Rapport d'information n° 567 (2014-2015) de M. Michel MAGRAS , fait au nom de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, déposé le 26 juin 2015

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N° 567

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 juin 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer (1) sur les entreprises et les dynamiques sectorielles du Pacifique - Actes de la conférence économique du 25 juin 2015 ,

Par M. Michel MAGRAS,

Sénateur.

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(1) Cette délégation est composée de : M. Michel Magras, président ; Mme Aline Archimbaud, M. Guillaume Arnell, Mmes Éliane Assassi, Karine Claireaux, MM. Éric Doligé, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Antoine Karam, Thani Mohamed Soilihi, vice-présidents ; M. Jérôme Bignon, Mme Odette Herviaux, MM. Robert Laufoaulu, Gilbert Roger, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean Bizet, Mme Agnès Canayer, MM. Joseph Castelli, Jacques Cornano, Félix Desplan, Alain Fouché, Jean-Paul Fournier, Jean-Marc Gabouty, Jacques Gillot, Daniel Gremillet, Jean-Jacques Hyest, Mme Gisèle Jourda, MM. Serge Larcher, Nuihau Laurey, Jean-François Longeot, Vivette Lopez, Jeanny Lorgeoux, Georges Patient, Stéphane Ravier, Charles Revet, Didier Robert, Abdourahamane Soilihi, Mme Lana Tetuani, MM. Hilarion Vendegou, Paul Vergès et Michel Vergoz.

OUVERTURE

Gérard Larcher, Président du Sénat

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir pour cette première conférence économique de bassin organisée par notre Délégation à l'outre-mer et consacrée à la zone Pacifique. La France est présente dans cet espace à travers la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, ainsi que l'atoll de Clipperton. Cette conférence répond à l'une des priorités que je me suis fixées : renforcer la proximité de notre assemblée avec le monde économique, dont je salue les représentants, car ce sont nos entreprises, qui créent des emplois et font vivre nos territoires.

Je remercie le président Michel Magras et les membres de notre délégation pour cette initiative, qui doit permettre de mieux appréhender les attentes des acteurs économiques de nos trois collectivités du Pacifique et ainsi de mieux les aider à relever les défis auxquels elles sont confrontées. Cette rencontre nous permettra également de poursuivre la réflexion entamée par notre Délégation à l'outre-mer, présidée à l'époque par Serge Larcher, que je tiens à remercier pour son action, ainsi que celle menée par le groupe d'amitié France-Vanuatu-Îles du Pacifique et celle de notre groupe de travail, commun à la Commission du développement durable et à notre délégation, sur les incidences du réchauffement climatique sur les outre-mer.

Je suis souvent frappé par la méconnaissance des réalités des outre-chez nos concitoyens métropolitains, mais aussi chez un certain nombre de responsables politiques. En effet, des clichés perdurent, comme celui d'un outre-mer encore passif ou dépendant de la métropole. Il s'agit pour moi de clichés d'un autre temps, que nous devons continuer à combattre.

De fait, nos collectivités du Pacifique nous offrent une tout autre approche de l'outre-mer et nous projettent dans un avenir qui doit être prometteur, grâce à leur réel potentiel de développement économique. Leurs institutions peuvent également y contribuer car ces territoires sont dotés de statuts différents et innovants : large autonomie en Polynésie ; autonomie avancée en Nouvelle-Calédonie ; intégration des autorités coutumières au sein des institutions mises en place à Wallis-et-Futuna. Ces organisations originales et adaptées ont facilité leur plus grande intégration dans leur environnement régional. Celles-ci ont également favorisé le rapprochement de la France avec les États de la région.

Ainsi, à travers nos trois collectivités d'Océanie, qui comptent un total de 500 000 habitants et une zone économique exclusive (ZEE) de plus de 7 millions de kilomètres carrés, qui représente les deux tiers de la ZEE française, la France est à la fois un acteur économique qui doit devenir de premier plan et un acteur de développement de l'ensemble de la région. Notre pays représente également, grâce à sa présence militaire, un gage de stabilité reconnu par les États voisins.

Alors que nombre de nos citoyens expriment des doutes quant à leur avenir, les trois collectivités du Pacifique présentent de grandes opportunités de développement, grâce à leurs ressources halieutiques et minérales ou encore en matière d'énergies marines renouvelables. L'exploration et l'évaluation de ce potentiel constituent l'un des grands défis à relever. Je rappelle que la Commission Innovation 2030 a identifié la valorisation des richesses minérales comme l'un des axes majeurs de croissance de notre économie.

Tout le monde connaît le nickel calédonien qui n'est pas seulement un enjeu économique, mais également politique et sociétal, pour sa contribution déterminante au rééquilibrage entre les provinces Nord et Sud. Ce rééquilibrage doit toutefois se concilier avec la défense d'une stratégie cohérente sur l'ensemble du territoire. Nombreux sont ceux qui, en métropole, ignorent encore qu'une grande quantité de minerais stratégiques sont présents dans les grands fonds marins, via différents types de minéralisation. L'Ifremer en a dressé un premier inventaire qui paraît prometteur. Toutefois, les grands enjeux liés à l'exploration et à l'exploitation de ces ressources nécessitent la définition d'une stratégie dédiée au niveau national, dans le respect de l'environnement.

Compte tenu de l'importance des moyens à mobiliser, toutes les recherches ne peuvent être menées par notre pays seul. Il est donc essentiel que l'Europe se positionne également face à cet enjeu majeur, si elle souhaite conserver un rôle de premier plan en matière de recherche scientifique et technologique. Ainsi, par les nouvelles orientations de la décision d'association entrée en vigueur en 2014, l'Europe doit répondre à un certain nombre de nos interrogations. L'objectif de la décision d'association est de favoriser l'accroissement de la compétitivité des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et le renforcement de leurs qualités d'adaptation. Je rappelle que le onzième fonds européen de développement (FED) pour la période 2014-2020 prévoit une enveloppe de 400 millions d'euros pour les PTOM.

Le grand projet de faire des collectivités d'outre-mer du Pacifique un axe de développement et de rayonnement économique que nous appelons tous de nos voeux doit nous inciter à trouver des solutions aux contraintes géographiques. Je considère que ces solutions résident dans le renforcement des liens entre nos territoires et les États de la région. Elles résident également dans l'aide à l'innovation et au développement du numérique. Toutefois, ces évolutions nécessitent que les entreprises bénéficient d'un meilleur accès au crédit, ainsi que d'un soutien de l'État à l'investissement productif. En effet, l'État doit aider ces acteurs à investir et à tirer profit des avantages résultant des contraintes liées à l'insularité de ces territoires, comme l'authenticité du patrimoine culturel dans toute sa diversité, la beauté de paysages préservés, la richesse de la biodiversité des fonds marins, qui représentent autant d'atouts pour le développement économique, notamment pour le tourisme.

Pour conclure, je souhaite évoquer la question de l'adaptation de nos territoires ultramarins au changement climatique, car ceux-ci se trouvent aux avant-postes de cette problématique. Cette question climatique figure au premier rang des priorités du Sénat pour 2015. Ainsi, la conférence de Paris -Le Bourget (COP21) aura une portée politique considérable et débouchera, je l'espère, sur un accord de portée mondiale. Certes, le processus revêt une dimension essentiellement intergouvernementale, mais l'ensemble des parlements doivent jouer leur rôle dans la préparation de cette conférence, car ils auront la tâche de décliner au niveau national les accords négociés au niveau international. Le Sénat mène donc une politique active pour éclairer nos concitoyens sur les enjeux de cette conférence et ce colloque en constitue une excellente occasion. Vos territoires sont également mobilisés sur ce sujet, comme le prouve le sommet des ministres des PTOM des 16 et 17 juin derniers à Bruxelles, qui s'est conclu par la signature d'un document stratégique sur l'énergie. Ce document sera présenté lors de la Conférence de Paris.

Je vous souhaite donc de fructueux débats, avec la certitude que cette journée fera progresser la prise de conscience de nos concitoyens sur la situation économique de vos territoires au moment où le centre de gravité de l'économie mondiale bascule vers le Pacifique. Quoi qu'il en soit, nous nous félicitons de cette réunion au Sénat, représentant de l'ensemble des territoires. Cette institution a en particulier à coeur de représenter les outre-mer, dans le respect de la diversité de ce que l'Histoire nous a apporté. L'avenir est porteur d'espoirs.

Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus qui présidez aux destinées des collectivités françaises du Pacifique,

Madame et Messieurs les présidents de chambres de commerce de ces collectivités et Monsieur le président de la Fédération des entreprises d'outre-mer qui avez fait vôtre l'idée de nouer un partenariat avec notre délégation sénatoriale pour mettre sur pied la conférence d'aujourd'hui,

Madame et Messieurs les dirigeants d'organisations patronales qui avez infusé une dynamique de mobilisation des acteurs locaux et recherché la coordination des interventions dans la complémentarité - nous aurons ainsi plusieurs duos dans le déroulement des tables rondes -,

Messieurs les modérateurs qui avez accepté de mettre vos talents au service de la réussite de notre journée - il s'agit là d'un véritable défi tant les témoignages foisonnent ! Mais je ne doute pas qu'ils seront aidés par l'ensemble des intervenants qui ont été invités à respecter scrupuleusement leur temps de parole -,

Mesdames et Messieurs qui avez si nombreux répondu à notre sollicitation pour intervenir aujourd'hui, souvent au prix d'un long voyage, en vos qualités de capitaines d'entreprise, de hauts responsables de l'armée, de l'administration, d'organismes de la sphère publique ou du monde associatif, en charge des questions ultramarines ou en lien avec les économies ultramarines, ou encore en qualité d'universitaire et de chercheur,

Mesdames et Messieurs qui manifestez votre intérêt pour nos collectivités du Pacifique par votre présence aujourd'hui - certains d'entre vous sont d'ailleurs des fidèles des manifestations organisées par notre délégation !

À vous tous, je souhaite la bienvenue au Sénat, en mon nom propre et celui de mes collègues de la délégation.

Permettez-moi tout d'abord de me tourner vers notre Président du Sénat, Gérard Larcher, sans qui la délégation, dont la genèse remonte à une mission d'information initiée par lui en 2009, n'existerait peut-être pas encore ! Je veux lui dire notre gratitude de toujours être attentif à la situation de nos outre-mer et à l'écoute de leurs représentants.

Conscient des potentiels de ces territoires et de leur diversité qui leur confère souvent un statut d'éclaireur, de pionnier, dans des domaines aussi divers que l'exploration des fonds marins, les énergies renouvelables mais aussi l'organisation institutionnelle, notre Président du Sénat cite volontiers les outre-mer en exemple et, encore récemment, comme source d'inspiration dans la recherche d'un modèle contribuant à trouver une issue à la crise ukrainienne.

Cher Président, nous vous remercions d'avoir placé la conférence d'aujourd'hui sous votre haut patronage, d'en avoir ouvert les travaux, et de nous rejoindre sans doute en cours de journée, journée qui sera d'une exceptionnelle densité, en résonance avec des initiatives antérieures de la délégation !

Notre conférence se situe en effet dans le prolongement de travaux importants accomplis sous l'impulsion de mon prédécesseur, Serge Larcher, sénateur de la Martinique, dont je veux saluer l'engagement au service de nos outre-mer dans leur diversité. J'attire ainsi votre attention sur les actes du colloque de janvier 2013 qui avait pour thème « La France dans le Pacifique : Quelle vision pour le 21 ème siècle ? », mais aussi sur deux rapports d'information en lien avec nos thématiques d'aujourd'hui : une étude d'ensemble sur les enjeux des ZEE ultramarines, où bien évidemment le Pacifique a la part belle, et un rapport élaboré conjointement avec la commission des affaires économiques démontrant l'importance primordiale des dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement productif pour les économies ultramarines, a fortiori pour celles qui ne peuvent compter sur d'autres mécanismes de solidarité de compensation des surcoûts.

Notre journée s'articulera autour de quatre tables rondes selon le programme dont vous disposez : il s'agit de combler un déficit de connaissance, de donner une meilleure visibilité aux économies des territoires du Pacifique, de mettre en lumière leurs spécificités, les contraintes qui s'imposent aux entreprises et, bien sûr, les dynamiques sectorielles et des potentiels exceptionnels.

Les messages délivrés par les intervenants porteront d'autant mieux qu'ils seront incisifs et concis : au risque de la répétition - mais c'est pour la bonne cause ! - j'invite chacun à respecter scrupuleusement son temps de parole. Il y va du succès d'une réalisation collective en forme de feu d'artifices !

Pour la mise à feu, je cède la parole à mon collègue Pierre Frogier, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, chargé d'une mise en perspective de la première table ronde qui sera animée par Christian Lechervy, ambassadeur, secrétaire permanent pour le Pacifique.

Je vous remercie.

PREMIÈRE TABLE RONDE
LES ÉCONOMIES DES COLLECTIVITÉS FRANÇAISES DU PACIFIQUE
DANS LEUR BASSIN GÉOGRAPHIQUE : CONTRAINTES ET OPPORTUNITÉS

Première table ronde - Les économies des collectivités françaises du Pacifique dans leur bassin géographique : contraintes et opportunités

Introduction

Pierre Frogier, Sénateur de la Nouvelle-Calédonie

Je connais l'attention particulière qu'accorde Monsieur le président du Sénat aux outre-mer du Pacifique. Au sein de notre amicale gaulliste, nous considérons que la France est encore grande, au travers des océans. Je remercie donc le président de la délégation sénatoriale de nous avoir réunis ce jour. Je tiens également à saluer notre collègue Maurice Ponga, député européen, ainsi que mes collègues sénateurs de Wallis-et-Futuna et de Polynésie, Monsieur l'ambassadeur, ainsi que les personnes venues de loin, notamment de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie.

Nous sommes réunis pour améliorer la compréhension des contraintes de nos économies insulaires ainsi que de leurs spécificités, mais également pour mettre en évidence leurs potentiels exceptionnels. Le but de la première table ronde est de rappeler les contraintes structurelles qui s'imposent aux économies de nos territoires et de préciser les opportunités à saisir dans la région, en raison du basculement du centre de gravité du monde vers le Pacifique. Ce qui apparaît aujourd'hui comme une évidence ne l'a pas toujours été. Ainsi, les relations entre la France et les pays de la région ont longtemps été distantes, voire conflictuelles. Il a ainsi fallu attendre la fin des essais nucléaires, en 1996, pour que notre pays cesse progressivement d'être considéré comme indésirable dans la région. Les collectivités françaises du Pacifique sont à présent considérées comme membre à part entière de la grande famille océanienne, car la France est reconnue par l'Australie et la Nouvelle-Zélande comme une puissance régionale. La présence de la France est également admise comme naturelle, durable et souhaitable. Il s'agit en effet du seul État membre de l'Union européenne à être encore présent dans cette région, ainsi que le principal contributeur du Fonds européen de développement (FED). Il convient donc de prendre en compte cette nouvelle donne.

Jacques Chirac, Président de la République, indiquait en juillet 2003, à l'occasion du premier sommet France-Océanie, que « la France souhaite accompagner l'intégration de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie dans leur environnement régional. La France entend également engager avec les États insulaires un partenariat exemplaire dans le domaine économique et commercial, comme dans la coopération scientifique, culturelle et technique. À cette fin, j'ai souhaité que les exécutifs des collectivités françaises du Pacifique soient désormais vos interlocuteurs privilégiés » . Dix ans après, les collectivités insulaires françaises ont clairement manifesté leur volonté d'intégration régionale et ont développé leurs relations commerciales avec leur environnement. Malheureusement, cette région est restée le « parent pauvre » de la diplomatie française, par manque de visibilité et de lisibilité. Je crains que ce manque de volonté politique laisse penser, à tort, que la présence de la France en Océanie n'aurait qu'un caractère anecdotique. Puisse donc notre rendez-vous de ce jour faire en sorte que la volonté exprimée en 2003 par Jacques Chirac soit enfin entendue au Quai d'Orsay.

Christian Lechervy, Modérateur, Ambassadeur, Secrétaire permanent pour le Pacifique et Représentant permanent de la France auprès de la Communauté du Pacifique

Quatre enjeux majeurs seront abordés :

- le fonctionnement des économies insulaires ;

- la maîtrise du foncier ;

- les interconnexions numériques ;

- les enjeux de politique monétaire, alors que l'espace Pacifique se connecte de plus en plus avec les économies d'Asie du Nord-Est, du Sud-Est et d'Amérique latine.

Pour commencer, je donne la parole au professeur Géronimi, qui vient de publier une étude sur les contraintes spécifiques du développement durable des petites îles. Il nous fera part de son expérience de la Nouvelle-Calédonie, puisqu'il travaille actuellement sur la soutenabilité des trajectoires de développement du territoire.

Première séquence

Des économies locales soumises à des contraintes géographiques fortes

Vincent Géronimi, Maître de conférences habilité à diriger des recherches en sciences économiques, Directeur adjoint du Centre d'études sur la mondialisation, les conflits, les territoires et les vulnérabilités (CEMOTEV), Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Je voulais commencer mon intervention en remerciant les organisateurs de cette conférence de me donner l'opportunité de pouvoir échanger sur les trajectoires économiques des petites économies insulaires. En tant qu'économiste dirigeant une équipe de recherche universitaire, le Centre d'étude sur la mondialisation, les conflits, les territoires et les vulnérabilités (CEMOTEV), de l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, spécialisée sur les questions de vulnérabilité et de soutenabilité, j'ai effectivement depuis quelques années eu l'opportunité de travailler sur les petites économies insulaires (PEI), et notamment la Nouvelle-Calédonie. Nous avons ainsi réalisé une étude pour l'Agence française de développement (AFD) sur le capital naturel en Nouvelle-Calédonie, et menons actuellement, avec des chercheurs de l'Université de Nouvelle-Calédonie (UNC), du Centre international de recherche appliquée au développement (CIRAD) et de l'Institut agronomique calédonien (IAC), un programme de recherche sur la soutenabilité des trajectoires de développement de la Nouvelle-Calédonie. L'un de nos objectifs est de mettre en perspective les travaux de Jean-Freyss, vingt ans après, notamment son ouvrage sur « l'économie assistée » paru en 1995. Nous travaillons aussi sur le rôle du patrimoine dans le développement du tourisme dans les économies insulaires.

De ces travaux, il me semble que l'on peut tirer quelques idées qui permettent de situer les petites économies insulaires par rapport à leurs contraintes géographiques.

L'idée principale que je défendrai ici est que les « handicaps » liés à l'insularité, à la petite taille, à l'éloignement, peuvent aussi être la source, dans un monde globalisé, d'avantages comparatifs, voire d'avantages absolus.

Effectivement, les spécificités géographiques des petites économies insulaires du Pacifique sont d'abord assimilées à des « handicaps », des contraintes fortes.

On peut résumer les effets de ces handicaps en deux points :

• les activités économiques souffrent d'un manque de compétitivité lié à l'absence d'économies d'échelles (petite taille) et à des coûts de transport élevés (éloignement) ;

• les petites économies insulaires sont particulièrement vulnérables (cf. indicateur de vulnérabilité économique) aux chocs commerciaux et climatiques.

Pourtant, les petites économies insulaires réalisent des performances économiques extrêmement variées et paraissent, pour certaines d'entre elles, suivre des trajectoires de croissance soutenables.

Pour la Nouvelle-Calédonie, par exemple, rétrospectivement, la dégradation du capital naturel par l'exploitation du nickel a été jusqu'à présent compensée par les investissements en infrastructures, en capital physique et en capital humain, via l'éducation.

D'autres économies, comme le Vanuatu, ont réussi à maintenir leurs activités économiques en bénéficiant des rentes migratoires, malgré des chocs climatiques défavorables.

Pour Tahiti, comme pour la Nouvelle-Calédonie, les transferts publics ont permis de maintenir un niveau de développement élevé, comparativement aux autres économies insulaires du Pacifique.

On retrouve ici l'idée que les petites économies insulaires réussissent à dépasser leurs handicaps parce qu'elles accèdent à des rentes. En reprenant les travaux de plusieurs auteurs (Bertram and Watters 1985 ; Poirine 1995 ; Briguglio 1995, 2003), on peut identifier quatre principaux types de rentes : naturelles, migratoires, administratives et militaires, nucléaires ou stratégiques. Chacune de ces rentes est porteuse de risques et donc de vulnérabilités spécifiques (tableau n° 1).

Tableau n° 1 : Rentes et risques associés

Source : Vincent Géronimi

Une rente économique existe dès que le prix d'un produit dépasse son coût de production (en incluant un profit « moyen » ou normal). L'existence d'une rente économique permettrait ainsi de compenser les surcoûts liés à l'insularité et l'éloignement.

C'est le cas pour le nickel, qui est source d'une rente économique, correspondant à la valorisation des richesses spécifiques du sous-sol, du capital naturel.

Par extension, les rentes migratoires, qui découlent du capital humain et culturel.

Les rentes géopolitiques qui découlent d'une histoire et d'un emplacement géographique spécifique.

Ainsi, la richesse des petites économies insulaires ne dépend pas uniquement d'un capital économique, mais plus largement de leur capital naturel et de leur capital immatériel (humain, social, géostratégique). Les dimensions culturelles et patrimoniales sont sources d'avantage comparatif pour une partie importante des PEI. De fait, l'évaluation de la richesse totale montre que le capital immatériel représente plus de 70 % des sources de revenus des économies insulaires (Couharde et al. 2011). Ce capital immatériel recouvre toutes les valeurs encore inexpliquées (une fois calculés le capital naturel et le capital produit, économique), et notamment les valeurs liées à la position géostratégique, aux relations historiques, à la base d'une partie essentielle des rentes perçues par les PEI. La composition de la richesse totale de la Nouvelle-Calédonie se distingue des autres économies d'un niveau de développement comparable par le poids du capital naturel (15 % de la richesse totale, essentiellement le nickel) et du capital immatériel (70 %). On retrouve ici les deux sources de rente de l'économie calédonienne : les revenus issus du capital naturel (le nickel), et les revenus issus du capital géostratégique, les transferts publics.

Quelles leçons pour les stratégies de développement des économies des petites économies insulaires ?

Tout d'abord, les contraintes géographiques communes aux petites économies insulaires ne définissent pas a priori les trajectoires économiques de ces économies. Les politiques publiques jouent un rôle déterminant.

Les marges de manoeuvre dans la création de richesse existent dans l'exploitation du caractère parfois unique du capital naturel et du capital immatériel, qui acquièrent ainsi une dimension patrimoniale, source de rentes.

Ainsi, il faut soutenir les stratégies de développement d'activités basées sur les propriétés uniques des espèces endémiques (les micro-algues par exemple), l'extension d'activités touristiques différenciées et exploiter le dynamisme culturel et l'existence de réseaux sociaux.

Conclusion

Sur le marché mondial, la production d'une prestation ou d'un bien différencié permettrait aux PEI de dépasser les handicaps de coûts. Ces handicaps deviendraient ainsi des atouts pour le développement.

La condition générale pour que les trajectoires de développement des petites économies insulaires soient soutenables est d'assurer la compensation des dégradations liées à l'exploitation du capital naturel ou du capital humain et social par des investissements adaptés. Le risque ici est de voir le capital à l'origine d'une rente disparaître progressivement. Cela peut se produire par exemple avec le développement d'un tourisme de masse, indifférencié, aboutissant à la destruction du caractère unique d'un lieu.

La dimension patrimoniale (un capital unique) et la dimension rentière des trajectoires économiques des petites économies insulaires est au centre des trajectoires économiques que connaissent ces territoires. Au-delà d'une question d'efficacité dans l'évaluation des politiques publiques, il s'agit aussi d'une question éthique sur ce qu'une génération souhaite léguer aux générations suivantes.

ANNEXE

Un niveau élevé de vulnérabilité

Les 10 pays les plus vulnérables

(D'après CPD PNUD, 2010, calculs pour la Nouvelle-Calédonie par les auteurs)

Vulnérabilité et soutenabilité des Petites Économiques Insulaires : une forte diversité

Capitaux, rentes et risques associés

Capitaux

Capitaux/patrimoines

Rentes

Risques associés

Enjeux de soutenabilité forte

Capital naturel

Capital naturel

Revenu d'exportation de matières premières

Fluctuation des cours des matières premières

Dégradation conjointe des différents capitaux : perte de capital humain et de capital social (exode rural par exemple)

Capital immatériel

Capital humain et capital social

Migrations

Fermeture des frontières et "brain drain"

Perte de capital social et humain avec arrêt progressif des rémittences

Capital géostratégique et historique

Militaire, nucléaire ou stratégique et administrative

Volte-face et baisse des transferts

Atténuation de l'enjeu géo-stratégique

Rentes, capitaux et richesse totale

ï On estime la valeur du capital naturel indirectement, par les rentes (différence entre prix et coûts de production) que les ressources naturelles génèrent.

ï L'essentiel de la richesse provient du capital immatériel, qui recouvre tout ce qui n'est pas mesuré directement: capital humain, capital social, culturel, géo-stratégique,...

ï À chaque rente peut ainsi être associée un capital particulier.

Caroline Chamard-Heim, Professeur de droit public - Université Jean Moulin-Lyon 3 Équipe de droit public de Lyon

Le droit foncier ultramarin contient de nombreuses spécificités par rapport au droit métropolitain, lesquelles peuvent être autant d'obstacles au développement économique de ces territoires. La difficulté est que ce droit est lui-même multiple, selon les zones géographiques. La zone Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) est particulière du point de vue foncier, essentiellement en raison du poids du droit coutumier - à tout le moins de la tradition - et de la faiblesse, voire de l'absence, corrélative des outils permettant de garantir la sécurité juridique indispensable en matière foncière.

Le développement économique d'une zone suppose que la question foncière soit, au minimum, sécurisée sur le plan juridique. Cela signifie, tout d'abord, qu'un véritable rapport juridique aux biens soit organisé, rapport dont les juridictions (coutumières ou civiles) peuvent connaître. Ainsi, en matière foncière, le développement économique s'accommode mal de simples situations de fait, d'occupations sans titre, ni a fortiori d'occupations irrégulières.

Ce rapport juridique aux biens, facteur de développement économique, peut être de deux ordres :


• soit un véritable droit de propriété est reconnu et celui-ci peut être cédé ou hypothéqué par l'acteur économique. Pour ce faire, il faut donc disposer d'un titre de propriété, d'un cadastre et d'un système juridique et juridictionnel permettant de protéger ce droit de propriété (contre les ingérences, les atteintes à la jouissance, les remises en causes, etc.) ;


• soit un droit sur le bien appartenant à autrui (qu'il s'agisse d'une personne publique, d'une personne privée ou que l'on soit en présence d'une propriété collective). Ce droit doit être suffisamment stable et robuste pour permettre la réalisation des investissements, leur amortissement, l'exploitation de l'activité et la cession ou la mise en garantie des ouvrages construits. Dès lors que le droit d'occupation est précaire, révocable sans indemnité ou de manière imprévisible, l'acteur économique sera plutôt dissuadé d'investir.

Au-delà de cette question de la sécurité juridique foncière, le développement économique d'un territoire suppose également la présence d'un certain nombre d'équipements publics, qu'il s'agisse de réseaux (distribution de l'eau potable, assainissement, route, électricité et gaz) ou d'équipements collectifs (écoles, établissements de santé, ramassage et traitement des ordures, etc.). Idéalement d'ailleurs, le foncier (souvent public) peut être utilisé pour soutenir l'activité économique (aides à l'immobilier d'entreprise, ateliers-relais, etc.).

Le foncier joue donc un rôle fondamental dans le développement économique d'une zone. Or, dans la zone Pacifique, deux systèmes fonciers opposés coexistent et génèrent une fragilité incontestable pour l'activité économique.

1. Un système foncier originel caractérisé par la volonté de garder la terre aux mains des natifs des territoires français du Pacifique.

Cela se traduit en premier lieu par le fait que la notion de propriété, telle que nous la connaissons en Europe, reste culturellement profondément étrangère à ces territoires. Le rapport à la terre est davantage conçu comme un assemblage complexe de multiples droits que l'on pourrait qualifier de tenures foncières coutumières : le droit à la terre, compris surtout dans ses dimensions d'usage, de jouissance et d'accès, est combiné avec des droits sociaux d'appartenance à une communauté. Ce que nous appelons droit de propriété procède en fait plutôt de l'appartenance à une généalogie, rattachée à un ancêtre fondateur. Ainsi, à Wallis-et-Futuna, les terres ont été distribuées par les chefferies coutumières aux familles. Mais les chefs coutumiers conservent un droit de « haut domaine » sur ces biens et peuvent procéder à une reprise de terres ou à des attributions de biens pour des raisons d'intérêt collectif.

En second lieu, ce rapport à la terre relève plutôt de la propriété collective , c'est-à-dire que le titulaire de la terre n'est ni un individu, ni une personne publique. La terre appartient à une communauté, qu'il s'agisse d'une famille, d'un clan, d'un village ou d'une tribu ; elle est gérée par le chef de la communauté. C'est ainsi qu'en Polynésie française chaque terre appartient à une famille élargie dont les membres sont liés par un ancêtre commun : elle est héréditaire et indivisible parmi ses membres. Le phénomène est le même à Wallis-et-Futuna. En Nouvelle-Calédonie, ce sont les terres coutumières qui comprennent les terres (d'origine) des clans et les réserves autochtones instaurées par les colons français. Ces terres représentent aujourd'hui 27 % du foncier néocalédonien et cette forme de propriété a été consacrée par la loi organique du 19 mars 1999 (art. 6).

En troisième lieu, cette « propriété » collective n'est pas matérialisée par un titre. La tradition est orale et la « propriété » est en quelque sorte simplement généalogique. Les terres ne sont pas non plus recensées : il n'y a pas de cadastre. C'est un système personnel (plus que réel) évolutif. Dans ces conditions, apporter la preuve d'un droit foncier est extrêmement complexe, sans compter que, par exemple, dans la tradition polynésienne, on pouvait changer d'identité.

En quatrième lieu, le foncier traditionnel est régi par la coutume ou la tradition et ne relève pas du droit commun en matière de propriété foncière, ni des règles d'urbanisme. Naturellement, cette coutume n'est pas codifiée. Les règles coutumières sont tout à fait spécifiques : c'est ainsi que les terres appartiennent en indivision aux communautés . Elles sont inaliénables . En Polynésie française, le droit foncier se transmet en effet quasi exclusivement dans la lignée familiale (sauf cas exceptionnels, comme des dons ou nécessité de guerre). Il n'y a pas de vente, ni de prescription possible. En outre, l'indivision constitue un obstacle au partage des biens au sein d'une famille ; les partages ne peuvent être que judiciaires, ce qui alourdit considérablement la procédure. En Nouvelle-Calédonie, conformément à l'article 18 de la loi organique du 19 mars 1999, les terres coutumières répondent à la règle dite « des 4 i » : elles sont inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles ; elles ne peuvent changer de propriétaire sous aucun motif, que ce soit volontaire (vente, échange, donation...) ou forcé (saisie, prescription...). Lorsque ces terres font l'objet de baux, ces contrats peuvent être conclus en dehors d'un cadre juridique fixe : il arrive que ces baux soient résiliables à tout moment et il n'y ait aucune garantie - ni préavis - quant au maintien du montant des loyers. C'est le cas à Wallis-et-Futuna.

Cette situation n'est évidemment pas sans conséquence sur les possibilités d'investissement. Comment faire pour obtenir une hypothèque en l'absence de titre ? Comment peut-on investir lorsque le droit à la terre est aussi factuel et personnel ? La Cour des comptes vient d'ailleurs de faire part de ses inquiétudes à ce sujet à propos de Wallis-et-Futuna dans un référé rendu public le 27 mars 2014.

Cela étant, il ne faut pas non plus caricaturer les situations. Outre le fait que la vision océanienne des terres permet de garantir à chaque membre du clan ou de la famille un lieu où habiter, les terres coutumières ou collectives ne sont pas nécessairement un obstacle au développement économique, comme en témoigne la Nouvelle-Calédonie. Un certain nombre de projets ont pu aboutir, alors même qu'ils portaient sur des terres coutumières (hôtel sur l'île de Pins, création d'une zone artisanale à Baco ou d'une usine de métallurgie 1 ( * ) ).

Au-delà, la difficulté provient également du fait qu'au moment de la colonisation au XIX e siècle la France a plaqué sur ce système foncier traditionnel son propre système juridique.

2. L'application forcée d'un système juridique foncier exogène, basé sur le Code civil

Pour le droit français, une terre dépourvue de titre de propriété est un bien sans maître. Un occupant sans droit d'usage officiellement reconnu est un occupant sans titre, qui est donc expulsable. La France a voulu, depuis le XIX e siècle, combiner les deux systèmes en tentant de passer le système foncier traditionnel à la moulinette du Code civil.

Le grand chantier (voire le grand défi) a été, et reste encore, la régularisation ou la sécurisation juridique du foncier traditionnel , c'est-à-dire de trouver un compromis entre la nécessité de garantir l'occupation de ces terres par les populations locales et de traduire cela sur le plan juridique. À cet égard, deux techniques sont pratiquées.

En Polynésie française, c'est le titrement du foncier traditionnel qui est engagé. La France a lancé des procédures permettant aux occupants coutumiers de faire reconnaître leur droit de propriété, avec les difficultés en termes de preuve déjà évoquées. En revanche, pour Wallis-et-Futuna, cette démarche ne semble même pas avoir été lancée.

En Nouvelle-Calédonie, ce n'est pas la procédure d'attribution de titres qui a été choisie, mais plutôt un retour au statu quo ante . La France restitue des terres coutumières aux clans qui en avaient été privés. La restitution est réalisée par un établissement public sous tutelle de l'État (Agence de développement rural et d'aménagement foncier- ADRAF). Elle est parfois délicate, en cas de désaccord sur le clan bénéficiaire. Cela étant, des deux démarches, c'est bien celle dont bénéficie la Nouvelle-Calédonie qui permet réellement de tenir compte des spécificités locales. C'est la raison pour laquelle certains élus polynésiens attendent une véritable réforme de fond relative au foncier, au-delà du simple titrement.

Ces revendications foncières, qui augmentent d'ailleurs, corrélativement avec la valorisation des terres, génèrent nécessairement des conflits et un contentieux importants que des juridictions spécifiques doivent traiter. En Nouvelle-Calédonie, il existe trois tribunaux coutumiers. En Polynésie française, le tribunal de première instance est totalement engorgé par 1 800 dossiers en attente. C'est la raison pour laquelle une récente loi du 16 février 2015 dite de simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (art. 23) a prévu la création d'un tribunal foncier polynésien qui devrait voir le jour en 2017 2 ( * ) . En revanche, il n'y a toujours aucun tribunal foncier à Wallis-et-Futuna.

Parallèlement, le cadastre , outil de sécurisation juridique, se développe dans la zone Pacifique. Les terres coutumières de Nouvelle-Calédonie sont en train d'être cadastrées, à la suite de l'accord de Nouméa de 1998, à l'image des Îles Fidji (avec le Native Land Trust Board , conseil d'administration des terres autochtones). Cette démarche permettant de mettre fin aux procès-verbaux de palabre relatifs à la terre est souhaitée par certains grands chefs kanak. La Polynésie française est, quant à elle, cadastrée à 90 %, tandis qu'à Wallis-et-Futuna, la démarche n'est même pas initiée et le territoire reste à l'écart de ce mouvement.

En définitive, il est certain que l'archaïsme ou le désordre généré par certains systèmes fonciers peut constituer un obstacle au développement économique de ces territoires. Pour autant, il est sans doute un peu réducteur d'affirmer que la réforme foncière ouvrira la voie à des projets économiques. On peut aussi considérer que c'est précisément le lancement de projets économiques qui incitera à l'évolution en matière foncière 3 ( * ) .

Olivier Kressmann, Président du MEDEF de Polynésie française

Avant de vous parler du numérique dans nos contrées lointaines et isolées, permettez-moi de vous accueillir selon la tradition polynésienne : « Maeva, Manava e ia orana ».

Afin de prendre la pleine mesure du sujet sur « l'enjeu du numérique pour la continuité territoriale et le développement extérieur » dans nos territoires, il faut avant tout bien repositionner géographiquement nos trois communautés. Situées en plein océan Pacifique, vous conviendrez qu'il est difficile de faire plus isolé et éloigné des grands continents... et qui plus est de la métropole.

Trois communautés françaises qui peuvent paraître proches les unes des autres sur une mappemonde alors qu'en réalité elles sont distantes de plusieurs milliers de milles marins.

Trois communautés aux contraintes d'éloignement de la métropole quasi identiques (plus de 15 000 km du continent), pour une population totale de plus de 500 000 individus et présentant une spécificité « jeunesse » importante avec en moyenne 36 % de moins de vingt ans.

Enfin, trois communautés assurant leur « continuité territoriale et ouverture sur l'extérieur » désormais par le numérique avec un mix , depuis peu, de câbles sous-marins et de liaisons satellitaires. Une continuité territoriale complexe et lourde à assumer.

Concernant la Polynésie française, sa superposition sur la carte de l'Europe illustre deux faits marquants :

• un territoire étendu grand comme l'Europe ;

• un territoire très éclaté composé de cinq archipels (Tahiti, Bora Bora faisant partie de l'archipel de la Société) totalisant 118 îles éparpillées avec un ratio terre/mer très éloquent de 1 150 fois plus de mer que de terre.

Toujours en Polynésie française, que je connais évidemment le mieux, voici depuis 2010 l'infrastructure Telecom en oeuvre et qui s'appuie sur un câble sous-marin unique arrivant d'Hawaï (Honotua) à Tahiti et desservant au passage les autres îles de l'archipel de la Société, puis relayé vers les autres archipels par des liaisons satellitaires.

C'est une architecture technique fragile - car non-sécurisée par un second câble -, très coûteuse et qui n'est déjà plus adaptée pour servir du haut débit partout dans les archipels.

La Nouvelle-Calédonie - sans doute « boostée ou impulsée » par son tissu industriel de pointe et par ses proches voisins que sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande, très actifs - fait de l'aménagement numérique un de ses axes majeurs de développement, dicté par le plan stratégique sur l'économie numérique (PSEN) établi en concertation avec les acteurs du numérique en place et en devenir.

La mission ainsi confiée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie à l'office des postes et télécommunications calédonien est bien de répondre à un nouveau modèle technologique adapté à l'évolution du très haut débit.

Comme partout dans le monde, l'enjeu est de répondre à une croissance des usages Internet locaux estimée à un facteur cinq... et de surcroît de répondre aux grands enjeux de la « continuité territoriale et du développement extérieur ».

En Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie française la priorité est celle d'un second câble sous-marin, indispensable pour prétendre à la réalité et au développement d'une politique du numérique, sécurisée et donc pérenne.

Et si ce second câble sous-marin s'entendait comme devant relier la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française en passant par Wallis-et-Futuna, ce serait faire d'une pierre trois coups, voire davantage, à savoir :

• permettre à Wallis-et-Futuna de bénéficier de ce raccord, rattraper ainsi son retard de connexion et donc réduire sa fracture numérique ;

• apporter la réponse à la sécurisation des réseaux existants Gondwana en Nouvelle-Calédonie et Honotua en Polynésie française - ces deux communautés ayant cet impératif pour la survie de leurs développements endogènes et extérieurs ;

• profiter de notre situation géographique au centre du Pacifique sud pour nous positionner sur le marché du transit de données internationales ;

• conforter la position géostratégique de la France et, au-delà, de son deuxième rang mondial des zones économiques exclusives (ZEE), et affirmer encore davantage son excellence dans cette partie du globe si convoitée économiquement ;

• permettre aux autres États insulaires voisins un raccord à ce câble et contribuer au rayonnement international de la France dans le Pacifique.

Vous l'avez compris : parler aujourd'hui pour nos communautés du Pacifique de « L'enjeu du numérique pour la continuité territoriale et le développement extérieur », c'est obligatoirement traiter, sans attendre et avec une vraie vision mutualisée, le sujet de ce second câble sous-marin trans-Pacifique.

Mesdames et Messieurs, voilà de toute évidence une importante et très concrète opportunité de collaboration économique et sociale, pour mettre autour de la table l'État et ses trois communautés grandes ambassadrices de la France dans le Pacifique sud.

Merci pour votre attention, Mauruuru roa !

ANNEXE

Yves Dassonville, Préfet de région honoraire, ancien Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Le franc Pacifique est la monnaie de nos trois collectivités du Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Il a été introduit en 1946. À sa création, c'est la banque de l'Indochine qui est chargée de son émission. Le 30 mars 1967 est créé l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) qui devient ainsi la banque centrale de nos trois collectivités.

Ces trois collectivités ont des statuts différents :

• la Polynésie est un pays d'outre-mer, bénéficiant d'une large autonomie régie par l'article 74 de la Constitution ;

• Wallis-et-Futuna est une collectivité d'outre-mer à statut particulier, régie par l'article 74 de la Constitution ;

• la Nouvelle-Calédonie, qui bénéficie d'une très large autonomie, est régie par l'article 77 de la Constitution, article qui a intégré l'accord de Nouméa signé en 1998. Elle doit, selon l'accord de Nouméa, connaître au plus tard en 2018 une consultation sur l'accession à la pleine souveraineté.

1. La situation actuelle

Le franc CFP a une parité fixe avec l'euro : 1 000 francs CFP = 8,38 euros. Cette parité est garantie par la France et relève de sa seule responsabilité. L'IEOM, qui fait office de banque centrale :

• assure l'émission de la monnaie ayant cours légal en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna. La convertibilité de cette monnaie est garantie par l'État sur la base d'une parité fixe ;

• veille à la sécurité des moyens de paiement scripturaux et au bon fonctionnement des systèmes d'échanges interbancaires ;

• exerce des attributions de politique monétaire

en poursuivant trois objectifs :

- stabilité des prix ;

- favoriser le développement économique ;

- assurer la liquidité de la zone.

et en utilisant plusieurs instruments :

- un système de réserves obligatoires ;

- le réescompte.

L'IEOM a l'obligation d'inscrire sur un compte d'opérations auprès du Trésor public l'ensemble de ses disponibilités.

Les établissements financiers du Pacifique français sont soumis à l'agrément et à la supervision prudentielle (vérification que les pratiques des banques sont saines et prudentes) de l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) et de l'Autorité des marchés financiers (AMF). L'IEOM a signé une convention et un protocole d'accord avec ces deux autorités.

L'ensemble de la réglementation bancaire et financière du Code monétaire et financier est étendu de manière systématique aux trois territoires. Les règles relatives à la lutte contre le blanchiment sont applicables de plein droit.

L'IEOM est administré par un conseil de surveillance présidé par le gouverneur de la Banque de France (ou son représentant).

Il est composé :

• du directeur général du Trésor ;

• d'un représentant du ministre chargé de l'économie ;

• de deux représentants du ministre des outre-mer ;

• d'un représentant de la Banque de France ;

• de trois personnalités représentant les trois collectivités ;

• et d'un représentant du personnel.

Le directeur général de l'IEOM est nommé par le gouverneur de la Banque de France.

Ce qui rend soutenable le système monétaire du franc CFP ce sont les transferts financiers de la métropole qui constituent de loin dans les trois territoires la première « richesse » économique. Dans les trois territoires, la balance des transactions courantes est lourdement déficitaire.

À titre d'exemple, en Nouvelle-Calédonie, économie la plus forte du Pacifique français, la balance des transactions courantes est déficitaire de 1,3 milliard d'euros et l'ensemble des dépenses annuelles de l'État se monte à 1,2 milliard d'euros. Les versements publics de l'État représentent de 13 % à 15 % de la richesse créée en Nouvelle-Calédonie.

2. Perspectives d'évolution

Adoption de l'Euro

Il s'agit d'une demande des milieux économiques et de certains milieux politiques. La Polynésie et Wallis-et-Futuna y semblent favorables, les opinions sont plus partagées en Nouvelle-Calédonie.

L'avantage politique avancé par les partisans de cette solution est de consolider le lien avec l'Europe et donc avec la France. À l'opposé pour certains indépendantistes - notamment en Nouvelle-Calédonie - cette consolidation est un inconvénient.

D'un point de vue économique, les avantages sont les suivants :

• faciliter encore les transactions avec la métropole et l'Europe ;

• bénéficier de la crédibilité de l'Euro.

Les inconvénients sont les suivants :

• perte de la possibilité d'ajuster la parité de la monnaie ;

• négociation longue et exigeante avec les instances européennes ;

• tendance inflationniste au moment du passage à l'Euro ;

• impossibilité d'apposer sur les billets et pièces les symboles des trois territoires.

Modernisation du Franc CFP

Le franc CFP a bien joué son rôle en apportant aux territoires français du Pacifique de la crédibilité, en permettant de limiter l'inflation et en stimulant le développement économique.

Toutefois depuis 1946, son mode de gestion de la monnaie a peu changé et sa gouvernance fait peu de place aux représentants des trois territoires.

C'est pourquoi, un peu sur le modèle de la zone CFA, une évolution de la gestion du franc CFP paraît souhaitable. Elle consisterait :

• à réviser le mode de gouvernance en intégrant davantage de représentants de nos territoires, en allégeant le nombre de représentants de l'administration et en adossant véritablement l'IEOM à la Banque de France. ;

• à permettre à l'IEOM de renforcer sa capacité à refinancer les économies de nos territoires au-delà des instruments actuels.

Dans le cas où nos territoires connaîtraient des évolutions institutionnelles, on peut envisager d'autres solutions et notamment que certains d'entre eux se dotent d'une monnaie propre. Comme dans d'autres îles du Pacifique, il pourrait s'agir d'une monnaie composée d'un panier de monnaies de ses principaux partenaires.

Bien entendu apparaîtrait ainsi un risque de change et une nécessité de disposer de réserves de devises pour pouvoir financer les importations. Nos territoires ont-ils les moyens de gérer seuls leur propre monnaie ? On peut en douter et il faut aussi évaluer les risques d'une perte de valeur forte de la monnaie dans la mesure où beaucoup de dettes sont libellées en euros. Il en est de même pour les transferts venant de France dont on a souligné plus haut l'importance.

La principale qualité d'une monnaie, c'est la confiance qu'elle inspire. Le franc Pacifique a pu créer cette confiance et attirer ainsi des investisseurs. Il est un quasi-euro, mais contrairement à l'euro, permet si nécessaire des ajustements par accord entre nos territoires et la métropole. Sous réserve de sa modernisation, ne reste-t-il pas la meilleure monnaie possible pour nos territoires du Pacifique ?

Seconde séquence - Des dynamiques sectorielles qui allient tradition et innovation

Olivier Barrat, Chef de la mission d'Océanie de la Direction d'Asie et d'Océanie
du Ministère des affaires étrangères et du développement international

Parler d'un déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale vers cette zone géographique qu'est le Pacifique et que je limite dans ma présentation à l'Asie-Pacifique, est une affirmation qui ne va pas de soi, sauf à se limiter à dire qu'aujourd'hui l'Asie-Océanie, au sens de la direction du Quai d'Orsay à laquelle j'appartiens, représente déjà plus de 54 % de la population mondiale et 30 % du produit intérieur brut (PIB) de la planète.

Il est difficile de parler des États ou des économies du Pacifique en général. À la fois parce que le Pacifique n'est pas une zone géographique marquée par un dénominateur commun, et parce qu'elle n'est pas non plus une zone organisée à son échelle. C'est même probablement la région la plus hétérogène du monde : elle compte des pays très développés, des pays émergents, des pays continent, des pays parmi les plus pauvres (PMA), des petits États insulaires en développement (PEID), des nations millénaires, des pays tout neufs. Il n'existe pas d'architecture de sécurité pour l'ensemble de la zone, ni d'organisation commerciale de libre-échange, sauf imparfaitement avec l'ASEAN qui borde le Pacifique et des initiatives prises dès 2001 mais qui marquent le pas telles que les PACER 4 ( * ) , PICTA 5 ( * ) et PACER Plus pour les membres du Forum des îles du Pacifique (FIP).

De plus, notre regard sur ce basculement doit-il être seulement français ou européen, sinon calédonien, wallisien-futunien ou polynésien ? L'Asie-Pacifique ne compte aujourd'hui (chiffres 2013) que pour 15 % des importations de notre pays et seulement 12 % de ses exportations, alors qu'il en va différemment de l'Union européenne pour qui cette région du monde est encore plus importante. L'Asie-Pacifique est, en effet, le premier partenaire commercial de l'Union européenne car elle représente 43 % des importations et 33 % des exportations extra-européennes. Pour nos collectivités françaises du Pacifique, les statistiques montrent que cet océan est encore plus important en valeur relative. S'il représente la moitié de leurs importations dans tous les cas, il reçoit plus de la moitié de leurs exportations (62 % pour la Nouvelle-Calédonie, 51 % pour la Polynésie française) à l'exception de Wallis-et-Futuna (15 %).

