2. Un devoir de subsidiarité de l'Etat en matière culturelle
a) Le rôle croissant des fondations privées
Le rapport annuel de performances de la mission « Action extérieure de l'Etat » annexé au projet de loi de règlement des comptes pour 2007 met en évidence la capacité de certains postes à l'étranger à lever des cofinancements. Ces actions mériteraient d'être mieux évaluées et d'être retracées dans les documents budgétaires par des indicateurs ad hoc . Elles soulignent la place croissante des fondations privées dans le rayonnement culturel français. Sans surprise, c'est aux Etats-Unis que la démarche est la plus aboutie, avec le rôle particulièrement important de la fondation FACE (french american cultural exchange). Par ailleurs, des programmes financés de manière paritaire entre la France et Berkeley d'une part, Stanford d'autre part , permettent de réaliser des projets de recherche transatlantique.
Cette approche se développe dans les ambassades et induit une révolution de l'action culturelle à l'étranger. Contrairement aux discours tenus dans certains postes, les relations nouées avec les entreprises et les mécènes privés ne constituent pas seulement une recherche de moyens financiers complémentaires, destinés à combler la diminution des crédits publics. Elles induisent une nouvelle manière de mener des projets culturels à l'étranger, en associant à la stratégie menée des acteurs de la société civile, à savoir les membres des « board » des fondations.
Par ailleurs, la constitution de « fonds » financée de manière paritaire par la France et des institutions universitaires étrangères conduit également à un changement de culture. Il ne s'agit plus de subventionner intégralement un projet proposé de manière unilatérale par la France, mais au contraire de décider de projets pédagogiques, universitaires, de recherche, choisis et donc financés en commun.
Dans certains pays en effet - votre rapporteur spécial a pu notamment le constater en Egypte - les subventions unilatérales de la France à des programmes universitaires, ou pédagogiques, conduisent à des effets de rente , sans réévaluation périodique des actions menées. Les autorités locales ne sont pas incitées à revoir ces politiques de coopération, dès lors qu'elles sont intégralement financées par la France. La mise en oeuvre de projets financés de manière paritaire permet d'éviter ce travers, et d'adapter la politique de soutien culturel, pédagogique et universitaire de notre pays aux évolutions des sociétés dans lesquelles elle se déploie.
b) Les industries culturelles ont leurs propres structures qui doivent se développer
Les industries culturelles ont développé leurs structures d'appui à l'export, parfois davantage financées sur fonds publics que sur fonds privés : Bureau Export de la Musique, Unifrance pour le cinéma, bureau international de l'édition française. Il faut les laisser agir dans leur domaine, les soutenir davantage , et vérifier que nos services ne développent pas une action concurrente sur les mêmes fonds publics.
Lorsque ces structures ne sont pas directement représentées à l'étranger, le partage des rôles apparaît clair entre la structure professionnelle parisienne et le poste à l'étranger qui constitue le relais naturel de son action. En revanche, lorsqu'on trouve dans un même pays un correspondant d'Unifrance et un conseiller audiovisuel 19 ( * ) , la question de la répartition des rôles apparaît posée. Il en est de même en ce qui concerne le livre et la musique à New-York, entre le service de coopération et d'action culturelle et les structures professionnelles. La distinction proposée par les postes entre ce qui relèverait d'une logique commerciale, et ce qui serait de l'ordre de la politique d'influence, n'est pas toujours convaincante .
Certes, les conseillers culturels ont une action précieuse dans le champ patrimonial, et ont tissé des relations constructives avec les cinémathèques de nombreux pays. Mais en ce qui concerne la création contemporaine, il ne paraît pas imaginable de construire une action culturelle sans la participation des éditeurs français, pour le livre, et celle des exportateurs, distributeurs, producteurs, metteurs en scène, acteurs, pour le cinéma, c'est-à-dire sans travailler étroitement avec les industries culturelles. Cette évidence est le plus souvent partagée par les postes à l'étranger. Mais votre rapporteur spécial a pu être surpris de constater, ici ou là, que des auteurs français peuvent être invités par les centres culturels français, ou par la Villa Medicis, sans que leur ouvrage ne soit encore traduit dans la langue du pays. Ceci est pourtant de nature à affaiblir la portée de la manifestation proposée par le centre culturel, et le rayonnement de l'auteur. De la même manière, il paraît préférable que les auteurs français puissent se rendre à l'invitation des librairies du pays, et rencontrer ainsi ses lecteurs étrangers , que d'entrer dans une programmation d'un centre culturel dont le rayonnement est en général plus limité.
Votre rapporteur spécial invite donc les services de coopération et d'action culturelle à intensifier encore davantage les partenariats avec les éditeurs français , et en particulier les responsables des cessions de droits à l'étranger, ainsi qu'avec les librairies et éditeurs étrangers.
* 19 Dont les responsabilités sont, il est vrai, plus larges que le seul cinéma.