Seconde séquence - Quelles politiques publiques de soutien à l'investissement productif ?
Jean-Pierre Philibert, Président de la FEDOM
Quel avenir souhaité pour les dispositifs nationaux de soutien à l'investissement productif ?
1. Rappel : contrairement aux idées reçues, les collectivités du Pacifique bénéficient imparfaitement de la solidarité nationale et européenne.
Les COM du Pacifique disposent de soutiens de l'État inférieurs à ceux des DOM...et de la France hexagonale :
- les dépenses budgétaires brutes s'y élèvent à 2,5 milliards d'euros (2013), soit 0,12 % du PIB français et 0,66 % des dépenses du budget général pour 0,82 % de la population nationale ;
- alors que les retards en terme de PIB par habitant, d'indice de développement humain et d'état sanitaire persistent, l'État dépense, par habitant, 20 % de moins dans les COM du Pacifique qu'en métropole (4 565 € contre 5 668 € en 2013) ; dans les DOM, l'écart est cinq fois moindre (4 %), avec même une égalité pour les quatre DOM « historiques » ;
- compte tenu de l'autonomie des COM du Pacifique, l'égalité sociale ne s'y applique pas. Le SMIC est inférieur de plus de 20 % aux montants nationaux en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie et inférieur de plus de 50 % à Wallis-et-Futuna. Ils ne bénéficient pas de transferts sociaux. Ils perdent donc une aide potentielle de 3,5 milliards d'euros, supérieure aux transferts budgétaires stricto sensu ;
- les COM du Pacifique bénéficient peu des 3,8 milliards d'euros de dépenses fiscales de la mission budgétaire outre-mer, les deux tiers d'entre-elles n'étant applicables que dans les DOM (cf. les dispositions relatives à la TVA) ; elles ne bénéficient pas des divers crédits d'impôts pour la compétitivité et l'emploi (CICE), pour la recherche (CIR), pour l'innovation (CII) et pour la transition énergétique (CITE), ni de leurs améliorations prévues dans les DOM par la loi de finances pour 2015 ;
- entre 2008 et 2013, l'État a ralenti le rythme de ses dépenses vers les COM du Pacifique : + 2,7 % sur la période, une augmentation trois fois inférieure à celle des dépenses de l'État et sept fois inférieure à celle en direction des DOM.
En matière d'aides européennes, les COM / PTOM 26 ( * ) du Pacifique sont singulièrement désavantagés par rapport aux DOM / RUP 27 ( * ) :
- entre 2007 et 2013, les PTOM du Pacifique ont perçu un peu moins de 60 millions d'euros du Fonds européen de développement (FED) ; durant la même période, les RUP françaises recevaient une aide de 3,8 milliards d'euros des fonds structurels ;
- malgré les augmentations prévues, l'écart va persister durant la période 2014-2020 : ainsi, par exemple, un Polynésien recevra 21 fois par habitant moins qu'un Guyanais, les dotations s'élevant respectivement à près de 30 millions d'euros et à 595 millions d'euros pour une population comparable ;
- l'État doit donc jouer son rôle et soutenir l'investissement, via le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) qui représente 500 millions d'euros en principe sur cinq ans (2013-2017) et les contrats de projet, actuellement renégociés.
Dans ce contexte, les blocages du bureau des agréments du ministère des Finances s'avèrent très préjudiciables pour les économies et nos 550 000 compatriotes des COM du Pacifique.
Nous avons de gros soucis avec les blocages, récurrents et quasi « idéologiques », du Bureau des agréments : pour les gardiens du dogme budgétaire, un bon investissement est un investissement... qui n'existe pas et ne coûte rien ! Et l'on ne peut ici accuser le RGEC 28 ( * ) (et sa définition de l' « investissement initial »)... qui ne s'applique que dans les six RUP, pas dans les cinq PTOM !
Les COM du Pacifique subissent également une « double peine » : car le coût économique et social du « non-investissement » n'apparait nulle part : Bercy ne comptabilise et ne prend en compte ni les populations ni les PIB des COM (se privant ainsi, délibérément, d'une douzaine de milliards d'euros pour les collectivités du Pacifique, qui pourraient et devraient s'ajouter à la richesse nationale).
2. Il convient donc, dès à présent, d'envisager une prolongation des dispositifs de défiscalisation après le 31 décembre 2017 et ce, pour une période suffisante.
Le dispositif national de défiscalisation dans l'ensemble des onze départements et collectivités d'outre-mer vise à promouvoir, par la mise en oeuvre d'incitations fiscales, les investissements productifs réalisés dans les secteurs de l'économie jugés prioritaires. Son maintien est donc essentiel. La FEDOM avait déjà interpellé sur ce point M. Thomas Degos, directeur général des outre-mer, le 5 Novembre 2014, à l'occasion du colloque sur les COM du Pacifique, tenu à l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement affirme régulièrement que la défiscalisation est garantie « au moins jusqu'en 2017 ». Mais les projets d'investissements structurants, qui par nature exigent de facto entre deux et quatre années de programmation et d'instruction, sont aujourd'hui interrompus, car les investisseurs n'ont, à ce stade, plus de visibilité au-delà de 2017. Les entrepreneurs locaux qui ont des projets à moyen terme se trouvent aujourd'hui contraints dans leurs démarches lorsqu'ils réalisent qu'ils n'ont aucune chance de voir des banques boucler leur plan de financement avec des mesures de défiscalisation qui s'arrêtent au 31 décembre 2017.
En effet, beaucoup de projets en devenir sont basés sur le calendrier prévisionnel suivant :
- courant 2015 : étude du projet/étude de marché/dimensionnement des investissements ;
- fin 2015 : chiffrage final et dépôt envisageable d'une demande d'agrément ;
- 2016 voire jusqu'à début 2017 : instruction du dossier d'agrément, laquelle prend actuellement de 12 à 18 mois pour des projets de moyenne taille (environ 5 à 10 millions d'euros) ;
- 2017, en cas d'agrément, reconsultation des entreprises pour vérifier leurs prix et disponibilité et lancement des commandes.
