Rapport d'information n° 859 (2020-2021) de Mme Christine LAVARDE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 septembre 2021

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N° 859

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre 2021

RAPPORT D' INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le financement des aires protégées ,

Par Mme Christine LAVARDE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, MM. Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » a présenté le mercredi 29 septembre 2021 devant la commission des finances les conclusions de son contrôle budgétaire sur le financement des aires protégées.

Alors que la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a dressé une première évaluation de l'état mondial de la biodiversité dont les résultats sont particulièrement alarmants, l'une des voies d'action pour la préservation de la biodiversité repose sur la création et la gestion d'aires protégées . En janvier 2021, la France s'est dotée d'une nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) à horizon 2030 , qui repose sur l' objectif d'un réseau géré d'aires protégeant 30 % du territoire national, dont 10 % sous « protection forte ». Les moyens alloués aux structures gestionnaires suivent toutefois un rythme bien plus lent que les annonces de création ou d'extension d'aires, qui se sont récemment multipliées, comme lors du congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui s'est tenu à Marseille début septembre.

I. LES AIRES PROTÉGÉES : UNE ORGANISATION ET UN FINANCEMENT COMPLEXES ET ÉCLATÉS

A. LES AIRES PROTÉGÉES, DES ESPACES INDISPENSABLES À LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ ET QUI PARTICIPENT AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES

D'après la définition donnée par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), reprise par le ministère de la transition écologique, une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ». De nombreux outils sont toutefois associés aux aires protégées et instaurent des niveaux de protection gradués.

La gestion de ces différents types d'aires protégées mobilise différents acteurs , qui peuvent varier pour les mêmes outils. La multiplicité de ces outils d'aires protégées et de leurs structures gestionnaires apparaît à la fois comme une source de flexibilité , car elle permet d'apporter la réponse la plus adaptée aux spécificités locales, mais aussi de complexité, tant en terme de pilotage de politiques publiques que de lisibilité pour les citoyens .

S'il n'existe pas aujourd'hui de définition du « bénéfice » rapporté à la gestion de la nature , ces espaces génèrent de nombreuses externalités positives, pour les territoires et l'économie , bien loin de l'idée de la « mise sous cloche » de la nature , coupée de toute activité humaine. Les aires protégées sont ainsi le vecteur d'écotourisme, d'attractivité des territoires et d'emplois non délocalisables et participent à de nombreuses politiques (développement économique, aménagement du territoire, etc ).

B. UN FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES TRÈS ÉCLATÉ, MOBILISANT UNE PLURALITÉ D'ACTEURS PRINCIPALEMENT PUBLICS

Le financement de la politique de la biodiversité a été profondément remanié par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018. La suppression des subventions pour charge de service public versées par le programme 113 aux opérateurs de la biodiversité traduisait un certain désengagement de l'État du financement de la politique de la biodiversité, et marquait un transfert de ce financement à l'Office français de la biodiversité (OFB), opérateur lui-même majoritairement financé par les contributions des agences de l'eau . En 2021, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » consacre 72,1 millions d'euros au financement des aires protégées, et l'OFB 87,5 millions d'euros. L'État a toutefois consenti un effort budgétaire pour les aires protégées dans le cadre du plan de relance (60 millions d'euros d'ici 2023).

De nombreux opérateurs de l'État participent également au financement des aires protégées :

- les agences de l'eau , dont les missions ont été élargies au financement des interventions en faveur de la biodiversité et des milieux marins par la loi « biodiversité » de 2016, y consacrent environ 25 millions d'euros par an . Certaines fédérations de structures gestionnaires ont toutefois pu indiquer rencontrer des difficultés à mobiliser des financements des agences de l'eau sur le volet terrestre (le principale de « l'eau paye l'eau » semble toujours guider les redevances des agences) ;

- l'Office nationale des forêts (ONF) , gestionnaire de 257 réserves biologiques , consacre au titre d'actions spécifiques pour la biodiversité, emblématiques des aires protégées, entre 30 et 40 millions d'euros par an , soit 4 à 5 % de son budget total ;

- le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) participe à l'action foncière en acquérant des sites, puis en les mettant en gestion auprès prioritairement des collectivités.

Au total, les crédits alloués par l'État et ses opérateurs en 2021 aux aires protégées sont compris entre 230 et 250 millions d'euros environ.

Les collectivités locales participent activement au financement des aires protégées, mais leur contribution reste très difficile à chiffrer :

- les départements exercent une politique en matière d'« espaces naturels sensibles », financée par une part de la taxe d'aménagement, assise sur les autorisations d'urbanisme pour compenser l'artificialisation des sols, dont les recettes représentaient en 2015 434 millions d'euros ; seulement 271 millions d'euros étaient toutefois affectés à la politique ENS ;

- en tant que « cheffes de file » en matière de biodiversité, les régions participent également au financement des PNR, des réserves naturelles régionales, ou encore de sites CELRL. Contrairement aux départements, elles ne bénéficient toutefois pas de ressource spécifique pour le financement de la biodiversité et donc des aires protégées. Elles sont également gestionnaires des fonds européens, qui restent les principaux financeurs de la politique « Natura 2000 ».

II. LA QUESTION DES BESOINS HUMAINS ET FINANCIERS NÉCESSAIRES POUR RÉPONDRE AUX OBJECTIFS DE LA NOUVELLE STRATÉGIE N'EST AUJOURD'HUI PAS ENCORE TRANCHÉE

A. DES MODES DE FINANCEMENT VARIABLES SELON LES OUTILS DE PROTECTION, MAIS UNE DYNAMIQUE IMPORTANTE DE RECHERCHE DE FINANCEMENTS SUR PROJET

S'agissant des outils « réglementaires » : les parcs nationaux restent majoritairement financés par l'OFB et des subventions de l'État. Ces deux financements représentent 88 % de leurs ressources. Les réserves ont engagé une démarche de recherche de financements sur projet plus importante, compte tenu, pour les réserves nationales, d'un gel de leurs dotations jusqu'en 2021.

Les outils contractuels mobilisent principalement les financements des collectivités locales. S'agissant des PNR, les recettes issues de cotisations statutaires représentent les 2/3 des recettes de fonctionnement : cette structure de recettes les rend très sensibles à la contrainte budgétaire des collectivités.

B. DES MOYENS DIFFICILEMENT COMPATIBLES AVEC LES OBJECTIFS AFFICHÉS PAR LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES POUR 2030

Les structures gestionnaires d'aires protégées font face à un poids important des dépenses de personnel dans leur budget . Par exemple le budget global des 11 parcs nationaux s'établit à 80 millions d'euros en 2020, en progression de 15 % depuis 2016 , à un rythme sensiblement identique à celui de l'augmentation de la ressource principale, mais la masse salariale représente un poids important dans le total des dépenses (68 % en 2020) et croissant (+12 % par rapport à 2016), ce qui au regard de la relative stabilité de la ressource budgétaire principale finançant le fonctionnement, limite la capacité des parcs à financer d'autres types de dépenses. Les dépenses de personnel représentent en moyenne 85 % des dépenses des réserves naturelles, et pour les PNR , dont les budgets s'élèvent à 183 millions d'euros en 2017, les charges de personnel représentent 65 % des dépenses de fonctionnement, soit 1,63 million d'euros par parc. Pourtant, l'extension du réseau des aires protégées (augmentation du nombre de parcs nationaux, de réserves naturelles, ...) n'est pas allée de pair avec une augmentation des emplois pour les structures gestionnaires .

La situation financière des structures gestionnaires est hétérogène, mais la plupart des structures ont indiqué être confrontées de manière récurrente aux tensions de trésorerie résultant d'importants délais de recouvrement des crédits issus de programmes européens. En outre, les parcs nationaux présentent des capacités d'autofinancement réduites et des niveaux bas de trésorerie, ce qui les rend vulnérables face aux catastrophes susceptibles d'affecter leurs équipements (exemple de la tempête Alex dans le Mercantour) et limite leur réactivité pour porter des projets au nom des collectivités adhérentes .

Si le contrôle a permis d'étudier l'évolution des moyens alloués aux structures gestionnaires et de leur budget depuis quelques années, il est particulièrement regrettable que le Gouvernement n'ait pas procédé à une évaluation des besoins des structures avant la publication de la nouvelle stratégie pour les aires protégées (SNAP) pour 2030.

Pourtant, cette stratégie rehausse les objectifs de la France en matière de protection de son territoire, ce qui implique inévitablement l'extension ou la création d'outils de protection forte, et partant, des moyens nouveaux ou additionnels aux moyens existants pour les structures gestionnaires. Alors même que les structures connaissent déjà des difficultés pour exercer leurs missions de protection, exacerbées dans un contexte de surfréquentation concernant de plus en plus d'aires protégées, ces objectifs ont été définis sans évaluation préalable des besoins financiers, en fonctionnement ou en investissement, et des ressources humaines qui devraient les accompagner.

Afin de permettre aux structures gestionnaires d'aires protégées de remplir leurs missions de protection, il est désormais indispensable de les doter de moyens humains et financiers adaptés, compte tenu des objectifs fixés par la SNAP et des évolutions récentes des usages d'espaces naturels - qu'il s'agisse du développement récent de tourisme « vert », ou du développement plus constant des activités et sports de nature au sein d'espaces naturels.

III. UN FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES À CONFORTER ET À DIVERSIFIER

A. CONFORTER L'ENGAGEMENT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT ET DE SES OPÉRATEURS ET OPTIMISER LES RESSOURCES EXISTANTES

Si elle est réclamée par plusieurs organisations représentatives de structures gestionnaires d'aires protégées, la revalorisation des dotations versées par l'État ne paraît pas opportune avant la réalisation de l'évaluation précise des besoins , en fonctionnement et en investissement, qui sera remise d'ici la fin de l'année par la mission commune de l'Inspection générale des finances et du CGDD. Des pistes d'amélioration des modes de financement peuvent toutefois d'ores et déjà être dégagées : par exemple, un engagement lisible de l'État dans le temps apparaît indispensable pour sécuriser les projets des structures gestionnaires.

Par ailleurs, il faut désormais tendre vers une fiscalité d'incitation à la protection de la biodiversité : la non-compensation progressive par l'État de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les sites Natura 2000 a été fortement pénalisante pour les petites communes allant même jusqu'à remettre en cause leurs engagements vis-à-vis de l'animation du réseau Natura 2000. Les critères restrictifs d'éligibilité à la « dotation biodiversité » ont pu exclure de nombreuses collectivités pourtant engagées en faveur de la protection de zones naturelles. Un recalibrage bienvenu est proposé dans le projet de loi de finances pour 2022.

B. DIVERSIFIER LE FINANCEMENT PAR LE MÉCÉNAT CIBLÉ

La diversification vers des financements « sur projet » est souhaitable, mais nécessite toutefois non seulement des moyens humains , car elle implique de mobiliser des agents pour le montage des projets, mais également un bon niveau de trésorerie, notamment pour la mobilisation des fonds européens . S'il faut faciliter la mobilisation de ces fonds par la mise en place d'outils d'appui aux porteurs de projets en termes d'avance de trésorerie , il importe également de « booster » les ressources propres des structures gestionnaires , qui représentent aujourd'hui une part marginale de leurs recettes. L'implication du secteur privé en tant que financeur, par le biais du mécénat, constituerait une piste intéressante, lorsqu'il se limite à quelques actions ciblées (mécénat de compétences ou en « nature ») .

C. UNE PARTICIPATION DES USAGERS AUX FINS ÉCONOMIQUES DES AIRES PROTÉGÉES DOIT ÊTRE ENVISAGÉE

Aujourd'hui, si certaines redevances s'appuient sur les pressions exercées par l'activité humaine sur les écosystèmes, la majeure partie des atteintes à la biodiversité liées à des activités anthropiques ne font pas l'objet d'une taxe . La mise en oeuvre d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité a pu être évoquée . Compte tenu de la situation économique, et des statuts des structures qui ne leur permettent pas toujours de percevoir une fiscalité affectée, la création de nouvelles taxes ne paraît pas souhaitable. Surtout, cette taxation « écologique » conduirait à accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

En revanche, si l'accès aux aires protégées doit rester libre et gratuit, une contribution financière peut légitimement être attendue des usages « économiques » des espaces protégés. Afin de donner une valeur aux services rendus par les aires protégées - autrement dit de traduire en pratique l'idée selon laquelle « la nature ne rend pas des services gratuits » -, une participation financière des usagers aux fins économiques des aires protégées doit être envisagée . Les aires protégées sont en effet devenues aujourd'hui le support d'activités économiques, qu'elles soient sportives ou culturelles, qui représentent une pression supplémentaire sur les aires protégées et génèrent davantage de coûts d'entretien . Une telle contribution n'aurait pas vocation à s'appliquer aux familles ou personnes membres de fédérations de randonnées, pédestre ou cycliste, utilisant ces espaces à titre gratuit, ni aux structures associatives, qui proposent par exemple des sorties découvertes au sein d'espaces protégés, et ne poursuivent pas de but lucratif.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Axe 1 : Donner plus de visibilité aux structures gestionnaires d'aires protégées sur leurs financements

- Recommandation n° 1 : mettre en place des contrats d'objectifs et de performance pluriannuels permettant d'assurer une visibilité des engagements financiers de l'État et des opérateurs en faveur des aires protégées sur plusieurs années, afin que les structures gestionnaires appuient leur développement sur une programmation financière pluriannuelle sécurisée.

- Recommandation n° 2 : organiser régulièrement des conférences de financeurs, à l'échelle nationale mais également au niveau territorial, par exemple à l'échelon régional, afin de mieux mobiliser et articuler les financements locaux, nationaux et européens disponibles.

- Recommandation n° 3 : poursuivre la dynamique de mutualisations engagée, en particulier entre l'Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux qui lui sont rattachés, et en faire un des objectifs prioritaires de la nouvelle convention de rattachement, afin de rationaliser certains coûts.

Axe 2 : Optimiser les ressources existantes et mettre en place une fiscalité d'incitation à la protection de la biodiversité

- Recommandation n° 4 : isoler les recettes et dépenses liées aux espaces naturels sensibles au sein d'un budget annexe aux comptes des collectivités concernées, afin de valoriser leur action en faveur de la biodiversité et des espaces naturels.

- Recommandation n° 5 : modifier les critères d'éligibilité des communes couvertes par un site Natura 2000 à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et augmenter en conséquence le montant de crédits alloués à la dotation afin de mieux compenser les contraintes financières liées à cet outil.

- Recommandation n° 6 : mettre en place une modalité d'appui aux gestionnaires d'aires protégées visant à leur permettre de faire face aux obligations d'avances de trésorerie liées au décalage entre la consommation et le versement des fonds européens, par exemple via la création d'un fonds dédié, afin de faciliter la mobilisation des fonds européens.

Axe 3 : Diversifier les ressources des structures gestionnaires d'aires protégées

- Recommandation n° 7 : engager un développement ciblé du mécénat afin de diversifier le financement des aires protégées, notamment via le mécénat de compétences et le mécénat en « nature » (dons en nature sans contrepartie).

- Recommandation n° 8 : mettre en place une contribution obligatoire au financement des aires protégées due par les organisateurs d'activités économiques au sein de ces espaces.

- Recommandation n° 9 : éviter la mise en place d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité, peu adaptée au contexte économique et risquant d'accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

PREMIÈRE PARTIE
LES AIRES PROTÉGÉES, DES ESPACES INDISPENSABLES À LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ PARTICIPANT AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES ET DONT LE FINANCEMENT MOBILISE UNE PLURALITÉ D'ACTEURS PUBLICS

I. LES AIRES PROTÉGÉES, DES ESPACES CRUCIAUX POUR LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ ET DONT LE DÉVELOPPEMENT EST AMENÉ À SE POURSUIVRE DANS LE CADRE DE LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES 2030

A. LES AIRES PROTÉGÉES, DES OUTILS INDISPENSABLES À LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ DONT LE RÔLE EST CONFORTÉ PAR LA NOUVELLE STRATÉGIE NATIONALE POUR LES AIRES PROTÉGÉES

1. De nombreuses structures participent à la gestion des aires protégées

Dans son rapport publié en mai 2019 1 ( * ) , la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a dressé une première évaluation de l'état mondial de la biodiversité dont les résultats sont particulièrement alarmants : « 25 % des espèces appartenant aux groupes d'animaux et de végétaux évalués sont menacés 2 ( * ) , ce qui suggère qu'environ 1 million d'espèces sont déjà menacées d'extinction , beaucoup dans les décennies à venir ». Ce taux global d'espèces menacées d'extinction est d'ores et déjà « des dizaines voire des centaines de fois plus élevé que la moyenne sur les 10 millions d'années écoulés ».

Les pressions exercées par l'activité humaine sur les écosystèmes (artificialisation des sols, pollutions, etc. ), combinées à la menace du réchauffement climatique pesant sur les milieux naturels font craindre une amplification de l'effondrement de la biodiversité .

Risque d'extinction actuel au niveau mondial
dans différents groupes d'espèces

Source : Rapport de l'évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, IPBES, résumé à l'intention des décideurs, p. 26

L'action en faveur de la biodiversité s'inscrit dans le cadre de nombreux accords internationaux, mis en oeuvre depuis la Convention internationale sur la diversité biologique (CDB) de Rio en 1992 jusqu'aux « objectifs d'Aichi » adoptés par les parties de la CDB en 2010 et qui constituaient le « plan stratégique pour la diversité biologique pour la période 2011-2020 ».

Alors que la conférence des parties signataires de la Convention sur la diversité biologique se tiendra en Chine en 2022 afin d'adapter le cadre mondial en matière de biodiversité, l'Union européenne a adopté en 2020 sa nouvelle stratégie en faveur de la biodiversité, fixant des objectifs non contraignants en matière d'aires protégées.

Dans ce contexte de mobilisation mondiale visant à enrayer l'effondrement de la biodiversité, l'une des voies d'action pour la préservation de la biodiversité repose sur la création et la gestion d'aires protégées. Cette modalité d'action est d'ailleurs reconnue par l'IPBES comme ayant permis de prévenir l'extinction de certaines espèces 3 ( * ) . L'importance de nos territoires ultramarins, répartis sur plusieurs continents, et plus largement la richesse de nos milieux naturels terrestres et maritimes, imposent à la France de déployer une politique active en matière de conservation de la biodiversité .

Le développement des aires protégées en France s'est déroulé de façon progressive 4 ( * ) , et le renforcement de notre réseau est allé de pair avec l'approfondissement des règles internationales. Au niveau européen, l'action en faveur de la protection de la biodiversité a été marquée par l'adoption de deux directives, la directive dite « Oiseaux » de 1979 5 ( * ) et la directive « Habitats-faune-flore » de 1992 6 ( * ) , fixant le cadre pour le réseau Natura 2000, qui constitue le principal instrument relatif à la biodiversité au niveau européen.

Historique des espaces protégés en France

Source : 100 chiffres expliqués sur les espaces protégées, Inventaire National du Patrimoine Naturel et Observatoire national de la biodiversité, édition 2020, chiffres de 2019

D'après la définition donnée par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), reprise par le ministère de la transition écologique, une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ».

Le rapporteur s'est ainsi intéressé aux outils associés aux aires protégées en France 7 ( * ) , dont la liste est établie dans le tableau ci-dessous :

Les différents types d'aires protégées en France

À terre

En mer, l'ensemble des aires marines protégées figurant à l'article L.334-1 du code de l'environnement

•Parcs nationaux

• Réserves naturelles

• Réserves biologiques

• Réserves nationales de chasse et de faune sauvage

• Arrêtés de protection préfectoraux (biotopes, habitats naturels, et géotopes)

• Sites du conservatoire du littoral

• Sites du conservatoire des espaces naturels (sites acquis et gérés)

• Parcs naturels régionaux

• Sites Natura 2000

• Sites RAMSAR (au titre des zones délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux)

• Biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO (au titre des zones délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux)

• Réserves de biosphère (au titre des zones délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux)

• Espaces naturels sensibles

•Parcs nationaux ayant une partie maritime

• Réserves naturelles ayant une partie maritime

• Arrêtés de protection des biotopes, des habitats naturels et des sites d'intérêt géologique ayant une partie maritime

• Parcs naturels marins

• Sites Natura 2000 ayant une partie maritime

• Parties maritimes du domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

• Zones de conservation halieutiques

• Parties maritimes des parcs naturels régionaux

• Réserves nationales de chasse et de faune sauvage ayant une partie maritime

• Aires marines protégées créées en application des réglementations de la Polynésie française, du gouvernement et des provinces de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna

• Aires marines ou ayant une partie marine délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux auxquels la France est partie

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du ministère de la transition écologique

On distingue plusieurs catégories d'aires protégées :

- des outils de protection dite « réglementaire » : ces outils visent à encadrer strictement les activités humaines ; il s'agit des réserves naturelles, qu'elles soient nationale, régionale ou de Corse, des réserves nationales de chasse et de faune sauvage, des réserves biologiques, des arrêtés de protection préfectoraux, et des réserves intégrales de parcs nationaux 8 ( * ) ;

- des outils de protection dite « contractuelle » , reposant sur des conventions passées localement : il s'agit de l'aire d'adhésion des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux, des parcs naturels marins et des sites Natura 2000 ;

- des outils de protection par la maîtrise foncière , désignant les espaces naturels sensibles (ENS), les terrains acquis par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) ou par les Conservatoires d'espaces naturels (CEN).

