C. ...DES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS CONSACRÉS À LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ
Le sujet des engagements financiers en faveur de la biodiversité a été, à juste titre, un axe fort des négociations , tant au niveau des moyens consacrés par chacun des États aux politiques de conservation de la biodiversité, de la réforme des subventions néfastes à la biodiversité que de la solidarité financière internationale. De très importants moyens financiers, budgétaires et humains sont en effet nécessaires à la fois pour la gestion des aires protégées, la restauration de la nature et le bon fonctionnement des écosystèmes, les plans d'actions pour protéger les espèces menacées, le renforcement de la protection judiciaire de l'environnement et des moyens de contrôle des atteintes à la biodiversité, le soutien aux transformations agricoles, la mise en oeuvre de nouvelles normes comptables, les plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, la solidarité internationale en faveur des pays en développement, etc.
Selon l'accord de Kunming à Montréal, « la mise en oeuvre intégrale du cadre mondiale exigera la fourniture de ressources financières adéquates, prévisibles et facilement accessibles de toutes les sources, en fonction des besoins. Elle exige en outre une coopération et une collaboration pour le renforcement des capacités et le transfert de technologies nécessaires pour permettre aux Parties, en particulier les pays en développement, de mettre pleinement en oeuvre le cadre. »
À l'échelle de la France, d'après un rapport de novembre 2022 27 ( * ) consacré au financement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030 , établi par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable, « les financements actuels sont limités au regard des objectifs poursuivis par la stratégie nationale pour la biodiversité pour 2030. Sur la base d'une hiérarchisation des mesures de la SNB, la mission a recensé un besoin de financement brut pour l'État et ses opérateurs de 619 M€ en 2023 et jusqu'à 890 M€ en 2027 (soit + 39 % par rapport au niveau de 2021) » . La tendance n'incite pas à l'optimisme malgré les efforts accomplis : les politiques de biodiversité mobilisent toujours des financements fragmentés, limités et manquant de cohérence .
Quel que soit le niveau d'ambition du nouveau cadre national pour la biodiversité, la couverture des actions de préservation de la biodiversité nécessitera des crédits nouveaux de l'État, déclinés au niveau national comme au niveau déconcentré, ainsi que des collectivités locales. Le rapporteur souligne également la mauvaise orientation des dépenses publiques en faveur de la biodiversité : « le niveau actuel comme les besoins nouveaux de financement en faveur de la biodiversité restent très inférieurs au montant des subventions dommageables. Malgré l'engagement de la France depuis 2010 de les réduire, la mission estime que les subventions dommageables à la biodiversité de l'État et de l'UE restent globalement stables et représentent un minimum de 10,2 Md€ en 2022, soit un montant 4,4 fois supérieur à celui de leurs dépenses favorables . »
À l'échelle mondiale, le constat n'est pas plus satisfaisant : selon l'OCDE dans son étude précitée 28 ( * ) , le financement de la biodiversité à l'échelle mondiale, toutes sources confondues, est estimé entre 78 et 91 milliards de dollars par an, soit un montant équivalant à quelque 0,1 % du PIB mondial . Cette somme doit être mise en regard avec le fait que les pouvoirs publics consacrent à peu près 500 milliards de dollars par an à des actions de soutien susceptibles de nuire à la biodiversité, soit cinq à six fois plus que la totalité des dépenses en sa faveur.
La commission plaide pour l' amélioration des efforts de budgétisation environnementale , comme elle l'a fait lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 29 ( * ) , afin de disposer de meilleurs référentiels pour analyser, évaluer et piloter les dépenses publiques qui portent atteinte à la biodiversité, sans omettre les subventions. L'impossibilité d'appréhender les effets d'une mesure sur la biodiversité conduit en effet à une sous-évaluation systématique des incidences des dépenses publiques et des subventions sur la biodiversité.
En tout état de cause, le niveau des moyens financiers et l'orientation de la fiscalité en faveur de la biodiversité seront déterminants pour l'atteinte des cibles du cadre mondial pour la biodiversité. Le rehaussement significatif des engagements publics, nationaux comme locaux, et la diminution drastique des dépenses néfastes sont concomitamment nécessaires afin que le cadre ne reste pas lettre morte et que les cibles puissent être atteintes.
Il s'agit pour la commission du principal levier pour guider les efforts en matière de biodiversité , en mettant fin à la schizophrénie des finances publiques et d'un système où coexistent des dépenses bénéfiques et des dépenses défavorables qui neutralisent les effets de ces premières.
* 27 https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF %20internet/2.RapportsPublics/2023/2022-M-025-03_Rapport_financement_SNB_pour_2030.pdf
* 28 https://www.oecd.org/fr/environnement/ressources/biodiversite/aper %C3 %A7u-g %C3 %A9n %C3 %A9ral-du-financement-de-la-biodiversit %C3 %A9- %C3 %A0-l %C3 %A9chelle-mondiale.pdf
* 29 Avis budgétaire pour 2023 de Guillaume Chevrollier : « Environnement, biodiversité et expertise en matière de développement durable » ; http://www.senat.fr/rap/a22-119-11/a22-119-11.html