Dans ces conditions, il s'avère, selon les cas, difficile ou impossible d'achever l'investissement et de démarrer l'exploitation au plus tard pour fin 2017 comme le prévoient les textes, la date butoir du 31 décembre 2017 correspondant en effet à la mise en service effective de l'équipement. D'ores et déjà, des projets d'investissements « lourds » pesant plusieurs centaines d'emplois commencent à être bloqués et certains chefs d'entreprises envisagent d'investir à l'étranger.
Il faut donc, dès à présent, assurer de la visibilité aux entrepreneurs en prorogeant le dispositif d'aide à l'investissement sur une durée suffisante pour faire « redémarrer la machine à projets » et pour permettre aux banques locales d'accompagner lesdits projets sur la base de plans de financement qui pourront continuer à intégrer l'aide fiscale à l'investissement.
La demande faite à l'État par les socio-professionnels des DOM et des COM est donc de proroger les mesures de défiscalisation des investissements outre-mer jusqu'en 2025 29 ( * ) , voire 2027 pour disposer d'une période de dix ans, afin de redonner confiance aux chefs d'entreprise et de créer les conditions d'une véritable relance économique par le secteur productif. Nos adhérents, des DOM mais aussi des collectivités du Pacifique, soulignent que la proposition qui circule dans les ministères, consistant à rendre éligibles tous les dossiers déposés à l'agrément avant fin 2017, ne permettrait pas, eu égard à l'inertie inhérente à l'instruction de projets « lourds », de dégager une visibilité suffisante et ce, dès le milieu de l'année 2016. On ne gagnerait que quelques mois... Parallèlement, les dossiers des PME, réalisés en « plein droit », ne pourraient, dans une telle hypothèse de travail, prendre date par le dépôt d'un agrément. Ils seraient alors pénalisés au profit des dossiers avec agrément, ce qui constituerait une inégalité de traitement.
Une mesure de prolongation aurait vocation à être adoptée à l'occasion du prochain projet de loi de finances, ce qui n'empêchera pas, au cours des années qui viennent, de continuer à amender ou à améliorer les textes si les besoins s'en font ressentir. Parallèlement, des axes de développement ont été fixés par le Président de la République le 9 mai 2015 : (i) élargissement de la défiscalisation aux partenariats public-privé, (ii) extension du dispositif au secteur de la rénovation thermique des logements à la résorption de l'habitat insalubre (RHI). Les COM du Pacifique devront aussi bénéficier de telles avancées.
3. Perspectives et chantiers pour 2015-2017 : préparer l'après LODEOM.
La majeure partie des dispositions de la LODEOM du 27 mai 2009 arriveront à leur terme fin 2017. Il est politiquement, économiquement et socialement impensable que les régimes d'aide soient, à l'issue, brutalement interrompus.
Un projet de loi pourrait être présenté au premier trimestre 2017. Les deux prochaines années seront donc marquées par le grand chantier de « l'après LODEOM ». La FEDOM recueillera in situ 30 ( * ) , entre juin 2015 et mars 2016, les premières réflexions de ses adhérents.
Le « Livre blanc du développement productif ultramarin », élaboré par le think tank de la FEDOM, et voué à être présenté au quatrième trimestre 2016, pourrait proposer des pistes d'amélioration aux pouvoirs publics. En voici deux, susceptibles d'encourager l'investissement dans les COM du Pacifique.
1) Faire pleinement profiter les départements et collectivités des initiatives nationales et européennes en matière de relance de l'investissement public :
Le Président de la République a confirmé, le 17 mars dernier, une troisième levée de fonds pour le « Grand emprunt » après les 47 milliards d'euros du Programme d'investissements d'avenir (PIA) engagés en 2010 et 2013. On évoque cette fois un montant de 10 milliards d'euros. Cette troisième vague du programme devrait soutenir « la recherche fondamentale dans toutes les disciplines, y compris les sciences sociales ».
Les outre-mer, contrairement à 2010, devraient bénéficier pleinement de ce PIA. Ils ont présenté depuis cinq ans des initiatives intéressantes, notamment dans le domaine des énergies renouvelables comme par exemple l'énergie thermique des mers (ETM) à Tahiti. Les projets existent donc, mais le potentiel ultramarin demeure singulièrement sous-valorisé, car en 2010, il a manqué, de la part du ministère de l'outre-mer, une véritable impulsion politique , un volontarisme qui aurait donné aux départements et collectivités d'outre-mer une meilleure visibilité ; cette passivité a fait perdre beaucoup de temps aux outre-mer.
Si l'on appliquait un ratio de 2,5 % aux 10 milliards d'euros évoqués, ce qui correspond au poids estimé des outre-mer (environ 55 milliards d'euros dans le PIB français (environ 2 200 milliards d'euros) en 2015, on obtiendrait alors un « fléchage » de 250 millions d'euros consacrés aux outre-mer, dans des domaines tels que les énergies marines (où les DCOM sont en pointe), ou la recherche sur la biodiversité. Or, ces 250 millions d'euros correspondent au manque à gagner constaté pour le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), puisqu'à ce stade, la promesse présidentielle (500 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur 2013-2017) ne sera vraisemblablement pas tenue : nous en sommes à 140 millions d'euros sur 2013-2015.
Les COM du Pacifique, pour leur part, pourraient légitimement demander une clé de répartition d'une soixantaine de millions d'euros.
De surcroît, on serait totalement en phase avec le courrier adressé le 10 mars 2015 par le député européen Younous Omarjee, demandant à ce que des dépenses du « Plan Juncker » - 315 milliards d'euros du Fonds européen d'investissements stratégiques (FEIS) 31 ( * ) , dont 21 milliards d'euros de crédits publics stricto sensu - soient « fléchées » sur des projets emblématiques dans les outre-mer (économie marine, NTIC, énergies renouvelables et notamment la géothermie, infrastructures portuaires aux Antilles, travaux routiers à Mayotte...), lesquels ont vocation à être dûment recensés par les administrations compétentes. Il serait en effet absurde que le FEIS ne bénéficie pas aux territoires, jeunes, où les besoins en investissements sont les plus importants. Il est donc important qu'au sein de la négociation qui s'ouvrira entre les institutions sur le FEIS, le Conseil européen défende l'éligibilité des PTOM au dispositif.