Malgré ces difficultés d'approche, cet ensemble géographique présente pourtant quelques caractéristiques propres, de nature essentiellement économique, qui étayent l'affirmation d'un déplacement du centre de gravité de l'économie de la planète vers le Pacifique, premier espace de transit au monde en flux de marchandises (70 % du trafic mondial) :

La première, c'est que l'Asie-Océanie est la région du monde qui a connu le plus fort développement depuis 35 ans .

Le plus illustrant est un comparatif entre les chiffres de 1980, année de l'indépendance du Vanuatu, et ceux d'aujourd'hui, le PIB de la France servant d'étalon de référence :

En 1980, le PIB de la France de 690 milliards de dollars (Mds USD) équivalait aux PIB cumulés de la Chine (300 Mds USD), de l'Inde (180 Mds USD) et de l'ASEAN (230 Mds USD). Et le PIB de l'Australie (180 Mds USD) était quasiment identique à celui de l'Inde.

En 2014, la France a un PIB (2 800 Mds USD) supérieur de 30 % à celui de l'Inde (1 900 Mds USD), ou légèrement supérieur à celui de l'ASEAN (2 450 Mds USD) et qui représente moins d'un tiers de celui de la Chine (9 200 Mds USD). L'Australie avec un PIB de 1 560 Mds USD, désormais inférieur de 20 % environ à celui de l'Inde, représente encore 78 % du PIB global des 22 États et territoires océaniens, collectivités françaises comprises.

La deuxième caractéristique, c'est l'hétérogénéité de la croissance des économies de l'Asie Pacifique .

Depuis 1980, la Chine a été le pays d'Asie-Océanie qui a connu la croissance la plus importante puisque son PIB a été multiplié par 30. S'il représentait un peu plus de 10 % du PIB des États-Unis en 1980, en 2014, le PIB chinois a dépassé celui des États-Unis selon le FMI. Elle est devenue la première puissance économique du monde.

La Chine a été suivie, dans l'ordre, par la Corée du Sud (PIB x 12), l'Inde et l'ASEAN (PIB x 10).

La lanterne rouge si l'on peut dire, en valeur relative, c'est le Japon. En 1980, le PIB japonais (1 070 Mds USD) comptait pour plus de la moitié du PIB asiatique. En 2014, le PIB japonais représente moins d'un quart du PIB asiatique et la Chine a dépassé le Japon en 2009.

En Océanie, la croissance a aussi porté ses fruits. Si l'on met de côté la Nouvelle-Calédonie (PIB x 9 depuis 1980), la croissance la plus forte, malgré la tyrannie de la distance, a soutenu les deux puissances régionales que sont l'Australie, « lucky country » , comme elle se nomme, de 23 millions d'habitants (PIB x 9) et la Nouvelle-Zélande (PIB x 7), qualifiée aujourd'hui de « rockstar » ou de « rock economy » pour ses bons résultats économiques. Cette croissance a aussi nourri l'émergence de deux acteurs importants dans la région : la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) et Fidji. Avec une population en passe d'atteindre 8 millions d'habitants et un taux de croissance qui devrait avoisiner 15 % en 2015 grâce à la rente de ses ressources naturelles, la PNG a aujourd'hui les moyens de rejoindre les rangs des puissances émergentes moyennes. Son produit national brut (PNB) qui a quasiment stagné entre 1980 et 2002 a été multiplié par 6,5 pour atteindre 15,3 Mds USD en 2014, soit légèrement moins que le PIB cumulé de la Nouvelle-Calédonie (9 Mds USD) et de la Polynésie française (7,2 Mds USD). Fidji, avec ses 800 000 habitants, a su jouer de sa capacité à demeurer le « hub régional » et a multiplié par quatre son PIB depuis 1980 pour atteindre 4 Mds USD.

Ailleurs, en Océanie, la croissance a été inégale, y compris dans sa redistribution, et certains pays n'ont pas encore réussi à quitter leur statut de PMA ou sont au bord de la faillite.

La troisième caractéristique, c'est l'accroissement très fort du commerce intra-zone Asie-Pacifique depuis 20 ans. Il représente 60 % des échanges de la zone en 2014 (soit un pourcentage supérieur à celui du commerce nord-américain, 37 %, mais inférieur au commerce intra-européen de l'ordre de 70 %). C'est en Asie de l'Est que sa progression a été la plus forte.

En Océanie, l'Australie présente un commerce extérieur qui assure plus de 80 % des flux de marchandises, loin devant la Nouvelle-Zélande (13 %). Elle a fait des pays d'Asie-Pacifique ses premiers partenaires et près de 40 % des transactions commerciales australiennes sont réalisées avec seulement la Chine, le Japon et la Corée du Sud. La Chine a conforté en 2013 sa place de premier partenaire commercial de l'Australie. Elle absorbe désormais près du tiers des exportations australiennes (31,2 %, soit une progression de cinq points sur un an seulement).

Cet accroissement du commerce intra-asiatique, accompagné par un mouvement général de libéralisation des échanges, a donné lieu récemment à une forte dynamique d'intégration sous-régionale, voire régionale. Les accords multilatéraux se sont multipliés depuis une dizaine d'années entre les pays du Pacifique. Les plus significatifs sont peut-être l'accord de libre-échange (ALE) Chine-ASEAN mis en oeuvre depuis 2010, celui portant constitution d'une communauté économique de l'ASEAN qui doit être mise en place fin 2015, et l'accord de libre-échange tripartite Chine-Corée-Japon déjà signé.

La dynamique du commerce intra-asiatique a des conséquences :

La demande des pays occidentaux est devenue moins décisive pour la prospérité de l'Asie-Pacifique tandis que cette zone est devenue un marché plus important pour les États-Unis et l'Union européenne. Pour s'accrocher à cette dynamique, les États-Unis ont avancé dès 2002 leur projet de Trans Pacific Partnership . L'UE s'est lancée en 2007 dans un début de négociation avec l'ASEAN pour un ALE mais il marque le pas. Le seul ALE conclu par l'UE aujourd'hui a été avec la Corée, entré en vigueur en 2011, tandis que des négociations sont en cours avec plusieurs autres pays de la zone. En contrepoint, la Chine a lancé en 2012 son projet de Regional Comprehensive Partnership après le sommet de l'ASEAN au Cambodge c'est-à-dire un ALE Chine-ASEAN associant les six pays avec lesquels l'ASEAN a déjà conclu des ALE : Australie, Chine, Inde, Corée du Sud, Japon et Nouvelle-Zélande.

Après ceux conclus avec la Nouvelle-Zélande (1983), Singapour (2003), les Etats-Unis et la Thaïlande (2005), le Chili (2009), la Malaisie et la Corée du Sud (2013), le Japon en 2014 et la Chine en cours, l'Australie recherche à engager des négociations avec l'Union européenne, qui privilégie, quant à elle, la conclusion d'un accord cadre de partenariat (ACP). L'Australie a tenu fin octobre 2014 un sommet de négociation de l'accord de partenariat Trans-Pacifique (TPP). La Nouvelle-Zélande, de son côté, multiplie les démarches, en faveur de l'ouverture de négociations avec l'Union européenne en vue d'un ALE.

La quatrième caractéristique, c'est que l'Asie-Océanie va demeurer la zone la plus dynamique de la planète .

Deux des trois plus grandes économies mondiales sont désormais asiatiques. Six pays d'Asie-Pacifique sont membres du G20. Si cette zone compte pour 30 % du PIB mondial en 2013, elle représentera la moitié du PIB mondial à l'horizon 2050.

À plus court terme, l'Asie-Océanie va concentrer près de la moitié de la croissance mondiale pour les cinq prochaines années. Les prévisions de croissance pour cette zone en 2015 sont en effet supérieures à la croissance mondiale (4 % prévus) pour les principaux pays : Chine (7 %), Inde (6,1 %), ASEAN (5,6 %), à l'exception du Japon (1,1 %) et en Océanie de la Nouvelle-Zélande (3 %) et de l'Australie (2 %). Dans le Pacifique Sud, la Papouasie-Nouvelle-Guinée se singularise avec 15 % de prévision de croissance.

Les investisseurs ne s'y trompent pas. La presse se fait l'écho que l'Asie-Pacifique est aujourd'hui la première destination des flux mondiaux d'investissements directs à l'étranger (estimés à 1 600 milliards d'euros en 2014) soit 30 % de leur total. Cette tendance devrait d'ailleurs se poursuivre selon la plupart des analystes.

Le Pacifique est une zone d'opportunités pour la France et ses collectivités .

Un réel potentiel existe pour nos entreprises. En particulier, les défis structurels très importants auxquels l'ensemble des pays d'Asie-pacifique devront faire face, à brève échéance, se présentent comme autant d'opportunités. Ces défis, ce sont :

- le défi démographique et alimentaire. L'Asie-Pacifique connaît une croissance de sa population globalement forte (un milliard de personnes de plus d'ici 2050) même si elle est inégale entre les sous-régions. Cette évolution va créer des besoins d'infrastructures très importants dans les prochaines années, en matière de transports, d'énergie, d'approvisionnement en eau et électricité, d'assainissement et de sécurité alimentaire notamment, qui correspondent à nos avantages comparatifs ;

- le défi sociétal. On assiste à une croissance rapide des classes moyennes (10-100 USD par jour) représente également de nouveaux marchés pour les biens de consommation , dans les secteurs d'excellence française : agro-alimentaire, luxe, pharmacie, cosmétiques même si elle coexiste avec des poches de grande pauvreté (moins de 1,25 USD par jour). Le tourisme en provenance de la région est en pleine croissance sinon explose. 4 millions de touristes asiatiques et 1,2 million d'Australiens ont visité la France en 2013. Il faut compter dans notre pays 1,7 million de touristes chinois, 700 000 Japonais, 500 000 Coréens. C'est une source importante de devises et de croissance, y compris pour nos collectivités du Pacifique ;

- le défi lié à l'urbanisation. En 2030, plus de 50 % de la population en Asie-pacifique sera urbaine et on prévoit que plus de 8 200 Mds$, selon les grandes agences mondiales, seront investis dans le secteur des infrastructures d'ici 2020 ;

- le défi environnemental. Des pressions de plus en plus lourdes pèsent sur l'environnement au sein de la zone : destruction de forêts, pollution de l'air, de l'eau, des sols, disparition de la ressource halieutique et recul de la biodiversité, acidification de l'océan, remontée des eaux, etc. Nos entreprises ont des solutions sur certains de ces créneaux.

À ces défis générant autant d'opportunités, l'on peut aussi ajouter les débouchés pour l'industrie française de l'aéronautique et de l'armement. Nous sommes en excédent commercial sur la zone Océanie dans son ensemble et nos excédents sont souvent dopés par nos ventes d'aéronefs. Le marché de l'Asie-Pacifique a représenté 28 % des exportations d'armement sur la période 2008-2012.

L'Asie-Pacifique représente un enjeu majeur en termes d'échanges scientifiques et estudiantins . L'Asie-Océanie est considérée aujourd'hui comme la zone la plus innovante au monde. La Chine ambitionne de devenir le premier laboratoire de la planète dès 2020. Le potentiel éducatif et de recherche de la région ouvre des possibilités considérables d'échanges et de partenariats. L'émergence des classes moyennes entraîne un développement exponentiel des flux étudiants et de scientifiques qu'il convient de canaliser. En 2050, près des deux tiers des étudiants dans le monde viendront du Pacifique. Les étudiants chinois surtout, mais aussi coréens et vietnamiens, sont désormais près de 50 000 en France.

Pour l'heure , l'Asie-Océanie représente près de 30 % de notre déficit commercial (plus de 22 milliards d'euros en 2013), déficit qui provient essentiellement de nos échanges avec la Chine qui absorbe plus du quart de nos exportations vers cette zone. Notre part de marché y est trop faible (1,3 %) par comparaison avec certains autres membres de l'UE (environ 3 % pour l'Allemagne) et les États-Unis (7 %). Mais il faut dire que l'Asie Océanie est, pour autant, la région du monde avec laquelle nos échanges commerciaux ont doublé entre 2005 et 2014 . Elle est même devenue un relais de croissance quand la demande faiblit au sein de l'UE et elle tire nos exportations. C'est même la progression la plus forte des grandes régions du monde puisque 57 % de la croissance de nos exportations depuis 2005 y ont été réalisés. Notre déficit se réduit globalement même si le solde dépend du succès volatil de grands contrats. Nous redevenons excédentaires avec certains d'entre eux à mesure de leur émergence, comme c'est le cas de l'Australie, de la Corée, de Hong-Kong. Et nos déficits avec les grands pays commencent à se réduire : avec le Japon d'abord (à peine un dixième de notre déficit avec la Chine), la Chine même enfin - très ou trop timidement (27 milliards d'euros, 80 % de notre déficit avec la zone). Et d'autres pays du Pacifique à fort potentiel demeurent des enjeux importants comme l'Indonésie ou le Vietnam, par exemple.

En outre, la France est un investisseur en Asie-Océanie . Cette région ne représente que 7 % du stock de nos investissements à l'étranger mais ils ont globalement progressé depuis 2005. Ils s'établissaient à plus de 75 milliards d'euros en 2013. Le Japon reste le premier pays destinataire en stock (17,6 Mds EUR) devant la Chine (16,5 Mds EUR), l'ASEAN (12,1 Mds EUR), l'Australie (5,1 Mds EUR).

L'Asie-Océanie compte 20 % des implantations françaises et 18 % de l'effectif salarié total des filiales à l'étranger des groupes français. Rappelons que 120 000 Français résident en Asie soit 7 % de la population française à l'étranger dont 50 000 en Chine. En Océanie, nos trois collectivités comptent quelque 550 000 compatriotes auxquels il faut ajouter au moins 80 000 Français en Australie (25 000 immatriculés) et plus de 5 000 en Nouvelle-Zélande

En sens inverse, le stock des investissements asiatiques en France demeure faible malgré quelques belles réussites comme l'investissement de Toyota à Valenciennes dont les productions visent le marché américain. Les entreprises japonaises emploient 82 000 personnes en France.

Notre diplomatie prend en compte ces enjeux autour de trois grands axes d'action : l'établissement de partenariats stratégiques, l'ouverture de négociations commerciales et la mise en oeuvre d'une diplomatie économique et d'influence, tout en appuyant l'insertion régionale de nos collectivités du Pacifique et les politiques qu'elles mènent dans le cadre des compétences qui leur ont été transférées.

Nous avons noué des partenariats et des dialogues stratégiques avec les grands acteurs de la région : Chine (« partenariat global » de 1997, « dialogue stratégique » de 2001 et « partenariat global stratégique » de 2004), Indonésie (2011), Japon (« dialogue stratégique » de niveau ministériel 2012), Australie (2012), Singapour (2012) et tout dernièrement Vietnam (2013).

Les partenariats sont des outils. Ils sont destinés à refléter des communautés de vues sur le contexte stratégique international, souvent même des communautés de valeurs ainsi, bien sûr, qu'une communauté d'intérêts. Ils sont conçus moins comme des labels, prenant en compte ce qui a déjà été fait, que comme des leviers pour accompagner ou faire sortir de terre de grands projets communs.

Leur promotion s'appuie sur un dialogue politique soutenu, marqué par un rythme sans précédent de visites à haut niveau dans la région. Voici quelques exemples depuis 2012 : déplacements du Président de la République en Chine et au Japon, en Australie et aux Philippines, mais aussi du Premier ministre (Philippines, Chine) et du ministre des Affaires étrangères (Indonésie, Vietnam, Chine, Japon, Philippines).

Mais les partenariats stratégiques n'épuisent pas le sujet. Nous entretenons avec d'autres pays de la région des dialogues politico-militaires de plus en plus denses.

La France et ses collectivités du Pacifique ont des atouts à faire valoir avec les pays émergents pour nouer des relations particulièrement dynamiques. Qu'avons-nous à offrir ? Une identité forte, une culture appréciée et considérée comme prestigieuse, un système éducatif et universitaire reconnu et performant, une image d'excellence scientifique et technologique, une présence ancienne en Asie-Pacifique et des liens historiques avec certains pays, un réseau diplomatique dense (25 ambassades, 14 consulats, 42 établissements scolaires, 79 alliances françaises accueillant 100 000 étudiants, des grands groupes français, etc.) et déjà un premier délégué pour la Nouvelle-Calédonie intégré dans notre ambassade à Wellington depuis 2012.

En matière de négociation commerciale , du fait de sa compétence exclusive, l'Union européenne a un rôle majeur à jouer en la matière puisque c'est elle qui négocie les traités de commerce, en particulier les accords de libre-échange avec les pays de la région. S'il s'agit d'abaisser les tarifs douaniers avec nos partenaires du Pacifique, il s'agit également de négocier l'abaissement des barrières non tarifaires, d'assurer le respect des investissements et de la propriété intellectuelle et d'obtenir l'ouverture des marchés publics. Le premier accord de libre-échange à avoir été signé et mis en oeuvre concerne la Corée du Sud avec laquelle d'ailleurs nous sommes devenus pour la première fois bénéficiaire en 2011. Des demandes ont déjà été formulées par les pays d'Asie-Pacifique comme le Japon, le Vietnam, la Nouvelle-Zélande et l'Australie voire la Chine désormais.

En matière de diplomatie économique , il faut souligner que le 1 er janvier 2015, Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) ont fusionné pour constituer un opérateur public unique, Business France, en vue de rendre plus efficace la chaîne d'acteurs et de services dédiés au développement et au succès des entreprises françaises, quels que soient leurs tailles ou leurs secteurs, et qu'il s'agisse d'exportation, d'investissement ou de partenariats internationaux.

En matière d'influence, élément de la diplomatie économique, nous promouvons la francophonie en Asie-Océanie où l'on compte 2,5 millions de francophones, avec l'appui de nos collectivités. Deux pays du Pacifique sont membres de la l'Organisation internationale de la francophonie (Vietnam, Vanuatu). Le français reste une langue attractive et dans beaucoup de pays d'Asie-Pacifique, elle est la deuxième langue étrangère étudiée.

Des efforts sont faits pour encourager la mobilité étudiante au niveau du master et du doctorat et pour promouvoir auprès du public jeune l'image d'une France et de collectivités créatives et innovantes (partenariats de recherche et culture). Nous travaillons à adapter les procédures pour se rendre en France ou dans nos collectivités du Pacifique, à améliorer l'accueil, à développer les formations en anglais pour les non-francophones.

Dans le domaine culturel, nous avons des saisons croisées, avec la Corée du Sud (2013) et le Vietnam (2014) et bien sûr les manifestations qui ont marqué le 50 ème anniversaire de l'établissement de nos relations diplomatiques avec la Chine en 2014.

Enfin, un mot sur notre aide publique au développement, qui est un autre outil de notre politique d'influence. L'aide bilatérale s'élève à un milliard d'euros par an pour l'Asie et l'Agence française de développement (AFD), présente aussi à Nouméa, intervient dans 13 pays de la zone. Il convient également d'ajouter l'aide qui transite par les canaux multilatéraux dont le Fonds européen de développement (FED), qui joue un rôle majeur en Océanie.

En conclusion, la montée en puissance ou l'émergence du Pacifique où bascule l'économie du monde est une réalité. Il faut l'appréhender comme une chance à saisir et un défi à relever, pour la France et ses collectivités, et pour l'UE, comme l'ont souligné il y a un instant à la tribune le président du Sénat et le sénateur Guy Frogier. Mais comme l'a rappelé aussi le ministre des affaires étrangères et du développement international, « ll nous faut établir une relation qui soit bénéfique pour l'ensemble des parties et construire une relation équilibrée pour une gestion concertée des enjeux globaux. En Asie-Pacifique, la France devra rattraper le temps perdu ».

Frédéric Moncany de Saint-Aignan, Président du Cluster maritime français

Merci de m'avoir invité à participer à cette conférence où le monde de la mer est particulièrement bien représenté.

Brève présentation du Cluster maritime français (CMF).

Créé en 2006 par et pour les professionnels, le CMF est l'outil de promotion et de dynamisation du secteur économique maritime. De 30 adhérents en 2006, on est passé à plus de 375 aujourd'hui, à savoir des PME, des TPE, des grands groupes, des fédérations et des associations, mais aussi des régions, des communes et des établissements publics, tous secteurs d'activités confondus.

Chaque année le CMF organise, conjointement avec le journal Le marin du groupe Ouest-France, les Assises de l'économie de la mer, qui rassemblent plus de 1 700 décideurs du monde économique et politique.

Le CMF développe trois axes de travail : communication institutionnelle ; actions d'influences ; synergies opérationnelles.

1. Rapide historique sur la constitution des clusters maritimes d'outre-mer

Un groupe synergie outre-mer a été créé en 2008, avec pour but d'utiliser la mer comme vecteur de développement pour les outre-mer.

Le travail de ce groupe synergie a permis d'identifier la nécessité pour les acteurs maritimes locaux de se fédérer et de travailler ensemble.

Ainsi, nous avons pu assister à la création des premiers clusters maritimes d'outre-mer : Guadeloupe (mai 2011), La Réunion (septembre 2011), Guyane (mai 2012), Martinique (juin 2013), Polynésie française (juin 2014) et la Nouvelle-Calédonie (août 2014). Ils rassemblent aujourd'hui environ 250 membres au total et sont particulièrement actifs dans leurs territoires respectifs.

Nous sommes en lien constant avec eux, pour les aider à développer leurs structures, pour les accompagner sur des dossiers communs et enfin pour échanger sur des bonnes pratiques, quand c'est nécessaire.

2. Actions menées par le CMF

À ce titre, permettez-moi d'illustrer mes propos par quelques exemples concrets d'actions menées ensemble.

Notre groupe synergie outre-mer qui rassemble les représentants des clusters maritimes d'outre-mer et les acteurs maritimes de métropole se réunit tous les deux-trois mois à Paris.

Nous organisons pour eux une journée de coordination des clusters maritimes d'outre-mer une fois par an, permettant de faire un point sur les dossiers et continuer d'échanger sur les bonnes pratiques.

À tout moment et sur leur demande, nous avons une capacité d'action à Paris pour appuyer les dossiers bloqués au niveau local (par exemple : développement d'une base logistique en Guyane ; problématique des visas croisière en Polynésie française ; moyens Action de l'État en mer à La Réunion et développement d'un hub portuaire ; coordination Martinique-Guadeloupe pour la mise en place d'un marché unique antillais).

Le CMF permet également des mises en relation et l'organisation de rendez-vous à Paris (par exemple avec les acteurs des énergies marines renouvelables ; avec le collège d'experts de l'expertise scientifique collégiale en Polynésie française sur les ressources minérales marines et les acteurs métropolitains du Deep Sea Mining ).

Le succès de ces clusters maritimes ultramarins du Pacifique prend un sens particulier dans le cadre du développement économique dans cette zone.

3. Déplacement des économies dominantes vers la zone Asie Pacifique

On constate en effet que les principaux flux de marchandises et de matières premières transitent désormais majoritairement à travers le monde en provenance ou en retour de la zone Asie-Pacifique, soit 70 % du trafic mondial. Cet espace est aujourd'hui moteur de la mondialisation, traduite par une croissance des flux maritimes. Le cabinet Ernst & Young estime dans une étude datant de 2012 que la croissance des flux commerciaux depuis l'Asie-Pacifique vers l'Amérique du Nord, le Moyen-Orient, l'Amérique latine et l'Afrique progresserait de 10 % chaque année entre 2010 et 2020.

Il faut noter que les premiers ports du monde sont situés en Asie : dans le top 10, sept sont chinois, un pour Singapour, un pour l'Australie et l'Europe est représentée par Rotterdam...

Mais les pays exportateurs leaders dans la région, à savoir la Chine, Taïwan et la Corée du Sud, deviennent également de plus en plus des importateurs, permettant aux pays voisins et au reste du monde d'y vendre leurs valeurs ajoutées. Les flux de marchandises pourront bientôt transiter par Panama, avec l'ouverture prochaine du nouveau canal, permettant de relier encore plus l'Europe et l'Amérique à l'Asie-Pacifique.

La zone Asie-Pacifique est aussi l'objet d'enjeux concernant les ressources énergétiques, dont les hydrocarbures. On note un développement puissant de l' oil&gas offshore , tant par l'accroissement des technologies (recherche sismique, forage, plateforme offshore) que par les revendications de pays, où rentrent en ligne de compte les ambitions de l'Australie, de la Chine et de la Nouvelle-Zélande.

Le maritime est donc un vecteur de croissance en Asie-Pacifique, dont les États riverains représentent près d'un tiers du PIB mondial, au coeur des enjeux géopolitiques régionaux et internationaux. Cela nécessite une attention particulière, tant en matière de développements qu'en terme de sécurisation du trafic maritime, donc des approvisionnements et des mers.

Maritimisation du monde et enjeux régionaux

Avec 7,6 millions de kilomètres carrés (deux tiers de la ZEE française), le terrain de jeu (maritime) du Pacifique Sud comporte des enjeux particuliers pour la France.

La maritimisation du monde est une réalité, il faut pouvoir compter sur les atouts dont nous disposons.

Tout d'abord, des opportunités dont je vous énumère les principales, celles que je considère comme prioritaires :

• l'extraordinaire biodiversité du monde marin du Pacifique tant pour les bioressources (dont les ressources halieutiques) que pour l'essor des biotechnologies (pharmacie, cosmétique) ;

• les possibilités d'indépendance énergétique avec la mise en place de nouvelles technologies utilisant la mer comme source d'énergie ;

• la richesse de la géodiversité qui permet aujourd'hui l'exploitation du nickel et demain des ressources minérales profondes en mer ( deep sea mining ) ;

• être un partenaire économique pour les États voisins d'Australie et de Nouvelle-Zélande, mais aussi pour l'ASEAN, en tant que point intermédiaire des routes maritimes, en étant non plus une fin de ligne mais un hub de redistribution régional ;

• le développement de l'aquaculture et des cultures marines, pour répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels de la planète, sans augmenter la pression sur les ressources halieutiques ;

• les enjeux du tourisme, avec l'arrivée d'une nouvelle clientèle asiatique. Il faut mentionner l'essor des croisières dans les beaux lagons...

• le réel savoir-faire local qui nécessite toutefois un maintien et une montée en gamme de la formation dans les métiers de la mer ;

• un nécessaire maintien voire renforcement des moyens de l'action de l'État en mer, tant pour sécuriser nos trafic commerciaux que pour surveiller nos eaux territoriales et maintenir notre souveraineté.

Après cette énumération d'atouts, permettez-moi d'attirer votre attention sur un point de vigilance, à savoir la méconnaissance (totale) des élites (parisiennes) quant aux réalités locales, alors qu'il est nécessaire de prendre en compte les spécificités des collectivités d'outre-mer (notamment vis à vis de l'Union Européenne) pour des adaptations de la règlementation. Je ne suis pas un spécialiste du sujet, mais je souhaite relayer les préoccupations que l'on a pu me remonter de ces territoires.

En conclusion, les régions du Pacifique sont un trait d'union entre l'Asie orientale, l'Amérique et l'Europe, au coeur d'enjeux stratégiques et économiques dont le secteur maritime est un outil et un vecteur indispensable. La maritimisation du monde est en marche, c'est une chance pour les acteurs du Pacifique qui ont déjà commencé à s'en saisir.

DEUXIÈME TABLE RONDE
LES ENTREPRISES DU PACIFIQUE :
CARACTÉRISTIQUES ET PERSPECTIVES

Deuxième table ronde - les entreprises du Pacifique : caractéristiques et perspectives

Introduction

Nuihau Laurey, Sénateur de Polynésie française

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président de la délégation sénatoriale à l'outremer,

Mesdames, Messieurs les représentants des collectivités françaises du Pacifique,

Mesdames, Messieurs les chefs d'entreprises de nos collectivités du Pacifique,

Mesdames et Messieurs les représentants des médias,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers collègues,

La seconde partie de nos discussions sera consacrée aux entreprises du Pacifique, qu'il nous est proposé d'aborder sous l'angle de leurs caractéristiques et de leurs perspectives.

Sans aller jusqu'à parler d'une singularité de nos entreprises, il est indéniable qu'elles sont confrontées à une adversité toute spécifique aux économies insulaires.

Elles sont par essence plus petites car s'adressant à des marchés plus limités.

Elles doivent intégrer dans leur fonctionnement l'éloignement des grands centres d'affaires et donc souvent de leurs fournisseurs ou partenaires.

Elles offrent leurs produits et leurs services à une clientèle disséminée sur d'immenses territoires. S'agissant de la Polynésie française, ce sont de multiples regroupements de quelques centaines de clients ou d'usagers qui sont répartis sur une étendue océanique grande comme l'Europe.

Elles opèrent sur des marchés économiques limités avec l'impossibilité qui en résulte d'amortir sur un plus grand nombre de clients ou d'usagers des coûts fixes élevés.

Elles ne disposent pas toujours des infrastructures, notamment numériques qui leur permettraient de dégager une plus grande productivité et de là même une meilleure compétitivité.

Néanmoins, en dépit de cela, elles doivent s'efforcer de proposer des prix compétitifs à des clients et usagers qui comparent souvent leurs prix, transparence oblige, à ceux qu'ils peuvent trouver ailleurs, dans des grands marchés extérieurs qui sont pourtant sans commune comparaison possible avec celui dont ils font partie localement.

Elles doivent du fait de l'unicité des territoires de la République, tenter d'assurer une équité de traitement et donc de prix de tous les citoyens de ces bassins économiques, alors que les coûts de la distribution de biens ou de services ne sont bien évidemment pas les mêmes dans des agglomérations de plusieurs dizaines de milliers d'habitants et dans des petites communautés insulaires éloignées de quelques centaines d'habitants.

Cette nécessaire équité des prix entre les habitants d'un même territoire est bien évidemment complexe et coûteuse à mettre en oeuvre pour les autorités publiques, qu'elles soient locales ou nationale. La continuité territoriale, les systèmes de péréquation, les aides sectorielles ou géographiques sont autant de dispositifs publics imaginés ici ou là dont les coûts et les résultats sont constamment rappelés par les chambres de contrôle des comptes publics.

Dans ce contexte particulier, la question qui se pose de manière récurrente aux décideurs locaux ou nationaux, aux chefs d'entreprises, aux économistes, aux experts, aux organisations syndicales est finalement la suivante : comment faciliter, soutenir, stimuler l'activité de nos entreprises, dans le contexte de difficultés que nous venons de rappeler ?

Chaque collectivité possède ses propres moteurs économiques, que cela soit le secteur minier pour la Nouvelle-Calédonie, le secteur touristique ou le développement aquacole en Polynésie ou à Wallis-et-Futuna. Chaque secteur économique possède aussi ses propres dynamiques de développement, nécessitant des réponses spécifiques et inévitablement une forte implication de la puissance publique.

Chaque collectivité a imaginé et mis en place sa propre réponse à la question centrale de la cherté de la vie outremer.

C'est aussi une spécificité de nos territoires insulaires, que de devoir gérer le paradoxe d'un tissu économique qui sollicite fort légitimement un renforcement de l'initiative privée, une plus grande place au secteur privé, dans un contexte où heureusement ou malheureusement l'intervention publique demeure encore un facteur central du développement économique.

Dans ce contexte, plusieurs leviers de facilitation ou de stimulation doivent être encore mobilisés :

1. La simplification du formalisme administratif qui est encore bien souvent trop lourd et trop fastidieux, surtout pour les petites et très petites structures privées qui constituent dans nos trois collectivités l'essentiel du tissu économique ;

2. La diminution de la pression fiscale, et de ce point de vue toutes les comparaisons continuent à être faites entre les différents systèmes fiscaux de nos collectivités. La Calédonie se pose la question de la réforme de sa taxe sur la consommation et ne semble pas souhaiter s'orienter vers une TVA mise en place en Polynésie française en 1995. La fiscalité préférentielle appliquée aux TPE en Polynésie française depuis juillet 2013 conduit aujourd'hui près des deux tiers des petites entreprises individuelles à payer un impôt forfaitaire réduit ;

3. Les charges sociales, le coût du travail au sens le plus large constitue aussi un vrai sujet de fond, dans des collectivités où le taux de chômage est structurellement plus élevé que celui de la métropole et où les dispositifs d'emplois aidés tendent aujourd'hui à constituer la norme. Des dispositifs comme le Service Militaire Adapté (SMA) qui sera évoqué dans les présentations qui suivent permettent d'insérer des publics en difficulté en leur assurant une formation professionnelle constituent aujourd'hui des outils efficaces ;

4. Le soutien de l'État aux investissements privés, le dispositif le plus commenté restant la défiscalisation instaurée en 1986 (Loi PONS) pour laquelle les milieux économiques sollicitent avec constance, avec persévérance sa prorogation au-delà du 31 décembre 2017, date prévue de l'arrêt de ce dispositif de soutien à l'investissement outre-mer.

5. Le regroupement d'entreprises, pépinières d'entreprises, pôles de développement, clusters aujourd'hui, destinés à concentrer l'activité économique sectorielle et faciliter la transversalité dans la gestion de projets de développement, je pense notamment au cluster maritime qui tente d'essaimer dans nos collectivités ce modèle de partenariat ;

6. L'innovation enfin, qui doit être soutenue par les pouvoirs publics pour distinguer nos entreprises dans la compétition internationale à laquelle elles sont confrontées, qu'elles le veuillent ou non. Le SWAC ( Sea Water Air Conditioning) , cette climatisation utilisant le pompage de l'eau froide des profondeurs en place dans deux hôtels haut de gamme en Polynésie française et permettant une économie de consommation électrique de l'ordre de 80 % constitue un exemple d'innovation.

Au-delà de ces pistes qu'il nous faut sans cesse creuser, améliorer, quelques sujets de fond dominent aujourd'hui le calendrier politique.

La pérennisation de la défiscalisation constitue aujourd'hui plus que jamais une véritable inquiétude pour les acteurs économiques de nos collectivités. L'interruption prévue de ce dispositif le 31 décembre 2017 constituerait, beaucoup l'ont déjà exprimé à maintes reprises, une catastrophe économique tant ce dispositif permet de répondre au handicap du coût élevé des investissements en outre-mer dans les secteurs prioritaires de développement.

Quelles perspectives ? Poursuite du dispositif, dont on sent la volonté des autorités budgétaires de mettre fin à ce mode de soutien à l'outremer. Transformation dans un autre dispositif ? Lequel ? Comment ?

Un autre sujet, celui de la cherté de la vie a conduit la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française à adopter des textes mettant en place un droit de la concurrence avancé, des règles de transparence des relations commerciales et sont en passe de mettre en place chacune une autorité administrative indépendante chargée de faire appliquer ces nouvelles dispositions réglementaires.

C'était une nécessité et la quasi-totalité des acteurs économiques en conviennent. Pour autant, l'enfer se trouvant dans les détails, beaucoup expriment çà et là leurs inquiétudes sur certains points de ces lois sur la concurrence, notamment sur les injonctions structurelles ou la détermination des seuils, ou sur la notion de domination économique distincte de celle de l'abus de position dominante.

La mise en place prochaine des autorités administratives indépendantes permettra de vérifier « de visu » si de réelles avancées se feront jour en matière de concurrence, notamment sur des secteurs à forte intensité en capital pour lesquels concurrence risque de ne pas rimer forcément avec baisse des prix.

Voilà rapidement mises en évidence quelques pistes, quelques leviers et surtout de véritables défis à relever ensemble pour réussir le développement économique de nos collectivités françaises du Pacifique.

Merci pour votre attention et place maintenant aux différentes interventions.

Gonzague de La Bourdonnaye, Président de l'Association régionale de l'Institut des Hautes études de Défense nationale de Nouvelle-Calédonie (AR IHEDN - NC)

Je vous remercie tout d'abord d'avoir bien voulu me permettre d'intervenir aujourd'hui au nom de l'Association régionale IHEDN de Nouvelle-Calédonie. Si je suis là ès qualité, c'est bien parce que les questions de défense ne sont pas uniquement d'ordre militaire et concernent évidemment l'économie et la plus que jamais nécessaire intelligence économique. Protéger les territoires, c'est aussi protéger les économies, notamment des convoitises, en les confortant.

Au sein de notre association régionale IHEDN, nous croyons que la France et l'Europe ont tout à fait intérêt à s'appuyer sur ces trois collectivités prometteuses du Pacifique, quelle que soit la nature des liens futurs qui les uniront à l'hexagone. Des collectivités prometteuses car fortes de leurs richesses humaines, terrestres et sous-marines. Mais aussi convoitées pour leurs positions maritimes et la zone économique exclusive (ZEE) qui les entoure.

Il ne faudrait pas oublier non plus que nos trois collectivités du Pacifique, dont la présence militaire et politique est désormais souhaitée par les grands voisins, notamment australien et américain, (accords FRANZ 6 ( * ) ou dans le cadre du QUAD 7 ( * ) avec les États-Unis) sont aussi une porte d'entrée pour la France et l'Europe dans cette région Asie-Pacifique pleine de promesses, source de croissance et de prospérité. À titre d'exemple, la France est, à travers ses trois collectivités, membre associée du Pacific Economic Cooperation Council (PECC ), contribuant ainsi aux travaux du principal forum économique de l'Asie-Pacifique. Cette intégration régionale diplomatique et économique, via nos collectivités du Pacifique, est indispensable pour notre pays car sa prospérité est désormais inséparable de cette grande région qu'est l'Asie-Pacifique.

Mais, comme nous l'avons souligné lors d'une contribution nationale récente, il demeure une condition pour que cela perdure : que la France (et par conséquent l'Europe) montre un regain d'intérêt pour les trois collectivités du Pacifique, notamment en soutenant plus fortement là-bas les investissements et, d'une manière plus générale, leurs économies qui, de par leur situation géographique éloignée, subissent - on l'a vu et nous le verrons encore au cours de cette conférence économique - de fortes contraintes structurelles. Ces collectivités recèlent également de très fortes potentialités, notamment dans ce que l'on appelle l'économie verte et bleue.

S'il faut imaginer dès à présent, un futur partagé gagnant-gagnant avec nos trois collectivités du Pacifique, notre association régionale IHEDN de Nouvelle-Calédonie s'emploie à contribuer à la réflexion et à sensibiliser citoyens et responsables politiques et économiques à ces enjeux stratégiques, afin que désormais, nous parions sans arrière-pensées - souvent purement conjoncturelles - sur ces économies en devenir.

Première séquence - Une démographie entrepreneuriale contrastée

Nicolas de Sèze, Directeur général de l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM)

Je suis très honoré d'avoir été invité à intervenir dans cette conférence. Dans la première séquence de cette table ronde, je m'attacherai à « planter le décor » de la démographie entrepreneuriale des collectivités du Pacifique.

L'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM), banque centrale des collectivités d'outre-mer dont la monnaie est le franc Pacifique (CFP), suit les entreprises sous trois angles :

• un observatoire économique et financier : l'IEOM réalise des enquêtes de conjoncture qui le conduisent chaque trimestre à recueillir le sentiment des chefs d'entreprise sur le climat des affaires et à suivre les conditions de financement des entreprises. Dans le cadre de cette mission d'observation, outre les données qu'il produit, l'IEOM utilise des données externes, dont celles des instituts ou services statistiques locaux ;

• une analyse financière : pour les besoins de la conduite de la politique monétaire, l'IEOM cote les entreprises afin notamment de déterminer leur éligibilité au réescompte ;

• un suivi des échanges extérieurs : l'IEOM élabore les balances des paiements de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, qui retracent entre autres les échanges extérieurs de biens et services des entreprises.

La première chose qui frappe est le contraste entre les dynamiques de croissance respectives de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Les trajectoires de PIB des deux territoires ont commencé à diverger en 2003 et à partir de 2009, la Polynésie française est entrée en récession cependant que la croissance ralentissait en Nouvelle-Calédonie.

Contraste également en matière d'investissement : la Nouvelle-Calédonie a bénéficié de la réalisation sur son territoire de plusieurs projets d'envergure, notamment les deux usines de nickel, qui se sont traduits par des taux d'investissement exceptionnels (43 % en 2008) ; en Polynésie française, l'investissement a commencé à ralentir à partir de 2003 puis le mouvement s'est amplifié.

Ce contraste se retrouve dans l'évolution des financements accordés aux entreprises . Sur la période 2004-2014, les crédits aux entreprises ont progressé globalement pour l'ensemble des collectivités du Pacifique de 6,9 % par an en moyenne, dont 10,6 % en Nouvelle-Calédonie (même si on note un ralentissement en fin de période), mais seulement 0,6 % en Polynésie française.

Pour analyser le tissu productif de ces collectivités, je m'appuierai sur les données recensées par les instituts ou services statistiques locaux (ISEE pour la Nouvelle-Calédonie, ISPF pour la Polynésie française, service territorial de la statistique pour Wallis-et-Futuna). Je résumerai cette analyse en quatre constats.

Premier constat : un tissu d'entreprises relativement dense.

Si l'on regarde l'évolution du nombre d'entreprises recensées dans l'activité marchande hors agriculture sur la période 2004-2014, on constate une augmentation en Nouvelle-Calédonie, où leur nombre passe de 30 000 à près de 50 000 entre 2004 et 2014, mais aussi dans une moindre mesure en Polynésie française, où leur nombre passe de 18 733 à 23 111. En revanche il baisse à Wallis-et-Futuna, le nombre d'entreprises revenant de 414 en 2004 à 373 en 2014, en lien avec la baisse de la population, qui est elle-même une source d'inquiétude pour les responsables du territoire.

Si l'on considère le ratio du nombre d'entreprises pour 10 000 habitants, on observe qu'il est plus élevé en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française qu'en France métropolitaine. Le chiffre de la Nouvelle-Calédonie tient sans doute au fait que le secteur du nickel génère une sous-traitance qui implique de nombreux acteurs locaux. Le faible ratio de Wallis-et-Futuna reflète la faible part de l'économie marchande et, a contrario , l'importance relative de la sphère publique.

Deuxième constat : une forte concentration dans les services

En nombre d'entreprises, la répartition par secteur d'activité est assez proche de celle qu'on observe en métropole, avec une forte prédominance du secteur des services. C'est en Nouvelle-Calédonie que la proportion d'entreprises dans les services est la plus élevée. À Wallis-et-Futuna, le secteur « industriel » a une part relativement importante : il regroupe notamment de petites activités artisanales exercées par les femmes.

La prédominance du secteur des services se confirme si l'on raisonne en nombre de salariés. On observe toutefois qu'en Nouvelle-Calédonie, l'industrie représente 21 % de l'emploi salarié privé.

Troisième constat : une forte proportion de micro-entreprises

L'examen de la répartition des entreprises par tranches d'effectifs montre que la proportion des entreprises sans salarié est sensiblement plus élevée qu'en métropole. Elle montre aussi que le nombre d'entreprises comptant plus de 200 salariés est trois fois plus élevé en Nouvelle--Calédonie qu'en Polynésie française.

Quatrième constat : les taux de création d'entreprises (défini comme le nombre d'entreprises créées, reprises ou réactivées dans l'année rapporté au nombre d'entreprises en début d'année) sont relativement encourageants, comparables à ceux de la métropole, voire supérieurs. Et l'on peut remarquer que plus des deux tiers des entreprises créées le sont dans les services.

ANNEXE

Chérifa Linossier, Présidente de la CGPME de Nouvelle-Calédonie et vice-présidente de la Représentation patronale du Pacifique Sud

La zone Pacifique est le futur levier de croissance de l'économie mondiale en raison des marges de développement existantes et des multiples richesses naturelles et humaines sous-valorisées. Dans cette région du Pacifique sud, la France a la chance unique de disposer de trois territoires, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, qui ont les moyens de devenir des moteurs de croissance économique. Or, cette zone régionale est trop souvent oubliée et sous-estimée, malgré la présence d'entreprises dynamiques et performantes.

Afin de cerner les outils à développer pour accompagner le développement de ces territoires et pour soutenir les nombreuses initiatives économiques des entreprises de la région, nous constaterons d'abord les similarités du tissu économique des territoires français du Pacifique, avant de mettre en exergue les réseaux de coopération existants entre les acteurs économiques de ces territoires et enfin de présenter les initiatives concrètes qu'ont prises ces économies pour un développement pérenne et autonome de leur région.

En raison de leur insularité et de leur éloignement géographique avec les centres principaux de croissance, les territoires français du Pacifique font face à des enjeux et problématiques économiques semblables et disposent d'économies très similaires. En effet, les économies de ces territoires se caractérisent par un tissu économique fortement constitué de TPE et de PME, par une balance commerciale déficitaire et par une faible intégration régionale.

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française présentent un tissu économique fortement constitué de TPE et de PME. Préalablement à toute présentation statistique, il est judicieux de préciser que le tissu économique de ces pays est tel, qu'en Nouvelle-Calédonie, il a fallu redéfinir les critères de définition des entreprises. Ainsi, si les TPE restent les entreprises de moins de 10 salariés, les entreprises considérées comme PME sont, en Nouvelle-Calédonie, des entreprises salariant entre 10 et 99 personnes, alors qu'en France, la définition de PME inclut des entreprises jusqu'à 250 salariés. Ainsi, on notera qu'en Nouvelle-Calédonie, sur les 56 032 entreprises existantes au 1 er janvier 2014, 54 735 sont des TPE de moins de 10 salariés dont 49 425 d'entre elles sont des entreprises individuelles. En Nouvelle-Calédonie, nous avons donc un tissu économique composé à 88 % d'entreprises individuelles et 97 % de TPE. Il en va de même pour la Polynésie-française où 97 % des entreprises sont des TPE de moins de 10 salariés. Les économies des territoires du Pacifique sont donc structurellement composées de structures avec peu de salariés, ce qui correspond aux caractéristiques du marché intérieur de ces pays.

Caractérisées par un territoire insulaire et faiblement peuplé, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent chacune d'un marché intérieur restreint qui freine le développement de leurs entreprises pourtant performantes et pousse leurs économies à une forte dépendance à l'importation. Alors que l'exportation pourrait compenser la faiblesse de leur marché intérieur, offrant un levier de croissance des entreprises performantes et de développement de nouvelles filières, celle-ci est très faible dans les trois collectivités du Pacifique, ce qui provoque un déséquilibre structurel de leur balance commerciale. En Polynésie français, le taux de couverture est ainsi de 10 %, en Nouvelle-Calédonie de 50 % (mais avec 92 % des exportations étant composées de minerai). La croissance de l'économie des territoires du Pacifique est donc ralentie par cette faiblesse de l'exportation qui pourrait pourtant compenser la taille restreinte du marché intérieur et permettre le développement des entreprises locales performantes. Or, cette faiblesse de l'exportation s'explique en partie par la faible intégration régionale des territoires français du Pacifique.

Ainsi, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna sont exclus des principaux accords économiques régionaux, comme PICTA ( Pacific Island Countries Trade Agreement ) qui regroupe la majorité des îles du Pacifique, ainsi que SPARTECA ( South Pacific Regional Trade and Economic Cooperation Agreement ) et PACER ( Pacific Agreement on Closer Economic Relations ) qui lient ces mêmes îles avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. En raison de cette faible intégration régionale la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna sont donc exclus des principaux échanges commerciaux de la région, ce qui ne favorise pas l'exportation de leur économie, freine leur développement et frustre les entrepreneurs performants.

C'est en raison de cet isolement au sein de la région Pacifique, mais également d'un isolement au sein des outre-mer français, que la CGPME de Nouvelle-Calédonie et la CGPME de Polynésie française se sont réunis au sein de la Représentation patronale du Pacifique sud (RPPS) afin d'unir leur force et tisser des relations entrepreneuriales entre les deux territoires. Les entrepreneurs de Wallis-et-Futuna seront bientôt présents au sein de cette organisation.

Créée en 2010, la RPPS a pour objectif de défendre les intérêts de ses membres, auprès du Gouvernement de la République française et des institutions européennes. Elle entend aussi promouvoir l'esprit d'entreprendre, la liberté de conception et d'innovation, au travers de l'entreprise et de ses salariés, comme un outil de développement des pays et collectivités qui la composent. Elle entend être à l'initiative de partenariats et ainsi dynamiser les échanges commerciaux, économiques et technologiques entre chacun de ses membres. Enfin, la RPPS assure la promotion de ses actions, par l'organisation d'évènements et d'actions dans le monde.

