D. UNE LOI SUR L'ÉGALITÉ EST DIFFICILEMENT CONCEVABLE SANS DISPOSITIONS EN FAVEUR DE L'ÉGALITE AU TRAVAIL

1. La négociation QVT : contexte favorable mais incertain

Peut-on concevoir une loi transversale qui n'aborde l'égalité professionnelle qu'au travers de la réforme du CLCA ? L'absence, dans le texte, de dispositions directement relatives à l'égalité au travail peut en effet surprendre. Elle s'explique pour partie par la conduite concomitante de la négociation sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle dite (QVT) qui a donné lieu à un accord signé le 19 juin.

Les informations disponibles au 22 juillet 2013 ne permettent pas de savoir avec certitude ce qu'il en sera de l'éventuelle traduction législative de l'accord dans le cadre de ce projet de loi. Au moment où la délégation se prononce, les discussions semblent en effet se poursuivre entre le gouvernement et les organisations syndicales, y compris non signataires du texte.

2. La position de la délégation

Dans le respect de prérogatives de chacun, la délégation souhaite se saisir de cette opportunité pour rappeler quelques principes et poser des exigences au-delà de sa prise de position sur l'article 8 de l'accord relative au congé parental. À la lumière des travaux approfondis qu'elle a conduits ces dernières années 28 ( * ) , la délégation souhaite tout spécialement émettre des recommandations sur :

a) La place des questions d'égalité au sein de la négociation sociale

La délégation prend acte de l'article 4 de l'accord du 19 juin 2013 visant à mieux articuler les obligations de négocier en matière d'égalité professionnelle et d'égalité salariale. Cet article pourrait se traduire par une proposition de fusion des articles L.2242-5 (obligation annuelle de négocier sur les objectifs d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes) et L.2242-7 (mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes) du code du travail, ainsi vraisemblablement que de l'article L.2242-5-1 (obligation de conclure un accord d'égalité professionnelle ou un plan d'action) du même code.

Tout en préservant les droits des salariés consacrés par le code du travail - et notamment en matière de périodicité des négociations 29 ( * ) - elle recommande une clarification du code dès lors que celle-ci aurait pour conséquence de rendre plus effectives les obligations pesant sur les entreprises en matière d'égalité salariale et professionnelle.

Indépendamment de la nouvelle articulation qui sera trouvée entre ces différents rendez-vous, la délégation souhaite que, dans les accords de branches obligatoires, la mention de « l'objectif d'égalité professionnelle » soit remplacée par « l'objectif d'égalité professionnelle et les mesures pour les atteindre » , afin d'inciter à une mise en application plus concrète.

b) L'amélioration du rapport de situation comparée

La délégation attend avec intérêt les conclusions du groupe de travail paritaire prévu par l'accord pour repréciser les éléments constitutifs du rapport de situation comparée 30 ( * ) (RSC) afin d'en augmenter la pertinence. Elle recommande pour sa part que ce document comprenne obligatoirement des données quant à l'ancienneté des salariés et leurs qualification s. Il doit en effet permettre de comparer ce qui est comparable.

c) La question essentielle des classifications

Rappelant l'importance du chantier de révision de classifications pour atteindre une réelle égalité salariale, la délégation constate que, dans l'accord, les signataires s'engagent « pour aider les branches » à « élaborer au sein d'un groupe de travail paritaire une méthodologie visant à analyser les critères d'évaluation retenus dans la définition des postes de travail afin de repérer ceux porteurs de discrimination entre les femmes et les hommes ». À l'orée de ce processus, la délégation rappelle son souhait de voir consacrer et respecter en France non seulement la règle « à travail égal, salaire égal » mais aussi le principe « à travail égal, valeur égale ».

À cette fin, elle est favorable à ce que la négociation sur les classifications soit rendue obligatoire.

d) Les droits des femmes dans les PME

Alors que l'accord demande aux branches de « définir des modalités adaptées aux PME et TPE pour que celles-ci puissent mener des actions favorisant l'égalité professionnelle », la délégation souhaiterait pour sa part disposer d'un rapport sur la situation de l'égalité dans les entreprises de moins de 50 salariés , afin que les femmes de ces entreprises ne demeurent pas les grandes oubliées des droits des femmes.

La délégation suivra de façon très attentive non seulement la manière dont l'accord sera transposé mais aussi, avant même de parler de son application dans les entreprises, les conclusions qui en seront tirées par les partenaires sociaux.

e) L'égalité dans le secteur public

La délégation regrette que les mesures en faveur de l'égalité relatives aux fonctionnaires et aux contractuels de la fonction publique soient renvoyées à un autre texte.

Elle demande par ailleurs au gouvernement un rapport sur la façon dont les contrats d'avenir sont attribués entre les femmes et les hommes, aussi bien au plan quantitatif que qualitatif, par exemple au regard des stéréotypes professionnels. Il s'agit là en effet d'un instrument direct à la disposition des pouvoirs publics, dont ils ne sauraient se priver dans le cadre de l'approche intégrée dans laquelle les actions doivent s'inscrire désormais.


* 28 En particulier à l'occasion de ses rapports Egalité salariale (n°334 session 2011-2012) et Femmes et travail (n°279 session 2012-1013) .

* 29 Annuelle dans certains cas, triennale dans d'autres.

* 30 Ou du document unique prévu par l'article L. 2323-7-2 du code du travail.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page