III. EN RAISON DE L'ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DES PRIX, DES MESURES DE SOUTIEN AUX CONSOMMATEURS D'ÉLECTRICITÉ SERONT NÉCESSAIRES EN 2024
A. LA PROLONGATION DES MESURES EN FAVEUR DES PARTICULIERS S'IMPOSE AINSI QU'UNE RÉFORME DU DISPOSITIF DU CHÈQUE ÉNERGIE
1. En 2024, le bouclier tarifaire doit être calibré en fonction des anticipations de prix en 2025 et de façon à lisser l'évolution des TRVe pour les petits consommateurs dans une perspective de suppression du bouclier à cet horizon
En 2024, d'après ses dernières projections, la DGEC estime que les TRVe non gelés qui seront calculés par la CRE en janvier prochain, pourraient encore être supérieurs de 50 % au niveau des TRVe dont la hausse avait été plafonnée à 4 % en 202266(*). Au regard de telles prévisions, il ne parait pas raisonnable d'envisager la suppression brutale, dès 2024, du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité. Aussi, le Gouvernement a-t-il annoncé en avril dernier qu'il entendait proposer au Parlement une prolongation de ce dispositif en 2024.
Alors que le besoin de maintenir le dispositif en 2024 ne fait aucun doute en raison de l'évolution prévisionnelle des prix de l'électricité, le rapporteur spécial note que le Gouvernement admet et tient compte de ses erreurs passées en prenant cette décision de façon anticipée. Cependant, le rapporteur spécial regrette que les entreprises et leurs fournisseurs soient encore privés de toute visibilité pour ce qu'il adviendra d'ici six mois des aides aux professionnels non éligibles au bouclier (voir infra).
À horizon 2025, si la baisse des prix de l'électricité actuellement anticipée venait à se confirmer, le retrait du bouclier tarifaire semblerait pouvoir être envisagé (à condition que la minoration de l'accise sur l'électricité soit maintenue). Dans cette perspective, et pour éviter une évolution trop prononcée, dans un sens ou dans un autre, du niveau des TRVe effectifs entre 2024 et 2025, qui pourrait être mal comprise des consommateurs, il conviendrait de calibrer le bouclier 2024 de façon à pouvoir lisser au maximum son évolution sur cette période.
Recommandation : fixer le bouclier électricité 2024 à un niveau permettant de lisser l'évolution des TRVe pour les particuliers dans une perspective d'extinction du dispositif de soutien public en 2025 si les tendances de réduction des prix de l'électricité à cet horizon se confirment.
2. Au moins à court terme, et pour éviter une hausse significative des prix de l'électricité, il semble difficile de ne pas prolonger la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité
En 2022 comme en 2023, la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité (l'ancienne TICFE) à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne a constitué un levier déterminant pour réduire les factures d'électricité des ménages comme des professionnels. Sur la période 2022-2023, le coût pour l'État de cette mesure, en termes de diminution de recettes, aura atteint environ 18 milliards d'euros. En rythme de croisière, cette minoration a un coût de 10 milliards d'euros par an pour le budget de l'État.
À court terme cependant, malgré son coût et sauf à provoquer une hausse immédiate des factures d'électricité pour les ménages et les entreprises, il semble difficile d'envisager de ne pas prolonger ce dispositif.
3. Sortir de la logique des chèques exceptionnels au profit d'une réforme structurelle du chèque énergie
Contrairement aux boucliers tarifaires, le dispositif du chèque énergie permet d'apporter une aide ciblée en fonction des revenus. Ce levier a été utilisé à plusieurs reprises depuis le début de la crise des prix de l'énergie. Des chèques énergie exceptionnels ont été adoptés en toute fin de gestion en 2021 puis en 2022 dans le cadre de l'examen des PLFR de fin d'année pour un montant cumulé de 2,4 milliards d'euros. En parallèle, les premier et second PLFR de l'année 2022 ont instauré des chèques énergie spécialement destinés aux ménages qui se chauffent au fioul domestique et au bois.