2) Dégager des marges de manoeuvre budgétaires en prenant en compte les PIB des cinq COM et de la Nouvelle-Calédonie dans le PIB national :
Les marges de manoeuvre, à ratio constant de déficit / PIB , sont importantes : environ 607 millions d'euros évalués au titre de 2014 en prenant en compte une estimation de 13,5 milliards d'euros de PIB cumulés pour ces six collectivités, dont près de 12,3 milliards d'euros pour les trois collectivités du Pacifique.
Alors que les dépenses de l'État vers lesdites collectivités (2,7 milliards d'euros) sont dûment comptabilisées au numérateur, il est difficile de comprendre pourquoi la France, par convention statistique, s'acharne à ne pas vouloir prendre en compte les richesses de tous ses territoires, se privant délibérément d'une quinzaine de milliards d'euros, montant qui lui permettrait d'accroître de près de 0,7 % son PIB (pour rappel : la croissance du PIB a été de 0,2 % en 2014).
Il conviendrait donc que la France obtienne de l'UE une modification de son périmètre géographique économique et, au moins, de la directive « ressources propres » du 26 juillet 1991.
Cette modification serait légitime et « euro-compatible », toutes les COM (et tous les PTOM) françaises participant à l'élection au Parlement européen, contrairement aux PTOM des autres États membres.
Elle permettrait notamment de financer les mesures du Pacte de responsabilité dans les COM où ne s'appliquent pas les dispositifs sociaux et fiscaux de droit commun , comme le CICE ou le CIR/CII :
Au moins la moitié de la marge de manoeuvre nette (soit près de 235 millions d'euros 32 ( * ) ) pourrait être destinée à faire l'objet :
- d'investissements publics structurants dans les COM concernées : FEI (cf. supra : mise aux normes sismiques à Wallis-et-Futuna, par exemple), soutien au secteur du logement en Nouvelle-Calédonie, mise à niveau de l'assainissement en Polynésie ;
- d'un renforcement du Service Militaire Adapté (SMA) dans le Pacifique ;
- d'amélioration de la bonification des prêts de l'AFD (aujourd'hui, 28,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement, sur le budget du ministère des outre-mer) et d'accélération de l'installation de la BPI dans les COM (en particulier en Polynésie française), notamment sur des projets à forte dimension environnementale : accélération de la mise aux normes sismiques, eau et assainissement, gestion des déchets ménagers, biodiversité.
Ce processus aurait pu être enclenché dans le cadre de la « loi Macron », censée favoriser l'activité et... la croissance. Un amendement avait été déposé au Sénat en ce sens 33 ( * ) par le sénateur Magras, président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer. Mais le ministre de l'économie a écarté l'amendement de façon lapidaire en séance, le 8 avril 2015 : « L'Insee mesure déjà la richesse des collectivités d'outre-mer 34 ( * ) . De plus, en vertu des règles européennes, l'intégration que vous proposez n'est pas possible ».
Cette disposition aurait donc plutôt vocation à être mise en oeuvre, à l'issue de la modification du périmètre communautaire susmentionnée, lors de la promulgation de la loi qui succèdera à la LODEOM.
ANNEXE : Statistiques comparées : COM du Pacifique, outre-mer, métropole
2008-2015 |
Nouvelle-Calédonie |
Polynésie française |
Wallis et Futuna |
Total COM du Pacifique |
11 DCOM |
Métropole |
Parlementaires |
4 |
5 |
2 |
11 |
48 |
854 |
Sup. terrestre (M. km²) [densité, 2013] |
18,75 [14 hab./km²] |
4,17 [83 hab./km²] |
0,14 [86 hab./km²] |
23,06 [23 hab./km²] |
123,25 [22 hab./km²] |
551,7 [115 hab./km²] |
ZEE (M. km²) |
1,36 |
4,80 |
0,27 |
6,43 |
9,82 |
0,35 |
Pop., 2015 (hab.), est. |
270 000 |
272 100 |
11 000 |
533 000 |
2 720 000 |
64 204 000 |
% de - de 20 ans, 2013 (%) |
33,5 (2011) |
34 |
37,7 |
e : 33,8 |
e : 33,7 |
24,4 |
Naissances, 2013 |
4 389 (2012) |
4 200 |
132 |
e : 8 700 |
e : 45 800 |
781 621 |
Tx. croissance annuel pop. (%) |
1,8 (2009-2014) |
0,6 (2007-2012) |
- 1,9 (2008-2013) |
e : 1,1 |
e : 1 |
0,5 (2006-2013) |
Tx. inflation, 2014 |
0,2 |
0,3 |
0,4 |
e : 0,3 |
e : 0,5 |
0,5 |
Projections pop. (e : 2040) |
330 000 |
333 000 |
11 000 |
674 000 |
3 650 000 |
70 734 000 |
PIB (Mds. €), 2012 |
7,17 |
e : 4,8 (4,59 en 2010) |
e : 0,2 (0,15 en 2005) |
e : 12,17 |
e : 51,8 |
1 995,79 |
PIB / hab. (€), 2012 |
27 787 |
ND (16 676 en 2011) |
ND (10 100 en 2005) |
e : 22 000 |
e : 19 000 |
31 420 |
SMIC (€), 1/1/2015 [% niv. national] |
7,54 [78,5] |
7,58 [78,9] |
4,47 [46,5] |
NS |
DOM, COM Atlantique : 9,61 Mayotte : 7,26 |
9,61 |
Tx. Chômage (% pop. act) |
13,3 (2009) |
21,8 (2012) |
11,8 (2013) |
e : 20 |
e : 24 |
10 (2014) |
Dép. Etat/hab. €, (2013) |
4 567 |
4 444 |
7 208 |
4 565 |
5 198 |
