Audition à huis clos - Témoin n° 1 (mercredi 9 janvier 2013)
M. Alain Milon , président . - Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mesdames, messieurs, nous allons procéder cet après-midi aux auditions de trois proches de victimes.
Pour la première fois, nos travaux se dérouleront à huis clos, conformément à la demande des témoins.
Mes chers collègues, je veux insister devant vous sur le courage des personnes auditionnées, qui acceptent de s'exprimer devant la commission d'enquête pour informer le public, par le biais de notre rapport, sur les dangers des dérives sectaires dans le domaine de la santé et éviter ainsi à d'autres victimes, espérons-le, d'être piégées à leur tour.
C'est pourquoi nous citerons, dans notre rapport, de larges extraits des comptes rendus de ces auditions, tout en respectant la demande d'anonymat formulée par les témoins et acceptée par nous-mêmes.
Cette commission d'enquête que je préside et dont le rapporteur est Jacques Mézard s'est constituée - je le précise à l'intention de notre témoin -, sur l'initiative du groupe RDSE, dont M. Mézard est le président.
Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous faire prêter serment. Je rappelle pour la forme qu'un faux témoignage serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Veuillez prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».
La personne se lève et prête serment.
M. Alain Milon , président . - Je vous remercie.
Je vous propose de commencer cette audition par une courte présentation du cas dont vous venez témoigner. Puis M. le rapporteur et les membres de la commission d'enquête vous poseront les questions qu'ils jugeront utiles.
Vous avez la parole.
Témoin n° 1 . - Pour expliquer ma présence aujourd'hui devant cette commission d'enquête, je situerai brièvement le cadre dans lequel est intervenue cette dérive.
Mon épouse, aujourd'hui décédée, était atteinte d'un cancer depuis 2003 et suivait les soins qui lui étaient préconisés tant par son médecin traitant que par le centre anticancéreux et l'hôpital où elle a été traitée.
[...]
Je tiens à préciser que ma femme a toujours voulu travailler pendant qu'elle luttait contre le cancer, tant que ses forces le lui ont permis. Je souligne aussi que c'est elle qui suivait ses rendez-vous et sa prise de médicaments. Elle n'était donc ni assistée ni diminuée. Elle a fait preuve d'un grand courage !
A la fin de 2009, mon épouse étant de plus en plus fatiguée et ayant de plus en plus de mal à manger, elle a été hospitalisée. Les médecins ne nous cachaient pas qu'elle pouvait partir du jour au lendemain. Elle avait alors trente-neuf ans - j'en avais trente-six.
[...]
A la fin du mois de janvier ou au début du mois de février 2010, la surveillante en chef a annoncé à mon épouse que son retour à la maison était envisageable.
Evidemment, comme pour nombre de malades, quand on nous a proposé ce retour à domicile, nous avons accepté. Je n'y étais pas opposé ; simplement, comme je travaillais - il fallait bien continuer à gagner de quoi vivre -, je ne pouvais pas assister mon épouse en permanence.
J'estime que l'annonce du retour à domicile a été un peu rapide. D'une certaine façon, nous avons été mis devant le fait accompli. J'ai demandé que nous puissions obtenir des aides afin qu'une personne soit présente auprès de mon épouse quand je serais au travail. En effet, prendre un congé de fin de vie m'était malheureusement impossible, car c'est un congé sans solde. Or j'avais besoin de mon salaire pour vivre.
Heureusement, nous avons été mis en contact avec le réseau d'accompagnement et de soins palliatifs, le RASP, qui a notamment pour mission de suivre les personnes en fin de vie hospitalisées à domicile. C'est le RASP qui a joint la MDPH dont nous dépendions.
Quelques jours après le retour à domicile de mon épouse, nous avons eu la visite d'un médecin de la MDPH qui devait normalement procéder à l'évaluation des aides dont mon épouse avait besoin pour pouvoir vivre correctement à domicile. C'est là que le problème est apparu.
Ce médecin est venu au jour et à l'heure prévus. J'insiste sur le fait qu'il s'agissait bien d'un médecin, diplômé d'une université et intervenant dans le cadre de la MDPH, donc a priori , d'après ce que j'ai cru comprendre, dans le cadre d'une mission de service public.
Ce médecin qui est intervenu chez nous a tout de suite été dans l'empathie, très proche de mon épouse, presque trop selon moi.
Or, très vite, ce docteur a appelé mon épouse par son prénom et lui a parlé avec une voix doucereuse.
[...]
