B. POUR NE PAS FRAGILISER NOTRE TISSU ÉCONOMIQUE NI REPRODUIRE LES ERREURS DE L'ANNÉE DERNIÈRE, IL EST URGENT DE DONNER DE LA VISIBILITÉ AUX PROFESSIONNELS SUR LES MESURES DONT ILS POURRONT BÉNÉFICIER EN 2024
1. Selon la maturité de leur contrat et le moment où elles l'ont signé, certaines entreprises resteront fortement affectées en 2024 et en 2025
L'acmé de la crise des prix de l'électricité, au sortir de l'été 2022, est très mal tombée puisque cette période correspondait à un moment où les renouvellements de contrats de fournitures des professionnels étaient particulièrement nombreux. Du fait des niveaux de prix incroyablement élevés ainsi que du manque de liquidité du marché (les deux allants de pair), les fournisseurs ont décidé de réduire la maturité de leurs offres qui, habituellement, s'étendent le plus souvent sur des durées de trois ans. Il semble qu'en moyenne, la maturité des contrats renouvelés à cette période a diminué d'une année. Au cours du second semestre 2022, des fournisseurs, au moins pour certains segments de clientèles, ne proposaient que des contrats de 12 mois.
Cependant, durant cette période des contrats pluriannuels de deux voire même trois ans ont également été conclus. Les pratiques sont très différentes d'un fournisseur à l'autre et relèvent du secret des affaires mais sur les portefeuilles professionnels, la part des contrats signés en 2022 exposés en 2024 pourrait semble-t-il atteindre jusqu'à 20 % et celle des contrats exposés en 2025, jusqu'à 10 %. En l'absence de mesures de soutien en 2024 et en 2025, les entités concernées, exposées à des prix de l'électricité extrêmement élevés, verraient leur équilibre financier sérieusement menacé.
En cette période d'intense volatilité des prix, le renouvellement des contrats de fourniture d'électricité a relevé d'un phénomène de « loterie » pour les entreprises. Certaines, qui ont eu la malchance de devoir renouveler leur contrat au pire moment et qui, faute notamment de messages clairs des pouvoirs publics, se sont engagées sur deux ou trois ans, voient leur compétitivité économique fortement affectée et souffrent ainsi de distorsions de concurrence au sein de leur secteur par rapport à d'autres entreprises qui avaient par exemple renouvelé leur contrat juste avant la crise, et jusqu'en 2024, à des prix nettement plus faibles.
La DGEC estime que si la situation est disparate selon les fournisseurs, la proportion de contrats signés au cours du second semestre 2022 encore actifs en 2024 « pourrait ne pas être négligeable ». Toutefois, si elle considère que cet effet est susceptible d'avoir davantage d'ampleur qu'une simple « queue de comète », elle ne dispose pas d'informations précises sur la part, le nombre et les catégories d'entités exposées.
2. Il est urgent de prévoir un prolongement des dispositifs d'amortisseurs en 2024
Compte-tenu de l'évolution prévisionnelle des prix de l'électricité ainsi que des contrats conclus en 2022 pour une période supérieure à un an il apparaît nécessaire de prévoir des mesures pour réduire la facture d'électricité des professionnels en 2024. Il est indispensable que la prolongation des dispositifs actuels soit annoncée au plus vite pour éviter tous les désagréments vécus ces derniers mois à l'occasion du lancement chaotique de mesures complexes élaborées beaucoup trop tardivement.
S'agissant de la prolongation des aides en faveur des PME, le Gouvernement doit rapidement convaincre ses partenaires européens de prévoir une prolongation au-delà du 31 décembre 202367(*), des aides exceptionnelles dont elles peuvent bénéficier en réponse à la crise des prix.
Recommandation : engager rapidement une négociation avec nos partenaires européens afin de prolonger au-delà de 2023 les aides exceptionnelles susceptibles d'être accordées aux PME pour faire face à la hausse des prix de l'énergie.
Tous les acteurs que le rapporteur spécial a pu entendre au cours de ses auditions l'ont alerté sur un besoin impératif de visibilité : les entreprises en premier lieu pour éclairer leurs perspectives économiques mais également les fournisseurs pour que la mise en oeuvre des dispositifs se fasse de façon plus fluide et plus sereine qu'au début de l'année 2023.
Si la prolongation des dispositifs d'amortisseur et de sur-amortisseur n'a pas encore été définitivement arbitrée, la DGEC elle-aussi pousse pour qu'une telle prolongation soit rapidement entérinée afin de ne pas risquer de rejouer les mauvais scénarios de la fin de l'année 2022 et du début de l'année 2023. Faute de décision rapide et si l'exécutif refusait à nouveau de faire preuve d'anticipation, nous avons toutes les chances de revivre les mêmes « psychodrames » de l'hiver 2022-2023 et de devoir une fois encore improviser au dernier moment, « dos au mur », des dispositifs complexes qui entreront en vigueur de manière rétroactive dans de mauvaises conditions.
Malgré la complexité des dispositifs actuels d'amortisseur et de sur-amortisseur, le « coût d'entrée » a été tel (pour les fournisseurs, la CRE, les administrations, les bénéficiaires, etc.) pour les roder et leur permettre d'atteindre leur rythme de croisière qu'il serait dommage de ne pas capitaliser sur les efforts fournis. Aussi, les acteurs sont aujourd'hui unanimes pour recommander la stabilité et la reconduction des dispositifs actuels, le cas échéant en ajustant leurs paramètres et en les assortissant de mesures incitatives visant à encourager plus directement les économies d'énergie.
Recommandation : prolonger les dispositifs d'amortisseur et de sur-amortisseur en 2024 en les assortissant de paramètres incitatifs à la sobriété énergétique.
Sur ce dernier thème la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ainsi que le mouvement des entreprises de France (MEDEF) ont présenté au rapporteur spécial des initiatives en la matière, notamment à travers le développement d'espaces permettant l'échange de bonnes pratiques. Ce mouvement mérite d'être encouragé et doit aller de pair avec les dispositifs de soutien.
Recommandation : encourager le développement d'espace d'échanges de bonnes pratiques, aux niveaux local comme national, visant à réduire la consommation d'énergie des entreprises.
Enfin, il apparaît d'ores et déjà qu'en 2025, à minima pour les entreprises qui ont conclu en 2022 un contrat de fourniture sur une durée de trois ans, l'État ne pourra faire l'économie d'un dispositif d'aide ciblé.
Recommandation : en 2025, mettre en place un dispositif d'aide public ciblé pour accompagner les consommateurs professionnels qui se sont engagés au cours du second semestre 2022 sur des contrats de fourniture d'électricité d'une durée de trois ans.
* 67 Échéance prévue dans le règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.