II. DES MOYENS DIFFICILEMENT COMPATIBLES AVEC LES OBJECTIFS AFFICHÉS PAR LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES POUR 2030
A. LE POIDS DES DÉPENSES DE PERSONNEL DEMEURE IMPORTANT, MAIS DES DIFFICULTÉS SE POSENT EN MATIÈRE D'EMPLOIS
1. Un poids important des dépenses de personnel dans le budget des structures gestionnaires
S'agissant des parcs nationaux , le budget global des 11 parcs s'établit à 80 millions d'euros en 2020, en progression de 15 % depuis 2016, à un rythme sensiblement identique à celui de l'augmentation de la ressource principale (avant 2018, subvention pour charges de service public puis à partir de 2018, contribution de l'AFB puis de l'OFB), qui progresse elle de 13 % sur la période.
Ventilation des dépenses des parcs nationaux par
type de dépenses
entre 2016 et 2020
(en millions d'euros)
Fonctionnement |
Personnel |
Intervention |
Investissement |
Total |
|
2016 |
14,7 |
48,6 |
2 |
4,4 |
69,7 |
2017 |
15,2 |
50,5 |
2,2 |
6,4 |
74,2 |
2018 |
16,4 |
51,5 |
2,1 |
6,8 |
76,9 |
2019 |
17,9 |
53,1 |
1,9 |
5,6 |
78,4 |
2020 |
17,1 |
54,4 |
1,8 |
7 |
80,2 |
2016-2020 |
+ 16 % |
+ 12 % |
- 10 % |
+ 59 % |
+ 15 % |
Source : réponse au questionnaire des parcs nationaux
La masse salariale représente un poids important dans le total des dépenses (68 % en 2020 ), ce qui, au regard de la relative stabilité de la ressource budgétaire principale finançant le fonctionnement, limite la capacité des parcs à financer d'autres types de dépenses . Les dépenses de personnel ont ainsi augmenté de 12 % depuis 2016 pour les parcs. D'après les informations fournies par plusieurs parcs nationaux, cette hausse de la masse salariale résulte à la fois de la mise en oeuvre des mesures générales (point d'indice, protocole PPCR), catégorielles (par exemple, requalification des agents techniques de l'environnement) et individuelles (avancements et promotions).
Il en va de même pour les réserves naturelles . En 2017, le montant des dépenses globales était de 47,4 millions d'euros pour 351 réserves , soit une augmentation d'environ 8 millions d'euros par rapport à 2013 (+19,1 % de dépenses) et pour 51 réserves en plus (+ 17%). D'après la fédération des réserves naturelles, les dépenses de personnel représentent en moyenne 85 % des dépenses des réserves, une part stable depuis 2015. Ces dépenses permettent de réaliser de nombreuses activités au coeur de l'action des réserves : surveillance du territoire et police de l'environnement, connaissance et suivi continu du patrimoine naturel, interventions sur le patrimoine naturel, animation avec les acteurs locaux, accueil du public et actions pédagogiques, et enfin, ingénierie financière.
Répartition des dépenses de personnel des réserves naturelles
Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire de la fédération des réserves naturelles
D'après les données communiquées par la fédération, s'agissant des PNR, dont les dépenses des syndicats mixtes porteurs s'élèvent en 2017 à 183 millions d'euros, les charges de personnel représentent 65 % des dépenses de fonctionnement, soit 1,63 million d'euros par parc .
Les PNR emploient 2 300 agents, représentant 1 900 ETP. L'effectif d'un PNR est compris entre 20 et 40 personnes. Les personnels relèvent à 92 % du droit public.
Enfin, près de la moitié des budgets des CEN est consacrée aux dépenses de personnel . Le coeur de métier des Conservatoires est en effet dicté par les objectifs opérationnels qui animent le réseau à travers des équipes de scientifiques qui collectent les données sur les sites, élaborent les plans de gestion, réalisent des suivis scientifiques, des équipes d'animation territoriale en charge d'identifier les sites et de suivre les actions (foncières, gestion, ...) sur les sites et enfin, par la gestion des sites, soit en régie, soit en partenariat avec les acteurs locaux (agriculteurs, pisciculteurs, forestiers).
Les dépenses d'investissement restent elles relativement élevées, principalement pour les structures menant des actions foncières. Pour les CEN, les dépenses d'investissement sont liées aux acquisitions foncières (le réseau est propriétaire de plus de 15 000 hectares) et aux équipements pour la gestion des sites (matériels spécialisés, véhicules...) et opérationnels. Lors d'une acquisition, si le fonctionnement des sites mis en gestion est pris en charge par le gestionnaire (qui recrute et emploie les agents et gardes du littoral 41 ( * ) , au nombre d'environ 1 000), le CELRL continue d'assurer la mission de propriétaire, notamment de maitre d'ouvrage des travaux.
2. Mais des tensions en matière d'emplois
Si les dépenses de personnel représentent un poids certain dans la gestion des aires protégées, force est toutefois de constater que l'extension du réseau des aires protégées (augmentation du nombre de parcs nationaux, de réserves naturelles, ...) n'est pas allée de pair avec une augmentation des emplois pour les structures gestionnaires .