D'autres outils constituent des aires de protection au titre de conventions et d'engagements européens ou internationaux (réserves de biosphère, biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO ou zones protégées par la convention de RAMSAR).

Par ailleurs, la gestion de ces différents types d'aires protégées mobilise une pluralité d'acteurs , qui peuvent varier pour les mêmes outils. Les structures gestionnaires des réserves naturelles nationales peuvent par exemple être des structures associatives 9 ( * ) ou des collectivités territoriales.

Des structures gestionnaires d'aires protégées très diverses

Les structures impliquées dans la gestion des aires protégées sont de nature multiple. De manière non exhaustive, on peut citer :

- les établissements publics de parcs nationaux (pour les parcs nationaux) ;

- l'Office français de la biodiversité (pour certaines réserves naturelles nationales, les réserves de chasse et de la faune sauvage, les parcs naturels marins, des sites Natura 2000) ;

- les Conservatoires d'espaces naturels et d'autres structures associatives (sites des conservatoires, certaines réserves naturelles nationales ou régionales) ;

- les syndicats mixtes d'aménagement et de gestion de parc naturels régionaux ;

- les collectivités territoriales (pour les réserves naturelles nationales ou régionales, sites Natura 20000) organisées ou non sous forme de syndicats.

Source : commission des finances

Il existe ensuite des instances propres à chaque outil, animées par des têtes de réseau que sont les fédérations, rencontrées par le rapporteur.

Si la mission globale de support national aux aires protégées est tenue par la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), au sein du ministère de la transition écologique, l'Office français de la biodiversité (OFB) est aussi un établissement clé dans la gouvernance de nombreuses aires protégées :

- d'une part, l'OFB assure la gestion directe des parcs naturels marins , de la moitié des sites Natura 2000 en mer et de certaines réserves naturelles nationales ;

- d'autre part, l'OFB exerce une mission d'appui à la gestion pour les parcs nationaux, qui sans être gérés directement par lui, sont rattachés à l'Office.

2. Un rôle conforté et un développement à venir dans le cadre de la nouvelle stratégie pour les aires protégées à horizon 2030

Depuis une dizaine d'années, la création d'aires protégées s'est structurée, avec l'adoption de démarches stratégiques suivant une approche « milieux » : la France a ainsi adopté une stratégie de création et de gestion des aires marines protégées en 2007 (SCGAMP) 10 ( * ) , suivie d'une stratégie de création des aires protégées terrestres en 2009 (SCAP), visant notamment à ce que 2 % du territoire soit placé en protection forte d'ici 2019.

En janvier 2021, la France s'est dotée d'une nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) à horizon 2030, qui pour la première fois couvre aussi bien la métropole, les outre-mer, la terre et la mer . Cette stratégie décennale est accompagnée d'un plan d'action national triennal, le premier plan couvrant la période de 2021 à 2023. Des plans d'actions territoriaux également triennaux déclinent ensuite la stratégie à l'échelle régionale, la région exerçant une mission de « cheffe de file » en matière de biodiversité. Cette stratégie doit constituer le volet « aires protégées » de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité , en cours de révision et qui intégrera les engagements résultant de la Convention de l'ONU sur la biodiversité (COP 15), prévue en Chine en 2022.

Cette nouvelle stratégie repose sur les objectifs de protection de 30 % du territoire national, dont 10 % sous protection forte 11 ( * ) (aujourd'hui, 23,5 % du territoire national et des eaux sous juridiction est protégé, et 1,8 % sous protection forte).

Objectifs de la stratégie nationale pour les aires protégées 2030
et déclinaison par mesures

Source : stratégie nationale pour les aires protégées 2030, p. 2

Dans ce contexte, le congrès mondial de l'UICN, qui s'est tenu à Marseille du 3 au 11 septembre, a été le théâtre de nombreuses annonces, dont la création et l'extension d'aires protégées .

Principales annonces faites lors du congrès mondial de l'UICN
s'agissant des aires protégées

Le congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) s'est tenu à Marseille, du 3 au 11 septembre 2021.

Lors de la cérémonie d'ouverture du congrès, le Président de la République a appelé à renforcer l'action de protection de la nature et à rapprocher cet agenda de celui de la lutte contre le changement climatique. La France a également pris plusieurs engagements visant à accélérer cette protection, notamment en Méditerranée, et à intégrer la protection des écosystèmes aux politiques publiques, au même titre que la lutte contre le changement climatique. Les principaux engagements pris lors du congrès sont les suivants :

- 5 % des eaux françaises méditerranéennes seront placées en protection forte d'ici 2027. La France accueillera courant 2022 un sommet mondial dédié à l'océan (« one ocean summit ») en coordination avec les Nations unies ;

- afin de contribuer à l'objectif d'atteindre 30 % de protection des surfaces maritimes et terrestres d'ici 2022, dont 10 % en protection forte, une nouvelle réserve intégrale et deux nouveaux parcs naturels régionaux ont été créés ; une réserve naturelle nationale et une zone Natura 2000 ont été étendues ; une 51 ème zone humide d'importance internationale a été labellisée « Ramsar » ;

- le processus d'identification d'un douzième parc national dédié aux zones humides a été défini ;

- le renforcement en 2022 des moyens liés à la biodiversité et des effectifs des opérateurs de l'eau et de la biodiversité que sont l'Office français de la biodiversité et les agences de l'eau a été confirmé.

Source : commission des finances

B. OUTRE LEUR RÔLE FONDAMENTAL DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ, LES AIRES PROTÉGÉES GÉNÈRENT DE NOMBREUSES EXTERNALITÉS POSITIVES POUR LES TERRITOIRES

1. Ces outils peuvent être complémentaires sur un même territoire, au bénéfice d'une protection renforcée de la biodiversité

Globalement, les aires protégées produisent des résultats forts en matière de protection et même de restauration d'espèces. Par exemple, les réserves naturelles protègent 35 % des espèces menacées identifiées sur la liste rouge nationale. D'après les données communiquées par Réserves naturelles de France (RNF), l'abondance des oiseaux communs a augmenté de 12,5 % dans les réserves ces 15 dernières années (+0,9 % par an en moyenne) alors que durant le même temps, elle a baissé de 6,6 % en France hors réserves (soit -0,5 % par an).

Toutefois, le rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de la multiplicité des outils d'aires protégées et des structures gestionnaires. Celle-ci apparaît à la fois comme une source de flexibilité, car elle permet d'apporter une réponse la plus adaptée aux spécificités locales, mais aussi de complexité, que ce soit en terme de pilotage de politiques publiques ou de lisibilité pour les citoyens .

Ces différents outils peuvent ainsi s'articuler entre eux, afin de renforcer l'efficacité de la gestion et de la protection sur le territoire. Par exemple, une convention de partenariat a été signée entre RNF et les parcs nationaux en 2019 : RNF souhaite ainsi monter une ingénierie commune avec les parcs nationaux autour de la problématique du loup qui pourrait se traduire par le recrutement d'un mi-temps porté par les deux réseaux pour animer et coordonner les actions sur les réserves naturelles et les territoires de parcs nationaux.

En outre, les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux comprennent des réserves naturelles sur leur territoire : 35 % des réserves naturelles sont sur un territoire de PNR (122 des 351 réserves). Les PNR gèrent ou co-gèrent ainsi près de 40 % des réserves situées sur leur territoire.

Au total, en 2019, 5,5 % de la surface des espaces protégés terrestres l'est par plusieurs outils combinés .

Recouvrement des espaces protégés terrestres

(en %)

Source : 100 chiffres expliqués sur les espaces protégées, Inventaire National du Patrimoine Naturel et Observatoire national de la biodiversité, édition 2020, chiffres de 2019

Les réserves peuvent elles-mêmes combiner sur leur territoire différents outils de protection (sites RAMSAR, réserves de biosphère, sites du conservatoire du littoral, sites de CEN, sites Natura 2000, etc. ).

L'exemple du territoire de la Baie de Somme, où le rapporteur a effectué son déplacement, est à ce titre très parlant .

Le rapporteur a ainsi pu visiter le parc ornithologique du Marquenterre, site propriété du CELRL et géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard 12 ( * ) .

Le site était initialement une propriété privée, consacré à la culture de bulbes, puis à vocation naturaliste. La volonté d'en faire un espace touristique et protégé a conduit à sa cession au CELRL en 1986 13 ( * ) . Le site fait désormais partie de la Réserve naturelle nationale de la Baie de Somme, créée en 1994, et qui s'étend sur 3 000 hectares, également gérée par le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard . Le Syndicat anime également les deux sites Natura 2000 que comporte le territoire , « Estuaires et littoral picards » et « Marais arrière-littoraux picards ».

Au sein du parc, premier site créé en France pour l'observation des oiseaux et dont l'entrée est payante compte tenu de la présence permanente de guides nature, une boutique et un restaurant sont gérés par la régie commerciale « Destination Baie de Somme » du Syndicat mixte (dont l'emprise bâtie lui appartient). Le parc emploie environ 50 salariés de droit privé, dont une vingtaine de guides nature, et reçoit entre 150 000 et 180 000 visiteurs par an.

Le territoire de la Baie de Somme se caractérise ainsi par une forte volonté politique de préservation de ses espaces naturels et une activité touristique importante, deux enjeux importants désormais inscrits dans les projets d'aménagement de ce territoire : la création en juillet 2020 du parc naturel régional Baie de Somme Picardie Maritime complète ainsi la palette des outils d'aires protégées . Ce récent PNR est géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme 3 Vallées, également en charge du SCoT et du plan climat air énergie territorial (PCAET).

Les interlocuteurs rencontrés en Baie de Somme par le rapporteur témoignent d'une volonté de structurer les flux touristiques (notamment en développant les mobilités douces) afin de pérenniser la qualité paysagère du grand estuaire, tout en favorisant le développement économique du territoire.

2. Les aires protégées génèrent de nombreuses externalités positives, pour les territoires et l'économie

Comme l'a rappelé le vice-président de France Nature Environnement en charge des questions de biodiversité, il n'existe pas aujourd'hui de définition du « bénéfice » rapporté à la gestion de la nature . Cela ne signifie pas que le bon état des espèces et des milieux n'ait pas aussi une dimension économique pour la société 14 ( * ) (on parle de services écosystémiques), mais ils ne sont pas comptabilisés. Si l'on peut donc difficilement parler de « rentabilité » d'une aire protégée, force est de constater que ces espaces génèrent de nombreuses externalités positives, pour les territoires et l'économie.

Le rapporteur a ainsi pu constater lors de son déplacement que les nombreux outils existants ne constituent pas une « mise sous cloche », mais ont vocation à s'ancrer dans un territoire et à organiser la protection avec les activités humaines et le développement économique.

Les aires protégées sont ainsi le vecteur d'écotourisme, d'attractivité des territoires et proposent des emplois non délocalisables . Elles concourent pour certaines aux objectifs de nombreuses autres politiques, telles que le développement rural, l'éducation, ou encore l'intégration sociale. C'est notamment le cas des PNR, dont les missions dépassent l'enjeu de la protection de la biodiversité 15 ( * ) . Ils ont vocation à construire des outils d'aménagement et d'attractivité du territoire, tant en matière d'urbanisme, de gestion du foncier 16 ( * ) que de développement économique ou de services touristiques durables : leurs nombreux apports à l'aménagement et au développement durable des territoires ont été mis en exergue par un rapport récent du CESE 17 ( * ) .

De même, l'investissement dans la protection des milieux participe d'une nouvelle création de richesse à moyen terme, qui vient soutenir les activités économiques , en produisant des effets sur le renouvellement de la ressource. Une récente étude internationale a ainsi démontré que la mise en place d'aires marines protégées avec des règles strictes en matière d'activités favorise la reconstitution de populations de poissons, participant d'un renouvellement de la ressource bénéfique pour les pêcheurs 18 ( * ) . La limitation de pratiques dommageables à l'environnement au sein d'aires protégées (telle la surpêche ou les pêches destructrices comme le chalutage de fond consistant à traîner un filet raclant le plancher océanique, ce qui conduit à libérer du carbone séquestré), si elle constitue une perte de rentabilité à court terme, contribue à un retour des espèces trois à quatre ans après l'instauration d'une protection 19 ( * ) .

II. UN FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES TRÈS ÉCLATÉ, MOBILISANT UNE PLURALITÉ D'ACTEURS PRINCIPALEMENT PUBLICS

A. UNE DIMINUTION DE LA PART DU BUDGET GÉNÉRAL DE L'ÉTAT DANS LE FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES, QUI MOBILISE ÉGALEMENT DE NOMBREUX OPÉRATEURS

1. Une baisse de la part du budget général de l'État dans le financement des aires protégées, et une montée en charge de l'OFB, financé majoritairement par les redevances affectées aux agences de l'eau

Le financement de la politique de la biodiversité a été profondément remanié par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018. Les principales subventions pour charges de service public du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » consacrées aux opérateurs de la biodiversité (l'Agence française pour la biodiversité, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et les Parcs nationaux) ont été supprimées, pour un montant de près de 136 millions d'euros. La contribution annuelle versée par les agences de l'eau à l'Agence française pour la biodiversité a été remplacée par une contribution annuelle au financement des opérateurs de la biodiversité 20 ( * ) plus importante . L'article 137 de la loi de finances a également instauré un financement de l'OFB en faveur des parcs nationaux, sous forme de contribution annuelle aux ressources budgétaires des parcs .

La suppression des subventions pour charge de service public versées par le programme 113 aux opérateurs de la biodiversité traduisait un certain désengagement de l'État du financement de la politique de la biodiversité, et marquait un transfert de ce financement à l'OFB , opérateur lui-même majoritairement financé par les contributions des agences de l'eau.

L'OFB est gestionnaire et co-gestionnaire d'aires protégées : il assure la gestion des 9 parcs naturels marins français, qu'il finance, de 113 sites Natura 2000 et de 30 réserves naturelles. Les 11 parcs nationaux de France font également l'objet d'un rattachement juridique à l'OFB. L'OFB engage ainsi en moyenne 87,5 millions d'euros par an pour les aires protégées, dont 67,5 millions d'euros de contribution aux 11 parcs nationaux et 20 millions d'euros aux parcs naturels marins .

Le tableau suivant illustre la baisse du financement des aires protégées par l'État depuis 2016, et la montée en charge du financement consacré par l'OFB .

Évolution des ressources nationales consacrées aux aires protégées
par type de ressources depuis 2016

Source : réponses au questionnaire de la direction de l'eau et de la biodiversité

Toutefois, malgré cette bascule du financement d'une partie des aires protégées initialement financées par l'État vers l'OFB, les crédits alloués par le budget général de l'État à cette politique, portés par le programme 113, ont augmenté de 14,4 millions d'euros depuis 2018 (+25 %) - ils ont diminué de 50 millions d'euros par rapport à 2017 (-40 %).

En 2021, les réserves naturelles nationales ont en effet bénéficié d'une augmentation de 6 millions d'euros de la dotation qui leur est versée par l'État : 2 millions d'euros sont destinés aux revalorisations salariales dans les dotations de fonctionnement, gelées depuis 2012, 3 millions d'euros sont alloués à des fonds dédiés à l'éducation et 1 million d'euros sont consacrés aux projets d'extension et de création de réserves naturelles nationales prévus dans le « plan Biodiversité ».

Évolution des crédits de l'État consacrés aux aires protégées depuis 2016

(en euros)

Source : réponses au questionnaire de la direction de l'eau et de la biodiversité

2. Un effort budgétaire de l'État en faveur des aires protégées dans le cadre du plan de relance

Le plan de relance comporte un programme consacré à l'écologie, doté de 6,6 milliards d'euros alloués à des mesures en faveur de l'environnement et de l'économie verte. L'une des actions de ce programme recouvre les activités en faveur de la reconquête de la biodiversité sur les territoires et de la lutte contre l'artificialisation des sols.

60 millions d'euros sont ainsi alloués à la réalisation d'opérations de restauration et d'infrastructures dans les aires protégées , dont le calendrier d'engagements prévisionnel est détaillé dans le tableau ci-dessous.

Crédits alloués aux aires protégées

« Plan de relance »

(en euros)

Source : réponses au questionnaire de la direction de l'eau et de la biodiversité

D'après le ministère de la transition écologique, « les crédits du plan de relance relatifs aux aires protégées visent à financer des actions ponctuelles ayant un impact positif immédiat sur l'économie locale » . L'idée d'une complémentarité entre les crédits alloués dans le cadre du plan de relance et les crédits prévus sur le programme 113 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est ainsi avancée, les crédits budgétaires réguliers apportant le financement « régulier » des structures.

Dans certains cas, la frontière entre crédits réguliers et soutien ponctuel peut apparaître poreuse : par exemple, la rénovation du patrimoine bâti des parcs nationaux accueillant du public peut être financée aussi bien par le plan de relance que par des crédits d'investissement versés depuis le programme 113. Dans ce cas, la direction de l'eau et la biodiversité a posé le principe d'une absence de cofinancement par le plan de relance et le programme 113 afin d'éviter le risque de double financement .

Ainsi, 19 millions d'euros seraient alloués aux parcs nationaux d'ici 2023, suivant une répartition égale par parc, soit 1,7 million d'euros par parc. Environ 80 projets ont été sélectionnés pour contribuer aux missions des parcs, telles la protection, la connaissance, ou l'éducation à l'environnement, mais aussi pour avoir un effet fort et immédiat sur l'économie des territoires de parcs nationaux . Quelques exemples de projets financés ont été évoqués par plusieurs dirigeants de parcs nationaux, auditionnés par le rapporteur : rénovation de refuge (parcs nationaux des Pyrénées, de la Vanoise et du Mercantour), restauration de bâtiments pour en faire des lieux d'accueil (parcs nationaux de la Réunion et de Port-Cros), restauration d'espaces naturels (parcs nationaux de la Réunion et des Calanques), projets de requalification des entrées de site en coeur de parc du Mercantour, notamment après les dégâts de la tempête Alex, etc.

L'Office français de la biodiversité (OFB) bénéficie de 19 millions d'euros de crédits supplémentaires dans le cadre du plan de relance, la majorité étant destinée aux parcs naturels marins.

Les services déconcentrés disposent de 22 millions d'euros de crédits, principalement destinés au soutien à l'investissement des réserves naturelles (rénovation ou construction d'infrastructures favorables à l'écotourisme et à l'éducation à l'environnement, amélioration de l'accès au public, etc). Par exemple, la région des Hauts-de-France, où le rapporteur a effectué son déplacement, a bénéficié de 1 million d'euros destinés au soutien aux aires protégées.

B. UN FINANCEMENT GLOBALEMENT ÉCLATÉ, MOBILISANT PLUSIEURS OPÉRATEURS DE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Plusieurs opérateurs de l'État participent également au financement des aires protégées
a) Les agences de l'eau : une mission élargie relative au financement des interventions en faveur de la biodiversité et des milieux marins par la loi « biodiversité » de 2016

Si les agences de l'eau contribuent au financement des aires protégées, le suivi budgétaire mis en place au sein des agences ne permet pas de suivre finement le budget qu'elles consacrent aux aires protégées. Les aides apportées par les agences ne sont en effet pas distribuées en fonction du statut de la zone bénéficiaire mais en fonction des investissements proposés et des objectifs de gestion.

D'après les réponses du ministère de la transition écologique, les agences de l'eau envisagent d'engager 153,5 millions d'euros sur la période 2019-2024 concernant les aires protégées au titre de leurs onzièmes programmes d'intervention, soit en moyenne 25,6 millions d'euros par an sur les aires protégées .

Les financements des agences sont en général « décroisés » des financements de l'État versés par les DREAL à partir du budget opérationnel du programme 113 : par exemple, dans les Hauts-de-France, s'agissant des réserves naturelles nationales, l'État apporte des crédits dédiés à l'animation, tandis que l'agence de l'eau soutient les travaux.

