III. MÉDIAS, ARCHITECTURE ET CULTURE : UN PAYSAGE CONTRASTÉ

A. UN STRICT CONTRÔLE DE L'INFORMATION

1. Des médias sous tension et sous contrôle

Avec l'introduction des mécanismes de marché, les médias chinois ont connu une mutation extraordinaire depuis un quart de siècle. On relève notamment la multiplication des titres de presse (2 137 titres de journaux et 9 029 titres de périodiques, d'après les statistiques officielles), la variété des formes d'émissions audiovisuelles, la présence de la publicité dans les programmes des médias...

Néanmoins, les journaux occidentaux évoquent régulièrement les heures difficiles que vivent les médias chinois.

Dans une dépêche de l'Agence France Presse (AFP) du 26 janvier 2006, M. Philippe Massonnet évoquait ce problème dans les termes suivants : « Internet censuré, publications fermées, rédactions reprises en main, journalistes emprisonnés : la liberté de la presse est malmenée en Chine par un pouvoir politique obsédé par la stabilité. »

Dans un article paru dans la revue Études 8 ( * ) , M. Chen Yan, historien et journaliste, estime que le processus de « marchandisation » des médias chinois peut être divisé en trois phases : « entre 1979 et 1984, réapparition de publicités dans les médias ; entre 1985 et 1989, autonomie de diffusion ; depuis 1990, disjonction de la gestion de l'entreprise et du contrôle politico-idéologique du contenu. »

D'après lui, ce retrait graduel de l'Etat dans la gestion des entreprises concernées n'empêche pas « l'extrême vigilance du Parti et des mesures brutales de répression envers tout débordement, qu'il s'agisse de dénonciation de la corruption des bureaucrates par les journalistes ou de revendications de liberté de parole et de démocratisation par les dissidents. »

Il ajoute que l'éviction du Parti de la vie économique du secteur de la presse « lui enlève, de fait, une partie de son pouvoir sur la ligne éditoriale. Le maintien actuel du système de censure sur les questions politiquement sensibles n'est possible qu'au prix de concessions importantes dans les domaines économiques et sociaux. »

L'année 2003, en effet, a été marquée par un sursaut des médias sur les questions sociales, notamment dans la crise du SRAS et dans l'affaire de Sun Shigang (révélation de la mort de ce jeune pendant sa détention provisoire).

Néanmoins, d'après M. Philippe Massonnet : « Depuis fin 2004, les mises au pas de la presse se sont multipliées. » Il cite notamment le limogeage - fin 2005 - de trois responsables éditoriaux des Nouvelles de Pékin , la condamnation de deux journalistes - en janvier 2006 - à des peines allant jusqu'à dix ans de prison, officiellement pour avoir édité leur magazine sans autorisation, officieusement en raison d'articles consacrés aux conflits liés à des saisies de terre, l'une des principales causes des émeutes populaires en Chine actuellement.

Dans un récent article, le correspondant du Monde 9 ( * ) à Pékin évoque la fermeture d'un hebdomadaire (le supplément du Quotidien de la jeunesse de Chine ) pour avoir critiqué les manuels officiels d'histoire. Il fait état, par ailleurs, de la fermeture d'une publication ( Bing Dian) dont le rédacteur en chef avait publié une « lettre de protestation contre une proposition des autorités consistant à attribuer des primes aux rédacteurs loués par le régime tout en diminuant le salaire des auteurs d'articles jugés trop critiques. »

Comme l'explique M. Gilles Guiheux, directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC), basé à Hong-Kong, il existe une pratique structurelle dans les médias chinois qui consiste à tester les limites qu'on leur impose.

Ainsi que l'avance M. Chen Yan, « les médias chinois sont confrontés à l'ambiguïté d'un régime en transition. »

Il ajoute qu'ils « ont, de manière urgente , besoin d'un véritable cadre juridique, afin de protéger leur existence et de garantir leur indépendance. »

S'agissant des médias audiovisuels , il convient de souligner la prudence avec laquelle les autorités chinoises ont jusqu'ici ouvert leurs télévisions et radios aux projets étrangers.

Peu de grands groupes ont réussi à diffuser massivement leurs programmes. Pour un certain nombre de chaînes étrangères, les droits de diffusion sont limités aux hôtels ou aux résidences d'étrangers.

En 2004, les accords de partenariat entre chaînes étrangères et chaînes chinoises ont été autorisés. Mais, en avril 2005, ils ont été limités à un seul « joint-venture » par média étranger. Puis les télévisions régionales et municipales se sont vu interdire tout partenariat avec des étrangers.

En dépit des restrictions, le marché télévisuel chinois suscite des appétits. Les diffuseurs estiment qu'avec une classe moyenne d'environ 200 millions de personnes, le marché publicitaire concerné atteindrait déjà plus de 3 milliards de dollars...

* 8 Revue « Etudes » n° 4014 d'octobre 2004.

* 9 Voir « Le Monde » du 27 janvier 2006.

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