5 668 |
Fonctionnaires Etat [% pop.], ETP, 2012 |
9 000 [3,46] |
9 999 [3,72] |
660 [5,41] |
19 659 [3,63] |
97 974 [3,64] |
2 187 631 [3,44] |
Nombre de touristes, 2013 |
107 700 |
164 400 |
ND |
e : 273 000 |
e : 2 556 000 |
84 700 000 |
Trafic de passagers-aéroports, 2013 |
1 276 400 |
2 247 400 |
56 300 |
3 580 100 |
10 606 200 |
161 305 000 |
Trafic portuaire, KT brutes, 2013 |
7 513 |
901,5 |
ND |
e : 8 415 |
e : 20 538 |
321 500 |
ENR /prod. électrique (%), 2012 |
24 |
19,4 |
2,9 |
e : 21 |
e : 30,7 |
13 |
Ménages propriétaires (%) |
62,1 (2009) |
71,2 (2012) |
87,3 (2008) |
e : 67,7 (2011) |
e : 56 (2011) |
57,8 (2011) |
N. entreprises (ICS), 2013 |
45 520 |
23 111 |
444 |
69 075 |
222 780 |
3 643 336 |
Nombre de salariés du privé, 2014 |
65 556 |
46 736 |
828 |
113 120 |
e : 450 000 |
17 449 800 (2013) |
Hab. / guichet bancaire, 2013 |
2 383 |
4 048 |
3 638 |
e : 3 265 |
ND |
1 721 |
Tx. créances douteuses, %, 2014 |
2,9 |
10,4 |
14,7 |
e : 7 |
e : 8,6 (2012) |
4,9 (2012) |
Frais tenue de compte (€/an), 2014 |
30,1 |
36,5 |
58,7 |
33,5 |
23,7 (DOM) |
8,4 |
Sources : TdB-FEDOM, d'après IEOM-IEDOM, INSEE, ISPF et ISEE. e : estimations ; ND : données non disponibles ; NS : non significatif.
Alain Rousseau, Directeur général des outre-mer
Je suis heureux de rencontrer ceux qui seront mes partenaires pour discuter des questions qui ont trait à l'avenir des outre-mer.
Le coeur du monde s'est rapproché de nos archipels du Pacifique. De ce point de vue, des opportunités sont à saisir, tout en restant réaliste. L'action publique apparaît déterminante pour que les potentiels puissent s'exprimer. C'est la raison pour laquelle l'État soutient les initiatives locales. Le développement économique, qui se trouve au coeur des préoccupations de l'État, est porté par le ministère des outre-mer, dans un concert interministériel qui vise à ce que les outils les plus adaptés soient mis au service des entreprises.
Je souhaite également rappeler que l'action économique de l'État ne s'adresse pas uniquement aux entreprises. Ainsi, l'action se déploie aussi sur le volet infrastructurel, sur la formation et sur des handicaps qu'il convient de combler, le plus souvent au profit des collectivités.
Les plans de développement ont ainsi représenté 29 millions d'euros pour les trois contrats qui se terminent. La politique contractuelle augmente dans ces volumes de crédits effectués aux collectivités du Pacifique.
Un troisième instrument financier a été mis en place à destination de la Polynésie. Il représente un effort annuel de 50 millions d'euros. Le Fonds exceptionnel d'investissements qui est spécifique aux outre-mer du Pacifique, s'ajoute à ces instruments ; il représente lui aussi un engagement de 50 millions d'euros en moyenne par an.
Nos pays et territoires d'outre-mer (PTOM) peuvent en outre souscrire au fonds du fonds européen de développement (FED), qui affiche une augmentation sensible. Les outils des opérateurs ont été évoqués plus tôt : l'AFD, présent depuis longtemps dans le Pacifique ; la BPI qui arrive, avec le soutien du ministère des outre-mer.
En outre-mer, au cours des dernières années, nous avons fourni des efforts qui ont permis, globalement, de maintenir les dotations, voire de les augmenter, tant en fonctionnement qu'en investissement, dans un contexte d'attrition budgétaire.
S'agissant du volet de la défiscalisation, nous avons conscience du caractère essentiel de cet outil au bénéfice des entreprises. De 2009 à 2015, 210 opérations d'investissement ont été réalisées, pour un montant d'environ 900 millions d'euros. Il convient donc de prolonger ce dispositif. Le débat est engagé sur le plan interministériel.
Le ministère des outre-mer a parfaitement conscience du fait que les entreprises ont besoin d'une visibilité au-delà du 31 décembre 2017, car les cycles économiques ne sont pas compatibles avec des délais très rapprochés. Reste à savoir si nous poursuivrons comme avant, si nous adaptons le dispositif fiscal ou si nous nous orientons vers des dispositifs qui comprendraient une partie budgétaire ; le débat reste ouvert.
Sur ce sujet, le gouvernement entend assez vite prendre des positions, au moins pour la question de la période transitoire : que deviennent les dossiers qui s'engagent aujourd'hui, juste après la période de fin théorique du dispositif ? Reste à savoir quel dispositif sera maintenu après 2017, avec éventuellement des modifications au bénéfice des entreprises.
Le ministère des outre-mer participe activement à ce débat, aux côtés de Bercy. Dans les mois à venir, j'invite les partenaires à s'engager également dans ce débat et à faire des propositions sur la suite à donner à ce dispositif de défiscalisation.
