B. LE TITRE IER FAIT D'AUTRES PETITS PAS DANS LE BON SENS
1. L'article 3 sur les marchés publics
La délégation est favorable à l'interdiction d'accéder aux marchés publics pour les entreprises condamnées de manière définitive pour délit de discrimination ou méconnaissance des dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévues aux articles L. 1142-1 et L. 1142-2 du code du travail 19 ( * ) ainsi que pour non-respect de l'obligation de négociation annuelle sur les objectifs d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (article L. 2242-5 du code du travail).
Face aux difficultés à réaliser concrètement l'égalité professionnelle, elle est favorable à la mise en place de sanctions, dès lors qu'elles sont proportionnées et progressives. C'est ici le cas, puisque les interdictions prévues concernent, pour certaines, des entreprises effectivement condamnées par la justice et que, dans les autres cas (absence de négociation annuelle), l'entreprise exclue a toujours la possibilité de régulariser sa situation, ce qui l'incite à respecter ses obligations.
La délégation s'intéresse aussi à un autre élément d'incitation des entreprises, consistant à donner aux personnes publiques la possibilité de favoriser les entreprises dont le degré d'exigence dépasse les prescriptions légales. Comme le fait apparaître le rapport de Vincent Feltesse, nombre de collectivités souhaitant agir en ce sens sont confrontées à des obstacles juridiques.
2. L'article 4 relatif au contrat de collaboration libérale
La délégation salue les deux volets de l'article 4 du projet de loi.
Le premier, en protégeant les femmes titulaires de ce contrat (essentiellement des avocates) pendant la grossesse et huit semaines après leur retour de congé maternité, met fin à une forme d'injustice qui les privait du droit le plus élémentaire à ne pas perdre leur activité professionnelle du fait de leur grossesse et de l'absence consécutive à la naissance d'un enfant. Cette situation avait été confirmée par une décision de la Cour de cassation du 20 décembre 2012 20 ( * ) , il revenait au législateur d'y porter remède.
Le second volet du texte protège le père collaborateur libéral de façon à lui permettre de bénéficier, lors de son congé paternité, des mêmes garanties que celles protégeant la femme collaboratrice prenant son congé maternité.
Ces professionnels n'étant pas salariés, lesdites garanties demeurent cependant limitées et l'on peut craindre que, pour les avocates, les jours suivant la fin de la période de protection instaurée par le texte demeureront un moment à très haut risque.
L'intérêt de cette avancée tient aussi au fait que, même si les avocats représentent toujours près des deux tiers des contrats de collaborateurs libéraux, ces derniers ont été étendus depuis 2005 21 ( * ) à nombre d'autres professions notamment médicales22 ( * ).
3. Les réserves suscitées par l'article 5 relatif au compte-épargne temps
L'article 5 propose d'expérimenter pendant deux ans la possibilité pour les salariés d'utiliser les droits de leurs comptes épargne temps (CET) sous forme de chèques emploi-service universels (CESU). Ce dispositif devra être prévu par un accord d'entreprise.
La délégation note, qu'en l'absence d'avantage social ou fiscal particulier, cette mesure n'est en rien plus favorable pour le salarié que la monétisation déjà possible des jours de congés non pris figurant sur le CET. À sa lecture, il serait même à craindre qu'elle réduise la liberté du salarié dans l'utilisation du produit de son CET car contrairement aux formes de monétisation actuelles, les CESU sont affectés à certains types de services bien définis 23 ( * ) . En réponse aux questions de votre rapporteure, le cabinet de la ministre des droits des femmes ne lui a indiqué 24 ( * ) qu'aux termes du décret d'application de cet article, les accords d'entreprise laisseraient toujours la possibilité au salarié entre des CESU et la monétisation de son CET. L'intérêt de la mesure pour le salarié se résumerait donc au fait d'être dispensé d'effectuer les démarches pour se procurer les chèques emplois-services.
Surtout, la délégation considère que le principe de la rémunération, sous une forme ou sous une autre, du temps de surtravail des salariés ne constitue pas la meilleure des solutions au problème de l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
* 19 Prise en compte du sexe aux différents stades de la vie professionnelle.
* 20 N° 11-28-223.
* 21 L' article 18 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.
* 22 Les professions concernées : avocat, commissaire-priseur, architecte, géomètre-expert, expert-comptable, agent d'assurance, conseil en propriété industrielle, professeur de danse, traducteur, illustrateur, médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien, vétérinaire, infirmière, sage-femme, masseur-kinésithérapeute, orthopédiste, orthophoniste, pédicure-podologue, biologiste, diététicien, psychologue.
* 23 Les « services à la personne » énumérés à l'article L.1271-1 du code du travail.
* 24 Lors d'une réunion de travail tenue le 11 juillet 2013.