L'agence de l'eau Artois-Picardie a également indiqué au rapporteur conclure des programmes concertés pour l'eau (PCE) : il s'agit d'un document de programmation triennal des études et travaux prévus par les différents gestionnaires bénéficiaires de soutien, révisé chaque année. L'agence a ainsi conclu des PCE avec les Parcs naturels régionaux de la région, le syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, les départements, le CELRL, les CEN ou encore des associations.

Depuis la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les agences de l'eau ont vu leur mission élargie au financement des interventions en faveur de la biodiversité, au-delà des seuls milieux aquatiques qu'elles finançaient auparavant. Certaines fédérations de structures gestionnaires ont toutefois pu indiquer rencontrer des difficultés à mobiliser des financements des agences de l'eau sur le volet terrestre .

Si l'agence de l'eau Artois-Picardie a intégré un volet biodiversité terrestre à son 11 ème programme d'intervention, depuis 2019, il n'en est en effet pas de même pour toutes les autres agences - par exemple, l'agence de l'eau Seine-Normandie ne finance pas les milieux terrestres non humides. Ainsi, le programme d'intervention de l'agence de l'eau Artois-Picardie prévoit l'attribution d'aides en faveur par exemple de l'élaboration de plan de gestion et d'études, d'acquisition foncière, de travaux de restauration ou d'entretien. Elle a apporté plusieurs millions d'euros d'aides aux structures gestionnaires de milieux naturels « secs » ou humides en 2019 et 2020 - mais comme indiqué précédemment il ne faut pas en déduire qu'il s'agit de financements apportés sur des aires protégées 21 ( * ) .

Toutefois, le bilan du 11 ème programme à mi-parcours a conduit à une révision de ce dernier pour l'agence, compte tenu d'une situation budgétaire difficilement soutenable : ainsi, les aides dédiées à l'entretien des milieux ont diminué, sauf pour les structures ne bénéficiant pas de taxe affectée tels les Conservatoires d'espaces naturels (elles ont donc baissé pour les EPCI ayant la possibilité de lever une taxe « GEMAPI » pour financer ce type de travaux par exemple). La priorité a également été donnée aux travaux de restauration, au détriment des travaux d'entretien.

Enfin, en termes d'échanges avec les structures gestionnaires d'aires protégées, l'agence de l'eau Artois-Picardie a indiqué au rapporteur que la capacité à entretenir des relations quotidiennes est limitée par le manque de moyens humains : à peine plus d'1 ETP est dédié à l'expertise sur la biodiversité et les zones humides.

b) L'ONF consacre entre 30 et 40 millions d'euros aux aires protégées

L'Office national des forêts (ONF) est gestionnaire de 257 réserves biologiques . Ces réserves constituent un outil de gestion spécifique et de protection règlementaire renforcée permettant de protéger les espèces et les habitats remarquables ou représentatifs des forêts publiques. Il s'agit d'un statut de protection spécifique aux forêts de l'État (domaniales) et aux forêts des collectivités . On distingue deux types de réserves biologiques :

- les réserves biologiques dirigées , qui ont pour objectif de gérer et conserver des habitats ou des espèces remarquables ;

- les réserves biologiques intégrales , qui sont consacrées à la libre évolution des milieux forestiers et des milieux associés.

En outre, des actions spécifiques sont déployées pour la gestion lorsqu'elle concerne une aire protégée , en lien avec les politiques publiques dédiées à la biodiversité : c'est dans ce cadre qu'intervient la mission d'intérêt général (MIG) biodiversité. En effet, 40 % des surfaces de forêts domaniales sont situées dans des espaces à protection contractuelle (PNR et Natura 2000) et 7 % des surfaces de ces mêmes forêts sont situées dans des espaces à protection forte, comme les parcs nationaux ou les réserves.

Ainsi, l'ONF indique consacrer au titre d'actions spécifiques pour la biodiversité, emblématiques des aires protégées, entre 30 et 40 millions d'euros par an, soit 4 à 5 % de son budget total 22 ( * ) .

c) Le CELRL mène une politique foncière visant notamment la préservation des sites naturels

Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) est un établissement public administratif créé en 1975 dont la mission est d'acquérir des parcelles du littoral menacées par l'urbanisation ou dégradées pour en faire des sites restaurés, aménagés dans le respect des équilibres naturels. Il poursuit l'objectif de protéger le tiers naturel du littoral à l'horizon 2050.

Le principal moyen d'actions du CELRL pour exercer ses missions fixées par l'article L. 322-1 du code de l'environnement 23 ( * ) est l'acquisition , qui peut intervenir à l'amiable, par préemption, par expropriation, par affectation de terrains de l'État (dont le domaine public maritime) et par dons. Une fois les terrains acquis et remis en état, et dès lors qu'ils ont atteint une masse critique, ils deviennent des sites opérationnels en étant mis en gestion (auprès prioritairement des collectivités, qui représentent 80 % des gestionnaires environ). C'est le cas du parc du Marquenterre, visité par le rapporteur, propriété du CELRL et géré par le syndicat mixte Baie de Somme-Grand Littoral Picard. Cette mise en gestion s'articule autour d'un plan de gestion agréé entre le Conservatoire et le gestionnaire, traitant des différentes dimensions de l'action du Conservatoire (la protection de la biodiversité, du patrimoine paysager et bâti, l'adaptation au changement climatique, ...).

Le fonctionnement des sites est alors pris en charge par le gestionnaire tandis que le Conservatoire continue d'assurer la mission de propriétaire , et notamment de maître d'ouvrage des travaux.

Ainsi, le Conservatoire du littoral est un acteur clé de la nouvelle stratégie nationale des aires protégées (SNAP), dès lors que la protection foncière est désormais reconnue comme une alternative à la réglementation s'agissant des critères établissant la protection forte.

La ressource principale du CELRL est une taxe affectée, le droit annuel de francisation des navires (DAFN) pour 37,5 millions d'euros (correspondant à 38,5 millions d'euros bruts en loi de finances). Elle représente 73 % des recettes.

Sur un total de dépenses de 51,7 millions d'euros en 2020, le CELRL consacre 17,2 millions d'euros à sa politique d'interventions foncières et 19,5 millions d'euros à sa mission de propriétaire , soit près de 73 % de son budget (ces missions ne concernent toutefois pas exclusivement les aires protégées, dans la mesure où les missions du CELRL sont plus larges et concernent également la sauvegarde du littoral).

Au total, on peut estimer à entre 230 et 250 millions d'euros environ les crédits alloués par l'État et ses opérateurs en 2021 aux aires protégées.

2. Une participation importante des collectivités territoriales au financement des aires protégées, mais dont le montant global n'est pas chiffré

Le rapporteur n'a pu disposer d'aucune donnée récente sur les moyens alloués par les départements et les régions au financement des aires protégées.

Une récente étude 24 ( * ) indique toutefois qu'en 2018, les collectivités locales (y compris donc les communes et EPCI) ont versé 345 millions d'euros en faveur de la gestion des aires protégées. Toutefois, elles reçoivent également des aides de la part de l'État et de ses opérateurs, de sorte que le montant alloué aux aires protégées à partir de leurs ressources propres n'est pas connu précisément.

a) La politique « Espaces naturels sensibles » des départements est financée par la part départementale de la taxe d'aménagement

La politique « Espaces naturels sensibles » (ENS), qui relève de la compétence des départements, est financée par une part de la taxe d'aménagement , assise sur les autorisations d'urbanisme pour compenser l'artificialisation des sols.

Cette politique d'ENS, créée en 1959, a connu une traduction législative dans l'article 65 de la loi de finances n° 60-1384 du 23 décembre 1960, qui instaure dans des « périmètres sensibles » un droit de préemption au profit des départements accompagné d'une redevance départementale d'espaces verts devant permettre de financer les dépenses des départements pour l'acquisition de terrains par voie amiable, par expropriation ou par exercice du droit de préemption. La loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme étend le champ d'utilisation de la taxe à la protection et à l'entretien de ces espaces naturels, mais limite cette politique à une liste de départements fixée par décret.

Tous les départements ont aujourd'hui la possibilité de mettre en place cette politique de protection, de gestion et d'ouverture au public d'ENS, depuis la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement. Cette politique permet de financer à la fois les actions d'acquisition, d'aménagement et de gestion d'espaces naturels « remarquables » qui peuvent être ouverts au public (sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel) et de limiter l'étalement urbain en finançant des actions pour préserver d'autres types d'espaces naturels.

En 2006, l'Assemblée des départements de France a par ailleurs élaboré une Charte départementale des ENS à laquelle les départements peuvent adhérer, afin d'harmoniser les politiques ENS des départements et d'inciter à la définition de schémas départementaux ENS.

Pour sa mise en oeuvre, qui reste facultative, les départements disposent de plusieurs leviers juridiques (par exemple, la création de zones de préemption), mais également d'une recette fiscale dédiée, la part départementale de la taxe d'aménagement. Le conseil départemental peut en effet décider, sur délibération, d'instaurer une part départementale de la taxe d'aménagement, dont le taux ne peut excéder 2,5 % 25 ( * ) . Cette taxe permet de financer les actions en faveur des ENS et participe au financement de la protection de la ressource en eau et des continuités écologiques .

D'après les données de la revue de dépenses réalisée en 2017 sur les ENS et les PNR 26 ( * ) , le montant de la part départementale de la taxe d'aménagement liquidée en 2015 s'élevait à 434 millions d'euros . Toutefois, le même rapport indiquait que seuls 271 millions d'euros étaient affectés en 2015 à la politique ENS, soit en moyenne environ 3,9 millions d'euros par département.

Il s'agit d'une recette relativement fluctuante et sensible à la conjoncture économique, dès lors qu'elle repose sur les autorisations d'urbanisme : la revue de dépenses de 2017 relevait le manque de visibilité sur les montants attendus de la taxe, qui limitait la capacité des départements à préparer la budgétisation de leur politique ENS.

La liste des actions pouvant être financées par la part départementale de la taxe d'aménagement est limitativement énumérée à l'article L. 331-3 du code de l'urbanisme. Les départements peuvent ainsi eux-mêmes acquérir des espaces répondant aux objectifs de la politique ENS , et verser des subventions à des tiers (communes, intercommunalités, Conservatoire du littoral) poursuivant le même objectif . Ils peuvent aussi accorder des subventions à des partenaires publics et privés dans le cadre de partenariats pour la gestion des sites. En outre, elle permet aux départements de contribuer au financement des autres espaces protégés, et notamment à l'acquisition, la gestion et l'entretien des sites intégrés au réseau Natura 2000 et des territoires classés en réserve naturelle .

Ces dépenses sont inscrites en section de fonctionnement du budget des départements, mais peuvent permettre de réaliser des dépenses de fonctionnement ou d'investissement, voire même des dépenses d'animation.

b) Une contribution des régions au financement des aires protégées non chiffrée, alors même qu'elles jouent un rôle important en la matière compte tenu de leur rôle de cheffes de file en matière de biodiversité

« Cheffes de file » dans le domaine de la biodiversité, les régions organisent l'action commune des collectivités territoriales en faveur de la préservation et de la restauration de la biodiversité. Elles participent également au financement des PNR, des réserves naturelles régionales, ou encore de sites CELRL. Elles doivent en outre être associées par l'État pour les déclinaisons régionales de la SNAP. Contrairement aux départements, elles ne bénéficient toutefois pas de ressource spécifique pour le financement de la biodiversité et donc des aires protégées.

Dans ce contexte, le rapporteur s'est interrogé sur la capacité des régions à s'emparer de leur rôle en matière de biodiversité, à mener une politique ambitieuse et structurante sur leur territoire et à mobiliser des moyens financiers sur la durée en la matière.

L'Association des régions de France n'a cependant pas répondu aux sollicitations du rapporteur et n'a pas souhaité communiquer de chiffres s'agissant des moyens financiers engagés par les régions pour la politique de la biodiversité .

Le rapporteur a néanmoins pu échanger au cours de son déplacement en Baie de Somme avec la directrice de la biodiversité du Conseil régional des Hauts-de-France, ainsi que la cheffe de projet en charge des parcs naturels régionaux, rattachée à la direction de l'aménagement du territoire. L'orientation de la politique régionale des Hauts-de-France en matière de biodiversité est ainsi marquée par une mission non seulement sur les aires protégées consistant à accompagner le CEN, son principal partenaire en matière de gestion des aires, et à financer les RNR existantes, mais également sur les espaces naturels « ordinaires », compte tenu notamment de l'importance de l'agriculture, qui représente 70 % du territoire. La région Hauts-de-France ne souhaite pas augmenter le nombre de ses réserves naturelles régionales, et n'a pas pour priorité l'appui à l'acquisition foncière.

En 2022, la région allouerait une enveloppe d'environ 6,4 millions d'euros aux cinq PNR situés sur son territoire 27 ( * ) (en fonctionnement, investissement et participations statutaires) , ce qui représente entre 50 et 65 % du budget annuel des parcs.

Sur les 31 réserves naturelles régionales des Hauts-de-France, 24 sont gérées par le CEN, 5 par les PNR et 2 par un syndicat mixte, Eden 62 (financé très majoritairement par la taxe d'aménagement collectée par le département du Pas-de-Calais). La région ne finance pas directement les réserves, mais apporte un financement au CEN à hauteur de 188 000 euros en fonctionnement, soit 46 % du budget de fonctionnement consacré à la gestion de ces réserves. La région ne participe pas au financement des réserves naturelles nationales présentes sur son territoire.

Au total, le budget « aires protégées » de la région représente environ 1,8 million d'euros par an, hors budget PNR. L'État consacre quant à lui 2,5 millions d'euros par an dans la région à cette politique.

Pour la période 2014-2021, la région a également alloué les fonds européens, à hauteur de 9,77 millions d'euros de subventions FEDER sur l'ensemble de la région (au CEN, aux départements, PNR et syndicats mixtes principalement), et de 9,1 millions d'euros pour le FEADER .

Les interlocuteurs rencontrés par le rapporteur ont également fait part de leur inquiétude quant à la décentralisation prochaine de la politique Natura 2000. Cette politique est principalement financée par les fonds européens dans la région. Or, le transfert de la responsabilité d'instruction des contrats Natura 2000 ne s'accompagnerait pas de ressources supplémentaires pour les régions, dans un contexte de montée en puissance de la politique Natura 2000 (cf. infra) .

3. Une faible visibilité sur les différentes sources de financement des aires protégées

Sans détenir un rôle de pilotage, l'Office français de la biodiversité héberge un forum d'expression collective des aires protégées, la conférence des aires protégées , qui rassemble les grands réseaux nationaux d'aires protégées 28 ( * ) .

Au niveau régional, des gouvernances spécifiques peuvent être mises en place : par exemple, dans les Hauts-de-France, une gouvernance régionale pour la biodiversité (GREB, préfiguratrice d'une Agence régionale pour la biodiversité) a été mise en place, réunissant la DREAL, le conseil régional, l'OFB, les deux agences de l'eau. Cette organisation offre un lieu de coordination permettant de partager les logiques et stratégies de soutien financier. Toutefois , la visibilité sur les différentes sources de financement par type d'outil n'est pas toujours optimale, et il reste difficile pour un financeur, y compris pour l'État, de disposer d'une vision complète des financements accordés, par exemple par type de soutien, qu'il s'agisse de l'acquisition foncière, de la gestion ou de l'entretien des aires protégées .

Le financement des aires protégées est ainsi difficile à consolider par nature, car il dépend des sources de financement des structures gestionnaires, qui peuvent varier pour une même aire protégée : une réserve peut être gérée par un parc national, une collectivité ou une association, mobilisant pour chacun des financements différents. S'y ajoutent en outre des financements non dédiés spécifiquement aux aires protégées comme ceux de la politique agricole commune ou les fonds européens, qui concourent aux objectifs des aires protégées.

L'examen des moyens alloués à un type d'outil d'aire protégée est donc complexe, et il en ressort un manque de lisibilité des moyens globaux alloués aux aires protégées .

Moyens alloués à la gestion des aires protégées

Le rapporteur ne se hasardera pas à chiffrer le budget annuel alloué à la gestion des aires protégées.

Une récente étude 29 ( * ) peut toutefois être citée, indiquant qu'en 2018, la dépense nationale en faveur de la gestion des aires protégées a atteint 623 millions d'euros. Toutefois, certaines dépenses engagées par les structures gestionnaires n'ont pas été comptabilisées comme des dépenses en faveur des aires protégées : c'est le cas par exemple des dépenses affectées par les établissements publics de parcs nationaux aux activités de développement de la connaissance en faveur de la biodiversité.

Source : commission des finances

Cartographie des différents financeurs potentiels d'aires protégées

*les agences de l'eau, participant indirectement au financement des parcs nationaux via la contribution versée à l'OFB, n'apportent pas de financement direct aux parcs nationaux. De même, tous les opérateurs ne participent pas au financement de tous types d'aires protégées (exemple : l'ONF).

** certaines taxes sont également affectées et ne figurent pas sur le schéma, comme la part départementale de la taxe d'aménagement, allouée par les départements au financement des espaces naturels sensibles ; la taxe « Barnier » est également affectée à certains espaces protégées (taxe collectée sur les passagers maritimes embarqués à destination d'espaces naturels protégés et reversée aux gestionnaires concernés). Le CELRL est également financé via l'affectation plafonnée du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN).

DEUXIÈME PARTIE
ALORS QUE LE FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES RESTE MARQUÉ PAR UNE GRANDE COMPLEXITÉ, LA QUESTION DES BESOINS HUMAINS ET FINANCIERS NÉCESSAIRES POUR RÉPONDRE AUX OBJECTIFS DE LA NOUVELLE STRATÉGIE N'EST AUJOURD'HUI
PAS ENCORE TRANCHÉE

I. DES MODES DE FINANCEMENT VARIABLES SELON LES OUTILS DE PROTECTION

A. S'ILS RESTENT DÉPENDANTS DES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT, LES OUTILS DE PROTECTION RÉGLEMENTAIRE INTÈGRENT UNE PART CROISSANTE DE FINANCEMENTS SUR PROJET

1. Les parcs nationaux, majoritairement financés par l'OFB, présentent une dynamique importante de recherche de financements sur projet

La direction de l'eau et de la biodiversité assure la tutelle stratégique et budgétaire des établissements publics de parcs nationaux (préparation du contrat d'objectifs et de performance, notification des crédits et emplois, notification des lettres d'objectifs des dirigeants, recrutement des dirigeants, préparation des conseils d'administration, organisation des dialogues annuels de gestion, suivi et analyse des états budgétaires et documents obligatoires).

Toutefois, depuis le 1 er janvier 2018, l'OFB finance les parcs nationaux via une contribution annuelle aux ressources budgétaires des parcs , fixée entre 61 et 65 millions d'euros. Cette fourchette a été modifiée par l'article 81 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, pour être désormais comprise entre 63 et 68,5 millions d'euros.

Cette dotation est destinée à financer les dépenses de structure des établissements publics. En 2020, elle a augmenté de 3,2 millions d'euros, afin :

- d'une part de revaloriser les dotations des 10 parcs et de compenser la hausse des dépenses de masse salariale liée à la mise en oeuvre des mesures générales (PPCR) et catégorielles automatiques ;

- d'autre part, d'allouer 1,5 million d'euros au parc national des Forêts créé en novembre 2019.

La contribution de l'OFB s'élève en 2021 à 67,5 millions d'euros.

Cette nouvelle modalité de financement apparaît adaptée car elle sécurise les ressources des parcs : le versement de dotation depuis les BOP du programme 113 imposait en effet des gels ainsi que l'examen en cours d'exercice de la trésorerie prévisionnelle libre d'emploi, ce qui a pu pénaliser par le passé les établissements.

L'État poursuit toutefois un financement des parcs nationaux via le programme 113, en attribuant des dotations en fonds propres afin de cofinancer les dépenses d'investissement. Cette enveloppe atteint 4,5 millions d'euros en 2021. Elle couvre les besoins en investissement courant (informatique, équipements de surveillance) et en investissement structurel (opérations relatives aux bâtiments et foncier). Ces dernières opérations sont très conséquentes rapportées à la taille des établissements publics de parcs nationaux et dépassent leurs capacités d'autofinancement 30 ( * ) .

Enfin, les parcs sont bénéficiaires de subventions ponctuelles versées par l'État, via différents programmes budgétaires 31 ( * ) . Le programme 113 peut également verser des subventions exceptionnelles de fonctionnement pour pallier les difficultés rencontrées par certains parcs : par exemple en 2019 et 2020, 891 480 euros ont été alloués au parc national des Pyrénées dont la situation financière dégradée présentait un risque de rupture de trésorerie 32 ( * ) .