Comme pour d'autres structures, les emplois sont le premier levier d'actions des parcs nationaux , car leurs missions (connaissance, surveillance et police, éducation, accueil, ingénierie territoriale) requièrent des personnels formés, organisés et déployés au plus près des acteurs locaux.
Or, les plafonds d'emplois sont restés globalement stables sur la période allant de 2010 à 2021 (-4%) malgré de grands changements dans le périmètre : création du parc national des Calanques en 2012, disparition de l'établissement fédératif Parcs nationaux de France en 2017 (intégré dans l'AFB) et création du parc national de forêts en 2019. Une soixantaine d'emplois a ainsi été transférée entre établissements, entraînant des diminutions parfois très fortes dans certains établissements existants.
Évolution du plafond d'emplois des parcs nationaux entre 2010 et 2021
(en ETP)
Source : réponse au questionnaire des parcs nationaux
D'après les représentants d'établissements publics de parcs nationaux rencontrés par le rapporteur, cette situation peut générer un besoin d'externaliser certaines missions (intérim, prestations de service, délégations de service public) générant des coûts supplémentaires pour les établissements publics de parcs nationaux.
Les représentants ont également précisé que la situation en équivalents temps plein travaillés (ETPT) mérite aussi d'être examinée car les parcs nationaux ont généralement une activité saisonnalisée, avec des besoins centrés sur la saison touristique . Sur ce point, les moyens permettant le recours aux contractuels saisonniers se sont maintenus, le plafond ne varie que de +2 % entre 2010 et 2021.
Évolution du plafond d'emplois des parcs
nationaux
entre 2010 et 2021
(en ETP)
Source : réponse au questionnaire des parcs nationaux
Il est à noter que les établissements publics de parcs nationaux ont aussi la possibilité de recourir à l'emploi hors plafond dans des conditions strictes définies par la circulaire du 11 juin 2010 du ministère en charge du budget (financement à 100 % en réponse à un appel d'offres).
Les personnels sont en majorité des fonctionnaires titulaires en position normale d'activité et des agents contractuels sous un quasi-statut de fonctionnaire (introduit par la loi du 18 août 2016 sur la biodiversité pour les agents de l'AFB et des parcs nationaux).
Évolution des emplois des parcs nationaux depuis 2017
(En ETP)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire des parcs nationaux
Les réserves naturelles mobilisent quant à elles environ 1 000 salariés , correspondant à 511 ETP. Si l'on constate une augmentation globale en valeur absolue du nombre de salariés, rapporté au nombre de réserves naturelles, les moyens humains ont diminué : le nombre de salariés et d'ETP rapporté au nombre de réserves a été quasiment divisé par deux en 10 ans (- 46 % pour les salariés de terrain et - 50 % pour les ETP).
Ainsi, les réserves naturelles nationales sont dotées en moyenne de 4,1 ETP, tandis que les réserves naturelles régionales sont dotées en moyenne de 1,1 ETP. La réserve naturelle de la Baie de Somme mobilise par exemple 8 gardes, dont un seul est actuellement assermenté pour verbaliser les infractions constatées. La fédération des réserves a également indiqué au rapporteur que depuis 2017, les emplois sont presque gelés, les nouveaux recrutements étant uniquement liés au montage de projets d'envergure, leur durée étant limitée dans le temps . Réserves naturelles de France indique ainsi que cette situation génère des difficultés à intervenir dans certains domaines (par exemple, l'intervention sur le patrimoine naturel).
Toutefois, la loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de la subvention de l'État aux RNN de 6 millions d'euros : la création d'un fonds dédié à l'éducation de 3 millions d'euros devrait ainsi permettre la création de 80 ETP (animateurs nature).
Les CEN, en tant que structures associatives, ont développé quant à eux des démarches citoyennes par des stratégies d'adhésion : ils comptent ainsi près de 10 000 adhérents. Cette démarche permet la constitution d'un vivier de bénévoles.
La revue de dépenses sur les PNR indiquait par ailleurs que pour assouplir leur gestion des ressources humaines, compte tenu de la difficulté à articuler les recrutements sur mission avec le statut de la fonction publique, certains parcs ont utilisé par exemple la mise à disposition de fonctionnaires par les collectivités .
Les opérateurs de l'État ne sont pas épargnés par ces tensions en matière de moyens humains :
- en ce qui concerne les aires protégées, l'OFB consacre l'essentiel des moyens humains à la gestion directe (170 ETP) et une partie à l'appui en gestion (30 ETP) : ce sont ainsi 200 ETP qui sont consacrés aux aires protégées par l'OFB, soit 7 % des ETP . Toutefois, la gestion se fait souvent à moyens constants : 37 postes de l'OFB seront ainsi redéployés vers les parcs naturel marins gérés par l'office d'ici 2022 ;
- le CELRL dépend quant à lui beaucoup de ses partenaires s'agissant de ses moyens humains : environ 26 % de son effectif est ainsi constitué d'agents mis à disposition par d'autres structures et d'emplois hors plafond (financements sur projet notamment).
* 41 Les agents du littoral sont employés par les gestionnaires des sites et peuvent disposer de pouvoirs de police pour assurer le respect de la réglementation : il s'agit dans ce cas de gardes du littoral.