle concession a pu retarder la mise en oeuvre d'investissements essentiels tendant à limiter les impacts environnementaux de l'activité de la plateforme de Nantes Atlantique. Il est donc primordial que le cahier des charges de l'appel d'offres à venir soit particulièrement ambitieux sur ce sujet.

L'aéroport de Nantes Atlantique n'est pas adapté au niveau actuel et aux évolutions à venir du trafic aérien. Il comporte en particulier de très nombreux postes de stationnement « au large », c'est-à-dire éloignés des terminaux. En pratique, cela implique des opérations d'acheminement des passagers en véhicules sur le tarmac ce qui, d'une part, engendre des émissions polluantes liées à l'utilisation de véhicules et, d'autre part, peut être source de nombreuses difficultés opérationnelles et donc de retards.

En pratique, les passagers sont à l'heure actuelle acheminés vers les points de stationnement au large grâce à des véhicules thermiques. Il est donc nécessaire de mener un renouvellement rapide des flottes de bus en circulation à Nantes Atlantique et, plus largement, de tous les engins de piste utilisés, afin d'assurer leur décarbonation et de limiter les émissions polluantes qu'ils engendrent.

En outre, les postes de stationnement au large devront faire l'objet d'une électrification dans les prochaines années en application de la réglementation européenne.

Le règlement AFIR de septembre 2023 précédemment cité prévoit des obligations renforcées en matière d'alimentation en électricité des aéronefs en stationnement au 31 décembre 2024 pour les points de stationnement « au contact » des terminaux. En revanche, il faudra attendre le 31 décembre 2029 pour que cette obligation soit applicable aux points de stationnement « au large » des terminaux.

Or, l'usage de l'électricité par les aéronefs en stationnement leur évite d'avoir à utiliser leur moteur auxiliaire de puissance (APU). Les APU ont une consommation de kérosène très élevée ; leur utilisation émet des particules fines et est responsable de nuisances sonores. Comme le souligne l'Acnusa, « il y a urgence, pour les opérateurs comme pour toutes les populations concernées, à ce que les équipements de substitution nécessaires soient déployés rapidement afin que sur l'aéroport de Nantes Atlantique les moteurs auxiliaires de puissance ne soient plus utilisés lorsque les aéronefs sont en escale »21(*).

Il importe que les obligations issues du règlement AFIR figurent dans le cahier des charges du prochain appel d'offres.

Par ailleurs, il est impératif de protéger le lac de Grand-Lieu des effets négatifs de l'activité de l'aéroport.

À l'heure actuelle, la mise en oeuvre de mesures de prévention est rendue difficile par une mauvaise connaissance de l'impact réel de l'aéroport sur la faune et la flore de la réserve, faute de données suffisamment précises sur ce sujet.

Compte tenu du caractère exceptionnel du site du lac de Grand-Lieu, il apparaît indispensable de mener dès aujourd'hui des études afin d'évaluer les effets de l'activité aéroportuaire sur le lac. Ce travail devrait en particulier permettre d'affiner l'état des connaissances s'agissant de plusieurs impacts potentiels de l'aéroport sur le lac.

Premièrement, si le bruit causé par les aéronefs ne semble pas perturber de manière évidente les oiseaux22(*), une étude complémentaire pourrait permettre d'affiner ce constat et d'analyser l'impact du bruit sur le comportement des autres espèces vivant dans la réserve.

Deuxièmement, comme indiqué précédemment, des dérivés d'hydrocarbure ont été retrouvés dans l'eau du lac ces dernières années.

Dans ces conditions, il est difficile d'avoir une vision précise de la quantité de polluants présents dans le lac et de son évolution. Le gestionnaire de la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu souligne à ce propos que « le lac de Grand-Lieu manque de données sur les polluants chimiques (un seul point suivi tous les trois ans) pour permettre de se prononcer objectivement en la matière ». Si un lien avec l'activité de l'aéroport est probable, l'origine exacte de ces résidus n'est pas déterminée avec précision. Leur présence pourrait être causée aussi bien par les rejets dans l'air d'aéronefs survolant le lac à basse altitude que par les eaux de ruissellement de la plateforme qui s'écoulent vers le lac.

Afin de pouvoir adopter, le cas échéant, les mesures correctrices nécessaires, il est indispensable de disposer de données robustes. Le gestionnaire de la réserve naturelle note que « des analyses plus poussées en différents points du lac seraient indispensables pour mieux caractériser ces micropolluants, leur origine et leurs éventuels effets ». Sensible à cette question, le rapporteur estime que les modalités actuelles des prélèvements effectués sur l'eau du lac ne sont pas adéquates (une campagne de mesure est réalisée tous les trois ans, en un seul point du lac, selon le gestionnaire de la réserve) : il préconise d'effectuer des campagnes de mesures à intervalles plus réguliers (par exemple chaque année), et en différents points du lac afin de disposer de résultats plus précis.

Proposition n° 7 : Assurer une intégration durable de l'aéroport dans son environnement, à travers :

- le lancement dès aujourd'hui d'une étude destinée à mesurer les effets des nuisances issues de l'aéroport sur la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu ;

- l'établissement d'un cahier des charges plus ambitieux sur le plan environnemental (par exemple, sur la gestion des eaux de ruissellement, la décarbonation des engins de piste et la maîtrise du foncier utilisé) ;

- l'anticipation, dans le futur cahier des charges, de la réalisation d'équipements d'alimentation électrique des points de stationnement au large, dans la perspective de l'entrée en vigueur des obligations issues du règlement européen « AFIR » en 2030.

C. FAIRE DE LA SANTÉ DES POPULATIONS ET DE LA RÉDUCTION DES NUISANCES SONORES AÉROPORTUAIRES UNE PRIORITÉ

1. Prendre de nouvelles mesures pour limiter les nuisances sonores liées à l'aéroport

Le rapporteur fait sien le mot d'ordre de l'ensemble des maires des communes de la métropole de Nantes, qui ont rappelé, dans une position commune publiée en octobre 2023 que : « l'enjeu de la santé des populations doit être au coeur des préoccupations de tous ».

Plusieurs pistes de réflexion sont à ce titre étudiées.

a) Le déploiement d'un « essaim » d'aéroports pour le Grand Ouest ?

Face au constat de la saturation de l'aéroport de Nantes Atlantique et du niveau de nuisances sonores très élevé dont sont victimes les riverains, la question de la répartition du trafic sur les différents aéroports du Grand Ouest, notamment Rennes et Angers, et de l'organisation d'un maillage aéroportuaire « en essaim » s'est posée.

Les présidents des conseils départementaux du Maine-et-Loire et de la Sarthe, Christian Gillet et Dominique Le Mèner, ont souligné au moment de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes que l'aéroport d'Angers pouvait être « une solution complémentaire à l'aménagement des aéroports de Nantes et Rennes ». Le Président d'Angers Loire-Métropole et maire d'Angers, Christophe Béchu, a déclaré en février 2018 à ce propos que « les infrastructures, comme l'aérogare et la piste, et les services existants sur la plateforme angevine peuvent offrir de réelles complémentarités avec les aéroports de Nantes et Rennes dans une optique de mise en réseau des aéroports du Grand Ouest ».

En théorie, une telle option aurait en effet présenté certains avantages : elle aurait permis de limiter les nuisances tout en tirant parti d'infrastructures existantes, sans avoir à augmenter les capacités de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Cependant, en pratique, une telle politique de « multipolarisation » des aéroports de l'ouest semble difficile à mettre en oeuvre. D'une part, une gestion unifiée de ces aéroports serait très complexe, dans la mesure où ils sont gérés selon des modalités différentes. Tandis que l'aéroport de Nantes Atlantique est un aéroport national, propriété de l'État, celui d'Angers appartient à Angers Loire Métropole et celui de Rennes au Conseil régional de Bretagne. La DGAC a souligné les difficultés opérationnelles qu'induirait une telle répartition : « À l'exception des aérodromes exploités par ADP en Île-de-France, pour lesquels un arrêté prévoit une répartition du trafic aérien, selon les types d'aéronefs et les caractéristiques des vols, entre Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, il n'existe pas en France de répartition organisée par l'État du transport aérien entre plusieurs aérodromes desservant une même zone urbaine ».

En outre, pour les compagnies aériennes, une stratégie de multilocalisation implique une multiplication des coûts, car les coûts fixes d'une base dans un aéroport sont élevés.

Par ailleurs, une politique de répartition du trafic entre ces trois aéroports du Grand Ouest poserait vraisemblablement des difficultés au regard du droit européen. L'article 19 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté prévoit en effet un encadrement très strict des mesures pouvant faire obstacle au principe de liberté pour les transporteurs aériens de desservir les aéroports de leur choix. Il faut en effet que :

- les aéroports visés desservent la même ville ou conurbation ;

- qu'ils soient desservis par des infrastructures de transport suffisantes assurant, dans la mesure du possible, une connexion directe permettant d'arriver à l'aéroport en quatre-vingt-dix minutes ;

- qu'ils soient reliés les uns aux autres ainsi qu'à la ville ou conurbation qu'ils desservent par des services de transport en commun fréquents, fiables et efficaces ;

- qu'ils offrent les services nécessaires aux transporteurs aériens et ne portent pas indûment préjudice à leurs opportunités commerciales.

Par conséquent, une meilleure répartition du trafic aérien sur le Grand Ouest ne saurait passer que par des moyens incitatifs. À ce titre, une connectivité renforcée entre Nantes, Angers et Rennes pourrait faciliter l'utilisation des aéroports de ces deux dernières villes par des usagers nantais. En outre, l'amélioration de la desserte ferroviaire de la région nantaise ne peut qu'inciter à un recours accru à ce mode massifié, en particulier pour les trajets effectués à l'intérieur du territoire national. Par ailleurs, l'amélioration promise de la liaison ferroviaire entre Nantes et les aéroports parisiens pourrait encourager certains voyageurs nantais à recourir davantage à ces plateformes.

Dans cette optique, il est indispensable que l'État honore les engagements pris en 2019 à travers le Contrat d'avenir en faveur de la desserte ferroviaire de la région Pays de la Loire, mais aussi de l'aéroport.

Proposition n° 8 : Améliorer la connectivité ferroviaire de Nantes avec les aéroports parisiens et les autres aéroports du Grand Ouest et assurer une meilleure desserte en transports collectifs de l'aéroport de Nantes Atlantique.

b) La question du plafonnement du trafic aérien

La solution d'un plafonnement du trafic est régulièrement évoquée afin de résoudre le problème des nuisances sonores causées par l'activité aéroportuaire de Nantes Atlantique.