Le problème est que ce médecin, qui s'est montré d'emblée très gentil, très sympathique - peut-être même trop - ne nous a pas parlé des aides auxquelles nous pouvions avoir droit. C'est pourtant l'objet de sa visite.
Très vite, le propos est devenu intrusif sur le passé de mon épouse, sur sa vie familiale. Il lui a été demandé de raconter son enfance. Cela nous a paru un peu surprenant, mais n'ayant jamais eu à faire face à une telle situation, j'ai laissé faire.
Mon épouse s'est mise à parler, d'autant plus aisément que, comme cela vous a sans doute déjà été dit lors de précédentes auditions, les malades du cancer se plaignent souvent d'un manque d'écoute lors des soins. Cette fois, elle était écoutée par un docteur qui prenait tout son temps. Mon épouse s'est donc mise à parler beaucoup de son enfance, de sa famille, dans laquelle il y avait déjà eu des cas de cancer.
Très vite, ce médecin a commencé à lui dire qu'il lui fallait peut-être réfléchir à certaines choses de son enfance, et a mis en cause la mère de mon épouse en lui expliquant, grosso modo , que, dans la mesure où elle avait plutôt été une brillante élève, ce qui n'était pas le cas de son frère, ses parents s'étaient beaucoup occupés de ce dernier et l'avait laissée de côté en ne lui prodiguant pas assez d'affection. Cela expliquerait l'existence d'un problème relationnel avec sa mère et la découverte d'un autre visage de son père, etc.
La première chose qui m'a donc surpris est cette remise en cause de la famille de ma femme.
Je le répète, ce médecin insista sur le fait qu'il était important de réfléchir aux liens avec la famille qui, selon elle, pourraient expliquer beaucoup de choses. En outre, ce médecin a reproché à mon épouse de ne pas s'être rendue directement dans un centre anti-cancer, mais chez son médecin traitant. D'après ce docteur, qui intervenait au nom de la MDPH, si ma femme n'était pas allée directement au centre anti-cancer, c'était la preuve qu'elle avait laissé les autres agir à sa place, qu'elle n'avait pas voulu se battre contre cette maladie...
J'ai noté une autre chose qui m'a choqué. Ce médecin a dit à plusieurs reprises qu'il fallait donner du sens à la maladie, insistant sur l'idée que ce cancer avait un sens et qu'il fallait le trouver. Mon épouse a objecté que, pour elle, cette maladie lui était tombée dessus, qu'elle n'avait rien fait pour l'avoir et qu'il n'y avait pas de sens à cela. Nous y faisions face comme nous pouvions. Malgré toutes ces objections, ce médecin est tout de même revenu plusieurs fois sur ce point, en soulignant que l'important était de donner un sens à la maladie, et a expliqué que nous étions tous porteurs de cellules cancéreuses et que les malades chez qui le cancer se développe l'ont en réalité voulu, consciemment ou inconsciemment. Par conséquent, si certaines personnes ont un cancer, c'est tout simplement parce que, à un moment de leur vie, elles veulent mourir.
Cela m'a d'autant plus gêné, je l'ai dit tout à l'heure, que mon épouse s'est toujours battue. Je ne vois pas en quoi elle pourrait être coupable de sa maladie. Elle a toujours pris toutes les mesures nécessaires, autant qu'elle le pouvait, pour lutter contre la maladie ; elle prenait toujours ses médicaments et a suivi tous les soins qui lui étaient indiqués. J'ai donc trouvé ces propos assez sidérants !
A un moment donné, cette personne a remarqué que je commençais à m'impatienter. Je me suis effectivement permis, au bout d'un certain temps, de lui demander à quelles aides nous pourrions prétendre. Ce médecin a vaguement répondu, sans s'étendre, que nous aurions peut-être droit à huit heures d'aide, puis m'a dit que j'étais trop énervé et m'a alors demandé de quitter la salle. J'ai refusé. Outre que j'avais toujours été aux côtés de mon épouse, cette attitude me paraissait vraiment bizarre.
J'avais déjà entendu parler des problèmes sectaires, et la façon d'accuser ma belle-famille, de chercher à culpabiliser mon épouse et, enfin, de m'intimer l'ordre de quitter le lieu où nous nous trouvions, ne me paraissait pas saine. Donc, je suis resté, mais je n'ai rien dit parce que c'était finalement ce médecin qui allait établir le rapport pour l'obtention des aides.
[...]
Voyant que je ne quittais pas la pièce, le médecin a continué à parler et a beaucoup évoqué le sens de la maladie expliquant par exemple à mon épouse que, si elle avait le dos large - j'ai trouvé cela assez peu délicat -, c'était tout simplement parce qu'elle portait le poids des souffrances de sa famille !