Daniel Ochida, Co-président du MEDEF en Nouvelle-Calédonie
Dans son intervention lors du colloque du 5 novembre 2014, M. Jean-Pierre Philibert, président de la FEDOM, avait utilement rappelé quelques chiffres pour positionner l'accompagnement de l'État dans les COM :
- les COM du Pacifique disposent de soutien de l'État inférieurs à ceux des DOM et la Nouvelle-Calédonie bénéficie d'un montant de dépenses budgétaires par habitant de 4 567 euros contre 5 668 euros pour la métropole, soit un ratio de 80,5 % ;
- l'État intervient en Nouvelle-Calédonie surtout par la mise à disposition de personnels - 9 556 personnes recensées au 31 décembre 2013 35 ( * ) - ou une participation aux contrats de projets ;
- l'autonomie des COM en matière sociale (régimes sociaux autonomes) « dispense » l'État de son soutien financier aux régimes de solidarité. La dépense (l'économie) est estimée à 3,5 milliards d'euros !
Les dispositifs existants : France et Union européenne
Les financements en provenance de la métropole
- Transferts de l'État (millions d'euros)
Données annuelles |
2013 |
Dépenses de personnel et de pensions |
811 |
Dépenses de fonctionnement |
182 |
Dépenses d'investissement propres |
17 |
Dépenses d'intervention |
244 |
Dépenses des opérateurs |
46 |
Autres dépenses |
6 |
Total |
1 306 |
Source : Trésor Public/Trésorerie Générale de Nouvelle-Calédonie
* Dépenses de la Trésorerie Générale de la Nouvelle-Calédonie, y compris les soldes des personnels militaires payées par la Métropole. Unité : million d'euros
La prévision des transferts de l'État vers la Nouvelle-Calédonie est dans le projet de loi de finances pour 2015 de 1,214 milliard d'euros , soit 144 868 millions de francs Pacifique. On constate cependant la stagnation des transferts depuis 2010, alors que les effectifs des fonctionnaires d'État en Nouvelle-Calédonie sont stables ou en progression sur la période 2010-2013.
6 437 fonctionnaires d'État sont recensés en 2014. Ce chiffre ne tient pas compte des militaires et des personnels de sécurité.
- Contrats de développement
Intervention de l'État par contrat et par collectivité |
|
en millions d'euros |
|
2011-2015 |
|
État/province des îles Loyauté |
56 |
État/province Sud |
73 |
État/province Nord |
98 |
État/communes des îles Loyauté |
6 |
État/communes du Sud |
10 |
État/communes du Nord |
20 |
État/Nouvelle-Calédonie |
16 |
État/Inter collectivité |
31 |
Contrat d'agglomération (a) |
57 |
Évaluation des contrats |
0 |
Total |
368 |
Source : Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie
Les contrats se destinent majoritairement vers le logement social et les infrastructures de transport routier.
- Aides fiscales (défiscalisation)
Les montants de l'aide fiscale sont en constante régression, passant pour les COM de 379 millions d'euros pour 76 agréments en 2009 à 162 millions d'euros pour 56 agréments en 2012. Pour la Nouvelle-Calédonie, ils sont même réduits de moitié sur la même période, puisque l'aide fiscale est passée de 222 millions à 114 millions d'euros. L'année 2013, si elle voit la diminution du nombre d'agréments se poursuivre, enregistre une aide en augmentation, qui s'est élevée à 445 millions d'euros, selon le Haut-Commissariat, en lien essentiellement avec deux projets hôteliers.
Les financements en provenance de l'Union
européenne
« Contrairement aux DOM, les COM du Pacifique ne peuvent pas compter sur les crédits d'investissements des fonds structurels de l'Union européenne pour pallier un éventuel désengagement de l'État. En effet, les COM du Pacifique, en tant que Pays et territoires d'outre-mer (PTOM) régis par la décision d'association du 25 novembre 2013, ne bénéficient pas de ces fonds européens, contrairement aux Régions ultrapériphériques (RUP, dont font partie les cinq DOM et la COM de Saint-Martin) : elles disposent de crédits du Fonds Européen de Développement (FED), moins important et particulièrement complexes à mettre en oeuvre, d'autant plus que la Délégation de l'UE dans le Pacifique n'est pas installée dans l'une de ces collectivités, mais à Fidji. Les différences de montants sont substantielles : entre 2007 et 2013, les RUP françaises ont bénéficié de 3,83 milliards d'euros ; quasiment au même moment (X e FED : 2008-2013), les trois COM du Pacifique disposaient, au total, de crédits de 58,5 millions d'euros, soit une somme 65 fois inférieure. Les différences sont tout aussi importantes en matière de dépenses par habitant. Ainsi, en ce qui concerne la programmation 2014-2020, en cours de finalisation, la Guyane (257 000 habitants estimés en 2014) devrait bénéficier de 594,7 millions d'euros (+ 23,1 % par rapport à la précédente programmation), soit 2 314 euros par habitant. La Polynésie française (270 500 habitants estimés en 2014), pour sa part, devrait bénéficier, pour la période 2014-2020 (XI e FED), d'une enveloppe en hausse appréciable de 51,1 %, et disposer de 29,9 millions d'euros. Pour autant, à population comparable, un Polynésien ou calédonien ne disposera que de 111 euros d'aide européenne, c'est-à-dire une dotation presque 21 fois inférieure à celle dévolue à un Guyanais . » |
- Aides européennes aux PTOM français
Unité : million d'euros |
X e FED (2008-2013) |
XI e FED (2014-2020) |
Dotation initiale |
Dotation initiale |
|
Nouvelle-Calédonie |
19,8 |
29,8 |
Les financements dont bénéficient les DOM mais pas les COM en raison de nos statuts spécifiques sont :
- le crédit impôt compétitivité emploi (CICE) ;
- le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) ;
- le crédit d'impôt de l'article 244 quater X et W du code général des impôts issu de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.
Pourquoi l'aide fiscale à l'investissement outre-mer est-elle si utile ?
Les éléments de réponse transparaissaient dans le rapport des sénateurs Serge Larcher et Éric Doligé intitulé L'aide fiscale à l'investissement outre-mer, levier incontournable du développement 36 ( * ) .