Depuis sa création, la RPPS connaît une réussite certaine. En effet, des relations commerciales nouvelles se sont tissées entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie du fait du travail de mise en réseau des entreprises de ces deux territoires par la RPPS. De plus, la création de la RPPS a aussi permis à ses représentants de rencontrer chaque année le ministère des outre-mer lors des Rencontres économiques du Pacifique Sud, dont la quatrième édition se tiendra en décembre prochain. Lors de ces rencontres, les entrepreneurs du Pacifique sud peuvent ainsi, au plus haut niveau de l'État, faire un point sur l'économie de la zone Pacifique, les financements des entreprises du Pacifique, les échanges économiques régionaux, la promotion des entrepreneurs du Pacifique et les leviers de croissance économique dans la zone océanienne.

Dans son objectif de promotion des échanges économiques régionaux, la RPPS organisera en novembre 2016, un forum d'entreprises du Pacifique, les Pacific Business Days , qui ont vocation à servir de levier de croissance économique dans la zone océanienne. Bien que partageant la même zone géographique, beaucoup d'économies du Pacifique n'ont que très peu d'échanges commerciaux au travers desquels pourraient être mis en valeur leur production, leur savoir-faire et leur inventivité. La RPPS, représentant plus de 2 000 entreprises, estime que des pistes doivent être explorées en matière d'échanges commerciaux et de synergie économique dans la zone du Pacifique afin de développer un terrain propice à l'extension des activités des entreprises et à l'exportation de leur savoir-faire.

Cette initiative de la RPPS est l'occasion pour les pays du Pacifique de mettre en avant leurs compétences et leurs savoir-faire afin d'étendre leur perspectives économiques et de devenir ainsi des catalyseurs d'une croissance inclusive et durable dans la région. Par la création des Pacific Business Days , la RPPS souhaite organiser un événement international dont les objectifs seront de :

- développer les échanges économiques dans la zone Pacifique Sud en créant une zone océanienne d'échanges ;

- mettre en relation entrepreneurs et investisseurs du Pacifique pour créer une synergie économique régionale ;

- promouvoir les savoir-faire, les compétences et l'inventivité des entrepreneurs de la zone Pacifique Sud ;

- lever les freins au développement économique entre ces différents pays en invitant les institutions ;

- sensibiliser les politiques du Pacifique sur la nécessité de créer une zone économique du Pacifique au bénéfice des populations du Pacifique.

Par le biais des Pacific Business Days , la Représentation patronale du Pacifique sud souhaite ainsi encourager une dynamisation des échanges entre les petites économies insulaires du Pacifique, une mise en avant des multiples opportunités de coopération économique entre elles et avec leurs voisins de la zone pour une croissance soutenue et pérenne des pays océaniens.

Philippe Mouchard, Délégué général de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM)

Panorama du monde de l'entreprise vu du terrain

1. Rappels statistiques : contrastes et paradoxes

Les trois collectivités du Pacifique connaissent un dynamisme entrepreneurial certain : on y comptait 69 075 entreprises en 2013, soit 1,8 % du total des entreprises françaises pour 0,8 % de la population nationale. En 2014, on y a recensé près de 8 300 créations. Rapporté au nombre d'habitants, le nombre d'entreprises est globalement plus élevé dans le Pacifique qu'en moyenne dans l'Hexagone (5,7 entreprises pour 100 habitants). En Nouvelle-Calédonie, le ratio y est même trois fois plus élevé. À Wallis-et-Futuna, à l'inverse, le ratio est plus bas (3,6 entreprises pour 100 habitants) mais il demeure équivalent à celui de Mayotte et comparable à celui de la Guyane.

On notera par ailleurs l'importance des entreprises publiques locales (EPL) : on en compte aujourd'hui 38, toutes des sociétés d'économie mixte (SEM), soit 3,1 % du total des EPL de France. Cette importance de l'économie mixte constitue une caractéristique emblématique des départements et collectivités d'outre-mer en général et des collectivités du Pacifique en particulier.

En outre, le dynamisme de ce tissu entrepreneurial a été diversement affecté par les effets de la crise économique, la Polynésie française étant à ce jour le territoire le plus impacté. En effet, dans les trois collectivités, si les crédits d'investissement aux entreprises ont augmenté de 47,9 % entre décembre 2007 et décembre 2014 passant de 1 796 millions à 2 642,9 millions d'euros, les crédits de trésorerie, sur la même période, ont diminué de 4,9 % de 657,4 millions à 625,2 millions d'euros, la baisse s'établissant à 17,2 % en Polynésie (Nouvelle-Calédonie : + 6,1 %). Parallèlement, les créances douteuses nettes aux entreprises ont substantiellement augmenté depuis 2007, passant de 67,8 millions à 235,2 millions d'euros dans les trois collectivités.

2. Au quotidien, les entreprises du Pacifique sont affectées par l'éloignement

On peut à cet égard citer deux exemples.

Le prix de l'électricité , tout d'abord. On rappellera en effet qu'en matière de tarifs électriques, la péréquation, mise en place dans les DOM en 1975 et à Mayotte en 2007, ne s'applique pas à l'ensemble du territoire national, puisque les collectivités françaises du Pacifique, où EDF n'est pas présente (sauf de façon minoritaire dans le capital d'ENERCAL à hauteur de 16 %), n'en bénéficient pas : 555 000 de nos concitoyens payent donc l'électricité à un prix plus cher (2,5 fois en moyenne) que dans l'Hexagone. L'argument statutaire - les collectivités d'outre-mer étant régies par le principe de spécialité législative en vertu de l'article 74 de la Constitution - est inopérant, puisque les trois collectivités de l'Atlantique (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) bénéficient pour leur part de la péréquation tarifaire.

À l'initiative du Gouvernement, lors du débat parlementaire sur le projet de loi de transition énergétique, la péréquation tarifaire devrait toutefois s'appliquer à Wallis-et-Futuna d'ici à 2020 en vertu d'une disposition de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 8 ( * ) : on ne peut que s'en féliciter.

Il conviendra donc d'engager une réflexion pour permettre de faire bénéficier la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

S'agissant des tarifs de La Poste (entreprise publique), une véritable péréquation tarifaire devrait être mise en oeuvre entre la métropole et les départements et collectivités d'outre-mer :

- pour les lettres : actuellement, les tarifs sont identiques jusqu'à un poids de 20 g, mais ils sont divergents au-delà : + 0,05 € par tranche de 10 g dans les DOM et dans les collectivités d'outre-mer de l'Atlantique ; mais + 0,11 € (deux fois plus !) vers les collectivités du Pacifique ;

- et surtout pour les colis : ainsi, actuellement, un Colissimo de 10 kg coûtera 18,05 € lorsqu'il est envoyé en France métropolitaine, 58,10 € lorsqu'il est envoyé dans les DOM et dans les collectivités de l'Atlantique (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy mais 127,35 € (sept fois plus !) lorsqu'il est envoyé dans les collectivités du Pacifique.

3. Les entreprises du Pacifique disposent d'indéniables atouts à développer, notamment les promesses de l'économie maritime.

La France, grâce à ses douze départements et collectivités d'outre-mer, possède la deuxième plus grande ZEE du monde 9 ( * ) , derrière celle des États-Unis mais devant celle de l'Australie. Ses quelque 11 millions de km² sont destinés à être encore accrus (projet EXTRAPLAC 10 ( * ) : près d'un million de km² supplémentaires sont d'ores et déjà acquis 11 ( * ) ), portant la ZEE française à plus de 12,6 millions de km². S'agissant des trois collectivités du Pacifique, la valeur ajoutée en matière maritime est indéniable : 62,5 % de la ZEE nationale 12 ( * ) pour 2,1 % de la superficie terrestre française.

Aujourd'hui, 90 % des marchandises transitent par la mer. Nos territoires pourraient donc être dotés d'infrastructures logistiques de référence dans le commerce maritime. Désormais, l'outre-mer représente 6 % du trafic portuaire français alors que les départements et collectivités d'outre-mer représentent 4,1 % de la population de notre pays. Pour les collectivités du Pacifique, cette proportion est de 2,5 % (pour 0,8 % de la population nationale). Cependant, les effets de la crise économique tendent à obérer le développement des ports ultramarins dans un contexte concurrentiel tendu : ainsi, en Polynésie française, le trafic constaté en 2014, en dépit d'une embellie l'an dernier, demeure inférieur de 11,7 % à celui de 2007.

Enfin, face à ces enjeux, les moyens militaires maritimes français dans les DCOM, faute de volonté politique, demeurent insuffisants. Le Livre blanc de 2008 avait délibérément « sacrifié » l'outre-mer, les effectifs militaires outre-mer étant censés diminuer de 23 % entre 2009 et 2020. Celui de 2013, à l'inverse, a rappelé son importance stratégique, mais, toujours au nom de la réduction des dépenses publiques, n'a guère apporté les inflexions opérationnelles qu'impose une surveillance optimale de notre ZEE 13 ( * ) .

Un effort public en recherche et développement permettrait enfin de développer l'excellence locale et serait de nature à promouvoir, au niveau régional, l'exportation de concepts et de produits ultramarins dans le domaine des énergies renouvelables, des biotechnologies, de l'aquaculture... Les outre-mer ont ainsi vocation à devenir les territoires d'adaptation de l'innovation française au milieu tropical. À court et moyen terme, il conviendrait de mieux mobiliser les crédits publics comme le « Grand Emprunt », hélas dédaigné par le ministère de l'Outre-mer en 2010, et le « Plan Juncker », extensible aux pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dont font partie les collectivités du Pacifique. Il conviendrait également d'utiliser de façon optimale la gamme des produits de la Banque publique d'investissement (BPI) toujours pas totalement opérationnelle dans le Pacifique.

Dans une logique de valorisation des atouts locaux, un effort public accru en recherche et développement (R&D) via des établissements publics de haut niveau (Cirad, Ifremer, IRD, Inra, BRGM) 14 ( * ) permettrait aussi de développer l'excellence des outre-mer. Les dépenses qui y sont affectées représentent, outre-mer, 0,65 % du PIB 15 ( * ) en 2010 (2,24 % en moyenne nationale) : elles doivent donc être augmentées. Cet effort pourrait s'inscrire dans le cadre des objectifs fixés par la loi « Grenelle I » du 3 août 2009 (art. 56) et, désormais, par la loi « Transition énergétique » du 17 août 2015 susmentionnée (art. 183).

Dans cette perspective, le Livre bleu des engagements du Grenelle de la Mer 16 ( * ) (2009) insistait par exemple sur la nécessité d'étudier la faisabilité de la mise en place d'un démonstrateur d'énergie thermique des mers (ETM) dans chaque département et collectivité d'outre-mer.

L'ETM utilise la différence de température entre la surface des océans et les eaux profondes froides et présente donc un fort potentiel outre-mer, les mers et les océans étant à la fois un capteur et un réservoir d'énergie solaire 17 ( * ) . L'exploitation de cette énergie est associée à des « sous-produits » intéressants : eau douce, eau froide pour la climatisation 18 ( * ) , sels nutritifs piégés dans les eaux profondes. Tahiti est le lieu idéal pour fabriquer de l'énergie grâce à la différence de température entre l'eau à 4° C puisée à 1 000 mètres de fond, et celle à 26° C pompée en surface ; un contraste thermique important et constant en Polynésie qui attire DCNS, groupe français public spécialisé dans ce secteur de pointe. Et l'archipel bénéficie d'une situation exceptionnelle pour exploiter l'ETM, d'autant plus que le pays compte 99 % d'espace maritime contre 1 % d'espace terrestre. En 2010, DCNS avait déjà signé un accord avec Pacific Otec, du groupe Pacific Petroleum, pour lancer l'étude de faisabilité d'une unité de faible mesure. Cette étude avait fait l'objet d'une aide financière du Pays pour un projet qui ne s'était pas concrétisé. Mais en cinq ans, les progrès dans le domaine ont été très rapides : DCNS projette ainsi de construire, d'ici fin 2018-2019, une première unité en Martinique capable de produire 10 mégawatts (près de 300 millions d'euros), preuve que l'ETM est un nouveau secteur industriel qui se concrétise. DCNS voudrait donc faire du Fenua le bastion de l'ETM dans la région. Le gouvernement local, les investisseurs et DCNS doivent se revoir avant la fin de l'année pour éventuellement signer un accord qui lancerait l'étude de faisabilité.

Les entreprises des collectivités du Pacifique bénéficient donc d'un environnement porteur et d'atouts leur permettant d'investir dans l'innovation. Elles peuvent, dans cette optique, compter sur la solidarité nationale, via l'aide fiscale à l'investissement, qui a vocation à être pérennisée après 2017, et le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), et dans une moindre mesure, sur le soutien de l'Union européenne. Ainsi, les 16 et 17 juin derniers, s'est tenu le premier sommet des ministres de l'Énergie des PTOM : il s'est conclu par la signature d'une feuille de route sur l'énergie dont l'objectif est de « promouvoir et soutenir une stratégie de réduction de la dépendance envers les combustibles fossiles, d'améliorer l'efficacité énergétique des PTOM et de faciliter leur transition vers une utilisation plus durable des énergies ».

ANNEXES STATISTIQUES

1- Nombre d'entreprises* dans les départements et collectivités d'outre-mer (DCOM)

Au 1 er janvier,

2010-2013

Nombre d'entreprises, 2010

Nombre d'entreprises, 2013

Évolution, 2010-2013,
en %

Nombre d'entreprises pour 100 hab, 2013

Guadeloupe

38 007

41 271

+ 8,6

10,2

Saint-Martin (1)

6 561

7 067

+ 7,7

18

St-Barthélemy (2)

4 539

5 054

+ 11,3

53,8

Guyane

9 878

12 049

+ 22

4,8

Martinique

33 466

33 777

+ 0,9

8,7

La Réunion

41 284

46 043

+ 11,5

5,5

Mayotte

5 157

7 907

+ 53,3

3,7

5 DOM

127 792

141 047

+ 10,4

6,7

Métropole

3 305 335

3 643 336

+ 10,2

5,7

France, périmètre INSEE

3 433 127

3 784 383

+ 10,2

5,8

Polynésie française

20 767

23 111

+ 11,3

8,6

N-Calédonie

35 021

45 520

+ 30

17,2

W. et Futuna (2)

476

444

-6,7

3,6

St-P. et Miquelon

545

537

-1,5

8,8

6 COM

67 909

81 733

+ 20,4

13,7

11 DCOM

195 701

222 780

+ 13,8

8,3

France entière

3 501 036

3 866 116

+ 10,4

5,8

Ratio DOM / France périmètre INSEE

3,7 %

3,7 %

0

-

Ratio DCOM / France entière

5,6 %

5,8 %

+ 0,2 pt

-

Sources : INSEE pour la métropole et les DOM (sauf Mayotte en 2010 : IEDOM), calculs établis à partir du nombre de créations d'entreprises et des taux annuels de création. IEDOM pour les COM de l'Atlantique, IEOM pour la Polynésie et Wallis-et-Futuna, ISEE pour la Nouvelle-Calédonie .

* Champ (INSEE) : Entreprises de l'ensemble des activités marchandes non agricoles (ou champ de l'industrie, du commerce et de l'ensemble des services : champ ICS). Ce champ inclut à partir du 1 er janvier 2009 les sociétés civiles et les activités financières, les activités de location de biens immobiliers et des catégories juridiques marginales dont certains établissements publics administratifs (par exemple : les établissements pour personnes âgées ou services d'aide à la personne qui dépendent de la commune). Cela ne correspond pas au concept d'entreprise, acteur économique introduit par la loi de modernisation de l'économie (loi n°2008-776 du 4 août 2008) et précisé par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 lorsque l'unité créée est une filiale d'un groupe.

(1) Hors sociétés civiles immobilières (SCI) et autoentrepreneurs.

(2) Nombre de patentés inscrits aux Chambres interprofessionnelles (incluant les entreprises agricoles, ce qui surestime légèrement le nombre d'entreprises).

2- Créations* d'entreprises** dans les DCOM

2010-2013

2010
nombre d'entre-prises créées

Part du total FR (%)

2011
nombre d'entre-prises créés

Part du total FR

(%)

2012
nombre d'entre-prises créées

Part du total FR

(%)

2013
nombre d'entre-prises créées

Part du total FR
(%)

2014
nombre d'entre-prises créées

Guadeloupe

5 511

0,9

5 619

1

5 004

0,9

4 416

0,82

4 150

Guyane

1 936

0,3

1 997

0,4

2 260

0,4

1 952

0,36

1 815

Martinique

4 886

0,8

3 910

0,7

3 854

0,7

3 479

0,65

3 091

La Réunion

8 133

1,3

7 637

1,4

6 806

1,2

6 492

1,21

6 372

Mayotte

ND

ND

ND

ND

889

0,2

846

0,16

851

DOM

20 466

3,3

19 163

3,5

18 813

3,4

17 185

3,19

16 279

Métropole

601 571

96,7

529 975

96,5

531 154

96,6

520 997

96,8

534 454

France,

périmètre INSEE

622 037

100

549 138

100

549 967

100

538 182

100

550 733

N-Calédonie

(1)

5 171

0,8

5 213

0,9

5 199

0,9

4 833

0,88

5 038

Polynésie Fr.

(1)

2 982

0,5

2 999

0,5

3 198

0,6

3 198

0,58

3 317

St-Martin (2)

339

0,05

452

0,1

511

0,1

495

0,09

467

St-Barth (2)

293

0,05

316

0,05

321

0,05

ND

e : 0,06

ND

DCOM (3)

29 251

4,6

28 143

5

28 042

5

25 711 (4)

e : 26 000

4,70 (4)

e : 4,75

ND

France entière

630 822 (3)

e : 631 000

100

558 118 (3)

e : 558 300

100

559 196 (3)

e : 559 500

100

546 708 (4)

e : 547 000

100

ND

Sources : INSEE (mai 2011-mars 2014-Février 2015), ISPF (sept. 2014 et Mars 2015), ISEE (TEC 2013, mars 2014 et site ISEE pour les premières données relatives à 2014), IEDOM (Rapports annuels, 2012, 2013 et 2014 : Septembre 2015) pour les données relatives à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. ND : données non disponibles

* La statistique mensuelle des créations d'entreprises est constituée à partir des informations du Répertoire national des entreprises et des établissements (Sirene). Depuis le 1 er janvier 2007, la notion de création d'entreprise s'appuie sur un concept harmonisé au niveau européen pour faciliter les comparaisons : une création d'entreprise correspond à la mise en oeuvre de nouveaux moyens de production. Par rapport aux immatriculations dans Sirene, on retient comme création pour satisfaire au concept harmonisé : (i) les créations brutes , créations d'entreprise correspondant à la création de nouveaux moyens de production (il y a nouvelle immatriculation dans Sirene) ; (ii) les réactivations , cas où l'entrepreneur (il s'agit en général d'un entrepreneur individuel) reprend une activité après une interruption de plus d'un an (il n'y a pas de nouvelle immatriculation dans Sirene mais reprise de l'ancien numéro Siren) ; (iii) les reprises par une entreprise nouvelle de tout ou partie des activités et moyens de production d'une autre entreprise (il y a nouvelle immatriculation dans Sirene) lorsqu'il n'y a pas continuité de l'entreprise reprise . On considère qu'il n'y a pas continuité de l'entreprise si parmi les trois éléments suivants concernant le siège de l'entreprise, au moins deux sont modifiés lors de la reprise : (a) l'unité légale contrôlant l'entreprise, (b) l'activité économique et (c) la localisation. Depuis les données relatives à janvier 2009, les statistiques de créations d'entreprises incluent les demandes d'immatriculation avec le statut d'autoentrepreneur enregistrées dans Sirene. Ce dénombrement n'inclut pas les entrepreneurs déjà en activité avant le 1 er janvier 2009 qui demandent, à titre dérogatoire au plus tard le 31 mars 2009, à bénéficier du régime microsocial et du versement fiscal libératoire en 2009.

** Champ (INSEE) : créations d'entreprises de l'ensemble des activités marchandes non agricoles (champ ICS). Ce champ inclut à partir du 1 er janvier 2009 les sociétés civiles et les activités financières, les activités de location de biens immobiliers et des catégories juridiques marginales dont certains établissements publics administratifs.

(1) Ensemble des réactivations et des reprises, ce qui tend à légèrement majorer les données par rapport au périmètre INSEE mentionné supra .

(2) Immatriculations de sociétés seulement.

(3) Hors données relatives à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

(4) Hors données relatives à Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

3- Les entreprises publiques locales (EPL) dans les DCOM

Au 1 er Juin,

2013-2014

Nombre d'EPL
(dont SEM),

Juin 2014

Évolution 2013-2014

Effectifs

juin 2014

Effectifs pour 1000 hab*,

2014

Chiffre d'affaires, en M €, Juin 2014

CA / EPL (moyenne) M. €,

2014

Logements gérés

juin 2014

En %
total Logements**

Guadeloupe

5 (4)

0

353

0,9

155,1

31

19 073

9 %

Guyane

6 (5)

+ 1

397

1,6

128,6

21,4

12 417

16,3 %

Martinique

11 (10)

+ 1

646

1,7

99,7

9,1

10 118

5 %

La Réunion

30 (21)

+ 3

2 696

3,2

426,8

14,2

39 487

12 %

Mayotte

2 (2)

0

310

1,4

124,5

62,3

1 514

2,5 %

5 DOM

54 (42)

+ 5

4 402

2,1

934,7

17,3

82 609

9,5 %

Métropole

1 117 (912)

+ 61

52 274

0,8

10 618,9

9,5

432 923

1,3 %

France, périmètre INSEE

1 171 (954)

+ 66

56 676

0,9

11 553,6

9,9

515 532

1,5 %

Saint-Martin

1 (1)

0

15

0,4

101,8

101,8

10 467

61,8 %

St-Barthélemy

0 (0)

0

0

0

0

0

0

0

St-P.-et-Miquelon

4 (4)

0

228

37,4

4

1

0

0

Polynésie française

14 (14)

0

1 839

6,8

440,4

31,5

1 033

1,2 %

N-Calédonie

23 (23)

+ 1

1 596

6

224,2

9,7

10 968

13,4 %

W.-et-Futuna

1 (1)

0

200

16,5

10,6

10,6

0

0

6 COM

43 (43)

+ 1

3 878

6,5

781

18,2

22 468

11,3 %

11 DCOM

97 (85)***

+ 6

8 280

3,1

1 715,7

17,7

105 077

9,8 %

France entière

1 214 (997)

+ 67

60 554

0,9

12 334,6

10,2

e :

538 000

*****

1,6 %

Ratio DCOM / France entière****

8 %
(8,5 %)

9 %

13,7 %

3,4#

13,9 %

1,7#

19,5 %

6,1#

Sources : Fédération des EPL, octobre 2014 et avril 2015 : estimations .

# Lecture : les effectifs des EPL sont, Outre-mer, 3.4 fois plus nombreux qu'en métropole par rapport à la population. Le CA, en moyenne, de chaque EPL est 1,7 fois plus important que la moyenne métropolitaine. Les EPL des DCOM gèrent proportionnellement 6,1 fois plus de logements que les EPL de l'Hexagone.

* Estimations de la population au 1 er janvier 2014.

** Nombre de logements : estimations en 2012. Ces estimations de proportions sont donc légèrement surestimées.

*** 99 EPL au 1 er Mars 2015 sur un total national de 1 220 (soit 8,1 %) ; projets d'EPL : 23 (12 dans l'Océan Atlantique ; 9 dans l'Océan Indien ; 2 dans l'Océan Pacifique) sur un total national de 181 (soit 12,1 %).

**** Rappel : les onze DCOM représentent 4,1 % de la population française totale en 2014.

***** Mars 2015 : 534 125 logements gérés.

Jean-Pierre Gosse, Associé de la société d'audit, d'expertise et de conseil BDO International

Les entreprises du Pacifique Français

Qu'il est loin le temps du mythe du bon sauvage et pourtant qu'il demeure en bien des aspects présent dans les esprits. Le Pacifique demeure, dans l'imaginaire, l'endroit du bon vivre, de la nonchalance et de la facilité. Si Polynésie française et Nouvelle-Calédonie continuent de véhiculer ce parfum d'Éden, il apparait nettement que ces territoires forts d'un art de vivre auquel ils sont attachés et dont ils sont jaloux, ne sont pas, naturellement, des paradis pour entrepreneurs.

On fait souvent référence aux spécificités des communautés d'outre-mer du Pacifique. C'est un fait indiscutable : ces territoires de la République française doivent être appréciés et compris à l'aune des particularités qui les façonnent.

Les entreprises du Pacifique se distinguent sous de nombreux aspects de leurs consoeurs métropolitaines et sans doute n'est-il pas inutile de donner un éclairage sur ces particularités et sur les difficultés qu'elles engendrent.

Cette différentiation trouve d'abord sa source dans l'environnement dans lequel se développent ces entreprises. On ne peut utilement parler des territoires du Pacifique sans intégrer au préalable leurs réalités géographiques : l'éloignement de la métropole tout d'abord. C'est un lieu commun, mais il faut bien comprendre que cet éloignement est une contrainte qui va peser sur les entreprises, leur organisation et leur fonctionnement.

Ce sont en outre des territoires insulaires. Les distances les séparant des continents porteurs de marchés ou sources d'approvisionnement vont bien évidemment peser sur les structures des comptes d'exploitation comme des équilibres bilanciels.

Enfin, et ceci plus spécifiquement pour la Polynésie, il faut prendre en compte l'éparpillement du marché intérieur. La Polynésie est pour nos entreprises un marché d'une étendue proche de celle de l'Europe, mais avec des discontinuités territoriales très importantes. Même si la distance est la même, la problématique d'une livraison de Papeete à Bora Bora n'est pas la même que celle d'une livraison de Paris à Tours. Pour finir, bien qu'il soit usuellement fait référence aux territoires français du Pacifique, sans doute n'est-il pas inutile de rappeler que 4 600 kilomètres d'océan les séparent.

L'environnement administratif et réglementaire constitue une deuxième particularité. Les territoires du Pacifique bénéficient d'une large autonomie de gestion. De ce fait en de très nombreux domaines, pour ne pas dire quasiment tous, les entreprises du Pacifique se développent dans des réglementations fiscales, sociales et économiques qui sont propres à ces territoires. En particulier, sur le plan fiscal, il est temps de tordre le cou à la croyance d'une Polynésie paradis fiscal... le taux marginal de l'impôt sur les sociétés peut actuellement atteindre 57 %, même s'il sera normalement ramené à 50 % à compter de l'an prochain. La pression fiscale directe sur les entreprises est d'autant plus forte que celles-ci, contrairement à leurs homologues métropolitaines, ne bénéficient que de peu de mesures fiscales de modération de base : pas de crédits d'impôts, CICE ou CIR, ni autres mesures dont bénéficient les entreprises métropolitaines mais qui ne trouvent pas à s'appliquer du fait de l'autonomie fiscale de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.

L'environnement monétaire et financier diffère également, avec une monnaie commune mais spécifique : le franc Pacifique (XPF ou Franc Communauté Française de Pacifique datant de 1945). Cette particularité a pour conséquence directe que les entreprises des deux territoires sont considérées comme « hors place » par les établissements bancaires métropolitains. Leur financement se fera donc pour l'essentiel auprès des établissements bancaires locaux, structures de taille réduite, soumises aux règles prudentielles de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) comme tout établissement de crédit français, ce qui bien évidemment n'est pas sans incidence sur l'offre de crédit et son coût : de 2,4 à 1,4 points de taux supplémentaires selon la nature des crédits.

Dans ce contexte particulier on peut observer de nombreux points communs au tissu entrepreneurial des territoires français du Pacifique :

- une vitalité apparente, avec de nombreuses créations mais également de très nombreuses disparitions laissant, surtout en Polynésie, un solde de croissance très faible voire quasi-nul et encore est-il vraisemblable, au vu de la très forte domination des créations sous forme d'entreprises individuelles sans création d'emploi salarié que cette pseudo vitalité ne soit qu'une des tentatives de réponses à la défaillance du marché de l'emploi ;

- une très forte domination du secteur tertiaire avec près de 70 % du stock, phénomène qui tend à s'accroître, surtout en Polynésie, le pourcentage de la Nouvelle-Calédonie étant en la matière très comparable à celui de la métropole ;

- un capitalisme essentiellement local, contrairement à une idée répandue, les entreprises y sont détenues par des investisseurs locaux et non par des groupes métropolitains. Si les grandes enseignes françaises et dans une moindre mesure internationales sont présentes c'est le plus souvent, en dehors du secteur réglementé, par le biais de franchises ou d'accords de représentation.

Corollaire de ce qui précède mais également de l'étroitesse des marchés locaux (moins de 280 000 habitants pour chaque territoire) et des marchés à l'exportation, très difficiles d'accès ne serait-ce qu'en raison des distances et des coûts, les entreprises des territoires français du Pacifique sont des PME, voire pour une grande majorité des TPE.

Marchés étroits, surfaces capitalistiques restreintes, marché du crédit limité, éloignement des marchés et des ressources extérieures, tout cela n'est pas sans effet sur les comptes d'exploitation, les équilibres financiers et finalement les possibilités de développement des entreprises.

Quel que soit le secteur d'activité, les entreprises des territoires du Pacifique présentent par rapport à leurs homologues métropolitaines des caractéristiques communes. Ce n'est pas la qualité de la gestion des entrepreneurs qui est en cause. On observe au contraire que les taux de marge et les taux de valeur ajoutée présentés par les entreprises du Pacifique sont au moins comparables, voire fréquemment plus élevés que ceux des entreprises métropolitaines.

En revanche, on observe que d'une manière très générale, le poids des stocks est plus lourd dans le Pacifique qu'en métropole, que les besoins en fond de roulement y sont très sensiblement plus élevés, mais surtout que le niveau d'endettement financier y est sans comparaison possible. Sur les deux territoires, les entreprises présentent des taux d'endettement très significativement plus élevés que ceux des entreprises métropolitaines, avec parfois des rapports de comparaison de 1 à 10 notamment au détriment des entreprises polynésiennes.

Ce dernier point, conséquence directe tout à la fois du niveau des fonds propres investis en raison de l'étroitesse du capitalisme local et de la faiblesse des résultats nets des entreprises, ne peut qu'être inquiétant pour leurs possibilités futures de développement et d'investissement en l'absence de toute mesure d'accompagnement.

Flavie Denais, Cluster Avenir Export de Nouvelle-Caldéonie

La capacité de projection à l'export des entreprises
de Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie est un territoire français d'outre-mer situé dans le Pacifique sud, soit à 1 500 km à l'est de l'Australie et à 1 700 km au nord de la Nouvelle-Zélande. Elle est constituée d'une île principale, la Grande Terre, et de plusieurs dépendances, qui représentent une surface totale de 18 585 km².

En 2014, a été recensée une population de 268 767 habitants, soit depuis 2009 un accroissement démographique de 1,8 % par an. 19 ( * )

Sa zone économique exclusive est de 1 422 543 km2, soit près de 13 % du total de la ZEE française , la deuxième plus importante pour un territoire français après celle de la Polynésie française et la neuvième d' Océanie .

Ainsi, après la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie représente la troisième île en importance du Pacifique sud. Située en outre à quelque 18 000 km de la Métropole, elle fait partie de l'un des trois territoires français du Pacifique, avec la Polynésie française et Wallis-et-Futuna.

La Nouvelle-Calédonie au coeur de sa région

1. État des lieux opérationnel de l'export en Nouvelle-Calédonie

a) La Nouvelle-Calédonie : la région la plus industrialisée de France

Estimé à 3 millions de francs CFP (25 140 €) par habitant en 2009, le PIB par habitant est très loin devant celui des autres économies insulaires du Pacifique sud et de l'outre-mer français. Le territoire se situe en richesse créée par habitant entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie et au niveau moyen observé dans les pays européens.

De nombreux indicateurs démontrent qu'a émergé, vers le milieu des années 1990, une nouvelle économie calédonienne caractérisée par un appareil productif, hors nickel, relativement intégré et diversifié, compte tenu de la taille de l'économie et des contraintes géoéconomiques, qui contribue de manière stable au PIB (7 % par an).

Le législateur calédonien s'est doté de mesures de protections réglementaires afin de sauvegarder les avantages concurrentiels de son territoire et de préserver les consommateurs.

La cartographie du tissu économique calédonien laisse apparaître des entreprises dont la structure est identique à celle de l'Europe avec 85 % de PME-TPE.

En 2010, 2 600 entreprises sont inscrites au Répertoire d'identification des entreprises et des établissements (RIDET) au titre des industries manufacturières. Initialement les petites et moyennes industries (PMI) exerçaient une activité de transformation pour la satisfaction du marché local, puis pour l'exportation.

C'est pourquoi après avoir enregistré une croissance économique soutenue en moyenne à plus de 4 % par an depuis une vingtaine d'années et après l'achèvement de la construction de deux nouvelles usines métallurgiques de traitement du nickel, les entreprises calédoniennes doivent maintenant trouver de nouveaux relais de croissance.

b) Un tissu économique mature pour l'export

La dernière étude de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, menée en 2014 auprès des industries de la Nouvelle-Calédonie, à la demande des organisations patronales du territoire 20 ( * ) , a permis de mettre en avant que 17 % des industries hors nickel ont déjà une démarche à l'export.

Pour aller plus loin dans l'analyse, ces industries représentent en moyenne 6 % des exportations de la Nouvelle-Calédonie.

Unité : million de francs CFP - Source : Direction Régionale des Douanes

S'agissant des entreprises et de leur développement économique à l'international, nous pouvons citer comme exemple concret, le cas des entreprises suivantes :

- Sun Ray qui est spécialisée dans la fabrication de chauffe-eau solaires et qui exporte 70 % de sa production annuelle.

Troisième fabricant mondial de chauffe-eau solaires en acier inoxydable qualité marine, la société dispose d'une capacité à innover et à investir depuis 35 ans dans la recherche et le développement.

Elle est représentée à travers vingt pays dans le monde par un réseau de filiales (Australie) et de distributeurs indépendants (Asie, Afrique, Pacifique, Caraïbes et Amérique du sud).

Propriétaire de son ingénierie (brevets, marques..), ses systèmes sont fabriqués en Nouvelle-Calédonie à partir d'éléments de qualité suivant les méthodes les plus rigoureuses de tests et d'études. Tous ses produits sont certifiés par des organismes Français (CSTBAT), Européens (CE), Asie Pacifique (GLOBAL MARK) et mondiaux (Norme ISO 9001-2008).

Elle est aujourd'hui l'une des seules entreprises sur le marché mondial à garantir ses produits pendant dix ans.

- Biscochoc , chocolaterie de Nouméa qui exporte vingt tonnes par an de chocolat vers le Japon.

Cette chocolaterie de 35 ans d'existence est leader sur le marché calédonien. Afin de garantir la qualité de ses produits et leur traçabilité, Biscochoc fut l'une des premières entreprises du marché local à obtenir un agrément sanitaire. Aujourd'hui, cette entreprise sait décliner l'ensemble des gammes de produit depuis la grande consommation jusqu'à la chocolaterie haut de gamme.

Elle exporte depuis plus de vingt ans, au Japon notamment, où elle a su fidéliser sa clientèle. Ses produits sont également présents à Tahiti et au Vanuatu. Elle réalise à l'heure actuelle 1 % de son chiffre à l'export et compte bien s'implanter très prochainement sur les marchés australiens et néozélandais. L'export qui ne représente que quelques containers annuels, lui permet de contrecarrer l'étroitesse du marché local et d'augmenter sa production grâce à des marchés de niche extérieurs.

Cependant, les entreprises engagées sur le marché international, en tant qu'ambassadrices du « je produis calédonien » font face à une concurrence drastique et soutenue. De plus, les entreprises qui montrent aujourd'hui un intérêt pour l'export se heurtent à des démarches qui s'avèrent lentes et complexes.

2. Frein et stratégie des entreprises à l'export

a) Acteur publics et privés sont conjointement en ordre de marche

Loin des préoccupations majeures des industriels et des institutions voilà encore quelques années, la thématique de l'export fait aujourd'hui son chemin dans les mentalités. Politiques ou économiques, les principaux acteurs du dossier travaillent désormais au rayonnement de la Nouvelle-Calédonie à l'international et tout particulièrement dans la zone Asie-Pacifique. Comme le soulignait l'ambassadeur de France à Canberra lors de son déplacement à Nouméa en mai 2015, « il y a aujourd'hui un alignement des planètes favorable à l'export des entreprises calédoniennes et à l'intégration économique régionale de ce territoire ».

Même si les entreprises de Nouvelle-Calédonie sont déjà présentes sur le marché international, l'export est un phénomène nouveau pour le territoire, qui doit maintenant construire ses outils de développement institutionnel à l'international pour faciliter les entreprises dans leur développement.

Ainsi, dans son engagement à développer et valoriser son savoir-faire à l'international, la Nouvelle-Calédonie a créé en début d'année un groupe de travail dédié notamment à l'identification et à la levée des freins à l'export. Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a rappelé dans son discours de politique générale en avril 2015. L'ouverture d'un guichet unique, visant notamment à informer les entreprises sur les dispositifs d'aides, fait partie des mesures phares proposées par le groupe de travail.

Afin d'agir en amont et d'aller encore plus loin dans la démarche d'accompagnement pour donner un réel essor à l'export calédonien, il a été annoncé aux European Cluster Days qui se sont tenus en mars dernier à la Parlement Européenne, la création du Cluster Avenir Export. Premier cluster de France dédié à l'export, Avenir Export est classé parmi les clusters de nouvelle génération. En tant que véritable outil de mise en relation, de diffusion d'informations, d'accompagnement et de conseil opérationnel, Avenir Export s'est fixé comme principaux objectifs indispensables à la réussite de la Nouvelle-Calédonie à l'export :

- de fédérer les industries et les services liés à l'export qui souhaitent développer leurs activités ;

- de mener des actions concrètes pour lever les freins existants (logistique, démarches administratives et institutionnelles, communication, formation des entrepreneurs...) ;

- de préserver l'attractivité de notre tissu économique qui permet de nous différencier afin de conserver nos avantages concurrentiels.

b) Des atouts à valoriser, au travers d'un réseau économique régional

Lors des participations aux foires et aux salons internationaux, l'engouement pour les stands calédoniens a montré que nos produits et nos services ont un véritable potentiel à l'export.

Si l'industrie calédonienne peut faire valoir un véritable savoir-faire, elle dispose aussi d'un atout géographique majeur : l'appartenance à l'ensemble mélanésien. Un avantage de poids face aux importations australiennes et chinoises omniprésentes. En effet, au-delà de l'envie de consommer démontrée par les visiteurs sur les salons et foires régionaux, les proximités culturelles et les velléités locales d'émancipation et de croissance permettent de tisser des liens.

À titre d'exemple c'est dans ce contexte que s'est déroulée, fin novembre 2014, la deuxième foire commerciale organisée par le Groupe du fer de lance mélanésien (GFLM), un événement auquel Fidji, le Vanuatu, les Iles Salomon et la Nouvelle-Calédonie ont participé.

Cette expérience récente vécue par la société calédonienne Pacome spécialisée dans la fabrication d'aérosols à Port-Moresby, la capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, a ouvert de nouvelles perspectives, témoignage d'Éric Chevrot, Gérant de la Société Pacome :

« Nous avons eu pendant deux jours un aperçu du potentiel que représente la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour les PME calédoniennes. Il existe assurément des possibilités de s'insérer dans une économie en plein boom, que ce soit en exportant vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée ou, pourquoi pas, en installant des usines de production sur place. Tout ceci est évidemment à prendre avec beaucoup de retenue et de mesure. Pour avoir des résultats, nous aurons beaucoup de travail à faire, mais il existe un réel potentiel. Et dans cette perspective, faire partie du GFLM est primordial ! L'export est une montagne qu'il nous faut gravir mais l'ascension sera facilitée par cette appartenance. [...] il est important de rappeler que l'industrie se situe dans le domaine économique et non politique. Développer l'industrie, c'est fixer les compétences et fixer la richesse dans notre pays ».

3. Perspectives de développement des entreprises à l'export

a) Un enjeu de croissance

Sans revenir sur les impacts positifs du commerce international au niveau du PIB et de l'emploi, l'export est le signe d'une économie compétitive, qui fabrique de bons produits au meilleur coût. En effet, la croissance économique par les exportations repose sur l'idée qu'un accroissement de la production dans le secteur des biens d'exportation génère, en particulier dans le secteur manufacturier, des économies d'échelle statiques et dynamiques qui abaissent les coûts de production et qui se transmettent à l'ensemble de l'économie pour donner un taux de croissance plus élevé. Ces gains de productivité peuvent se rencontrer au niveau des produits et des entreprises.

L'entreprise exportatrice va pouvoir bénéficier du développement économique et financier d'un autre pays, ce qui implique une croissance au niveau du chiffre d'affaires et une amélioration de sa rentabilité économique. De ce fait, la société sera capable de réguler ses ventes, éventuellement dans le cadre d'une activité saisonnière et gagnera en notoriété aussi bien sur le plan territorial qu'international.

Les entreprises exportatrices se caractérisent souvent par un volume de vente capable de dépasser la saturation du marché intérieur.

Pour aller plus loin, la Nouvelle-Calédonie et ses entreprises se présentent aussi comme étant une plateforme pour la France et l'Europe vers les marchés du Pacifique sud.

b) Passer en mode opérationnel

L'idée est bel et bien d'accroître le volume donc la productivité et la compétitivité des entreprises et de générer ainsi de la marge et du résultat. Un mode de fonctionnement qui permettra également d'investir et de développer un peu plus le marché calédonien créant ainsi un cercle vertueux, les deux marchés se complétant pour développer la croissance.

Citons La Française . C'est une charcuterie industrielle, créée en 1980, qui s'est développée pour être aujourd'hui l'acteur majeur de ce secteur en Nouvelle-Calédonie. Terroir et Tradition, un savoir-faire artisanal au service d'une fabrication semi-industrielle ont été la clef de cette réussite. La qualité des matières premières et les particularités des recettes, le tout dans un environnement technologique haut de gamme ont porté le succès de cette entreprise. La Française est certifiée ISO 22 000 depuis 2010, gage de la sécurité alimentaire des produits fabriqués.

La Française a atteint une maturité qui l'a faite se tourner vers l'export aujourd'hui afin de trouver un relai de croissance face à l'étroitesse du marché calédonien, notamment vers ses voisins : l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cette entreprise finalise en 2015 son projet pour exporter des pâtés et des saucissons fabriqués en Nouvelle-Calédonie. L'objectif initial à un an est d'accroître de 5 % son chiffre d'affaires. Le réseau des distributeurs australiens a déjà marqué un vif intérêt pour les produits de cette société et un rapprochement entre les sociétés a été réalisé.

Le constat est simple : le territoire exporte autre chose que du minerai et des produits issus de l'or vert. L'industrie calédonienne qui s'est construite ces 30 dernières années s'inscrit elle aussi dans le mouvement, tels que les denrées agroalimentaires, les produits du bâtiment et les services.

La présence d'une entreprise industrielle sur cinq à l'export donne un signe fort de la volonté des chefs d'entreprise de donner de l'essor à leur activité et de faire connaître la qualité de leurs produits. C'est aussi une marque évidente de leur confiance dans le savoir-faire productif de l'archipel.

L'aspect formation ne sera pas à négliger non plus. Il convient de travailler à :

- la formation des chefs d'entreprise qui ne disposent pas toujours des compétences nécessaires pour se tourner vers l'extérieur ou des services appropriés dans leurs petites entreprises ;

- la formation aussi de l'administration et des politiques pour aboutir à une dynamique commune sur le terrain, en intégrant, lors des déplacements officiels menés à l'étranger par des formations politiques ou des représentants d'institution, des chefs d'entreprise désireux de présenter leurs produits avec le soutien affiché et la confiance du territoire.

Chacun en a conscience : le plan est ambitieux. Mais l'export est désormais une nécessité pour la croissance calédonienne et un projet qui ne peut qu'apporter plus de sérénité à l'économie locale.

Nous étions trois, nous fûmes dix, nous sommes trente, nous serons cent dans l'année... !!

Général Philippe Loiacono, Commandant du Service militaire adapté (SMA)

Le SMA représente un atout incontestable pour les entreprises du Pacifique, car il codétient une richesse indispensable : la jeunesse. Il s'agit d'un dispositif militaire d'insertion professionnelle réservé aux ultramarins de 18 à 25 ans, relevant de la tutelle du ministère des outre-mer. Notre matrice est simple : faciliter l'inclusion dans la vie active de ces jeunes, en répondant à leurs aspirations, sans perdre de vue que nous devons les insérer dans les entreprises du secteur marchand. Pour cela, nous disposons du triptyque suivant :

- « militarité », qui couvre la force de l'exemple, l'affermissement des forces morales, la réappropriation de sa propre personne et surtout la capacité à retrouver la confiance ;

- globalité, car nous agissons sur l'acquisition de compétences sociales et professionnelles, en vue d'obtenir un emploi ;

- employabilité, qui découle des deux premiers principes.

Au SMA, le potentiel est avant tout humain. Nous ponctionnons 12 % d'une classe d'âge, soit environ 600 jeunes par régiment. En Nouvelle-Calédonie, 42 % d'entre eux sont des femmes, pour 26 % en Polynésie.

À l'armée, seule la compétence compte, peu importe le sexe. Tout le monde est donc logé à la même enseigne. Les jeunes femmes disposent toutefois de chambres dédiées et de barèmes différents pour les épreuves sportives. Quoi qu'il en soit, ces taux de féminisation reflètent la mixité des métiers. Ainsi, d'autres territoires présentent des taux plus faibles, car les chefs d'entreprise sont encore réticents à l'idée de travailler avec des femmes.

L'ensemble de nos jeunes sont illettrés à plus de 40 %, ce qui ne les empêche pas de réussir, grâce à vous.

Notre outil est également reconnu par les collectivités et les chefs d'entreprise, en partie grâce à nos plateaux pédagogiques astucieux.

En termes d'ingénierie de formation, nous délivrons des attestations de formation professionnelle (AFP), des certificats de qualification professionnelle (CQP), des permis ou encore des certificats d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES), en pratiquant systématiquement le sur-mesure.

Nous vous offrons ainsi des jeunes fiables, sérieux, volontaires et assidus, à qui sont rappelées en permanence les cinq règles d'or :

- être à l'heure ;

- porter sa tenue ;

- travailler en équipe ;

- respecter son chef ;

- et respecter son outil de travail.

Cela nous permet d'obtenir des résultats probants : un taux d'insertion de 77,4 %, dont 47,7 % dans l'emploi durable. Afin de garantir cette durabilité, nous avons établi un partenariat gagnant-gagnant avec les entreprises, ce qui souligne la pertinence de notre action. Ce dynamisme s'observe au travers de notre écoute, pour rester en cohérence permanente avec les métiers en tension et ainsi coller aux besoins du marché du travail.

Je souhaite simplement vous remercier. En effet, l'embauche de nos jeunes assurera la réussite future de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie. Nous disposons par ailleurs d'aides-moniteurs diplômés que vous pouvez embaucher dans vos entreprises. Ils ne vous décevront pas. Ils sont jeunes, donc susceptibles de commettre des erreurs, mais je vous renvoie à votre propre jeunesse.

Seconde séquence - Des dynamiques sectorielles qui allient tradition et innovation

Nicolas de Sèze, Directeur général de l'Institut d'émission d'Outre-Mer (IEOM)

Une brève mise en perspective macro-économique nous permet de dresser quelques grands constats.

La répartition de la valeur ajoutée par secteur illustre à nouveau le contraste entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Les « services non marchands » - c'est-à-dire l'administration - représentent 36 % de la valeur ajoutée en Polynésie française, contre 18 % en Nouvelle-Calédonie et 22 % en métropole. À l'inverse, l'industrie et la construction représentent ensemble 26 % de la valeur ajoutée en Nouvelle-Calédonie contre 13 % en Polynésie française et 20 % en métropole.

La répartition des financements bancaires accordés au secteur privé confirme l'importance relative de l'industrie et de la construction en Nouvelle-Calédonie et celle du commerce en Polynésie française et surtout, à Wallis-et-Futuna.