Un peu plus tard, il y a eu une autre explication que j'ai notée tellement elle m'a parue ahurissante : si elle était myope et qu'elle portait des lunettes, cela aussi avait un sens : c'est qu'elle ne voyait pas le fond des choses !
A la fin de son intervention - j'en ai été tellement surpris que je l'ai noté -, ce médecin a recommandé le recours à un magnétiseur et, au moment de partir, a beaucoup insisté pour que nous n'hésitions pas à le contacter de nouveau.
Le médecin nous a laissé sa carte de visite, au dos de laquelle était écrit le nom d'un spécialiste de « psychogénéalogie », invitant à nous y intéresser.
Nous lui avons répondu que nous étions déjà suivis par un réseau, en l'occurrence le réseau d'accompagnement et de soins palliatifs, que nous pouvions bénéficier d'une aide psychologique si nous le voulions et que nous avions, en outre, un très bon médecin traitant, qui était disponible.
Dès son départ, ma femme et moi avons beaucoup discuté, car cette histoire nous avait tout de même ébranlés. Nous avons consulté le site de ce spécialiste. Certaines choses sur ce site nous ont paru complètement absurdes.
[...]
Nous n'avons pas vraiment été victimes de dérives sectaires, mais nous avons immédiatement contacté le psychologue du réseau qui nous suivait pour nous entretenir avec lui afin qu'il porte une appréciation objective de la situation. De deux choses l'une : soit nous étions devenus complètement fous sans nous en rendre compte - avec la maladie, l'émotion, c'est possible ; soit ce médecin qui était intervenu avait agi de façon incorrecte. Nous en avons également parlé à notre médecin traitant qui a eu la même réaction que nous. Tout de suite, notre crainte a été que cette personne agisse ainsi avec des malades isolés.
[...] J'ai donc contacté très vite l'Afdi la plus proche, et celle-ci s'est occupée de faire le signalement nécessaire auprès du conseil de l'Ordre des médecins et de la MDPH. En outre, le RASP que nous avions informé a pris contact avec la MDPH.
Quelles ont été les suites données à cette affaire après le décès de mon épouse ?
Le conseil de l'Ordre des médecins a été saisi. Il a rendu une décision, considérant que le comportement de ce médecin était contraire à l'éthique, qu'il avait pu choquer plusieurs personnes et qu'il pouvait être assimilé à du prosélytisme sectaire. Le conseil de l'Ordre a donc émis le même avis que nous. J'avais aussi demandé un rendez-vous au conseil général.
[...]
Voilà ce que j'ai cru comprendre, mais dont je ne suis même pas certain : le médecin a été convoqué et a eu un blâme mais exerce toujours, et je crains que ce ne soit encore le cas, au sein de la MDPH.
Tels sont, en résumé, les points qu'il me paraissait important de porter à votre connaissance.
M. Alain Milon , président . - Je vous remercie.
Je passe maintenant la parole à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard , rapporteur . - Monsieur, je vous remercie d'avoir accepté de témoigner devant notre commission d'enquête et d'avoir décrit la situation avec des éléments à la fois précis et explicites.
M. Jacques Mézard , rapporteur . - Il suffit d'aller sur le site dont vous parlez pour être édifié, effectivement. Je l'avais fait bien avant de savoir que vous viendriez témoigner devant la commission d'enquête.
D'après vous, cette personne serait-elle capable de convaincre des malades qui n'auraient pas eu votre réaction de vigilance ?
Témoin n° 1 . - A mon sens, il faut garder à l'esprit qu'il est question de personnes affaiblies, en fin de vie, qui plus est dans le cadre d'un retour à domicile.
Dans notre cas, j'étais présent auprès de mon épouse, et nous avions la chance d'être bien entourés par nos familles respectives. Toutefois, je me place dans la situation d'une personne seule, tombant face à un tel médecin, qui a passé plus de deux heures chez nous ! Quelqu'un vient, vous consacre du temps, vous écoute et vous parle sur un ton très gentil, tout sauf culpabilisant, avec des mots qui ne sont pas compliqués. Parfois, les professeurs de médecine ont, au contraire, un langage un peu abscons.
Cette personne est à l'écoute, elle pose des questions, par exemple sur le sens de la maladie, qui constitue une souffrance et souvent une absurdité, pour des personnes âgées naturellement, mais peut-être davantage encore pour des personnes jeunes. On se demande : « Pourquoi nous, pourquoi pas les autres ? » C'est évidemment une question à laquelle le professeur oncologue n'avait pas répondu. Je n'ai jamais entendu le professeur, pourtant chevronné, qui suivait mon épouse parler du sens de la maladie.