Au total, la contribution de l'OFB et les subventions de l'État représentent 88 % des ressources des parcs .

Origine du financement des parcs nationaux en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire des parcs nationaux

Les parcs nationaux bénéficient également d'autres financements publics « sur projet », qui représentent 6 % de leurs ressources et recouvrent notamment les subventions des collectivités territoriales ou de l'Union Européenne. Ainsi, le financement des parcs nationaux provient à 95 % de ressources publiques.

Les parcs nationaux littoraux bénéficient également de l'affectation de la « taxe Barnier » , qui représente 1 % de leurs ressources : les parcs nationaux des Calanques, de Guadeloupe et de Port-Cros perçoivent le produit de cette taxe collectée sur les passagers maritimes embarqués à destination d'espaces naturels protégés et reversée aux gestionnaires des espaces protégés concernés 33 ( * ) .

Enfin, les recettes propres représentent 4 % de leurs ressources , et sont constituées de la vente du patrimoine immobilier, de la vente de produits dérivés des parcs et des prestations à destination de personnes privées ou publiques (y compris l'État). Elle inclut aussi les droits portuaires pour le parc de Port-Cros, les bénéfices des délégations de service public (il s'agit des refuges en Vanoise pour un montant faible) et les mécénats.

Si la part des ressources publiques augmente depuis 2016, les financements publics sur projet (collectivités territoriales, fonds européens, agences de l'eau) ont augmenté de 195 % entre 2016 et 2020, ce qui témoigne d'un vrai dynamisme dans leur recherche . Les parcs ont en effet acquis des compétences d'ingénierie financière qui leur ont permis de réels succès dans les appels à projets.

Origine des financements des parcs nationaux et évolution depuis 2016

(en euros)

Source : réponses au questionnaire des parcs nationaux

2. Les modalités de financement des réserves naturelles varient selon le type de réserve

Le réseau des Réserves Naturelles se compose aujourd'hui de 351 réserves naturelles 34 ( * ) , dont 166 Réserves Naturelles Nationales (RNN), classées par l'État, 178 Réserves Naturelles Régionales (RNR), classées par les régions et 7 Réserves Naturelles de Corse (RNC), classées par la collectivité de Corse.

Sur un budget global de 47,4 millions d'euros pour 351 réserves, 32,7 millions d'euros sont consacrés en 2017 aux réserves nationales .

Le « corps budgétaire » des réserves varie selon qu'il s'agit d'une réserve nationale ou régionale : respectivement, il comprend les dotations de l'État et les subventions des collectivités. Ces ressources sont complétées par des financements sur projets (UE, OFB, agences de l'eau, etc. ).

Origine du financement des réserves naturelles nationales (gauche)
et régionales (droite) en 2017

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de réserves naturelles de France

S'agissant des réserves nationales, la dotation de l'État ayant été « gelée » durant plusieurs années, les gestionnaires ont été contraints de diversifier leurs sources de financement : « seulement » 55 % des financements proviennent de l'État, 45 % des financements découlant donc de financements sur projet. La part des financements provenant des collectivités a augmenté de 7 % entre 2013 et 2017.

S'agissant des réserves régionales, dont le budget global est de 9,3 millions d'euros (et 2,5 millions d'euros pour les réserves corses), le financement des régions diminue sur la même période de 7 %, tandis que la part des autres collectivités a augmenté de 6 %. L'autofinancement a quant à lui augmenté de 7 %.

B. LES OUTILS CONTRACTUELS : LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, DES FINANCEURS INCONTOURNABLES

1. Les parcs naturels régionaux, gérés par des syndicats mixtes, dépendent fortement des contributions statutaires de leurs membres mais densifient leurs financements sur projet

Les PNR constituent une politique mise en oeuvre par les régions. En effet, la décision de lancement de la procédure de classement d'un territoire en PNR ou de renouvellement de classement revient au conseil régional, qui prescrit l'élaboration de la charte ou sa révision 35 ( * ) . Il détermine également les modalités d'association des collectivités territoriales sur le territoire et des autres partenaires.

Carte des 58 PNR en septembre 2021

Source : Fédération des PNR de France

Les PNR sont gérés par des syndicats mixtes regroupant des collectivités sur un territoire rural . Ils peuvent élaborer librement leurs statuts et bénéficier du transfert de certaines compétences par les communes et EPCI adhérents.

En tant que « territoire de projet », les PNR sont libres de mettre en place leur politique suivant les spécificités du territoire et dans le cadre des missions qui leur sont confiées par la loi. Leur périmètre d'action dépasse le cadre environnemental, et intègre d'autres problématiques faisant des PNR des acteurs majeurs en termes d'aménagement du territoire. Aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement, les PNR « concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. À cette fin, ils ont vocation à être des territoires d'expérimentation locale pour l'innovation au service du développement durable des territoires ruraux . Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel ».

Les PNR sont financés par des cotisations statutaires versées par leurs membres (qui financent les dépenses de fonctionnement), ainsi que par des financements sur projet ou dans le cadre de conventions .

D'après les dernières données à jour communiquées par la fédération des PNR, en 2017, les recettes de fonctionnement représentent un volume de 150 millions d'euros , ce qui représente environ 2,9 millions d'euros par PNR (en 2017, on dénombrait 51 PNR).

Répartition des recettes de fonctionnement des PNR en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données communiquées par la fédération des PNR

Provenance des recettes de fonctionnement des PNR en 2017

Source : commission des finances d'après les données communiquées par la fédération des PNR

Les recettes issues de cotisations statutaires représentent environ 65 % des recettes de fonctionnement 36 ( * ) , tandis que les recettes sur opérations représentent environ 30 % de ces recettes : cette structure de recettes, dépendant largement des contributions statutaires de leurs membres, rend donc les PNR très sensibles à la contrainte budgétaire des collectivités 37 ( * ) .

Les ressources propres (issues de rémunérations de prestations ou de redevances) représentent 12 % des recettes de fonctionnement. La revue de dépenses de 2017 indiquait que la part des ressources propres dans le financement des parcs progresse mais reste modeste , rapportée à l'ensemble des ressources.

2. Natura 2000, une politique européenne qui se superpose à d'autres statuts de protection et dont la décentralisation partielle aux régions en 2023 suscite des inquiétudes

Natura 2000 constitue le principal dispositif de l'Union européenne en faveur de la biodiversité . Son objectif est de garantir la conservation de la faune et la flore sauvages sur la base de listes d'espèces et d'habitats définies au niveau communautaire par les annexes de la directive « Oiseaux » et de la directive « Habitats - Faune - Flore ».

Dans le cadre de ces deux directives, chaque État membre désigne un réseau fonctionnel de sites et définit les mesures de gestion qui doivent concourir à maintenir ou restaurer dans un bon état de conservation les habitats et espèces d'intérêt communautaire présents sur son territoire . En France, en 2020, 1 775 sites couvrent 12,9 % du territoire métropolitain terrestre et 33 % de la surface marine de la zone économique exclusive.

La gestion des sites Natura 2000 repose sur trois outils principaux :

- l'élaboration d'un plan de gestion pour chaque site Natura 2000, dénommé « document d'objectifs » ou « docob », par un comité de pilotage auquel participent les élus, qui assure également le suivi de sa mise en oeuvre. Ce document regroupe les enjeux de conservation du site et définit les orientations de gestion, les actions à mettre en oeuvre ainsi que les dispositions financières à mobiliser (plus de 90 % des sites Natura 2000 sont dotés d'un « docob ») ;

- une animation territoriale permettant la mise en oeuvre du « docob » sur chaque site Natura 2000, dans le cadre de conventions d'animation passées entre l'État et une structure animatrice ;

- les outils contractuels, par le biais des contrats Natura 2000 , passés volontairement par les acteurs locaux propriétaires ou gestionnaires de milieux naturels, avec l'État , en vue du maintien ou de l'amélioration de la conservation des habitats ou espèces présents dans le site Natura 2000.

Les sites Natura 2000 peuvent recouper d'autres types d'espaces protégés, dont des périmètres de réserves naturelles, des PNR, des sites gérés par des Conservatoires d'espaces naturels, etc. 700 sites Natura 2000 sont d'ailleurs animés par l'un de ces trois réseaux, soit environ 40 % des sites du réseau français (dont 18 % par les PNR). En 2015, ce sont 77 % de la surface des sites Natura 2000 qui sont concernés par un autre statut de protection . Par exemple, 26 % de la surface française terrestre du réseau Natura 2000 est comprise dans un PNR.

Environ un milliard d'euros a été consacré à la politique Natura 2000 en France sur la période 2007-2013 soit environ 150 millions d'euros par an 38 ( * ) . Ce montant ne peut pas être rapporté au nombre de sites Natura 2000 présents en France car leur taille est trop disparate (de quelques hectares à plusieurs dizaines de milliers d'hectares).

La principale source de financement de cette politique est le FEADER , en lien avec l'importance de l'action des mesures agroenvironnementales (MAE), soulignant la forte dépendance vis-à-vis des fonds communautaires du modèle Natura 2000 à la française . Ces fonds sont gérés par les régions.

Les contreparties nationales sont essentiellement assurées par les financements nationaux, autres que ceux des ministères (collectivités territoriales et agences de l'eau), puis par ministère de la transition écologique et le ministère de l'agriculture.

Engagements financiers sur la période 2007 et 2013
selon les sources de financement

(en millions d'euros et en %)

Engagements financiers sur la période 2007-2013

Total

Moyenne/an

Contribution

FEADER

383

55

36,27 %

Autres financements publics (dont agences de l'eau)

249

36

23,58 %

Ministère de l'agriculture

231

33

21,88 %

Ministère de l'écologie

168

24

15,91 %

LIFE+

23

3

2,18 %

FEDER

2

/

0,19 %

Total

1 056

150

Source : commission des finances d'après « Analyse du dispositif Natura 2000 en France », rapport du CGEDD et du CGAAER, décembre 2015

Les contreparties nationales financées par le ministère de la transition écologique n'ont donc représenté que 16 % des financements totaux de la politique Natura 2000, tels que présentés dans le bilan ci-dessus. Rapportée aux actions autres que les MAE, la part des financements du ministère de la transition écologique s'élève à plus de 50 %. Pour ces autres actions, ce financement revêt donc une importance majeure.

Pour la programmation 2014-2020, les contributions nationales notifiées par les deux ministères se déclinent comme suit : le ministère de l'agriculture prévoyait de consacrer 60 millions d'euros par an en moyenne pour les MAEC et le ministère de la transition écologique avait annoncé environ 25 millions d'euros par an pour les « docob » et les contrats 39 ( * ) .

L'article 13 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », tel qu'adopté par le Sénat le 21 juillet 2021, prévoit la décentralisation de l'animation des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions . Le Sénat a par ailleurs souhaité renforcer la place des régions dans le processus de désignation des sites Natura 2000 et leur conférer un pouvoir de proposition s'agissant de la création des sites terrestres dont elles assureront la gestion .

Le rapporteur a constaté, tant lors de ses échanges avec les représentants de structures gestionnaires auditionnés que lors de son déplacement, que la décentralisation de la gestion prévue suscite de nombreuses inquiétudes de la part des élus locaux sur la gestion et la pérennité des fonds qui étaient jusqu'à présents attribués par le ministère de l'écologie via le programme 113. Le rapporteur veillera ainsi à ces nouvelles responsabilités ne constituent pas pour l'État, comme le craignaient le CGDD et le CGAAER en 2015, un transfert « aux collectivités territoriales (d')une responsabilité qu'il peine à financer, sans contrepartie ». Il faut en effet rappeler que malgré leur rôle de cheffes de file et tout en étant autorités de gestion sur les fonds européens qui cofinancent la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, les régions ne disposent pas de ressource spécifique en matière de biodiversité.

C. L'ACTION FONCIÈRE AU SERVICE DE LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ, PLEINEMENT RECONNUE DANS LA NOUVELLE STRATÉGIE, MOBILISE DES RESSOURCES VARIÉES

La protection par la maîtrise foncière se traduit par l'acquisition de terrains par préemption, par des acquisitions du CELRL ou des conservatoires régionaux d'espaces naturels (CEN), structures associatives, ou encore par la politique d'espaces naturels sensibles (ENS) des départements.

Le CELRL acquiert les terrains puis les met en gestion, principalement auprès des collectivités. Cette mise en gestion s'articule autour d'un plan de gestion agréé entre le Conservatoire et le gestionnaire, ayant pour objet les différentes dimensions de l'action du Conservatoire. Les dépenses du propriétaire restent alors à la charge du CELRL, mais les dépenses de fonctionnement reposent sur la structure gestionnaire.

Les CEN , reconnus par le code de l'environnement, qui crée un agrément spécifique octroyé conjointement par le président de région et le préfet, ont la possibilité à la fois d'acquérir les terrains et d'en être gestionnaires . La Fondation des Conservatoires, issue de la transformation en cours d'un Fonds de dotation créé dès 2011, est identifiée comme un des leviers de l'action foncière au bénéfice de la biodiversité 40 ( * ) .

Les CEN gèrent 3 700 espaces naturels, dont plus de 1 000 sites ouverts au public . Ils gèrent par exemple 36 réserves naturelles nationales et 73 réserves naturelles régionales et sont ainsi le premier réseau constitué de gestionnaires de réserves naturelles.

Le budget mobilisé par les CEN a doublé entre 2006 et 2018, passant de 27 à 54 millions d'euros, et s'est stabilisé en 2019-2020. Les Conservatoires d'espaces naturels étant des associations, le financement de leur budget global, de 58 millions d'euros en 2019, apparaît beaucoup plus diversifié.

Source : réponse au questionnaire de la Fédération des Conservatoires d'espaces naturels ; les données de l'édition du tableau de bord des CEN 2021, édité en octobre 2020, correspondent à l'exercice 2019

Les dotations de fonctionnement octroyées par l'État sont fixées à 20 000 euros par an . Des crédits complémentaires sont attribués par l'État dans le cadre des actions menées au titre de la gestion des sites Natura 2000, de la mise en oeuvre des plans nationaux de protection des espèces, etc.

Les régions représentent près de 20 % du financement des CEN, car elles mobilisent ces structures pour mener leur politique de biodiversité (c'est le cas en région Hauts-de-France) . De même, les départements, représentant 10 % des contributeurs, font appel aux CEN pour gérer certains espaces naturels sensibles.

Cette diversification repose sur de nombreux financements sur projet avec un large panel d'acteurs institutionnels et privés. Ce mode de financement génère toutefois d'après la FCEN des centaines de conventions chaque année engendrant des complexités importantes nécessitant une ingénierie de programme et financière importante ( cf. infra ).

II. DES MOYENS DIFFICILEMENT COMPATIBLES AVEC LES OBJECTIFS AFFICHÉS PAR LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES POUR 2030

A. LE POIDS DES DÉPENSES DE PERSONNEL DEMEURE IMPORTANT, MAIS DES DIFFICULTÉS SE POSENT EN MATIÈRE D'EMPLOIS

1. Un poids important des dépenses de personnel dans le budget des structures gestionnaires

S'agissant des parcs nationaux , le budget global des 11 parcs s'établit à 80 millions d'euros en 2020, en progression de 15 % depuis 2016, à un rythme sensiblement identique à celui de l'augmentation de la ressource principale (avant 2018, subvention pour charges de service public puis à partir de 2018, contribution de l'AFB puis de l'OFB), qui progresse elle de 13 % sur la période.

Ventilation des dépenses des parcs nationaux par type de dépenses
entre 2016 et 2020

(en millions d'euros)

Fonctionnement

Personnel

Intervention

Investissement

Total

2016

14,7

48,6

2

4,4

69,7

2017

15,2

50,5

2,2

6,4

74,2

2018

16,4

51,5

2,1

6,8

76,9

2019

17,9

53,1

1,9

5,6

78,4

2020

17,1

54,4

1,8

7

80,2

2016-2020

+ 16 %

+ 12 %

- 10 %

+ 59 %

+ 15 %

Source : réponse au questionnaire des parcs nationaux

La masse salariale représente un poids important dans le total des dépenses (68 % en 2020 ), ce qui, au regard de la relative stabilité de la ressource budgétaire principale finançant le fonctionnement, limite la capacité des parcs à financer d'autres types de dépenses . Les dépenses de personnel ont ainsi augmenté de 12 % depuis 2016 pour les parcs. D'après les informations fournies par plusieurs parcs nationaux, cette hausse de la masse salariale résulte à la fois de la mise en oeuvre des mesures générales (point d'indice, protocole PPCR), catégorielles (par exemple, requalification des agents techniques de l'environnement) et individuelles (avancements et promotions).

Il en va de même pour les réserves naturelles . En 2017, le montant des dépenses globales était de 47,4 millions d'euros pour 351 réserves , soit une augmentation d'environ 8 millions d'euros par rapport à 2013 (+19,1 % de dépenses) et pour 51 réserves en plus (+ 17%). D'après la fédération des réserves naturelles, les dépenses de personnel représentent en moyenne 85 % des dépenses des réserves, une part stable depuis 2015. Ces dépenses permettent de réaliser de nombreuses activités au coeur de l'action des réserves : surveillance du territoire et police de l'environnement, connaissance et suivi continu du patrimoine naturel, interventions sur le patrimoine naturel, animation avec les acteurs locaux, accueil du public et actions pédagogiques, et enfin, ingénierie financière.

Répartition des dépenses de personnel des réserves naturelles

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire de la fédération des réserves naturelles

D'après les données communiquées par la fédération, s'agissant des PNR, dont les dépenses des syndicats mixtes porteurs s'élèvent en 2017 à 183 millions d'euros, les charges de personnel représentent 65 % des dépenses de fonctionnement, soit 1,63 million d'euros par parc .

Les PNR emploient 2 300 agents, représentant 1 900 ETP. L'effectif d'un PNR est compris entre 20 et 40 personnes. Les personnels relèvent à 92 % du droit public.

Enfin, près de la moitié des budgets des CEN est consacrée aux dépenses de personnel . Le coeur de métier des Conservatoires est en effet dicté par les objectifs opérationnels qui animent le réseau à travers des équipes de scientifiques qui collectent les données sur les sites, élaborent les plans de gestion, réalisent des suivis scientifiques, des équipes d'animation territoriale en charge d'identifier les sites et de suivre les actions (foncières, gestion, ...) sur les sites et enfin, par la gestion des sites, soit en régie, soit en partenariat avec les acteurs locaux (agriculteurs, pisciculteurs, forestiers).

Les dépenses d'investissement restent elles relativement élevées, principalement pour les structures menant des actions foncières. Pour les CEN, les dépenses d'investissement sont liées aux acquisitions foncières (le réseau est propriétaire de plus de 15 000 hectares) et aux équipements pour la gestion des sites (matériels spécialisés, véhicules...) et opérationnels. Lors d'une acquisition, si le fonctionnement des sites mis en gestion est pris en charge par le gestionnaire (qui recrute et emploie les agents et gardes du littoral 41 ( * ) , au nombre d'environ 1 000), le CELRL continue d'assurer la mission de propriétaire, notamment de maitre d'ouvrage des travaux.

2. Mais des tensions en matière d'emplois

Si les dépenses de personnel représentent un poids certain dans la gestion des aires protégées, force est toutefois de constater que l'extension du réseau des aires protégées (augmentation du nombre de parcs nationaux, de réserves naturelles, ...) n'est pas allée de pair avec une augmentation des emplois pour les structures gestionnaires .

Comme pour d'autres structures, les emplois sont le premier levier d'actions des parcs nationaux , car leurs missions (connaissance, surveillance et police, éducation, accueil, ingénierie territoriale) requièrent des personnels formés, organisés et déployés au plus près des acteurs locaux.

Or, les plafonds d'emplois sont restés globalement stables sur la période allant de 2010 à 2021 (-4%) malgré de grands changements dans le périmètre : création du parc national des Calanques en 2012, disparition de l'établissement fédératif Parcs nationaux de France en 2017 (intégré dans l'AFB) et création du parc national de forêts en 2019. Une soixantaine d'emplois a ainsi été transférée entre établissements, entraînant des diminutions parfois très fortes dans certains établissements existants.

Évolution du plafond d'emplois des parcs nationaux entre 2010 et 2021

(en ETP)

Source : réponse au questionnaire des parcs nationaux

D'après les représentants d'établissements publics de parcs nationaux rencontrés par le rapporteur, cette situation peut générer un besoin d'externaliser certaines missions (intérim, prestations de service, délégations de service public) générant des coûts supplémentaires pour les établissements publics de parcs nationaux.

