C. CONCLUSIONS DE LA MISSION D'INFORMATION POUR PRÉSERVER LE DYNAMISME DU SECTEUR ASSOCIATIF ET VALORISER L'ENGAGEMENT BÉNÉVOLE

1. Deux points de vigilance
a) La formation des bénévoles

La vie associative a besoin de se renouveler, de proposer de nouvelles actions pour attirer de nouveaux membres. De même, la communication est devenue un facteur essentiel de visibilité et de vitalité des associations. Ces activités exigent aujourd'hui des compétences spécifiques (levée de fonds, animation du site internet, organisation d'événements, présence de l'association sur les réseaux sociaux, ...), pour lesquelles toutes les générations n'ont pas la même appétence, comme cela a été mentionné précédemment.

La formation des bénévoles est donc une priorité.

La mission d'information appelle à rendre plus accessible et simple l'accès aux outils qui existent déjà, tels que le volet « formation » du Fonds pour le développement de la vie associative (voir l'encadré ci-après), ou encore les missions des centres de ressources et d'informations des bénévoles 243 ( * ) .

Le volet formation du Fonds pour le développement de la vie associative

En 2020, le volet formation du FDVA a bénéficié de 7,1 millions d'euros au titre de la formation pour l'ensemble des associations, hors associations sportives (pour celles-ci, 5,2 millions d'euros d'aide à la formation des bénévoles sportifs ont été attribués par l'Agence nationale du sport en 2020).

Les sommes destinées au volet formation se sont partagées entre 3,1 millions d'euros pour le fonds national destiné aux têtes de réseau et associations nationales et 4 millions d'euros déconcentrés en faveur d'action complémentaires d'entités locales d'associations nationales ou des actions d'associations locales. Ce financement local est souvent complété par des versements de collectivités locales, principalement de conseils régionaux.

En 2020, 1 799 associations (sur 2 250 demandes, soit un taux d'acceptation de 80 %) ont reçu une subvention pour former 164 226 bénévoles (sur 327 103 bénévoles, soit un taux d'acceptation de 50 %) - 61 366 bénévoles accompagnés au niveau national à travers 4 400 journées de formation et 102 860 bénévoles par les fonds régionaux pour 15 600 journées de formation.

En 2022, le volet formation a été doté de 8,08 millions d'euros.

Source : rapport annuel pour 2020 du Fonds pour le développement de la vie associative et loi de finances pour 2022

La mission d'information note d'ailleurs l'expérimentation, dans les régions Centre-Val de Loire, Hauts-de-France et Nouvelle Aquitaine, d'une préfiguration d'un nouveau schéma d'organisation de l'accompagnement local de la vie associative. Celui-ci doit « rendre l'appui aux associations lisible, visible et accessible, en favorisant la construction d'un réseau multi-acteurs (collectivités, structures porteuses d'une mission de service public, réseaux associatifs, associations, etc.) », selon les informations transmises par la DJEPVA.

b) La valorisation de l'engagement

De nombreux outils existent pour valoriser l'engagement associatif.

Ils demeurent peu utilisés, car souvent mal connus. C'est notamment le cas du compte d'engagement citoyen (CEC) créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Il s'agit d'un nouveau droit à la formation ouvert aux personnes effectuant plus de 200 heures annuelles de bénévolat. 14 millions d'euros ont été alloués au CEC en 2022. Cette somme est à comparer aux 6 millions d'euros effectivement versés en 2021. Interrogée sur ce sujet, la DJEPVA table sur une augmentation de 15 % des bénéficiaires en 2022.

Or beaucoup reste à faire, comme le souligne France Bénévolat : « à ce jour, il ne fonctionne bien que pour les pompiers et autres bénévoles qui ont une affectation directe ; il est quasi impossible aux autres bénévoles de l'utiliser, sauf à être très motivés » . C'est d'autant plus paradoxal que le CEC a été créé initialement pour les bénévoles puis élargi aux volontaires du service civique et aux pompiers. Selon les informations transmises par la DJEPVA, entre 8 000 à 10 000 personnes - seulement - ont activé leur compte engagement citoyen. Ces chiffres sont très faibles au regard du nombre de personnes éligibles. Pour la mission d'information, le principal enjeu est l'accès et la connaissance de leurs droits pour les bénévoles éligibles.

Le compte d'engagement citoyen

Créé en 2016 le compte d'engagement citoyen est un nouveau droit à formation ouvert à partir de 200 heures de bénévolat, quel que soit le statut de l'engagé : étudiant dès 16 ans, actif, retraité.