Cette option présenterait en effet certains avantages. D'une part, elle permettrait de réduire mécaniquement les nuisances sonores. D'autre part, dans le climat de tension et de méfiance qui semble régner sur ce dossier, l'option du plafonnement du trafic a l'avantage de la clarté et de la transparence.

Cette option permet en outre d'ouvrir un débat intéressant : celui de la vocation de l'aéroport de Nantes Atlantique, voire du rôle qu'il peut revêtir pour le territoire. Le président du Conseil départemental de la Loire-Atlantique, entendu par le rapporteur, lui a indiqué sa volonté qu'une réflexion collective soit menée sur ce sujet. À ce titre, la multiplication de vols vers des destinations de loisirs assurés par des compagnies à bas coûts interroge, car elle présente peu de retombées positives pour le territoire comparativement à des vols permettant la desserte de villes françaises ou à l'international, qui sont plus essentiels pour l'activité des entreprises du Grand Ouest.

Cependant, un plafonnement du trafic aérien à Nantes Atlantique soulèverait plusieurs difficultés. Tout d'abord, une telle mesure serait fragile du point de vue du droit européen et exigerait, quoi qu'il en soit, de mettre en place une étude d'impact selon l'approche équilibrée (EIAE). En outre, un tel plafonnement pourrait porter préjudice au territoire. Comme l'ont souligné la présidente du Conseil régional des Pays de la Loire et les acteurs socio-économiques rencontrés par le rapporteur, il est nécessaire pour l'économie de la région de bénéficier d'une desserte de bonne qualité, y compris aérienne, afin d'assurer l'attractivité du territoire et le développement de ses entreprises.

En définitive, le rapporteur estime que la piste du plafonnement du trafic de l'aéroport de Nantes Atlantique doit être écartée.

c) Couvre-feu : de multiples aménagements sont encore nécessaires

Face au constat sans appel d'un nombre alarmant de violations du couvre-feu, il est nécessaire, comme le Gouvernement s'y est d'ailleurs engagé, de clarifier la rédaction de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes Atlantique (Loire-Atlantique).

Il est en particulier nécessaire de définir au plus vite avec précision les conditions d'exonération de responsabilité des compagnies aériennes lorsqu'un aéronef atterrit en dehors des horaires prévus par le couvre-feu. Une telle situation serait de nature à faciliter le travail d'instruction de l'Acnusa et à rendre la règle applicable plus claire et prévisible, au bénéfice de l'ensemble des acteurs. Le rapporteur rejoint ici pleinement l'analyse des maires de l'ensemble des communes de la métropole de Nantes qui appellent à une « modification rapide » de cet arrêté.

À ce titre, le rapporteur note que la rédaction insatisfaisante de cet arrêté avait mené l'Acnusa, le 6 septembre 2021, à rendre un avis défavorable au projet de texte soumis par le Gouvernement. D'une part, le collège de l'autorité s'étonnait de la possibilité de prévoir des décollages par anticipation avant 6 heures : « Hors évènement parfaitement exceptionnel, il n'existe pas de situation où un vol programmé après 6h30 devrait voir son départ anticipé pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur ». Surtout, dans son avis, le collège relevait que « la sécurité juridique » des dispositions relatives aux interdictions d'atterrissages après minuit n'était « pas assurée ».

Il est à cet égard regrettable que l'administration n'ait pas entendu l'avis de l'Acnusa, recommandant de « reprendre rapidement la rédaction » de l'arrêté « afin que des règles claires puissent entrer en application dès le début de la saison aéronautique de l'été 2022 ».

Assurer une meilleure application du couvre-feu nécessite également de renforcer les sanctions applicables. Afin que les amendes aient une réelle portée dissuasive et qu'elles ne soient pas une simple donnée intégrée dans le modèle économique des compagnies aériennes, une augmentation de leur montant maximal est nécessaire. Selon le Gouvernement, à ce stade, le montant moyen des sanctions prononcées par l'Acnusa est d'un peu moins de 16 000 €, le montant maximal étant de 25 000 €.

Le rapporteur se réjouit qu'un doublement du plafond de sanction ait été intégré au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 lors de son examen au Sénat. Le plafond devrait donc atteindre 40 000 €, et 80 000 € en cas de récidive, au lieu de 20 000 € et 40 000 € actuellement. Cet apport23(*) sénatorial a été confirmé par les députés, lors de l'examen du PLF pour 2024 en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 18 décembre 2023.

En outre, il serait opportun de renforcer le couvre-feu, tout en veillant à ne pas entraver de manière excessive les conditions d'exercice des compagnies.

À ce titre, sans étendre la plage horaire du couvre-feu actuel, il serait possible d'interdire les atterrissages d'aéronefs avant 7 h et les décollages après 21 h. Une telle disposition n'empêcherait pas les compagnies basées d'effectuer un nombre de rotations journalier suffisant afin que la desserte de Nantes reste économiquement viable. Cependant, elle limiterait les nuisances sonores aux horaires où leur impact sur la santé est maximal pour les riverains.

Le rapporteur salue les récentes annonces du Gouvernement tendant à optimiser la procédure de sanction de l'Acnusa, afin de réduire le délai de traitement à moins d'un mois, à la fois pour l'envoi des procès-verbaux et pour l'analyse des dossiers de vols au départ. En outre, l'administration indique que la nouvelle rédaction devrait prévoir la possibilité pour les services de l'aviation civile de s'opposer à l'atterrissage d'un aéronef pendant la période de couvre-feu lorsque cette situation méconnaît manifestement la réglementation. Ces évolutions sont positives, mais semblent encore manquer d'ambition.

Proposition n° 9 : Renforcer le couvre-feu à l'aéroport de Nantes Atlantique et en améliorer l'application par :

- la réécriture de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes Atlantique, afin de clarifier les conditions exonératoires pouvant être invoquées par les compagnies aériennes en cas d'atterrissage en dehors des horaires programmés ;

- le doublement du plafond des amendes de l'Acnusa en cas de non-respect du couvre-feu ;

- l'interdiction des atterrissages avant 7 heures du matin et des décollages après 21 heures.

En outre, et de façon complémentaire, les redevances aéroportuaires pourraient être utilisées comme un levier d'incitation pour encourager les compagnies à mener des vols aux horaires où les nuisances ont le moins d'impact sur la santé des riverains. Une modulation des redevances aéroportuaires qui encouragerait substantiellement la programmation des vols entre 7 h et 21 h serait à ce titre souhaitable.

Proposition n° 10 : Moduler les redevances aéroportuaires en fonction de l'horaire de mouvement (atterrissage et décollage) des aéronefs, en prévoyant un rehaussement des redevances pour les mouvements effectués avant 7 heures du matin et après 21 heures.

d) Le renouvellement des flottes et l'utilisation d'aéronefs moins bruyants : une nécessité pour diminuer le niveau de nuisances sonores

Les aéronefs d'ancienne génération émettent non seulement bien plus de gaz à effet de serre que les nouveaux modèles mis en circulation, mais causent également bien plus de nuisances sonores. Afin de limiter ces dernières, il importe d'inciter fortement les compagnies aériennes à n'utiliser à Nantes Atlantique que des aéronefs de dernière génération.

Selon une étude menée par la DGAC portant sur les vols au départ des aéroports de Nantes Atlantique, Paris-Orly et Paris-CDG en février et en juin 2023 communiquée au rapporteur, les aéronefs de nouvelle génération permettent de réaliser des gains sonores notables au bénéfice des riverains des aéroports.

Pour estimer ces gains, la DGAC s'est appuyée sur les valeurs de certification au décollage en un point au survol et en un point latéral des aéronefs ainsi que sur le point de certification à l'atterrissage nommé « approche ». Ces trois indicateurs sont agrégés dans un indicateur appelé « marge cumulée », qui est la distance qui sépare la somme des trois points de certification de leur limite réglementaire. Une marge cumulée élevée est donc signe d'une haute performance acoustique de l'avion au regard de sa gamme de masse.

Ces effets sont appréhendés en EPNdB (Effective perceived noise in decibels), une unité mesure qui porte sur les effets subjectifs du bruit des avions sur l'être humain.

La conclusion de l'étude met en avant que « les nouvelles générations d'aéronefs permettent des gains de 6 à 16,5 EPNdB de marge cumulée par rapport à leurs prédécesseurs ». Cependant, il faut prendre en compte que « ce gain est inégalement réparti entre les points de certification, reflétant une baisse plus marquée du bruit au décollage qu'à l'atterrissage ».

À ce titre, il serait opportun d'inciter les compagnies aériennes à privilégier l'usage d'aéronefs de nouvelle génération à Nantes Atlantique. En particulier, et afin d'inciter les compagnies aériennes à renouveler leurs flottes, le rapporteur recommande que les redevances soient rehaussées pour les aéronefs dont la marge cumulée ne dépasse pas 20 EPNdB, soit 72,3 % du trafic à Nantes Atlantique, Paris-Orly et Paris-CDG. À l'inverse, les aéronefs qui dépassent 25 EPNdB, soit 14 % du trafic et surtout celles qui dépassent 30 EPNdB (notamment les Airbus A320 Neo), qui représentent 5,7 % du trafic dans ces aéroports, pourraient bénéficier d'un abaissement des redevances aéroportuaires.

Une trajectoire pluriannuelle de durcissement des modulations des redevances pourrait être prévue afin que les compagnies disposent d'une vision de long terme et qu'elles soient ainsi incitées à prendre en compte cette évolution dans leurs investissements futurs. Cette trajectoire, pour être réellement efficace, implique que soient affinées les catégories acoustiques des aéronefs, dans la mesure où la catégorie classant les aéronefs les moins bruyants comporte aujourd'hui tous ceux dont la marge cumulée est supérieure à 20 EPNdB. De nouvelles catégories plus précises, classant les aéronefs dont la marge cumulée est supérieure à 25 EPNdB et 30 EPBdB pourraient ainsi être mises en place.

Ces modulations pourraient être facilitées par le dispositif prévu à l'article 20 du projet de loi initial portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, en cours d'examen, qui modifie le champ d'application du principe de modération tarifaire des redevances aéroportuaires prévu au II de l'article L. 6327-2 du code des transports.

Ce principe encadre l'évolution du niveau des redevances et garantit que leur hausse ne soit pas trop rapide d'une année à l'autre. Il revient à l'Autorité de régulation des transports (ART), chargée d'homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires, de vérifier que les tarifs fixés respectent bien ce principe.