Ainsi, ce médecin a introduit un questionnement que certains n'auraient peut-être pas développé. Qui plus est, il s'agit de personnes en fin de vie : j'ai trouvé cette situation d'autant plus terrible qu'il s'agit sans doute du moment où l'on est le plus sensible à ce type de questions.
Je me place dans la situation de personnes seules et à domicile. J'insiste sur ce point : on évoque fréquemment le retour à domicile. A mes yeux, c'est une bonne chose dans certains cas, mais il ne faudrait pas que cette procédure devienne le nouveau paradigme. Dans notre cas, sans doute nous avait-on annoncé le retour à domicile d'une manière un peu rapide et mal préparée. A mon sens, il convient de surveiller ce type de situations.
On l'a bien compris, l'enjeu est également de libérer des lits car, même dans un centre anti-cancer, on manque parfois de place, c'est clair. Toutefois, l'hospitalisation des malades à domicile est une véritable porte d'entrée pour des personnes qui souhaitent se livrer à de tels agissements. Quant à la directrice de la MDPH, elle m'a répondu que ce docteur avait sans doute agi en toute bonne foi.
[...]
J'en conviens, l'image que j'avais des sectes avant cet événement relevait plutôt de mouvements, sinon d'apparence farfelue, du moins placés en dehors du système. Dans le cas de mon épouse, ce qui m'a profondément indigné et qui m'indigne encore aujourd'hui, c'est qu'il s'agissait d'un médecin qui, sans avoir nécessairement le statut de fonctionnaire, exerçait dans le cadre d'une structure publique et d'une mission de service public.
M. Jacques Mézard , rapporteur . - Vous avez donc saisi le conseil de l'Ordre des médecins ?
Témoin n° 1 . - Je ne l'ai pas fait personnellement. Je vous l'avoue, mon épouse et moi étions plongés dans la lutte de la fin de vie. Ensuite est venue la période du deuil, marquée notamment par une série de problèmes matériels. De fait, lorsque l'on se retrouve seul, avec un salaire en moins, il faut faire face à un ensemble de difficultés.
Néanmoins, j'ai évoqué le cas de ce médecin avec le réseau d'accompagnement, qui a fait des signalements, puis avec l'Adfi, qui a agi de manière exemplaire et qui a signalé directement l'affaire au conseil de l'Ordre. C'est par cet intermédiaire que le conseil de l'Ordre a été saisi et s'est prononcé vis-à-vis de ce médecin.
[...]
J'ajouterai une remarque incidente. Vous avez évoqué les intervenants qui, hors des personnels médicaux, sont susceptibles d'exercer au sein des centres anti-cancer. Certaines dérives existent sans doute, mais je tiens également à souligner que de bonnes initiatives sont menées. Ainsi, à la fin de sa vie, mon épouse a pu bénéficier de l'intervention d'une socio-esthéticienne. C'était très bien. De même, la psychologue du RASP est intervenue, que ce soit à domicile ou au centre anti-cancer. Là encore, tout s'est très bien passé.
Que les choses soient claires : je ne condamne ni le centre ni la MDPH. Je tiens à le dire, nous avons bénéficié d'une aide exemplaire. Sans ces institutions, nous aurions été plongés dans de terribles difficultés ! Si ma femme a pu bénéficier d'une fin de vie qui a été, à mes yeux, la plus digne possible, c'est grâce à toutes ces aides.
Mme Muguette Dini . - A aucun moment vous n'avez été tenté de porter plainte ?
Témoin n° 1 . - Je me suis posé la question. Je vous l'avoue, sur le moment, mon objectif était de protéger d'éventuelles victimes à venir. Voilà pourquoi j'ai fait ce signalement en me figurant que, une fois saisis de ce cas, les responsables des institutions allaient intervenir et mettre fin à la carrière de ce médecin.
Toutefois, nous n'avions pas été victimes à proprement parler : on ne nous a pas extorqué d'argent ou d'autres biens.
Mme Muguette Dini . - Et maintenant, porteriez-vous plainte ?
Témoin n° 1 . - A présent, le problème est également d'ordre financier. Tout d'abord, j'ignore si une telle action en justice serait possible compte tenu des délais de prescription. Ensuite, je crains qu'une telle procédure ne soit financièrement trop coûteuse : je n'aurais pas les moyens de payer un avocat. Enfin, et surtout, j'aurais l'impression de me substituer à la MDPH et au conseil général. Ces institutions n'ont pas porté plainte contre ce médecin et, au fond, cela me choque.