L'examen des balances des paiements montre qu'en Nouvelle-Calédonie , l'investissement dans le secteur du nickel a généré un déficit des échanges de services . Ce déficit s'est creusé à partir de 2004, en liaison avec les chantiers de construction de l'usine du nord et de l'usine du sud. Ceux-ci ont en effet nécessité des importations de services (transports, ingénierie...) pour des montants élevés. En Polynésie française , le tourisme assure un excédent des échanges de services .

La Nouvelle-Calédonie et le nickel

Le dynamisme économique calédonien est lié au nickel, dont la Nouvelle-Calédonie détient les deuxièmes réserves mondiales (15 %), derrière l'Australie. Une étude du partenariat CEROM (composé de l'IEOM, de l'AFD et de l'ISEE, l'Institut statistique calédonien), qui vient tout juste d'être publiée, vise à déterminer le poids global du nickel dans l'économie calédonienne sous l'angle de l'emploi salarié. Il en ressort notamment qu'entre les emplois directs, les emplois indirects et les emplois induits, le nickel représentait en 2012 un peu plus de 12 000 salariés, soit 20 % de l'emploi du secteur privé.

La Nouvelle-Calédonie compte trois usines de transformation de nickel, dont deux ont été construites au cours de la dernière décennie. Les exportations de nickel, sous la forme de minerai brut ou de nickel métal, représentent 90 % des exportations du territoire.

Le secteur du nickel est toutefois exposé à trois aléas :

- la volatilité des cours du nickel. Les cours ont été orientés à la baisse entre 2011 et 2013. Ils se sont un peu redressés en 2014 à la faveur du « ban » indonésien : l'Indonésie, principal fournisseur de la Chine, a en effet décidé de se réserver son minerai pour le transformer sur son sol. Depuis fin 2014, les cours du nickel sont de nouveau orientés à la baisse, mais l'impact de cette baisse a été atténué par la remontée du dollar par rapport à l'euro et donc au franc Pacifique ;

- l'évolution de la demande mondiale d'acier inoxydable, en particulier de la Chine qui en représente à elle seule plus de la moitié ;

- le niveau des stocks mondiaux de nickel.

La Polynésie française et le tourisme

L'industrie polynésienne du tourisme rassemble 2 740 entreprises, qui génèrent 15 % du chiffre d'affaires de la Polynésie française et emploient 16 % des effectifs salariés. La fréquentation touristique se redresse : 180 600 visiteurs ont été accueillis en 2014, chiffre supérieur de 10 % à celui de 2013 mais qui reste en-deçà du pic atteint en 2000 (233 000 visiteurs).

Le secteur primaire à Wallis-et-Futuna

Le secteur primaire à Wallis-et-Futuna, peu développé et structuré, est essentiellement de type traditionnel : l'agriculture, l'élevage, l'artisanat et la pêche sont très peu intégrés dans l'économie marchande et davantage tournés vers la satisfaction des besoins familiaux et coutumiers, l'autoconsommation étant pratiquée par 80 % des ménages et représentant 40 % de leur consommation.

Le secteur primaire pourrait constituer une priorité en termes de développement d'activités, d'autant que les actions en faveur de ce secteur ne nécessitent pas de moyens financiers très lourds. Le développement du secteur primaire permettrait probablement de ralentir l'émigration de la population vers d'autres géographies. L'Assemblée territoriale a décidé fin 2013 d'en faire une priorité politique et un plan pluriannuel de développement durable du secteur primaire est en cours d'élaboration.

En conclusion, je voudrais faire un focus sur deux séries d'indicateurs issus des « ratios sectoriels » publiés par l'IEOM :

- les indicateurs de rentabilité montrent que dans la plupart des secteurs, les entreprises des collectivités du Pacifique ont une capacité bénéficiaire équivalente à celle observée en France métropolitaine, voire supérieure ;

- les indicateurs d'endettement montrent que le taux d'endettement financier des entreprises des collectivités du Pacifique est plus élevé qu'en France métropolitaine et relativement important au regard de leur faible capitalisation.

ANNEXE

Stéphane Chin Loy, Président de la Chambre de commerce, d'industrie, des services et des métiers de Polynésie française (CCISM)

Depuis les origines du peuple polynésien, l'artisanat a toujours été au centre de la vie. C'est à la fois un facteur de cohésion sociale et un lien avec les ancêtres et la famille. L'artisanat a connu un formidable essor au cours des trente dernières années en Polynésie, il est passé du statut familial à un artisanat professionnel qui s'exporte dans certains domaines sur les marchés extérieurs. Il est multiple dans ses formes et dans ses archipels.

L'artisanat regroupe deux notions en Polynésie :

- l'artisanat général qui comprend l'alimentation, le bâtiment, le bois, la mécanique, le vêtement, l'hygiène, etc. ;

- l'artisanat traditionnel qui est profondément ancré dans la tradition même si depuis quelques années, nous assistons également à un mariage entre la tradition et la modernité. Cet artisanat comprend la bijouterie, les costumes, la couture, la gravure, la sculpture, le tapa , la vannerie...

En 2014, la CCISM a enregistré une hausse de 2,6 % du nombre d'entreprises artisanales avec un total des entreprises artisanales de 8 676 contre 8 460 en 2013.

L'ensemble des professions est en augmentation en 2014, sauf l'alimentation.

Les Îles du vent concentrent la majorité (81 %) des entreprises artisanales créées.

Un grand nombre d'artisans d'art ne sont pas répertoriés car ils travaillent au sein d'associations et ne sont par conséquent pas patentés.

Selon les chiffres du service de l'artisanat de la Polynésie française, ces associations, au nombre de 1 168, regrouperaient 5 569 artisans en 2014.

Les entreprises artisanales dans le secteur de l'alimentation, du bois et ameublement, du textile et de l'artisanat d'art présentent de réelles potentialités à l'export, mais elles accusent un retard dans la maîtrise des standards internationaux.

Pour rester compétitives sur les marchés extérieurs, ces entreprises ont besoin de moderniser leurs outils de production et d'innover constamment. Plus que jamais, la tradition doit se marier avec la modernité.

Paino Vanai, Chef de la délégation des îles Wallis et Futuna auprès du ministère des outre-mer

Après un bref état des lieux de l'artisanat à Wallis-et-Futuna, une présentation des politiques mises en oeuvre pour aider au développement de ce secteur nous permettra d'évoquer les perspectives envisagées pour le renforcer.

À Wallis-et-Futuna, l'artisanat comprend l'artisanat classique pour lequel, je vous donnerai quelques chiffres, et l'artisanat traditionnel qui comprend de nombreuses activités de production, exercées en majorité par les femmes. Je signale que les femmes artisanes de Wallis-et-Futuna se déplacent depuis deux ans pour exposer et vendre leurs productions à la foire de Paris, avec un certain succès.

Dans le domaine de l'artisanat classique, sur 74 entreprises recensées en 2014, on en comptabilise 3 dans l'alimentation, 20 dans le bâtiment, 35 dans la fabrication et 16 dans les services. Les entreprises artisanales recensées sont majoritairement de type individuel. Deux d'entre elles sont des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) et neuf sont des SARL. Quarante salariés travaillant dans le secteur artisanal sont déclarés à la caisse locale des prestations sociales.

Les pouvoirs publics ont mis en place depuis de nombreuses années des dispositifs d'aide en faveur du secteur privé, qui bénéficient également à l'artisanat. Les aides financières directes, sous forme de subventions, sont prévues dans le code territorial des investissements, dans l'opération groupée d'aménagement foncier ou dans le dispositif « tremplin jeunes ». Les artisans peuvent également bénéficier, en complément des aides financières, d'aides à l'emploi par la mise à disposition de chantiers de développement ou de volontaires du service civique.

En dehors des subventions publiques, les artisans ne peuvent faire appel qu'à l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie) qui propose des financements de micro-projets ; sur 44 micro-projets financés en 2014, neuf concernent le secteur de l'artisanat. Pour le moment, la seule banque locale est réticente à apporter des financements aux entreprises en général et artisanales en particulier, qui disposent de capacités humaines et financières limitées.

En termes de perspectives, les autorités locales envisagent d'élaborer une politique dans le secteur de l'artisanat visant à le renforcer en se concentrant sur les priorités suivantes :

- développer l'innovation et la créativité ;

- développer la formation notamment dans le domaine de la gestion et de la commercialisation des produits ;

- créer une chambre spécifique de l'artisanat pour coordonner l'organisation et le développement du secteur.

Le développement des activités artisanales qui utilisent la matière première locale non importée pourrait s'appuyer notamment, sur le développement du tourisme de croisière ou du tourisme cultuel dans les années qui viennent.

Pierre Gugliermina, Président du conseil d'administration de la Société Le Nickel (SLN)

Enjeux géostratégiques et économiques du nickel calédonien

Je voudrais remercier les organisateurs de cette conférence économique car il est rare que nous ayons l'opportunité de présenter nos activités industrielles calédoniennes aux décideurs métropolitains. Le nickel, ressource phare de notre archipel, est devenu omniprésent dans la vie quotidienne et de ce fait, tous les pays industriels se préoccupent de l'accès à cette ressource indispensable. Or, les ressources nickélifères oxydées sont concentrées dans la zone Pacifique et plus particulièrement en Indonésie et en Nouvelle-Calédonie dès lors que l'on parle de minerais « riches ». Il est donc essentiel d'avoir une vigilance forte quant à ces ressources qui attisent les convoitises.

La transformation métallurgique du minerai est la phase la plus créatrice de valeur, raison pour laquelle cette opération doit être au maximum réalisée sur place, à travers les complexes historique comme la société Le Nickel - SLN ou nouveaux comme Vale Nouvelle-Calédonie et Koniambo Nickel-KNS. Il est important pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie de veiller à améliorer la compétitivité des entreprises minières et métallurgiques locales, le maintien du dispositif métropolitain d'aide fiscale pour gommer une partie des surcoûts ultramarins étant l'un des outils y concourant. Par ailleurs, les exportations de minerai brut doivent rester modestes et ne pas contribuer à renforcer la compétitivité de concurrents low cost .

Le nickel, même s'il n'est pas visible de prime abord, est devenu indispensable à notre vie quotidienne. On le retrouve dans le monde du transport (terrestre, maritime, aérien, spatial), dans la construction, dans les biens de consommation courante comme les ordinateurs, les smartphones , les appareils photos...L'industrialisation et l'urbanisation des pays émergents, ainsi que les exigences de plus en plus accrues des sociétés développées en matière notamment d'efficacité énergétique, de sécurité alimentaire et de santé, soutiennent une très forte demande de nickel. Celle-ci a augmenté de 7 % par an au cours des sept dernières années. Cette croissance est certes soumise aux variations de croissance de la Chine, mais elle restera soutenue dans le temps vu les relais de consommation potentiels que représentent l'Inde, l'Afrique...

Le monde a besoin de nickel : l'accès à la ressource est donc stratégique pour tout pays industriel. La Chine, qui produit la moitié de l'acier inoxydable mondial, est très déficitaire en minerai de nickel. De ce fait, ce pays cherche à sécuriser ses approvisionnements à travers des contrats de long terme et des opérations de prises de participation offshore . Il en va de même pour tous les autres pays industrialisés qui ne possèdent pas la ressource minière, comme le Japon, la Corée du sud...

Le Pacifique, dans cette course à la matière première, occupe une place très attrayante puisqu'il dispose d'environ deux tiers des ressources nickélifères oxydées mondiales. Régionalement, l'Australie, l'Indonésie, les Philippines et la Nouvelle-Calédonie présentent les ressources estimées les plus importantes, 20 à 25 % pour la seule Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, l'Indonésie et la Nouvelle-Calédonie détiennent à elles deux 95 % des ressources riches. Cette cartographie de la ressource minière et l'interdiction d'exporter le minerai de nickel brut mise en oeuvre par l'Indonésie en janvier 2014 expliquent la volonté déterminée des pays industriels à rechercher des sources d'approvisionnement stables pour compenser leur déficit minier. Le sous-sol calédonien est de ce fait convoité et il convient de le gérer de façon durable et « en bon père de famille » avec une volonté de maximiser les retombées pour l'économie locale.

Sur le plan économique, il faut souligner l'importance, dans l'industrie du nickel, de l'étape de transformation métallurgique. L'activité d'extraction pour exportation de minerai brut ne génère que 15 % de retombées économiques locales, lorsque le cycle complet d'élaboration porte ce chiffre à 60 % ! Sur un chiffre d'affaires moyen de la SLN de 730 millions d'euros, plus de 400 millions contribuent directement à l'économie locale. Nous sommes le premier employeur privé avec 2 200 salariés et environ 8 000 emplois indirects et induits. Outre l'emploi local et la sous-traitance, les retombées locales se matérialisent au travers des impôts et des dividendes versés localement. Il est donc important, pour contribuer de façon optimale au développement de la Calédonie, de favoriser la transformation du minerai in situ , ce qui n'interdit pas pour autant un flux modéré et contrôlé d'exportation de minerai brut. Ces exportations doivent se focaliser sur des minerais que nous ne savons pas transformer économiquement sur place (minerais à basse teneur) et à des conditions commerciales ne favorisant pas nos concurrents. Pour mémoire, l'Indonésie a exporté 60 millions de tonnes de minerai en 2013, alors que la Nouvelle-Calédonie en exporte 4 à 5 millions par an.

Transformer localement le minerai de nickel est un enjeu stratégique pour la Calédonie. La SLN, acteur historique, le fait depuis 135 ans ; les deux nouveaux complexes, Vale NC au sud de l'île et KNS au nord sont venus renforcer le potentiel de production calédonien. Ces trois acteurs constituent un atout fort pour le développement de notre territoire.

Ceci étant, il ne suffit pas d'être présent, il faut, dans un contexte mondial agressif, être compétitif. Il est donc de notre devoir de déployer en permanence des plans d'action nous permettant d'être profitable sur l'ensemble d'un cycle, condition incontournable pour obtenir la confiance et l'engagement financier de nos actionnaires dans une industrie lourdement capitalistique. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour dire que l'État peut, et c'est nécessaire, contribuer au soutien de cette industrie du nickel. Les investissements sont d'autant plus lourds que l'isolement ultramarin entraîne des surcoûts très importants, de l'ordre de 40 % par exemple sur la future centrale électrique de la SLN. Nous attendons donc, avec une attention particulière, la prolongation du dispositif métropolitain d'aide fiscale pour les investissements outre-mer. Mesdames et Messieurs les élus, votre aide et votre support sont nécessaires pour que l'industrie du nickel puisse continuer à soutenir le développement de ce territoire merveilleux qu'est la Nouvelle-Calédonie.

Le minerai de nickel oxydé est largement localisé dans le bassin Pacifique et la Nouvelle-Calédonie est un pays largement doté de cette richesse minière. Pour un développement durable de l'archipel, il est important de valoriser au mieux cette ressource ; c'est une transformation locale qui répond le mieux à cette ambition. L'appui des pouvoirs publics locaux et métropolitains est essentiel pour préserver la compétitivité des industries du nickel calédoniennes et par conséquent les emplois et les rentrées fiscales. Le vote de la prochaine loi de finances métropolitaine sera dans ce cadre un signal fort envoyé à l'industrie ultramarine.

ANNEXE

Xavier Benoist, Président de la Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie (FINC)

Le nickel représente un véritable atout pour notre territoire. En effet, en Nouvelle-Calédonie, deux emplois sur dix étaient liés au nickel en 2012. En tant que président de la FINC, je compléterai la présentation précédente de Pierre Gugliermina, en évoquant l'industrie de transformation.

L'industrie est une réalité dynamique, qui fait de ce territoire l'un des plus industrialisés de France. Avec plus de 2 800 entreprises dans le secteur industriel, dont 90 % qui comportent moins de 10 salariés, l'industrie de transformation représente 10 % de l'emploi privé en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, un emploi dans l'industrie génère deux ou trois emplois dans les services ou le commerce. Ce secteur participe également de manière très large au financement de la Nouvelle-Calédonie, particulièrement par la valeur ajoutée, qui est fixée sur le territoire. À titre de comparaison, cette industrie ressemble à l'industrie italienne des années 2000. Elle trouve ses origines à la fin du XIX e siècle. Elle a prospéré à la fin de la deuxième guerre mondiale, pour véritablement décoller dans les années 1970, en s'appuyant sur deux leviers : l'esprit pionnier et entreprenant des Calédoniens d'une part ; une politique publique volontariste basée sur les protections de marché, d'autre part. Nous disposons désormais de fleurons dans les différents secteurs de notre industrie de transformation. Je citerai quelques-uns d'entre eux, pour illustrer le dynamisme de l'industrie de Nouvelle-Calédonie :

- Biscochoc : créée en 1979, elle emploie aujourd'hui 70 salariés. Ce fabricant développe toutes les gammes de chocolat et de confiserie et continue d'investir fortement. Il développe ainsi une politique à l'export fructueuse ;

- Switi : fondée en 1992, elle vient de racheter La Sorbetière, et s'est dotée en 2014 d'une nouvelle unité de production, moyennant un investissement de quatre millions d'euros ;

- Si Frais : il s'agit d'une réussite industrielle exemplaire dans l'agroalimentaire. Crée en 2007, elle vient d'emménager dans une nouvelle usine et produit des plats préparés, des sandwiches et des desserts.

Cette industrie de transformation possède également des fleurons dans le second oeuvre du bâtiment comme :

- ESQ : créée en 1978, cette entreprise vient de voir son nouveau projet industriel reconnu par la Nouvelle-Calédonie, via l'intégration dans le plan annuel d'importation d'une mesure de stop pour les tuyaux PVC. Cela permettra d'accompagner le renouvellement de l'outil industriel, et probablement la construction d'une nouvelle usine ;

- LBDP : il s'agit d'un fabricant de pré-murs, prédalles et poutrelles ;

- Tokuyama, qui fabrique du ciment ;

- Teeprint, la quatrième entreprise française en matière de flocage textile.

La recette de la réussite de notre industrialisation est la suivante : prenez une pincée d'esprit pionnier, ajoutez quelques cuillères d'une politique publique volontariste, qui permet de bénéficier de protections de marché. Relevez le tout avec un outil de défiscalisation performant. Vous obtiendrez un outil industriel qui génère de la croissance, un outil d'intégration pour l'emploi de notre jeunesse et un outil de fierté. Soyons fiers de notre industrie et des apports de la défiscalisation. Vive la Nouvelle-Calédonie, vive la France et vive l'industrie !

ANNEXE

Franck Adraï, Directeur du groupe SDA-Premium Water et membre du Syndicat des industriels de Polynésie française (SIPOF)

Panorama industriel de la Polynésie française

Un développement économique sous contraintes fortes

Le tissu industriel est articulé autour de trois pôles majeurs : l'industrie manufacturière, l'industrie extractive et la production et la distribution d'électricité, de gaz et d'eau.

Son développement fait face à des contraintes structurelles : un marché intérieur restreint qui limite les économies d'échelle et une forte dépendance vis-à-vis des matières premières et des produits énergétiques.

C'est pourquoi l'industrie locale bénéficie d'une protection douanière matérialisée par la taxe de développement local à l'importation (TDL) qui a pour objet de préserver la compétitivité des produits locaux par rapport aux produits importés. Son taux varie entre 9 % et 82 % selon le type de produit. Malgré cette protection, le chiffre d'affaires des produits agroalimentaires importés est deux fois plus élevé que celui des produits locaux. 21 ( * )

Un levier important de création d'emplois

Selon les derniers comptes économiques publiés par l'Institut statistique de la Polynésie française (ISPF), le secteur industriel contribuait à hauteur de 7 % à la formation du PIB en 2011, dont 2 % pour l'agroalimentaire. En 2014, il représentait 12 % du chiffre d'affaires total des entreprises assujetties à la TVA. Il concentrait également 8 % de l'effectif salarié du secteur marchand fin novembre 2014, soit 4 614 emplois. Le potentiel de développement de l'emploi est très important du fait que la demande en produits manufacturés est satisfaite en grande partie par les importations.

Le tissu industriel polynésien est composé essentiellement de petites unités : 2 425 entreprises industrielles recensées dans le Répertoire territorial des entreprises (RTE) de l'ISPF en 2014, dont 85 % employaient deux salariés au maximum et seuls cent établissements disposaient de dix salariés et plus.

Le secteur manufacturier concentre l'essentiel de ces entreprises (95 %), parmi lesquelles figurent l'industrie agroalimentaire (23 %) et l'industrie du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure (16 %).

Une conjoncture difficile qui nécessite la poursuite des soutiens publics

Le nombre d'entreprises industrielles en activité a diminué en 2014, passant de 2 457 entreprises en 2013 à 2 425 (- 1,3 %). Les plus fortes baisses ont concerné l'industrie agroalimentaire (- 24 unités) et l'industrie du bois, du papier et imprimerie (- 12 unités).

Le chiffre d'affaires 2014 des entreprises industrielles (822 millions d'euros) a également reculé de 2,6 %, selon les données de l'ISPF. Toutefois, le chiffre d'affaires de l'industrie agroalimentaire (35 % du total) a légèrement progressé (+ 1,3 %), sous l'impulsion des exportations de poissons congelés (+ 34 %), de noni (+ 18 %) et de vanille (+ 16 %).

L'emploi a baissé de 15 % entre 2007 et 2014 :

Lionel Loubersac, Co-fondateur, Manager et Secrétaire Général du Cluster maritime Nouvelle-Calédonie (CMNC), Océan Avenir NC - CréocéanK

avec le concours du Cluster maritime Polynésie française (CMPF)

Traiter d'un tel sujet ne peut se concevoir sans rappeler les fondamentaux géographiques et environnementaux d'une telle région : espaces, distances, insularité, ressources, climatologie... Ces fondamentaux expliquent la très large diversité des métiers de la mer et leurs dynamiques spécifiques.

C'est pourquoi les argumentaires qui suivent ont-ils été analysés selon une triple approche qui considère l'histoire, les besoins et les grandes évolutions mondiales issues des révolutions de pensées (émergence d'une civilisation des loisirs, poids grandissant de la place de l'environnement...) ou des retombées du développement scientifique et technique (maîtrise de l'aquaculture, haut débit des connexions numériques, énergies nouvelles, biotechnologies, ressources minérales profondes...).

1. Au départ fut une obligation, celle du transport maritime et son corollaire, celle de la construction navale.

En effet, dans un espace océanique par essence, rien n'était envisageable sans l'organisation du transport par la mer de populations et de vivres. Ce transport nécessitait la réalisation d'embarcations de grandes tailles comme de navires secondaires. Ce qui fut réalisé dans l'axe mélanésien à l'ouest d'abord depuis 3 000 ans ou plus, puis dans la région polynésienne, au centre et à l'est.

Pour un tel transport de migrants, les populations locales ont su concevoir des embarcations qui soient rapides, stables, aptes à naviguer sur de très longues distances dans des mers variables et qui sachent remonter au vent (les vents dominants étant d'est sud-est et les migrations d'ouest vers l'est).

Ainsi l'intelligence humaine a-t-elle su, sans bureaux d'études sophistiqués en architecture navale, ni, à l'époque, dépôts de brevets (!), inventer des solutions telles que le balancier, la double ou triple coque (catamarans et trimarans), des structures légères particulièrement agiles (les praos ), des carènes faiblement mouillées limitant la trace, le mat-voile rigide... : autant de solutions techniques originales dont ont directement hérité les navires modernes des grandes courses autour du monde ou encore les voiliers sophistiqués de l' America's Cup (les fameux AC72 à aile rigide par exemple apparus en 2010).

Pour ce qui concerne les évolutions ultérieures du transport maritime, l'insularité a fait que les formes de ce transport ont incessamment évolué : passagers et vivres certes, mais aussi matériaux divers, combustibles, voire même minerai. On citera ainsi le cas du transport maritime du minerai de nickel, interne à la Calédonie et entre Nouvelle-Calédonie, Métropole, Australie, Corée, Japon, Chine... qui a vu la conception du plus grand voilier du monde en activité de 1917 à 1922 (le France II, 5 mats barque, échoué en 1922 sur le grand récif ouest), puis de minéraliers modernes à « carène liquide », ce qui explique aussi que Nouméa soit le premier port en tonnage de tout l'outre-mer.

Une dynamique particulière et très récente de ce transport concerne la montée en puissance du transport de passagers de croisière.

Actuellement le transport maritime, qui est une nécessité absolue pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, connaît, malgré la faible population de ces collectivités (600 000 habitants environ), la plus large diversité de métiers, tant des personnels à bord à la technicité toujours plus avancée (capitaines 200, 500, 5000, boscos, mécaniciens, électroniciens, pilotes, remorqueurs...) que de personnels sédentaires (manutentionnaires, dockers, transitaires, agences maritimes, courtiers, assureurs, juristes, experts maritimes, techniciens de maintenance...).

Ce développement répond aussi à l'existence sur place d'entreprises spécialisées dans la conception, la construction de ports, de quais, le dragage, les travaux sous-marins...

En matière de construction navale, force est de constater, en revanche, que malgré le foisonnement d'idées et de réalisations qui a pu être celui des « anciens », il n'y a pas de chantiers navals de taille significative dans nos territoires du Pacifique, hormis quelques petits chantiers astucieux concevant des navires côtiers qui concernent plus le domaine de la pêche et le récréatif que le domaine du transport opérationnel de vivres, de fret et de populations.

2. Au départ une seconde obligation : il faut des protéines animales !

C'est ainsi que les métiers de la pêche ont vu des techniques originales se mettre en place avec tout un travail artisanal de fabrication des outils nécessaires (hameçons en nacre, nasses tressées, filets, harpons etc...) et des techniques diverses utilisées en haute mer ou dans les lagons (pêche traditionnelle aux cailloux par exemple).

La ressource en poissons pélagiques (thons, bonites, marlins, maï maï...) étant fondamentale et base de l'apport en protéines pour tous les peuples du Pacifique, les techniques et les métiers de la pêche ont évolué : bonitiers en Polynésie par exemple toujours actifs, « poti marara » rapides et légers et désormais une pêche hauturière de palangriers qui représente 65 navires en Polynésie et 18 en Nouvelle-Calédonie.

Une mention particulière doit être faite des métiers de la pêche professionnelle lagonaire qui, par exemple en Nouvelle-Calédonie, concerne 400 petits navires, complétée de la pêche vivrière des tribus canaques et de la pêche récréative en plongée ou à partir de navires de plaisance qui représentent ensemble cinq fois le volume de la pêche professionnelle côtière.

En parallèle, outre un développement commercial associé en matière de vente d'engins de pêche, de leurres et d'appâts, ainsi qu'en matière de fabrication locale de petits navires (petits hors-bord, plates alu, remorques) s'est lancée une dynamique qui intéresse les métiers du conditionnement de produits finis, en partie exportés (congélation, fumage, découpe de filets, préparations de plats cuisinés...).

3. Une première évolution majeure : le passage progressif de la cueillette à l'élevage : la montée de l'aquaculture marine.

L'aquaculture concerne des produits de la mer à forte valeur ajoutée dont le poids économique est significatif puisqu'ils pèsent à l'export (la perle en Polynésie et la crevette pennéide en Nouvelle-Calédonie) mais elle connaît aussi une diversification des productions en cours et donc de nouveaux métiers.

L'exploitation de la perle noire était initialement liée aux stocks naturels avec des plongeurs de nacre. Elle est depuis devenue l'affaire d'éleveurs dans des fermes sur filières, principalement aux Tuamotu, avec des métiers associés comme ceux de la greffe ou de la bijouterie.

En revanche, le cas de la crevette qui intéresse la Nouvelle-Calédonie, et dans une moindre mesure la Polynésie, est un produit directement issu de la recherche conduite en majorité par l'Ifremer. Ainsi dans les années 1980 et 1990, avec la naissance ex nihilo d'une filière, ont émergé des métiers neufs : des écloseurs, fermiers, provendiers, transformateurs de produits, ceux du soutien technique aux installations : fabrication locale de bacs d'élevage, pompage, génie civil, etc.

Cette dynamique se poursuit et se diversifie : élevage sur tables d'huîtres en Nouvelle-Calédonie, pisciculture marine en cages en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, pectinidés,...

On doit souligner le poids social, environnemental et culturel de ces activités et métiers. Ils sont, en effet, les garants de l'aménagement des territoires concernés, en fixant des populations dont la technicité évolue, en dehors des métropoles. Ils sont aussi les garants d'une excellente qualité des eaux et des milieux sans laquelle ils ne peuvent se développer. Ces métiers sont donc à juste titre des « sentinelles » environnementales. Par ailleurs, ils offrent pour les territoires concernés une image noble, associant tradition et modernité, tant pour la perle que pour la crevette dont il faut noter, pour la Nouvelle-Calédonie, qu'elle est devenue, en une trentaine d'années, un met local original consommé par toutes les ethnies représentatives du pays sans exception.

Enfin, dans les dynamiques propres à ces activités aquacoles, il y a celle de la diversification vers des espèces prometteuses dont il est nécessaire de soutenir les travaux de recherche et d'innovation, tant sur la maîtrise des cycles biologiques, des technologies d'élevage que le conditionnement et l'exploitation pratique. On pense plus particulièrement à l'élevage de bèches de mer (holothuries) particulièrement prisées sur le marché chinois et dont les stocks pillés se raréfient dangereusement. On pense aussi aux micro-algues, dont le projet décidé par les autorités publiques de Nouvelle-Calédonie et fondé sur un partenariat entre Adecal 22 ( * ) Technopole et l'Ifremer, qui est à l'origine depuis une trentaine d'années des bases scientifiques et techniques de sélection et d'élevage d'algues, offre les avantages d'une perspective de production de biomasse et de protéines pour l'agro-alimentaire, mais aussi de biomolécules utiles dans l'industrie ou encore des possibilités de piégeage de dioxyde de carbone émis par l'industrie minière.

4. Une seconde évolution majeure : la montée en puissance d'une civilisation des loisirs.

Tout un ensemble de conditions favorables (soleil, chaleur, eaux claires, biodiversité, beauté, vent, houle, vagues) font que la montée en puissance de notre civilisation de loisirs promet aux collectivités du Pacifique une diversification majeure d'activités et de métiers associés.

Si c'est sans doute la plongée sous-marine en scaphandre autonome ou l'apnée qui en ont été les premières formes dès les années 1960, les types sont désormais multiples. Pêle-mêle, on citera : le nautisme, la plaisance, la baignade, le surf, la planche à voile, le va'a ou pirogue de course, le kayak de mer, le kite surf , le stand up paddle , le whale watching , le shark feeding , le tourisme côtier au sens large bien sûr mais aussi la croisière...

Autant d'activités qui viennent se mettre en place avec un foisonnement de métiers nouveaux en accompagnement, lesquels vont du commerce et de la vente à l'accastillage, en passant par le carénage, les marinas, l'entretien, la maintenance, des guides touristiques, des moniteurs, des loueurs et un artisanat relatif à la mer vendu aux touristes (travail du corail, de la nacre, dents de requins).

Cette dynamique est considérable, je citerai deux chiffres pour la Nouvelle-Calédonie :

- sept fois plus de bateaux par habitant qu'en métropole donc des besoins correspondant en gros à 2 000 000 d'habitants comparativement ;

- plus de 400 touchers de grands paquebots de taille supérieure à 250 mètres et portant 1 500 passagers en moyenne chacun, l'année passée et 530 envisagés en 2016 !

Tout ceci a des implications lourdes dont l'anticipation semble encore perfectible.

5. Une troisième évolution majeure : la prise en compte progressive de la valeur environnementale et de ses enjeux.

Là encore, nous sommes dans des collectivités dont la qualité de l'environnement maritime et la biodiversité exemplaires sont des atouts fondamentaux pour demain.

Des politiques publiques se mettent place : installation d'un réseau d'Aires marines protégées, inscription des lagons de Nouvelle-Calédonie au patrimoine mondial et ouverture d'un dossier pour les Marquises, création du Parc marin de la Mer de corail, réserves intégrales, aires de gestion durable des ressources...

En parallèle naissent de nouvelles compétences et de nouveaux métiers, par exemple des éco-gardes (les bateaux jaunes du Grand lagon sud calédonien), mais aussi des entreprises pointues en matière de génie de l'environnement, spécialisées dans les domaines de l'impact, de la mesure, de l'observation, de la surveillance, de la structuration de bases de données et d'indicateurs, de la communication, de conception d'outils et de technologies adaptées (vidéo sous-marine, robots et drones sous-marins, systèmes automatisés, télécommunication avec des récifs éloignés...).

Ces métiers sont ceux de demain. En matière de croissance, les métiers de la mesure, de l'observation et du contrôle sont très prometteurs et ont été reconnus comme tels par l'Union européenne dans son étude sur la croissance bleue.

6. Une quatrième évolution majeure : la montée en puissance d'Internet et le passage en haut débit des communications.

Ce qui était imaginable par communication satellitaire il y a encore peu, n'est plus réellement compatible avec l'explosion des volumes d'information échangés sur la toile notamment. Ainsi, en complément du spatial, des dynamiques se placent-elles sur l'interconnexion, par câbles sous-marins et fibre optique, du Pacifique d'ouest en est, du nord au sud, avec tous les relais entre les îles à assurer. On citera la présence désormais continue à Nouméa du navire câblier « Île de Ré » d'Alcatel Lucent qui intervient dans tout le Pacifique insulaire central et sud. En outre, progressivement les opérateurs locaux de télécommunication doivent se doter de nouvelles compétences et imaginer des projets spécifiques à la connexion de leur collectivité avec le reste du monde, comme des interconnexions locales entre archipels et des projets de généralisation du transport optique. Ces projets obligent aussi à ce que des sociétés de service innovent et se spécialisent en cartographie et reconnaissance des fonds, en définition des meilleurs tracés avec limitation des impacts, etc...

7. Les grandes questions posées et le rôle des métiers de la Recherche et de l'Innovation

Nous avons souligné à l'Assemblée nationale, le 5 novembre 2014, dans une présentation précédente, que les collectivités ultramarines du Pacifique sont des espaces de grands défis, d'apprentissage et d'ambition comme elles sont aussi des laboratoires privilégiés de développement durable.

C'est pourquoi le rôle de la recherche et de l'innovation est majeur, tant pour apporter des réponses aux multiples questions posées (évolution climatique, acidification, changement global, exploitation durable de ressources profondes, frein à l'érosion de la biodiversité, développements technologiques utiles, énergies marines renouvelables) que de proposer des clés pour la continuité harmonieuse d'un rôle humain face au maintien de services écosystémiques apportés par la mer, l'océan et leurs différents environnements.

Les réponses à ces questions sont d'utilité humaine directe, pour les collectivités du Pacifique et pour les pays voisins, mais sans doute également pour l'humanité toute entière.

Or, les métiers de la recherche marine et de l'innovation et leurs disciplines (biologie, physique, hydrodynamique, chimie et biochimie, sédimentologie, géosciences marines, technologie, NTIC) sont représentés grâce à deux universités et des organismes de recherche internationalement connus et actifs : Ifremer, IRD, CNRS/CRIOBE 23 ( * ) notamment avec le montage de consortium tel que le CRESICA 24 ( * ) en Nouvelle-Calédonie par exemple.

Sur ces implications-là, le rôle de l'État et de l'Europe de la recherche est fondamental. Il apparaîtrait déraisonnable et à courte vue de limiter les efforts consentis, comme il serait souhaitable de mieux les canaliser.

8. En parallèle à toutes ces activités le besoin de gérer, administrer, sécuriser, défendre, contraindre, former...

Le développement du trafic maritime, les questions de gestion des pêches, la montée en puissance de l'aquaculture, des activités récréatives, de la préservation environnementale et en conséquence l'augmentation des risques, des impacts, des conflits et des trafics frauduleux ont entraîné progressivement la création et le développement de nouveaux métiers de gestion, d'administration, de contrôle et de répression. Ainsi, sont présents dans les collectivités du Pacifique les métiers des douanes, de la gendarmerie maritime, de la Marine nationale avec des navires et avions de surveillance maritime, de l'hydrographie, des affaires maritimes, des phares et balises, des pilotes maritimes et des métiers nouveaux de la surveillance spatiale comme des communications.

Ils relèvent majoritairement de l'action de l'État en mer. On y ajoutera les métiers de soutien en formations diverses des gens de mer, formations garantes de la dotation locale en compétences utiles et qui sont pour partie assurées sur place, à l'École des métiers de la mer par exemple.

Sans oublier des bénévolats forts, en particulier ceux de la Société nationale de sauvegarde en mer (SNSM), qui savent aider à relever les défis humains posés.

9. Une histoire et une culture maritime à faire connaître et valoriser

La Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie ont une culture et une histoire maritime à faire connaître et valoriser. Les métiers associés vivent au Musée des îles à Tahiti, au Musée maritime à Nouméa, au Centre Tjibaou, à l'Aquarium des lagons notamment. Ils sont aussi secondés par des bénévolats actifs tels que « Fortune de mer » pour la recherche d'épaves ou encore le montage en partenariat avec la Marine Nationale d'autres grandes expéditions telles que celles de La Pérouse.

10. Et quels métiers pour demain ?

Je terminerai cette revue par quelques éléments relatifs à de nouveaux métiers, dont les dynamiques pourront à l'avenir être significatives. Je pense plus spécifiquement :

- aux biotechnologies marines et à la production de biomolécules utiles en santé, cosmétique, industrie. En Polynésie, s'est lancée Pacific Biotech, suivie par une start-up calédonienne qui a bénéficié du support d'Oséo et ceci n'est vraisemblablement qu'un début ;

- aux métiers du génie côtier. Ceux-ci concernent les travaux de défense et de protection du littoral, des ilots et motus, (métiers qui existent déjà mais qui devraient largement se développer en raison de la remontée du niveau de la mer, d'une érosion chronique et de la surfréquentation des sites) et sont également relatifs à la réhabilitation de sites dégradés tels que replantation de mangroves et de coraux par exemple ;

- aux Énergies Marines Renouvelables pour lesquelles la Polynésie française est en avance avec des expérimentations SWAC (climatisation par eau de mer) réussies et des analyses qui peuvent entraîner dans leur sillage des retombées favorables pour les autres collectivités du Pacifique, également douées en ressources de ce type (houle, éolien off-shore , énergie thermique des mers) ;

- aux métiers qui seront ceux de l'exploration profonde préparant l'exploitation de ressources minérales. Une équipe de géologues spécialistes en géosciences marines profondes a déjà été créée à la direction de l'industrie, des mines et de l'énergie de Nouvelle-Calédonie (DIMENC). Tout ceci va demander l'émergence de profils techniques très spécialisés, couplés aux métiers de l'impact environnemental. Le contexte sous-marin de Wallis-et-Futuna pourrait représenter un cas de figure particulièrement pointu en la matière.

Conclusion et perspectives

Ce rapide tour d'horizon montre, ô combien la diversité et les dynamiques des métiers de la mer sont larges dans des collectivités, qui tout au plus représentent la Communauté urbaine de Nantes, pour plus de 6 000 000 km 2 de responsabilité maritime.

Tous les métiers de la mer ou presque sont effectivement présents mais avec des masses critiques faibles, donc fragiles. Le Cluster maritime de Polynésie française (CMPF) a, par exemple, identifié dans un pré-recensement, 146 métiers organisés en 12 grandes classes.

Au plan de la communication sur ce « fait maritime» peu connu, il existe des projets comme celui monté en Nouvelle-Calédonie, en association avec un grand éditeur parisien, afin de publier un ouvrage qui présenterait une galerie de portraits d'hommes et de femmes vivant diversement de la mer et intitulé Des lagons humains .

Par ailleurs, le « terrain de jeu et d'avenir » du Pacifique étant très favorable, les métiers de demain sont là et seront de plus en plus présents si on accompagne raisonnablement leur développement et non leur délocalisation.

Un premier constat est que le poids économique de ces métiers (nombre d'emplois, nombre d'entreprises, flux financiers, tendances évolutives...) n'est pas connu, sauf pour la pêche et l'aquaculture qui sont des activités recensées dans le système statistique classique, par exemple avec les codes NAF 25 ( * ) .

Que dire, par exemple, du poids du maritime pour l'industrie minière calédonienne du nickel, l'une des plus fortes du monde, alors que tout le minerai transite par la mer, qu'il en est de même des produits finis, que les trois usines de rang mondial du pays ont toutes un port, des quais, des bateaux, des marins.... ? Nous ne le connaissons pas !

Que dire du poids réel du récréatif ? Nous l'ignorons tant en Polynésie qu'en Nouvelle-Calédonie

Or, ne pas bénéficier d'une vision globale de ce poids économique, d'indicateurs utiles à la décision publique constitue un handicap et un frein majeur. D'où l'idée de favoriser un état des lieux puis le montage d'observatoires économiques du monde maritime du Pacifique, adaptés aux contextes et aux besoins.

Par ailleurs, quelles que soient les évolutions statutaires des collectivités du Pacifique, l'État, qui partage une longue histoire avec elles, doit être le garant du maintien et de l'accompagnement de la diversité des métiers, cette diversité étant une vraie richesse, comme il doit être le garant du renforcement des compétences. Il y a donc un rôle à mieux définir pour un accompagnement de formations aux choses de la mer, ainsi que des spécialisations à créer en respectant les besoins et les cultures locales, par des cycles adaptés, sans doute dès le lycée. Cet accompagnement favoriserait les vocations maritimes en analysant les possibilités, au plan international, d'intéresser nos voisins insulaires.

Nous avons cité le rôle du politique qui est aussi de favoriser localement la valorisation de la biodiversité, matière première sans doute inestimable, par le soutien et le transfert vers des start-up locales dans le domaine des biotechnologies, tout en respectant la règle du partage des avantages.

Nous citerons aussi ce rôle clef qui est de maintenir un pôle avancé de compétences en matière de recherche et d'innovation, sans doute en en plaidant plus et mieux la cause au niveau européen.

Dans un jeu de complémentarité et donc de partenariats à favoriser et à encourager, au contraire d'un jeu de concurrence et tout en reconnaissant bien que la véritable concurrence est extérieure (Asie, Chine ou autres intérêts vis-à-vis de la région), on soulignera la nécessité d'un accompagnement logique et pertinent d'entreprises nationales et européennes, compétentes et pointues dans les domaines maritimes, notamment d'avenir, et de leur association ( joint-venture ) à de petites entreprises locales également compétentes car connaissant parfaitement le terrain.

On regrettera le peu d'outils incitatifs de type crédit d'impôt recherche, statut de jeune entreprise innovante, défiscalisations spécifiques, dont nos collectivités ne bénéficient pas et qu'elles-mêmes n'ont pas encore mises en place. Pourtant, dans un partage entendu avec l'État qui transfère une majorité de compétences, ces dispositifs devraient être très sérieusement analysés de part et d'autre.

Enfin, on ajoutera le rôle régional exemplaire à mettre en avant, au travers de ces collectivités du Pacifique, en matière d'images relatives aux voies de développement économique équilibré, de préservation environnementale, de différents savoir-faire en matière de gestion transversale et d'aménagement intégré, de contrôle et de suivi de la qualité et donc du maintien attendu par beaucoup, ici et ailleurs, des relations harmonieuses à tisser entre culture, tradition, respect environnemental et modernité.

Platon avait su dire : « Il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer ». Comme ailleurs sur cette planète nous avons, ici dans le Pacifique, des vivants et des morts mais, surtout, nous avons des hommes et des femmes qui vont sur la mer.

TROISIÈME TABLE RONDE
VIVIFIER LES SOURCES DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES :
QUELLES ÉVOLUTIONS POSSIBLES

Troisième table ronde - Vivifier les sources de financement des entreprises : quelles évolutions possibles

Introduction

Éric Doligé, Sénateur du Loiret

C'est pour moi un privilège de m'exprimer devant les forces vives des collectivités du Pacifique, afin de mettre en perspective la troisième table ronde de la journée, qui va traiter du financement de l'économie.

Deux thématiques spécifiques seront successivement abordées. Lors de la première séquence, il sera question de l'offre de crédit et de l'accès au crédit. Nous y aborderons la question des mécanismes de cofinancement et de sécurisation des prêts, ainsi que la diversification de l'offre afin de mieux prendre en compte les spécificités du tissu entrepreneurial.

Le chaînage des rôles des acteurs nationaux, tels que la BPI, a rencontré quelques difficultés pour se mettre en place dans les outre-mer. Quant à l'Agence française de développement (AFD) et aux acteurs locaux, tels que les banques ou la Société de financement du développement de la Polynésie française, la Sofidep, ils permettent de mieux répondre à la palette des besoins. Ils peuvent notamment soutenir la création d'une entreprise et le démarrage de son activité. J'ai pu constater, lors de mes déplacements, que les conditions bancaires, pour diverses raisons, sont souvent plus coûteuses en outre-mer.

Dans cette première séquence, il sera également abordé la question du micro-crédit, qui s'avère très importante dans les environnements où les très petites entreprises (TPE) sont nombreuses et où l'économie vivrière joue un rôle crucial dans le maillage territorial. Crédits et mécanismes d'incitation fiscale sont intimement liés. L'effet de levier de l'un sur l'autre apparaît bénéfique à l'investissement.

La seconde séquence s'intéressera par conséquent aux mécanismes fiscaux de soutien à l'investissement. Je souhaiterais souligner ici combien ces dispositifs sont cruciaux pour les petites économies insulaires de territoires dont le statut d'autonomie et la répartition des compétences ne rendent pas les projets et les entreprises éligibles à d'autres mécanismes de solidarité nationale, tels que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Ayant été tour à tour rapporteur de la loi pour le développement économique des outre-mer, la « LODEOM », puis rapporteur spécial au nom de la commission des finances pour le budget des outre-mer pendant de nombreuses années, ainsi que rapporteur avec Serge Larcher d'un rapport sur l'impact des dispositifs de défiscalisation des économies ultramarines, j'en mesure toute l'importance, voire le caractère vital.

Notre rapport d'information, publié il y a tout juste deux ans, avait pour objet de démontrer l'impact territorial de la défiscalisation dans les différents secteurs productifs, pour contrer les coupes du ministère des finances au moment de la discussion de la loi de finances.

Le concept de défiscalisation passe souvent difficilement en période de disette financière. Il convient donc de rester particulièrement vigilant, et de protéger la défiscalisation tout en l'adaptant si nécessaire.

La délégation aux outre-mer de l'Assemblée Nationale et la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) avaient porté haut et fort le même discours. Notre rapport d'information qualifiait l'aide fiscale à l'investissement en outre-mer de levier incontournable de développement. Nous avions alors eu des échanges fort instructifs avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Si des mécanismes de crédit d'impôt ont pu être mis en place dans l'Hexagone et dans les DOM, aucun produit de substitution n'a été inventé pour les territoires dotés de l'autonomie fiscale, alors que cela avait été un temps annoncé. Or ces territoires ont eux-mêmes mis en place, au titre de leurs compétences propres, des mécanismes d'aide fiscale complémentaires, qui permettent de majorer l'effet de levier. La Polynésie française a d'ailleurs récemment prorogé son dispositif jusqu'en 2025.

S'agissant du dispositif national, après les attaques, ce sont le malthusianisme du bureau des agréments et l'effet couperet de 2017 qui menacent l'investissement dans les collectivités. Je me permets de souligner la gravité de la situation pour les collectivités du Pacifique, au moment où elles vivent une période charnière et où la confiance dans l'avenir doit accompagner les évolutions institutionnelles en cours.

La semaine dernière, nous avons adopté le projet de loi qui proroge jusqu'en 2020 l'octroi de mer pour les départements d'outre-mer. Or la Commission européenne semble envoyer un mauvais signe au gouvernement français, en plaçant l'octroi de mer sous l'empire du règlement général d'exemption par catégories (RGEC). Nous devons donc nous montrer particulièrement vigilants quant au financement de nos outre-mer.

Je terminerai par un constat de bon sens : il est paradoxal que des mécanismes qui contribuent depuis plus de vingt ans à l'économie ultramarine et permettent de compenser des surcoûts structurels soient menacés d'extinction, au moment même où nous prenons conscience du potentiel exceptionnel des territoires terrestres et maritimes du Pacifique.

Première séquence - Quel accès au crédit pour les entreprises du Pacifique ?

Dominique Caignart, Directeur outre-mer et réseau Île-de-France de Bpifrance

Nous sommes le dernier entrant sur le marché. Alors que le processus s'est déroulé rapidement pour les départements d'outre-mer (DOM), il restait tout à écrire sur les collectivités d'outre-mer (COM). Nous nous y sommes employés dès la parution du décret à la fin de l'année 2013.

Comme toujours avec les fondamentaux de la Banque publique d'investissement (Bpifrance), la gamme de produits doit compléter l'offre bancaire locale avec des produits originaux, souvent sans garantie, le tout pour des entreprises en phase de croissance.