L'article 20 du projet de loi en cours d'examen crée une dérogation à ce principe l'année qui suit le renouvellement d'une concession aéroportuaire. Ce dispositif permettrait d'accorder une plus grande souplesse au futur concessionnaire pour mettre en place, le cas échéant, ce système de modulations. Une telle mesure favoriserait la fixation de tarifs de redevances aéroportuaires en adéquation avec les nombreux investissements nécessaires en matière de modernisation de la plateforme.

Le champ d'application de cette possibilité a été élargi à l'initiative de la commission spéciale chargée d'examiner ce texte au Sénat à travers l'adoption d'un amendement.

La classification acoustique des aéronefs

Les aéronefs sont classés en fonction du bruit qu'ils émettent, mesuré par la marge cumulée exprimée en EPNdB. Cette classification est utilisée pour moduler le montant de TNSA et de redevances d'atterrissage versé par les compagnies aériennes.

Ce critère de la marge cumulée est combiné avec la classification de l'aéronef par l'OACI. L'OACI classe les aéronefs au sein de différents chapitres de l'annexe 16 à la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944, les aéronefs définis dans les premiers chapitres de ce document étant les plus bruyants. Actuellement, les aéronefs mentionnés aux chapitres 1 et 2 dudit document ne peuvent circuler dans l'Union européenne.

La classification actuelle a été fixée par l'arrêté du 21 mars 2022 relatif à la classification acoustique des aéronefs mentionnée à l'article L. 422-56 du code des impositions sur les biens et services à prendre en compte pour le calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes. En application de cet arrêté, les aéronefs sont classés en 6 classes acoustiques :

- groupe 1 : les aéronefs qui ne sont pas mentionnés dans les groupes acoustiques 2, 3, 4, 5 et 6 définis ci-après ;

- groupe 2 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 10 EPNdB et inférieure à 13 EPNdB ;

- groupe 3 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 13 EPNdB et inférieure à 17 EPNdB ;

- groupe 4 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 ou 14 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 17 EPNdB et inférieure à 20 EPNdB ;

- groupe 5 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 ou 14 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 20 EPNdB ;

- groupe 6 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 6, 8, 10 ou 11.

Le tableau ci-après présente le niveau de bruit émis par les différents aéronefs utilisés à Paris Charles de Gaulle, Paris Orly et à l'aéroport de Nantes Atlantique.

Analyse des valeurs de certification acoustique des principaux avions rencontrés dans le trafic des aéroports de Paris CDG, Paris Orly et Nantes Atlantique en février et juin 2023

Source : DGAC

Il est donc nécessaire d'encourager les compagnies dans leur effort de renouvellement des flottes, afin que les plus vertueuses soient récompensées et que celles qui ne se sont pas encore engagées dans cette transition soient incitées à le faire le plus rapidement possible. À ce titre, le Groupe Air France a précisé au rapporteur que, « en 2021, la flotte Air France comptait 7 % d'avions de nouvelle génération. Ce taux s'élèvera à 30 % fin 2023, 45 % en 2025 et 70 % en 2030. Concernant Transavia, l'objectif est de renouveler l'intégralité de la flotte d'ici 2030 ». Ces données concernent le parc de chacune des compagnies du groupe Air France (Air France et Transavia) basées à Nantes. Le groupe souligne que « le renouvellement des flottes demeure le levier principal pour réduire l'empreinte sonore de nos activités ». Les autres compagnies basées à Nantes Atlantique disposent de proportions très variables d'aéronefs de nouvelle génération.

Compte tenu du poids prépondérant des compagnies à bas coûts à l'heure actuelle à l'aéroport de Nantes Atlantique et de la situation unique de cet aéroport urbain, il est nécessaire d'inciter ces compagnies à faire du renouvellement de leurs flottes une priorité.

Le rapporteur regrette que le droit de l'Union européenne empêche actuellement d'interdire l'usage des aéronefs les plus bruyants dans les aéroports des États membres de l'Union européenne. En effet, une directive de 200224(*) prévoit des règles très strictes relatives à l'interdiction des aéronefs. L'article 6 de ce texte prévoit la possibilité de mettre en place des « restrictions d'exploitation visant à retirer de la circulation les aéronefs présentant une faible marge de conformité ». L'article 2 définit ces aéronefs comme étant ceux dont la « marge cumulée est inférieure ou égale à 5 EPNdB ». Il semble, selon les données transmises par la DGAC, que ces aéronefs ne soient déjà plus utilisés à Nantes Atlantique.

En outre, la directive prévoit actuellement la possibilité, pour certains aéroports urbains listés en annexe, d'étendre ces interdictions à d'autres catégories d'aéronefs particulièrement bruyants. L'aéroport de Nantes Atlantique ne figure toutefois pas, à ce jour, dans cette liste.

Le rapporteur recommande donc au Gouvernement d'entamer des négociations tendant à modifier cette directive, à plusieurs titres.

D'une part, la dernière modification de ce texte a eu lieu il y a quinze ans. Une actualisation de ce dernier est donc essentielle compte tenu, d'une part, des évolutions techniques survenues, et, d'autre part, de l'approfondissement des connaissances scientifiques relatives aux effets sur la santé du bruit des aéronefs.

En parallèle de cette renégociation générale du cadre juridique européen relatif à l'encadrement de l'usage des aéronefs en fonction du bruit qu'ils émettent, il serait opportun que l'aéroport de Nantes Atlantique soit considéré comme un « aéroport urbain » au sens de ladite directive. De la sorte, l'État disposerait de marges de manoeuvre renforcées pour interdire l'usage de certains aéronefs sur la plateforme, en fonction de leur niveau de bruit.

Proposition n° 11 : Assurer rapidement le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisés à l'aéroport de Nantes Atlantique par :

- la modulation des redevances aéroportuaires selon la classe acoustique des aéronefs utilisés par les compagnies aériennes, grâce à un barème ayant vocation à être renforcé au fil des années ;

- la renégociation de la directive européenne du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté pour :

 tenir compte des évolutions techniques survenues et de l'approfondissement des connaissances scientifiques relatives aux effets sur la santé du bruit des aéronefs ;

 intégrer l'aéroport de Nantes Atlantique à la liste des aéroports urbains pouvant interdire plus largement, à titre dérogatoire, une catégorie d'aéronefs en fonction de leur niveau de bruit.

Enfin, dans un objectif de transparence envers les populations locales, le Gouvernement pourrait inclure dans le cahier des charges de l'aéroport la définition d'une trajectoire tendancielle de baisse des émissions sonores à l'aéroport de Nantes Atlantique.

L'indicateur utilisé pour définir cette trajectoire pourrait être un indicateur global mesuré pondéré (IGMP) analogue à celui qui est actuellement utilisé à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Cet indicateur est calculé à partir des mesures de bruit en temps réel effectuées par un réseau de huit stations placées dans les axes des quatre pistes de l'aéroport. Il détermine l'énergie sonore totale mesurée durant une année pour les décollages et pour les atterrissages, rapportée à l'énergie calculée pour l'année de référence25(*).

Proposition n° 12 : Mettre en place un objectif tendanciel de baisse des émissions sonores à l'aéroport de Nantes Atlantique, qui serait mesuré grâce à un indicateur global mesuré pondéré (IGMP) similaire à celui utilisé à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.

2. Prendre des mesures compensatoires d'atténuation et de compensation des effets des nuisances sonores

De façon complémentaire à la diminution des nuisances sonores « à la source », il est essentiel d'atténuer les effets du bruit émis par les aéronefs pour les habitants.

À ce titre, l'insonorisation des logements est un outil indispensable afin de protéger la santé des riverains. Il est donc impératif de relever le plafond des montants des aides à l'insonorisation, qui date de 2011 et est donc largement obsolète et ce, dans les meilleurs délais.

Le rapporteur note avec satisfaction que le ministre chargé des transports, Clément Beaune, s'est engagé à rehausser ce montant de 25 % afin de « réduire le reste à charge pour les riverains »26(*). Toutefois, l'indice des prix d'entretien-amélioration des bâtiments (IPEA), indicateur retenu pour évaluer l'inflation du coût des travaux d'isolation acoustique a augmenté de 33,4 % entre 2011 et le second trimestre 2023. Une augmentation du plafond des aides à l'insonorisation correspondant à l'augmentation réelle des coûts depuis 2011 serait donc préférable et légitime. La hausse d'ores et déjà prévue par le Gouvernement est donc opportune, mais reste insuffisante au regard des besoins. Le rapporteur appelle donc, à l'instar des maires des communes de la métropole de Nantes, à rehausser ce plafond à la hauteur de l'augmentation des coûts.

Le coût supplémentaire des aides à l'insonorisation ne pourra vraisemblablement pas être financé à moyens constants : une hausse du tarif de TNSA applicable à l'aéroport de Nantes Atlantique pourrait donc s'avérer nécessaire. Le rapporteur souligne que le pouvoir réglementaire dispose d'une large marge de manoeuvre pour augmenter ce tarif. Il peut en effet le fixer à un montant compris entre 20 € et 75 €. Or, ce tarif est actuellement de 27 €.

En pratique, un relèvement des plafonds des montants des aides serait de nature à accroître leur attractivité. Par conséquent, les riverains solliciteront plus fréquemment les aides, y compris s'agissant du dispositif complémentaire financé par le fonds de compensation de Nantes Atlantique qui devrait donc également voir ses moyens renforcés.

Un autre point nécessite une attention particulière : la qualité de l'isolation phonique des logements a progressé avec le temps. Or, des logements qui ont déjà bénéficié de travaux d'isolation, parfois il y a plus d'une décennie, ne peuvent pas bénéficier d'une seconde campagne de travaux. Afin de tenir compte de l'évolution des techniques d'isolation, il serait pertinent d'étudier la possibilité d'une réouverture du droit à isolation phonique pour les logements qui ont bénéficié d'une aide à l'isolation avant une certaine date, qui pourrait être déterminée par voie réglementaire.

En application de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021, des obligations de rénovation énergétique des logements mis en location amènent les propriétaires bailleurs à lancer des travaux de rénovation. En outre, l'État a déployé une politique de soutien à la rénovation énergétique des logements, notamment à travers le dispositif « MaPrimeRenov' » afin de réduire leur consommation d'énergie et donc leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, la rénovation thermique et la rénovation phonique des logements pourraient être menées concomitamment étant donné les interactions entre ces deux types de travaux. Comme le proposent les maires des communes de la métropole de Nantes, la reprise d'une expérimentation de ce couplage lancée en 2021 pourrait être menée. Afin de mieux lier ces travaux, une aide bonifiée en cas de réalisation conjointe des travaux pourrait ainsi être envisagée.