C'est à la fois un instrument de compensation des contraintes structurelles pesant sur les économies ultramarines (étroitesse des marchés locaux, manque d'attractivité, isolement, difficulté à réaliser des économies d'échelle) et un outil fiscal de soutien à l'investissement productif (palliatif au manque de fonds propres, accès au financement bancaire facilité, sécurisation des projets). Elle a un effet « booster » sur le logement social qui répond à un besoin crucial. Elle contribue au rééquilibrage territorial et à l'amélioration du tissu économique. Elle soutient l'insertion régionale, notamment par la dynamisation du tourisme.
Ce rappel de la nécessité de l'aide à l'investissement comme « compensateur » de compétitivité a été développé dans les travaux de l'AFD 37 ( * ) . Le phénomène compensateur d'accès au capital à moindre coût ne vient cependant pas totalement éliminer le manque de compétitivité mais permet le développement économique qui n'aurait pas eu lieu sans le dispositif d'aide fiscale.
Ces travaux ainsi que les nombreux rapports de la Cour des comptes ou de l'Inspection générale des finances mettent l'accent tantôt sur les dérives comptables, tantôt sur les excès de cette forme de « protection », mais ils occultent également l'impact réel de ces dispositifs sur l'économie des outre-mer.
Finalement pour l'outre-mer comme pour la métropole le débat est similaire : qu'adviendrait-il de certaines entreprises, voire de pans entiers de l'économie, sans aides particulières ?
L'aide fiscale pour la Nouvelle-Calédonie représente 0,1 % du budget général de la France, mais ce 0,1 % contribue à la création et au maintien de l'emploi, au développement du logement social (900 logements par an depuis dix ans), au maintien de la cohésion sociale et au développement économique du territoire qui est le troisième pays du Pacifique en matière de PIB par habitant. Elle permet aussi le rayonnement de la France dans la région Pacifique. Ce 0,1 % est indispensable à la Nouvelle-Calédonie et à son développement.
Le ralentissement constaté de l'économie calédonienne depuis trois ans coïncide avec la diminution des aides pour l'investissement productif et pour le logement intermédiaire en provenance de la métropole. Pourtant, s'il faut éviter un raccourci facile, cet apport de financement pour les entreprises est bien essentiel pour supporter la reprise d'un cycle économique de croissance.
La Nouvelle-Calédonie est engagée dans le développement économique de plusieurs filières ou secteurs.
Elle a lancé des travaux sur la stratégie territoriale de l'innovation devant conduire à la définition des objectifs de développement de filières et des moyens d'accompagnement identifiés. Elle développe une stratégie export (hors nickel) pour valoriser l'agriculture, l'industrie de transformation et les services et améliorer les échanges et relations extérieures. Elle a défini une politique du tourisme autour de plusieurs axes de développement : un tourisme de niche, durable et équitable tourné vers nos voisins australiens et néo-zélandais ; l'essor des touristes chinois dans le Pacifique qui ne doit pas échapper à la Nouvelle-Calédonie ; le développement maîtrisé des croisiéristes.
En matière de production locale, les objectifs sont de minimiser le poids des importations et de développer l'exportation. La politique agricole vise, par exemple, l'autosuffisance alimentaire. En matière de logement, la Nouvelle-Calédonie a relancé la construction de logements sociaux et intermédiaires (2 000 par an).
S'il est plus qu'une nécessité pour les COM, l'accompagnement de la France sur la période 2015-2022, pour soutenir la croissance économique des COM et l'amélioration du niveau de vie des populations - qui se manifestera dans l'emploi et dans des conditions d'habitat meilleures - est surtout un investissement rentable pour la France dans la zone Pacifique en fort développement économique.
ANNEXE
Xavier Benoist, Président de la Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie
Je souhaite tout d'abord revenir sur un exemple concret de défiscalisation, car je crois que l'accompagnement économique d'un territoire présente du sens économique et se doit d'être concret.
Il est question de « rééquilibrer » le Nord et le Sud, ainsi que l'Est et l'Ouest en Nouvelle-Calédonie ; s'il s'agit d'une belle idée, elle doit présenter du fond. L'exemple de BlueScope, entreprise connue notamment pour ses tôles, donne du sens au rééquilibrage économique et social entre le Nord et le Sud. Sans la défiscalisation, l'entreprise n'aurait pas disposé de fonds propres, ni des financements bancaires afférents.
Je souhaite par ailleurs faire un point sur le financement de l'économie en Nouvelle-Calédonie. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de M. Robert, de la BRED, tout à l'heure. Je regrette qu'il n'ait pas été présent au comité de financement et de médiation du crédit en Nouvelle-Calédonie.
En effet, lors de ce comité, il nous a été expliqué que les banques faisaient très bien leur travail en Nouvelle-Calédonie et que l'accès au crédit connaissait une légère baisse pour les PME et les TPE ; la raison alléguée pour justifier cette situation étant que les entrepreneurs calédoniens n'avaient pas de projets ! Ceci m'avait énervé. J'ai donc apprécié que M. Robert nous présente une autre approche de l'accès à ce crédit.
À l'heure actuelle, le financement bancaire pour les entreprises et le financement de l'économie réelle par le financement bancaire sont en diminution. C'est la raison pour laquelle nous nous battons pour que la BPI intervienne, comme l'État l'a annoncé clairement en Nouvelle-Calédonie.
La défiscalisation est un outil qui a accompagné l'ensemble des investissements productifs en Nouvelle-Calédonie au cours des dernières années. Il existe un enjeu de compensation du coût de l'insularité.
Le fait de supprimer la défiscalisation ou de ne pas accorder de délai au-delà de 2017 reviendrait à supprimer le peu de croissance restante pour le développement de nos industries.
Nous restons ouverts pour discuter de solutions alternatives, qui devront être expérimentées et se révéler au moins aussi efficaces que la défiscalisation telle que nous la connaissons à l'heure actuelle.
Parmi les travaux que nous avons menés au niveau de la Fédération des industries, avec la représentation patronale du Pacifique Sud, nous proposons, pour des projets structurants, de développer un fonds du Pacifique. Par ailleurs, nous proposons la création d'un organisme de placement collectif d'investissement productif (OPCIP) spécifique.