M. Yannick Vaugrenard . - A mon tour, je vous remercie de votre témoignage et du courage dont vous avez fait preuve, tant durant ces périodes douloureuses qu'aujourd'hui, pour venir parler devant nous. Votre audition nous sera très utile pour permettre de faire plus et mieux à l'avenir, afin que de tels cas ne se prolongent ou ne se renouvellent pas. [...] Ne pensez-vous pas qu'il serait bon d'imaginer un dispositif inspiré des numéros verts, un lieu d'appel permettant à des personnes qui, comme vous, seraient confrontées à de telles situations, d'interpeller la société ? Une coordination de la puissance publique permettrait d'intervenir non seulement dans l'instant, mais aussi par la suite, pour éviter les nuisances à venir. [...]
Témoin n° 1 . - Il m'est difficile de répondre a posteriori à cette question. Peut-être un tel dispositif m'aurait-il aidé sur le moment.
Je précise que plusieurs numéros de téléphone existent déjà, comme « Allo cancer ». Ils permettent de poser des questions, notamment sur la maladie. Toutefois, le problème de ces dispositifs est le même que celui des ERI ou des centres de lutte contre le cancer : votre interlocuteur est souvent là pour vous écouter, mais il ne peut pas répondre à des questions précises - par exemple, ce médecin est-il fonctionnaire ou non ? Quel est son statut ?
Je reviens un peu en arrière dans le temps, mais cet élément a son importance. Lorsque mon épouse devait suivre, un jour par semaine, une chimiothérapie, son administration - comme la majorité des employeurs - lui a recommandé de demander un arrêt maladie. On préfère que les salariés soient en arrêt maladie, c'est plus pratique que des employés qui suivent des soins tout en travaillant... C'est alors que nous avons appelé « Allo cancer ». Mais on n'a pas pu nous renseigner. Ainsi, quand on constate que, sur une question d'arrêt maladie, on ne peut pas vous répondre, on en conclut que ce n'est plus la peine de composer de tels numéros, car ils n'apportent aucun renseignement. Dès lors, mon épouse a fait des recherches par elle-même sur Internet.
[...] Elle a fini par trouver, par l'intermédiaire d'une question posée par un député, qu'il existait un dispositif intitulé « congé maladie fractionné ». Ce système évite de prendre un congé maladie complet, donc d'épuiser ses droits, et permet de bénéficier d'un jour de congé maladie par semaine ; c'est très bien, par exemple, pour les patients qui suivent une chimiothérapie ! Or personne n'était capable de lui indiquer cette possibilité, ni à l'ERI ni au centre de lutte contre le cancer. Personne ne nous a jamais parlé de cela, ni à la Ligue contre le cancer, ni au numéro que nous avions composé.
Voilà pourquoi, à votre question relative à la mise en place d'un tel numéro vert, je réponds oui, à condition toutefois qu'il y ait des personnes compétentes au bout du fil ! S'il s'agit simplement de trouver une écoute, il n'y a pas de problème : des psychologues, vous en rencontrerez autant que vous le souhaitez dans les centres anti-cancer. Ils vous diront : « Oui, nous vous comprenons, nous entendons votre douleur . » C'est très bien. Mais après, que fait-on ?
Mme Catherine Deroche . - A mon sens, vous avez eu l'attitude appropriée : très rapidement, au cours de l'entretien avec ce médecin et grâce à votre vigilance, vous avez pu protéger votre épouse d'un retour éventuel de cette femme qui aurait pu la perturber à une période de sa vie où elle n'en avait vraiment pas besoin.
Ensuite, vous avez alerté la MDPH et le conseil de l'Ordre. Ce n'était pas à vous de mener l'enquête par la suite. Vous avez prévenu les autorités de tutelle de cette personne. C'est à ces organismes de « faire le ménage » parmi les agents qu'ils mettent au contact des patients, pour les aider à domicile et leur fournir des renseignements. Vous avez donc adopté le comportement le plus efficace pour protéger votre épouse et votre famille, pour que ce médecin ne vienne pas vous perturber avec des théories qui sont plus angoissantes que rassurantes.
Je le répète, c'était aux pouvoirs publics d'agir ! Même si elle ne constitue pas un employeur public ou un service public, la MDPH n'est tout de même pas un organisme « hors sol », totalement déconnecté du public. Votre attitude a été tout à fait adaptée : il revient aux individus concernés de signaler, non de mener leur propre enquête.
M. Alain Milon , président . - Au nom de tous les membres de cette commission d'enquête, je salue votre courage et vous remercie, de nouveau, d'être venu témoigner devant nous.