Proposition n° 13 : Renforcer les dispositifs d'atténuation des effets des nuisances sonores pour les riverains de Nantes Atlantique par :

- le rehaussement du plafond des aides à l'insonorisation, qui n'a pas été revu depuis 2011 ;

- le renforcement des moyens alloués au fonds de compensation de Nantes Atlantique ;

- la réouverture du droit à l'isolation phonique pour les travaux effectués avant une date qui serait fixée par voie réglementaire, pour tenir compte des évolutions intervenues en matière de techniques d'isolation.

Enfin, l'utilisation concrète du droit de délaissement ouvert pour certains riverains de l'aéroport n'est pas pleinement satisfaisante. En pratique, de nombreux riverains, bien que situés dans la zone B du PEB qui compte les logements les plus exposés aux nuisances sonores, n'ont pas accès à ce dispositif du fait du critère d'antériorité prévu par le droit actuel : pour rappel, seuls les riverains ayant acheté ou effectué la reconstruction ou un agrandissement supérieur à 40 m² de leur logement entre le 31 décembre 2010 et le 17 janvier 2018 peuvent en bénéficier.

Il pourrait être envisagé d'ouvrir le droit de délaissement à tous les riverains situés en zone B du PEB de l'aéroport sans tenir compte, comme c'est actuellement le cas, de la date d'acquisition du logement, tant qu'elle est antérieure à 2018. Pour l'aéroport de Nantes Atlantique, la zone B est définie par un niveau de nuisances sonores exprimé par un Lden supérieur à 65 décibels. Selon la DGAC, ce dispositif portant sur tous les logements de la zone B « concernerait environ 58 logements, dont 17 sont déjà concernés par le droit de délaissement actuel » et aurait un coût maximal d'environ 14,5 M€.

Le rapporteur estime toutefois qu'il ne serait pas pertinent de supprimer en contrepartie la possibilité d'user du droit de délaissement pour les biens subissant des nuisances comprises entre 62 et 65 décibels acquis entre le 31 décembre 2010 et le 17 janvier 2018, qui peuvent actuellement bénéficier du dispositif. Il préconise donc d'étendre le droit de délaissement à tous les riverains situés dans la zone B du PEB, pour autant que leur logement ait été acquis avant 2018, tout en le maintenant pour les riverains subissant des nuisances comprises entre 62 et 65 décibels et qui ont acquis leur logement entre le 31 décembre 2010 et le 17 janvier 2018.

Proposition n° 14 : Élargir le droit au délaissement au bénéfice de l'ensemble des riverains de la zone B du plan d'exposition au bruit de Nantes Atlantique, sans remettre en cause l'accès à ce dispositif pour ceux qui y sont déjà éligibles.

3. Trajectoires de décollage et d'atterrissage : un levier à utiliser pour réduire les nuisances sonores aériennes et assurer la sécurité des vols

Actuellement, la trajectoire utilisée pour assurer les atterrissages à Nantes Atlantique n'est pas satisfaisante, que ce soit en matière de sécurité ou de nuisances sonores.

Les aéronefs qui atterrissent par le nord suivent une trajectoire désaxée de 12 degrés par rapport à l'axe de la piste avant d'effectuer un virage au dernier moment lorsqu'ils ont la piste dans leur champ de vision. Cette manoeuvre permet de contourner le centre-ville de Nantes. Cependant, comme le souligne la DGAC, « la trajectoire satellitaire d'approche décalée par le Nord est dérogatoire. Cette dérogation a été récemment prolongée en considérant la mise en oeuvre future d'un ILS (système d'aide à l'atterrissage tout temps) dans l'axe, seul système à même de garantir la sécurité des opérations pour les aéronefs actuels ».

L'ILS est un système d'aide à l'atterrissage utilisé dans la plupart des aéroports qui assure des conditions optimales de sécurité. Il comprend un guidage latéral, qui permet de maintenir les avions dans l'axe de la piste, et vertical, qui assure la maîtrise de la trajectoire de descente. Il permet aux avions de se poser en toute sécurité et par tous les temps. La mise en place du système ILS implique la fin de la trajectoire désaxée, qui est utilisée actuellement afin d'éviter le survol de populations dans l'hypercentre de Nantes. Or, un réalignement de la trajectoire impliquerait que de nouvelles populations soient survolées par les aéronefs en phase d'approche face au sud. Ainsi, selon la DGAC, le nombre de personnes concernées par les nuisances augmenterait d'environ 20 000 personnes en cas d'usage exclusif de l'approche par ILS.

Face à cette situation, le ministre chargé des transports a annoncé un moratoire sur la mise en place de l'ILS jusqu'en 2027, afin de réaliser des études d'impact préalables. Pour l'instant, il est prévu de le déployer dans le cadre d'une procédure dite de « double approche ». Lorsque les conditions météorologiques sont favorables, l'approche désaxée actuelle sera utilisée. Cependant, l'approche par ILS sera utilisée en cas de météo défavorable. La DGAC estime que le taux d'utilisation de l'approche axée avec ILS variera entre 30 % et 50 %.

La double approche amènerait à une réduction de la fréquence des survols de l'hypercentre de Nantes. Toutefois, la coexistence de deux approches aurait pour conséquence inévitable un nombre total d'habitants touchés par des nuisances sonores supérieur à celui constaté en cas d'usage exclusif de l'approche axée par ILS ou de l'approche désaxée actuelle. Par conséquent, selon la DGAC, entre 40 000 (en cas de ratio d'approches à 30 % axées et 70 % désaxées) et 80 000 personnes (ratio 50 % d'approches axées et 50 % désaxées) seraient touchées par un niveau significatif de nuisances sonores.

Une telle situation ne serait pas satisfaisante, d'autant plus que, selon plusieurs acteurs entendus par le rapporteur, une autre procédure, plus efficace et présentant moins d'inconvénients, pourrait être utilisée à Nantes Atlantique: il s'agit de l'approche satellitaire dite RNP AR. Cette approche utilise un guidage satellitaire de haute précision permettant de mettre en place des trajectoires courbes. Elle nécessite l'installation d'un système de surveillance et d'alerte à bord des aéronefs qui assure une haute sécurité des vols.

Selon la DGAC, « la seule hypothèse permettant de s'affranchir de cette remise dans l'axe, et donc d'éviter le survol de l'hyper centre de Nantes, est de recourir à la mise en oeuvre d'une approche satellitaire appelée approche RNP AR ». Cette approche « est non dérogatoire et meilleure en termes de sécurité que la procédure désaxée actuelle ».

Toutefois, actuellement, la quasi-totalité des aéronefs utilisés à Nantes Atlantique n'est pas équipée pour atterrir en appliquant ce type de procédure. Les compagnies aériennes devront donc supporter un coût additionnel afin d'équiper leurs appareils et de former leurs équipages.

Afin de donner un maximum de visibilité aux compagnies et de leur permettre de se préparer à l'application de cette mesure, il serait essentiel de mener une étude sur la faisabilité du déploiement de cette technologie.

Un temps d'adaptation devrait ensuite être laissé aux compagnies avant de rendre l'usage de la trajectoire RNP AR obligatoire d'ici 2027. Entre temps, la mise en oeuvre de cette procédure par les compagnies devrait être encouragée, sans pour autant être immédiatement rendue obligatoire.

Proposition n° 15 : Mettre en place la procédure d'approche « RNP AR » pour limiter les nuisances sonores autour de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer une meilleure sécurité des vols.

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Demander au concessionnaire un programme d'investissements urgents en faveur de l'aéroport de Nantes Atlantique, en mettant l'accent sur l'amélioration des conditions d'accueil des passagers, la conformité des infrastructures aux nouvelles obligations du règlement européen « AFIR » (applicables au 31 décembre 2024) et la sécurité de la piste.

Proposition n° 2 : Assurer sans attendre la conformité du traitement des eaux de ruissellement de l'aéroport, y compris s'agissant des eaux s'écoulant vers la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu.

Proposition n° 3 : Confirmer l'abandon du projet d'allongement de la piste dans le cahier des charges du prochain appel d'offres concernant la remise en concession de l'aéroport.

Proposition n° 4 : Assurer une meilleure transparence de la nouvelle procédure d'appel d'offres, à travers :

- la conduite de réunions de concertation régulières avec les acteurs de terrain (élus locaux, milieux socio-économiques et riverains), notamment au cours de l'élaboration du cahier des charges, et le recueillement des propositions des élus locaux a minima sur le volet du cahier des charges relatif à l'environnement et aux nuisances sonores ;

- la soumission pour avis du projet de cahier des charges aux collectivités territoriales directement concernées par le projet de modernisation de l'aéroport ;

- la publicité du cahier des charges.

Proposition n° 5 : Encadrer strictement le recours à des cabinets privés dans la gestion du projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer la publicité des prestations demandées, dans la lignée des recommandations du rapport sénatorial de mars 2022 sur l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques.

Proposition n° 6 : Créer une communauté aéroportuaire afin de mieux associer les collectivités territoriales et les autres acteurs locaux à la gouvernance de l'aéroport de Nantes Atlantique et à la conduite des travaux de modernisation.

Proposition n° 7 : Assurer une intégration durable de l'aéroport dans son environnement, à travers :

- le lancement dès aujourd'hui d'une étude destinée à mesurer les effets des nuisances issues de l'aéroport sur la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu ;

- l'établissement d'un cahier des charges plus ambitieux sur le plan environnemental (par exemple, sur la gestion des eaux de ruissellement, la décarbonation des engins de piste et la maîtrise du foncier utilisé) ;

- l'anticipation, dans le futur cahier des charges, de la réalisation d'équipements d'alimentation électrique des points de stationnement au large, dans la perspective de l'entrée en vigueur des obligations issues du règlement européen « AFIR » en 2030.

Proposition n° 8 : Améliorer la connectivité ferroviaire de Nantes avec les aéroports parisiens et les autres aéroports du Grand Ouest et assurer une meilleure desserte en transports collectifs de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Proposition n° 9 : Renforcer le couvre-feu à l'aéroport de Nantes Atlantique et en améliorer l'application par :

- la réécriture de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes Atlantique, afin de clarifier les conditions exonératoires pouvant être invoquées par les compagnies aériennes en cas d'atterrissage en dehors des horaires programmés ;

- le doublement du plafond des amendes de l'Acnusa en cas de non-respect du couvre-feu ;

- l'interdiction des atterrissages avant 7 heures du matin et des décollages après 21 heures.