L'engagement de la France à accompagner le développement économique de la Nouvelle-Calédonie, et plus particulièrement son industrie et son outil de production, passe par un maintien de la défiscalisation, au-delà de 2017.
Je redis pour conclure que nous sommes prêts à proposer des solutions pour le développement de solutions innovantes, qui devront être expérimentées et se montrer au moins aussi efficaces que le système de défiscalisation que nous connaissons.
ANNEXE
Franck Adrai, Directeur du groupe SDA-Premium Water et membre du Syndicat des industriels de Polynésie française
Je suis présent pour procéder à un retour d'expérience de l'utilisation du système de défiscalisation par le groupe Brasserie de Tahiti. C'est en effet probablement le groupe industriel le plus important en Polynésie. Il regroupe 670 salariés, pour un chiffre d'affaires de 147 millions d'euros en 2014.
Le Groupe Brasserie dispose de vingt années d'expérience en matière de défiscalisation. Il produit de l'eau de source (extraction et embouteillage) et de la bière (la bière Hinano et la Heineken fabriquée localement). Le groupe a investi en Polynésie, à hauteur de 181 millions d'euros au total, ce qui a été rendu possible grâce à l'outil de défiscalisation.
De 1995 à 2004, la maison-mère a investi 81 millions d'euros sur la décennie, dont 37 millions ont été financés par la défiscalisation, soit 46 %.
En revanche, au cours de la décennie suivante, de 2005 à 2014, l'investissement a chuté à 59 millions d'euros. Quant au taux de financement en défiscalisation, il est descendu à 13 millions d'euros, soit 22 %. La participation en défiscalisation a été quasiment divisée par deux.
En vingt ans, 140 millions d'euros ont donc été investis, ce qui correspond à 125 % des bénéfices durant cette période. En moyenne, 36 % de l'investissement ont été apportés par la défiscalisation.
Il apparaît ainsi que la défiscalisation ne permet pas seulement de prendre en charge une partie de l'investissement, mais qu'elle constitue également un véritable produit dopant pour l'investissement et qu'elle permet d'augmenter considérablement les budgets.
Par ailleurs, 120 emplois permanents ont été créés dans la période, puisque les effectifs sont passés globalement de 280 à près de 400 personnes à la fin de l'année 2014.
La défiscalisation représente donc un formidable outil de création d'emplois, dont nous avons besoin dans nos territoires d'outre-mer.
Je conclurai en évoquant des pistes d'amélioration.
La procédure d'octroi en agréments par Bercy est lourde et présente une inertie parfois très importante. Qui plus est, elle est en général incompatible avec les besoins des investisseurs et produit des décisions qui peuvent parfois sembler arbitraires.
Il importe d'examiner ce qui peut être amélioré dans ces critères d'octroi. Nous pouvons suggérer à cet effet de prendre en compte les avis des services de l'État présents sur les territoires.
Le Haut-commissariat en Polynésie dispose d'un pôle économique, qui pourrait tout à fait être sollicité dans le cadre d'études de projets en défiscalisation.
Qui plus est, l'obtention d'aides en défiscalisation constitue un véritable stimulant pour l'investissement, y compris pour les plus grandes entreprises, qui entraînent dans leur sillage les entreprises plus petites.
Pour conclure, je dirais que le dispositif au sein du groupe Brasserie de Tahiti a prouvé son efficacité et sa pertinence économique. Il peut être optimisé sur le plan des critères d'octroi et la mise en place de garde-fous, afin d'éviter toute dérive dans son utilisation.
Philippe Wong, Président-directeur général de la Compagnie polynésienne de transport maritime (CPTM)
Présentation de la société et de son activité
La CPTM exerce une activité d'armateur et exploite un navire qui dessert les îles de l'archipel éloigné des Marquises, à environ 1 600 km de l'île de Tahiti, depuis plus de 35 ans.
La CPTM transporte ainsi marchandises et touristes, au cours de trajets qui durent en moyenne 14 jours, au rythme de 16 à 17 rotations par an.
Le transport maritime pour une région excentrée comme les Marquises est indispensable en complément des moyens de transport aériens :
- sur les six îles habitées des Marquises, seules quatre sont dotées d'un aéroport ;
- le navire Aranui 3 dessert plusieurs baies sur chacune des six îles habitées, ce qui favorise la circulation au sein de l'archipel, en plus de permettre l'approvisionnement des villages les plus reculés ;
- le transport maritime représente environ 99 % du volume de marchandises acheminées vers l'archipel (principalement des denrées alimentaires, des matériaux de construction et des hydrocarbures), et l'Aranui 3 en assure plus 60 %.
Les distances parcourues de Tahiti aux Marquises représentent 800 miles nautiques (1 500 km), soit trois jours de mer et un total de distance parcourue pour un voyage complet aller-retour de plus de 1 800 miles nautiques (3 300 km).
La société, bien que n'étant pas sous le régime d'une délégation de service public, effectue incontestablement une mission de service public en contribuant à assurer la continuité de la desserte territoriale depuis plus de 35 ans.
À ce titre, elle se doit de disposer en permanence d'un navire performant et en toute sécurité.
Ainsi, la société a au cours des quinze dernières années, été amenée à financer deux navires.
L'un livré en 2002 - le navire actuel Aranui 3 - et l'autre qui est en cours de d'achèvement et viendra remplacer l'Aranui 3 en fin d'année : l'ARANUI 5.
Ces deux programmes d'investissement ont bénéficié des dispositifs d'aide à l'investissement productif :
- l'Aranui 3 a bénéficié de l'aide à l'investissement métropolitaine de l'époque issue de la loi Pons ;
- l'Aranui 5 bénéficie de l'aide à l'investissement polynésienne et bénéficiera en fin d'année de l'aide à l'investissement métropolitaine actuelle issue de la LODEOM.
Pourquoi le bénéfice de ces aides a été essentiel à l'entreprise ?