Après quelques mois de réflexion et d'échanges, nous avons élaboré un produit pour la Polynésie française. Les conventions doivent nous revenir signées, pour que nous puissions mettre en place le financement très rapidement.

Le prêt de développement de Polynésie française et qui serait aussi décliné en Nouvelle-Calédonie est un crédit que nous avons testé dans d'autres territoires, en métropole et en Guyane. Ce prêt, qui va jusqu'à 50 000 euros, finance, en parallèle des partenaires bancaires, les investissements ou les besoins en fonds de roulement que ces derniers ont des difficultés à financer, car ils ne génèrent pas de garanties intrinsèques.

Ce prêt aura une durée de cinq années, quel que soit le territoire, avec un différé d'amortissement du capital d'un an, afin de laisser le temps aux entreprises de l'investir et de le rentabiliser. Il présentera un taux d'intérêt intéressant par rapport aux taux de marché, sans aucune garantie réelle, de façon à laisser à l'entreprise la possibilité de proposer des garanties réelles au banquier partenaire.

Cette offre complétera l'offre historique sur les COM. Nous nous intéressons d'ores et déjà au financement de l'innovation, en aménageant les critères à l'innovation ultramarine pour encourager les porteurs de projets à nous déposer plus de dossiers. Pour la Nouvelle-Calédonie, nous sommes actuellement en train de coordonner les priorités des provinces et les budgets qu'elles sont susceptibles de nous allouer. Nous nous promettons de procéder à ces lancements dans le courant de cette année.

Fabrice Richy, Directeur des outre-mer Agence Française de Développement

Nous sommes présents dans les outre-mer depuis 70 ans. L'intervention de l'AFD sur le plan de la vie économique se structure autour de trois volets.

Tout d'abord, elle intervient directement dans l'accès au crédit.

Nous jouons notre rôle au travers de deux instruments principaux, à commencer par la Société de gestion de fonds de garantie d'outre-mer (Sogefom), outil de garantie spécifiquement dédié aux petites entreprises, qui passe par les banques.

En Nouvelle-Calédonie, 88 % des entreprises n'ont aucun salarié, et 98 % en comptent moins de dix. Chaque année, l'outil Sogefom représente de 15 à 20 millions d'euros de garanties, entre 300 et 400 dossiers, pour une moyenne de garantie de financement située entre 40 000 et 50 000 euros.

D'après nos estimations, grâce à cet outil, au moins 500 emplois seront maintenus ou créés. Il s'agit également d'un outil de garantie auprès des banques, qui leur permet de partager le risque de prêt. Cet outil sera d'ailleurs mis au service de l'intervention de la BPI.

En effet, nous partagerons l'outil de garantie des prêts de développement de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie avec la BPI, afin de garantir les prêts que celle-ci effectuera.

Par ailleurs, l'activité de la Sogefom connaît des évolutions importantes avec l'assouplissement de son produit court terme, l'approfondissement de la logique de délégations aux banques et l'élargissement des PME éligibles au dispositif.

En Polynésie française, tout le monde connaît également notre rôle de banquier, à travers la Société de crédit et de développement de l'Océanie (Socredo). Il s'agit de l'acteur banquier le plus important de Polynésie française, où il représente plus de 50 % du crédit aux entreprises. Nous sommes actionnaires de référence de la Socredo. Nous partageons notre rôle avec la BRED, qui y participe à hauteur de 17 %. Nous restons également le financeur majoritaire de la Socredo.

Parallèlement au développement de ces outils, nous menons une action de soutien à l'émergence de nouveaux acteurs du crédit. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, nous avons soutenu la création de l'Agence pour le droit à l'initiative économique (Adie), en finançant les missions, en intervenant techniquement et en ouvrant à l'Adie les portes politiques des institutions.

Nous finançons l'Adie depuis une dizaine d'années. Nous avons ainsi engagé près de 20 millions d'euros auprès de cet organisme, en faveur des outre-mer.

Notre rôle consiste non seulement à agir directement sur le marché, mais aussi à élargir l'offre d'accès au crédit. Ponctuellement, nous jouons un rôle contra-cyclique auprès des banques de la place.

En 2012, les banques de place n'avaient plus accès aux financements de leur maison-mère. Nous avons joué un rôle important pour qu'elles accèdent à des ressources de financement de long terme. Nous avons ainsi injecté près de 150 millions d'euros dans le système bancaire du Pacifique. Aujourd'hui, les banques ont accès à des ressources de long terme, soit par leur maison-mère, soit par les flux (comptes bancaires).

Toutefois, si une nouvelle difficulté structurelle d'accès à des financements de long terme se posait aux banques de place, nous répondrions à nouveau présents.

Nous intervenons également en financement de projets privés via des « prêts aux conditions de marché », à des conditions toutefois plus favorables que les conditions de marché de la zone Pacifique.

Nous sommes intervenus en Nouvelle-Calédonie dans le financement de la clinique de Nouville et d'une station d'épuration. Nous travaillons avec des entreprises importantes, pour lesquelles nous intervenons uniquement en pool bancaire, soit pour consolider un projet et sécuriser le financement par les banques, soit à la demande des banques. Nous intervenons sur ces dossiers sur le long terme, plus de quinze ans en général.

Enfin, nous apportons un soutien constant à la commande publique, notamment par les collectivités. Nous restons un financeur important des programmes d'investissement des collectivités locales (communes, régions ou pays). Par exemple, en 2014, plus de 150 millions d'euros ont été injectés par l'AFD dans le système public en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Nous sommes également un prêteur régulier de la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie (SIC), qui représente 3 % du PIB par ses investissements en Nouvelle-Calédonie.

Matthieu Barrier, Directeur adjoint du Réseau-Adie

Vivifier les sources de financement des entreprises
Quelles évolutions possibles ?

1 - L'Agence pour le droit à l'initiative économique (Adie)

L'Adie dans le Pacifique a la même mission que partout ailleurs en France et en outre-mer : financer et accompagner ceux qui veulent créer ou développer leur activité pour créer leur emploi.

Elle a pour cela deux outils à disposition : le micro-crédit et l'accompagnement, avant et après la création d'activité.

Les personnes soutenues sont celles qui n'ont pas accès au crédit bancaire ce qui, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie ou à Wallis-et-Futuna, peut être le cas de nombreuses personnes.

2 - Résultats dans le Pacifique

En 2014, 1 347 personnes ont été financées (591 en Polynésie, 756 en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna). La portée de l'action de l'Adie est donc tout à fait significative au regard de la population et le micro-crédit est une solution concrète et efficace de retour à l'emploi pour ces personnes.

Les activités financées sont principalement dans l'agriculture et la pêche - coprahculteurs, culture de terrains familiaux ( Faa Pu ) -, mais pas seulement avec beaucoup d'activités dans le domaine des services et du petit commerce.

Source : Adie

70 % des personnes financées sont bénéficiaires d'un minimum social (RST en Polynésie) et pour la Polynésie, près de la moitié (48 %) de nos clients sont des femmes.

En Nouvelle-Calédonie, 60 % des personnes financées par l'Adie vivent en terre coutumière. Seuls 21 % des personnes financées par l'Adie ont un niveau de formation égal ou supérieur au baccalauréat.

3 - Des partenariats efficaces

L'Adie bénéficie de nombreux soutiens pour développer son activité. Ces soutiens sont publics, bancaires, et privés.

Les financeurs publics interviennent dans le soutien financier de nos actions en finançant le développement géographique et des actions de développement auprès de publics cibles (pêcheurs, coprahculteurs...). Les financeurs publics sont :

- l'État, le Haut-commissariat, les Provinces en Nouvelle-Calédonie, l'Assemblée Territoriale de Wallis-et-Futuna, et le Pays en Polynésie (ministère de l'économie et des droits des femmes), certaines mairies (Papeete, Nouméa, etc.) via la politique de la ville notamment.

Les partenaires privés sont sollicités pour intervenir en soutien du développement d'une action sur leur territoire ou d'un concours spécifique. C'est le cas de la Société-Le Nickel (SLN), de Léon Grosse par exemple.

Les partenaires bancaires nous accordent des lignes de crédit à taux négociés pour nous permettre de refinancer les micro-crédits dans le Pacifique : Socredo, Banque de Polynésie, Société Générale Calédonienne de Banque, BNP Paribas Nouvelle-Calédonie, la Banque Calédonienne d'Investissement (BCI), avec l'appui de l'AFD sur la garantie.

4 - Que faire de plus ?

Il nous faut encore poursuivre le développement du réseau de l'Adie. En Polynésie française, la couverture territoriale n'est pas complète, avec une part importante des Tuamotu qui reste non couverte (Tuamotu du Nord, Îles Gambier) ainsi que les Îles Marquises. En Nouvelle-Calédonie, le maillage pourrait être renforcé tant sur la zone urbaine de Nouméa pour mieux toucher les zones où résident les personnes en difficulté sur l'aire urbaine, que sur la Province des Îles où notre présence pourrait être optimisée avec des moyens supplémentaires.

Il nous faut également inciter les créateurs d'entreprise à développer leur activité, en mettant en place une incitation sous forme de prime pour ceux qui créent un premier emploi dans leur entreprise. Cela faciliterait l'accompagnement au développement de ces activités et permettrait de créer de nombreux emplois dans ces toutes petites entreprises.

Il nous faut enfin renforcer le système financier pour en assurer la pérennité. Si les banques opérant dans le Pacifique soutiennent de manière volontariste le développement du micro-crédit, les règles prudentielles et nos relations conventionnelles avec les partenaires bancaires nécessitent des systèmes de garantie solides pour assurer la pérennité de nos ressources de crédit. Un appui au financement d'un fonds de garantie Pacifique permettrait d'aborder dans de bonnes conditions la poursuite du développement du micro-crédit dans la région Pacifique.

À terme, l'Adie est en mesure de financer 2 000 personnes par an pour les accompagner dans la création ou le maintien de leur propre emploi. Elle contribuera ainsi activement à réduire la part de la population dépendante de revenus sociaux et à faire baisser le chômage sur ces trois territoires.

Nicolaz Fourreau, Président du conseil d'administration de la Société de financement du développement de la Polynésie française (SOFIDEP)

Vivifier les sources de financement des entreprises
Quelles évolutions possibles ?

La Sofidep, un outil de développement économique

La Sofidep, Société de financement du développement de la Polynésie française, est une société d'économie mixte créée en 1999 et initiée par la convention n° 96-1983 du 8 août 1996 entre l'État et le Pays pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française. Afin d'atteindre cet objectif, cette convention prévoyait expressément la mise en place d'une société de financement chargée de faire des prêts participatifs et de prendre des participations dans le capital d'entreprises constituées en Polynésie française.

Aujourd'hui dotée d'un capital de 12,6 millions d'euros, la Sofidep a, depuis sa création, financé plus de 650 projets pour un total de 40 millions d'euros. Ce montant injecté dans l'économie peut être au moins multiplié par deux sachant que la Sofidep intervient souvent sur le principe d'un financement un pour un avec les banques de la place.

Sans prise de garantie professionnelle ni de sûreté personnelle (hormis une assurance décès), la Sofidep intervient à toutes les étapes du cycle de vie des entreprises. La répartition des encours est la suivante :

- création d'entreprise : 36 % ;

- développement : 26 % ;

- transmission d'entreprise : 19 % ;

- soutien à la relance : 19 %.

Ses interventions ont permis à la collectivité de voir la création ou la sauvegarde de 6 000 emplois, dont la majeure partie concerne les cinq dernières années.

Un modèle économique particulier

Le modèle de la Sofidep est relativement unique dans le paysage bancaire et financier : elle tire ses ressources de subventions de la Polynésie française et dès qu'un prêt est mis en place, les dotations publiques deviennent sa propriété et sont reprises dans le compte de résultat au fur et à mesure des remboursements de prêts. C'est là un point important du modèle car en cas de défaut de remboursement, la perte ne s'impute pas sur les fonds propres de l'entreprise mais sur les dotations. La Sofidep peut ainsi réaliser son objet qui est d'intervenir dans des secteurs jugés non prioritaires par les banques ou des projets par nature non financés par elles.

La Sofidep constitue ainsi un outil majeur de la politique économique publique pour la création et le développement des entreprises polynésiennes.

Évolution du modèle en phase avec les besoins de la collectivité

La Polynésie française connaît depuis quelques années, à l'instar de la Métropole et des autres collectivités d'outre-mer des difficultés économiques.

Devant les problèmes rencontrés par les porteurs de projet pour créer leur entreprise - une création souvent assimilable à de l'emploi de subsistance - et par les entreprises en difficulté pour se relancer, la Sofidep a fait évoluer son modèle et orienté ses actions vers ces deux domaines d'intervention.

Le soutien aux entreprises en difficulté

Avec le prêt participatif à la relance, la Sofidep s'est affranchie de l'obligation d'un cofinancement bancaire pour son intervention. D'un montant plafonné à 83 800 euros, la Sofidep injecte des liquidités dans une entreprise n'ayant plus la trésorerie nécessaire pour commander du stock et payer des fournisseurs en retard.

La seule contrepartie demandée consiste en un réaménagement des dettes sociales, fiscales ou bancaires afin que l'entreprise bénéficiaire bénéficie d'un allègement de la charge de la dette, les deux interventions pouvant concourir à un redémarrage sain de son activité.

Ainsi ce sont près de 90 entreprises qui ont bénéficié de cette aide avec plus de 3 000 emplois en jeu. Si près d'une entreprise sur deux n'a pas résisté en dépit de notre soutien, l'optimisme reste de mise, puisqu'inversement, aucune de celles que nous avons accompagnées n'auraient tenu sans notre soutien, et certaines comptent presqu'une centaine de salariés.

Le soutien à la création d'entreprises

La création d'entreprise reste une partie très importante de nos activités. Certes, la Sofidep n'a participé au financement qu'à hauteur de 10 % des volumes traités par un seul des établissements bancaires en 2014.

Toutefois, alors que sur la création d'entreprise, nous étions historiquement tournés vers le cofinancement et souvent sollicités par les banques afin de réduire leur risque, les récentes évolutions de la politique de développement de notre établissement font de nous une entité autonome sur les TPE. En effet, nous finançons seuls et sans concours bancaires les entreprises (souvent mono-salariées) dans une tranche d'investissement allant de 8 500 euros à 42 000 euros.

Il n'en demeure pas moins que tous ces emplois créés dans une démarche que nous pourrions qualifier de « sociale » loin des schémas classiques de subventions ou d'aide à la réinsertion, participent d'une démarche de structuration de l'économie et de responsabilisation des populations.

Vivifier les sources de financement

La Sofidep peut donc intervenir seule mais sa marge de manoeuvre est limitée par sa capacité à pouvoir mobiliser des fonds provenant de la collectivité.

Les banques de la place font face à une économie morose et des obligations prudentielles qui les contraignent dans leur choix d'allocation de fonds propres alors que le besoin des entreprises auprès des banques porte davantage sur un assainissement de leur trésorerie que sur des besoins d'investissement.

Pour les collectivités d'outre-mer, l'État, au travers de ses dispositifs publics de financement de l'économie, peut faciliter la prise de risque pour les banques commerciales.

La Sogefom , filiale de l'AFD, joue un rôle prépondérant en Polynésie française en garantissant les prêts bancaires. Il n'est pas rare de rencontrer le triptyque : financement bancaire, garantie bancaire et co-financement Sofidep.

L'enjeu est de pouvoir mobiliser encore davantage la garantie Sogefom même si la Sogefom a récemment mis en place des délégations de garantie aux banques pour accélérer la prise de décision et même si elle a élargi sa couverture aux crédits de court terme

La Banque Publique d'Investissement (BPI) représente également pour la Polynésie française une source potentielle de financement des entreprises.

Si un premier produit, le prêt de développement Polynésie française, est en cours de lancement, avec le soutien du Pays et de la Sogefom, tous deux garants du prêt, il convient de développer ce partenariat où la collectivité bénéficierait des ressources de la BPI tout en lui garantissant une maîtrise du risque associé.

Il convient également de mobiliser d'autres sources de financements via notamment la Banque Européenne d'Investissement (BEI).

La BEI distribue des produits grâce à des intermédiaires dans tous les pays européens et bien évidemment en France. Or, la Polynésie française occupe une place dans le paysage européen qui nécessiterait une démarche particulière pour qu'elle puisse intervenir.

Je vous ai présenté aujourd'hui un panorama de nos interventions, de nos objectifs et de la philosophie qui animent les acteurs de la Sofidep, la direction comme les chargés d'affaires. Ces derniers oeuvrent avec engagement à la relance d'une économie en complément des interventions gouvernementales polynésiennes et du soutien des organismes de l'État en Polynésie française, en espérant celui de l'Europe pour augmenter les volumes et l'importance de nos participations.

Marc Robert, Directeur de l'international de la BRED Banque populaire

La BRED est présente dans l'ensemble des outre-mer (Antilles, Guyane, La Réunion, Mayotte). Elle dispose de cinq implantations dans le Pacifique :

- une présence en Nouvelle-Calédonie, avec la Banque calédonienne d'investissement (BCI) ;

- une présence en tant qu'actionnaire minoritaire aux côtés de l'AFD dans la Socredo en Polynésie française ;

- une présence en tant qu'actionnaire minoritaire de la Banque de Wallis-et-Futuna ;

- une banque au Vanuatu ;

- une nouvelle banque aux îles Fidji.

Nous dressons le constat que le crédit aux entreprises connaît une évolution pour le moins modérée : en Nouvelle-Calédonie, la croissance s'élevait à 0,4 % l'année dernière. Quelques différences apparaissent néanmoins : contrairement à ce que nous pouvions imaginer initialement, les TPE connaissent une croissance légèrement supérieure, à 3-4 %.

Pourquoi la croissance des crédits bancaires n'est-elle pas plus importante ? Les banques font face à trois contraintes. La première est leur difficulté à capter des ressources bilancielles. Cette situation est le reflet d'un léger manque de confiance de certains acteurs dans l'avenir des territoires. Ils cherchent ainsi à faire sortir des territoires une partie de leur épargne, d'où il résulte des bilans bancaires assez déséquilibrés.

Lorsque les banques sont locales, elles n'ont d'autre ressource que la collecte de dépôts locaux. Elles font alors face à ce déséquilibre. Lorsqu'elles sont l'émanation d'un groupe plus large, elles doivent procéder à un refinancement depuis leur siège, dans des proportions limitées, ce qui contraint le financement des entreprises locales.

La deuxième difficulté réside dans la communication entre les banques et les entreprises. Cette situation, assez classique, se vérifie partout dans le monde.

Quant à la troisième série de contraintes, elle est spécifique aux entreprises des outre-mer et du Pacifique. Elle se caractérise par un manque certain de fonds propres, ainsi que des délais souvent plus longs pour obtenir la documentation comptable et juridique. De ce fait, les dossiers de financement prennent davantage de temps.

Enfin, en raison du faible nombre de banques, nous rencontrons souvent un problème de division des risques bancaires, ce qui limite les financements. Nous ne pouvons en effet concentrer une part trop importante des crédits sur une seule contrepartie.

Quelles solutions pouvons-nous apporter pour pallier ces difficultés ?

Afin de répondre à la rareté des ressources, la principale solution consiste à s'adosser aux maisons-mères lorsqu'elles existent, ce qui permet de fournir une partie du refinancement. Qui plus est, l'AFD contribue à refinancer certains groupes bancaires.

Une solution plus originale, que nous avons lancée avec la BCI en Nouvelle-Calédonie, consiste à lancer un programme de créance négociable, qui permet d'attirer de l'épargne d'investisseurs institutionnels extérieurs aux territoires qui cherchent à obtenir davantage de rendement ainsi qu'à diversifier leurs risques.

En mai 2015, 32 milliards de francs Pacifique étaient attirés par ce programme, ce qui a permis de contribuer à une partie du refinancement de l'économie de Nouvelle-Calédonie.

Pour répondre aux problèmes de communication entre les banques et les entreprises, il existe deux solutions. Tout d'abord, nous avons conclu des partenariats avec les chambres de commerce et des métiers, ce qui permet un meilleur dialogue dès la création d'entreprise. Par ailleurs, nous tentons d'obtenir la couverture la plus large possible des territoires, grâce à un maillage qui couvre au mieux les besoins.

Enfin, pour faire face aux contraintes qui freinent les dossiers de financement, nous avons développé des équipes dédiées, par types de professions. Nous disposons ainsi d'agences spécialisées sur les TPE et d'enveloppes dédiées à certains segments d'activité (tels que les promotions immobilières, l'aquaculture et le BTP).

Ainsi, nous parvenons à mieux couvrir les besoins et à obtenir des réponses plus adaptées aux besoins des entreprises.

Il n'existe pas de solution miracle : c'est bien une palette de solutions adaptées qui doit permettre d'accompagner au mieux les entreprises.

Huy Hoang Dang, Directeur du développement et de la stratégie de BPCE International et Outre-mer

Le crédit aux entreprises de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française est assuré par trois types d'acteurs : sept banques locales, huit sociétés financières locales et des banques situées hors de la zone. Ces dernières englobent des acteurs publics comme l'AFD ou la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les maisons-mères de banques locales et une quarantaine d'établissements de crédit intervenant directement depuis la métropole sans représentation locale. En 2014, elles représentent une part significative des financements (30,6 % pour la Nouvelle-Calédonie et 22 % pour la Polynésie française) toutefois focalisée sur le financement de collectivités locales ou de grandes entreprises. Les sociétés financières sont pour cinq d'entre elles affiliées à un groupe bancaire et pour les trois restantes indépendantes. En 2013, elles étaient surtout présentes en Nouvelle-Calédonie où elles représentaient 4,6 % des crédits contre seulement 0,8 % en Polynésie française. Leur activité est concentrée sur le crédit-bail où elles représentent 96,3 % des encours avec aussi une part de marché de 8,9 % dans les crédits à la consommation et de 7 % dans le crédit d'investissement des entreprises.

Ainsi, les banques locales assurent l'essentiel du financement et surtout des crédits aux entreprises. Les banques locales sont issues de trois grands réseaux métropolitains (BNP Paribas, Société Générale et BPCE) ou sont détenues à 50 % par le Territoire (BCI et Socredo). Elles opèrent une activité classique de banques commerciales axée sur la distribution de crédit et la collecte de ressource avec une palette complète de produits et services. En effet, en 2013, les crédits avec la clientèle représentaient 79 % pour la Nouvelle-Calédonie (78 % pour la Polynésie française) du bilan des banques contre seulement 30 % pour l'ensemble des banques en France. Le segment des entreprises représente le deuxième marché des banques après celui des ménages avec une part de 47 % des crédits en Nouvelle-Calédonie (38 % en Polynésie française). À titre de comparaison, le crédit aux entreprises ne constitue que 31 % des encours des banques en France.

Les encours de crédits aux entreprises des établissements locaux en Nouvelle-Calédonie sont à la hausse en 2014 (+1,4 %) pour atteindre 323 milliards de francs Pacifique sous l'effet d'une confiance accrue des entrepreneurs matérialisée par un indicateur du climat des affaires en progression pour le cinquième trimestre consécutif et des prévisions d'investissement aussi en hausse tendancielle. Néanmoins, la production de crédit aux entreprises du premier trimestre 2015 s'inscrit en baisse de - 2,6 % par rapport au premier trimestre 2014 alors que la production de crédit globale progresse de + 4,1 % sous l'effet de la croissance de 15,9 % du crédit aux particuliers. La situation en Polynésie française est plus contrastée car les encours de crédits aux entreprises est le seul à avoir régressé (- 4,1 %) en 2014 et ont atteint 152 milliards de francs Pacifique à fin 2014. Les encours globaux ont progressé en 2014 de 2,7 % sous l'effet d'un indicateur du climat des affaires, de prévisions d'investissement et d'un indice d'emploi salarié tous favorables. La production de crédit aux entreprises est a contrario très dynamique puisqu'elle progresse de 66 % sur un an au premier trimestre 2015 alors que celles des particuliers régressent de - 17 %.

L'accès au crédit des entreprises est favorisé par une collecte dynamique des ressources locales (en 2014, + 2,1 % en Nouvelle-Calédonie et + 4,4 % en Polynésie française). La collecte locale croît toutefois moins rapidement que la collecte hors-bilan qui ne finance pas l'économie locale (en 2014, + 2,3 % en Nouvelle-Calédonie et + 8,6 % en Polynésie française). Par ailleurs, le solde emploi-ressource des établissements locaux de Nouvelle-Calédonie reste quasiment stable à 134 milliards de francs Pacifique et ce solde s'est résorbé en Polynésie française pour passer de 102 milliards à 83 milliards de francs Pacifique. Les banques ne bénéficient pas d'un refinancement par la Banque centrale européenne (BCE) et le refinancement assuré par l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM), qui complète celui qu'assurent les maisons-mères, reste limité puisque le réescompte ne représentait que 13 % du solde emploi-ressource des banques en Nouvelle-Calédonie et 3,6 % en Polynésie française. Le taux de douteux de la place néocalédonienne malgré une augmentation d'un point en 2013 reste à un niveau raisonnable (2,9 %) tandis que celui de la Polynésie française s'est stabilisé à un niveau relativement élevé de 10,4 %.

Ainsi les banques commerciales locales assurent la grande partie du financement des entreprises à l'exception du crédit-bail et d'une partie des crédits aux grandes entreprises. Les dépôts locaux ne peuvent financer seuls les crédits octroyés par les banques et le solde qui représentait 23 % des dépôts en Nouvelle-Calédonie et 21 % en Polynésie française est financé principalement par les maisons-mères. Selon certains observateurs, l'accès au crédit pourrait être facilité s'il existait un mécanisme de refinancement comme celui de la BCE en Europe. Par ailleurs, les agents économiques soulignent l'importance des mesures incitatives d'investissement de l'État français dans les infrastructures, dans les entreprises locales et dans le logement social pour pérenniser un modèle de développement endogène de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.

Seconde séquence - Quelles politiques publiques de soutien à l'investissement productif ?

Jean-Pierre Philibert, Président de la FEDOM

Quel avenir souhaité pour les dispositifs nationaux de soutien à l'investissement productif ?

1. Rappel : contrairement aux idées reçues, les collectivités du Pacifique bénéficient imparfaitement de la solidarité nationale et européenne.

Les COM du Pacifique disposent de soutiens de l'État inférieurs à ceux des DOM...et de la France hexagonale :

- les dépenses budgétaires brutes s'y élèvent à 2,5 milliards d'euros (2013), soit 0,12 % du PIB français et 0,66 % des dépenses du budget général pour 0,82 % de la population nationale ;

- alors que les retards en terme de PIB par habitant, d'indice de développement humain et d'état sanitaire persistent, l'État dépense, par habitant, 20 % de moins dans les COM du Pacifique qu'en métropole (4 565 € contre 5 668 € en 2013) ; dans les DOM, l'écart est cinq fois moindre (4 %), avec même une égalité pour les quatre DOM « historiques » ;

- compte tenu de l'autonomie des COM du Pacifique, l'égalité sociale ne s'y applique pas. Le SMIC est inférieur de plus de 20 % aux montants nationaux en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie et inférieur de plus de 50 % à Wallis-et-Futuna. Ils ne bénéficient pas de transferts sociaux. Ils perdent donc une aide potentielle de 3,5 milliards d'euros, supérieure aux transferts budgétaires stricto sensu ;

- les COM du Pacifique bénéficient peu des 3,8 milliards d'euros de dépenses fiscales de la mission budgétaire outre-mer, les deux tiers d'entre-elles n'étant applicables que dans les DOM (cf. les dispositions relatives à la TVA) ; elles ne bénéficient pas des divers crédits d'impôts pour la compétitivité et l'emploi (CICE), pour la recherche (CIR), pour l'innovation (CII) et pour la transition énergétique (CITE), ni de leurs améliorations prévues dans les DOM par la loi de finances pour 2015 ;

- entre 2008 et 2013, l'État a ralenti le rythme de ses dépenses vers les COM du Pacifique : + 2,7 % sur la période, une augmentation trois fois inférieure à celle des dépenses de l'État et sept fois inférieure à celle en direction des DOM.

En matière d'aides européennes, les COM / PTOM 26 ( * ) du Pacifique sont singulièrement désavantagés par rapport aux DOM / RUP 27 ( * ) :

- entre 2007 et 2013, les PTOM du Pacifique ont perçu un peu moins de 60 millions d'euros du Fonds européen de développement (FED) ; durant la même période, les RUP françaises recevaient une aide de 3,8 milliards d'euros des fonds structurels ;

- malgré les augmentations prévues, l'écart va persister durant la période 2014-2020 : ainsi, par exemple, un Polynésien recevra 21 fois par habitant moins qu'un Guyanais, les dotations s'élevant respectivement à près de 30 millions d'euros et à 595 millions d'euros pour une population comparable ;

- l'État doit donc jouer son rôle et soutenir l'investissement, via le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) qui représente 500 millions d'euros en principe sur cinq ans (2013-2017) et les contrats de projet, actuellement renégociés.

Dans ce contexte, les blocages du bureau des agréments du ministère des Finances s'avèrent très préjudiciables pour les économies et nos 550 000 compatriotes des COM du Pacifique.

Nous avons de gros soucis avec les blocages, récurrents et quasi « idéologiques », du Bureau des agréments : pour les gardiens du dogme budgétaire, un bon investissement est un investissement... qui n'existe pas et ne coûte rien ! Et l'on ne peut ici accuser le RGEC 28 ( * ) (et sa définition de l' « investissement initial »)... qui ne s'applique que dans les six RUP, pas dans les cinq PTOM !

Les COM du Pacifique subissent également une « double peine » : car le coût économique et social du « non-investissement » n'apparait nulle part : Bercy ne comptabilise et ne prend en compte ni les populations ni les PIB des COM (se privant ainsi, délibérément, d'une douzaine de milliards d'euros pour les collectivités du Pacifique, qui pourraient et devraient s'ajouter à la richesse nationale).

2. Il convient donc, dès à présent, d'envisager une prolongation des dispositifs de défiscalisation après le 31 décembre 2017 et ce, pour une période suffisante.

Le dispositif national de défiscalisation dans l'ensemble des onze départements et collectivités d'outre-mer vise à promouvoir, par la mise en oeuvre d'incitations fiscales, les investissements productifs réalisés dans les secteurs de l'économie jugés prioritaires. Son maintien est donc essentiel. La FEDOM avait déjà interpellé sur ce point M. Thomas Degos, directeur général des outre-mer, le 5 Novembre 2014, à l'occasion du colloque sur les COM du Pacifique, tenu à l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement affirme régulièrement que la défiscalisation est garantie « au moins jusqu'en 2017 ». Mais les projets d'investissements structurants, qui par nature exigent de facto entre deux et quatre années de programmation et d'instruction, sont aujourd'hui interrompus, car les investisseurs n'ont, à ce stade, plus de visibilité au-delà de 2017. Les entrepreneurs locaux qui ont des projets à moyen terme se trouvent aujourd'hui contraints dans leurs démarches lorsqu'ils réalisent qu'ils n'ont aucune chance de voir des banques boucler leur plan de financement avec des mesures de défiscalisation qui s'arrêtent au 31 décembre 2017.

En effet, beaucoup de projets en devenir sont basés sur le calendrier prévisionnel suivant :

- courant 2015 : étude du projet/étude de marché/dimensionnement des investissements ;

- fin 2015 : chiffrage final et dépôt envisageable d'une demande d'agrément ;

- 2016 voire jusqu'à début 2017 : instruction du dossier d'agrément, laquelle prend actuellement de 12 à 18 mois pour des projets de moyenne taille (environ 5 à 10 millions d'euros) ;

- 2017, en cas d'agrément, reconsultation des entreprises pour vérifier leurs prix et disponibilité et lancement des commandes.

Dans ces conditions, il s'avère, selon les cas, difficile ou impossible d'achever l'investissement et de démarrer l'exploitation au plus tard pour fin 2017 comme le prévoient les textes, la date butoir du 31 décembre 2017 correspondant en effet à la mise en service effective de l'équipement. D'ores et déjà, des projets d'investissements « lourds » pesant plusieurs centaines d'emplois commencent à être bloqués et certains chefs d'entreprises envisagent d'investir à l'étranger.

Il faut donc, dès à présent, assurer de la visibilité aux entrepreneurs en prorogeant le dispositif d'aide à l'investissement sur une durée suffisante pour faire « redémarrer la machine à projets » et pour permettre aux banques locales d'accompagner lesdits projets sur la base de plans de financement qui pourront continuer à intégrer l'aide fiscale à l'investissement.

La demande faite à l'État par les socio-professionnels des DOM et des COM est donc de proroger les mesures de défiscalisation des investissements outre-mer jusqu'en 2025 29 ( * ) , voire 2027 pour disposer d'une période de dix ans, afin de redonner confiance aux chefs d'entreprise et de créer les conditions d'une véritable relance économique par le secteur productif. Nos adhérents, des DOM mais aussi des collectivités du Pacifique, soulignent que la proposition qui circule dans les ministères, consistant à rendre éligibles tous les dossiers déposés à l'agrément avant fin 2017, ne permettrait pas, eu égard à l'inertie inhérente à l'instruction de projets « lourds », de dégager une visibilité suffisante et ce, dès le milieu de l'année 2016. On ne gagnerait que quelques mois... Parallèlement, les dossiers des PME, réalisés en « plein droit », ne pourraient, dans une telle hypothèse de travail, prendre date par le dépôt d'un agrément. Ils seraient alors pénalisés au profit des dossiers avec agrément, ce qui constituerait une inégalité de traitement.

Une mesure de prolongation aurait vocation à être adoptée à l'occasion du prochain projet de loi de finances, ce qui n'empêchera pas, au cours des années qui viennent, de continuer à amender ou à améliorer les textes si les besoins s'en font ressentir. Parallèlement, des axes de développement ont été fixés par le Président de la République le 9 mai 2015 : (i) élargissement de la défiscalisation aux partenariats public-privé, (ii) extension du dispositif au secteur de la rénovation thermique des logements à la résorption de l'habitat insalubre (RHI). Les COM du Pacifique devront aussi bénéficier de telles avancées.

3. Perspectives et chantiers pour 2015-2017 : préparer l'après LODEOM.

La majeure partie des dispositions de la LODEOM du 27 mai 2009 arriveront à leur terme fin 2017. Il est politiquement, économiquement et socialement impensable que les régimes d'aide soient, à l'issue, brutalement interrompus.

Un projet de loi pourrait être présenté au premier trimestre 2017. Les deux prochaines années seront donc marquées par le grand chantier de « l'après LODEOM ». La FEDOM recueillera in situ 30 ( * ) , entre juin 2015 et mars 2016, les premières réflexions de ses adhérents.

Le « Livre blanc du développement productif ultramarin », élaboré par le think tank de la FEDOM, et voué à être présenté au quatrième trimestre 2016, pourrait proposer des pistes d'amélioration aux pouvoirs publics. En voici deux, susceptibles d'encourager l'investissement dans les COM du Pacifique.

1) Faire pleinement profiter les départements et collectivités des initiatives nationales et européennes en matière de relance de l'investissement public :

Le Président de la République a confirmé, le 17 mars dernier, une troisième levée de fonds pour le « Grand emprunt » après les 47 milliards d'euros du Programme d'investissements d'avenir (PIA) engagés en 2010 et 2013. On évoque cette fois un montant de 10 milliards d'euros. Cette troisième vague du programme devrait soutenir « la recherche fondamentale dans toutes les disciplines, y compris les sciences sociales ».

Les outre-mer, contrairement à 2010, devraient bénéficier pleinement de ce PIA. Ils ont présenté depuis cinq ans des initiatives intéressantes, notamment dans le domaine des énergies renouvelables comme par exemple l'énergie thermique des mers (ETM) à Tahiti. Les projets existent donc, mais le potentiel ultramarin demeure singulièrement sous-valorisé, car en 2010, il a manqué, de la part du ministère de l'outre-mer, une véritable impulsion politique , un volontarisme qui aurait donné aux départements et collectivités d'outre-mer une meilleure visibilité ; cette passivité a fait perdre beaucoup de temps aux outre-mer.

Si l'on appliquait un ratio de 2,5 % aux 10 milliards d'euros évoqués, ce qui correspond au poids estimé des outre-mer (environ 55 milliards d'euros dans le PIB français (environ 2 200 milliards d'euros) en 2015, on obtiendrait alors un « fléchage » de 250 millions d'euros consacrés aux outre-mer, dans des domaines tels que les énergies marines (où les DCOM sont en pointe), ou la recherche sur la biodiversité. Or, ces 250 millions d'euros correspondent au manque à gagner constaté pour le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), puisqu'à ce stade, la promesse présidentielle (500 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur 2013-2017) ne sera vraisemblablement pas tenue : nous en sommes à 140 millions d'euros sur 2013-2015.

Les COM du Pacifique, pour leur part, pourraient légitimement demander une clé de répartition d'une soixantaine de millions d'euros.

De surcroît, on serait totalement en phase avec le courrier adressé le 10 mars 2015 par le député européen Younous Omarjee, demandant à ce que des dépenses du « Plan Juncker » - 315 milliards d'euros du Fonds européen d'investissements stratégiques (FEIS) 31 ( * ) , dont 21 milliards d'euros de crédits publics stricto sensu - soient « fléchées » sur des projets emblématiques dans les outre-mer (économie marine, NTIC, énergies renouvelables et notamment la géothermie, infrastructures portuaires aux Antilles, travaux routiers à Mayotte...), lesquels ont vocation à être dûment recensés par les administrations compétentes. Il serait en effet absurde que le FEIS ne bénéficie pas aux territoires, jeunes, où les besoins en investissements sont les plus importants. Il est donc important qu'au sein de la négociation qui s'ouvrira entre les institutions sur le FEIS, le Conseil européen défende l'éligibilité des PTOM au dispositif.

2) Dégager des marges de manoeuvre budgétaires en prenant en compte les PIB des cinq COM et de la Nouvelle-Calédonie dans le PIB national :

Les marges de manoeuvre, à ratio constant de déficit / PIB , sont importantes : environ 607 millions d'euros évalués au titre de 2014 en prenant en compte une estimation de 13,5 milliards d'euros de PIB cumulés pour ces six collectivités, dont près de 12,3 milliards d'euros pour les trois collectivités du Pacifique.

Alors que les dépenses de l'État vers lesdites collectivités (2,7 milliards d'euros) sont dûment comptabilisées au numérateur, il est difficile de comprendre pourquoi la France, par convention statistique, s'acharne à ne pas vouloir prendre en compte les richesses de tous ses territoires, se privant délibérément d'une quinzaine de milliards d'euros, montant qui lui permettrait d'accroître de près de 0,7 % son PIB (pour rappel : la croissance du PIB a été de 0,2 % en 2014).

Il conviendrait donc que la France obtienne de l'UE une modification de son périmètre géographique économique et, au moins, de la directive « ressources propres » du 26 juillet 1991.

Cette modification serait légitime et « euro-compatible », toutes les COM (et tous les PTOM) françaises participant à l'élection au Parlement européen, contrairement aux PTOM des autres États membres.

Elle permettrait notamment de financer les mesures du Pacte de responsabilité dans les COM où ne s'appliquent pas les dispositifs sociaux et fiscaux de droit commun , comme le CICE ou le CIR/CII :

Au moins la moitié de la marge de manoeuvre nette (soit près de 235 millions d'euros 32 ( * ) ) pourrait être destinée à faire l'objet :

- d'investissements publics structurants dans les COM concernées : FEI (cf. supra : mise aux normes sismiques à Wallis-et-Futuna, par exemple), soutien au secteur du logement en Nouvelle-Calédonie, mise à niveau de l'assainissement en Polynésie ;

- d'un renforcement du Service Militaire Adapté (SMA) dans le Pacifique ;

- d'amélioration de la bonification des prêts de l'AFD (aujourd'hui, 28,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement, sur le budget du ministère des outre-mer) et d'accélération de l'installation de la BPI dans les COM (en particulier en Polynésie française), notamment sur des projets à forte dimension environnementale : accélération de la mise aux normes sismiques, eau et assainissement, gestion des déchets ménagers, biodiversité.

Ce processus aurait pu être enclenché dans le cadre de la « loi Macron », censée favoriser l'activité et... la croissance. Un amendement avait été déposé au Sénat en ce sens 33 ( * ) par le sénateur Magras, président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer. Mais le ministre de l'économie a écarté l'amendement de façon lapidaire en séance, le 8 avril 2015 : « L'Insee mesure déjà la richesse des collectivités d'outre-mer 34 ( * ) . De plus, en vertu des règles européennes, l'intégration que vous proposez n'est pas possible ».

Cette disposition aurait donc plutôt vocation à être mise en oeuvre, à l'issue de la modification du périmètre communautaire susmentionnée, lors de la promulgation de la loi qui succèdera à la LODEOM.

ANNEXE : Statistiques comparées : COM du Pacifique, outre-mer, métropole

2008-2015

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis et Futuna

Total COM du Pacifique

11 DCOM

Métropole

Parlementaires

4

5

2

11

48

854

Sup. terrestre (M. km²) [densité, 2013]

18,75

[14 hab./km²]

4,17

[83 hab./km²]

0,14

[86 hab./km²]

23,06

[23 hab./km²]

123,25

[22 hab./km²]

551,7

[115 hab./km²]

ZEE (M. km²)

1,36

4,80

0,27

6,43

9,82

0,35

Pop., 2015 (hab.), est.

270 000

272 100

11 000

533 000

2 720 000

64 204 000

% de - de 20 ans, 2013 (%)

33,5

(2011)

34

37,7

e : 33,8

e : 33,7

24,4

Naissances, 2013

4 389

(2012)

4 200

132

e : 8 700

e : 45 800

781 621

Tx. croissance annuel pop. (%)

1,8

(2009-2014)

0,6

(2007-2012)

- 1,9

(2008-2013)

e : 1,1

e : 1

0,5

(2006-2013)

Tx. inflation, 2014

0,2

0,3

0,4

e : 0,3

e : 0,5

0,5

Projections pop. (e : 2040)

330 000

333 000

11 000

674 000

3 650 000

70 734 000

PIB (Mds. €), 2012

7,17

e : 4,8

(4,59 en 2010)

e : 0,2

(0,15 en 2005)

e : 12,17

e : 51,8

1 995,79

PIB / hab. (€), 2012

27 787

ND

(16 676 en 2011)

ND

(10 100 en 2005)

e : 22 000

e : 19 000

31 420

SMIC (€), 1/1/2015 [% niv. national]

7,54

[78,5]

7,58

[78,9]

4,47

[46,5]

NS

DOM, COM Atlantique : 9,61

Mayotte : 7,26

9,61

Tx. Chômage (% pop. act)

13,3

(2009)

21,8

(2012)

11,8

(2013)

e : 20

e : 24

10

(2014)

Dép. Etat/hab. €, (2013)

4 567

4 444

7 208

4 565

5 198

5 668

Fonctionnaires Etat [% pop.], ETP, 2012

9 000

[3,46]

9 999

[3,72]

660

[5,41]

19 659

[3,63]

97 974

[3,64]

2 187 631

[3,44]

Nombre de touristes, 2013

107 700

164 400

ND

e : 273 000

e : 2 556 000

84 700 000

Trafic de passagers-aéroports, 2013

1 276 400

2 247 400

56 300

3 580 100

10 606 200

161 305 000

Trafic portuaire, KT brutes, 2013

7 513

901,5

ND

e : 8 415

e : 20 538

321 500

ENR /prod. électrique (%), 2012

24

19,4

2,9

e : 21

e : 30,7

13

Ménages propriétaires (%)

62,1

(2009)

71,2

(2012)

87,3

(2008)

e : 67,7

(2011)

e : 56

(2011)

57,8

(2011)

N. entreprises (ICS), 2013

45 520

23 111

444

69 075

222 780

3 643 336

Nombre de salariés du privé, 2014

65 556

46 736

828

113 120

e : 450 000

17 449 800

(2013)

Hab. / guichet bancaire, 2013

2 383

4 048

3 638

e : 3 265

ND

1 721

Tx. créances douteuses, %, 2014

2,9

10,4

14,7

e : 7

e : 8,6

(2012)

4,9

(2012)

Frais tenue de compte (€/an), 2014

30,1

36,5

58,7

33,5

23,7

(DOM)

8,4

Sources : TdB-FEDOM, d'après IEOM-IEDOM, INSEE, ISPF et ISEE. e : estimations ; ND : données non disponibles ; NS : non significatif.

Alain Rousseau, Directeur général des outre-mer

Je suis heureux de rencontrer ceux qui seront mes partenaires pour discuter des questions qui ont trait à l'avenir des outre-mer.

Le coeur du monde s'est rapproché de nos archipels du Pacifique. De ce point de vue, des opportunités sont à saisir, tout en restant réaliste. L'action publique apparaît déterminante pour que les potentiels puissent s'exprimer. C'est la raison pour laquelle l'État soutient les initiatives locales. Le développement économique, qui se trouve au coeur des préoccupations de l'État, est porté par le ministère des outre-mer, dans un concert interministériel qui vise à ce que les outils les plus adaptés soient mis au service des entreprises.

Je souhaite également rappeler que l'action économique de l'État ne s'adresse pas uniquement aux entreprises. Ainsi, l'action se déploie aussi sur le volet infrastructurel, sur la formation et sur des handicaps qu'il convient de combler, le plus souvent au profit des collectivités.

Les plans de développement ont ainsi représenté 29 millions d'euros pour les trois contrats qui se terminent. La politique contractuelle augmente dans ces volumes de crédits effectués aux collectivités du Pacifique.

Un troisième instrument financier a été mis en place à destination de la Polynésie. Il représente un effort annuel de 50 millions d'euros. Le Fonds exceptionnel d'investissements qui est spécifique aux outre-mer du Pacifique, s'ajoute à ces instruments ; il représente lui aussi un engagement de 50 millions d'euros en moyenne par an.

Nos pays et territoires d'outre-mer (PTOM) peuvent en outre souscrire au fonds du fonds européen de développement (FED), qui affiche une augmentation sensible. Les outils des opérateurs ont été évoqués plus tôt : l'AFD, présent depuis longtemps dans le Pacifique ; la BPI qui arrive, avec le soutien du ministère des outre-mer.

En outre-mer, au cours des dernières années, nous avons fourni des efforts qui ont permis, globalement, de maintenir les dotations, voire de les augmenter, tant en fonctionnement qu'en investissement, dans un contexte d'attrition budgétaire.

S'agissant du volet de la défiscalisation, nous avons conscience du caractère essentiel de cet outil au bénéfice des entreprises. De 2009 à 2015, 210 opérations d'investissement ont été réalisées, pour un montant d'environ 900 millions d'euros. Il convient donc de prolonger ce dispositif. Le débat est engagé sur le plan interministériel.

Le ministère des outre-mer a parfaitement conscience du fait que les entreprises ont besoin d'une visibilité au-delà du 31 décembre 2017, car les cycles économiques ne sont pas compatibles avec des délais très rapprochés. Reste à savoir si nous poursuivrons comme avant, si nous adaptons le dispositif fiscal ou si nous nous orientons vers des dispositifs qui comprendraient une partie budgétaire ; le débat reste ouvert.

Sur ce sujet, le gouvernement entend assez vite prendre des positions, au moins pour la question de la période transitoire : que deviennent les dossiers qui s'engagent aujourd'hui, juste après la période de fin théorique du dispositif ? Reste à savoir quel dispositif sera maintenu après 2017, avec éventuellement des modifications au bénéfice des entreprises.

Le ministère des outre-mer participe activement à ce débat, aux côtés de Bercy. Dans les mois à venir, j'invite les partenaires à s'engager également dans ce débat et à faire des propositions sur la suite à donner à ce dispositif de défiscalisation.

Daniel Ochida, Co-président du MEDEF en Nouvelle-Calédonie

Dans son intervention lors du colloque du 5 novembre 2014, M. Jean-Pierre Philibert, président de la FEDOM, avait utilement rappelé quelques chiffres pour positionner l'accompagnement de l'État dans les COM :

- les COM du Pacifique disposent de soutien de l'État inférieurs à ceux des DOM et la Nouvelle-Calédonie bénéficie d'un montant de dépenses budgétaires par habitant de 4 567 euros contre 5 668 euros pour la métropole, soit un ratio de 80,5 % ;

- l'État intervient en Nouvelle-Calédonie surtout par la mise à disposition de personnels - 9 556 personnes recensées au 31 décembre 2013 35 ( * ) - ou une participation aux contrats de projets ;

- l'autonomie des COM en matière sociale (régimes sociaux autonomes) « dispense » l'État de son soutien financier aux régimes de solidarité. La dépense (l'économie) est estimée à 3,5 milliards d'euros !