Proposition n° 10 : Moduler les redevances aéroportuaires en fonction de l'horaire de mouvement (atterrissage et décollage) des aéronefs, en prévoyant un rehaussement des redevances pour les mouvements effectués avant 7 heures du matin et après 21 heures.

Proposition n° 11 : Assurer rapidement le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisés à l'aéroport de Nantes Atlantique par :

- la modulation des redevances aéroportuaires selon la classe acoustique des aéronefs utilisés par les compagnies aériennes, grâce à un barème ayant vocation à être renforcé au fil des années ;

- la renégociation de la directive européenne du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté pour :

 tenir compte des évolutions techniques survenues et de l'approfondissement des connaissances scientifiques relatives aux effets sur la santé du bruit des aéronefs ;

 intégrer l'aéroport de Nantes Atlantique à la liste des aéroports urbains pouvant interdire plus largement, à titre dérogatoire, une catégorie d'aéronefs en fonction de leur niveau de bruit.

Proposition n° 12 : Mettre en place un objectif tendanciel de baisse des émissions sonores à l'aéroport de Nantes Atlantique, qui serait mesuré grâce à un indicateur global mesuré pondéré (IGMP) similaire à celui utilisé à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.

Proposition n° 13 : Renforcer les dispositifs d'atténuation des effets des nuisances sonores pour les riverains de Nantes Atlantique par :

- le rehaussement du plafond des aides à l'insonorisation en tenant compte de l'inflation du coût des travaux ;

- le renforcement des moyens alloués au fonds de compensation de Nantes Atlantique ;

- la réouverture du droit à l'isolation phonique pour les travaux effectués avant une date qui serait fixée par voie réglementaire, pour tenir compte des évolutions intervenues en matière de techniques d'isolation.

Proposition n° 14 : Élargir le droit au délaissement au bénéfice de l'ensemble des riverains de la zone B du plan d'exposition au bruit de Nantes Atlantique, sans remettre en cause l'accès à ce dispositif pour ceux qui y sont déjà éligibles.

Proposition n° 15 : Mettre en place la procédure d'approche « RNP AR » pour limiter les nuisances sonores autour de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer une meilleure sécurité des vols.

TABLEAU DE MISE EN OEUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Demander au concessionnaire un programme d'investissements urgents en faveur de l'aéroport de Nantes Atlantique

État, concessionnaire

 

Relations contractuelles

2

Assurer sans attendre la conformité du traitement des eaux de ruissellement de l'aéroport, y compris s'agissant des eaux s'écoulant vers la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu

Concessionnaire

 

Système de traitement des eaux de ruissellement

3

Confirmer l'abandon du projet d'allongement de la piste dans le cahier des charges du prochain appel d'offres concernant la remise en concession de l'aéroport

État

 

Cahier des charges de la nouvelle concession

4

Assurer une meilleure transparence de la nouvelle procédure d'appel d'offres par :

- la conduite de réunions de concertation régulières avec les acteurs locaux ;

- la soumission pour avis du projet de cahier des charges aux collectivités territoriales directement concernées par le projet de modernisation de l'aéroport ;

- la publicité du cahier des charges

État

 

Bonnes pratiques

5

Encadrer strictement le recours à des cabinets privés dans la gestion du projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer la publicité des prestations demandées

État

 

Bonnes pratiques

6

Créer une communauté aéroportuaire afin de mieux associer les collectivités territoriales et les autres acteurs locaux à la gouvernance de l'aéroport de Nantes Atlantique et à la conduite des travaux de modernisation

Préfet et collectivités territoriales

 

Règlement

7

Assurer une intégration durable de l'aéroport dans son environnement

État, concessionnaire

 

Étude et cahier des charges de la nouvelle concession

8

Améliorer la connectivité ferroviaire de Nantes avec les aéroports parisiens et les autres aéroports du Grand Ouest et assurer une meilleure desserte en transports collectifs de l'aéroport de Nantes Atlantique

État, collectivités territoriales et concessionnaire

 

Loi de finances et budget des autorités organisatrices de la mobilité

9

Renforcer le couvre-feu à l'aéroport de Nantes Atlantique et en améliorer l'application par :

- la réécriture de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes Atlantique, afin de clarifier les conditions exonératoires pouvant être invoquées par les compagnies aériennes en cas d'atterrissage en dehors des horaires programmés ;

- le doublement du plafond des amendes de l'Acnusa en cas de non-respect du couvre-feu ;

- l'interdiction des atterrissages avant 7 heures du matin et des décollages après 21 heures

État

 

Loi de finances et règlement

10

Moduler les redevances aéroportuaires en fonction de l'horaire de mouvement (atterrissage et décollage) des aéronefs, en prévoyant un rehaussement des redevances pour les mouvements effectués avant 7 heures du matin et après 21 heures

Concessionnaire

 

Vecteur législatif et tarif des redevances aéroportuaires

11

Assurer rapidement le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisés à l'aéroport de Nantes Atlantique par :

- la modulation des redevances aéroportuaires selon la classe acoustique des aéronefs utilisés par les compagnies aériennes ;

- la renégociation de la directive européenne du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté

Union européenne, État, concessionnaire

 

Directive européenne, Vecteur législatif et

tarif des redevances aéroportuaires

12

Mettre en place un objectif tendanciel de baisse des émissions sonores à l'aéroport de Nantes Atlantique, qui serait mesuré grâce à un indicateur global mesuré pondéré (IGMP) similaire à celui utilisé à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle

État

 

Cahier des charges de la nouvelle concession

13

Renforcer les dispositifs d'atténuation des effets des nuisances sonores pour les riverains de Nantes Atlantique

État

 

Loi de finances et règlement

14

Élargir le droit au délaissement au bénéfice de l'ensemble des riverains de la zone B du plan d'exposition au bruit de Nantes Atlantique, sans remettre en cause l'accès à ce dispositif pour ceux qui y sont déjà éligibles

État

 

Vecteur législatif (Modification de l'article L. 6353-3 du code des transports)

15

Mettre en place la procédure d'approche « RNP AR » pour limiter les nuisances sonores autour de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer une meilleure sécurité des vols

État

 

Navigation aérienne

EXAMEN EN COMMISSION

Mise en place de la mission d'information
Mercredi 11 octobre 2023

M. Jean-François Longeot, président. - [...] En ce qui concerne les travaux de contrôle de notre commission, l'actualité et les priorités politiques ont conduit notre Bureau à décider la mise en place de deux missions d'information internes à notre commission.

Je vous propose ainsi d'acter la création d'une mission flash pour examiner la situation de l'aéroport de Nantes-Atlantique à la suite du revirement du Gouvernement, qui a récemment annulé l'appel d'offres visant à renouveler la concession et à moderniser l'infrastructure, alors même qu'il s'était engagé, après l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en 2018, à mener ce chantier avec diligence. Un rapporteur pourrait être désigné dès la semaine prochaine, afin de pouvoir lancer nos travaux au plus vite et de rendre nos conclusions avant la fin de l'année. [...]

Désignation d'un rapporteur
Mercredi 18 octobre 2023

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons acté la semaine dernière la création d'une mission flash visant à examiner la situation de l'aéroport de Nantes-Atlantique. Notre décision faisait suite au revirement du Gouvernement, qui a annulé l'appel d'offres pour le renouvellement de la concession et la modernisation de l'infrastructure, alors qu'il s'était engagé en 2018, à la suite de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à mener ce chantier à bien et avec diligence.

Nous devons à présent désigner un rapporteur pour cette mission, afin de lancer nos travaux au plus vite et de rendre nos conclusions avant la fin de l'année.

La commission désigne M. Didier Mandelli rapporteur de la mission flash sur la situation de l'aéroport de Nantes-Atlantique.

Examen du rapport d'information
Mercredi 20 décembre 2023

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mes chers collègues, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui les principales conclusions du travail que j'ai conduit en tant que rapporteur de la mission d'information « flash » relative à la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Cette mission a été lancée à la suite d'une énième volte-face sur ce dossier, à savoir la déclaration sans suite de l'appel d'offres sur la remise en concession de l'aéroport survenue le 29 septembre dernier, « faute de concurrence ». Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais cette décision du Gouvernement est lourde de conséquences pour le territoire nantais et ses habitants, qui sont encore marqués par le souvenir de Notre-Dame-des-Landes et attendaient beaucoup de cet appel d'offres.

Le ministre chargé des transports, Clément Beaune, semble avoir pris la mesure de la situation : il s'est rendu à Nantes à plusieurs reprises depuis le mois d'octobre et s'était engagé à relancer, d'ici à la fin d'année, la procédure d'appel d'offres.

Toutefois, face aux errances passées, on peut craindre que cette urgence ne se change en hâte et conduise in fine à un nouvel « atterrissage forcé ». Cela ne serait pas acceptable au regard de la situation alarmante de l'aéroport de Nantes Atlantique et des nuisances sonores que continuent de subir quotidiennement ses riverains.

Conscient de cet enjeu, ma responsabilité était la suivante : faire la lumière sur les raisons ayant conduit à l'échec du précédent appel d'offres et identifier une « méthode » pour sortir de l'impasse et répondre enfin aux besoins du territoire.

De multiples auditions et deux déplacements en région nantaise, à la rencontre des acteurs locaux, m'ont permis d'y voir plus clair dans les causes des difficultés rencontrées aujourd'hui à Nantes Atlantique. Je dis bien « plus clair », car les zones d'ombre demeurent en réalité nombreuses sur ce dossier sinueux  ; j'ai moi-même, en ma qualité de rapporteur, eu des difficultés à obtenir certaines informations de la part de l'administration - précisément de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) -, à commencer par la principale pièce du dossier, le cahier des charges du précédent appel d'offres, alors même que ce document stratégique était central pour la conduite de mes travaux. Ma persévérance a été récompensée, mais cette expérience m'a permis de comprendre le sentiment d'opacité exprimé par de nombreux acteurs locaux sur la gestion du dossier.

Je vous propose d'entrer dans le vif du sujet. Je vous exposerai, dans un premier temps, les principaux constats de mon rapport d'information et, dans un second temps, les propositions que je souhaite adresser au Gouvernement pour tirer les leçons du passé et repartir de l'avant, dans l'intérêt du territoire.