Huit activités sont actuellement éligibles : les bénévoles associatifs sous condition, les volontaires du service civique, les maîtres d'apprentissage, les sapeurs-pompiers volontaires, certains réservistes opérationnels, ceux de la réserve civique et de réserves thématiques, ainsi que les proches aidant une personne en situation de handicap ou une personne âgée en perte d'autonomie.

Ce droit, plafonné à 720 euros, s'ajoute aux droits de formation acquis au titre de l'activité professionnelle. Les droits acquis au titre du CEC sont financés par les autorités responsables des activités bénévoles et volontaires éligibles : les communes pour la réserve communale, le SDIS pour les pompiers volontaires, l'Agence nationale de la santé publique pour la réserve sanitaire et l'État pour les autres formes d'engagement éligibles.

En 2021, tous les droits acquis par les bénéficiaires du CEC au titre des années 2017 à 2020 ont été affichés dans leur compte formation et peuvent être immédiatement mobilisés.

Sur les 3 192 dossiers validés au 31 mai 2021, 1 334 dossiers concernent des formations non certifiantes et 1 858 dossiers des formations certifiantes. Le permis de conduire est la formation non certifiante la plus demandée.

D'autres dispositifs, comme la validation des acquis de l'expérience, le passeport bénévole ou encore le congé engagement, créé par loi « égalité et citoyenneté » de 2017, permettent de faciliter l'exercice des responsabilités des dirigeants et encadrants bénévoles 244 ( * ) . Or, alors qu'1,3 million de dirigeants et encadrants bénévoles sont éligibles à ce dispositif, il reste très largement méconnu tant d'eux que de leurs employeurs.

Une convention entre le ministère de l'éducation nationale et France Bénévolat a été signée en juin 2018 afin de promouvoir le passeport bénévole 245 ( * ) ainsi que la validation des acquis de l'expérience (VAE). Il s'agit notamment de mieux faire connaître le bénévolat dans le but de susciter des vocations, de sensibiliser les associations à la démarche de la VAE et de mieux prendre en compte les acquis issus de l'action bénévole dans une démarche de certification des compétences. Cette démarche s'inscrit dans la même logique que la délivrance d'un document recensant et mettant en valeur les compétences acquises dans le cadre d'activités bénévoles, comme le « pass bénévole » instauré par le Land de Berlin ou le « passeport du volontaire » mis en place en Autriche (voir l'encadré ci-après).

Exemples étrangers de modalités d'engagement
et de promotion de l'engagement

Le Land de Berlin a instauré le Berliner FreiwilligenPass (pass bénévole berlinois) qui précise les périodes d'engagement du volontaire, la durée hebdomadaire moyenne de bénévolat (au minimum 80 heures réparties sur un an ou qui ont consacré 200 heures à un ou plusieurs projets) et la description des tâches assumées. Les compétences acquises sont également précisées. Ce passeport existe sous trois formes : un passeport pour les adultes bénévoles, un passeport pour les jeunes correspondant aux classes allant du CM1 à la terminale et un passeport spécifique pour le bénévolat dans l'aide aux réfugiés. Le passeport est décerné dans un cadre solennel. Les organisations peuvent organiser elles-mêmes la cérémonie de remise des prix ou inscrire les bénévoles pour la remise qui a lieu deux fois par an à la Mairie de Berlin. Le passeport est alors remis par le ministre du Land en charge de la santé et des affaires sociales et le délégué à l'engagement civique.

En Autriche, environ 2,3 millions de personnes travaillent sans rémunération dans des organisations ou des associations. La loi fédérale sur la promotion du volontariat a créé en 2012 un cadre juridique de soutien au bénévolat. Un passeport autrichien du volontaire, Freiwilligennachweis , a été mis en place. Il recense les compétences acquises par le bénévole. En vertu de l'article 2 de la loi sur le bénévolat (2012), les organisations bénévoles peuvent être soutenues si elles délivrent aux volontaires, à leur demande, dans les six mois suivant la cessation de leur activité, une attestation d'activité concernant la durée et la nature de l'activité ainsi que les compétences acquises dans le cadre de celle-ci.

Source : note de la Division de la Législation comparée du Sénat 246 ( * )

Enfin, comme le service civique, les engagements associatifs peuvent être reconnus dans le cadre des études supérieures et du parcours professionnel. L'article L. 611-9 du code de l'éducation prévoit que les compétences, connaissances et aptitudes ainsi acquises par un étudiant puissent être validées au titre de sa formation 247 ( * ) . En outre, les établissements d'enseignement supérieur sont tenus d'élaborer une politique spécifique visant à développer l'engagement des étudiants au sein des associations (L. 611-10 du code de l'éducation). Enfin, l'article L. 611-11 du même code permet aux étudiants exerçant notamment des responsabilités au sein d'un bureau d'une association de bénéficier d'aménagements dans l'organisation et le déroulement de leurs études et de droits spécifiques, afin de concilier leurs études et leurs engagements.

