5. Les raisons de cet échec
Votre rapporteur a recherché les causes de la difficulté de l'éducation nationale à réellement imposer l'analyse critique de l'image et le travail sur les usages médiatiques.
Les scrupules et les réticences de l'institution éducative sont un premier facteur bien réel. Le rapport de l'IGEN éclaire les réflexes de rejet du corps enseignant qui peut avoir tendance à davantage considérer les nouveaux médias comme un ennemi plutôt que comme un allié : « alors que notre tradition d'enseignement est fondée sur des démarches impliquant le recul de l'esprit, le temps de l'analyse et de la réflexion critique, les médias, écrits, électroniques et audiovisuels font appel à l'affect et instaurent avec le public une relation qui inquiète les éducateurs. Le mode de relation qu'ils impliquent, fondé sur l'adhésion immédiate du public au message transmis, dérange les modes de pensée et de perception perpétués par l'institution scolaire, qui le vit comme une dépossession possible de sa mission . En outre, la dimension d'échange et d'interactivité introduite par l'utilisation d'Internet, de même que sa facilité d'accès, questionnent la relation magistrale du professeur à l'élève (...) enfin, les jeunes semblent s'approprier plus facilement les nouveaux supports et leurs langages, en saisir les contenus et les potentialités plus rapidement que les enseignants. Pour ces derniers, cette nouvelle intrusion dans leur champ d'action est souvent vécue comme une concurrence forte et une menace pour leur autorité ; il leur faut fournir un effort important pour inventer de nouveaux scénarios d'apprentissage, se repositionner et préserver leur crédibilité. »
Outre les résistances culturelles, les obstacles structurels sont nombreux.
Tout d'abord, personne ne semble être d'accord sur ce que doit être l'éducation aux médias, sans que les textes ne parviennent réellement à résoudre cette question. La définition d'un corpus pédagogique est donc urgente.
En outre, les charges pesant sur les enseignants les empêchent de s'investir dans une matière qui n'est pas obligatoire.
Enfin, il semble que le morcellement et le cloisonnement des disciplines dans notre système, rendent les pratiques interdisciplinaires difficiles à réaliser. Seuls les dispositifs transversaux (itinéraires de découverte, travaux personnels encadrés, et projets pluridisciplinaires à caractère professionnel) sont aujourd'hui des lieux favorables à l'éducation aux médias.
Selon le rapport de l'IGEN, « la conséquence de tout cela est que la mise en oeuvre d'une politique cohérente, ancrée dans des dispositifs et des disciplines bien identifiés, tarde à se faire jour - comme si le discours politique ne réussissait pas à pénétrer plus avant la réalité quotidienne de l'école, fortement marquée par des habitudes, des préjugés culturels, et par une organisation des enseignements conditionnée par les programmes, les grilles horaires et les examens . »
En conclusion, votre rapporteur estime que la marge de manoeuvre de l'éducation nationale est étroite.
Toutefois, il déplore l'absence d'un programme national de pilotage dans le domaine de l'éducation aux médias, mais aussi l'insuffisante prise en compte du rôle que peuvent jouer les documentalistes et le manque d'ambition des dispositifs jusqu'ici mis en place.