Avant toute chose, évoquons le contexte de mes travaux. Je ne reviendrai pas dans le détail sur le fait générateur de la situation actuelle : l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes en 2018.

Cet évènement a toutefois son importance. La décision du Gouvernement de l'époque de passer outre les résultats de la consultation locale de 2016 a effectivement été un choc pour nombre d'élus locaux et habitants de l'agglomération nantaise. Beaucoup espéraient un transfert de Nantes Atlantique vers une autre plateforme plus capacitaire et éloignée des zones urbaines. Ce revirement a pu alimenter chez certains - ils sont nombreux - un sentiment de défiance vis-à-vis de l'État et de la crédibilité de la parole publique.

Il faut le noter, le Gouvernement d'alors a rapidement pris conscience de cette cassure. Il a formulé de nombreuses promesses en faveur de la modernisation de l'aéroport de Nantes et, plus largement, du développement et de l'attractivité de la région Pays de la Loire.

Ces promesses ont été traduites, en janvier 2019, par la signature d'un contrat d'avenir pour les Pays de la Loire entre la présidente de la région, Christelle Morançais, et le Premier ministre de l'époque, Édouard Philippe. Ce document comportait 37 engagements de l'État, qui, en majorité, concernaient le domaine des transports. L'amélioration de la desserte en transports collectifs de l'aéroport et la modernisation de la liaison ferroviaire entre Nantes et Paris, à travers l'installation du système de signalisation ERTMS 2, y figuraient comme des priorités.

Mais le premier engagement de l'État était, bien entendu, d'assurer la modernisation rapide de l'infrastructure aéroportuaire existante, déjà confrontée à des difficultés structurelles liées à sa saturation. Dans la continuité de cette promesse, une concertation publique autour du projet de réaménagement de l'aéroport a été organisée du 27 mai au 31 juillet 2019. Jean-Baptiste Djebbari, alors secrétaire d'État chargé des transports, a annoncé à la suite de cette concertation 31 mesures en faveur de l'aéroport et de la protection des riverains.

Quatre ans après, quel bilan tirer de ces nombreuses promesses ? Malheureusement, celui, d'abord, d'une déception renouvelée des acteurs locaux, face à des engagements insuffisamment honorés. Vous l'aurez compris, la modernisation de l'aéroport est repoussée aux calendes grecques du fait de l'abandon de l'appel d'offres, qui doit désormais repartir de zéro. Quatre ans ont été perdus ! En outre, les améliorations attendues s'agissant de la qualité de la desserte en transports collectifs de la région et de l'aéroport de Nantes ne se sont toujours pas concrétisées.

Cependant, il me semble que la plus grande déception des acteurs réside, non pas tant dans les résultats insuffisants de l'action gouvernementale, que dans la persistance de certains travers s'agissant de la méthode employée. Les élus locaux et riverains que j'ai rencontrés font le même constat : l'administration n'a pas fait preuve de la transparence et de l'esprit de dialogue requis sur un dossier lesté d'un historique aussi complexe. Ils estiment, pour employer leurs mots, que les « sachants » de l'administration centrale n'ont pas suffisamment su prendre en considération le point de vue des « empiriques » du territoire.

« État dans l'État », « opacité », « manque de communication », les expressions utilisées durant les auditions que j'ai menées pour qualifier l'attitude de l'administration chargée de ce dossier, la DGAC, sont nombreuses. Elles pointent toutes vers un même sentiment : l'État n'a pas su nouer les liens de confiance nécessaires avec les acteurs locaux dans la gestion de ce dossier.

Un sujet, certes un peu technique, permet d'illustrer mon propos. Il a un temps été envisagé d'allonger de 400 mètres la piste de l'aéroport afin de diminuer les nuisances sonores. Tous les candidats au renouvellement de l'appel d'offres ont été très clairs : dans le contexte conflictuel que l'on connaît à Nantes, et compte tenu des besoins fonciers impliqués par cette option, ils étaient réticents à s'engager sur un tel projet, de nature à faire naître de nombreuses oppositions pour des gains très limités en termes de réduction des nuisances sonores. Un consensus semblait donc se dégager sur ce sujet. Pourtant, le Gouvernement, pour des raisons que je ne suis toujours pas parvenu à comprendre - pas plus que les acteurs locaux -, a décidé de maintenir l'allongement de la piste dans le cahier des charges de l'appel d'offres.

J'en viens à un sujet central : la protection des riverains vis-à-vis des nuisances sonores liées à l'aéroport de Nantes. Celui-ci présente la particularité d'être implanté en zone périurbaine si bien qu'environ 126 000 personnes sont touchées par le bruit émis par l'activité de la plateforme. Je me suis d'ailleurs rendu au domicile d'un riverain dans la commune de Rezé, qui borde l'aéroport, je peux vous confirmer que les nuisances sonores aériennes ne sont pas une vue de l'esprit !

En réponse à cette situation sanitaire alarmante, le Gouvernement a mis en place un couvre-feu qui s'applique, depuis avril 2022, aux mouvements - décollages et atterrissages - effectués entre minuit et six heures du matin.

Cependant, l'arrêté est mal appliqué. La majorité des dossiers d'infractions sur lesquels se prononce l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), à l'échelle nationale et toutes règles confondues, concerne d'ailleurs la violation du couvre-feu de Nantes Atlantique. Les infractions à la réglementation sur les nuisances sonores sont trente fois plus fréquentes à Nantes qu'à Orly. Plusieurs causes peuvent être identifiées : outre le caractère insuffisamment dissuasif des amendes de l'Acnusa, l'arrêté imposant le couvre-feu semble comporter un flou juridique, s'agissant des clauses pouvant exonérer les compagnies du respect du dispositif en cas de « raisons indépendantes » de leur volonté.

Je prends acte de la promesse du ministre Clément Beaune de clarifier prochainement la rédaction de l'arrêté. Je me félicite par ailleurs que le Sénat ait voté, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le doublement du plafond des amendes infligées par l'Acnusa. Cet apport a été confirmé par les députés lors de l'examen, en nouvelle lecture, de ce texte à l'Assemblée nationale en début de semaine.

En outre, afin d'atténuer l'impact des nuisances sonores sur le quotidien des riverains, des aides à l'insonorisation sont prévues ; elles ont même été renforcées à Nantes Atlantique grâce à un dispositif exceptionnel. Leur plafond, fixé en 2011, demeure cependant insuffisant, et même obsolète compte tenu du renchérissement du coût des travaux. Il y a donc urgence à réformer ces dispositifs. Le ministre s'est engagé à le faire, mais, malheureusement, les annonces sont encore en deçà des besoins.

Je viens maintenant aux préconisations de mon rapport, qui suivent trois axes.

Le premier axe invite à agir au plus vite pour la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique, en étant à l'écoute des acteurs locaux.

Plusieurs propositions sont ici à mettre en avant.

Premièrement, avant même le renouvellement de la concession, des travaux urgents doivent être menés par le concessionnaire actuel de l'aéroport. J'ai pu le constater sur place, la plateforme est dans un état de vétusté réel, qui se traduit par une mauvaise qualité de service pour les voyageurs et les compagnies aériennes et, potentiellement, par des risques pour la sécurité des vols.

Ces travaux doivent être réalisés, ne serait-ce que pour améliorer les conditions d'accueil des passagers. C'est le sens de la première recommandation de mon rapport.

Deuxièmement, il me semble indispensable de lancer au plus vite la nouvelle procédure d'appel d'offres, en tirant, bien évidemment, les leçons du passé.

Selon les annonces du Gouvernement, l'appel d'offres doit être relancé avant la fin du mois. Si je me réjouis de ce volontarisme, un élément m'inquiète : l'administration a lancé à l'automne plusieurs appels d'offres d'accords-cadres à destination de cabinets privés pour l'accompagner sur ce dossier, pour un montant maximal de 12 millions d'euros. Je regrette que cette information, dont j'ai eu vent par la presse, ne m'ait pas été transmise par les services centraux lorsque je les ai entendus.

Quoi qu'il en soit, ce recours extensif aux cabinets privés me semble la réactivation d'un mauvais « réflexe pavlovien » : comme l'avait fustigé le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2022, l'État a pris l'habitude, sur les dossiers sensibles, de solliciter de l'aide à l'extérieur des administrations auprès de cabinets privés, plutôt que de s'appuyer sur des compétences en interne. Cette pratique, sauf à juger que les compétences recherchées n'existent plus, est choquante. En outre, le recours accru aux cabinets privés ne favorise pas la confiance des administrés. Je vous soumettrai donc une recommandation visant à limiter au strict nécessaire le recours à ces cabinets sur le dossier de la modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique et à assurer la transparence de ces prestations dans un souci d'exemplarité.

Dans le prolongement de cette idée, un changement de méthode de la part du Gouvernement me semble indispensable, au profit de davantage de concertation. Clément Beaune semble aller dans cette direction, ce dont je me réjouis.

J'irai plus loin en disant qu'une véritable « co-construction » avec les acteurs du territoire m'apparaît nécessaire. Je vous proposerai de suivre cet objectif à travers trois recommandations : conduire des réunions de concertation régulières tout au long de la procédure d'appel d'offres, soumettre le projet de cahier des charges pour consultation aux élus locaux et, bien sûr, assurer la publicité de ce document.

C'est d'ailleurs le voeu formulé par les maires des communes de la métropole de Nantes, qui appellent à une nouvelle approche selon trois mots d'ordre : « transparence, clarté, confiance ».

Ce travail de concertation avec le territoire nantais doit se poursuivre pendant la période d'exploitation de l'aéroport. À cet égard, une communauté aéroportuaire pourrait utilement être créée à Nantes pour associer tous les acteurs locaux à sa gouvernance. Je vous soumettrai une proposition en ce sens.

Le deuxième axe de propositions invite à mieux maîtriser l'impact environnemental de l'activité de l'aéroport de Nantes.

Le prochain cahier des charges se devra d'être exemplaire d'un point de vue environnemental. L'aéroport est situé à proximité immédiate du lac de Grand-Lieu, plus grand lac de plaine d'Europe, au sein duquel a été créée une réserve naturelle nationale. Je me suis rendu sur place et je peux vous confirmer le caractère exceptionnel de ce patrimoine naturel, dont il importe d'assurer la protection. Je vous soumettrai plusieurs propositions allant dans ce sens.

Enfin, le troisième axe de propositions invite à faire de la santé des populations riveraines une priorité.

Plusieurs mesures concrètes pourraient être prises.

