C. LE TITRE II ABORDE LA PRÉCARITE AU TRAVERS DE LA SEULE QUESTION DU PAIEMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES
Lorsque l'on sait que les trois quarts des travailleurs à bas salaires sont des femmes et que 40 % des ménages surendettés sont des femmes seules avec enfants, il n'est guère surprenant qu'un titre entier de cette loi transversale sur l'égalité entre les femmes et les hommes soit consacré à la précarité. Il ne s'y attaque cependant que par un seul biais : celui des pensions alimentaires.
L'article 6, unique article du titre II du projet de loi prévoit, pour 3 ans, une expérimentation dans une dizaine de départements 25 ( * ) portant sur :
- une meilleure information des créanciers de pensions alimentaires sur leurs droits et sur la situation financière du débiteur (grâce à des recoupements de fichiers) ;
- la mise en place d'une allocation de soutien familial (ASF) différentielle pour les mères isolées. La CAF versera la différence entre la somme de 90,40 euros 26 ( * ) et la pension perçue (si elle est inférieure), même si le débiteur n'est pas défaillant ;
- un allongement de 6 à 24 mois de la période de non-paiement de la pension alimentaire susceptible d'être récupérée par la CAF via la procédure de paiement direct (saisie sur salaires etc.).
Ces dispositions permettront de mieux faire valoir les droits des femmes.
L'expérimentation devrait en outre permettre d'évaluer l'impact de la réforme, y compris sur les finances des CAF : les recettes supplémentaires procurées par l'augmentation de l'ancienneté (de 6 à 24 mois) des impayés recouvrés sont en effet à mettre au regard des effets incertains de l'ASF différentielle, à la fois facteur de dépenses et d'économies potentielles. La délégation espère aussi que l'affirmation du rôle de la CAF comme intermédiaire entre le créancier (généralement la femme) et le débiteur (généralement l'ex-mari) lui permettra de récupérer des pensions alimentaires pour lesquelles la fâcheuse habitude avait été prise de déclarer le débiteur « hors d'état » de payer juste pour éviter au créancier d'avoir à lui réclamer et ainsi ne pas aviver les conflits ou exposer le créancier à certains risques.
Toutefois, la délégation estime que, dans toute la mesure du possible, la durée de l'expérimentation devrait être réduite au minimum car elle crée une différence de traitement quant au montant des pensions perçues. Par exemple, lorsque le montant de la pension fixé par le juge est de 50 euros, la femme résidant dans un département soumis à expérimentation en percevra en fait 90,40 (montant de l'ASF), alors que celle du département voisin ne percevra en principe que les 50 euros, soit une différence de plus de 44 % pour des ménages aux ressources par définition très modestes.
La délégation s'interroge aussi sur la capacité des CAF à disposer des moyens matériels et humains permettant de faire face à l'ensemble des missions que la loi leur confie. Le travail supplémentaire d'information et de recouvrement des pensions alimentaires confié par l'article 6 du projet de loi vient en effet s'ajouter aux interventions accrues dans le domaine du financement des places de crèches, ainsi que d'assistantes maternelles agréées. Ces inquiétudes sont légitimes au moment où nombre de CAF sont déjà contraintes de fermer leurs bureaux au public plusieurs jours par semaine, du fait du surcroît de travail lié notamment au traitement des dossiers de revenus de solidarité active (RSA). Elles le sont encore davantage à la lecture de la convention d'objectifs et de moyens signée entre l'État et la caisse nationale d'allocation familiales (CNAF) le 16 juillet dernier.
Si, aux termes de la convention d'objectifs et de gestion, la branche famille bénéficiera de 700 agents supplémentaires dont 500 emplois d'avenir, l'État souhaite que d'ici à 2017 les effectifs diminuent de 1 000 équivalents temps plein nets par rapport à la situation de décembre 2012. En fonction des conclusions du rapport commandé de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF), il pourrait même être demandé à la branche famille de « restituer » 300 postes supplémentaires 27 ( * ) .
* 25 Dont la liste qui ne nous est pas encore connue sera fixée par arrêté interministériel.
* 26 Comme annoncé lors de la Conférence de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion de décembre 2012, ce montant de 90,40 euros sera revalorisé de 25 % sur 5 ans.
* 27 Ce rapport doit être remis au cours du second semestre 2015.