Les représentants ont également précisé que la situation en équivalents temps plein travaillés (ETPT) mérite aussi d'être examinée car les parcs nationaux ont généralement une activité saisonnalisée, avec des besoins centrés sur la saison touristique . Sur ce point, les moyens permettant le recours aux contractuels saisonniers se sont maintenus, le plafond ne varie que de +2 % entre 2010 et 2021.

Évolution du plafond d'emplois des parcs nationaux
entre 2010 et 2021

(en ETP)

Source : réponse au questionnaire des parcs nationaux

Il est à noter que les établissements publics de parcs nationaux ont aussi la possibilité de recourir à l'emploi hors plafond dans des conditions strictes définies par la circulaire du 11 juin 2010 du ministère en charge du budget (financement à 100 % en réponse à un appel d'offres).

Les personnels sont en majorité des fonctionnaires titulaires en position normale d'activité et des agents contractuels sous un quasi-statut de fonctionnaire (introduit par la loi du 18 août 2016 sur la biodiversité pour les agents de l'AFB et des parcs nationaux).

Évolution des emplois des parcs nationaux depuis 2017

(En ETP)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire des parcs nationaux

Les réserves naturelles mobilisent quant à elles environ 1 000 salariés , correspondant à 511 ETP. Si l'on constate une augmentation globale en valeur absolue du nombre de salariés, rapporté au nombre de réserves naturelles, les moyens humains ont diminué : le nombre de salariés et d'ETP rapporté au nombre de réserves a été quasiment divisé par deux en 10 ans (- 46 % pour les salariés de terrain et - 50 % pour les ETP).

Ainsi, les réserves naturelles nationales sont dotées en moyenne de 4,1 ETP, tandis que les réserves naturelles régionales sont dotées en moyenne de 1,1 ETP. La réserve naturelle de la Baie de Somme mobilise par exemple 8 gardes, dont un seul est actuellement assermenté pour verbaliser les infractions constatées. La fédération des réserves a également indiqué au rapporteur que depuis 2017, les emplois sont presque gelés, les nouveaux recrutements étant uniquement liés au montage de projets d'envergure, leur durée étant limitée dans le temps . Réserves naturelles de France indique ainsi que cette situation génère des difficultés à intervenir dans certains domaines (par exemple, l'intervention sur le patrimoine naturel).

Toutefois, la loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de la subvention de l'État aux RNN de 6 millions d'euros : la création d'un fonds dédié à l'éducation de 3 millions d'euros devrait ainsi permettre la création de 80 ETP (animateurs nature).

Les CEN, en tant que structures associatives, ont développé quant à eux des démarches citoyennes par des stratégies d'adhésion : ils comptent ainsi près de 10 000 adhérents. Cette démarche permet la constitution d'un vivier de bénévoles.

La revue de dépenses sur les PNR indiquait par ailleurs que pour assouplir leur gestion des ressources humaines, compte tenu de la difficulté à articuler les recrutements sur mission avec le statut de la fonction publique, certains parcs ont utilisé par exemple la mise à disposition de fonctionnaires par les collectivités .

Les opérateurs de l'État ne sont pas épargnés par ces tensions en matière de moyens humains :

- en ce qui concerne les aires protégées, l'OFB consacre l'essentiel des moyens humains à la gestion directe (170 ETP) et une partie à l'appui en gestion (30 ETP) : ce sont ainsi 200 ETP qui sont consacrés aux aires protégées par l'OFB, soit 7 % des ETP . Toutefois, la gestion se fait souvent à moyens constants : 37 postes de l'OFB seront ainsi redéployés vers les parcs naturel marins gérés par l'office d'ici 2022 ;

- le CELRL dépend quant à lui beaucoup de ses partenaires s'agissant de ses moyens humains : environ 26 % de son effectif est ainsi constitué d'agents mis à disposition par d'autres structures et d'emplois hors plafond (financements sur projet notamment).

B. LES OBJECTIFS DE LA STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES 2030 ONT ÉTÉ FIXÉS SANS RÉFLEXION PRÉALABLE SUR LES BESOINS FINANCIERS NÉCESSAIRES POUR LES ATTEINDRE

1. La situation financière des structures gestionnaires est hétérogène

Les représentants de structures gestionnaires rencontrés par le rapporteur ont été interrogés sur leur situation financière. Celle-ci apparaît très hétérogène, car elle dépend des sources de financement : c'est le cas notamment pour les réserves naturelles. La fédération des réserves naturelles de France indique ainsi que s'agissant des réserves régionales, il existe de fortes disparités d'une région à une autre, avec une aide régionale allant de 10 000 euros à 270 000 euros par réserve, soit une aide allouée allant de 30 euros par hectare à 976 euros par hectare.

La fédération des CEN a quant à elle souligné que les CEN sont confrontés de manière récurrente aux tensions de trésorerie résultant d'importants délais de recouvrement des crédits issus de programmes européens (en particulier FEDER et FEADER). L'évaluation des charges d'emprunt de trésorerie réalisée en 2018 par le réseau avoisinait ainsi les 200 000 euros par an pour certaines structures.

La revue de dépenses précitée de 2017 relevait que la situation financière des PNR ne laissait pas apparaître de difficultés pour la majorité des parcs. Les résultats moyens par PNR dégagés sur la période 2010-2015 augmentaient de 112 % en moyenne, masquant une forte hétérogénéité : la mission indiquait alors que « suivant les exercices, ce sont entre le tiers et la moitié des parcs qui enregistrent un déficit ».

Les parcs nationaux présentent des capacités d'autofinancement réduites et des niveaux bas de trésorerie 42 ( * ) . En raison de résultats faibles et de cessions d'actifs, les établissements publics de parcs nationaux font face à un amoindrissement de leurs capacités d'autofinancement, comme l'illustre le tableau ci-dessous. Cette situation rend les parcs vulnérables face aux catastrophes susceptibles d'affecter leurs équipements (exemple de la tempête Alex dans le Mercantour) et limite leur réactivité pour porter des projets au nom des collectivités adhérentes .

Évolution du niveau de capacité ou d'insuffisance d'autofinancement des parcs nationaux sur la période 2015-2020

Source : réponses au questionnaire des parcs nationaux

Évolution du niveau final de la trésorerie des parcs nationaux
sur la période 2015-2020

Source : réponses au questionnaire des parcs nationaux

Il reste difficile de dégager une tendance sur la viabilité du modèle économique des aires protégées car il n'existe pas un « unique » modèle économique. Ces modèles sont nombreux, la gestion des aires protégées revêtant comme on l'a vu des formes diverses, fonction des structures gestionnaires et des espaces géographiques couverts.

2. Une évaluation des besoins réalisée tardivement, après la publication de la nouvelle stratégie

L'analyse des besoins des structures pour atteindre les objectifs fixés par la nouvelle stratégie est seulement en cours de réalisation : en réponse au questionnaire du rapporteur, la direction de l'eau et de la biodiversité estime que si l'élaboration de la stratégie nationale pour 2030 « a permis de recenser les difficultés et verrous liés au financement des aires protégées en concertation avec les acteurs et porteurs de projets », les pistes d'amélioration en matière budgétaire et fiscale passent avant tout par la réalisation d'un « diagnostic du financement des aires protégées ».

Ainsi, « les concertations ont conduit au constat qu'il sera difficilement possible d'atteindre les objectifs ambitieux de la stratégie des aires protégées sans mener une réflexion approfondie sur les montants nécessaires et les modèles économiques de financement des aires protégées ».

En conséquence, afin d'évaluer les besoins financiers pour atteindre les objectifs de protection définis dans la SNAP, le Gouvernement a missionné une équipe de l'Inspection générale des finances et du CGEDD, dont les conclusions seraient remises d'ici la fin de l'année.

Extrait du plan d'actions 2021-2023

Mesure 15, consolider le financement des aires protégées ; réaliser un diagnostic du financement des aires protégées.

Réaliser un diagnostic relatif aux budgets et modes de financement des aires protégées, intégrant notamment une analyse et des recommandations en matière :

- des structures de coût des aires protégées (fonctionnement et investissement) ;

- des différentes sources de financements publics et privés, et des opportunités d'optimisation et de mise en synergie à cet égard ;

- des besoins pour la mise en oeuvre de la stratégie 2030, et impliquant, le cas échéant, des compensations liées à la limitation de certains usages de manière significative pour les activités économiques ;

- des moyens pour couvrir le financement de la stratégie, tant par des financements publics et privés et notamment des enjeux et modalités de la mobilisation du secteur privé et du grand public dans le financement des aires protégées ;

- de la valorisation des services rendus par les aires protégées, en lien avec le green budgeting ;

- des financements européens notamment mobilisables dans le cadre de la Stratégie européenne pour la biodiversité ;

- d'analyse des pistes de rationalisation et d'optimisation des dépenses et recettes fiscales existantes qui ont un effet sur les aires protégées ou sur les objectifs de la stratégie.

Source : plan d'action 2021-2023 de la SNAP pour 2030

D'abord, il est particulièrement regrettable que cette évaluation des besoins n'ait pas eu lieu avant la définition de la stratégie pour les aires protégées pour 2030. Celle-ci prévoit pourtant un objectif de 10 % de protection forte en France, ce qui implique inévitablement l'extension ou la création d'outils de protection forte. Or, il est fort probable que cet objectif nécessitera des moyens nouveaux ou additionnels aux moyens existants pour les structures gestionnaires. Autrement dit, ces objectifs ont été définis sans évaluation préalable des besoins financiers, en fonctionnement ou en investissement, et des ressources humaines qui devraient les accompagner.

Aucun dialogue de gestion n'a été organisé avec les structures gestionnaires avant la publication de cette stratégie, qui aurait pourtant permis de connaître les besoins des structures pour atteindre les objectifs ambitieux fixés et réitérés lors du congrès mondial de l'UICN à Marseille au début du mois de septembre.

La DEB argue que « les besoins ne sont pas aujourd'hui précisément connus, ne serait-ce que parce que l'ensemble des projets concourant à cet objectif n'est lui-même pas connu ».

Or, sans même considérer les nouveaux objectifs de protection fixés par la stratégie, certaines structures gestionnaires connaissent déjà des difficultés aujourd'hui pour exercer leurs missions : RNF a ainsi par exemple mené une étude en 2018 concernant notamment l'évaluation des besoins en financement des réserves naturelles, concluant que les besoins des réserves naturelles de France sont supérieurs aux financements actuellement perçus par les gestionnaires de celles-ci : « ces financements limités ne permettent pas la réalisation de certaines missions considérées essentielles par les gestionnaires de réserves naturelles telles que les activités de pédagogie, de connaissance approfondie des milieux et d'ancrage territorial ».

De même, une étude du Commissariat général au développement durable sur les pistes de financements additionnels des parcs nationaux 43 ( * ) indiquait que leurs principaux besoins de financements portaient sur des actions d'intervention, de connaissance et de suivi et sur le soutien du développement durable dans l'aire d'adhésion.

Enfin, les objectifs fixés paraissent en décalage avec les contraintes des opérateurs : le CELRL se voit confier par la SNAP un objectif de renforcement de la protection du littoral par l'extension de son domaine protégé d'au moins 6 000 hectares supplémentaires. Or, le Conservatoire est majoritairement financé par l'affectation plafonnée d'une taxe, qui le contraint à lisser ses acquisitions en fonction de priorités budgétaires. Il paraît donc inévitable de faire évoluer la ressource du CELRL en rapport avec l'accroissement du domaine protégé dont il aura la charge, afin notamment de lui permettre d'assurer la mise en oeuvre des responsabilités du propriétaire qui lui incombent.

3. Le décalage entre les ambitions affichées et les moyens alloués apparaît problématique, d'autant plus lorsqu'il retentit sur la qualité de la protection

Les échanges avec les représentants de structures gestionnaires, tant au Sénat qu'au cours du déplacement réalisé par le rapporteur en Baie de Somme, ont mis en exergue les risques d'une dégradation de la qualité d'accès aux espaces naturels lors des épisodes de sur-fréquentation . Or, ces épisodes se sont récemment multipliés, compte tenu de la situation sanitaire qui a conduit de nombreux Français à planifier leurs vacances dans l'Hexagone.

Le cas du parc national de Port-Cros a été porté à l'attention du rapporteur : le phénomène de fréquentation en « pics » est en augmentation chaque été, avec pour la seule petite île de Porquerolles des pics à plus de 10 000 personnes débarquées par les compagnies maritimes, auxquels s'ajoutent les visiteurs y séjournant par leurs propres moyens. Cette affluence entraîne des impacts sur la faune et la flore terrestre et maritime, mais également une saturation des services et des acteurs économiques.

De même, l'hyperfréquentation du parc national des Calanques a atteint des niveaux inédits à l'été 2020. Les impacts d'une sur-fréquentation sur les milieux naturels sont connus et documentés : piétinement de la flore, stress pour la faune, diminution des taux de reproduction, collisions...

Sur ce point, des actions de police peuvent être renforcées en premier lieu (les conseils d'administration de parcs peuvent également avoir la compétence de réglementer la circulation des personnes sur le coeur terrestre) : la loi hyper-fréquentation qui avait été adoptée par le Sénat en novembre 2019 a été reprise à l'article 56 bis du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Cet article permet au maire et au préfet de département de prendre des arrêtés de réglementation ou d'interdiction de l'accès aux espaces protégés lorsqu'un accès excessif peut porter atteinte soit à leurs caractéristiques écologiques, agricoles, forestières, esthétiques, paysagères, ou touristiques, soit à la protection des espèces animales ou végétales.

Au-delà, la question doit se poser d'un manque de moyens humains, qui peut limiter la capacité des structures à intervenir rapidement sur le territoire : ainsi, s'agissant des aires marines protégées, selon un récent bilan 44 ( * ) , « 38 % des gestionnaires enquêtés estiment ne pas être en capacité d'intervenir sur les usages qui affectent les milieux dont ils ont en charge la protection, en particulier s'agissant des activités et de la fréquentation touristiques et des vecteurs de pollution ».

Afin de permettre aux structures gestionnaires d'aires protégées de remplir leurs missions de protection, il est indispensable de les doter de moyens humains et financiers adaptés, compte tenu des objectifs fixés par la SNAP et des évolutions récentes des usages d'espaces naturels - qu'il s'agisse du développement récent de tourisme « vert », ou du développement plus constant des activités et sports de nature au sein d'espaces naturels.

Dans l'attente de l'estimation d'un ordre de grandeur des besoins nécessaires pour répondre aux objectifs fixés par la SNAP, des premières pistes d'évolution des modes de financements ou de financements additionnels peuvent d'ores et déjà être dégagées.

TROISIÈME PARTIE
UN FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES
À CONFORTER ET À CLARIFIER

I. CONFORTER L'ENGAGEMENT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT ET DE SES OPÉRATEURS EN FAVEUR DES AIRES PROTÉGÉES ET OPTIMISER LES RESSOURCES EXISTANTES ET LEUR UTILISATION

A. UN ENGAGEMENT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT ET DES OPÉRATEURS À CONFORTER DANS LA DURÉE ET À RENDRE PLUS LISIBLE

1. Une programmation pluriannuelle des financements nationaux permettrait d'apporter de la visibilité aux structures gestionnaires d'aires protégées

L'État a consenti un effort budgétaire dans le cadre du plan de relance, afin de soutenir l'investissement des aires protégées . Si elle est réclamée par plusieurs organisations représentatives de structures gestionnaires d'aires protégées, la revalorisation des dotations versées par l'État ne paraît pas opportune avant la réalisation de l'évaluation précise des besoins, en fonctionnement et en investissement, qui sera remise d'ici la fin de l'année par la mission commune de l'Inspection générale des finances et du CGDD. L'allocation de crédits supplémentaires, par exemple, en 2021 aux réserves naturelles nationales, mériterait néanmoins d'être maintenue dans la durée.

Par ailleurs, certaines voies de financement actuelles paraissent plutôt bien adaptées aux modalités de fonctionnement des structures gestionnaires. Ainsi, en est-il par exemple de la dotation ou la subvention apportée aux structures gestionnaires d'outils relevant de la responsabilité de l'État, qui répond aux spécificités de la protection réglementaire (contribution de l'OFB aux parcs nationaux, ...). De même, le rapport du CESE de 2018 relevait que le statut de syndicat mixte pour la gestion des PNR offre des garanties en termes de ressources : plusieurs niveaux d'engagements financiers se combinent ainsi, outre les cotisations statutaires :

- des engagements de long terme indicatifs fixés dans la charte du PNR sur 15 ans ;

- des engagements pluriannuels conclus avec les financeurs, notamment la région, pour réaliser des programmes d'actions négociés ;

- des financements annuels négociés déclinant ces programmes.

Pour les autres types d'outils, le financement sur projet mérite quant à lui d'être développé lorsque cela est possible ( cf. infra ).

Toutefois, des pistes d'amélioration peuvent d'ores et déjà être dégagées. En premier lieu, un engagement lisible de l'État dans le temps apparaît indispensable pour sécuriser les projets des structures gestionnaires. Or il n'existe pas aujourd'hui de programmation pluriannuelle des crédits alloués aux aires protégées, ni sur les moyens financiers ni sur les moyens humains. Les enveloppes budgétaires sont rediscutées chaque année, offrant peu de visibilité sur les financements mobilisables à moyen terme. Un cadre pluriannuel des dotations offrirait aux structures gestionnaires, dont la temporalité des projets est bien souvent pluriannuelle, de la visibilité quant aux moyens alloués.

À ce titre, l'absence de prévisibilité sur les emplois et dans une moindre mesure, sur les crédits, a pu porter préjudice à l'action des parcs nationaux, certains ayant pu avoir un sentiment de « sursis » et ayant vécu une impossibilité de programmer les évolutions d'organisation et de mettre en place par exemple une gestion prévisionnelle des compétences.

La définition d'engagements pluriannuels de la part de l'État se heurte néanmoins au principe d'annualité budgétaire, qui implique que l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement en loi de finances ne l'est que pour une année .

L'engagement pluriannuel pourrait se traduire dans des contrats d'objectifs et de performance pluriannuels, qui offrirait une visibilité à moyen terme des engagements financiers pour la gestion des aires protégées.

Si le montant des contributions de l'OFB aux parcs nationaux fait l'objet d'échanges lors des conférences budgétaires, un suivi pluriannuel permettrait par exemple de déterminer l'évolution de la contribution globale et des répartitions entre parcs - notamment celle attribuée au parc national de Forêts. Il est d'ailleurs à noter que l'OFB ne dispose pas encore de stratégie pluriannuelle d'intervention compte tenu de sa création récente. Il s'agirait également d'engager une réflexion sur cette stratégie pluriannuelle d'intervention.

De même, une plus grande pluriannualité dans les financements apportés par les collectivités locales serait également souhaitable, notamment en ce qui concerne les PNR.

Recommandation n° 1 : mettre en place des contrats d'objectifs et de performance pluriannuels afin d'assurer une visibilité des engagements financiers de l'État et des opérateurs en faveur des aires protégées sur plusieurs années, afin que les structures gestionnaires appuient leur développement sur une programmation financière pluriannuelle sécurisée.

2. Stabiliser l'organisation existante afin de poursuivre la dynamique de mutualisation

Les modifications récentes, tant dans la gouvernance des aires protégées que dans leur mode de financement, ont pu générer des ralentissements dans les initiatives de mutualisation . C'est notamment le cas s'agissant des établissements publics de parcs nationaux, rattachés à l'OFB.

Ainsi, les parcs nationaux avaient initié des mutualisations entre établissements sur la période de 2007 à 2017 : par exemple, groupement comptable, ou encore paie des agents et mutualisation de moyens informatiques. Ces mutualisations ont été reprises en 2017 par l'AFB mais la création de l'OFB en 2019 a, d'après les représentants de parcs auditionnés, atténué la dynamique de mutualisation et parfois dégradé la qualité des services mis en commun. Un service facturier commun relatif aux dépenses a toutefois été mis en place en 2020 et couvre tous les parcs nationaux depuis le 1 er janvier 2021.

Il importe désormais de stabiliser les organisations existantes afin de reprendre les dynamiques de mutualisation. Une nouvelle convention de rattachement des parcs à l'OFB est en négociation, visant notamment à assurer une plus forte intégration :

- en matière de ressources humaines, via une gestion globale par l'OFB de personnels représentant la moitié des agents des parcs nationaux ;

- en matière de fonctions métier, par une logique de services réciproques entre les parcs et l'OFB.