Tout d'abord, je vous propose de prévoir un renforcement pragmatique du couvre-feu : sans en étendre l'amplitude horaire, je propose d'interdire les atterrissages avant sept heures du matin et les décollages après vingt-et-une heures, afin de réduire au maximum l'impact du bruit sur la santé des populations. Une telle proposition me semble équilibrée, car elle permettrait d'abaisser les nuisances sonores sans porter atteinte aux conditions d'exercice des compagnies aériennes basées à Nantes.

Le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisées à Nantes Atlantique doit aussi être encouragé.

À ce jour, le droit européen empêche de réserver l'usage d'une plateforme aux aéronefs les plus vertueux. La directive en vigueur, qui n'a pas été mise à jour depuis 2008, permet seulement l'interdiction de l'usage d'aéronefs qui ne sont, dans les faits, plus utilisés à Nantes de nos jours. Certains aéroports urbains énumérés en annexe de la directive peuvent certes interdire de plus larges catégories d'aéronefs bruyants, mais Nantes Atlantique n'a pas été inclus dans cette liste.

En attendant une révision de cette directive, que j'appelle de mes voeux, je vous propose un recours plus large aux redevances aéroportuaires pour inciter les compagnies aériennes à utiliser des avions de dernière génération à Nantes Atlantique. Une modulation de ces redevances, avec un malus en défaveur des avions les plus bruyants et un bonus en faveur des plus performants acoustiquement, pourrait être mise en place. Ce barème aurait vocation à être rendu progressivement plus exigeant afin d'inciter les compagnies aériennes à s'engager dans une trajectoire de renouvellement des flottes d'aéronefs.

Le groupe Air France a d'ailleurs déployé une stratégie ambitieuse en ce sens à Nantes Atlantique ; il serait essentiel que les autres compagnies lui emboîtent le pas.

Enfin, je vous soumettrai plusieurs propositions pour renforcer les aides destinées aux riverains. Nombreux sont ceux qui renoncent aujourd'hui à effectuer des travaux d'insonorisation en raison d'un reste à charge trop élevé. Je vous proposerai, notamment, de rehausser le plafond de ces aides afin d'éviter ce phénomène d'éviction.

Ensuite, je vous proposerai d'élargir le droit de délaissement créé à la suite de l'abandon de Notre-Dame-des-Landes pour permettre à certains riverains particulièrement touchés par les nuisances sonores de revendre leur logement à l'État. Pour l'instant, cette possibilité n'est ouverte qu'à ceux qui ont acheté leur logement entre décembre 2010, date d'approbation du contrat de concession de Notre-Dame-des-Landes, et janvier 2018, date de l'abandon du projet. Une ouverture de ce droit aux habitants ayant acheté leur logement avant 2010 me semble souhaitable. Le coût de cet élargissement serait raisonnable, puisqu'une quarantaine de logements supplémentaires seulement serait concernée.

Pour terminer, à l'heure où je vous parle, les avions qui atterrissent à Nantes Atlantique utilisent une procédure de navigation dérogatoire, afin d'éviter de survoler directement le centre-ville de Nantes. Or, cette procédure pose de réels problèmes de sécurité et n'est pas tenable à long terme. Le Gouvernement envisage de mettre en place un système d'aide à l'atterrissage dans le cadre d'une double approche, qui consisterait à survoler le centre de Nantes par mauvais temps, de manière plus sûre, et à le contourner comme c'est la pratique actuelle par beau temps. Cette solution conduirait toutefois à exposer des dizaines de milliers de personnes supplémentaires aux nuisances sonores des aéronefs. Le Gouvernement a donc déclaré un moratoire sur cette option jusqu'en 2027, afin de conduire une étude d'impact préalable.

En 2027, le survol de Nantes sera donc inévitable, sauf si l'administration déploie une solution technologique permettant des trajectoires d'atterrissage courbes et sûres, indépendamment des conditions météorologiques : il s'agit de l'approche satellitaire dite « RNP AR », déjà utilisée dans certains aéroports, comme à Ajaccio. La mise en place de cette procédure nécessitera un temps d'adaptation et des investissements des compagnies aériennes. Je vous soumettrai une proposition tendant à mettre en place cette procédure « RNP AR » de manière obligatoire à compter de 2027 à Nantes Atlantique ; entre temps, son usage sera bien entendu à encourager.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, les difficultés qui se posent actuellement à Nantes Atlantique ne datent pas d'hier : elles prennent leur source dans une succession de décisions, parfois hasardeuses, qui n'ont permis d'apporter que des solutions partielles et souvent pas à la hauteur des problèmes rencontrés. Il est urgent d'agir. Les mesures que je vous propose se veulent à la fois pragmatiques et ambitieuses. Elles visent à fixer un cap clair au Gouvernement : prendre le dossier de la modernisation de Nantes Atlantique à bras le corps et assurer, par des mesures concrètes, une intégration durable de cet aéroport dans son environnement et dans son territoire.

Si vous l'adoptez, je transmettrai un exemplaire du rapport d'information au ministre chargé des transports en guise de cadeau de Noël. Il m'a déjà offert le mien : l'avis de concession a été publié en fin de semaine dernière.

Je vous remercie de votre attention ; ce sujet est important pour le Grand Ouest et pour la France entière.

M. Stéphane Demilly. - Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, par une décision unilatérale de l'État survenue voilà près de six ans, le projet de modernisation de l'aéroport de Nantes Atlantique s'est substitué au projet de construction de Notre-Dame-des-Landes. À ce jour, les travaux n'ont pas débuté, la situation est à l'arrêt, alors que cette modernisation est absolument essentielle, notamment au regard des nuisances sonores subies par les riverains.

Ce soir, nous examinerons en séance publique un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, dont l'article 20 vise à déroger au principe de modération tarifaire lors du changement d'exploitation d'un aéroport concédé. Or, ce principe constitue une des seules barrières existantes dans le contexte monopolistique aéroportuaire.

Dans le cas précis de l'aéroport de Nantes, les compagnies aériennes ont déjà payé et continuent de le faire pour une modernisation qui n'a jamais été mise en oeuvre. Elles financent le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes depuis 2011, malgré son abandon en 2018. Le contrat de concession prévoit en plus des évolutions tarifaires annuelles réglementées des redevances, une majoration systématique de 2 % de leur montant. Ces augmentations que les compagnies ont subies année après année ont permis de constituer un fonds de réserve, évalué selon certains professionnels à 121 millions d'euros à la fin de 2017. Confirmez-vous le montant de cette cagnotte, Monsieur le rapporteur ? Celle-ci permettra-t-elle enfin le financement d'une remise à niveau et d'un développement des infrastructures aéroportuaires nantaises ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'application de l'article 20 précédemment mentionné sera encadrée par l'Autorité de régulation des transports (ART) ; c'est à mon sens une garantie suffisante pour éviter tout excès.

Par ailleurs, il existe effectivement un fonds d'un montant légèrement supérieur à 100 millions d'euros versés par les compagnies aériennes en vue de préfinancer le projet de Notre-Dame-des-Landes. Ces sommes pourraient permettre de prendre en charge les travaux urgents évoqués dans le cadre de mon premier axe de recommandations. J'ajoute que le concessionnaire est aujourd'hui en conflit juridique avec l'État, à la fois pour l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes - pour lequel il réclame 1,5 milliard d'euros - et au sujet de l'utilisation de ce fonds.

M. Ronan Dantec. - Je salue la grande qualité du rapport de Didier Mandelli, qui comporte de nombreuses propositions très pertinentes. Nous le voterons.

Je tiens à souligner plusieurs points remarquables.

D'abord, nous avons un problème national avec la DGAC. Pour reprendre l'expression utilisée, cette structure se comporte comme un « État dans l'État », refusant de donner ses informations aux élus locaux et aux parlementaires. Au demeurant, je le dis sans changer ma position de fond sur ce dossier, elle a de toute évidence une responsabilité dans l'échec du projet de Notre-Dame-des-Landes, qu'elle a largement contribué à fragiliser. Quatre ans après ce scandale, absolument rien ne semble avoir changé ! Nous devons donc, en tant que parlementaires, mettre l'État devant sa responsabilité, qui est de casser cet « État dans l'État », et je remercie Didier Mandelli pour la clarté de ses constats sur ce sujet.

Ensuite, je rejoins pratiquement toutes les propositions en matière de lutte contre les nuisances. Je soutiens en particulier la mesure très ambitieuse concernant les vols de nuit et les décollages matinaux, qui posent des problèmes particulièrement aigus. Malgré la diminution du nombre de vols depuis 2019, certes déconnectée de la hausse du nombre de passagers, c'est bien l'acceptabilité de l'aéroport qui suscite les plus grandes difficultés : il faut donc réduire les vols de nuit et réagir fermement au fait que les compagnies à bas coûts se permettent à Nantes des pratiques qu'elles ne se permettent pas ailleurs.

S'agissant du dialogue avec les élus locaux, la création d'une communauté aéroportuaire serait tout à fait positive. Un aéroport aussi inséré dans le tissu urbain et soumis à autant de contraintes ne peut être qu'un aéroport partagé ! Il ne peut pas être géré sans le territoire et les collectivités territoriales.

Enfin, les nouveaux systèmes d'atterrissage et d'approche devront être mis en place en 2027. Il ne faut pas attendre cette échéance pour engager les investissements.

Pour aller plus loin, je soulignerai le caractère central de la contrainte urbanistique dans ce dossier. Si le déplacement de l'aéroport a été envisagé à un moment donné, c'est pour ne pas bloquer le développement économique de la métropole de Nantes, et notamment de l'île de Nantes, du fait de l'application d'un plan d'exposition au bruit (PEB). Il faut aller au bout de cette logique, en ajoutant dans l'appel d'offres un PEB à respecter : du fait de la saturation de l'aéroport, cela amènera à faire le choix de liaisons aériennes pertinentes pour le territoire. À cet égard, se pose aussi la question du dialogue avec les autres plateformes aéroportuaires de l'Ouest, notamment l'aéroport de Brest. C'est à cette échelle que doit être envisagée la gestion de l'offre aéroportuaire car il y aura, à un moment ou à un autre, un problème de saturation. Cela serait un moyen de renforcer la coopération entre les territoires.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'échéance du plan d'exposition au bruit est fixée à 2025 ; il sera donc possible, dans le cadre du nouvel appel d'offres, de retravailler sur ce plan.

Je veux souligner un point sur la question des nuisances sonores. On peut relever certains plafonds d'aide à l'insonorisation, mais n'oublions pas que les travaux d'isolation phonique ont une utilité pour les intérieurs, toutes fenêtres et portes fermées, mais absolument pas pour les extérieurs !

