B. DES DÉFIS À RELEVER
1. S'adapter à un engagement aujourd'hui plus flexible, plus court et réversible
Les modalités d'engagement ont évolué : il ressort des auditions menées par la mission d'information que l'on ne s'engage plus pour la vie. Le Haut conseil à la vie associative le soulignait en 2016 : selon certains responsables associatifs, « on serait arrivé à un " zapping " bénévole (...) ne permettant pas de prévoir des plans de développement à long terme » 233 ( * ) .
Ce constat concerne aussi les jeunes, d'après la sociologue Anne Muxel : « l'engagement a changé : il est plus flexible, plus court et à tout moment réversible. Les jeunes générations ne s'engagent plus pour des décennies » 234 ( * ) . France Bénévolat l'a également fait observer lors de son audition : « pendant très longtemps, l'engagement associatif s'incarnait dans de grandes structures, assez monolithiques. Depuis vingt ans, on s'engage surtout pour apporter ses compétences, dans une logique de plus court terme. L'engagement n'est plus "un jour, toujours" » 235 ( * ) .
Cette mutation serait particulièrement sensible chez les jeunes, qui s'engageraient en faveur d'une cause plutôt que dans une structure. Il s'agit d'un engagement concret - par exemple, leur engagement en faveur de l'environnement se traduit par des comportements de consommation ou par la participation au mouvement Fridays for future . Pour les générations plus âgées en revanche, l'engagement s'incarne davantage au sein d'une structure. Selon les représentants du Haut conseil à la vie associative, « les jeunes vont là où ils se sentent le plus utiles. Cet engagement, quoi qu'on en dise, est finalement très politique, et plus sur des changements systémiques que ponctuels » 236 ( * ) .
On observe en outre que les jeunes, parallèlement à leur goût pour l'engagement associatif, semblent parfois plus rétifs à un cadre d'action trop hiérarchique. Les associations doivent en tirer les conséquences et « ne doivent pas offrir un cadre d'action trop enfermant, trop directif ou trop hiérarchisé. Les jeunes veulent conserver une marge de manoeuvre » 237 ( * ) .
Le monde associatif est donc confronté à des attentes nouvelles de la part des bénévoles dont il doit tenir compte et auxquelles il doit s'adapter.
2. L'intergénérationnel
La crise sanitaire a été révélatrice de plusieurs tendances de fond qui traversent le secteur associatif et le bénévolat.
Il s'agit tout d'abord de la prédominance des plus âgés dans les réseaux associatifs. Les derniers chiffres-clés de la vie associative de l'Injep, qui datent de 2019, mettent en avant la proportion importante de seniors.
Taux d'engagement associatif par tranche d'âge
Source : L'évolution de l'engagement bénévole associatif en France, de 2010 à 2019
Un certain nombre d'associations ont vu ces deux dernières années leurs actions difficiles à mettre en oeuvre du fait de l'indisponibilité de leurs bénévoles les plus âgés, personnes à risque face à la pandémie. Toutefois, selon le Haut conseil à la vie associative, « l'afflux de personnes prêtes à s'engager (pendant la crise), les plus jeunes notamment, a pu compenser en partie l'absence de certains » 238 ( * ) . La crise sanitaire a ainsi révélé la nécessité de renforcer les logiques d'intermédiation et d'accompagnement entre anciens et nouveaux bénévoles, afin d'augmenter les capacités d'accueil des associations.
L'enjeu est considérable : dynamiser les associations et continuer à les rendre attractives pour les nouvelles générations. Or nombre d'associations ne sont pas en mesure d'attirer de nouveaux adhérents ou de nouveaux bénévoles car, pour des raisons souvent générationnelles, elles ne sont présentes ni sur Internet ni sur les réseaux sociaux.
L'ouverture des associations à de nouveaux bénévoles, notamment à des jeunes, est donc une condition du maintien du dynamisme du secteur associatif.
Le Sénat 239 ( * ) a déjà insisté sur ce nouveau défi des associations, qui est essentiellement celui de l'intergénérationnel. Or, comme l'a mentionné lors de son audition une représentante du Haut conseil à la vie associative : « des représentants d'associations importantes nous ont indiqué qu'il était difficile pour certains de leurs bénévoles de s'ouvrir aux jeunes » 240 ( * ) . Cette remarque vaut, de manière générale, pour l'accueil de nouveaux bénévoles en raison d'une certaine difficulté à « briser l'entre soi des bénévoles investis de longue date » 241 ( * ) .
De leur côté, les jeunes bénévoles font état d'une inadéquation entre leur disponibilité et les horaires des autres bénévoles, notamment les plus âgés, et semblent ressentir un manque de confiance et d'écoute 242 ( * ) .
Cette problématique a été rappelée à l'occasion des auditions : certaines associations doivent apprendre à s'adapter à ce qu'implique l'accueil de nouveaux bénévoles et à prendre en compte l'évolution des modalités d'engagement actuellement observées (notamment le zapping précédemment évoqué), qui ne concernent pas uniquement la jeunesse.
Ce constat implique une transition qui doit se préparer en amont, au risque de créer un sentiment de frustration chez de nouveaux arrivants et l'incompréhension de bénévoles présents depuis plusieurs années, face à des idées et des façons d'agir auxquelles les membres les plus anciens ne sont pas accoutumés.
* 233 Haut conseil à la vie associative, Les nouvelles formes d'engagement , mars 2016, p. 3.
* 234 Anne Muxel, Politiquement jeune , 2018, p. 89.
* 235 Compte-rendu du 30 mars 2022.
* 236 Compte-rendu du 30 mars 2022.
* 237 Anne Muxel, op. cit.
* 238 Source : informations adressées à la mission d'information par le Haut conseil à la vie associative (HCVA) après l'audition du 30 mars 2022.
* 239 Voir notamment le rapport d'information: « Culture, éducation, recherche, sport et communication : penser l'avenir malgré la crise sanitaire », Catherine Morin-Desailly, (n° 667 2019-2020).
* 240 Compte rendu du 30 mars 2022.
* 241 Source : informations adressées à la mission d'information par le Haut conseil à la vie associative (HCVA) après l'audition du 30 mars 2022.
* 242 Source : informations adressées à la mission d'information par le Haut conseil à la vie associative (HCVA) après l'audition du 30 mars 2022.