Ces pratiques de mutualisation des moyens sont à encourager, car elles permettent d'optimiser les moyens disponibles et de réduire les coûts.

Recommandation n° 3 : poursuivre la dynamique de mutualisations engagée, en particulier entre l'OFB et les parcs nationaux qui lui sont rattachés, et en faire un des objectifs prioritaires de la nouvelle convention de rattachement, afin de rationaliser certains coûts.

B. OPTIMISER LES RESSOURCES EXISTANTES ET METTRE EN PLACE UNE FISCALITÉ D'INCITATION À LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

1. Assurer un fléchage effectif des recettes de la part départementale de la taxe d'aménagement vers les politiques en faveur des espaces naturels et de la biodiversité

La revue de dépenses réalisée en 2017 sur les espaces naturels sensibles a identifié un niveau élevé d'emplois de la part départementale de la taxe d'aménagement non explicités (9 % des dépenses entre 2001 et 2015 ). 16 % des dépenses étaient également déclarées sur « d'autres emplois ». La mission concluait ainsi que le « quart des dépenses a donc été affecté sur des actions dont d'éligibilité à la politique ENS est incertaine ».

En outre, le niveau de la taxe affectée entraîne pour certains départements la création d'excédents qui abondent leur budget général . Ces recettes ne couvrent donc pas des dépenses conformes aux emplois prévus par la loi en matière d'ENS. Ce décalage entre taxe perçue et usages effectifs réalisés sur la politique ENS, parfois très importants dans certains départements, n'implique pas nécessairement de modification de taux de la taxe : autrement dit, les taux sont fixés par les départements parfois sans lien clair avec les besoins en matière de financement de la politique ENS 45 ( * ) .

La revue de dépenses précitée préconisait d'imposer la pratique d'un budget annexe, distinct du budget général, afin d'y inscrire les recettes et dépenses relatives aux ENS. Cette pratique doit permettre d'identifier en amont les potentiels déséquilibres entre besoins et taxe, et d'identifier les provisions destinées à financer des investissements que peut nécessiter la politique ENS 46 ( * ) .

La publication d'un rapport annuel de la politique ENS des départements, proposée par la mission, serait également bienvenue .

Selon l'ADF, auditionnée par le rapporteur, la consommation des recettes issues de la part départementale de la taxe d'aménagement a augmenté continuellement depuis 2001. Cependant, il a pu exister d'après l'ADF une influence du plafonnement de l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement dans le cadre du dispositif de régulation de la dépense des collectivités . Les actions en faveur des espaces naturels (éducation à la biodiversité, financement de la gestion et de l'entretien des sites, etc. ) n'étant pas considérées comme des dépenses d'investissement mais de fonctionnement, certaines d'entre elles auraient récemment été abandonnées par les départements. Les acquisitions foncières, bien qu'étant des dépenses d'investissement, ont également pu être freinées puisqu'elles s'accompagnent nécessairement de frais de gestion, et donc de dépenses de fonctionnement. Ce dispositif de régulation est toutefois aujourd'hui suspendu.

Recommandation n° 4 : isoler les recettes et dépenses liées aux espaces naturels sensibles au sein d'un budget annexe aux comptes des collectivités concernées, afin de valoriser leur action en faveur de la biodiversité et des espaces naturels.

2. Mettre en oeuvre une fiscalité d'incitation à la protection de la biodiversité
a) Le Sénat s'est récemment attaché à garantir une meilleure compensation des collectivités engagées dans une politique en faveur de la biodiversité

L'article 1395 E du code général des impôts prévoit une exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) pour les terrains situés dans un site Natura 2000 faisant l'objet d'un engagement de gestion pour une durée de cinq ans.

Les pertes de recettes qui résultent de cette exonération pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont compensées par l'État en application du B de l'article 146 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Toutefois, cette compensation, intégrée aux variables d'ajustement permettant la stabilisation de l'enveloppe normée des concours de l'État aux collectivités locales, s'est vue appliquer un coefficient de minoration à partir de 2009, qui a donc fait porter progressivement aux communes le coût de cette politique.

L'article 33 de la loi de finances pour 2017 a prévu qu'à compter de 2017, le taux de compensation de cette exonération reste figé au niveau de l'année 2016. Autrement dit, depuis 2017, la compensation versée aux collectivités au titre de l'exonération n'a pas subi de minoration supplémentaire et est restée à son niveau de 2016.

Comme l'avait relevé la Cour des comptes en 2016 dans une enquête réalisée pour la commission des finances du Sénat 47 ( * ) , la non-compensation progressive par l'État de cette exonération de TFNB est très fortement pénalisante pour les petites communes rurales, allant même jusqu'à remettre en cause leurs engagements vis-à-vis de l'animation du réseau Natura 2000.

Ce régime a été complété par l'article 167 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a prévu une compensation intégrale par l'État des pertes de recettes résultant pour les communes et les établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre de cette exonération, lorsque son montant est supérieur à 10 % du budget annuel de fonctionnement de la commune ou de l'établissement.

Lors de l'examen du projet de loi « 3DS », le Sénat a considéré cette disposition comme étant peu opérationnelle car très peu de communes ou d'EPCI (voire aucune) atteignent un montant d'exonération de la TFPNB représentant au moins 10 % du budget de fonctionnement. En conséquence, le Sénat a adopté l'article 13 ter , prévoyant, à partir du 1 er janvier 2022, une compensation intégrale par l'État des pertes de recettes résultant de l'exonération de TFPNB lorsque le montant de l'exonération est supérieur à 5 % des recettes réelles de fonctionnement annuelles de la commune (et non plus 10 % du budget annuel de fonctionnement).

b) Vers une fiscalité positive en faveur des aires protégées

L'article 256 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a institué, à compter de 2019, une dotation budgétaire Natura 2000 d'un montant de 5 millions d'euros répartie entre les communes :

- dont la population est inférieure à 10 000 habitants ;

- dont le territoire terrestre est couvert à plus de 75 % par un site Natura 2000 ;

- dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel fiscal par habitant moyen des communes de la même strate démographique.

Le montant de la dotation était réparti en fonction du nombre d'hectares de la commune compris dans un site Natura 2000 et de la population. Elle a été versée à 1 122 communes.

L'article 252 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité qui complète la dotation Natura 2000 pour lui ajouter deux autres parts , au profit des communes dont une part importante du territoire est comprise dans un coeur de parc national ou au sein d'un parc naturel marin.

La dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité

Cette dotation comporte trois fractions :

- la première, égale à 55 % du montant total de la dotation , est répartie entre les communes de moins de 10 000 habitants dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double de la moyenne de la strate et dont le territoire est couvert à plus de 75 % par un site Natura 2000 . Le montant de la dotation est réparti au prorata de la population et de la proportion du territoire terrestre couvert par un site Natura 2000 ;

- la deuxième, égale à 40 % du montant total de la dotation , est répartie entre les communes de moins de 10 000 habitants dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double de la moyenne de la strate , dont le territoire terrestre est en tout ou partie compris dans un coeur de parc national et qui ont adhéré à la charte du parc national .

Le montant de la dotation est réparti au prorata de la population et de la superficie comprise dans le parc national. Pour les communes dont le territoire terrestre est en tout ou partie compris dans un coeur de parc national créé depuis moins de sept ans, l'attribution individuelle est triplée ;

- la troisième, égale à 5 % du montant total de la dotation , est répartie entre les communes de moins de 10 000 habitants dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double de la moyenne de la strate et dont le territoire est en tout ou partie situé au sein d'un parc naturel marin . Le montant de la dotation est réparti équitablement entre les communes concernées.

Source : article L. 2335-28 du CGCT

Cette dotation vise à compenser les contraintes financières liées à l'appartenance d'une commune à un coeur de parc national ou à un parc marin, ou sa couverture par un site Natura 2000 . S'agissant de Natura 2000, entre 2019 et 2020, seul le critère de potentiel fiscal par habitant a été modifié. 101 communes supplémentaires ont perçu la dotation, augmentée s'agissant de Natura 2000 de 545 434 euros .

Répartition de la dotation en 2020

Répartition de la dotation en 2021

Source : « Fiscalité dans les sites Natura 2000 : TFNB et dotation biodiversité : quels effets sur le budget des communes rurales ? », Coordination inter-réseaux Natura 2000, CEN, PNR de France et RNF

En 2021, cinq communes supplémentaires ont bénéficié de la dotation Natura 2000 . L'augmentation du nombre de communes a pour conséquence une diminution moyenne de 18 euros de la dotation entre 2020 et 2021.

Si cette initiative ouvre la perspective d'une fiscalité favorable aux communes, le seuil de 75 % retenu de couverture de la commune par un site Natura 2000 conduit à ne concerner finalement qu'un nombre restreint de communes : 8,5 % des 13 128 communes concernées par un site Natura 2000 en 2019 et 9,3 % en 2020 48 ( * ) .

Ainsi, beaucoup de collectivités se retrouvent donc exclues d'un dispositif qu'elles financent indirectement. La dotation ne paraît pas à même de valoriser l'engagement des communes en faveur de la protection de zones naturelles : d'une part, elle ne bénéficie qu'à une faible part de communes engagées dans la politique Natura 2000 ; d'autre part, lorsqu'une commune est éligible, le montant versé paraît faible, compte tenu du faible montant global de la dotation.

La coordination inter-réseau Natura 2000 a travaillé sur plusieurs scénarii de modification des critères d'éligibilité des communes et EPCI à la part « Natura 2000 » de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité. Par exemple, en prévoyant un critère de couverture du territoire de 50 % (et non plus 75 %) par un site Natura 2000, 951 communes supplémentaires pourraient bénéficier de la dotation. Le coût supplémentaire de la dotation serait de 5,3 millions d'euros par an, soit un coût total de 10,8 millions d'euros.

L'article 46 du projet de loi de finances pour 2022, présenté le 22 septembre, renomme le dispositif « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales » et propose :

- d'abaisser ce seuil de couverture de 75 % à 60 %, ce qui constitue une avancée bienvenue ; en conséquence, il propose d'augmenter de 5 millions d'euros le montant de la part Natura 2000 au sein de la dotation ;

- la création d'une quatrième part au sein de cette dotation, à destination des communes comprises dans un PNR ;

- en conséquence de ces élargissements, d'augmenter les crédits alloués à cette dotation, qui passeraient de 10 millions d'euros en 2021 à 20 millions d'euros en 2022 (dont 5 millions d'euros pour la nouvelle part précitée) ; une modification des taux de répartition de la dotation pour les trois fractions déjà existantes est par conséquent également proposée.

Recommandation n° 5 : modifier les critères d'éligibilité des communes couvertes par un site Natura 2000 à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et augmenter en conséquence le montant de crédits alloués à la dotation afin de mieux compenser les contraintes financières liées à cet outil.

II. LA DIVERSIFICATION DU FINANCEMENT DES AIRES PROTÉGÉES SEMBLE INCONTOURNABLE

A. UNE PROGRESSION DES FINANCEMENTS PUBLICS « SUR PROJET » BIENVENUE MAIS QUI NÉCESSITE UNE INGÉNIERIE FINANCIÈRE ET DE BONS NIVEAUX DE TRÉSORERIE

Les structures gestionnaires d'aires protégées ont mobilisé de plus en plus de financements publics « sur projet » ces dernières années.

Ce type de financement a ainsi augmenté de 195 % entre 2016 et 2020 pour les parcs nationaux. Les établissements publics de parcs nationaux ont en effet acquis des compétences d'ingénierie financière qui leur ont permis de rencontrer de réels succès dans les appels à projets. De même, le financement « sur projet » représente une part importante des financements des PNR, qui disposent des moyens humains et de l'ingénierie nécessaire pour répondre aux appels à projets. Compte tenu du gel des dotations de fonctionnement depuis 2012, les réserves naturelles nationales ont également engagé des recherches de financements par le montage de projets .

RNF, auditionnée par le rapporteur, indique en outre que les réserves en capacité de s'investir dans des programmes d'envergure (qu'il s'agisse de projets européens, ou de projets engagés avec des partenaires) rencontrent moins de difficultés financières : ainsi, « les deux seules réserves naturelles nationales ne présentant pas d'écart financier entre leurs besoins et leurs revenus actuels sont les seules ayant réussi à développer un réseau de co-financement solide, tout en développant des prestations et des ventes de biens et services qui ont progressé au cours des dernières années. La part de dotations du ministère de la transition écologique dans les budgets de ces réserves est inférieure à 50 % ».

La diversification vers des financements « sur projet » est souhaitable, afin de sécuriser des modèles économiques dépendant principalement de financements publics. Cette recherche de financements « sur projet » nécessite toutefois non seulement des moyens humains , car elle nécessite de mobiliser des agents pour le montage des projets, mais également des compétences en matière d'ingénierie de projets . Il reste bien entendu indispensable de conserver une part importante de ressources en provenance de l'État, principalement pour les outils réglementaires - comme les parcs nationaux ou les réserves naturelles nationales. Le rapporteur partage donc le point de vue de plusieurs représentants de fédérations auditionnés : le financement exclusif de structures gestionnaires par appels à projet ne serait pas pertinent, car ce type de financement, fonctionnant par « opportunité », n'offre pas de stabilité des ressources et de visibilité à moyen terme sur les modalités de financement .

Outre la question de l'ingénierie et des moyens humains, la diversification des sources de financement nécessite également un bon niveau de trésorerie, en particulier pour la mobilisation des fonds européens . Ainsi, les représentants de parcs nationaux auditionnés par le rapporteur ont indiqué que la faiblesse des fonds de roulement et trésoreries de leurs établissements limitait le recours aux fonds européens : lors du montage d'un projet cofinancé par les fonds européens, les parcs doivent avancer tout ou partie de la somme prise en charge par l'Union européenne. Le remboursement intervient plus tardivement, soit lors de la clôture de la première tranche du projet, soit parfois plusieurs mois plus tard . Ce décalage nécessite donc d'être en capacité d'autofinancer la mise en oeuvre des premières activités : ainsi, certains établissements publics de parcs nationaux ont été amenés à réduire le nombre de projets cofinancés pour maîtriser les risques financiers engendrés . Ces avances de trésorerie constituent en effet un risque important pour les structures, certains établissements de parcs nationaux étant rentrés dans un cycle de refinancement des avances de nouveaux projets par les recettes des projets se terminant, faisant peser le risque d'un effondrement financier si les recettes attendues ne se concrétisent pas. Ces avances de trésorerie peuvent en effet représenter entre 200 000 et 400 000 euros par an par parc selon les projets.

Plusieurs interlocuteurs rencontrés par le rapporteur ont ainsi proposé d'améliorer la mobilisation des fonds européens par la mise en place d'outils d'appui aux porteurs de projets en termes d'avance de trésorerie ou d'ingénierie de projets. La tenue d'un séminaire sur l'amélioration de la mobilisation des fonds européens, co-organisé par la Commission européenne et le ministère de la transition écologique le 24 mars 2021, constitue un premier élément de réponse salué par les interlocuteurs.

Afin de limiter les avances de trésorerie que les gestionnaires de structures doivent assumer dans l'attente des versements de fonds européens, la création d'un fonds d'avance de trésorerie à l'attention des gestionnaires a également été mentionnée et constitue une piste intéressante .

Recommandation n° 6 : mettre en place une modalité d'appui aux gestionnaires d'aires protégées visant à leur permettre de faire face aux obligations d'avances de trésorerie liées au décalage entre la consommation et le versement des fonds européens, par exemple via la création d'un fonds dédié, afin de faciliter la mobilisation des fonds européens.

La diversification des modes de financement des aires protégées peut également être facilitée par une mise en relation des principaux acteurs, en développant par exemple des moments de coordination et de dialogue entre financeurs potentiels et gestionnaires . Leur animation au niveau territorial aurait toute sa pertinence, notamment à l'échelon régional, compte tenu de la mise en place récente des Agences régionales de la biodiversité et du chef de filât des régions en matière de biodiversité. Ces conférences sont mises en place dans certaines régions et regroupent la région, la DREAL, l'OFB et les Agences de l'eau. Il s'agit de rendre plus visibles les différents financements mobilisables et de mieux les articuler.

Recommandation n° 2 : organiser régulièrement des conférences de financeurs, à l'échelle nationale mais également au niveau territorial, par exemple à l'échelon régional, afin de mieux mobiliser et articuler les financements locaux, nationaux et européens disponibles.

Un point a été porté l'attention du rapporteur, s'agissant du réseau Natura 2000 : alors même que le modèle Natura 2000 à la française est marqué par une forte dépendance aux fonds européens, les retards accumulés sur plusieurs années au cours de la dernière programmation pour instruire les dossiers et verser les aides financières ont très fortement impacté la trésorerie de certaines structures animatrices Natura 2000, avec parfois pour effet une démobilisation des élus dans leur rôle de présidence de comité de pilotage . Il importe donc que ces retards ne se reproduisent pas lors de la prochaine programmation pour 2021 à 2027. Par ailleurs, la décentralisation de la gestion des sites Natura 2000 terrestres aux régions prévue dans le projet de loi « 3DS » doit constituer une opportunité pour améliorer la gestion financière et administrative des fonds européens dans les territoires.

Enfin, le PNR visité par le rapporteur en Baie de Somme a signalé les difficultés rencontrées s'agissant de l'obligation qui s'impose à lui d'autofinancer 30 % de ses opérations d'investissement . Cette règle, imposée par le code général des collectivités territoriales (CGCT), est en effet difficilement compatible avec les capacités d'autofinancement des PNR. La revue de dépenses réalisée en 2017 relevait déjà ce point de blocage, qui pouvait donner lieu « à interprétations diverses de la part des services de l'État, et donc à une mise en oeuvre très variable selon les PNR », et encourageait la fédération des PNR à solliciter la DGCL afin de clarifier ce point. Le rapporteur ne peut que réitérer cette recommandation.

B. LA MOBILISATION DE RESSOURCES PROPRES, SI ELLE RESTE DIFFICILEMENT MAÎTRISABLE ET PARFOIS CONTRAINTE PAR LES STATUTS DES STRUCTURES GESTIONNAIRES, MÉRITE D'ÊTRE DÉVELOPPÉE

Les recettes propres constituent aujourd'hui une part marginale des recettes des structures gestionnaires d'aires protégées.

Elles ne représentent par exemple que 4 % des ressources des établissements publics de parcs nationaux , et sont constituées notamment de la vente du patrimoine immobilier, de la vente de produits dérivés des parcs, des prestations à destination de personnes privées ou publiques, ou encore de mécénats : un mécénat national pour l'ensemble des parcs (GMF) est mis en place depuis 2008, chaque parc ayant ensuite des partenariats locaux 49 ( * ) .

Toutefois, ces ressources propres sont assez peu maîtrisables et prévisibles : elles ont diminué de 39 % entre 2016 et 2020, en raison d'encaissements exceptionnels réalisés en 2016 pour deux parcs 50 ( * ) . Les représentants des parcs nationaux interrogés considèrent ainsi que dans le modèle économique actuel, les établissements ne peuvent dégager les moyens nécessaires pour les développer, comme cela peut être le cas pour des acteurs privés dans le domaine de la conservation de la nature : les CEN disposent par exemple de davantage de souplesse d'intervention et d'initiative, découlant de leur statut associatif. Si les établissements publics de parcs nationaux peuvent maintenir les niveaux actuels de recettes propres, leur développement serait contraint pour des raisons statutaires : les interlocuteurs ont ainsi pu évoquer les difficultés d'un établissement public administratif pour développer une activité d'hébergement touristique (obtention de l'agrément, imposition des revenus fonciers).

La question du développement des « contributions volontaires », par le biais de l'implication du secteur privé, par le mécénat, ou du financement participatif, mérite toutefois d'être posée.

D'abord, l'implication du secteur privé en tant que financeur, par le biais du mécénat, constituerait une piste intéressante de diversification des financements des aires protégées 51 ( * ) . Le CGDD rappelle ainsi que le mécénat est très développé pour la protection de la biodiversité aux États-Unis : Central Park par exemple, à New York, dont le budget s'élève à 40 millions d'euros par an, est financé à 85 % par des dons (d'entreprises et de personnes privées).

Pour faciliter l'accueil de financements publics et privés, les PNR ont mis en place en 2012 un « fonds de dotation des PNR de France » qui a notamment pour objet de co-construire les partenariats et d'animer et suivre les partenariats entre les parcs et les entreprises. Toutefois, d'après le CGDD, ce dernier « peine à trouver sa place dans le paysage des mécanismes de financements innovants des PNR ». Les échanges du rapporteur avec les représentants de PNR confirment malheureusement ce constat.