S'agissant de la DGAC, je peux expliquer en toute transparence les difficultés rencontrées pour récupérer certains documents. Les services de l'État ont refusé de nous transmettre le contenu de l'appel d'offres qui avait été abandonné. Le jour où nous examinions en séance les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », alors que l'administration m'avait à nouveau fait part de son refus, j'ai eu un échange avec Clément Beaune, présent dans l'hémicycle, lui expliquant que j'envisageais de demander au président du Sénat de confier à la commission les prérogatives d'une commission d'enquête. Le soir même, j'avais confirmation de sa part que nous aurions l'ensemble des documents, et nous les avons effectivement reçus dès le lendemain midi. Je salue donc la volonté de transparence du ministre, mais le blocage était tel qu'il a fallu recourir à ces moyens de pression pour avoir les documents.

Cela en dit long sur la situation vécue par les élus locaux et les riverains depuis de nombreuses années. Songez que l'appel d'offres abandonné, lancé en 2019, devait permettre de choisir rapidement un concessionnaire et d'engager sans délai les travaux ; nous sommes déjà quatre ans après et, compte tenu de l'ensemble des processus administratifs, les premiers travaux sont difficilement envisageables avant 2027. Comment les élus locaux peuvent-ils avoir confiance en l'État dans ces conditions ? Le ministre actuel a pris le dossier à bras le corps. Cependant, un an avant l'annulation de l'appel d'offres, on savait au sein de la DGAC qu'il allait probablement être abandonné. Il y a eu un an de perdu pendant lequel le candidat a répondu à plus de six cent questions, ce qui a mobilisé du temps et des ressources, de son côté et de celui de l'administration.

Ce dossier souffre donc de beaucoup d'atermoiements et d'un manque de transparence. Le travail que nous avons mené apporte quelques éclaircissements, même si des zones d'ombre demeurent, comme, par exemple, sur la question de l'allongement de la piste.

M. Hervé Gillé. - Merci au rapporteur pour cet exposé. Certes, nous avons manqué de temps pour analyser en profondeur toutes les propositions, mais celles-ci semblent aller dans le bon sens. On pourrait d'ailleurs mettre en perspective certaines d'entre elles : il existe d'autres aéroports enclavés en milieu urbain, comme celui de Bordeaux Mérignac, par exemple, qui est confronté à des problématiques similaires. Il pourrait être intéressant de partager un certain nombre de méthodes et de principes d'accompagnement pour l'ensemble de ces aéroports enclavés. Il serait possible de poursuivre cette réflexion concernant l'aéroport de Nantes Atlantique à l'échelle nationale. Les problèmes posés par le manque d'information des parties prenantes sont préoccupants.

Une fois encore, nous soulignons l'intérêt du travail réalisé et voterons le rapport.

M. Jean-François Longeot, président. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour le travail qu'il a réalisé, dans un délai relativement court, sur ce dossier complexe.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Nantes : Lundi 13 novembre 2023

Visite des infrastructures de l'aéroport de Nantes Atlantique en présence de M. Xavier LORTAT-JACOB, président d'Aéroports du Grand Ouest (AGO) et directeur général des Aéroports de Nantes Atlantique et Saint-Nazaire Montoir.

Rencontre avec des riverains de l'aéroport de Nantes Atlantique, en présence de M. Paolo FERREIRA, président du collectif des citoyens exposés au trafic aérien (Coceta) et de membres du conseil d'administration de l'association.

Rencontre avec Mme Christelle MORANÇAIS, présidente de la Région Pays de la Loire.

Table ronde avec des acteurs économiques :

- M. Yann TRICHARD, président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) Nantes-Saint-Nazaire ;

- M. Olivier ROCABOY, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes-Saint-Nazaire ;

- M. Marc BOUCHERY, délégué général du CESER Pays de la Loire ;

- Mme Corinne BESNARD, présidente du Medef Loire-Atlantique ;

- M. Jean-Luc CADIO, président d'honneur de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) Loire-Atlantique.

Rencontre avec M. Michel MÉNARD, président du département de Loire-Atlantique.

Rencontre avec Mme Johanna ROLLAND, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole.

Rencontre avec M. Fabrice RIGOULET-ROZE, préfet de la région Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique

Rencontre avec les maires des communes voisines de l'aéroport de Nantes Atlantique :

- M. Jean-Claude LEMASSON, maire de Saint-Aignan-Grandlieu ;

- Mme Sandra IMPÉRIALE, maire de Bouguenais ;

- Mme Agnès BOURGEAIS, maire de Rezé.

Saint-Philbert-de-Grand-Lieu : Vendredi 8 décembre 2023

Rencontre avec M. Stéphan BEAUGÉ, maire de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.

Rencontre avec M. Jean-Marc GILLIER, directeur de la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu, et visite de la réserve.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 8 novembre 2023

- Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires : M. Gilles LEBLANC, président, Mmes Florence DUENAS, rapporteure permanente et responsable du pôle juridique et Catherine RIVOALLON PUSTOC'H, membre du collège.

Mercredi 15 novembre 2023

- Volotea : M. Gilles GOSSELIN, responsable France.

Mardi 21 novembre 2023

- Ministère de la transition écologique - Direction générale de l'aviation civile (DGAC) : MM. Damien CAZÉ, directeur général de l'aviation civile, Jean GOUADAIN, directeur de cabinet du directeur général et François THÉOLEYRE, adjoint au directeur du transport aérien.

- Ministère de la transition écologique : M. Yoann LA CORTE, ancien chef de la mission de réaménagement de l'aéroport Nantes Atlantique et Mme Mathilde GOUGEON, cheffe de projet ingénierie à la DGAC.

Air France et Transavia :

• Air France : Mme Cynthia DEPREZ, responsable achats et redevances, MM. Patrick BATAILLE, chef d'escale à l'aéroport de Nantes Atlantique et Aurélien GOMEZ, directeur des affaires publiques.

• Transavia : MM. Alexandre BLONDEL, directeur du programme et Régis DANCRE, directeur des opérations sol et sûreté.

Ministère de la transition écologique -- Mission de réaménagement de l'aéroport Nantes Atlantique : M. Nils RAYNAUD, chef de la mission de réaménagement de l'aéroport Nantes Atlantique et Mme Sabine LASSERRE, adjointe.

Mercredi 22 novembre 2023

- EasyJet : M. Reginald OTTEN, responsable France et Maroc

Jeudi 23 novembre 2023

- Vinci Concessions : M. Nicolas NOTEBAERT, directeur général de Vinci Concessions et président de Vinci Airports et Mme Sabine GRANGER, directrice des aéroports régionaux.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Association contre le survol de l'agglomération nantaise (ACSAN)

- Autorité de régulation des transports (ART)

- Fédération Nationale de l'Aviation et de ses Métiers (FNAM)

- Nantes Métropole

- SNCF Réseau


* 1 Ces modulations seront facilitées par le dispositif prévu à l'article 20 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, en cours d'examen, qui permet une dérogation au principe de modération tarifaire au cours de la première année d'une concession aéroportuaire.

* 2 L'aéroport de Nantes a été rebaptisé « aéroport de Nantes Atlantique » en 1988.

* 3 Cet article prévoit que l'État peut consulter les électeurs d'une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d'infrastructure ou d'équipement susceptible d'avoir une incidence sur l'environnement dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d'une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d'utilité publique.

* 4  Décret n° 2016-503 du 23 avril 2016 relatif à la consultation des électeurs des communes de la Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes.

* 5 Anses, 2020, Synthèse des connaissances scientifiques concernant les effets sur la santé liés à l'exposition au bruit issu du trafic aérien.

* 6 Idem.

* 7 OMS, Lignes directrices relatives au bruit dans l'environnement dans la région européenne, résumé d'orientation, p. 6.

* 8 Ademe, Le coût social du bruit en France, octobre 2021.

* 9 La procédure de remise de gaz consiste en l'interruption de l'atterrissage d'un avion en approche finale, qui doit alors repartir pour un nouveau tour de piste ou effectuer un déroutement.

* 10 https://www.loire-atlantique.gouv.fr/contenu/telechargement/4966/31728/file/5.pieceF_290906_partie1.pdf

* 11  Décret n° 80-716 du 10 septembre 1980 portant création de la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique).

* 12 Directive n° 2000/60/CE du 23/10/00 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

* 13 De nouveaux prélèvements effectués en 2022 ont détecté la présence de polluants, sans toutefois que cela implique, cette fois-ci, un déclassement au regard de la directive-cadre sur l'eau.

* 14 Article L. 6353-3 du code des transports.

* 15  Décret n° 2021-470 du 19 avril 2021 pris pour l'application à l'aérodrome de Nantes-Atlantique des dispositions de l'article L. 6353-3 du code des transports

* 16 Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.

* 17 Décret du 9 février 2008 déclarant d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation du projet d'aéroport pour le Grand Ouest - Notre-Dame-des-Landes et de sa desserte routière et emportant approbation des nouvelles dispositions des plans locaux d'urbanisme des communes de Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines, Notre-Dame-des-Landes, Treillières, Vigneux-de-Bretagne dans le département de la Loire-Atlantique.

* 18  Dossier de presse « Moderniser et réaménagement l'aéroport de Nantes Atlantique en association avec le territoire », novembre 2023.

* 19  Rapport n° 578 (2021-2022) fait au nom de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques sur « Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques » et Essentiel.

* 20  Articles L. 6363-1 à L. 6363-7 du code des transports.

* 21 https://www.acnusa.fr/projet-darrete-relatif-lutilisation-des-moteurs-auxiliaires-de-puissance-des-aeronefs-lors-de-570

* 22 Ministère de la transition écologique et solidaire, Mission de médiation sur le projet d'aéroport du Grand Ouest, Jean-Philippe Siblet, Expertise sur l'existence d'impacts significatifs dommageables pour l'avifaune du lac de Grand-Lieu lié à l'éventualité de l'augmentation du trafic de l'aéroport de Nantes Atlantique

https://www.calameo.com/read/000879241029bf45d5c35

* 23 Article 16 septies A du PLF pour 2024.

* 24 Directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté.

* 25 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, L'environnement sonore sur la plateforme de Paris-CDG ( https://www.ecologie.gouv.fr/lenvironnement-sonore-sur-plateforme-paris-cdg)

* 26  Dossier de presse « Moderniser et réaménager l'aéroport de Nantes Atlantique en association avec le territoire ».

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