Pour le navire actuel Aranui 3, le bénéfice de l'aide fiscale métropolitaine a permis à la société, qui est une petite PME, d'acquérir en 2002 un navire neuf, en remplacement du précédent navire âgé alors de plus de 31 ans.
Sans aide rien ne se serait passé. L'acquisition d'un navire neuf répondant aux normes aurait été impossible, puisque les banques n'étaient pas en mesure de prêter plus que ce qu'elles ont apporté au plan de financement.
Le bénéfice de l'aide métropolitaine a clairement permis à l'entreprise d'assurer la pérennité, ainsi que la croissance de son activité, et d'augmenter ses emplois directs. L'aide fiscale a également été un vecteur de développement économique pour les Marquises générant des emplois indirects et des retombées économiques dans ces îles.
Pour le nouveau navire en cours de construction - l'Aranui 5 - les aides à l'investissement permettent là encore clairement la réalisation d'un investissement neuf que la société n'aurait pu financer avec le seul concours des banques.
Les aides à l'investissement permettent, en sus du maintien d'un outil de production aux normes internationales, d'assurer un développement économique pour l'entreprise en améliorant son offre pour répondre aux demandes du marché.
Le bénéfice des aides permet à la CPTM de créer des emplois directs comme des emplois indirects dans les îles desservies et d'améliorer les retombées économiques, estimées à 3,3 millions d'euros par an, dans ces iles éloignées.
Les facteurs-clefs
La pérennité des dispositifs et la visibilité pour les entreprises sont essentielles : des programmes d'investissement de cette taille (23 à 30 millions d'euros) ont mis en moyenne quatre à cinq ans chacun à voir le jour (un an d'étude, deux ans pour le bouclage des plans de financement, le temps notamment d'obtenir les accords en défiscalisation, et deux ans de construction). Aussi, le facteur clef a toujours été pour les entreprises de bénéficier de visibilité, c'est-à-dire d'avoir la certitude du maintien sur la durée de ces dispositifs, qui bénéficient aux projets à leur achèvement, soit quatre ou cinq ans après que l'entreprise a commencé à les imaginer.
Aujourd'hui, si une société comme la CPTM commence à étudier un projet similaire avec une durée de maturation aussi longue, l'aide métropolitaine lui est immédiatement refusée au motif que le dispositif ne peut bénéficier qu'aux investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2017.
Il n'y aurait donc pas de développement économique possible.
Ayant connaissance de cet état de fait, les entrepreneurs des COM du Pacifique sont « en attente » et n'étudient aujourd'hui plus de projets significatifs dont la réalisation - c'est-à-dire l'achèvement - interviendrait postérieurement au 31 décembre 2017, date d'échéance actuelle de l'aide métropolitaine.
Il faut que les entreprises reçoivent l'assurance de pouvoir bénéficier de l'aide à terme - encore une fois, elle intervient à l'achèvement des projets - mais aussi des assurances sur son montant : une fois les études techniques et financières achevées, un projet n'est lancé et la commande engagée que lorsque que le plan de financement est bouclé de manière certaine. Un autre facteur clef dans la réalisation de projet est donc de figer les différentes composantes du plan de financement (accords bancaires, montants des aides). Or ces dernières années les évolutions de doctrine de l'administration fiscale l'ont amenée, après avoir confirmé le principe du bénéfice de l'aide, à ne pas en confirmer le montant avant la réalisation du projet, faisant peser une incertitude importante sur leur réalisation même.
Le fait de ne pas figer le niveau d'aide oblige la société à remettre en cause le lancement du projet ou à avoir recours à un endettement plus élevé, qui peut parfois être de nature à mettre en péril son activité en cas d'imprévu.
QUATRIÈME TABLE RONDE - VALORISER LES POTENTIELS DE L'ÉCONOMIE VERTE ET BLEUE : QUELS RELAIS DE CROISSANCE DURABLE ?
* 26 Pays et territoires d'outre-mer.
* 27 Régions ultrapériphériques.
* 28 Règlement général d'exemptions par catégories.
* 29 En décembre 2014, la Polynésie française a réglé la question de son aide locale en prorogeant celle-ci jusqu'en 2025 ; la Nouvelle-Calédonie devrait faire de même dans les prochaines semaines.
* 30 Fin juin / début juillet 2015 : Mayotte et La Réunion ; janvier / février 2016 : Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy) et Guyane ; été 2016 : collectivités du Pacifique (Nouvelle-Calédonie ; Wallis-et-Futuna ; Polynésie française).
* 31 Le FEIS sera piloté principalement par la Banque Européenne d'Investissement (BEI).
* 32 Le PIB français augmentant de 0,63 %, on émet l'hypothèse que le prélèvement sur recettes au profit de l'UE progressera aussi de 0,63 %. Soit une somme supplémentaire de 136,6 M. € (0,63 % de 21,69 Mds. € de PSR-UE a priori prévus dans le cadre du PLF 2016, cf. Tiré-à-part du DOFP, Juillet 2015, p. 2). La marge de manoeuvre brute étant de 607 M. €, la marge de manoeuvre nette s'établit alors à 470 M. €.
* 33 « Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité d'intégrer le produit intérieur brut des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie dans le calcul du produit intérieur brut national ».
* 34 Il est inexact de dire que l'INSEE mesure le PIB des COM : il ne calcule la richesse que des cinq DOM (derniers chiffres disponibles : 2012 pour Mayotte [Juin 2015], 2013 pour les autres DOM [CEROM : Juillet-Septembre 2015]).
* 35 Document de politique transversale « outre-mer», Annexes du projet de loi de finances pour 2015 p. 260.
* 36 Rapport d'information n° 628 (2012-2013) du groupe de travail commun à la commission des affaires économiques et à la délégation sénatoriale à l'outre-mer sur l'impact économique des dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer.
* 37 AFD, document de travail n° 121, Interventionnisme public et handicaps de compétitivité : analyse du cas polynésien, mars 2012 & AFD, document de travail n° 52, Éloignement, insularité et compétitivité dans les petites économies d'outre-mer, novembre 2007.