Les dispositifs existants : France et Union européenne

Les financements en provenance de la métropole

- Transferts de l'État (millions d'euros)

Données annuelles

2013

Dépenses de personnel et de pensions

811

Dépenses de fonctionnement

182

Dépenses d'investissement propres

17

Dépenses d'intervention

244

Dépenses des opérateurs

46

Autres dépenses

6

Total

1 306

Source : Trésor Public/Trésorerie Générale de Nouvelle-Calédonie

* Dépenses de la Trésorerie Générale de la Nouvelle-Calédonie, y compris les soldes des personnels militaires payées par la Métropole. Unité : million d'euros

La prévision des transferts de l'État vers la Nouvelle-Calédonie est dans le projet de loi de finances pour 2015 de 1,214 milliard d'euros , soit 144 868 millions de francs Pacifique. On constate cependant la stagnation des transferts depuis 2010, alors que les effectifs des fonctionnaires d'État en Nouvelle-Calédonie sont stables ou en progression sur la période 2010-2013.

6 437 fonctionnaires d'État sont recensés en 2014. Ce chiffre ne tient pas compte des militaires et des personnels de sécurité.

- Contrats de développement

Intervention de l'État par contrat et par collectivité

en millions d'euros

2011-2015

État/province des îles Loyauté

56

État/province Sud

73

État/province Nord

98

État/communes des îles Loyauté

6

État/communes du Sud

10

État/communes du Nord

20

État/Nouvelle-Calédonie

16

État/Inter collectivité

31

Contrat d'agglomération (a)

57

Évaluation des contrats

0

Total

368

Source : Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie

Les contrats se destinent majoritairement vers le logement social et les infrastructures de transport routier.

- Aides fiscales (défiscalisation)

Les montants de l'aide fiscale sont en constante régression, passant pour les COM de 379 millions d'euros pour 76 agréments en 2009 à 162 millions d'euros pour 56 agréments en 2012. Pour la Nouvelle-Calédonie, ils sont même réduits de moitié sur la même période, puisque l'aide fiscale est passée de 222 millions à 114 millions d'euros. L'année 2013, si elle voit la diminution du nombre d'agréments se poursuivre, enregistre une aide en augmentation, qui s'est élevée à 445 millions d'euros, selon le Haut-Commissariat, en lien essentiellement avec deux projets hôteliers.

Les financements en provenance de l'Union européenne
(extraits de l'intervention de M. Jean-Pierre Philibert, le 5 novembre 2014)

« Contrairement aux DOM, les COM du Pacifique ne peuvent pas compter sur les crédits d'investissements des fonds structurels de l'Union européenne pour pallier un éventuel désengagement de l'État.

En effet, les COM du Pacifique, en tant que Pays et territoires d'outre-mer (PTOM) régis par la décision d'association du 25 novembre 2013, ne bénéficient pas de ces fonds européens, contrairement aux Régions ultrapériphériques (RUP, dont font partie les cinq DOM et la COM de Saint-Martin) : elles disposent de crédits du Fonds Européen de Développement (FED), moins important et particulièrement complexes à mettre en oeuvre, d'autant plus que la Délégation de l'UE dans le Pacifique n'est pas installée dans l'une de ces collectivités, mais à Fidji.

Les différences de montants sont substantielles : entre 2007 et 2013, les RUP françaises ont bénéficié de 3,83 milliards d'euros ; quasiment au même moment (X e FED : 2008-2013), les trois COM du Pacifique disposaient, au total, de crédits de 58,5 millions d'euros, soit une somme 65 fois inférieure.

Les différences sont tout aussi importantes en matière de dépenses par habitant. Ainsi, en ce qui concerne la programmation 2014-2020, en cours de finalisation, la Guyane (257 000 habitants estimés en 2014) devrait bénéficier de 594,7 millions d'euros (+ 23,1 % par rapport à la précédente programmation), soit 2 314 euros par habitant. La Polynésie française (270 500 habitants estimés en 2014), pour sa part, devrait bénéficier, pour la période 2014-2020 (XI e FED), d'une enveloppe en hausse appréciable de 51,1 %, et disposer de 29,9 millions d'euros. Pour autant, à population comparable, un Polynésien ou calédonien ne disposera que de 111 euros d'aide européenne, c'est-à-dire une dotation presque 21 fois inférieure à celle dévolue à un Guyanais . »

- Aides européennes aux PTOM français

Unité : million d'euros

X e FED

(2008-2013)

XI e FED

(2014-2020)

Dotation initiale

Dotation initiale

Nouvelle-Calédonie

19,8

29,8

Les financements dont bénéficient les DOM mais pas les COM en raison de nos statuts spécifiques sont :

- le crédit impôt compétitivité emploi (CICE) ;

- le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) ;

- le crédit d'impôt de l'article 244 quater X et W du code général des impôts issu de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.

Pourquoi l'aide fiscale à l'investissement outre-mer est-elle si utile ?

Les éléments de réponse transparaissaient dans le rapport des sénateurs Serge Larcher et Éric Doligé intitulé L'aide fiscale à l'investissement outre-mer, levier incontournable du développement 36 ( * ) .

C'est à la fois un instrument de compensation des contraintes structurelles pesant sur les économies ultramarines (étroitesse des marchés locaux, manque d'attractivité, isolement, difficulté à réaliser des économies d'échelle) et un outil fiscal de soutien à l'investissement productif (palliatif au manque de fonds propres, accès au financement bancaire facilité, sécurisation des projets). Elle a un effet « booster » sur le logement social qui répond à un besoin crucial. Elle contribue au rééquilibrage territorial et à l'amélioration du tissu économique. Elle soutient l'insertion régionale, notamment par la dynamisation du tourisme.

Ce rappel de la nécessité de l'aide à l'investissement comme « compensateur » de compétitivité a été développé dans les travaux de l'AFD 37 ( * ) . Le phénomène compensateur d'accès au capital à moindre coût ne vient cependant pas totalement éliminer le manque de compétitivité mais permet le développement économique qui n'aurait pas eu lieu sans le dispositif d'aide fiscale.

Ces travaux ainsi que les nombreux rapports de la Cour des comptes ou de l'Inspection générale des finances mettent l'accent tantôt sur les dérives comptables, tantôt sur les excès de cette forme de « protection », mais ils occultent également l'impact réel de ces dispositifs sur l'économie des outre-mer.

Finalement pour l'outre-mer comme pour la métropole le débat est similaire : qu'adviendrait-il de certaines entreprises, voire de pans entiers de l'économie, sans aides particulières ?

L'aide fiscale pour la Nouvelle-Calédonie représente 0,1 % du budget général de la France, mais ce 0,1 % contribue à la création et au maintien de l'emploi, au développement du logement social (900 logements par an depuis dix ans), au maintien de la cohésion sociale et au développement économique du territoire qui est le troisième pays du Pacifique en matière de PIB par habitant. Elle permet aussi le rayonnement de la France dans la région Pacifique. Ce 0,1 % est indispensable à la Nouvelle-Calédonie et à son développement.

Le ralentissement constaté de l'économie calédonienne depuis trois ans coïncide avec la diminution des aides pour l'investissement productif et pour le logement intermédiaire en provenance de la métropole. Pourtant, s'il faut éviter un raccourci facile, cet apport de financement pour les entreprises est bien essentiel pour supporter la reprise d'un cycle économique de croissance.

La Nouvelle-Calédonie est engagée dans le développement économique de plusieurs filières ou secteurs.

Elle a lancé des travaux sur la stratégie territoriale de l'innovation devant conduire à la définition des objectifs de développement de filières et des moyens d'accompagnement identifiés. Elle développe une stratégie export (hors nickel) pour valoriser l'agriculture, l'industrie de transformation et les services et améliorer les échanges et relations extérieures. Elle a défini une politique du tourisme autour de plusieurs axes de développement : un tourisme de niche, durable et équitable tourné vers nos voisins australiens et néo-zélandais ; l'essor des touristes chinois dans le Pacifique qui ne doit pas échapper à la Nouvelle-Calédonie ; le développement maîtrisé des croisiéristes.

En matière de production locale, les objectifs sont de minimiser le poids des importations et de développer l'exportation. La politique agricole vise, par exemple, l'autosuffisance alimentaire. En matière de logement, la Nouvelle-Calédonie a relancé la construction de logements sociaux et intermédiaires (2 000 par an).

S'il est plus qu'une nécessité pour les COM, l'accompagnement de la France sur la période 2015-2022, pour soutenir la croissance économique des COM et l'amélioration du niveau de vie des populations - qui se manifestera dans l'emploi et dans des conditions d'habitat meilleures - est surtout un investissement rentable pour la France dans la zone Pacifique en fort développement économique.

ANNEXE

Xavier Benoist, Président de la Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie

Je souhaite tout d'abord revenir sur un exemple concret de défiscalisation, car je crois que l'accompagnement économique d'un territoire présente du sens économique et se doit d'être concret.

Il est question de « rééquilibrer » le Nord et le Sud, ainsi que l'Est et l'Ouest en Nouvelle-Calédonie ; s'il s'agit d'une belle idée, elle doit présenter du fond. L'exemple de BlueScope, entreprise connue notamment pour ses tôles, donne du sens au rééquilibrage économique et social entre le Nord et le Sud. Sans la défiscalisation, l'entreprise n'aurait pas disposé de fonds propres, ni des financements bancaires afférents.

Je souhaite par ailleurs faire un point sur le financement de l'économie en Nouvelle-Calédonie. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de M. Robert, de la BRED, tout à l'heure. Je regrette qu'il n'ait pas été présent au comité de financement et de médiation du crédit en Nouvelle-Calédonie.

En effet, lors de ce comité, il nous a été expliqué que les banques faisaient très bien leur travail en Nouvelle-Calédonie et que l'accès au crédit connaissait une légère baisse pour les PME et les TPE ; la raison alléguée pour justifier cette situation étant que les entrepreneurs calédoniens n'avaient pas de projets ! Ceci m'avait énervé. J'ai donc apprécié que M. Robert nous présente une autre approche de l'accès à ce crédit.

À l'heure actuelle, le financement bancaire pour les entreprises et le financement de l'économie réelle par le financement bancaire sont en diminution. C'est la raison pour laquelle nous nous battons pour que la BPI intervienne, comme l'État l'a annoncé clairement en Nouvelle-Calédonie.

La défiscalisation est un outil qui a accompagné l'ensemble des investissements productifs en Nouvelle-Calédonie au cours des dernières années. Il existe un enjeu de compensation du coût de l'insularité.

Le fait de supprimer la défiscalisation ou de ne pas accorder de délai au-delà de 2017 reviendrait à supprimer le peu de croissance restante pour le développement de nos industries.

Nous restons ouverts pour discuter de solutions alternatives, qui devront être expérimentées et se révéler au moins aussi efficaces que la défiscalisation telle que nous la connaissons à l'heure actuelle.

Parmi les travaux que nous avons menés au niveau de la Fédération des industries, avec la représentation patronale du Pacifique Sud, nous proposons, pour des projets structurants, de développer un fonds du Pacifique. Par ailleurs, nous proposons la création d'un organisme de placement collectif d'investissement productif (OPCIP) spécifique.

L'engagement de la France à accompagner le développement économique de la Nouvelle-Calédonie, et plus particulièrement son industrie et son outil de production, passe par un maintien de la défiscalisation, au-delà de 2017.

Je redis pour conclure que nous sommes prêts à proposer des solutions pour le développement de solutions innovantes, qui devront être expérimentées et se montrer au moins aussi efficaces que le système de défiscalisation que nous connaissons.

ANNEXE

Franck Adrai, Directeur du groupe SDA-Premium Water et membre du Syndicat des industriels de Polynésie française

Je suis présent pour procéder à un retour d'expérience de l'utilisation du système de défiscalisation par le groupe Brasserie de Tahiti. C'est en effet probablement le groupe industriel le plus important en Polynésie. Il regroupe 670 salariés, pour un chiffre d'affaires de 147 millions d'euros en 2014.

Le Groupe Brasserie dispose de vingt années d'expérience en matière de défiscalisation. Il produit de l'eau de source (extraction et embouteillage) et de la bière (la bière Hinano et la Heineken fabriquée localement). Le groupe a investi en Polynésie, à hauteur de 181 millions d'euros au total, ce qui a été rendu possible grâce à l'outil de défiscalisation.

De 1995 à 2004, la maison-mère a investi 81 millions d'euros sur la décennie, dont 37 millions ont été financés par la défiscalisation, soit 46 %.

En revanche, au cours de la décennie suivante, de 2005 à 2014, l'investissement a chuté à 59 millions d'euros. Quant au taux de financement en défiscalisation, il est descendu à 13 millions d'euros, soit 22 %. La participation en défiscalisation a été quasiment divisée par deux.

En vingt ans, 140 millions d'euros ont donc été investis, ce qui correspond à 125 % des bénéfices durant cette période. En moyenne, 36 % de l'investissement ont été apportés par la défiscalisation.

Il apparaît ainsi que la défiscalisation ne permet pas seulement de prendre en charge une partie de l'investissement, mais qu'elle constitue également un véritable produit dopant pour l'investissement et qu'elle permet d'augmenter considérablement les budgets.

Par ailleurs, 120 emplois permanents ont été créés dans la période, puisque les effectifs sont passés globalement de 280 à près de 400 personnes à la fin de l'année 2014.

La défiscalisation représente donc un formidable outil de création d'emplois, dont nous avons besoin dans nos territoires d'outre-mer.

Je conclurai en évoquant des pistes d'amélioration.

La procédure d'octroi en agréments par Bercy est lourde et présente une inertie parfois très importante. Qui plus est, elle est en général incompatible avec les besoins des investisseurs et produit des décisions qui peuvent parfois sembler arbitraires.

Il importe d'examiner ce qui peut être amélioré dans ces critères d'octroi. Nous pouvons suggérer à cet effet de prendre en compte les avis des services de l'État présents sur les territoires.

Le Haut-commissariat en Polynésie dispose d'un pôle économique, qui pourrait tout à fait être sollicité dans le cadre d'études de projets en défiscalisation.

Qui plus est, l'obtention d'aides en défiscalisation constitue un véritable stimulant pour l'investissement, y compris pour les plus grandes entreprises, qui entraînent dans leur sillage les entreprises plus petites.

Pour conclure, je dirais que le dispositif au sein du groupe Brasserie de Tahiti a prouvé son efficacité et sa pertinence économique. Il peut être optimisé sur le plan des critères d'octroi et la mise en place de garde-fous, afin d'éviter toute dérive dans son utilisation.

Philippe Wong, Président-directeur général de la Compagnie polynésienne de transport maritime (CPTM)

Présentation de la société et de son activité

La CPTM exerce une activité d'armateur et exploite un navire qui dessert les îles de l'archipel éloigné des Marquises, à environ 1 600 km de l'île de Tahiti, depuis plus de 35 ans.

La CPTM transporte ainsi marchandises et touristes, au cours de trajets qui durent en moyenne 14 jours, au rythme de 16 à 17 rotations par an.

Le transport maritime pour une région excentrée comme les Marquises est indispensable en complément des moyens de transport aériens :

- sur les six îles habitées des Marquises, seules quatre sont dotées d'un aéroport ;

- le navire Aranui 3 dessert plusieurs baies sur chacune des six îles habitées, ce qui favorise la circulation au sein de l'archipel, en plus de permettre l'approvisionnement des villages les plus reculés ;

- le transport maritime représente environ 99 % du volume de marchandises acheminées vers l'archipel (principalement des denrées alimentaires, des matériaux de construction et des hydrocarbures), et l'Aranui 3 en assure plus 60 %.

Les distances parcourues de Tahiti aux Marquises représentent 800 miles nautiques (1 500 km), soit trois jours de mer et un total de distance parcourue pour un voyage complet aller-retour de plus de 1 800 miles nautiques (3 300 km).

La société, bien que n'étant pas sous le régime d'une délégation de service public, effectue incontestablement une mission de service public en contribuant à assurer la continuité de la desserte territoriale depuis plus de 35 ans.

À ce titre, elle se doit de disposer en permanence d'un navire performant et en toute sécurité.

Ainsi, la société a au cours des quinze dernières années, été amenée à financer deux navires.

L'un livré en 2002 - le navire actuel Aranui 3 - et l'autre qui est en cours de d'achèvement et viendra remplacer l'Aranui 3 en fin d'année : l'ARANUI 5.

Ces deux programmes d'investissement ont bénéficié des dispositifs d'aide à l'investissement productif :

- l'Aranui 3 a bénéficié de l'aide à l'investissement métropolitaine de l'époque issue de la loi Pons ;

- l'Aranui 5 bénéficie de l'aide à l'investissement polynésienne et bénéficiera en fin d'année de l'aide à l'investissement métropolitaine actuelle issue de la LODEOM.

Pourquoi le bénéfice de ces aides a été essentiel à l'entreprise ?

Pour le navire actuel Aranui 3, le bénéfice de l'aide fiscale métropolitaine a permis à la société, qui est une petite PME, d'acquérir en 2002 un navire neuf, en remplacement du précédent navire âgé alors de plus de 31 ans.

Sans aide rien ne se serait passé. L'acquisition d'un navire neuf répondant aux normes aurait été impossible, puisque les banques n'étaient pas en mesure de prêter plus que ce qu'elles ont apporté au plan de financement.

Le bénéfice de l'aide métropolitaine a clairement permis à l'entreprise d'assurer la pérennité, ainsi que la croissance de son activité, et d'augmenter ses emplois directs. L'aide fiscale a également été un vecteur de développement économique pour les Marquises générant des emplois indirects et des retombées économiques dans ces îles.

Pour le nouveau navire en cours de construction - l'Aranui 5 - les aides à l'investissement permettent là encore clairement la réalisation d'un investissement neuf que la société n'aurait pu financer avec le seul concours des banques.

Les aides à l'investissement permettent, en sus du maintien d'un outil de production aux normes internationales, d'assurer un développement économique pour l'entreprise en améliorant son offre pour répondre aux demandes du marché.

Le bénéfice des aides permet à la CPTM de créer des emplois directs comme des emplois indirects dans les îles desservies et d'améliorer les retombées économiques, estimées à 3,3 millions d'euros par an, dans ces iles éloignées.

Les facteurs-clefs

La pérennité des dispositifs et la visibilité pour les entreprises sont essentielles : des programmes d'investissement de cette taille (23 à 30 millions d'euros) ont mis en moyenne quatre à cinq ans chacun à voir le jour (un an d'étude, deux ans pour le bouclage des plans de financement, le temps notamment d'obtenir les accords en défiscalisation, et deux ans de construction). Aussi, le facteur clef a toujours été pour les entreprises de bénéficier de visibilité, c'est-à-dire d'avoir la certitude du maintien sur la durée de ces dispositifs, qui bénéficient aux projets à leur achèvement, soit quatre ou cinq ans après que l'entreprise a commencé à les imaginer.

Aujourd'hui, si une société comme la CPTM commence à étudier un projet similaire avec une durée de maturation aussi longue, l'aide métropolitaine lui est immédiatement refusée au motif que le dispositif ne peut bénéficier qu'aux investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2017.

Il n'y aurait donc pas de développement économique possible.

Ayant connaissance de cet état de fait, les entrepreneurs des COM du Pacifique sont « en attente » et n'étudient aujourd'hui plus de projets significatifs dont la réalisation - c'est-à-dire l'achèvement - interviendrait postérieurement au 31 décembre 2017, date d'échéance actuelle de l'aide métropolitaine.

Il faut que les entreprises reçoivent l'assurance de pouvoir bénéficier de l'aide à terme - encore une fois, elle intervient à l'achèvement des projets - mais aussi des assurances sur son montant : une fois les études techniques et financières achevées, un projet n'est lancé et la commande engagée que lorsque que le plan de financement est bouclé de manière certaine. Un autre facteur clef dans la réalisation de projet est donc de figer les différentes composantes du plan de financement (accords bancaires, montants des aides). Or ces dernières années les évolutions de doctrine de l'administration fiscale l'ont amenée, après avoir confirmé le principe du bénéfice de l'aide, à ne pas en confirmer le montant avant la réalisation du projet, faisant peser une incertitude importante sur leur réalisation même.

Le fait de ne pas figer le niveau d'aide oblige la société à remettre en cause le lancement du projet ou à avoir recours à un endettement plus élevé, qui peut parfois être de nature à mettre en péril son activité en cas d'imprévu.

QUATRIÈME TABLE RONDE - VALORISER LES POTENTIELS DE L'ÉCONOMIE VERTE ET BLEUE : QUELS RELAIS DE CROISSANCE DURABLE ?

Introduction

Robert Laufoaulu, Sénateur des îles Wallis et Futuna

Après avoir eu le plaisir d'intervenir ici même en janvier 2013 lors du colloque sur « La France dans le Pacifique : quelle vision pour le 21 e siècle », organisé par notre délégation à l'outre-mer en partenariat avec le quai d'Orsay et qui avait emporté un beau succès, je suis heureux de constater que cette nouvelle journée consacrée au Pacifique a encore suscité une forte mobilisation, dans la sphère économique comme dans un public plus large attiré par un programme extrêmement dense et prometteur.

Notre quatrième table ronde, centrée sur la mise en valeur des potentiels, sur les réalisations innovantes et les projets porteurs d'avenir en termes de développement durable et de prise en compte des évolutions climatiques, offrira une palette d'illustrations afin de contribuer à la prise de conscience collective - une prise de conscience qui, je l'espère, s'emparera des décideurs pour faire de la recherche fondamentale comme de la recherche appliquée et de leur traduction industrielle en filières organisées une priorité des politiques publiques.

Nos territoires ultramarins, en particulier nos collectivités du Pacifique, particulièrement exposés aux effets du dérèglement climatique, sont au coeur de cette prise de conscience.

Sentinelles qui, aux avant-postes, subissent ces dérèglements dans leurs manifestations les plus violentes, nos territoires sont aussi, et corrélativement, pionniers dans la conduite à tenir en termes d'appropriation de ces phénomènes et des transformations profondes qu'ils induisent.

Territoires terrestres et maritimes où naissent des projets pilotes innovants, nos collectivités voient se multiplier les initiatives émanant de la sphère économique comme de la sphère publique. Des réalisations magistrales montrent l'intérêt de créer des synergies et de développer des partenariats pour une efficience majorée. Je pense bien sûr à la campagne d'exploration scientifique de la ZEE de Wallis-et-Futuna pour la recherche des ressources minérales profondes, dont l'approvisionnement est devenu un enjeu stratégique au plan mondial. Cette campagne est mise en oeuvre dans le cadre d'un partenariat public-privé associant des entités publiques telles que l'Ifremer et le BRGM et les entreprises privées que sont ERAMET et Technip. D'autres démarches structurantes, au plan local, sont également révélatrices d'une évolution favorable : je citerai pour la Nouvelle-Calédonie la mise en place par l'ADECAL de centres aquacoles en vue de valoriser certaines productions haut de gamme, comme celle de la fameuse crevette bleue ou d'explorer les nombreuses applications liées à la culture des micro-algues. Je citerai également la Polynésie française où l'appréhension de la transversalité et de l'importance de l'enjeu maritime a donné lieu, dans le gouvernement actuel, à la désignation d'un ministre de la relance économique et de l'économie bleue.

Ces observations sont symptomatiques d'une évolution des mentalités et de l'émergence d'une volonté selon laquelle les politiques publiques doivent désormais s'étalonner sur le critère environnemental afin de préserver et valoriser un patrimoine exceptionnel, notamment maritime, qui confère à nos territoires leur caractère attractif - je pense bien sûr au développement d'un secteur clef, le tourisme. La prise en compte de la dimension environnementale, comme moteur de l'innovation, comme moteur d'activité et non comme facteur d'immobilisme et de « mise sous cloche », doit devenir la pierre angulaire de l'effort d'investissement dans nos outre-mer. Les nombreux exemples qui vont nous être présentés au cours de cette table ronde montrent que le mouvement est en marche !

Première séquence - Une mobilisation pour un tourisme durable créateur d'emplois

Didier Tappero, Directeur général d'Air Calédonie International (Aircalin)

Le développement touristique de la Nouvelle-Calédonie

1. Aircalin, compagnie aérienne de la Nouvelle-Calédonie

Née en 1983, Aircalin a développé pendant vingt ans un réseau exclusivement régional en exploitant un unique appareil moyen-courrier. En 2002, grâce au soutien financier de l'État et de la Nouvelle-Calédonie qui devient son principal actionnaire, elle ajoute à sa flotte deux Airbus A330-200 afin de stabiliser la desserte avec la métropole, de participer au désenclavement du territoire et de développer les flux touristiques. En assurant ainsi des missions d'intérêt général, elle devient un outil de développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie et le cinquième employeur privé du territoire.

De nombreuses compagnies aériennes françaises et étrangères se sont intéressées à la desserte de la Nouvelle-Calédonie. Elles ont ouvert et fermé des liaisons au gré de leurs intérêts économiques. Seules trois d'entre elles se sont implantées durablement : Qantas, Air New Zealand et Air Vanuatu.

Ainsi, l'histoire de la desserte aérienne de la Nouvelle-Calédonie est marquée par son instabilité . Dans ces conditions, il est difficile de fonder une véritable commercialisation vers des marchés émetteurs où les voyagistes sont régulièrement échaudés par les modifications brutales des grilles de vols. Les compagnies extérieures doivent sans cesse choisir sur les lignes intéressant la Nouvelle-Calédonie les différents segments du marché : leurs choix privilégient rarement le marché touristique ; elles n'ont par ailleurs pas la souplesse et la réactivité permettant de s'adapter aux fluctuations saisonnières de la demande.

Forte de ces constats, afin de s'affranchir de la dépendance des compagnies tierces et à l'instar de nombreux territoires et collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie entre au capital d'Aircalin en 2000, date à laquelle, par ailleurs, une vision du développement touristique émerge. Ainsi, à cette date, Aircalin inaugure les vols long-courriers en louant un Airbus A310 pour desservir la liaison Nouméa-Osaka deux fois par semaine.

L'acquisition de deux Airbus A330-200 en 2003 constitue un tournant majeur dans l'histoire de la compagnie et conduit la Nouvelle-Calédonie, au travers de son établissement public, l' ADANC 38 ( * ) , à devenir l'actionnaire majoritaire de la compagnie en détenant 99,4 % de son capital. Dès lors, la Nouvelle-Calédonie fait d'Aircalin un outil de développement du territoire et lui confie trois missions principales :

- relier la Nouvelle-Calédonie aux pays de la zone pour les échanges économiques et les besoins des populations ;

- assurer l'essentiel des flux touristiques ;

- faire le lien avec la métropole et entre les collectivités ultramarines du Pacifique.

Aujourd'hui, dotée d'une flotte de quatre Airbus (deux A330-200 détenus en propre, un A320 en location longue durée avec option d'achat à échéance de 2016 et un A320 en location longue durée de six ans sans option d'achat), Aircalin exploite un réseau de routes structuré qui lui permet de couvrir les principales destinations régionales (Sydney, Brisbane et Melbourne en Australie, Auckland en Nouvelle-Zélande, Papeete, Nandi, Wallis et Port-Vila dans le Pacifique) ainsi que le Japon (Osaka et Tokyo) en opérant 27 vols hebdomadaires à partir de Nouméa.

Elle exploite également deux bi-turbopropulseurs (Twin-Otter DHC6-300) qui lui permettent d'assurer pour le compte du territoire de Wallis-et-Futuna l'ensemble des liaisons aériennes entre Wallis et Futuna, soit 10 vols par semaine.

En 2014, la compagnie Aircalin a acheminé 367 000 passagers et 5 500 tonnes de fret. Elle comptait 522 employés (dont 480 en Nouvelle-Calédonie) pour un chiffre d'affaires de 17,5 milliards de francs Pacifique (147 millions d'euros). En quelques années, et notamment depuis l'exploitation de vols long-courriers, elle est devenue un poids lourd de l'économie locale, avec près de 10 milliards de francs Pacifique (84 millions d'euros) de dépenses effectuées en Nouvelle-Calédonie .

2. Le tourisme, catalyseur de l'économie calédonienne

Dépendante de ses ressources minières et d'une mono-industrie cyclique, la Nouvelle-Calédonie doit désormais s'appuyer sur son potentiel touristique pour s'assurer un développement économique et social durable. Or, même si leur profil a changé, le nombre de touristes stagne depuis près de vingt ans. Pourtant, cette activité crée de la richesse et elle est source d'emplois et de devises.

L'économie calédonienne a longtemps été fondée sur les transferts de l'État et sur les revenus d'exportation générés par une industrie : le nickel. Dans cette situation, la Nouvelle-Calédonie est vulnérable aux importantes variations des cours que connaît cette industrie. Même si les perspectives du secteur sont aujourd'hui porteuses d'espoirs avec la mise en production des deux nouvelles usines, il n'en reste pas moins que la Nouvelle-Calédonie ne peut fonder son développement durable sur une mono-industrie cyclique . Mis à part quelques productions agroalimentaires et un tissu de PMI essentiellement tournées vers le marché intérieur, le seul secteur porteur de véritable développement s'est révélé être le tourisme .

La Nouvelle-Calédonie est une destination à fort potentiel touristique : des « îles de rêve », un lagon classé au patrimoine mondial de l'Unesco, des espaces montagneux et désertiques qui invitent à la découverte. Elle rassemble dans l'imaginaire collectif les principaux atouts des destinations insulaires : soleil, patrimoine naturel et culturel, mer.

Toutefois, la destination a connu pendant longtemps, et encore aujourd'hui sous certains aspects, une activité touristique assez marginale malgré ses atouts indéniables avec environ 100 000 visiteurs par an. Le développement touristique n'est pas considéré comme une priorité compte tenu de la contribution du nickel à l'économie. L'évolution hiératique du cours du minerai ces dernières années a néanmoins rappelé la nécessité de diversifier l'économie du pays tout en répondant au besoin en emplois d'une population jeune.

Pourtant, le tourisme est une source importante de devises. En termes de contribution à l'économie, les dépenses des touristes non résidents se sont élevées à 22 milliards de francs Pacifique (184 millions d'euros) en 2014 39 ( * ) . Le transport international (36 %) et l'hébergement (26 %) constituent les deux principaux postes de dépenses du budget des touristes. En termes de typologie, la clientèle d'agrément (45,2 %), reste la clientèle la plus importante de la destination même si elle affiche depuis 2007 une baisse tendancielle (elle représentait alors 59,7 % des touristes). A contrario , le poids de la clientèle affinitaire ne cesse de progresser (25 %) alors que la clientèle affaires est en net recul pour se situer à 15 % après avoir connu une hausse importante entre 2006 et 2008, ce qui témoigne de l'impact du démarrage de la construction des usines minières dans le Sud et dans le Nord. La principale motivation des visiteurs est donc le tourisme de séjour .

Au-delà de la richesse induite par les dépenses des touristes, le tourisme génère de nombreux emplois. En 2013, on dénombre 5 382 salariés dans le secteur du tourisme . À ces emplois directs, s'ajoutent environ un tiers d'emplois indirects, ce qui donne au total plus de 11 % de l'emploi salarié privé. Pour la plupart, il s'agit d'emplois peu qualifiés ou pour lesquels une formation professionnelle peut aisément et rapidement être organisée.

Secteur générateur d'emplois, s'appuyant sur les ressources propres de chaque province (habitants, paysages...), source de devises, le tourisme répond en partie à ces attentes et contribue à la diversification de l'économie et au rééquilibrage des territoires . En chaque point du territoire, une structure d'accueil peut exister, une excursion ou activité, sur terre ou sur mer peut être pratiquée. Il s'agit pour de nombreux endroits de la Nouvelle-Calédonie, de la seule activité économique possible génératrice d'emplois et de richesses.

3. Les contrats de destination, stratégie de développement du tourisme

En 2004, les assises du tourisme organisées par la Nouvelle-Calédonie ont permis de dégager les grandes orientations pour le développement du tourisme en Nouvelle-Calédonie. Depuis, le parc hôtelier calédonien s'est sensiblement amélioré. En 2014, la signature par les acteurs-clés de l'industrie touristique de contrats de destination a permis de redéfinir une stratégie commune à toute la filière et de mener des actions fortes sur les marchés cibles que sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande, le Japon et prochainement la France. Les résultats sont au rendez-vous avec une forte progression du nombre de touristes.

Les assises du tourisme de novembre 2004 furent l'occasion de poser les premiers éléments de constat sur le champ du tourisme. Des élus des trois provinces et environ 150 professionnels avaient participé à cette manifestation. Les autorités de Nouvelle-Calédonie démontraient ainsi leur souhait de faire du tourisme un secteur prioritaire et un levier de la diversification économique du Pays . Il s'ensuivit l'élaboration d'un plan de développement touristique concerté (PDTC) sous l'impulsion duquel l'offre d'hébergement touristique s'est fortement développée. Outre l'ouverture de nouveaux établissements, une politique de rénovation des hôtels existants a été entreprise. Néanmoins, le nombre de clefs en 2014 était de 3 300, ce qui reste inférieur à l'objectif de 4 500 clefs fixé en 2004.

Aujourd'hui, la coordination des actions provinciales et privées en matière de développement touristique, préconisation forte du PDTC, demeure indispensable. En 2014, à l'initiative d'Aircalin et sous l'égide de l'ADANC, tous les acteurs de la destination de Nouvelle-Calédonie, conscients des enjeux du développement touristique du territoire, ont signé un contrat de destination afin de s'engager collectivement, chacun dans leur domaine de compétences. Les signataires sont le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (à travers l'ADANC), les groupements d'intérêt économique (GIE) de chacune des provinces, la Fédération des hôteliers de Nouvelle-Calédonie et les compagnies aériennes calédoniennes (domestique et internationale).

Ce premier contrat concerne les marchés d'Australie et de Nouvelle-Zélande, tandis qu'un second contrat concernant les marchés de l'Asie a été signé début 2015 et qu'un troisième est en cours de préparation pour les marchés d'Europe.

Il s'agit avant tout de développer le tourisme en Nouvelle-Calédonie, source de devises, créateur d'emploi et facteur de rééquilibrage. Ces « pactes » entre les différents professionnels touristiques calédoniens posent les bases d'un réajustement de la politique globale, avec pour objectif premier la mise en place d'une stratégie commune à toute la filière . L'effet recherché est de favoriser une meilleure cohérence de l'offre proposée aux touristes de la région et des marchés ciblés. Cela suppose des actions fortes et immédiates sur ces marchés , tant de l'industrie hôtelière que des institutions et de la compagnie Aircalin. Cet effort permet de rendre attractif le produit Nouvelle-Calédonie, qui devient alors compétitif par rapport aux autres destinations de la région.

En termes de méthode, chacun des acteurs s'engage sur un certain nombre d'actions à mettre en place dont l'efficacité se mesure selon des objectifs chiffrés. Un suivi régulier des actions et des résultats est organisé, de façon à pouvoir prendre rapidement les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.

Le premier contrat part du constat suivant : sur huit millions de touristes australiens, la Nouvelle-Calédonie n'en a accueilli que 0,2 % en 2013. Le potentiel est donc très élevé. À l'horizon 2018, il s'agit d'amener 40 000 touristes supplémentaires d'Australie et de Nouvelle-Zélande en Nouvelle-Calédonie , dont 60 % seraient transportés par Aircalin. En signant ce contrat, chaque partie s'engage à déployer un certain nombre d'actions :

- Aircalin s'engage à des efforts capacitaires - en ouvrant la ligne Melbourne avec trois rotations hebdomadaires et en renforçant les liaisons sur Sydney, Brisbane et Auckland - et à protéger toute l'année des sièges dédiés en faveur des marchés australiens et néo-zélandais. Aircalin s'engage également à une politique tarifaire adaptée à la distribution australienne (tours opérateurs, e-commerce, etc.) pour favoriser la création de packages , soit des tarifs inférieurs de 20 à 26 % au tarif public le plus bas. Afin de remplir ces objectifs, et en corrélation avec son business plan, la compagnie a intégré en août 2014 un nouveau module A320 dans sa flotte, avec le soutien financier de l'ADANC ;

- Air Calédonie , la compagnie domestique, s'engage à augmenter d'au moins 20 % l'offre en sièges sous réserve de la mise en service du quatrième ATR, à mettre en place des tarifs dédiés à la création de packages pour les touristes et à rendre les réservations et les tarifs accessibles par Global Distribution System (GDS) 40 ( * ) pour les marchés émetteurs dans les meilleurs délais ;

- les GIE s'engagent, chacun selon ses moyens financiers, à augmenter les moyens budgétaires pour financer la promotion et la communication conjointes de toutes les actions liées au contrat de destination ;

- la Fédération des hôteliers de Nouvelle-Calédonie s'engage à mettre en place des politiques tarifaires adaptées aux besoins de chaque canal de distribution et à la saisonnalité de la demande et des marchés, tout en étant propices à la mise en packages de produits innovants et concurrentiels.

Le second contrat de destination repose sur les mêmes principes, mais s'adresse aux marchés asiatiques, prioritairement à celui du Japon. La Nouvelle-Calédonie, dont le Japon est historiquement l'un des principaux marchés, n'a accueilli que 0,09 % des 17,5 millions de Japonais partis en vacances à l'étranger en 2013. Or, c'est la clientèle qui dépense le plus lors de son séjour, notamment dans des hôtels haut de gamme. Une étude réalisée par Atout France Japon, fin 2013, met en évidence les carences à corriger : une notoriété insuffisante chez les moins de 40 ans, une image à renouveler et un ciblage de clientèles trop restreint. Le contrat de destination définit les actions à mener pour chacun des signataires, visant à une mobilisation complète de tous les acteurs calédoniens. Pour Aircalin, les engagements pris concernent des capacités de sièges supplémentaires, des allotements réservés aux tours opérateurs japonais pour l'offre de packages , une politique tarifaire adaptée avec des offres promotionnelles, un soutien actif aux efforts de promotion de la Nouvelle-Calédonie. À l'horizon 2018, l'objectif est d'accueillir 36 000 touristes japonais.

Concernant le marché chinois, l'un des principaux objectifs est d'obtenir le statut de destination approuvée. Cela consiste en la signature d'un accord bilatéral avec la Chine qui permet de promouvoir la destination, d'obtenir des visas et d'organiser des voyages pour les groupes de touristes chinois.

Le dernier contrat en cours de préparation concerne le marché français. Il est devenu un marché crucial pour la Nouvelle-Calédonie, sa part représentant 36 % des touristes du territoire. Or, sur le marché français, la destination reste confidentielle et souffre d'un manque de visibilité. L'objectif affiché serait de passer à 48 300 touristes d'ici 2019 , soit une progression de 35 % sur cinq ans. Les actions permettant l'atteinte de cet objectif ambitieux sont en cours de définition, mais la politique tarifaire devrait être au coeur des discussions.

Premier bilan : les résultats en 2014 et au premier trimestre 2015

Selon l'ISEE 41 ( * ) , en 2014, 2 343 touristes australiens supplémentaires (+ 15%) et 446 (+ 7%) Néo-Zélandais ont été accueillis en Nouvelle-Calédonie par rapport à l'année précédente. Si l'on considère la date de l'ouverture de la ligne Melbourne (6 juin 2014), on observe même que le nombre de touristes australiens était en baisse de 516 personnes de janvier à mai 2014, tendance qui aurait dû se poursuivre si aucune action d'envergure n'avait été menée, mais en hausse de 2 859 de juin à décembre 2014 par rapport aux mêmes périodes en 2013. La hausse est encore plus marquée depuis la mise en service du nouvel A320 le 1 er septembre 2014 et des actions de promotions qui l'ont accompagnée, ce qui a permis l'ouverture de la troisième fréquence hebdomadaire sur Melbourne et le renforcement global des fréquences sur le réseau régional.

On peut mesurer l'impact économique de cet afflux de touristes supplémentaires en rapprochant ces données des dépenses effectuées, selon les chiffres fournis par l'ISEE, par ces mêmes touristes en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, hors transport international, la dépense moyenne par séjour et par touriste est de 135 971 francs Pacifique (1 139 euros). La première place est occupée par le marché japonais, avec une moyenne de 190 009 francs Pacifique (1 592 euros) de dépenses par séjour, la seconde place revient au marché français avec 151 814 francs Pacifique (1 272 euros) de dépenses par séjour. Viennent ensuite les Néo-Zélandais avec 135 064 francs Pacifique (1 132 euros) de dépenses par séjour et les Australiens avec 111 126 francs Pacifique (931 euros).

En termes de dépenses globales pour les touristes australiens et néo-zélandais, on obtient le graphique suivant :

De même, la modification du programme des vols sur Tokyo à compter d'octobre 2013, couplée à la mise en place de tarifs attractifs pour les Japonais, a permis de redynamiser le marché des touristes japonais. En 2014, 3 413 Japonais supplémentaires ont visité la Nouvelle-Calédonie, soit une progression de 22 %, générant des recettes additionnelles pour l'économie :

4. Se doter des moyens de nos ambitions

Aircalin doit moderniser une flotte qui sera mature à l'horizon 2020. Ce constat se traduit par une augmentation continue des coûts de maintenance et des périodes d'immobilisation des appareils pour leur entretien. Au regard des délais de livraison, la réflexion sur leur remplacement est opportune, d'autant plus que les avions de nouvelle génération permettent des gains de productivité significatifs.

Le soutien financier de la puissance publique reste indispensable.

Les appareils de la flotte d'Aircalin ont une moyenne d'âge de 13 ans: les deux A330-200 ont effectué en 2014 leur check C 42 ( * ) 12 ans, opération de grande visite technique qui marque la fin du premier cycle de vie d'un aéronef, celle de l'A320 acquis en 2002 est programmée en 2015, et l'A320 en location simple pour six ans depuis 2014 sort tout juste d'un check 6 ans.

En dix ans, on observe une augmentation de la charge de maintenance de 30 % (hors check C). L'évolution du nombre de commandes de pièces réalisées annuellement, qui est passé de 78 en 2003 à 371 en 2012, est également significative. En se basant sur le référentiel Airbus, on peut déterminer l'évolution des coûts de maintenance annuels des deux A330. Il en ressort que les coûts de maintenance des checks pour la période 2014-2026 seront en moyenne de 30 à 40 % plus élevées que les coûts de maintenance des checks des douze premières années.

Au-delà des coûts, le taux de panne a un impact direct sur la régularité des vols, facteur sensible dans un contexte insulaire où la résorption d'un aléa peut prendre plusieurs jours, notamment en haute saison. Du fait de sa petite taille, la flotte d'Aircalin ne permet pas toujours de pallier ces aléas et la compagnie a régulièrement recours à l'affrètement d'autres appareils de la région. Or, peu d'avions ou d'équipages sont disponibles et les rares possibilités se limitent à l'Australie ou à la Polynésie.

Enfin, les constructeurs aéronautiques se livrent depuis de nombreuses années une bataille acharnée. Cette concurrence aigüe a abouti à la naissance d'appareils de nouvelle génération, dont les coûts d'exploitation ont été sensiblement réduits. Ces mises en service sont accompagnées de campagnes promotionnelles intenses, souvent centrées sur l'amélioration du confort et des services offerts à bord, qui suscitent une attente forte de la part des passagers. Ainsi, tout retard dans la modernisation de la flotte se traduit par une perte de compétitivité et d'attractivité commerciale.

Afin de déterminer quels sont les appareils les mieux adaptés à son activité, Aircalin a confié à une équipe d'experts internationaux de l' International Air Transport Association (IATA) une étude sur le renouvellement de sa flotte . Le point de départ de cette étude est une analyse du réseau actuel et des diverses stratégies d'évolution possibles pour la Nouvelle-Calédonie et par conséquent pour la compagnie. De l'analyse de ces scenarii découleront le dimensionnement de la flotte et la sélection des appareils en fonction de leurs performances techniques et financières selon des critères d'évaluation prédéfinis.

Quant au financement, à l'instar de la situation actuelle, il apparaît d'ores et déjà qu'Aircalin ne pourra pas assumer seule le renouvellement de sa flotte et devra à nouveau compter sur le soutien financier de la Nouvelle-Calédonie et de l'État par le biais du dispositif de défiscalisation. La compagnie doit donc anticiper le renouvellement de sa flotte en tenant compte des délais constructeurs et du montage financier de l'opération :

- avant fin 2015 : obtenir l'accord de principe des autorités de la Nouvelle-Calédonie ;

- deuxième trimestre 2016 : signature d'une lettre d'intention avec un constructeur aéronautique ;

- quatrième trimestre 2016 : déposer une demande d'agrément pour une défiscalisation « Loi Girardin » ;

- avant fin 2017 : obtenir un accord de la direction générale des impôts ;

- 2020/2022 : livraison des avions.

Franco Lanza, Conseiller auprès du président directeur général d'Air Tahiti Nui (ATN)

De par sa configuration géographique la Polynésie française est loin ... de tout.

L'isolement de ces terres perdues au milieu du Pacifique a permis une préservation de sa culture et de son milieu naturel exubérant. C'est encore un coin retranché ; certains en parlent comme étant le dernier paradis sur Terre où il fait bon se reposer en toute sécurité.

Ce facteur d'éloignement peut être considéré comme un point positif dans le développement maîtrisé de la première ressource économique de ce territoire français à savoir le tourisme.

Depuis sa création en 1996, la mission principale d'Air Tahiti Nui est d'assurer une desserte aérienne pérenne qui accompagne le développement de ce secteur-clé qu'est l'industrie touristique de la Polynésie française, tout en préservant la rentabilité et les hauts standards de sécurité de son exploitation.

Mais pourquoi Air Tahiti Nui ?

L'histoire a montré en effet à plusieurs reprises que l'offre de transport aérien international pouvait être remise en question par les compagnies tant étrangères que françaises et que cela pouvait se traduire par une insuffisance de sièges offerts par rapport aux besoins liés au développement touristique.

Avant la création d'Air Tahiti Nui, notre économie touristique était fondée principalement sur les stratégies commerciales propres aux compagnies aériennes qui desservaient la Polynésie française. Nous étions donc tributaires de leur résultat économique, ce qui rendait notre industrie touristique instable.

La solution pour disposer d'une desserte pérenne du territoire français et en adéquation avec le programme de développement touristique était donc de créer une compagnie aérienne internationale polynésienne ayant son centre de décision à Tahiti.

Air Tahiti Nui est l'outil de base dont s'est dotée la Polynésie française pour garantir une offre de desserte quantitativement suffisante en provenance de nos principaux marchés émetteurs touristiques.

Grâce à la montée en puissance réussie d'Air Tahiti Nui, la Polynésie française dispose depuis 2003 d'une desserte aérienne internationale solide et pérenne construite autour de trois opérateurs piliers que sont Air Tahiti Nui, Air France et Air New Zealand. Ces trois opérateurs représentent la majorité de l'offre en sièges sur nos principales routes touristiques.

Air Tahiti Nui participe activement au désenclavement de la Polynésie française et assure de manière quasi exclusive la continuité territoriale à l'instar de la plupart des compagnies aériennes d'outre-mer.

Quelques chiffres

Aujourd'hui Air Tahiti Nui se positionne comme le principal transporteur aérien desservant la Polynésie française avec des vols quotidiens sur cette destination. Air Tahiti Nui est également une des deux seules compagnies aériennes au monde à proposer un vol direct aller et retour entre Paris et Los Angeles. Air Tahiti Nui dessert également Tokyo au Japon et Auckland en Nouvelle-Zélande à partir de Papeete. Ces routes principales représentent plus de 2 100 vols annuels.

Notre flotte actuelle est composée de cinq appareils long-courriers Airbus de type A340 totalisant plus de 18 000 heures de vols par an. Nous avons transporté 420 000 passagers en 2014 et avons fait un chiffre d'affaires de 260 millions d'euros (dont 10 % lié à l'activité cargo), ce qui place notre société à la première place des entreprises commerciales de notre territoire.

L'emploi à Air Tahiti Nui et dans le secteur du tourisme

Depuis 1998, année de lancement de nos premiers vols, l'effectif de la compagnie a connu une progression constante liée à l'accroissement de sa flotte et à l'intensification de son programme de vols. En effet, nous sommes passés d'un effectif de 110 employés au démarrage de l'entreprise à 792 employés en 2007 après avoir successivement introduit quatre nouveaux avions en l'espace de cinq ans.