Le fonds de dotation des PNR français a été créé en 2012 par la Fédération des parcs naturels régionaux de France (FPNR). Interlocuteur national, le fonds de dotation est une structure facilitatrice qui accompagne les Parcs et leurs partenaires. Le fonds de dotation est destiné à soutenir les actions conduites dans les Parcs naturels régionaux pour leur fonctionnement ou investissement, conformément à leur mission d'intérêt général. Pour cela il assure la sélection des projets pertinents proposés par les Parc, la promotion des dossiers retenus auprès des entreprises, la co-construction des partenariats aux niveaux national et local, le financement des actions grâce aux dons et enfin l'animation et le suivi du partenariat entreprise/parc. En outre, il permet aux entreprises partenaires de bénéficier d'une déduction fiscale de 60 % du montant de leurs dons et ce quel que soit le type de mécénat (financier, en nature ou de compétences).

Source : « Parcs nationaux : quelles pistes de financements additionnels ? », analyse du CGDD, juin 2018

Par exemple, le mécénat a été développé pour les PNR dans les Hauts-de-France via l'opération « Mécénature » qui est mise en oeuvre depuis 2014, mais le bilan s'avère mitigé : certains partenaires privés se sont mobilisés, mais en faible nombre.

Il faut toutefois noter le risque d'image que peut emporter un développement important du mécénat . Pour pallier ce risque, une charte éthique du mécénat et du parrainage d'entreprise dans les PNR a par exemple été publiée en 2012. De même, afin de garantir l'indépendance des structures gestionnaires, le mécénat peut se limiter à quelques actions ciblées . Le CGDD identifie ainsi deux types de mécénat qui pourraient être exploités par les parcs nationaux 52 ( * ) :

- le mécénat de compétences, qui correspond à la mise à disposition de ressources humaines pour une durée limitée ;

- le mécénat de nature, qui correspond à des dons en nature de la part d'entreprises (matériel, produits, solutions technologiques, etc. ) 53 ( * ) .

Les démarches de mécénat peuvent également cibler certaines thématiques : par exemple le contrat de mécénat des parcs nationaux avec la GMF porte sur l'accessibilité des parcs aux personnes en situation de handicap.

Recommandation n° 7 : engager un développement ciblé du mécénat afin de diversifier le financement des aires protégées, notamment via le mécénat de compétences et le mécénat en « nature » (dons en nature sans contrepartie).

Les réserves naturelles de France et les CEN souhaitent ainsi renforcer l'implication du secteur privé dans le financement des aires protégées, par la mise en place d'un mécanisme de fonds public-privé qui permettrait de déployer et de sécuriser le mécénat.

La piste d'une implication des citoyens, par le biais du crowdfunding ou financement participatif (don avec ou sans contrepartie), dans le financement de projets ponctuels portés par des structures gestionnaires d'aires protégées pourrait également être utilement explorée. Ce mode de financement est aujourd'hui peu développé : d'après le CGDD, seul le parc national des Pyrénées l'a utilisé à ce jour, et pour un seul objet : financer et accélérer le programme de réintroduction des bouquetins, ce qui a permis de lever environ 13 000 euros par an 54 ( * ) .

Le déploiement à large échelle de partenariats public privé, par exemple par le biais de concessions pour l'organisation de certains services au sein des aires protégées (restauration, hébergement) ne paraît quant à lui pas souhaitable : s'ils donnent lieu au paiement de redevances, ces contrats public-privé font encourir un risque en termes d'image pour la structure gestionnaire et leur suivi s'avérerait coûteux en termes de moyens humains.

Enfin, la diversification des ressources peut aussi se traduire par l'exercice de missions de « prestataires » au service des politiques de leurs membres, comme le font les PNR (leurs ressources propres représentent environ 10 % de leurs ressources en 2015). Ces prestations peuvent prendre la forme de l'organisation d'expositions ou de visites guidées.

En tout état de cause, si les financements du secteur privé peuvent utilement compléter le financement public, ils ne sauraient s'y substituer. Il faut donc initier puis assurer leur montée en puissance avant d'envisager une stagnation (voire un recul) des financements publics.

C. SI LA PISTE D'UNE FISCALITÉ DÉDIÉE NE SEMBLE PAS ADAPTÉE AU CONTEXTE ÉCONOMIQUE ACTUEL, LA MISE À CONTRIBUTION DES USAGERS DES AIRES PROTÉGÉES À DES FINS ÉCONOMIQUES DOIT ÊTRE ENGAGÉE

1. La piste d'une nouvelle fiscalité affectée aux aires protégées ne paraît pas opportune

Si les missions des agences de l'eau ont été élargies en 2016 à la biodiversité terrestre et marine par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les redevances perçues par les agences de l'eau restent fondées sur les usages et pollutions de l'eau. Elles ont toutefois intégré en 2020 les redevances sur l'activité cynégétique à la suite de la réforme de la chasse de 2019 et la création de l'OFB.

Aujourd'hui, si certaines redevances s'appuient sur les pressions exercées par l'activité humaine sur les écosystèmes (comme la redevance pour pollution diffuse ou la redevance pour protection du milieu aquatique visant l'activité de pêche), la majeure partie des atteintes à la biodiversité liées à des activités anthropiques ne font pas l'objet d'une taxe .

De nombreux interlocuteurs ont fait part au rapporteur de leur souhait de création d'une nouvelle redevance qui serait affectée aux agences de l'eau, sous plafond ou hors plafond, portant sur les atteintes à la biodiversité terrestre (liée à l'exploitation des ressources ou aux usages), combinée à un relèvement du plafond des redevances affectées aux agences (plafond au-delà duquel les redevances sont reversées au budget général de l'État).

Le plan d'actions 2021-2023 de la SNAP préconise ainsi d'expertiser les voies d'une « mise en cohérence de l'assiette des redevances des agences de l'eau avec les missions financées par ces établissements », afin de leur permettre de financer les actions relatives à l'eau, au milieu marin, mais également à la biodiversité, en cohérence avec la loi de 2016. Cette nouvelle redevance pourrait par exemple être basée sur une part additionnelle à la taxe d'aménagement en sus des parts déjà perçues par les départements et les communes ou communautés de communes.

La mise en oeuvre d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité a également été évoquée, sous la forme d'une taxe liée à l'artificialisation et aux changements d'affectation des sols qui serait reversée aux aires protégées.

Au-delà des difficultés juridiques qui pourraient se poser pour cette seconde option (le statut de certaines structures gestionnaires ne leur permet pas de bénéficier de fiscalité affectée), le rapporteur estime que, compte tenu de la situation économique, la création de nouvelles taxes ne paraît pas souhaitable à l'heure actuelle. Surtout, cette taxation « écologique » conduirait à accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

Recommandation n° 9 : éviter la mise en place d'une nouvelle fiscalité affectée à la biodiversité, peu adaptée au contexte économique et risquant d'accroître la dépendance du financement des aires protégées à la poursuite d'atteintes à la nature.

2. Si l'accès aux aires protégées doit rester libre et gratuit, une contribution financière peut légitimement être attendue des usages « économiques » des espaces protégés

L'accès aux aires protégées est aujourd'hui gratuit, tandis que leur entretien suscite des coûts parfois importants, analysés au fil de ce rapport, et alors même que la surfréquentation est susceptible de dégrader certains espaces et de générer des coûts supplémentaires afin de restaurer leur intégrité.

Il est difficile de calculer les services écosystémiques 55 ( * ) rendus par les aires protégées, et donc de légitimer les coûts que leur gestion représente. Afin de leur donner une valeur - autrement dit de traduire en pratique l'idée selon laquelle « la nature ne rend pas des services gratuits » -, une solution consiste à attribuer un prix à l'accès d'une aire protégée, justifié par leur vocation de préservation et de protection d'un espace. Ces « droits d'accès » peuvent consister en la mise en place d'un tarif d'entrée, de droits de parking, d'une tarification pour l'usage de services dans l'aire (activités, guides, location d'équipements).

Cette solution pose toutefois la question sociale d'un accès égal et gratuit aux espaces naturels protégés, assimilés à des biens publics, et au financement duquel les contribuables participent déjà par l'impôt. Elle nécessiterait par exemple :

- la mise en oeuvre de mesures de péréquation entre aires protégées afin de ne pas pénaliser les espaces moins fréquentés ;

- des moyens humains et financiers pour organiser les modes de contrôle des accès.

La mise en oeuvre d'un « péage » ou d'un droit d'accès à ces espaces ne paraît donc pas souhaitable.

En revanche, les aires protégées sont également devenues aujourd'hui le support d'activités économiques, qu'elles soient sportives ou culturelles. Les espaces naturels sont désormais le théâtre de compétitions sportives ou de l'organisation d'évènements culturels variés (visites guidées, concerts, spectacles, etc. ) qui représentent une pression supplémentaire sur les aires protégées.

Dans ce contexte, le plan d'actions 2021-2023 de la nouvelle stratégie pour les aires protégées propose d'étudier les modalités de compensation financière des usages tels que manifestations sportives ou culturelles payantes dans un espace protégé et de réaliser des études d'impact .

Le rapporteur considère que cette compensation serait en effet bienvenue, et permettrait une juste contribution des acteurs économiques à l'emprunt d'espaces protégés , comme c'est le cas pour d'autres usagers participant par la voie de redevances 56 ( * ) .

Une telle contribution pourrait s'ajouter aux droits d'inscription aux conférences, randonnées ou compétitions sportives organisées au sein des aires protégées. Les modalités d'affectation de cette redevance, au propriétaire, ou de reversement des recettes aux structures gestionnaires, resteraient à étudier et à définir.

Une telle contribution n'aurait pas vocation à s'appliquer aux familles ou personnes membres de fédérations de randonnées, pédestre ou cycliste, utilisant ces espaces à titre gratuit, ni aux structures associatives, qui proposent par exemple des sorties découvertes au sein d'espaces protégés, et ne poursuivent pas de but lucratif.

Recommandation n° 8 : mettre en place une contribution obligatoire au financement des aires protégées dues par les organisateurs d'activités économiques au sein de ces espaces.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 septembre 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur le financement des aires protégées.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons maintenant entendre une communication de Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sur le financement des aires protégées.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - En janvier 2021, le Gouvernement a publié la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP), qui couvre pour la première fois la métropole et les outre-mer, la terre et la mer. À l'horizon de 2030, les objectifs de couverture sont les suivants : 30 % du territoire national sous protection dont 10 % sous protection forte. À l'heure actuelle, 23,5 % du territoire est protégé, et 1,8 % avec une protection forte. La marche est importante. Les objectifs de couverture, pour le Président de la République, doivent être atteints en 2022. Il y parviendra, car annoncer une protection et protéger et gérer réellement un territoire, avec les financements associés, sont deux choses différentes.

Cette stratégie nationale se décline en plans d'action triennaux, qui se déclinent eux-mêmes en plans d'action régionaux, car la région est cheffe de file en matière de protection de la biodiversité.

D'après la définition de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ».

Ce cadre se décline en treize catégories d'aires protégées à terre et onze en mer, qui font l'objet de dispositifs de protection différents, que je regroupe en quatre familles principales : la protection réglementaire - comme les réserves naturelles -, la protection contractuelle - parcs naturels régionaux et sites Natura 2000 par exemple-, la protection par la maîtrise foncière - acquisitions de sites par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et les Conservatoires des espaces naturels - et enfin la protection au titre des conventions et des engagements européens internationaux - patrimoine mondial de l'Unesco ou zones protégées par la Convention de Ramsar.

En 2019, 5,5 % des espaces terrestres étaient protégés à plusieurs titres, puisque des aires peuvent se recouper. Une partie de cette complexité vient de l'ancienneté de cette politique : le premier décret en la matière remonte à Napoléon III, qui, en 1861, a ainsi protégé le massif de la forêt de Fontainebleau. Les parcs nationaux sont créés en 1960, avant que les textes européens ne prennent leur essor : directive « Oiseaux » en 1979, directive « Habitats-Faune-Flore » en 1992, ces grandes directives fixant le cadre du réseau Natura 2000. L'Union européenne vient de définir sa nouvelle stratégie en matière de biodiversité, sachant que l'ensemble de cette politique est chapeautée par un cadre international : depuis la Convention de Rio en 1992 jusqu'à une future Convention sur la diversité biologique, qui se tiendra en Chine en 2022. En France, nous avons redéfini nos objectifs en janvier 2021 : l'articulation des calendriers peut sembler surprenante.

Les acteurs sont extrêmement divers. La direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) centralise ces politiques au niveau de l'État, et l'Office français de la biodiversité (OFB) est un acteur majeur, qui dispose également de financements.

Les acteurs de terrain indiquent que, au quotidien, cette complexité autorise une réponse appropriée à chaque spécificité locale. Soit. Voilà qui est moins vrai pour les financements : la diversité des acteurs implique un financement très éclaté. Il manque en outre une notion de bénéfice économique rapporté à la gestion de la nature. Cependant, chaque acteur reconnaît que ces aires protégées participent à d'autres objectifs : écotourisme, attractivité du territoire, emplois non délocalisables, éducation, développement rural, intégration sociale, etc. C'est pourquoi l'État et les collectivités soutiennent financièrement cette politique.

Nous estimons que l'État et les opérateurs, en 2021, ont dépensé entre 230 et 250 millions d'euros pour l'ensemble des aires protégées, somme à laquelle il faut ajouter celles versées par les collectivités territoriales, très difficiles à chiffrer. Une étude récente indique qu'en 2018, 345 millions d'euros ont été versés en faveur des aires protégées, tous niveaux de collectivités confondus. Cependant, elles reçoivent également des aides de l'État et de ses opérateurs, de sorte que le montant alloué aux aires protégées à partir de leurs ressources propres n'est pas connu précisément.

Les départements peuvent financer leur politique « Espaces naturels sensibles » (ENS) par la part départementale de la taxe d'aménagement qu'ils perçoivent, assise sur les autorisations d'urbanisme, dont le taux ne peut excéder 2,5 % : en 2015, chaque département a alloué en moyenne environ 3,9 millions d'euros à la politique « ENS ».

Les régions sont « cheffes de file » dans le domaine de la biodiversité. Elles ne bénéficient toutefois pas de ressources spécifiques. Nous n'avons pas pu avoir d'échanges avec Régions de France, et je le regrette. Il existe une inquiétude, car la loi « 3DS » en cours d'examen prévoit la décentralisation de l'animation des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions. Les crédits distribués via le programme budgétaire 113 persisteront-ils ? Cette question inquiète d'autant plus les acteurs que ce transfert semble ne pas s'accompagner de ressources supplémentaires pour les régions.

Les besoins de financement sont très rigides. La masse salariale représente un poids important dans le total des dépenses : 68 % en 2020 du budget des parcs nationaux ; 85 % pour les réserves ; près de la moitié du budget des conservatoires d'espaces naturels. Selon un rapport de juillet 2019, s'agissant des aires marines protégées, « 38 % des gestionnaires enquêtés estiment ne pas être en capacité d'intervenir sur les usages qui affectent les milieux dont ils ont en charge la protection, en particulier s'agissant des activités et de la fréquentation touristique et des vecteurs de pollution ». En clair, ils manquent de moyens pour exercer leurs missions !

Peut-on alors atteindre les objectifs présidentiels ? La SNAP vise à couvrir au moins 30 % du territoire national et des eaux maritimes par un réseau d'aires protégées d'ici à 2022, mais qui seront effectivement gérées en 2030. Nous pourrons sans doute atteindre l'objectif de 30 % grâce à notre immense patrimoine maritime. Songez au parc naturel marin des Glorieuses, par exemple. Mais encore faudra-t-il pouvoir les gérer, avec des moyens adaptés ! Or cette annonce a été faite sans aucun audit préalable. La direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) reconnaît qu'il est difficile d'évaluer les moyens financiers et humains nécessaires, car on ne connaît pas encore les zones qui permettront de remplir l'objectif des 30 % de couverture. L'analyse des besoins des structures pour atteindre les objectifs fixés par la nouvelle stratégie est seulement en cours de réalisation. Le Gouvernement a en effet missionné une équipe de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), dont les conclusions devraient être remises d'ici à la fin de l'année.

Enfin, les objectifs fixés paraissent en décalage avec les contraintes des opérateurs : le Conservatoire du littoral se voit ainsi confier, par la SNAP, un objectif de renforcement de la protection du littoral par l'extension de son domaine protégé d'au moins 6 000 hectares supplémentaires. Or, le Conservatoire est majoritairement financé par l'affectation plafonnée d'une partie du droit annuel de francisation et de navigation, qui est donc stable dans le temps.

C'est pourquoi nous avançons quelques pistes. Cette politique doit s'inscrire dans la durée. Or, pour le moment, elle relève d'une gestion à courte vue, à l'année. Les acteurs réclament de la visibilité. Nous recommandons donc de mettre en place des contrats d'objectifs et de performance pluriannuels, gages de visibilité des engagements financiers de l'État et des opérateurs sur plusieurs années. Il convient aussi d'éviter la mise en place d'une fiscalité punitive. Il serait en effet paradoxal de faire dépendre le financement des aires protégées de la poursuite d'atteintes à la nature.

Il faut plutôt inciter à la protection. Les communes rurales qui touchaient une compensation de l'État en raison de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties s'appliquant aux sites « Natura 2000 » ont vu cette compensation fondre au fil des années, car celle-ci a été intégrée au périmètre des variables d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de l'État aux collectivités territoriales. En 2019, une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité, concernant notamment les sites « Natura 2000 », a été créée, mais sur 13 128 communes concernées par un site « Natura 2000 », très peu la touchent en réalité. L'État semble avoir pris conscience du problème et un article du projet de loi de finances pour 2022, présenté le 22 septembre, constitue une avancée à cet égard. C'est un bon signal. La démarche de contractualisation pour la régulation de la dépense locale entre l'État et les collectivités va sans doute se poursuivre. Or, dans ce cadre, en cas de régulation des dépenses de fonctionnement, les politiques de biodiversité sont une variable d'ajustement pour les collectivités. C'est pourquoi il faudrait isoler les recettes et les dépenses liées aux espaces naturels sensibles au sein d'un budget annexe, afin de valoriser l'action des collectivités concernées en faveur de la biodiversité et des espaces naturels.

Lors du montage d'un projet cofinancé par les fonds européens, les parcs nationaux ou autres structures gestionnaires d'aires protégées doivent avancer tout ou partie de la somme qui sera ensuite prise en charge par l'Union européenne. Il conviendrait que l'État mette en place un fonds dédié pour gérer le décalage de trésorerie et faciliter la mobilisation des fonds européens.

Le code général des collectivités territoriales (CGCT) oblige par ailleurs les PNR à autofinancer 30 % de leurs opérations d'investissement. Cette règle mériterait d'être revue, car elle est difficilement compatible avec les capacités d'autofinancement des parcs.

Enfin, il serait judicieux de donner une valeur économique à ces espaces. Ces derniers apportent beaucoup à l'environnement, mais sont dénués de valeur économique. Dans la baie du Mont Saint-Michel, par exemple, une exploitation économique limitée existe : pour traverser la baie, il faut recourir aux services d'un guide agréé. Nous pourrions reproduire cela dans toutes les aires protégées pour tirer une recette de l'utilisation de la nature : on pourrait créer des randonnées guidées dans les parcs, développer différents usages payants, afin que ceux qui profitent de ces espaces contribuent financièrement à leur entretien. La valeur écologique de ces territoires est forte. Ceux qui aiment courir préfèrent aller courir dans la nature plutôt que sur du bitume ! Valorisons ces usages. Je propose d'instaurer une contribution obligatoire au financement des aires protégées qui serait due par les organisateurs d'activités économiques au sein de ces espaces, que ces activités soient culturelles ou sportives.

M. Claude Raynal , président . - Merci pour cette synthèse sur un dispositif complexe.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci pour ce rapport vivifiant, sur un dispositif, en effet, « labyrinthique ». Notre rapporteur a raison, ces espaces ont une valeur. Ce sujet me rappelle les débats au sein de la commission d'enquête sur l'évaluation du coût économique de la pollution de l'air. Conférer une valeur économique à ces espaces est la meilleure manière de les protéger. Pour le reste, le dispositif est un vrai bazar, les compétences se chevauchent, nul ne se précipite pour intervenir, et cela ne gêne personne de proclamer dans les médias de grandes ambitions, sans actes...