Or, comme pour le service civique, la valorisation de l'engagement et son soutien dépendent des politiques menées dans ce domaine par chaque établissement d'enseignement supérieur. La mission d'information ne peut que réitérer son appel à prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre pleinement et de manière simple l'application de ces dispositions et de renforcer la communication autour de leur existence.

La mission d'information s'est par ailleurs interrogée sur la création d'un statut du bénévole dans une logique de valorisation de l'engagement. Il lui a semblé au final inopportun de proposer cette création qui ne répond pas aux besoins des bénévoles et interroge la notion même de bénévolat. D'ailleurs, les représentants du secteur associatif, consultés sur ce sujet par la mission d'information, n'y sont pas non plus favorables : le Haut conseil à la vie associative, comme son prédécesseur le Conseil national de la vie associative, se sont toujours prononcés contre : « Accoler « statut » et « bénévole » serait source d'ambiguïté, pour ne pas dire plus. Être bénévole, c'est être libre ; or un statut enfermerait, en quelque sorte, et ne réglerait rien » 248 ( * ) .

2. Mieux accompagner l'évolution de la gouvernance des associations

La prédominance des seniors est marquée chez les présidents d'association. Alors que les plus de 65 ans représentaient 32 % des présidents d'association, cette part est passée à 41 % en 2017 - derniers chiffres disponibles. Cette hausse s'explique par une baisse de la part des présidents d'association âgés de 56 à 64 ans (- 3 points entre 2011 et 2017) et surtout par celle de la tranche d'âge 46-55 ans (- 5 points entre 2011 et 2017). Seulement 7 % des dirigeants d'association avaient moins de 36 ans.

Ce constat pose donc de manière plus générale la question de l'ouverture de la gouvernance aux jeunes.

De manière similaire aux revendications des jeunes élus, qui ne veulent pas être simplement relégués au rôle de « colleurs d'affiche » 249 ( * ) mais disposer de responsabilités, la mission d'information est convaincue que l'attrait pour de jeunes bénévoles - et de manière plus large de nouveaux bénévoles - suppose que ces derniers se voient confier des missions concrètes et des projets valorisants, au-delà des « tâches » pour lesquels ils ont pu, dans un premier temps, être approchés (communication, organisation d'événements...), et qu'une place leur soit faite dans les instances de gouvernance, par exemple au sein du conseil d'administration.

L'encadré ci-après montre comment France Bénévolat aide quelques grands réseaux à ouvrir aux jeunes leurs instances de gouvernance.

Un exemple d'accompagnement d'association pour une meilleure intégration
des jeunes dans les instances de gouvernance
Audition du 30 mars 2022 - France Bénévolat

« S'agissant de la place des jeunes dans la gouvernance des grandes associations, j'accompagne depuis dix ans cinq ou six gros réseaux associatifs - Croix-Rouge, APF France handicap, Familles rurales, Ligue de l'enseignement - pour les aider à offrir davantage de place à des jeunes très actifs, y compris en les intégrant dans leur conseil administration.

Voilà dix ans, aucune de ces associations ne comptait de jeunes dans son conseil d'administration. À ce jour, celui de la Croix Rouge française accueille cinq trentenaires, sur vingt-cinq membres, tandis que celui d'APF France handicap, sur vingt-quatre administrateurs, en compte six, dont un vice-président. Ce qui a permis cette évolution, c'est un travail sur les relations intergénérationnelles et sur la place des jeunes au sein de ces organisations, c'est la volonté de faire bouger les choses. Par exemple, APF France handicap a offert la possibilité de se présenter en binôme pour un poste d'administrateur pour un mandat de six ans ».

Cette ouverture pourrait être encouragée par les nouvelles formes de gouvernance qui existent au sein de certaines associations pour favoriser le partage des mandats, tels que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers) ou le partage de la présidence dans le temps.

Selon France Bénévolat , de telles initiatives sont de nature à favoriser l'implication des jeunes : « quand on a 25 ans, un mandat de six ans n'a pas de sens. En revanche, il est plus facile de se projeter à deux et, si nécessaire, de se mettre en retrait en cas de nécessité - mariage, souci de santé, etc. Nous disposons de témoignages qui confirment la pertinence de cette organisation » . Ces remarques valent naturellement pour les autres générations.