Après 2008, la compagnie a dû stabiliser ses effectifs principalement à cause de la conjoncture de crise économique mondiale. Notre effectif actuel est de 723 employés sur l'ensemble de notre réseau.

L'industrie polynésienne du tourisme n'a cessé de croître depuis et rassemble plus de 2 700 entreprises, soit 12 % du total des entreprises actives en 2013. Au total, près de 9 800 personnes (soit 16 % de l'emploi salarie') travaillent dans les entreprises de ce secteur à forte intensité de main d'oeuvre, dont 4 100 dans les services d'hébergement (huit sur dix, soit environ 3 300 exerçant dans l'hôtellerie internationale).

L'hôtellerie-restauration est le secteur le plus important de cette industrie, avec deux tiers des entreprises et des salariés du tourisme en 2013, principalement dans la restauration. Les autres entreprises de l'industrie touristique évoluent dans les transports (25 %), les activités culturelles, récréatives et sportives (4 %), et les autres activités touristiques (3 %). 43 ( * )

Les alliances et partenariats

Dans un contexte concurrentiel intensif et un environnement économique complexe, Air Tahiti Nui a fait le choix d'accentuer sa stratégie de croissance en développant des synergies commerciales internationales au travers d'accords commerciaux et partenariats, notamment avec Air France, Qantas, Japan Airlines et Aircalin.

Avec ces accords nous desservons en outre quarante autres villes grâce à ses partenaires en partage de code : la SNCF en France, American Airlines aux États-Unis et Qantas en Australie. Ceci inclut Sydney, Brisbane et Melbourne, 17 villes aux États-Unis dont New York, Boston, Washington, Chicago, Miami et Dallas et 19 villes en France parmi lesquelles Marseille, Lyon et Montpellier et récemment Nouméa.

La poursuite de la stratégie de développement de partenariats de la compagnie est en étroite corrélation avec les objectifs fixés par le gouvernement de la Polynésie française et des contrats de destination établis entre tous les acteurs de l'industrie touristique.

Le dispositif de défiscalisation et son impact sur Air Tahiti Nui

Les investissements d'actifs dans le milieu aéronautique restent conséquents. Les acquisitions d'avions neufs n'ont pu être réalisées que grâce à l'aide de l'État. Premier transporteur aérien international avec plus de 60 % de la capacité de sièges offerte toutes lignes confondues, Air Tahiti Nui n'aurait pas atteint le stade de développement qu'elle connaît sans l'existence de la loi de défiscalisation nationale.

En effet, le revers de la médaille de notre insularité et de notre éloignement présente des points négatifs insurmontables à notre échelle.

Les contraintes de développement pour notre industrie touristique sont bien réelles. Les coûts de production en Polynésie française sont très élevés et de ce fait, il est constaté un manque d'investisseurs tant internationaux que locaux. Ceux-ci ont des impératifs de résultat difficilement atteignables.

Autre problématique : l'étroitesse du marché en Polynésie ne nous permet pas de fonder une croissance économiquement viable.

S'ajoute à cela la perception réductrice et déformée de cette loi qui, vue de métropole, ne serait qu'un outil permettant aux personnes fortunées d'échapper à l'impôt sur le revenu. Ce n'est heureusement pas la vérité. Bien au contraire la loi de défiscalisation a permis de générer de l'activité économique et de créer des emplois.

Par le passé, les aides octroyées par l'État au travers notamment du dispositif de défiscalisation ont été un levier de croissance rapide pour notre compagnie aérienne et ont participé activement au développement de l'industrie touristique de la Polynésie française.

Cependant, aucun investissement majeur, hôtelier ou aérien, ne peut être envisagé pour une livraison avant la date de fin de la loi de défiscalisation prévue en décembre 2017. Cette limite a pour conséquence le gel d'investissements potentiels dans le secteur touristique. Depuis quelques temps, nous constatons une certaine morosité dans ce secteur malgré les quelques chiffres encourageants depuis le début de l'année.

Perspectives de développement

En dépit des constats négatifs précités, notre compagnie continue à avancer et développe ses orientations stratégiques à long terme basées sur le renforcement du réseau actuel et sur la concrétisation de plusieurs partenariats avec les compagnies aériennes principales de la zone Asie-Pacifique.

Le potentiel de développement de notre entreprise est encore grand malgré des facteurs exogènes difficilement maîtrisables. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer la volatilité des cours du carburant, la variation des devises, le contexte économique mondial. Tous ces facteurs impactent le niveau de fréquentation touristique de notre territoire. Nous mettons tout en oeuvre pour la mise en place de relais de croissance durables.

Un investissement lourd interviendra dans les prochaines années par le remplacement de nos appareils vieillissants par de nouveaux avions plus modernes, plus économiques et plus adaptés à notre réseau.

Nous émettons le souhait fort que l'État se prononce le plus rapidement possible sur la suite qu'il compte donner au dispositif de défiscalisation actuel. Qu'il soit prolongé, remplacé (par quoi ?) ou arrêté définitivement. Au moins, nous serons fixés !

Conclusion

Notre compagnie aérienne véhicule la richesse culturelle et environnementale française. En d'autres termes, la France rayonne dans le Pacifique au travers de cet outil principal de développement touristique de notre destination. Participer au développement d'Air Tahiti Nui, c'est renforcer cette position. Cela reste un enjeu majeur.

Air Tahiti Nui reste un bel exemple de réussite de la défiscalisation. La France par la loi de défiscalisation continuera à apporter sa contribution au développement durable de la Polynésie française.

Jennifer Seagoe, Présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie (CCI-NC)

Le développement du tourisme de croisière en Nouvelle-Calédonie

Une économie monolithique à diversifier

L'économie de la Nouvelle-Calédonie repose essentiellement sur le nickel. L'aspect monolithique de cette économie a plusieurs conséquences sur ce territoire qui est de fait particulièrement sensible :

- aux variations des cours du nickel ;

- à l'évolution de la parité euro/dollar ;

- aux ressources naturelles qui ne sont pas renouvelables.

Il est donc primordial pour la Nouvelle-Calédonie de diversifier son économie et de développer un secteur hors nickel qui soit plus pérenne.

On peut prendre comme exemple de diversification, celui de Dubaï qui, conscient que ses ressources en pétrole seraient un jour épuisées, a considérablement diversifié ses activités économiques.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, le tourisme est ce second secteur à développer pour lequel le territoire dispose de nombreux atouts. Il est important de noter qu'au cours des soixante dernières années, le tourisme mondial n'a cessé de croître avec des recettes qui pourraient encore doubler d'ici 2030.

Le tourisme en Nouvelle-Calédonie : un fort potentiel de développement

Le tourisme constitue donc un fort potentiel de développement pour la Nouvelle-Calédonie qui possède de nombreux atouts parmi lesquels on peut citer :

- la diversité et la richesse de ses paysages ;

- son lagon classé au patrimoine mondial de l'Unesco ;

- son climat ;

- son multiculturalisme ;

- sa terre encore préservée qui en fait une destination idéale pour l'éco-tourisme, filière en plein essor.

Le tourisme de croisière : une croissance mondiale

Le tourisme de croisière est en progression au niveau mondial, et a connu successivement en 2012 et en 2013, 2 % de croissance.

Il y a eu ainsi plus de 21 millions de passagers en 2013, soit deux fois plus qu'en 2000, où l'on en dénombrait 9,7 millions.

Cette même année, la meilleure progression mondiale a été réalisée par un pays voisin de la Nouvelle-Calédonie, l'Australie, qui a connu une progression de près de 20 %, et qui a vu le nombre de ses passagers augmenter de 167 % au cours des cinq dernières années.

La croissance australienne devrait se poursuivre car le tourisme de croisière correspond aux attentes de la clientèle, notamment en raison de son bon rapport qualité/prix et de la durée des croisières, parfaitement adaptée à la durée moyenne des congés dans ce pays.

Grâce à la proximité géographique entre la Nouvelle-Calédonie et l'Australie, cette croissance australienne bénéficie directement au territoire.

Le tourisme de croisière : en croissance en Nouvelle-Calédonie

Les chiffres de la progression de ce secteur en Nouvelle-Calédonie sont éloquents. Au cours de ces neuf dernières années, le nombre de croisiéristes a augmenté de 419,16 %, passant de plus de 81 215 en 2005 à 421 636 en 2014.

Depuis 2005, le nombre de paquebots accostant en Nouvelle-Calédonie a plus que triplé, passant de 60 en 2005 à 207 en 2014, soit une augmentation de 245 %.

Le nombre d'escales a, quant à lui, progressé de 356 % en huit ans.

Signe de l'importance de ce marché, les deux leaders mondiaux de la croisière, les groupes Carnival et Royal Caribbean Celebrity, viennent en Nouvelle-Calédonie.

Au-delà de ses atouts géographiques et culturels évoqués précédemment, la Nouvelle-Calédonie dispose d'atouts complémentaires pour l'industrie de croisière.

La Nouvelle-Calédonie : des atouts décisifs pour l'industrie de croisière

Parmi ses principaux atouts, il faut compter tout d'abord :

- sa position géographique stratégique, grâce à laquelle elle est l'archipel le plus proche de l'Australie, et particulièrement de Sydney, ce qui lui confère un avantage certain par rapport aux autres destinations de la région, telles que le Vanuatu ou les îles Fidji ;

- et la proximité de ses îles Loyauté, telles que Maré, l'île des Pins, Lifou ou encore Ouvéa, qui lui permet de proposer des destinations situées à moins d'une journée de navigation, permettant ainsi de visiter une destination pendant la journée et de naviguer jusqu'à la prochaine pendant la nuit. Ainsi les bateaux peuvent réaliser des croisières courtes, de sept à dix jours, avec plusieurs destinations en quelques jours, telles que Nouméa, les îles Loyauté et le Vanuatu.

En second lieu, la Nouvelle-Calédonie dispose de bonnes conditions sanitaires, ainsi que d'infrastructures médicales adaptées, permettant une prise en charge médicale de haut niveau, aspect important pour la clientèle australienne.

Le troisième atout réside dans la qualité de la desserte aérienne, qui permet aux compagnies de croisière d'effectuer des mouvements de personnel ou d'évacuer des passagers en toute facilité.

Des retombées économiques pour la Nouvelle-Calédonie

La progression continue du tourisme de croisière depuis une dizaine d'années, fait que ce marché représente un réel potentiel de développement pour la Nouvelle-Calédonie, en complément du tourisme traditionnel.

À ce jour, on sait qu'en 2015, les escales de paquebots généreront près de 24 millions d'euros de retombées pour la Nouvelle-Calédonie, soit plus de 8,8 millions d'euros qui seront dépensés par les compagnies maritimes uniquement pour la logistique et plus de 15 millions d'euros qui devraient l'être pour les dépenses sur place des passagers, en excursions, souvenirs, restauration, transports, etc.

En 2020, un million de croisiéristes sont attendus, générant ainsi plus de 55 millions d'euros de retombées.

Le tourisme de croisière est de plus particulièrement adapté aux sociétés traditionnelles insulaires, notamment pour les archipels, puisqu'il ne nécessite pas d'importantes infrastructures coûteuses.

C'est un tourisme structurant et générateur d'emplois qui permet le développement et la pérennité d'activités touristiques :

- il assure un complément de revenu pour de nombreuses familles ;

- il permet de rentabiliser et de conserver des activités culturelles ;

- il limite l'exode des jeunes vers Nouméa en leur donnant un travail et en fixant les populations sur place.

Enfin, si accueillir des paquebots en escale constitue déjà de belles perspectives économiques, l'objectif serait de devenir à terme une tête de ligne, ce qui permettrait au territoire de multiplier par dix ces retombées économiques. Cette stratégie de développement répond parfaitement aux problématiques des compagnies qui sont justement à la recherche de têtes de ligne dans le Pacifique.

Objectif : Nouméa, tête de ligne

Même si la Nouvelle-Calédonie est l'île la plus proche de l'Australie, les coûts de transit en mer sont très importants.

Sur une croisière de sept jours, un paquebot en passe tout de même quatre en mer et ne peut faire escale que trois fois.

Dans ce contexte, en plus du coût important que représente le carburant, les revenus des compagnies générés par les excursions effectuées à terre sont donc limités.

C'est la raison pour laquelle les compagnies de croisières sont à la recherche de têtes de ligne, c'est-à-dire de ports d'attache et de départs pour les croisières.

D'après une étude de Seatrade Med réalisée en 2012, l'intérêt économique d'être une tête de ligne est de multiplier au minimum par dix les retombées économiques. En effet, le départ de croisières à partir de Nouméa génèrerait de très nombreuses activités supplémentaires telles que par exemple :

- l'avitaillement en fioul ;

- l'approvisionnement en vivres ;

- le traitement des déchets ;

- le développement du tourisme hôtelier pour permettre les mouvements des équipages comme ceux des passagers, mais également des séjours combinant croisière et séjour à terre.

Avec en parallèle, le développement du transport aérien et une perspective de plus de 4 000 passagers par semaine.

Enfin, une incidence importante : le tourisme de croisière est un tremplin au développement du tourisme traditionnel. En Nouvelle-Zélande par exemple, plus de 15 % des touristes effectuant une croisière y retournent plus tard en avion.

Un secteur à structurer en priorité

La Nouvelle-Calédonie a bénéficié de la croissance du tourisme de croisière au niveau mondial et australien de manière spontanée, mais elle ne s'est à ce jour pas structurée pour le développer.

À titre d'exemple, au Vanuatu, où l'enjeu de ce secteur a été pris en compte, les dépenses par passager sont deux fois plus élevées que les dépenses réalisées sur le territoire. Signe qu'en se structurant, la Nouvelle-Calédonie pourrait a minima doubler les retombées économiques liées aux dépenses sur place.

Pour répondre à la demande, assurer la croissance et pérenniser la destination Nouvelle-Calédonie auprès des compagnies de croisière, il est urgent d'agir et d'investir.

De nombreux aménagements sont en effet nécessaires et de nombreuses limitations actuelles conduisent la Nouvelle-Calédonie à refuser des escales sur diverses destinations calédoniennes, au risque de pousser à terme les compagnies à se tourner vers d'autres pays tels que les Salomon, le Vanuatu ou encore Fidji.

Des exemples d'aménagements nécessaires

La petite rade de Nouméa est limitée à des paquebots de 250 mètres, les bateaux plus grands doivent aller dans la grande rade qui est le port autonome, mais ce dernier n'est pas aménagé pour accueillir des passagers. De plus, cette rade n'accepte, pour des conditions d'exploitation, qu'un seul bateau à la fois et donne la priorité aux cargos.

Autre exemple, les installations portuaires des îles ne permettent pas d'accueillir des bateaux de plus de 3 000 passagers, sachant que la taille des paquebots ne cesse d'augmenter.

Autre besoin des compagnies : trouver de nouvelles escales.

La Nouvelle-Calédonie ne manque pas de sites potentiels, toutefois toute nouvelle escale doit répondre à plusieurs critères indispensables et être aménagée.

La prise de conscience de l'importance de ce secteur est primordiale pour agir rapidement. Il y a urgence à investir pour assurer la croissance et être en mesure de répondre aux besoins. Car il s'agit d'un marché volatile qui peut se déplacer rapidement pour aller au mieux offrant si la Nouvelle-Calédonie n'est pas en mesure de suivre le développement de ce secteur et de répondre aux attentes.

La Nouvelle-Calédonie est attentive à ce que ce développement se fasse dans une perspective de développement durable, afin de préserver l'environnement, et de nombreuses mesures ont d'ores et déjà été prises. En effet, certaines compagnies de croisière attachent une grande importance à la préservation de l'environnement afin de s'assurer de la pérennité de leurs destinations : une destination avec un environnement dégradé sera mal notée par les passagers et sera donc difficile à commercialiser.

De plus, les actions réalisées par les compagnies pour préserver l'environnement leur permettent de faire du tourisme responsable et respectueux, ce qui constitue un argument de vente supplémentaire.

Par exemple, certaines compagnies mettent en place un programme de suivi environnemental et de protection sur plusieurs destinations, réalisant ainsi des aménagements nécessaires en vue de protéger les sites et l'environnement.

Le tourisme de croisière est en forte croissance. Il ne demande qu'à être développé, pour devenir source de retombées importantes pour l'économie calédonienne.

Pour ce faire, la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie a inscrit dans sa stratégie le développement de ce secteur : elle souhaite rassembler l'ensemble des acteurs du tourisme (compagnies de croisière, agences, professionnels du tourisme, compagnies aériennes...) afin de les fédérer et de définir tous ensemble une stratégie.

Matthieu Ladiesse, Responsable Environnement et développement durable à la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie (CCI-NC)

LE TOURISME EN TRIBU SUR LA PROVINCE DES ILES LOYAUTE

Un modèle de développement touristique durable

Situées à 100 kilomètres au large des côtes de la Grande Terre, Lifou, Maré, Ouvéa et Tiga forment l'archipel des Îles Loyauté et s'étendent sur une superficie d'environ 2 000 km 2 , (9,6 % de la Nouvelle-Calédonie). Le foncier coutumier (terres qui sont par essence inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables) représente 97 % de la superficie, les 3 % restant relevant de la propriété publique. Les Îles Loyauté sont considérées comme « réserves intégrales » et sont régies par le droit coutumier en matière foncière.

Avec un peu plus de 18 000 habitants au recensement de 2014, la province des Îles Loyauté est la moins peuplée des trois provinces de Nouvelle-Calédonie et elle est caractérisée par un exode des actifs vers les bassins d'emplois localisés dans les autres provinces. L'insuffisance d'entreprises économiques et donc d'emplois proposés dans les Îles Loyauté est l'un des facteurs principaux de cet exode. Et contrairement à la province Nord, aucun projet économique d'envergure n'a permis de renversement progressif de ce flux ou tout du moins de retenir les travailleurs loyaltiens dans les îles.

Cette province présente un grand handicap lié à la double insularité. Si les îles disposent aujourd'hui de moyens de transport (maritime et aérien) entrant dans le cadre d'une continuité territoriale, il reste que les difficultés d'approvisionnement sont réelles et fréquentes et les coûts de transport très élevés. Cette cherté du transport vient grever certes le budget des Loyaltiens mais constitue également un frein aux échanges commerciaux, voire au tourisme. Les Iles Loyauté sont ainsi très dépendantes de la Grande Terre pour leur approvisionnement avec tous les risques que cela comporte notamment en termes de sécurité énergétique, les transports maritimes n'étant pas toujours réguliers.

Le tourisme est bien évidemment l'élément moteur du développement économique des Iles Loyauté où les contraintes d'isolement et l'étroitesse du marché limitent le développement des activités économiques. Bien qu'en développement, le tourisme se heurte au problème des transports encore trop onéreux et pas assez réguliers. Ces dix dernières années, un grand chantier de mise aux normes des établissements touristiques et une professionnalisation du secteur ont permis de développer une offre qualitative plus riche mais qui reste encore à perfectionner. La province des Îles Loyauté, compétente en la matière, a été la première à légiférer en 2008 dans ce domaine afin de fixer les conditions de classement des structures d'hébergement et notamment celles concernant l'accueil en tribu, d'encadrer cette appellation et de soutenir le développement de ce type de structure original.

De plus, la province des Îles Loyauté possède plusieurs atouts pour un développement du secteur touristique respectueux de l'environnement avec notamment des paysages naturels préservés, un important potentiel de développement des énergies renouvelables, un lagon inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco sur l'île d'Ouvéa. Mais la province des Îles Loyauté présente des milieux particulièrement sensible tant au niveau terrestre que marin avec une très forte porosité des sols calcaires rendant les lentilles d'eau douce particulièrement vulnérables aux pollutions.

Le modèle d'accueil en tribu sur la province des Îles Loyauté

Les premiers gîtes et accueils chez l'habitant sont apparus en Nouvelle-Calédonie dans les années 1975-1980. Face à différents constats (plaintes de la clientèle, disparité de niveaux de prestations proposées dans les structures, incohérence tarifaire, rapport qualité/prix discutable...) et notamment le manque de lisibilité sur le concept « accueil en tribu » (labellisation) et le manque de garanties auprès des agences de voyage et des tours opérateurs pour commercialiser ce type de prestation, et en vue de favoriser le développement du tourisme, la province des Îles Loyauté a institué 44 ( * ) un classement des structures d'accueil en tribu.

Un label « Accueil en tribu des îles » a été créé dans le but d'encadrer le gîte chez l'habitant en terre coutumière. L'accueil en tribu consiste en une structure d'hébergement touristique réalisée sur terre coutumière par son propriétaire. Cette structure originelle et authentique de qualité doit s'intégrer à son milieu d'implantation que constitue la tribu. Elle a pour objectif principal d'accueillir et de faire participer les touristes à la vie en tribu en valorisant la culture, la nature et les savoir-faire locaux.

Ces hébergements labellisés offrent ainsi certaines garanties à l'égard de la clientèle touristique et aux opérateurs touristiques : hébergement en case traditionnelle ou en paillotte, bloc sanitaire, faré (case commune) de restauration et d'accueil, ingrédients et recettes traditionnels, authenticité et propreté des installations, qualité de l'accueil. À Nengone (Maré), Drehu (Lifou), Iaii (Ouvéa) et Tiga (Tokenod), l'accueil en tribu est classé en trois catégories signalées par des fleurs de frangipanier : l'accueil familial (une fleur), confort (deux fleurs) et grand confort (trois fleurs).

Pour obtenir l'appellation « accueil en tribu » de Iaii, Nengone, Drehu ou Tokenod et bénéficier des aides sectorielles financières et techniques attachées à ces appellations, les structures touristiques doivent garantir :

- la qualité et l'authenticité des habitations ;

- la qualité et la propreté des installations sanitaires ;

- la qualité, la propreté et l'authenticité.

Une charte de bonne conduite a également été mise en place à destination de la famille d'accueil afin de garantir qu'à une catégorie de classement corresponde aussi un niveau de prestations à proposer aux clients. De plus, cette charte s'adresse également au touriste afin de l'informer des règles communautaires à respecter, notamment celles concernant la vie en tribu et le respect de l'environnement.

En 2014, trente structures de type « accueil en tribu » étaient dénombrées sur la province des Iles Loyauté représentant une fréquentation de 12 000 touristes soit la moitié de la fréquentation totale sur cette province. Les structures sont réparties de la manière suivante :

- 15 structures sur Lifou représentant 231 lits ;

- 8 structures sur Maré représentant 115 lits ;

- 7 sur Ouvéa représentant 126 lits.

Ces structures touristiques, en reposant sur des critères de durabilité, s'inscrivent donc parfaitement dans une démarche de tourisme durable qui doit être supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales.

Par conséquent, ce modèle de structure d'accueil permet :

- d'exploiter de façon optimum les ressources de l'environnement qui constituent un élément-clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus écologiques essentiels et en aidant à sauvegarder les ressources naturelles et la biodiversité ;

- de respecter l'authenticité socioculturelle des communautés d'accueil, de conserver leurs valeurs traditionnelles et de contribuer à l'entente et à la tolérance interculturelles ;

- et d'assurer une activité économique viable sur le long terme offrant à toutes les parties prenantes des avantages socioéconomiques équitablement répartis.

De plus, l'accueil en tribu satisfait également les touristes et représente pour eux une expérience utile en leur faisant prendre davantage conscience des problèmes de durabilité et en encourageant parmi eux les pratiques adaptées.

La professionnalisation et l'accompagnement des structures touristiques

Pour répondre pratiquement et immédiatement aux difficultés que ne manquent pas de rencontrer les exploitants des structures touristiques, la CCI de Nouvelle-Calédonie a lancé en 1990 le dispositif d'accompagnement itinérant touristique sur l'ensemble du territoire.

L'originalité et l'intérêt de cet accompagnement résident dans le fait que l'accompagnateur itinérant se déplace sur site. Dans le concept mis en oeuvre, la personnalisation est totale puisque l'accompagnement se fait dans la structure avec la nécessité de s'adapter aux moyens disponibles chez le bénéficiaire. L'accompagnateur itinérant est un professionnel de l'hôtellerie, de la restauration et de l'animation. Progressivement, il inculque toutes les techniques et les « petits plus » qui permettent aux promoteurs de progresser et d'offrir une meilleure qualité de prestation à la clientèle et de devenir autonome.

Ses missions principales sont :

- conseiller à la création : validation de la cohérence du projet, plans d'aménagement, assistance aux achats, plans de blocs sanitaires et douches, aide à la recherche de financement ;

- informer sur la mise aux normes sanitaires des établissements : réalisation de plans de cuisine, agrément d'hygiène, consignes d'hygiène et de sécurité ;

- former : cahiers de réservation, outils de comptabilité simplifiée, conseils culinaires ;

- communiquer : flyers , cartes, tarifs, page publicitaire ;

- accompagner la classification des structures d'accueil en tribu : diagnostics hygiène-sécurité-environnement, fonctionnement et marketing, audit de classement, sensibilisation à la charte de bonne conduite.

L'accompagnement itinérant touristique est, en cela, un outil particulier et performant qui permet à un acteur économique de devenir un chef d'entreprise responsable, conscient de ses faiblesses mais aussi de ses qualités. D'une part, la présence régulière de l'accompagnateur sur le terrain permet un échange constant avec les coutumiers et les résidents sur l'intérêt de développer le tourisme. D'autre part, elle permet la remontée en temps réel des besoins et des attentes des promoteurs touristiques auprès des institutions et décideurs.

L'environnement de la CCI permet non seulement d'assurer une veille sur les textes réglementaires, sur les avancées technologiques du secteur professionnel, sur les possibilités et les nouvelles offres en matière de financement mais aussi d'être moteur du développement et force de propositions.

En tant que techniciens, les accompagnateurs se positionnent comme relais incontournable entre professionnels du monde économique et les institutions.

Conclusion

À ce jour, seule la province des Îles Loyauté a réglementé en 2008 le classement des accueils en tribu. À l'initiative de la CCI, les autres provinces testent actuellement les projets de grille élaborés en commun pour évaluer le coût d'une mise à niveau minimale pour permettre aux structures d'être classées et donc d'offrir certaines garanties à l'égard de la clientèle touristique et aux opérateurs touristiques.

Une réelle dynamique de développement et de professionnalisation de ces établissements touristiques est donc aujourd'hui enclenchée et avec leur nouveau produit, les Îles Loyauté disposent d'un dispositif équivalent à celui de la petite hôtellerie familiale en Polynésie, un atout qui devrait permettre aux professionnels de rendre ce produit plus attractif et compétitif.

Vaïma Devimeux, Représentante du groupe Pacific Beachcomber

J'interviens au nom de M. Richard Bailey, le président du groupe Pacific Beachcomber, qui n'a malheureusement pas pu assister personnellement à cette conférence.

Le groupe Pacific Beachcomber est le groupe de référence dans l'industrie touristique de Polynésie française. Il représente 25 % de la capacité hôtelière internationale de la destination.

Il possède huit hôtels répartis dans les différentes îles autour de Tahiti pour une capacité de 800 chambres, ainsi que deux bateaux de croisière.

Le groupe Pacific Beachcomber s'est toujours attaché, depuis sa création il y a 25 ans, à promouvoir et à mettre en oeuvre des pratiques respectueuses de l'environnement.

Il s'est fait le pionnier d'une technologie innovante qui consiste à utiliser le froid de l'eau de mer des profondeurs pour la climatisation. Il s'agit du SWAC, le Sea Water Air Conditioning .

Le premier SWAC a été mis en opération en mai 2006 dans notre hôtel de Bora Bora - l'Intercontinental Bora Bora thalasso resort & spa de 80 villas. Ce fut une première mondiale et une réussite.

Après neuf ans d'exploitation, ce système a prouvé sa fiabilité ; il est complètement opérationnel.

À Bora Bora, le SWAC permet d'économiser près de 60 % d'énergie. En d'autres termes, si nous devions utiliser une climatisation classique, notre consommation d'électricité serait presque doublée.

L'économie annuelle réalisée est de 450 000 litres de fuel ou encore de mille tonnes de dioxyde de carbone.

Le principe de ce système de climatisation repose sur l'utilisation du froid de l'eau de mer qui est pompée à 900 mètres de profondeur, à travers une canalisation de près de 2,5 km de long. À cette profondeur, l'eau est à 4° C.

L'eau de mer froide pompée vient refroidir un circuit d'eau douce interne à l'hôtel, via un échangeur thermique, afin de produire le froid. La boucle d'eau de mer est indépendante de la boucle d'eau douce glacée.

La puissance installée est de 1,6 mégawatt froid.

Le 1 er juillet 2014, le groupe Pacific Beachcomber a ouvert un resort de luxe sur l'île de Tetiaroa, qui se trouve à 60 km de Tahiti. Il s'agit de l'hôtel « The Brando » composé de 35 villas.

Avec l'ouverture du Brando, Pacific Beachcomber a intégré au plus haut degré possible les composantes associées au développement durable, par exemple avec l'objectif de certification leed platine en cours d'obtention.

Ce développement, qui va bien au-delà de l'hôtel, permet d'atteindre l'autonomie complète en énergie renouvelable grâce à l'utilisation :

- de panneaux solaires ;

- de groupes électrogènes fonctionnant à l'huile de coco ;

- du SWAC, qui est la clé de voûte du système ;

- de batteries à flux.

Il est à noter que sans le SWAC, on ne pourrait atteindre l'objectif d'autonomie complète car il faudrait produire deux fois plus d'électricité.

Avec le Brando, autonome en énergies renouvelables, dont la climatisation à l'eau profonde est le fer de lance, le groupe Pacific Beachcomber espère écrire un nouveau chapitre du développement durable.

Seconde séquence - Le décollage de réalisations novatrices valorisant les ressources terrestres et marines

Lionel Loubersac, Co-fondateur, Manager et Secrétaire Général du Cluster maritime Nouvelle-Calédonie (CMNC) et Olivier Kressmann, Président du MEDEF de Polynésie française et représentant du Cluster maritime Polynésie française (CMPF)

Préambule

Deux clusters maritimes dans le Pacifique, l'un en Nouvelle-Calédonie (CMNC) l'autre en Polynésie française (CMPF), constituent une occasion unique de pouvoir faire rayonner les savoir-faire maritimes nationaux dans le Pacifique et développer les ressources propres, liées à l'économie de la mer, de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna.

Valoriser et exploiter les capacités maritimes de la majeure partie de la ZEE nationale demande de relever un certain nombre de défis. C'est tout l'enjeu des clusters maritimes qui, sur différents sujets, ont besoin de la considération et de l'accompagnement des décideurs publics nationaux et locaux. Il est évoqué aujourd'hui :

1. les opportunités de développer de véritables pôles d'excellence maritime à vocation régionale ;

2. le potentiel avéré des filières aquacoles, sous exploité, et vecteur de croissance économique équilibrée;

3. l'expertise acquise et à acquérir en matière de gestion intégrée des espaces maritimes ;

4. l'importance et les besoins stratégiques en formation aux métiers de la mer ;

5. le défi industriel que constitue la filière des énergies marines renouvelables ;

6. l'exploration et l'exploitation des grands fonds marins.

Rappel du contexte général

Nous insisterons sur le fait que nous sommes une goutte (pas une larme !) ou un soupçon de France dans un océan anglo-saxon sur lequel la Chine développe désormais des vues non équivoques. Nous représentons une « French Touch » utile et sans doute exemplaire, mélange de cultures, de savoir-faire, de maîtrise technologique, de recherche et d'innovation et aussi de réflexions avancées en matière de développement durable, de bien-être social et de respect environnemental.

Il est un fait également que l'ensemble des atouts maritimes et géostratégiques qui sont les nôtres a vu exploser un foisonnement et une diversité majeure de savoir-faire et de métiers de la mer, alors que la prise de conscience du fait maritime, les politiques organisées et les stratégies de développement de l'économie maritime sont encore fragiles et balbutiantes.

Il est un autre constat partagé que nos réalités sont encore largement méconnues par les décideurs publics hexagonaux. La vision erronée et caricaturale de collectivités perçues comme immatures et coûteuses l'emporte trop souvent sur la compréhension de leurs forces propres, leurs véritables avantages comparatifs, la volonté de valoriser nos ZEE de manière responsable ou la considération légitime et nécessaire à l'égard des acteurs qui portent des démarches structurantes de fond - qui se révèlent au final aussi stratégiques pour nos collectivités que pour la France dans son ensemble ou pour l'Europe.

Deux clusters maritimes dans le Pacifique

D'autres interventions ont permis de citer nos créations récentes et notre appartenance à une même famille ultramarine où nous côtoyons nos cousins de l'Atlantique et de l'Océan Indien avec l'accompagnement constant du Cluster maritime français.

Dans cette famille nous avons établi des liens particuliers très étroits en raison de notre appartenance à ce même immense océan, par des cultures et une histoire océaniennes partagées et complémentaires, par des migrations existantes entre nos territoires (Nouméa a plus d'habitants d'origine wallisienne et futunienne que Wallis-et-Futuna, des tahitiens travaillent dans le nickel, des intérêts calédoniens se sont placés en Polynésie et réciproquement...). Les échanges, malgré les distances (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française sont à près de 5 000 km l'une de l'autre !) sont actifs et les enjeux posés de nature très équivalente.

Ces deux clusters se sont donc naturellement créés, émanation du monde économique et de la société civile locale, pour peser de tout leur poids sur les décisions utiles au développement économique du monde maritime, pour être des forces de proposition pertinente car émanant d'acteurs de terrain et pour lancer des défis que nous explicitons ci-après.

Le CMPF, créé en juin 2014, regroupe plus d'une trentaine d'acteurs, entreprises privées, associations, organismes sectoriels publics et privés, qui au travers de l'économie maritime pèsent pour 40 % des ressources propres de la Polynésie française. Par l'organisation du Forum de l'économie maritime - deux éditions au compteur - le CMPF a établi dès 2014 sa feuille de route pour impulser ou renforcer les grands piliers transversaux et fédérateurs permettant une vision d'ensemble et une relance de l'activité et la création d'emplois. La plupart de ces sujets ont d'ores et déjà été initiés, en collaboration et concertation avec les décideurs publics, en contribuant à structurer les filières qui devaient l'être, en réaffirmant la cohésion et la cohérence des acteurs privés. Plusieurs projets sont ainsi portés de front : énergies marines, infrastructures, filières de formation, pêche et aquaculture, tourisme nautique et maritime... Le dernier gouvernement de Polynésie française vient d'accueillir le mois dernier un ministre de l'économie bleue, comme un écho aux demandes du CMPF pour que la transversalité du maritime puisse être considérée à sa juste mesure.

Le CMNC, créé en août 2014, est passé de 32 membres actifs et associés à 49 actuellement ; il représente plus de 2 200 emplois. Il s'est, dans un premier temps, organisé en dix collèges thématiques dont les groupes de travail ont émis plus d'une quarantaine d'idées de projets en cours de structuration transversale (la transversalité étant une des forces de nos clusters) dans le cadre de défis à relever. Comme point de mire sur le court terme, le CMNC vise l'édition d'un document de synthèse et de conviction à l'attention des décideurs publics, l'organisation d'États généraux de la mer validant le lancement de projets et la mise en place d'un état de référence du poids économique du maritime (nombres d'entreprises et organismes, emplois, flux financiers, tendances...) qui n'existe pas mais pourra émerger en tant que première pierre du montage d'un observatoire économique de la mer.

Enfin, le CMNC et le CMPF ont pour objectif d'accompagner Wallis-et-Futuna, doté de potentiels propres, dans l'identification et la définition de ses atouts et attentes liés à l'économie de la mer.

Des défis et des projets structurant

Nous avons sélectionné quelques défis et projets structurants qui se situent au confluent de nos deux collectivités.

Défi A/ Faire de Papeete et de Nouméa deux pôles d'excellence maritime régionaux, l'un pour le Centre Pacifique, l'autre pour le Sud-Ouest Pacifique.

A.1/ Par son positionnement et son éparpillement géographique, la Polynésie française a besoin d'un port vivant, dynamique, adapté. Le nombre d'armements au commerce ou à la pêche, l'approvisionnement des archipels, la croissance des secteurs de plaisance et de grande plaisance (yachting de luxe), la fréquentation aussi, à l'année, de navires de croisière d'expédition, imposent de disposer d'infrastructures de constructions et de réparations navales suffisamment développées. Aujourd'hui, ces activités existent, mais très en deçà de leur potentiel réel. L'opportunité que constitue le contrat de reconversion des sites de défense (CRSD) , notamment pour toute la zone portuaire de Papeete, doit permettre l'émergence d'un véritable projet industriel et économique : chantiers et ateliers, carénage, stockage, une zone technique d'excellence nautique avec des infrastructures mutualisées, pour constituer une offre d'appel, et permettant également des échanges de compétences et une complémentarité bénéfiques aux structures décentralisées dans les archipels (îles Sous-le-Vent, Tuamotu). Ces compétences techniques de haut niveau pourraient également être utilisées dans d'autres secteurs d'activités (chaudronnerie, etc.).

Le remplacement du dock flottant est également un sujet de préoccupation des professionnels et acteurs portuaires qui, s'il dépend probablement de la responsabilité majeure du port autonome de Papeete, de la CCISM et des Forces armées de Polynésie française, doit pouvoir être élaboré avec l'implication et l'appréciation des acteurs et entreprises privées concernées (usagers, armateurs, techniciens) afin de pouvoir être porté comme le fer de lance emblématique d'une ambition commune pour le pays en matière de réparation navale.

La question du CRSD est en suspens, alors même que le projet de réaménagement de cette zone en pôle d'excellence nautique et maritime, porté à la fois par le CMPF, la chambre de commerce, la commune de Papeete, permettrait d'une part de réduire les charges de l'État pour l'entretien à long terme de ces infrastructures tout en assurant les besoins opérationnels de la Marine nationale, et constituerait d'autre part pour l'ensemble de la filière de la réparation navale civile en Polynésie française un formidable élan porteur d'emploi et de développement. L'attente des acteurs est forte sur ce point et constituerait, de la part de l'État, un signe fort de confiance et de considération envers les forces vives et les capacités des acteurs polynésiens.

A.2/ Nouméa est une ville maritime par excellence qui n'en a pas encore perçu le poids, ni les atouts géostratégiques que cette presqu'île, avancée en mer et proche de passes et de communications avec la mer ouverte, voisine de l'Australie et la Nouvelle-Zélande et trait d'union entre l'Asie du Sud-Est et le reste du Grand Pacifique, peut mettre en avant pour devenir un site d'attractivité majeur. Plusieurs des atouts de Nouméa sont déjà reconnus ; ils font par exemple que plusieurs opérateurs s'intéressent à ce site où ils trouvent ce qu'ils attendent, mais seulement en partie. On peut effectivement se poser la question de savoir pourquoi l'Île de Ré, navire sophistiqué d'Alcatel Lucent, a choisi de se baser à Nouméa plutôt qu'à Suva, Port Vila ou en Australie ? Pourquoi les grandes compagnies de croisière s'intéressent-elles à ce site ? Et au-delà, pourquoi la Nouvelle-Calédonie fut-elle stratégiquement la base arrière des États-Unis lors de la Guerre du Pacifique ?

Créer un pôle d'excellence maritime sur Nouméa et ce qui est appelé le Grand Nouméa (actuellement de l'ordre de 180 000 habitants) siège de l'implantation de la plus grande zone d'aménagement concerté de France : Dumbéa sur mer (22 000 habitants), amené très vraisemblablement à devenir l'une des principales métropoles du Pacifique, oblige à favoriser la cohabitation intelligente et la coordination d'un port minéralier, d'un port pour paquebots, d'un port pour vraquiers, pétroliers, porte-conteneurs, d'un port de pêche, d'un port pour grands yachts, d'un port militaire, d'un port de liaisons inter-îles ou interurbaines, d'un groupe de marinas adapté à la demande, avec derrière les infrastructures utiles (carénage, logistique, maintenance, assistance technique, aires de travail pour professionnels, ateliers divers...) construites en bonne coordination. Cette cohabitation raisonnée doit savoir également considérer des espaces de compétition sportive situés à proximité immédiate, d'un aquarium des lagons, d'un musée maritime, d'un réseau de commerces liés à la mer allant de l'artisanat à la plongée, les sports de glisse etc..., d'aires marines protégées ou d'aires de gestion durables des ressources situées dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres au plus où biodiversité et usages cohabitent en bon équilibre, d'une université et de campus de centres de recherche de renom, d'un pôle d'innovation « mer » à l'Adecal... Ceci suppose que port, ville, municipalités voisines, provinces, gouvernement, mais aussi que tous les acteurs et usagers de la mer s'entendent, ce qu'ils ne font encore qu'imparfaitement. Nous n'avons pas, comme les polynésiens, l'atout d'infrastructures lourdes existantes issues de programmes militaires. Nous avons, en revanche, le besoin et les raisons de ce besoin, une partie des infrastructures mais pas exactement à niveau, ni la coordination nécessaire, pour « prendre une place » dans le Pacifique Sud-Ouest, place qui est pourtant devant nous si on se risque à essayer de la prendre ! Il y a donc nécessité, toutes activités confondues, de produire un schéma intégré de développement maritime du Grand Nouméa, qui n'existera que s'il est conduit par l'ambition d'être « pôle régional intégré maritime et d'excellence » ou « PRIME », ce que le CMNC souhaite contribuer à promouvoir...

Ce pôle d'excellence doit également favoriser l'attractivité dans le Sud-Ouest Pacifique vis-à-vis des choses de la mer, des métiers de la mer (et donc des vocations et formations), de la culture maritime, de la créativité et de l'innovation liées à la mer (ceci est envisageable bien au-delà de Nouméa avec des antennes dans le Nord de la Grande Terre et aux îles) ainsi que des partenariats régionaux avec nos deux grands voisins Australie et Nouvelle-Zélande, et les pays insulaires de notre proche région : Papouasie-Nouvelle-Guinée, Salomon, Vanuatu et Fidji.

Défi B/ Promouvoir les activités aquacoles, quand bien même avec de « petits » projets.

Il existe en effet un vrai savoir-faire en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie basé sur une recherche aquacole avancée, la mise en place de structures de valorisation et de transfert, des entreprises et des initiatives.

Nous insisterons sur les fondamentaux de ces activités qui sont : 1/ de contribuer à l'autosuffisance alimentaire de nos collectivités, 2/ d'être des « sentinelles » de qualité des milieux, donc porteuses de développement économique dit durable, 3/ ce sont des activités d'appui à l'équilibre de ces collectivités et à l'aménagement de leurs territoires, 4/ elles sont porteuses de possibilités d'export : perles et crevettes mais aussi bèches de mer, 5/ elles peuvent vraisemblablement soutenir des facteurs de croissance nouveaux et originaux qui dépasseront la stricte fonction première de fournir des protéines pour contribuer, par exemple avec l'aquaculture de micro-algues, à résoudre d'autres questions posées (applications médicales, cosmétiques, industrielles, remédiation CO 2 ...).

La Polynésie française, par la perliculture d'abord, puis avec l'annonce et la mise en oeuvre prochaine de grands projets aquacoles - sous capitaux chinois et dédiés à l'export - dans l'archipel des Tuamotu a identifié l'aquaculture comme un levier économique majeur et un facteur de maintien des populations, voire de développement des archipels éloignés de Tahiti. Les acteurs et le cluster maritime polynésien sont favorables à la mise en place du projet sur Hao, sous réserve de pouvoir garantir l'emploi et la formation de cadres, gestionnaires et techniciens locaux ; les transferts de connaissance et technologie ; les synergies locales pour la production de post-larves et alevins ; pour la production de l'alimentation ; la commercialisation de production aquacole locale ; la production de nouvelles espèces endogènes et un suivi strict et régulier de l'impact environnemental. Ce développement aurait en outre un impact très positif pour les armateurs de fret inter-archipel, qui pourraient alors envisager plus sereinement le renouvellement de la flotte.

En revanche, s'il est évident que les collectivités locales de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie ont su accompagner ces développements (cf. pour la Nouvelle-Calédonie la création de Centres Techniques aquacoles gérés par l'Adecal, l'un sur la crevette, l'autre sur le poisson et prochainement un troisième sur les micro-algues) et que l'État a su soutenir des recherches locales en matière de maitrise des cycles biologiques ou encore de zootechnie, il y a deux conditions majeures au développement durable de ces cultures marines qui ont été insuffisamment considérées :

a/ celle du contrôle normalisé de la qualité des milieux d'élevage, mais aussi des impacts potentiels sur le milieu naturel même s'ils sont réduits ;

b/ tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française s'étant dotée de Plans de Gestion des Espaces Maritimes (PGEM), celle de la planification spatiale des activités maritimes sur le proche côtier et donc de la mise en place de schémas directeurs et plans de gestion transversaux facilitant la résolution des conflits d'usages (conflits spatiaux, acceptabilité du milieu et capacité de charge, conflits sur l'eau et sa qualité...).

On citera la collectivité de Wallis-et-Futuna qui, sur des micro-projets à instruire, pourrait bénéficier de la part de Nouvelle-Calédonie et Polynésie française des appuis utiles au lancement de projets-pilotes.

Bien que ceci puisse apparaître en marge il y a également des réflexions (cf. l'initiative Néofood en Nouvelle-Calédonie) qui visent à créer de nouveaux aliments exploitant les qualités gustatives et nutritionnelles originale de plantes halophytes (plantes des marais salés) mais aussi de produits de la mer comme les crabes « mous » et pourquoi pas à terme des aliments issus de micro-algues dont on sait qu'elles sont les premiers pourvoyeurs des fameux acides gras oméga 3 qui ont un rôle essentiel dans la nutrition et la santé humaine.

Défi C/ Montrer, pour elles-mêmes et pour la région, que la Calédonie, la Polynésie et Wallis-et-Futuna associées savent promouvoir la gestion intégrée de leurs littoraux, lagons et mers côtières et concilier le développement économique et la pérennité de plusieurs métiers de la mer avec le respect de la qualité environnementale.

Ceci résulte des réflexions précédentes relatives au développement aquacole car elles touchent aussi à deux axes majeurs de développement : les activités récréatives et sportives et le tourisme, très directement dépendantes de la qualité des milieux et des risques de conflits d'usage. Il y a bien là la nécessité évoquée pour le défi précédent, voire l'obligation, de mieux réfléchir à la définition d'un plan d'occupation intégré du littoral et des lagons, opposable et régulateur de conflits, ainsi qu'à l'organisation d'un système pérenne et normalisé de contrôle et de surveillance de la qualité des eaux, de la matière vivante, du sédiment et de la biodiversité. À ceci s'ajoutent les perspectives à instruire de mise en place d'outils économiques tels que des dispositifs de paiements pour services environnementaux et la compensation biodiversité (cf. projet Invaluable de l'Institut du Développement Durable et des Relations Internationales).

Un travail concerté entre Nouvelle-Calédonie et Polynésie française sur de tels enjeux, avec accompagnement de l'État en matière de méthodes et d'outils, ne peut être que bénéfique pour tous. Nous ajouterons le savoir-faire, cette fois-ci plutôt côté calédonien en matière de gestion durable d'aires marines protégées (provinces Sud et Nord) qui, en bon partenariat avec la Polynésie française et Wallis-et-Futuna pourrait-être valorisé en inter-collectivités et aussi vers l'extérieur, la Polynésie française finalise d'ailleurs actuellement deux grands projets d'aires marines protégées aux Marquises et aux Australes. Enfin l'inscription au patrimoine mondial de 15 000 km² de lagons en Nouvelle-Calédonie et la création récente du Parc marin de la Mer de Corail sont des initiatives à très fort poids d'exemplarité si les consensus établis par les comités de gestion mis en place et la dotation progressive de connaissances encore déficientes en mer ouverte et sur les grands fonds sont à la hauteur des enjeux.

Défi D/ Favoriser les vocations et renforcer les formations maritimes

Il y a deux impératifs : face à l'extrême diversité des métiers de la mer et face à leurs dynamiques il faut susciter des vocations maritimes et renforcer des formations adéquates et adaptées aux contextes locaux.

Le CMPF a tenu dès l'organisation de son second forum de l'économie de la mer à le dédier complètement aux métiers de la mer et à la formation. Ce n'est pas anecdotique. La problématique est cruciale et concerne tout autant les analyses du groupe de travail « vocations maritimes et formation » du CMNC. On relève au regard de la diversité des activités une multiplication de titres civils et militaires, locaux, nationaux ou internationaux, sans passerelles ni véritable cohérence d'ensemble, imposant aux organismes de formation des référentiels qui évoluent en permanence, de nouvelles règles constantes, des formations règlementées ou non, qui nuisent durablement à l'attractivité de ces filières puisque ni la population ni les employeurs au final n'y comprennent plus grand chose. Il y a à la fois un besoin de rationalisation et de mise en perspective, tant des filières initiales proposées dans les territoires que dans les filières professionnelles, en y associant véritablement les employeurs.