M. Jérôme Bascher . - Ce dispositif est un labyrinthe de contraintes de tous ordres : à cause de ces dernières, les petites collectivités qui abritent des sites protégés ne peuvent guère agir. En Haute-Corse, par exemple, les contraintes de la loi Montagne et de la loi Littoral se combinent, et finalement on ne peut plus rien faire ! Il est temps de rationaliser. Je salue l'effort de notre rapporteur pour remettre de la lumière dans le maquis des aires protégées. Le ministère lui-même semble ne pas savoir ce qui se passe ni maîtriser l'effet des normes qu'il produit...

M. Charles Guené . - L'instauration d'une contribution obligatoire au financement des aires protégées, qui serait acquittée par les organisateurs d'activités économiques, est une piste intéressante, mais les activités possibles sont limitées : par exemple, on ne peut pas installer d'éoliennes ni de panneaux photovoltaïques, ce qui semble paradoxal. Les crédits de la dotation « Natura 2000 » ne compensent pas le prélèvement effectué sur les parcs nationaux au titre de la contribution des collectivités locales au redressement des finances publiques. À ce rythme, le risque est que ces zones protégées se désertifient.

M. Claude Raynal , président . - Le rapport montre la complexité du système, faute de principes clairs et d'une répartition nette des compétences. Il faudrait distinguer ce qui relève du régalien et ce qui relève d'autres financements, et notamment des choix de chacun. Faire contribuer les acteurs économiques pour leurs prestations est une idée intéressante.

M. Jean-Marie Mizzon . - Finalement, je ne sais plus si avoir une aire protégée est une chance pour une commune. Elles sont inscrites dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, dans les schémas de cohérence territoriale, etc. Ces zones sont-elles vécues comme une source supplémentaire de contraintes, comme les périmètres de protection contre les inondations ou contre les éboulements, ou bien comme une chance pour le développement du territoire ?

Mme Vanina Paoli-Gagin . - Cette complexité, récurrente en France, montre la difficulté de réaliser la transition écologique. Ces zones ont une valeur, en effet, mais on ne sait pas leur donner un prix. Ne faut-il pas revoir nos modalités d'analyse ? Il me semble que l'on atteint les limites de notre système.

M. Gérard Longuet . - La complexité du dispositif résulte d'un empilement au fil du temps de dispositifs et d'objectifs de natures différentes.

Les premiers dispositifs visaient à éviter les constructions humaines excessives, dépourvues d'harmonie, mais les normes changent et bien des bâtiments anciens protégés n'obtiendraient pas un permis de construire aujourd'hui.

Puis est venue la préoccupation des paysages. Cela est devenu encore plus compliqué. Dans une zone agricole, comme le parc naturel régional de Lorraine, il faut tenir compte des contraintes de production : ces terres constituent un outil de travail pour les agriculteurs. Si on les classe au titre de la protection des paysages, il faut les indemniser et cela devient très complexe.

Avec la biodiversité, qui est peu visible et constitue une notion sans limites claires, la complexité ne fait que s'accroître.

Finalement, la complexité résulte d'une absence de choix. Le rapporteur indique que la plupart des atteintes à la biodiversité liées à des « activités anthropiques » ne font pas l'objet d'une taxe. Derrière cette notion se cache en fait l'art de vivre. Quand Michel d'Ornano a créé le Conservatoire du littoral, les règles étaient simples : le Conservatoire achetait les terres, le droit de propriété était respecté et les constructions dans la zone des 100 mètres étaient interdites. Aujourd'hui, les normes de biodiversité s'entassent et manquent de lisibilité. Le droit de propriété individuelle et les droits humains s'effacent derrière des préoccupations esthétiques relatives concernant les paysages, qui sont discutables, et la biodiversité, qui sont incompréhensibles. Or personne n'a envie de payer pour quelque chose qu'il ne comprend pas !

M. Marc Laménie . - La complexité est frappante. Il est difficile de chiffrer l'engagement des collectivités territoriales. Les opérateurs de l'État sont nombreux. Ma question portera sur l'Office national des forêts (ONF). Quel est son rôle ?

M. Christian Bilhac . - Dans les aires protégées, il faut aussi protéger les humains. Dans une zone protégée près de chez moi, qui est très accidentée et dangereuse, je ne comprends pas pourquoi on interdit l'installation d'une antenne-relais de téléphonie mobile, qui pourrait aider les secours à intervenir. Dans un autre site, on ne peut pas installer un poste de secours. L'État devrait accorder des dérogations pour les installations consacrées à la sécurité des personnes.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Sur les 230 à 250 millions de crédits alloués par l'État et ses opérateurs aux aires protégées, la part de l'État n'est que de 72 millions, le reste provenant de ressources de l'OFB, des agences de l'eau et d'autres opérateurs.

Ces espaces ne sont pas des déserts dépourvus d'activité. Le parc du Marquenterre, en baie de Somme, accueille ainsi des activités de mytiliculture. Des activités économiques sont possibles, mais elles sont encadrées. On pourrait envisager de développer des sorties guidées, des randonnées avec bivouac, des excursions photographiques, etc. Selon les zones, différentes activités sont autorisées ou interdites.

Ces zones ont une valeur évidente, même si on n'a pas encore trouvé leur prix économique : il suffit de constater leur surfréquentation. À Port-Cros, il a fallu limiter la circulation à vélo dans une partie de l'île cet été. Les parcs sont parfois contraints de limiter les entrées. Il faut aussi s'interroger sur le mode de consommation de ces espaces. Ainsi, 80 % des touristes viennent en Baie de Somme en voiture individuelle pour observer les oiseaux, ce qui ne va pas dans le sens de la politique de développement durable des territoires et de la transition écologique. Il faut donc trouver les moyens d'articuler tous ces objectifs.

Lorsqu'une collectivité devient membre d'un PNR, elle signe une charte qui s'impose aux documents d'urbanisme. Les PNR sont en effet gérés par des syndicats où siègent les collectivités : celles-ci participent donc à la définition de la politique menée. Il est possible d'exploiter la valeur économique par une délégation de service public, comme les refuges dans le parc de la Vanoise. Cela permet de concilier protection du territoire et économie. Enfin, j'aborde la question de l'ONF dans mon rapport.

La commission a autorisé la publication de la communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Auditions

Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB)

- Mme Sophie-Dorothée DURON, directrice adjointe ;

- M. Benoit ARCHAMBAULT, chef du bureau des espaces protégés.

Office français de la biodiversité (OFB)

- M. Denis CHARISSOUX, directeur général délégué aux ressources ;

- M. Michel SOMMIER, directeur des aires protégées.

Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

- Mme Agnès VINCE, directrice ;

- M. Matthias BIGORGNE, directeur adjoint.

Office national des forêts (ONF)

- M. Bertrand MUNCH, directeur général ;

- M. Albert MAILLET, directeur Forêts et risques naturels.

Réserves naturelles de France (RNF)

- M. Michel METAIS, vice-président ;

- Mme Marie THOMAS, directrice.

Collectif des Parcs nationaux

- Mme Eva ALIACAR, directrice du Parc national de la Vanoise ;

- M. Pierre COMMENVILLE, directeur du Parc national des Écrins ;

- M. Corentin MERCIER, coordonnateur du collectif des parcs nationaux.

Fédération des Parcs naturels régionaux (PNR) de France

- M. Michaël WEBER, président ;

- M. Éric BRUA, directeur.

Réseau Natura 2000

- M. Jean-Luc BLAISE, élu porte-parole de la mission inter-réseaux Natura 2000 ;

- Mme Aurélie PHILIPPEAU, coordinatrice inter-réseaux Natura 2000 et territoires.

France Nature Environnement (FNE)

- M. Jean-David ABEL, vice-président, en charge des questions de biodiversité.

Fédération des Conservatoires d'espaces naturels

- M. Bruno MOUNIER, directeur.

Association des départements de France (ADF)

- Mme Valérie NOUVEL, vice-présidente du département de la Manche, en charge de la transition et de l'adaptation au changement climatique.

Déplacement réalisé dans la Somme

Visite du parc du Marquenterre et de la réserve naturelle nationale de la Baie de Somme

- Mme Patricia POUPART, présidente du Parc naturel régional Baie de Somme Picardie maritime ;

- M. Sébastien DESANLIS, directeur du Parc naturel régional Baie de Somme Picardie maritime ;

- M. Arnault GRAVES, délégué de rivages Manche Mer du Nord (CELRL) ;

- Mme Gwenaële MELENEC, déléguée adjointe de rivages manche Mer du Nord (CELRL) ;

- M. Yvan JACQUEMIN, chargé de mission territorial, délégation Manche Mer du Nord (CELRL) ;

- Mme Alexandra QUÉNU, directrice de la Réserve naturelle nationale de la Baie de Somme ;

- Mme Corinne CARRE, directrice du Parc du Marquenterre ;

- M. Philippe CARRUETTE, responsable des guides naturalistes du Parc du Marquenterre ;

- Mme Sarah LEVRAULT, chargée de mission Natura 2000, Syndicat Mixte Baie de Somme - Grand Littoral Picard ;

Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement, et du logement (DREAL) et Agence de l'eau Artois-Picardie

- M. Pierre BRANGER, directeur des interventions de l'Agence de l'eau Artois-Picardie ;

- M. Marc GREVET, chef du service Eau et nature de la DREAL.

Conseil régional des Hauts-de-France

- Mme Isabelle PUGLISI, directrice de la biodiversité ;

- Mme Fanny RAMANAH, cheffe de projet Parcs naturels régionaux.


* 1 Rapport de l'évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, IPBES, résumé à l'intention des décideurs, p.12.

* 2 D'après les critères de la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

* 3 « Les investissements dans la conservation réalisés entre 1996 et 2008 ont permis de réduire le risque d'extinction pour les mammifères et les oiseaux de 29 % par pays (valeur médiane) dans 109 pays, alors que le taux de diminution du risque d'extinction pour les oiseaux, les mammifères et les amphibiens aurait été plus élevé d'au moins 20 % sans les mesures de conservation prises au cours des dernières décennies » (id. p.35).

* 4 Loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux ; les réserves naturelles ont été créées par la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ; loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux ; loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ; loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, créant l'Office français de la biodiversité.

* 5 Directive 79/409/CE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

* 6 Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 modifiée par la directive 97/62/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

* 7 Dès lors qu'ils comprennent une structure gestionnaire. Les sites RAMSAR ne sont donc pas directement abordés dans le cadre du présent rapport dans la mesure où dans la grande majeure partie des cas, ils ne font pas l'objet d'une gestion par une structure.

* 8 Ils comprennent un coeur terrestre fortement réglementé et une aire d'adhésion volontaire participant à la protection du coeur.

* 9 Les conservatoires des espaces naturels (CEN) gèrent par exemple 36 réserves naturelles nationales et 73 réserves naturelles régionales et sont ainsi le premier réseau constitué de gestionnaires de réserves naturelles.

* 10 L'objectif de 20 % des eaux marines françaises protégées de la SCGAMP en 2020 a été atteint. Les eaux ultramarines y occupent une place majeure, représentant 97 % de la surface totale.

* 11 Ces objectifs sont fixés pour 2022. Toutefois, ce réseau devra être effectivement géré d'ici 2030 : comme le rappelle la SNAP, il existe une distinction entre la création qui est l'acte juridique ou d'acquisition foncière et la gestion effective qui est le fait de disposer de tous les attributs d'une zone effectivement opérationnelle, matérialisée par une équipe, des moyens, une gouvernance, un plan de gestion ou équivalent, des dispositifs de contrôle et d'évaluation.

* 12 Créé en 1974, le Syndicat Mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard a pour mission de développer le territoire par la gestion et l'aménagement des espaces bâtis et naturels et leur valorisation. Ses principales compétences sont l'aménagement des espaces et milieux naturels, la protection du trait de côte, le développement littoral et économique, mais il concentre également ses actions notamment sur le Plan Vélo Baie de Somme et la régie commerciale « Destination Baie de Somme ».

* 13 Toutefois, une zone limitrophe du parc d'environ 1 000 hectares de massifs dunaires demeure une propriété privée et poursuit un objectif exclusivement commercial (activités de 4x4, chasses privées). La proximité entre l'espace protégé et la zone privée poursuivant un objectif exclusif de rentabilité économique en dehors de toute problématique de protection pose la question de la cohabitation entre ces deux espaces, dont les vocations sont différentes.

* 14 Les services écosystémiques désignent les bénéfices économiques et sociaux que rend une nature en bon état à la société.

* 15 Même si leur action en la matière est cruciale : par exemple les PNR sont les premiers animateurs de sites Natura 2000 en France et la moitié de la surface des réserves naturelles nationales sont situées dans leur périmètre.

* 16 La charte du PNR s'impose en effet aux schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou le cas échéant aux documents équivalents.

* 17 « Les parcs naturels régionaux : apports à l'aménagement et au développement durable des territoires et perspectives, Alain Feretti, CESE, octobre 2018.

* 18 Sala, E., Mayorga, J., Bradley, D. et al. Protecting the global ocean for biodiversity, food and climate. Nature 592, 397-402 (2021).

* 19 Cette étude a également identifié plusieurs zones mondiales où la protection stricte est susceptible d'apporter le plus de résultats : en France, la zone Méditerranéenne et la façade atlantique devraient ainsi davantage être ciblées.

* 20 L'Agence de la biodiversité et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, désormais fusionnés au sein de l'Office français de la biodiversité (OFB).

* 21 3,5 millions d'euros pour des études, 9,4 millions d'euros pour des travaux d'entretien, 2,7 millions d'euros pour des travaux de restauration, et 6,7 millions d'euros pour l'acquisition foncière.

* 22 Toutefois, ce montant est très certainement supérieur car l'ONF intègre l'enjeu biodiversité dans sa gestion multifonctionnelle de base, y compris en dehors aires protégées.

* 23 « Le Conservatoire [...] a pour mission de mener, après avis des conseils municipaux et en partenariat avec les collectivités territoriales intéressés, une politique foncière ayant pour objets la sauvegarde du littoral, le respect des équilibres écologiques et la préservation des sites naturels ainsi que celle des biens culturels qui s'y rapportent ».

* 24 « Quelles réponses économiques face au déclin de la biodiversité ? La dépense nationale de protection de la biodiversité et des paysages », DATA LAB, Ministère de la transition écologique, septembre 2021.

* 25 D'après l'article L. 331-17 du code de l'urbanisme.

* 26 « La gestion des espaces naturels sensibles et des parcs naturels régionaux », revue de dépenses, IGG, IGA, CGEDD, juillet 2017.

* 27 Le PNR de Scarpe-Escaut, le PNR des Caps et Marais d'Opale, le PNR Oise-Pays de France, le PNR de l'Avesnois et le PNR de la Baie de Somme Picardie maritime.

* 28 Les parcs nationaux, les parcs naturels marins, les parcs naturels régionaux, dont la Fédération assure une coordination inter réseaux Natura 2000 en étroite liaison avec les fédérations des réserves naturelles et des conservatoires d'espaces naturels, les réserves naturelles, les conservatoires d'espaces naturels, les autres aires marines protégées, le conservatoire du littoral et ses gestionnaires réunis au sein de Rivages de France, les réserves de biosphère, les grands sites de France, les sites RAMSAR, les départements de France en tant que gestionnaires d'espaces naturels sensibles, l'Office national des forêts.

* 29 « Quelles réponses économiques face au déclin de la biodiversité ? La dépense nationale de protection de la biodiversité et des paysages », DATA LAB, Ministère de la transition écologique, septembre 2021.

* 30 Les parcs nationaux peuvent aussi recevoir des financements de l'État sur projets locaux, par exemple pour la gestion de sites Natura 2000.

* 31 Programme 175 « Patrimoines », programme 131 « création culturelle », programme 123 « conditions de vie en outre-mer », programme 206 « qualité de l'alimentation et offre alimentaire », programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ».

* 32 En 2020, la dotation de fonctionnement du parc a été réévaluée de 500 000 euros afin de lui permettre de sécuriser à nouveau sa trésorerie et son fonds de roulement.

* 33 Six catégories de destination déclenchent le prélèvement de cette taxe : les parcs nationaux, les réserves naturelles, les terrains du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, les sites classés et, sur demande des communes, les sites inscrits, ainsi que les ports qui desservent exclusivement ou principalement ces espaces protégés même sans y être inclus. Elle s'élève à 7 % du prix du billet « aller » hors taxe, dans la limite de 1,57 euro.

* 34 Avant les annonces faites lors du congrès mondial de l'UICN.

* 35 Aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement « la charte constitue le projet de territoire du PNR ». Sa durée d'application est de 15 ans.

* 36 Ce montant intègre également la participation du budget général de l'État au financement des parcs, qui représente environ 100 000 euros par PNR.

* 37 Les 5 % restant correspondent aux budgets annexes, dont disposent certains parcs pour mettre en oeuvre des dispositifs spécifiques : transferts de compétences,... D'après la fédération, ces budgets représentent au plan national 8,3 millions d'euros.

* 38 « Analyse du dispositif Natura 2000 en France », rapport du CGEDD et du CGAAER, décembre 2015.

* 39 28,6 millions d'euros ont été alloués au réseau Natura 2000 en 2021 par le programme 113 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

* 40 Il s'agit du projet, porté par la Fédération des CEN, de création d'une fondation reconnue d'utilité publique des CEN. Elle a bénéficié d'un soutien de l'État à hauteur de 580 000 euros en 2021 (soutien à l'acte de dotation initial et apport au capital). Ce projet permettra de sécuriser le foncier acquis par ces structures et de contribuer aux objectifs fixés dans le cadre de la stratégie nationale en faveur des aires protégées concernant le renforcement du réseau des aires protégées.

* 41 Les agents du littoral sont employés par les gestionnaires des sites et peuvent disposer de pouvoirs de police pour assurer le respect de la réglementation : il s'agit dans ce cas de gardes du littoral.

* 42 Pour les parcs des Pyrénées en 2019, de Guyane et de Port-Cros en 2020 et 2021, cette situation a nécessité une intervention financière de la tutelle.

* 43 « Parcs nationaux : quelles pistes de financements additionnels ? », Commissariat général au développement durable, juin 2018.

* 44 Bilan 2019 de la stratégie nationale pour la création et la gestion des aires marines protégés, juillet 2019, rapport d'évaluation d'ACTeon environement, MC2 et Creocean.

* 45 L'ordre de grandeur de la part départementale revenant à cette politique est de 400 millions d'euros, or le montant des dépenses déclarées par les départements en faveur des ENS a été en moyenne de 280 millions d'euros sur la période 2012-2015.

* 46 Actuellement, seul un tableau annexe au budget est demandé aux collectivités concernées : l'article R. 113-18 du code de l'urbanisme dispose que lorsque la part départementale destinée à financer les ENS a été instituée, « un tableau annexe au budget de cette collectivité fait le bilan des recettes et des emplois de cette taxe ».

* 47 « L'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable », communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat, septembre 2016.

* 48 « Fiscalité dans les sites Natura 2000 : TFNB et dotation biodiversité : quels effets sur le budget des communes rurales ? », Coordination inter-réseaux Natura 2000, CEN, PNR de France et RNF.

* 49 Au sein du parc national de Port-Cros, un contrat de mécénat existe avec la Fondation d'entreprise Total depuis 1992. Renouvelé chaque année, il a permis de financer de nombreuses études scientifiques centrées sur le milieu marin, et notamment les cétacés, ainsi que des travaux de restauration écologique (CGDD, 2018).

* 50 Pour le parc de Port-Cros, il s'agit de la mise à jour et de l'actualisation des baux, de la conclusion de nouveaux baux, et de l'encaissement du produit issu d'un contentieux viticole. Pour le parc de la Vanoise, il s'agit de la vente du chalet du col de la Madeleine et de sa ré-imputation comptable.

* 51 De nombreux avantages fiscaux sont par ailleurs accordés aux entreprises mécènes.

* 52 « Parcs nationaux : quelles pistes de financements additionnels ? », analyse du CGDD, juin 2018.

* 53 Par exemple mise à disposition gratuite d'un véhicule électrique par un constructeur automobile qui serait soucieux de devenir mécène d'un parc national.

* 54 Les parcs nationaux étant des organismes d'intérêt général, les donations en leur faveur donnent lieu à une possibilité de défiscalisation très intéressante, à hauteur de 66 %.

* 55 Il s'agit des bénéfices sociaux et économiques d'une nature en bon état.

* 56 Ces redevances sont perçues par le propriétaire des espaces (par exemple l'ONF pour un usage privatif en forêt domaniale, ou le CELRL pour un usage sur une portion du domaine maritime dont il est propriétaire - en Baie de Somme, les interlocuteurs ont indiqué que ces redevances perçues par le CELRL étaient reversées aux structures gestionnaires des aires protégées concernées).

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