Aussi utiles qu'aient pu être ces initiatives, il n'apparaît pas satisfaisant d'improviser en urgence, en fin d'exercice budgétaire, des dispositifs dont les enjeux financiers et sociaux sont tels. Par ailleurs, on observe que les chèques énergie exceptionnels, justement parce qu'ils ne sont que ponctuels, rencontrent moins leur public que le chèque énergie de droit commun. Leurs taux de non recours sont plus élevés. À ce stade, le taux d'usage du chèque exceptionnel 2021 s'établit à seulement 78,4 % tandis que les taux d'usage du chèque exceptionnel 2022 et des chèques fioul et bois demeurent aujourd'hui très faibles. Fin 2022, la consommation des crédits était de 868 millions d'euros pour le chèque exceptionnel 2022 et respectivement 52 millions d'euros et 50 millions d'euros pour les chèques fioul et bois.
Par ailleurs, il apparaît que le périmètre actuel du chèque énergie, réservé aux deux premiers déciles de revenus, soit 5,8 millions de ménages, exclut des travailleurs modestes et les classes moyennes inférieures. Ces phénomènes d'exclusion ont justifié la création du chèque exceptionnel 2022 étendu jusqu'au quatrième décile et à 12 millions de ménages mais également de boucliers tarifaires très protecteurs. Si l'on avait disposé d'un chèque énergie de droit commun au périmètre plus étendu, les autres mesures exceptionnelles de soutien auraient pu raisonnablement être calibrées à des niveaux inférieurs et le bilan en termes de dépenses publiques aurait peut-être été plus avantageux.
Pour sortir de cette logique de chèques exceptionnels trop peu lisible et pour mieux protéger les travailleurs modestes et les classes moyennes de la volatilité des prix de l'énergie, il apparaît nécessaire de conduire une réforme structurelle du chèque énergie pour en élargir le périmètre aux troisième et quatrième déciles.
Le rapporteur spécial note que la réforme du système d'échange de quotas d'émission européen (ETS2) va conduire à renchérir le prix du gaz, du fioul et du GPL à compter de 2026. Cette réforme permettrait d'anticiper cette échéance qui ne sera pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat des ménages concernés.
Recommandation : élargir l'éligibilité du chèque énergie aux troisième et quatrième déciles également pour qu'en cas de nouvelle crise, les dispositifs exceptionnels puissent être calibrés à des niveaux moins coûteux pour les finances publiques.
Au-delà de l'extension de son périmètre, la réforme structurelle du dispositif du chèque énergie doit aussi rendre effective son emploi pour les particuliers qui utilisent un mode de chauffage collectif. Car aujourd'hui, un ménage peut utiliser son chèque énergie pour payer ses factures de gaz, d'électricité ou de chaleur mais à condition qu'il dispose d'un contrat de fourniture à son nom, les seules exceptions étant le paiement de redevances pour l'occupation d'un foyer-logement conventionné au titre de l'allocation personnalisée au logement (APL) et, depuis 2020, le tarif hébergement dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées (EHPA), les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les établissements ou unités de soins de longue durée (ESLD, USLD) et les résidences autonomie.
Au regard notamment des missions d'intérêt général des organismes HLM, l'administration étudie actuellement la possibilité d'utiliser le chèque énergie pour le paiement des charges locatives des logements sociaux incluant des dépenses de chauffage. Cette évolution, qu'il conviendrait d'expérimenter au plus vite, devra nécessairement faire partie intégrante de la réforme structurelle du dispositif.
Toutefois, et même si les possibilités sont plus complexes, notamment en raison de difficultés opérationnelles et des risques de fraudes, ne serait-ce qu'en vertu de l'impératif d'égalité, les bailleurs privés et les copropriétés ne pourront rester durablement à l'écart du bénéfice du chèque énergie et une solution doit être trouvée pour leur permettre d'en bénéficier au même titre que les autres ménages.
Recommandation : expérimenter l'attribution du chèque énergie aux sociétés d'HLM et lancer une réflexion sur l'usage du chèque énergie dans les copropriétés.
* 66 Par l'application du dispositif de bouclier tarifaire.