L'apprentissage, la validation des titres de navigation Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers , l'attractivité des métiers doivent faire l'objet de travaux conséquents pour répondre aux besoins (trop) nombreux recensés à ce jour. Il est réaffirmé une forte attente vis-à-vis de l'Éducation Nationale pour permettre, d'une part, un accès garanti aux filières existantes sur l'hexagone, d'autre part, l'implantation de certaines d'entre elles en Polynésie et/ou en Calédonie - et cela tant au niveau secondaire que supérieur. L'ouverture et l'implantation de « lycées de la mer », qui pourraient même s'ouvrir à des étudiants régionaux, sont sollicitées avec force. L'Université de Polynésie française, à titre d'exemple, va ouvrir prochainement une section dédiée au droit maritime, qui fait partie des compétences et spécialisations nécessaires à développer sur des territoires comme les nôtres. Il devra en être de même pour tous les « nouveaux » métiers liés aux biotechnologies, à l'énergie, à la préservation environnementale autant qu'à la gestion des espaces et des infrastructures nautiques et maritimes.

Enfin, point absolument récurrent, celui de la sensibilisation à la sécurité en mer, pour provoquer une véritable culture de la sécurité - formidablement négligée aujourd'hui, alors que par exemple, dans chaque famille, en Polynésie notamment, on peut décompter une à plusieurs navigations régulières au large chaque année ou en Nouvelle-Calédonie des incidents pouvant à terme êtres graves de navires de plaisance dans les lagons ou à l'extérieur. Il y a, par ailleurs, en s'attaquant de façon plus délibérée à ces questions de sécurité un moyen de promouvoir l'attraction vers des métiers considérés « à risques ».

L'État doit accompagner, par son expérience et ses moyens, les collectivités ultramarines dans le développement cohérent des filières d'éducation et de formations des métiers de la mer, créer les passerelles nécessaires, approfondir le transfert de compétences, simplifier et faciliter l'accession des étudiants polynésiens, calédoniens et wallisiens - une bonne part de l'avenir économique de nos territoires en dépend.

Défi E/ Favoriser l'exploitation des ressources énergétiques marines renouvelables

Les trois collectivités possèdent cet atout essentiel de la présence d'eaux chaudes en surface et d'une température de l'ordre de 4°C à 1 000 mètres de fond et ceci à de faibles distances des côtes. Exploiter ce Ät supérieur ou égal à 20°C pour en tirer du froid (système SWAC), ou de l'électricité (Énergie Thermique des Mers ou ETM), est possible et particulièrement avantageux quand on sait cette énergie propre, continue et inépuisable. Mais d'autres sources existent : la houle dont les régimes sont réguliers selon les saisons, le vent avec un régime d'alizé quasi permanent et puissant en Nouvelle-Calédonie et le courant dans certaines passes des récifs ou des atolls (hydroliennes).

Les énergies marines renouvelables (EMR) constituent sans doute le prochain grand défi industriel français - comme auparavant l'aéronautique, le spatial, le nucléaire civil, ou le ferroviaire à grande vitesse... À ce titre, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie peuvent rapidement s'imposer comme des avant-postes nationaux et européens à la croisée des sphères d'influences asiatiques, océaniennes et américaines.

L'histoire de l'ETM et celle de la Polynésie française se confondent depuis un siècle, entre tentatives d'application, validation de progrès technologiques, ou échecs patents. Ce n'est pas un hasard si d'ores et déjà deux unités SWAC fonctionnent dans deux hôtels de prestige - à Bora Bora et Tetiaroa - et si une autre unité, publique celle-ci, devrait voir le jour pour raccorder le principal centre hospitalier de Tahiti. Le CMPF porte également un projet fort, issu de ses groupes synergies, pour accueillir une centrale ETM de seconde génération, après le projet Nemo qui doit être réalisé à la Martinique. Les six prochains mois seront cruciaux pour valider la faisabilité et le calendrier conjointement avec le groupe DCNS. Cela permettrait de positionner Tahiti comme le pionnier de ces nouvelles énergies dans le Pacifique - sauf si Hawaii parvient à finaliser ses propres projets avant. Cela permettrait également d'initier toute une nouvelle filière industrielle, à forte valeur ajoutée, faisant appel aux compétences locales pour la maintenance, l'entretien et l'exploitation, une filière qui pourrait s'exporter au niveau régional.

En Calédonie, il s'agit d'un dossier qui reste totalement à ouvrir. Certes, une expertise collégiale s'est tenue en 2010 mais elle a peu creusé les potentiels des EMR. Certes aussi une étude du potentiel houlomoteur, à la fin des années 2000, a montré des perspectives intéressantes dans le Sud des îles Loyauté, mais avec une technologie encore à l'époque insuffisamment mature. Il y a donc des argumentaires, des expertises à préparer et le CMNC a un rôle de conviction responsable à assurer, notamment en lien avec le cluster calédonien Synergie dédié aux ressources énergétiques renouvelables. Il y a en outre tout intérêt d'un positionnement de la Nouvelle-Calédonie dans le sillage de la Polynésie française, en bonne association avec ses voisins tahitiens qui ont un début de savoir-faire, pour évaluer le potentiel disponible alors que cette collectivité est très vraisemblablement bien dotée de ces types d'énergie potentielle ?

Défi F/ Favoriser la mise en place de campagnes d'exploration de la mer ouverte et des fonds marins

S'il est un fait que nos ZEE sont immenses, il est un autre fait qui est qu'elles possèdent, très vraisemblablement dans leurs grands fonds des ressources minérales de demain : gisements possibles de gaz et d'huile dans les bassins sédimentaires de la ZEE calédonienne, mais aussi nodules (Polynésie française), monts sous-marins et encroûtements (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie), dépôts sulfurés de sources hydrothermales (Wallis-et-Futuna et sans doute Nouvelle-Calédonie), sédiments profonds à concentration de terres rares (Polynésie française). Il est encore un troisième fait qui est que la biodiversité semi-profonde et profonde, quasi inconnue est exceptionnelle. À ce titre, la Nouvelle-Calédonie, construite sur un continent englouti, est vraisemblablement un hot spot mondial.

Il y a donc des enjeux véritablement majeurs à poursuivre. Il faut renforcer les explorations de ces espaces ouverts en préparation de possibles exploitations réfléchies de ressources minérales profondes et de préservation d'une biodiversité de premier plan, sachant en outre que ces explorations supposent innovation et développements technologiques de très haut niveau (drones sous-marins, Autonomous Underwater Vehicle , Remotely Operated Vehicle , systèmes de cartographie, de sismique, de prélèvements in situ ...) portés par nos organismes de recherche comme par des sociétés spécialisées nationales.

Dans ces dernières optiques les deux clusters ont un rôle médian à jouer. Le CMPF est membre du comité de pilotage de l'expertise collégiale sur l'exploitation des fonds marins en Polynésie française, et travaille en étroite collaboration avec le CMF et son groupe Synergie « Grands fonds marins », afin de capter le potentiel d'exploitation des terres rares en Polynésie. Parmi les préoccupations majeures, l'impact sur l'environnement et la ressource halieutique précède de peu la crainte par les acteurs locaux que cette éventuelle exploitation - et les éventuelles retombées économiques - échappent au contrôle des instances polynésiennes.

Vis-à-vis de ce rôle médian le CMNC, pour sa part, a un rôle à jouer auprès du Parc marin de la Mer de Corail, de la décision publique, des opérateurs privés, des associations de défense environnementale, en permettant de mettre du recul, là où il doit être, entre des principes de sanctuarisation et de préservation totale (« no catch » ) prônés par certains et une logique d'exploitation qui serait déraisonnée, et ceci dans un esprit d'exemplarité. On citera la stricte nécessité, sachant que de grands opérateurs sont à la porte, de finaliser en Nouvelle-Calédonie un code minier maritime relatif aux hydrocarbures, en cours d'instruction par la direction de l'industrie, des mines et de l'énergie de Nouvelle-Calédonie, actuellement en attente, avec ouverture aux autres possibilités d'exploitations minérales...

En synthèse, il faut que l'État, dont c'est la responsabilité conformément aux compétences régaliennes qu'il exerce, accompagne efficacement de grandes opérations d'exploration de ces espaces de mer ouverte et de grands fonds dans les domaines des géosciences, de la biodiversité et de la physique océanique, mais aussi, en raison des enjeux posés sur les mêmes espaces, qu'il maintienne, voire renforce la présence militaire française sur des questions de stabilité régionale, de surveillance des ZEE, d'aide humanitaire, de coopération internationale contre divers trafics et qu'il soutienne le rôle noble de nos navires câbliers en termes de connexion des hommes entre les différents continents et les différentes îles de la région, connexion qui passe par les grands fonds.

En conclusion

Pour relever les six défis exposés plus haut, il est nécessaire que plusieurs conditions puissent être remplies :

- favoriser le travail de complémentarité entre les trois collectivités en constituant un axe transversal Ouest (Nouvelle-Calédonie), Centre (Wallis-et-Futuna) et Est (Polynésie française) dans le Pacifique qui, de plus, serait francophone ;

- favoriser la recherche et l'innovation en incitant les universités et les organismes de recherche présents à développer des programmes ciblés et en maintenant voir augmentant les forces actuelles présentes dans le Pacifique Sud ;

- intéresser beaucoup plus l'Europe aux défis posés dans nos trois collectivités et agir pour rééquilibrer un système qui voit des fonds européens se placer sur des projets généralement pilotés depuis Fidji ;

- intéresser et s'appuyer beaucoup plus sur le Secrétariat de la Communauté du Pacifique Sud (CPS), dont le siège est à Nouméa, et son département Applied Geoscience Commission (SOPAC) qui traite de sujets qui sont également prioritaires pour nos collectivités ;

- renforcer le rôle pacifique de l'État en mer face aux besoins montants de surveillance, de sécurité, de contrôle, de répression ou encore d'action humanitaire suite à des catastrophes naturelles ;

- voir l'Éducation nationale se pencher plus activement sur la question des formations au maritime, dès le lycée, en passant par des écoles spécialisées localement, des partenariats accrus avec le système métropolitain, une mobilisation plus active des deux universités et des organismes de recherche pour cours, stages, thèses... ;

- promouvoir en Nouvelle-Calédonie, en raison de son statut sui generis constitutionnel et parce que les partages de responsabilités entre gouvernement et provinces ne permettent pas aisément l'identification d'un « chargé mer ou chargé de l'économie bleue » comme en Polynésie, la création d'un organe transversal qui pourrait être de type « Agence de bassin maritime », ou plus simplement et plus souplement un comité d'orientation stratégique mer et qui, avec la disponibilité d'un lieu commun de travail, aurait l'ambition de valoriser au plan horizontal les ressources de la mer et serait un organe de rassemblement et de coordination autour d'objectifs partagés pour l'avenir, tout en respectant les responsabilités et les compétences en place et tout en favorisant un rôle international d'exemplarité à faire jouer avec nos collègues polynésiens ;

- et faire que les acteurs, au travers des clusters maritimes, soient pleinement considérés au regard de la cohésion, de la cohérence, de la constance, de la transversalité et de la crédibilité qu'ils apportent.

Sommes-nous en plein rêve ?

Calédonien et polynésien nous ne le pensons pas. Nous savons que la mer a toujours su apporter ressources et défis aux hommes, dont ils sont toujours ressortis gagnants.

Alors suivons ce que Saint John Perse, ultramarin lui-même, a su nous souligner avec ces quelques mots :

«Et c'est un songe en mer comme il n'en fut jamais songé,
et c'est la mer en nous qui le songera».

Laurent Corbier, Directeur des Affaires Publiques, groupe ERAMET

Wallis-et-Futuna: défis industriels de l'exploration
et de l'exploitation de ressources minérales profondes

Je tiens tout d'abord à remercier les organisateurs de ce colloque pour leur invitation à venir parler d'une thématique complexe, encore méconnue, et de long terme, mais qui assurément nourrit aujourd'hui les réflexions et la prospective chez une multitude d'acteurs, celle de l'exploration et de l'exploitation des ressources naturelles des grands fonds marins.

Jamais depuis de très nombreuses années n'a-t-on autant parlé de ressources minérales et de métaux, le plus souvent associés aux qualificatifs « stratégiques » ou même « critiques». C'est vrai en France métropolitaine et dans les territoires et collectivités d'outre-mer et c'est vrai plus globalement au sein des instances de l'Union européenne où l'on assiste depuis quelques années à un véritable « réveil » sur les enjeux de long terme liés aux besoins et à la sécurité des approvisionnements, comme en témoignent plusieurs programmes-phare organisés et financés par la Commission.

C'est aussi le cas dans de nombreux pays non européens, où l'on trouve les grands concurrents de nos entreprises industrielles nationales. Pour nos industries en effet, les enjeux liés aux métaux sont complexes et mondiaux : l'accès à la ressource, les cours des matières premières, la compétitivité en sont les principales illustrations.

S'agissant des ressources, la raréfaction des ressources continentales et pour certaines d'entre elles leur concentration géographique ont conduit à s'intéresser non seulement à de multiples solutions en termes de consommations sobres et optimisées, de recyclage, de substitution, mais aussi au potentiel encore largement inexploré que pourraient représenter les grands fonds marins.

Dans ce domaine, la France a une position tout à fait particulière et enviable, puisqu'elle détient le deuxième espace maritime du monde (une zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de km²). Les explorations scientifiques s'y sont donc développées très tôt, il y a déjà plusieurs décennies, mobilisant de nombreuses disciplines et expertises nationales : des scientifiques, des chercheurs, des entreprises d'ingénierie, minières et métallurgiques.

C'est dans ce contexte qu'ERAMET, groupe minier et métallurgique intégré, spécialiste français des métaux d'alliages et partenaire de plusieurs secteurs industriels stratégiques, a décidé de s'impliquer dans le projet d'exploration scientifique de la ZEE de Wallis-et-Futuna. Ce projet a été organisé et mis en oeuvre au travers d'un partenariat public-privé (« le consortium ») associant des entités ou organismes publics (AAMP, Ifremer, BRGM, Areva) et deux entreprises privées (Technip et ERAMET).

La zone de Wallis-et-Futuna a été sélectionnée car elle est située dans un domaine volcanique sous-marin actif et peu connu, propice à la formation de minéralisations hydrothermales sulfurées ( Seafloor Massive Sulfides ou SMS) qui peuvent être enrichies en métaux de valeur (cuivre, zinc, or, argent, ...).

Une première phase d'exploration constituée de trois campagnes d'exploration a été conduite par le consortium entre 2010 et 2012 sur une zone très large (271 050 km 2 soit près de la moitié de la surface de la France métropolitaine). Ses conclusions sont prometteuses, plusieurs sites pouvant contenir des sulfures hydrothermaux avec de potentielles ressources minérales ayant été identifiés.

Cette première cartographie sous-marine est cependant loin d'être complète et les partenaires du consortium s'accordent sur le fait que des recherches complémentaires sont nécessaires avant de pouvoir produire la première ébauche d'un éventuel projet industriel. Ils sont en particulier tout à fait sensibilisés à la question du besoin crucial d'acquisition de connaissances, en particulier liées à l'environnement, à la biodiversité et aux écosystèmes profonds.

L'expertise scientifique collective (ESCo) menée par l'Ifremer et le CNRS qui a donné lieu en 2014 à la publication d'un rapport (« Les impacts environnementaux de l'exploitation des ressources minérales marines profondes »), confirme et renforce la nécessité d'aller beaucoup plus loin dans la connaissance scientifique de la zone explorée.

Face à cette ambition de long terme, la responsabilité première des industriels est d'identifier et de définir de la façon la plus précise possible les impacts des différentes phases de travail : de l'exploration qui devra nécessairement faire appel à des moyens géophysiques et de forage, à l'exploitation minière qui devra mettre en oeuvre différentes séquences, telle que l'extraction et la collecte du minerai, sa remontée à la surface, son prétraitement éventuel en surface, son transport.

La nature de ces impacts dépendra bien entendu du type de gisement à exploiter, des technologies pouvant être utilisées et des caractéristiques spécifiques de l'écosystème affectées. Pour l'industriel, le défi est bien de définir et de mettre en oeuvre, avec le soutien de la communauté scientifique et d'experts, les mesures permettant d'éviter ou de réduire ces impacts et le cas échant de les compenser.

La dimension sociétale est aussi un élément-clé de la dynamique du projet et ces phases d'études et de travaux sont l'occasion d'échanger avec toutes les parties prenantes du territoire pour informer sur le projet, connaître les attentes et les interrogations et y apporter des réponses.

Opérateur minier depuis plusieurs décennies, le groupe ERAMET a fait de cette approche prudente et responsable l'un de ses grands principes d'action. Il entend faire bénéficier ses futurs projets de son expertise et des bonnes pratiques accumulées au fil du temps.

C'est dans cet état d'esprit que les partenaires intéressés aux perspectives de long terme de la zone de Wallis-et-Futuna mûrissent actuellement leurs réflexions sur les objectifs concrets et les moyens qui permettront de lancer les prochaines campagnes d'exploration.

Laurent Albuisson, Directeur régional Centre ouest & outre-mer, groupe Quadran

Je vous prie d'excuser Stefan Sontheimer, qui a dû rester en Nouvelle-Calédonie où le groupe Quadran met actuellement en place une centrale photovoltaïque. Cet investissement marque le renouveau du secteur en Nouvelle-Calédonie.

Je vous propose ici un retour d'expérience autour de la publication du Livre blanc des énergies renouvelables et de la maîtrise des énergies élaboré par la grappe d'entreprises Synergie, qui rassemble une vingtaine de PME basées en Nouvelle-Calédonie. Certaines de ces entreprises sont de très petite taille : elles peuvent ne faire travailler que deux ou trois personnes ; nous ne sommes donc ici pas du tout à la même échelle que celle envisagée par Laurent Corbier.

L'abondance de soleil et de vent, ainsi que l'importance de la biomasse et l'implantation pionnière de centrales hydroélectriques par Enercal donnent à ce territoire un énorme potentiel dans le secteur des énergies renouvelables. Celui-ci est cependant entré en crise en 2009, avec une baisse des dotations, de la défiscalisation et de la rentabilité des installations.

Plusieurs entreprises ont alors perçu la nécessité d'agir conjointement. Synergie regroupe ainsi des sociétés aux profils divers : les deux compagnies électriques de Nouvelle-Calédonie, des producteurs d'électricité comme Quadran Pacific, des installateurs, des fournisseurs de matériel, des maintenanciers d'installation et des bureaux d'études.

Depuis 2011, la labellisation de notre grappe d'entreprises par la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) donne davantage de moyens à notre action de promotion des énergies renouvelables.

Le Livre blanc a nécessité un grand travail de concertation interne : les membres de Synergie étant à la fois partenaires et concurrents, il n'était pas aisé de proposer une vision globale et collective aux décideurs calédoniens. Rendu public à la fin de l'année 2013, le document était de nature à impacter les programmes politiques des élections de 2014, avec à l'horizon la COP 21 de 2015 et l'espoir que la Nouvelle-Calédonie y trouve sa place, contrairement à ce qui s'est passé pour le protocole de Kyoto.

Il ressort du Livre blanc que la production en énergies renouvelables peut être doublée dans ce territoire. Le barrage de Yaté, construit en 1959, assure aujourd'hui encore la majeure partie de cette production. Doubler celle-ci en ayant recours moins à l'hydroélectrique qu'à l'éolien et au solaire est donc un défi, comme l'est l'objectif de 80 % d'autonomie énergétique des îles d'Ouvéa et de Lifou par rapport à la Grande Terre.

De même, le Livre blanc propose avec ambition de viser une part de 30 à 35 % des énergies renouvelables dans la consommation et la production énergétique néo-calédonienne. Les énergies renouvelables représenteraient alors une part équivalente à celle de la consommation publique dans ce territoire où l'industrie métallurgique produit et consomme 70 % de l'électricité. Dans l'hypothèse d'une distribution énergétique publique assurée par les énergies renouvelables, il reviendrait ensuite aux industriels de faire leurs propres choix énergétiques.

Synergie tenait également à souligner dans cette publication les retombées économiques et sociales du développement du renouvelable. Ce sont 150 personnes qui travaillent aujourd'hui dans les entreprises partenaires de Synergie.

Nous avons ensuite décliné nos propositions en termes d'investissements nécessaires et de modalités d'applications, en gardant toujours à l'esprit les questions sensibles du prix de revient de l'électricité et du prix à l'abonné, pour imaginer la situation concrète des énergies renouvelables en Nouvelle-Calédonie à l'horizon 2030.

Quelles conclusions tirer de ce travail ? Premièrement, les entreprises concernées ont appris, grâce à ce projet, à travailler ensemble. En 2015, les nouveaux investissements reçus ont d'ailleurs été répartis entre les différents acteurs de Synergie. Nous avons constaté une recrudescence récente des investissements, qui avaient pratiquement disparu depuis 2009.

L'installation de toitures photovoltaïques sur le port autonome de Nouvelle-Calédonie, projet qui retient actuellement Stefan Sontheimer, est symbolique de ce renouveau. Ces réalisations sont initiées pour l'essentiel par des entreprises locales.

Deuxièmement, force est de constater que la classe politique s'est largement approprié les propositions du Livre blanc . Un schéma « de la transition énergétique » est ainsi en train de se mettre en place en Nouvelle-Calédonie.

Troisièmement, il faut noter que notre Livre blanc est déjà obsolète. En effet, le Gouvernement a entre-temps fixé l'objectif d'une autonomie énergétique complète des îles. De plus, les objectifs que nous avions envisagés pour 2030 sont aujourd'hui proposés par les politiques pour 2025, du fait de l'amélioration des performances économiques des énergies renouvelables. Celles-ci sont aujourd'hui compétitives sans défiscalisation.

L'aventure collective du Livre blanc de Synergie montre donc que des propositions collectives de petites entreprises motivées et très compétentes peuvent être relayées par des décisions politiques et impacter notablement le secteur d'activité concerné.

Daniel Villessot, Conseiller scientifique de Suez

Le dessalement solaire d'eau de mer au fil du soleil
(sans stockage d'énergie) !

Le concept

Les procédés de dessalement par osmose inverse ont atteint aujourd'hui un niveau de maturité industrielle et de développement commercial mondial. Toutefois, ce sont encore des procédés énergivores qui génèrent des volumes de saumures proches de la moitié des volumes d'eau de mer prélevés et qui doivent être rejetés dans l'environnement avec précautions. Le dessalement de demain repose sur une conception et une gestion plus environnementale de l'énergie et sur une optimisation des rejets.

Les nouvelles technologies doivent promouvoir une meilleure efficacité énergétique et permettre ainsi une réduction de la consommation d'énergie. Pour répondre à ces exigences, le procédé de dessalement doit pouvoir être couplé à des énergies renouvelables (solaire, photovoltaïque, éolien, hydrolien, géothermie).

D'autre part, de nouvelles voies innovantes de potabilisation de l'eau osmosée (électro-chloration solaire) et de traitement des saumures peuvent contribuer à l'objectif d'amélioration des performances énergétiques.

Enfin, la diminution des nuisances du rejet sur le milieu naturel est un autre axe d'amélioration. Le choix des réactifs nécessaires aux traitements et le taux de conversion appliqué doivent être optimisés dans ce sens.

Le procédé Osmosun développé par Mascara-NT permet de répondre à ce double objectif des transitions énergétique et environnementale.

Les marchés visés

Selon les dernières prévisions liées aux changements globaux (évolutions climatiques, accroissement de la population, migration vers les zones urbaines et littorales), en 2030, 47 % de la population mondiale sera située en zone de stress hydrique.

Conséquence, le marché de construction ou de réhabilitation des usines de dessalement dans le monde, entre 2013 et 2016, est estimé à 46 milliards d'euros, avec une croissance annuelle de l'ordre de 8,7 % (source : Global Water Intelligence ). L'investissement dans de nouvelles infrastructures de dessalement était de 7 milliards d'euros en 2010. La part des équipements du procédé représentait environ 35 % de ce montant (2,5 milliards d'euros). Il apparaît ainsi que le dessalement est un marché qui est en pleine expansion avec une progression d'environ 10 % par an en moyenne. On estime qu'environ 200 millions de personnes dans le monde sont actuellement alimentées en eau dessalée, ce qui est encore assez peu, même si plus de 700 usines de dessalement ont été construites entre 2010 et 2011. En 2012, il existait environ 17 000 usines de dessalement, construites ou en construction, produisant un peu plus de 0,5 % de l'eau consommée dans le monde. Pour ces grandes installations, le Moyen-Orient et l'Australie sont les pays offrant actuellement des marchés potentiels, alors que les États-Unis constituent le marché de demain : des usines de dessalement de grande capacité devraient voir le jour en Californie et au Texas. Ce marché est également en train de s'élargir aux activités industrielles (notamment minière) en Amérique du Sud qui en fait un acteur important pour la technologie appliquée aux industries.

La plupart de ces installations de taille importantes font appel au couplage d'un procédé d'osmose inverse à des énergies conventionnelles. Leur exploitation et leur maintenance font appel à des personnels hautement qualifiés. Plus récemment, des procédés innovants sont testés pour que des énergies renouvelables (essentiellement solaire photovoltaïque et thermique ou éolienne) soient associées en vue de diminuer l'impact énergétique.

Restent à mieux résoudre les besoins des collectivités de plus petite taille ou les cas nécessitant des apports complémentaires d'eau dessalée aux ressources d'eau douce. Pour répondre à ces besoins très spécifiques, les unités de production doivent intégrer des innovations tant pour les aspects technologiques, que de services et maintenance pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux : réduction du prix de production de l'eau, diminution des consommations énergétiques, maîtrise des pollutions liées aux rejets et conception des installations permettant une opération et une maintenance adaptées.

Pour ce faire, Suez s'appuyant sur les savoir-faire de la société Mascara-NT, développe actuellement un projet de production d'eau potable par dessalement d'eau de mer par procédé d'osmose inverse et désinfection par énergie photovoltaïque, au fil du soleil. La société Mascara-NT a développé le couplage de l'osmose inverse et du photovoltaïque au fil du soleil. La production varie avec l'intensité solaire captée et la production est assurée sans stockage d'énergie. Cette approche technologique très innovante, ayant fait ses preuves en termes conceptuels, doit être désormais testée sur sites réels pour répondre efficacement aux attentes des collectivités isolées des zones côtières arides et insulaires. Les paramètres-clés peuvent être résumés ainsi :

- un couplage de l'osmose inverse à l'énergie photovoltaïque avec une totale autonomie aux énergies fossiles, sans batteries de stockage ;

- un procédé robuste de production qui varie avec l'intensité solaire captée ;

- une conception des unités de production permettant une exploitation sans compétences particulières sur site ;

- une télémaintenance permettant d'espacer les interventions de technicien ;

- une totale maîtrise des coûts énergétiques et des coûts de production.

Plusieurs innovations sont ainsi associées et une première mondiale pour cette technique sera testée sur la plateforme de Ghantoot à Masdar (Abu Dhabi).

Pour ce qui est du développement économique des territoires Pacifique, nous travaillons actuellement à un projet visant l'installation d'un démonstrateur d'une capacité de production de 80 m 3 par jour à Bora Bora où la filiale polynésienne de Suez exploite déjà deux unités traditionnelles de dessalement par osmose inverse utilisant l'énergie électrique. Ce sera le premier site permettant de valider les performances en conditions réelles de terrain, avant d'installer l'ensemble panneaux photovoltaïques et l'unité de production sur l'île voisine de Maupiti, en conditions réelles d'autonomie énergétique et d'exploitation.

Fabrice Colin, Directeur de recherche Institut de recherche pour le développement (IRD) CEREGE technopole de l'Arbois - Aix en Provence

Je voudrais placer ma présentation sous le signe de l'économie circulaire. Comment conjuguer les deux visages de la Nouvelle-Calédonie, entre le sous-sol, riche en nickel, cette ressource non durable, et les écosystèmes riches en ressources renouvelables ?

Rappelons que la recherche et l'innovation, outils structurants d'une société, sont des vecteurs de l'économie de la connaissance chère à l'IRD et à ses partenaires des Sud. À l'IRD, en Nouvelle-Calédonie, en partenariat, depuis une vingtaine d'années, nous imaginons des solutions pour relever les défis socio-économiques et écologiques, en associant à travers la recherche et développement, les mondes trop souvent opposés de l'extraction minière, avec ses impacts environnementaux, et ceux de la préservation, restauration et valorisation des écosystèmes terrestres et marins.

En 2008, l'IRD a mené une étude en partenariat avec l'Adecal, l'AFD et le bureau d'études Algoe, concernant l'élaboration éventuelle d'un pôle de compétitivité en Nouvelle-Calédonie. Ce travail a montré qu'un tel pôle dans ce territoire devait nécessairement s'appuyer sur le nickel, dont l'exportation, qui a marqué l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, représente aujourd'hui de 10 à 15 % de son PIB, selon le cours du nickel au London Metal Exchange .

L'après-nickel est d'ores et déjà envisagé par différents acteurs, il faut toutefois imaginer une transition de moyen termes, qui prenne en compte l'importance actuelle de cette industrie, même si le nickel est économiquement très volatile : l'après nickel de demain est lié au nickel d'aujourd'hui.

Actuellement, l'industrie minière en général doit procéder, selon moi, à une « valorisation » plutôt qu'à une « exploitation » : au-delà du métal valorisé, l'extraction a dû en effet s'accompagner (processus itératif) d'une accumulation de connaissances et de savoir-faire concernant les écosystèmes miniers, la gestion de l'eau et la réhabilitation des sites dégradés par exemples. Les industriels ont ainsi dû adapter leur activité aux contraintes environnementales et devront nécessairement sans cesse être au plus près des meilleures techniques possibles en termes de réduction et de maîtrise de l'énergie, des impacts sociaux et environnementaux dans un concept de responsabilité sociale inclusive.

Dès lors, comment créer des filières innovantes à partir des écosystèmes tant biologiques qu'économiques ? C'est la question des économies dites bleue et verte. Elles sont bien sûr liées à celles des identités et de la cohésion sociétale. Face à ces interrogations, l'apport écologique et économique des micro-algues est emblématique d'une économie circulaire à promouvoir dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie et dans l'outre-mer en général.

Grande de quelques microns seulement, une micro-algue est une véritable usine végétale photosynthétique dont le rendement est dix à trente fois supérieur à ceux des végétaux terrestres. Par la photosynthèse, elle piège du carbone inorganique et produit de l'oxygène ainsi que plusieurs molécules carbonées d'intérêts économiques: des protéines, des lipides, des carbohydrates, des pigments et des vitamines. Elles se multiplient dans l'eau douce, salée ou saumâtre. En compléments des nécessaires études qui devront permettent de réduire les émissions de CO 2 anthropique, on sait quelle importance prend aujourd'hui la question du piégeage du CO 2 inorganique, atmosphérique ou directement émis des centrales énergétiques, pyro-métallurgiques ou hydro-métallurgiques.

Les micro-algues sont à l'origine de la moitié de la production d'oxygène de la planète. Nous leur devons d'ailleurs, de fait, l'apparition de la vie sur Terre : en effet, les cyanobactéries qui, il y a quatre milliards d'années, ont produit l'oxygène nécessaire à la vie, sont des micro-algues procaryotes. Elles ont engendré les micro-algues eucaryotes (noyau), à l'origine de la sexualité.

Notre travail actuel s'inscrit donc dans une dynamique profondément cyclique : il s'agit en quelque sorte, de remonter aux bases fondamentales de la vie, pour les valoriser dans le cadre de demandes sociétales actuelles. Si 30 000 espèces de ces algues sont déjà connues, plusieurs millions restent à découvrir : elles représentent donc un très fort potentiel de biodiversité et de molécules renouvelables.

Quels sont les atouts du territoire néo-calédonien dans les recherches et expérimentations en général et plus spécifiquement concernant les micro-algues ? Nous l'avons vu aujourd'hui, globalement, un continuum fort relie dans ce territoire la recherche académique à la recherche finalisée et à la création d'entreprises innovantes dédiées, grâce aux concours de l'État et du contrat inter-collectivités (Gouvernement et provinces) qui témoigne de fortes volontés politiques locales. Des partenariats publics-privés se développent auxquels participent plusieurs organismes de recherches, Institut agronomique calédonien (IAC), Institut Pasteur, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), IFREMER, IRD, Université de Nouvelle-Calédonie (UNC), et la technopole de Nouvelle-Calédonie qui assure les transferts technologiques.

Dans ce cadre fédératif, un projet pionnier d'aquaculture des micro-algues s'est développé en 2011 (AMICAL 2011-2015). Initié par IFREMER et la technopole, il a conduit à la création de laboratoires technologies dédiées en Province sud et en Province nord, financés par le CIOM. Un deuxième projet impliquant également les mêmes acteurs avec l'IRD, l'UNC, le CSIRO 45 ( * ) de Tasmanie et l'université de Fidji débute en 2015 avec le concours financier du ministre des affaires étrangères (projet Fonds Pacifique). Les partenariats sont en cours d'élaboration en relation étroite avec des pôles de compétitivité comme ceux de la région PACA et Languedoc Roussillon (Pôle mer PACA et pôle méditerranée, Trimatec), ainsi qu'avec des organismes comme le Commissariat à l'énergie atomique (HélioBiotech et CEA-Tech).

Les stratégies s'insèrent dans la stratégie territoriale pour les outre-mer (STRATOM - 2011) et dans la stratégie nationale de la recherche et de l'innovation (2009), en agrément avec les politiques scientifiques promues par les objectifs d'Horizon 2020 et ceux du développement durables (ODD).

La Nouvelle-Calédonie présente encore d'autres atouts. Son climat est relativement stable et favorable (température, ensoleillement, vents) ; la biodiversité y est fortement endémique, terrestre à 80 % et marine à 10 %, mais des découvertes concernant les micro-organismes pourraient bien faire évoluer ces chiffres. C'est également une terre de savoir-faire en aquaculture. Le CO 2 rejeté par les centrales thermiques et métallurgiques rend enfin particulièrement pertinentes nos recherches, au plan local comme au plan international.

L'évolution mondiale des marchés est, de plus, très prometteuse. À partir de 2010, les micro-algues s'inscrivaient plutôt dans des marchés de niches, qui représentaient un volume d'un milliard de dollars dans les cosmétiques, la nutraceutique, l'agriculture et la pharmaceutique.

À partir de 2012, les micro-algues ont touché les marchés intermédiaires, comme l'alimentation humaine et animale, le traitement des eaux par phytoépuration, les fertilisants agronomiques, et la surveillance environnementale. Le volume des marchés concernés s'est alors élevé à cinq milliards de dollars environ. Un marché de 15 milliards de dollars est prévu à l'horizon 2015-2020.

Des marchés de masses comme les biocarburants peuvent être atteints, si certains verrous technologiques sont levés. En parvenant, grâce aux micro-algues, à piéger le CO 2 émis par des centrales pour le transformer en biocarburant, nous réaliserions un système conforme aux modèles de l'économie circulaire.

La Nouvelle-Calédonie est un site d'importance mondiale qui est éligible à l'ensemble des techniques de production : photobioréacteurs ou fermes ouvertes connectées à des centrales thermiques ou métallurgiques.

Par ailleurs, les découvertes se poursuivent concernant les micro-algues : l'Ifremer se penche actuellement avec la technopole sur de nouvelles espèces eucaryotes prometteuses (Ifremer Nouméa et PBA Nantes) et l'IRD (vient de découvrir plusieurs variétés de cyanophycées lors de la campagne Outspace dans le Pacifique, qui étudie les échanges atmosphère-océan (Bonnet S. et al.).

La co-valorisation des microalgues et du CO 2 pourrait créer ainsi une filière d'économie bleue d'intérêt économique et environnemental qui renforcerait la cohésion et l'identité sociétale, dans la dynamique d'équilibres de l'Accord de Nouméa. Les recherches développées, dans cette thématique, seraient particulièrement utiles aux ROM/COM, ainsi qu'aux pays de la ceinture tropicale devant conjuguer les enjeux de l'activité minière avec ceux de la préservation, restauration et valorisation des écosystèmes terrestres et marins.

Micro-algues issues de bio-prospections en NC

CLÔTURE

Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer

Mesdames et Messieurs, nous arrivons au terme d'une journée riche et inédite du point de vue de la mobilisation des acteurs de terrain, ainsi que de la grande diversité et de la haute qualité des interventions. Ce matin, j'annonçais un feu d'artifice : la promesse me semble avoir été tenue. Les somptueuses images du Pacifique qui nous ont été présentées nous accompagneront longtemps. La publication des actes, qui seront largement diffusés, nous permettra de les partager, avec les messages forts qui ont été délivrés aujourd'hui. Le Pacifique a ainsi ouvert d'une très belle manière une série de conférences annuelles de bassins.

L'an prochain, nous poursuivrons nos conférences économiques de bassin par l'océan Atlantique, avec les Caraïbes, la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon, ou par l'océan Indien selon l'ordre que déterminera la délégation à l'automne.

En ma qualité de Président, je suis fier de notre journée. Mon seul regret est de n'avoir pas pu intervenir plus avant dans les débats, car le temps nous manquait.

Je retiens en particulier de cette journée la sensation du bouillonnement et de l'inventivité des sphères économiques du Pacifique. La conférence d'aujourd'hui aura également montré l'élaboration actuelle d'axes stratégiques communs entre les collectivités dans le numérique, l'aérien ou les potentiels marins.

Le sujet de la continuité territoriale en outre-mer est particulièrement passionnant ; la continuité numérique me semble être l'une des meilleures réponses à la question de l'isolement de ces territoires. Chacun doit ainsi se battre pour qu'un accès à haut et très haut débit puisse être généralisé à tous nos territoires.

Plusieurs interventions ont porté sur la question des énergies. J'ai participé au sommet des ministres de l'énergie des PTOM, qui a conçu une feuille de route concernant les engagements des collectivités ultra-marines. L'une de ses conclusions fut d'inviter les acteurs à envisager les handicaps des PTOM comme des paramètres d'une totalité dynamique. Nos territoires sont en passe de devenir de véritables laboratoires d'énergie, ce qui mènera à leur autonomie énergétique, voire à un statut d'exportateur. Aujourd'hui, l'île de Montserrat présente un bilan énergétique positif : sa réserve géothermique s'élève à quelque 900 MW, ce qui lui donne la possibilité de revendre son énergie alternative. Les PTOM sont donc appelés à devenir des territoires d'excellence dans ce domaine.

Le sujet de la défiscalisation a parfois été évoqué aujourd'hui avec passion. Les orateurs ont dit leur confiance dans les parlementaires pour la défendre. Mais il faut garder à l'esprit la différence entre faire la loi et l'appliquer. Je m'abstiendrai cependant aujourd'hui de donner mon sentiment quant au rôle du bureau des agréments du ministère de l'économie et des finances.

J'exprime mes chaleureux remerciements à nos partenaires et à leurs équipes pour leur active contribution à la réussite de la conférence. J'invite à me rejoindre Madame Jennifer Seagoe, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, Monsieur Stéphane Chin Loy, président de la Chambre de commerce, d'industrie, des services et des métiers de Polynésie française, Monsieur Paino Vanai, qui représente Monsieur Silino Pilioko, président de la Chambre de commerce, d'industrie, des métiers et de l'artisanat de Wallis-et-Futuna, et mon ami Jean-Pierre Philibert, président de la FEDOM, qui a bien voulu être partenaire de cette journée. Je tiens également à dire ma gratitude à nos deux talentueux modérateurs, Messieurs Christian Lechervy et Gonzague de La Bourdonnaye.

Jennifer Seagoe, Présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie

Nous avons aujourd'hui beaucoup appris et découvert des projets extraordinaires. Je remercie très chaleureusement le Président Michel Magras, qui a relevé le défi que constituait cette conférence dont les intervenants furent si nombreux et si passionnés.

Stéphane Chin Loy, Président de la Chambre de commerce, d'industrie, des services et des métiers de Polynésie française

Au nom de la Polynésie et des trois collectivités françaises du Pacifique, j'adresse mes sincères remerciements au Président Michel Magras pour l'organisation de cette conférence. Les entreprises de Polynésie ont besoin de la solidarité nationale ; la prolongation, voire l'amplification de la défiscalisation reste l'une de nos grandes préoccupations. Merci à tous.

Paino Vanai, Représentant le président de la Chambre de Commerce, d'Industrie, des Métiers et de l'Artisanat de Wallis-et-Futuna

Je m'associe aux remerciements de mes deux précédents collègues. Si les entrepreneurs de Wallis-et-Futuna n'ont malheureusement pas pu participer à cette conférence, je suis heureux d'avoir représenté ce territoire aujourd'hui.

Jean-Pierre Philibert, Président de la FEDOM

Je remercie le Président Magras, les sénateurs, ainsi que la députée de Polynésie Maïna Sage qui assistait à la conférence. Je serai heureux de participer aux conférences annuelles suivantes. Nous parlerons ainsi, à n'en pas douter, de Mayotte, territoire aujourd'hui de plus en plus dynamique.

Je souhaite que tous les entrepreneurs français du Pacifique ici présents repartent en sachant que, bien qu'éloignés, ils ne sont pas isolés. Le ministère des outre-mer a, me semble-t-il, compris qu'il y avait un problème au sujet de la défiscalisation et du soutien à l'investissement ; il est ouvert au dialogue dans ce domaine. J'ai bon espoir qu'une solution soit trouvée.

Notre journée a d'ailleurs montré à plusieurs reprises que lorsque les entreprises, les politiques, la haute administration et le Gouvernement se mettent autour d'une table, tout un éventail de possibilités apparaît.


* 1 Rapport d'information Sénat n° 104 (2014-2015) de Mlle Sophie Joissains, M. Jean-Pierre Sueur et Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des lois, Nouvelle-Calédonie : continuer à avancer vers un destin commun , 19 novembre 2014.

* 2 À noter qu'un tel tribunal avait déjà été prévu par l'article 17 de la loi du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 3 Rapport d'information Sénat n° 103 (2014-2015) de Mlle Sophie Joissains et M. Jean-Pierre Sueur sur les îles Wallis et Futuna, 19 novembre 2014.

* 4 PACER : Pacific Agreement on Closer Economic Relations

* 5 PICTA : Pacific Island Countries Trade Agreement

* 6 Accord tripartite de coopération France-Australie-Nouvelle-Zélande signé le 22 décembre 1992.

* 7 Quadrilateral Defence Coordination Group.

* 8 Cf. art. 214 de la loi n°2015-992 du 17 Août 2015.

* 9 Si l'on additionne les surfaces maritimes et terrestres de chaque pays, la France (41 ème pays par sa superficie terrestre) devient alors le sixième pays le plus vaste du monde, avec 11,7 millions de km², -Mkm 2) derrière la Russie (24,6 Mkm²), les États-Unis (21 Mkm²), l'Australie (15,8 Mkm²), le Canada (15,8 Mkm²) et le Brésil (12,2 Mkm²), mais devant la Chine (10,5 Mkm²) et l'Inde (5,6 Mkm²).

* 10 Mais le Danemark a dépensé presque deux fois plus que la France, de 2003 et 2009, pour son programme de recherches pour l'extension de son plateau océanique. Par rapport à la population, les écarts sont encore plus importants : dix-sept fois plus ; il en est de même si l'on compare ces dépenses par km² de ZEE : le Danemark a fait un effort six fois supérieur à celui de la France...

* 11 La France vient d'ores et déjà d'étendre son domaine maritime de plus de 500 000 km² au large de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Kerguelen (TAAF) en vertu de quatre décrets (n° 2015-1180 à 2015-1183 du 25 septembre 2015).

* 12 66,8 % en incluant la ZEE de l'atoll de Clipperton.

* 13 En ce qui concerne les équipements, alors que le nombre de bâtiments déployés outre-mer avait déjà diminué de 20 % sur la période 2000-2012, il est à craindre que l'allégement prévu du dispositif (baisse du nombre de patrouilleurs), ne fragilise la capacité de la France à préserver sa souveraineté.

* 14 Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut national de recherche agronomique (Inra), Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

* 15 Soit le niveau de la Chine en 1998 (1,98 % en 2012) ; en 2010 : 2,09 % à Singapour, 1,16 % au Brésil, 0,84 % en Turquie, 0,61 % à Cuba, 0,48 % au Mexique, 0,46 % en Roumanie. Région Champagne-Ardenne : 0,80 %.

* 16 Il précisait, entre autres, que « l'objectif général d'assurer au plus tôt l'autonomie énergétique des DOM/COM conduira à faire des outre-mer la vitrine française des énergies renouvelables marines ».

* 17 Selon l'ADEME, le grand intérêt de l'ETM réside dans le fait que l'énergie produite est exploitable toute l'année, nuit et jour, et apparaît comme une alternative envisageable aux énergies fossiles.

* 18 Un autre usage thermique consiste ainsi à utiliser l'eau proche de la surface comme source de chaleur pour des installations de chauffage/climatisation par pompe à chaleur ( Sea Water Air Conditioning -SWAC).

* 19 Source : Institut de la statistique de Nouvelle-Calédonie - ISEE.

* 20 CGPME, MEDEF et Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie (FINC).

* 21 Source : Institut statistique de la Polynésie française - ISPF, 2014.

* 22 Agence de développement économique de la Nouvelle-Calédonie.

* 23 Centre des recherches insulaires et observatoire de l'environnement (CRIOBE).

* 24 Consortium de coopération pour la recherche, l'enseignement supérieur et l'innovation en Nouvelle-Calédonie (CRESICA).

* 25 Nomenclature d'activités française.

* 26 Pays et territoires d'outre-mer.

* 27 Régions ultrapériphériques.

* 28 Règlement général d'exemptions par catégories.

* 29 En décembre 2014, la Polynésie française a réglé la question de son aide locale en prorogeant celle-ci jusqu'en 2025 ; la Nouvelle-Calédonie devrait faire de même dans les prochaines semaines.

* 30 Fin juin / début juillet 2015 : Mayotte et La Réunion ; janvier / février 2016 : Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy) et Guyane ; été 2016 : collectivités du Pacifique (Nouvelle-Calédonie ; Wallis-et-Futuna ; Polynésie française).

* 31 Le FEIS sera piloté principalement par la Banque Européenne d'Investissement (BEI).

* 32 Le PIB français augmentant de 0,63 %, on émet l'hypothèse que le prélèvement sur recettes au profit de l'UE progressera aussi de 0,63 %. Soit une somme supplémentaire de 136,6 M. € (0,63 % de 21,69 Mds. € de PSR-UE a priori prévus dans le cadre du PLF 2016, cf. Tiré-à-part du DOFP, Juillet 2015, p. 2). La marge de manoeuvre brute étant de 607 M. €, la marge de manoeuvre nette s'établit alors à 470 M. €.

* 33 « Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité d'intégrer le produit intérieur brut des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie dans le calcul du produit intérieur brut national ».

* 34 Il est inexact de dire que l'INSEE mesure le PIB des COM : il ne calcule la richesse que des cinq DOM (derniers chiffres disponibles : 2012 pour Mayotte [Juin 2015], 2013 pour les autres DOM [CEROM : Juillet-Septembre 2015]).

* 35 Document de politique transversale « outre-mer», Annexes du projet de loi de finances pour 2015 p. 260.

* 36 Rapport d'information n° 628 (2012-2013) du groupe de travail commun à la commission des affaires économiques et à la délégation sénatoriale à l'outre-mer sur l'impact économique des dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer.

* 37 AFD, document de travail n° 121, Interventionnisme public et handicaps de compétitivité : analyse du cas polynésien, mars 2012 & AFD, document de travail n° 52, Éloignement, insularité et compétitivité dans les petites économies d'outre-mer, novembre 2007.

* 38 Agence pour la desserte aérienne de la Nouvelle-Calédonie.

* 39 Source : Institut d'émission d'outre-mer (IEOM).

* 40 Système de réservation informatique.

* 41 Institut de la statistique des études économiques.

* 42 Visite de maintenance de type C.

* 43 Source : IEOM, note expresse, 147, janvier 2015.

* 44 Délibération n°96-08/API du 19 décembre 2008

* 45 Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation.

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