Or il ressort des auditions menées par la mission d'information que les documents administratifs de déclaration d'une association ne sont pas adaptés aux nouveaux modèles de gouvernance évoqués ci-dessus 250 ( * ) .

Dès lors, beaucoup d'associations ne savent pas que de tels modèles d'organisation sont possibles : selon le témoignage de Stéphanie Andrieux du Haut conseil à la vie associative, « parce que le formulaire administratif de déclaration de création d'une association en préfecture comporte des cases à cet effet, beaucoup pensent qu'il faut nécessairement prévoir un président, un trésorier, un secrétaire - à l'exclusion de co-présidence ou co-trésorier » . Et de conclure : « il suffirait tout simplement de mettre à jour ces documents administratifs pour lever certains blocages dans la gouvernance des associations » 251 ( * ) .

La mission d'information recommande donc la prise en compte de ces modes d'organisation dans les formulaires administratifs. Elle tient à le rappeler : la loi de 1901 est très souple et offre toute latitude dans l'organisation de la gouvernance associative.

En conclusion, pour assurer le maintien du dynamisme du secteur associatif et valoriser l'engagement des bénévoles, la mission d'information a identifié les points de vigilance suivants :

- favoriser la formation des bénévoles en renforçant la lisibilité des outils qui existent déjà, comme par exemple le Fonds pour le développement de la vie associative ;

- mieux communiquer sur des dispositifs tels que le compte d'engagement citoyen (CEC), les congés engagement et les dispositifs en faveur de l'engagement étudiant.

Elle recommande en outre une adaptation des formulaires administratifs aux nouvelles pratiques de gouvernance adaptées aux attentes d'un nombre croissant de bénévoles, notamment des jeunes, telles que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers) ou le partage de la présidence dans le temps (présidences tournantes).

Ces mesures, au coût budgétaire limité, peuvent être rapidement mises en place selon la mobilisation des acteurs concernés (ministères, DJEPVA, préfectures, établissements d'enseignement supérieurs). Si elles peuvent sembler modestes au premier abord, elles sont de nature à faire sauter rapidement les verrous et freins à l'engagement associatif et à répondre à de nombreuses demandes exprimées par le secteur associatif depuis plusieurs années.

Recommandation . - Adapter les formulaires administratifs aux nouvelles pratiques de gouvernance des associations, telles que l'exercice de responsabilités en binômes (co-présidents, co-trésoriers)


* 243 Chaque département métropolitain ou d'outre-mer est doté d'un ou plusieurs CRIB. 215 associations ont été labellisées CRIB.

* 244 Pour les agents du secteur public, ce congé non rémunéré est de six jours par an. Dans le secteur privé, la durée de ce congé également non rémunéré dépend des dispositions prévues par l'accord d'entreprise ou de branche sur le sujet. En l'absence d'accord, l'article L. 3142-59 du code du travail prévoit une durée de six jours, fractionnables par demi-journée.

* 245 Créé en 2007 à l'initiative de France Bénévolat , le passeport bénévole permet aux bénévoles de conserver une trace des missions effectuées dans une ou plusieurs associations. Il regroupe les expériences et compétences acquises et peut ainsi devenir une pièce justificative lors de la constitution d'un dossier de VAE.

* 246 Voir le document annexé à ce rapport.

* 247 Sous la forme d'une unité d'enseignement, de l'attribution de crédits ECTS, de « points bonus », ou encore de dispense de stage : voir ci-dessus les développements du rapport relatifs au service civique.

* 248 Compte rendu du 30 mars 2022.

* 249 Extrait du compte rendu de la table ronde du 9 mars 2022 : « La première raison de mon engagement, c'est la confiance : on ne me demandait pas de venir pour uniquement coller des affiches ou faire de la figuration, mais pour participer à l'élaboration du projet et à la direction de la campagne. J'étais d'ailleurs tête de liste dans mon département. Si l'on veut que les jeunes s'engagent, il est fondamental de les considérer comme de véritables acteurs d'une campagne, pas seulement comme de « petites mains ».

* 250 Ainsi, le modèle de statuts disponible sur le site service-public.fr ne prévoit que les fonctions de président, vice-président, secrétaire et secrétaire-adjoint ou trésorier et trésorier-adjoint, sans mentionner la possibilité d'un exercice conjoint par des co-présidents par exemple. De même, le formulaire Cerfa n° 1391-03 « Déclaration de la liste des personnes chargées de l'administration de l'association » prévoit six responsables seulement (alors que leur nombre est susceptible d'être plus élevé en cas de gouvernance partagée), mentionnant les fonctions de président, secrétaire, trésorier ou « autre ».

* 251 Compte-rendu du 30 mars 2022.

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