Audition de M. Jean Salmon,
vice-président de la Commission économique,
de M. Guillaume
Baugin, chargé des affaires parlementaires, et de M. Guillaume
Brulé, économiste, de l'Assemblée permanente des chambres
d'agriculture, le 2 juillet 2003
M.
Jean Salmon, vice-président de la Commission économique,
M. Guillaume Baugin, chargé
des affaires parlementaires, et
M. Guillaume Brulé, économiste
, ont
présenté la position de l'Assemblée permanente des
chambres d'agriculture (APCA) sur la mondialisation.
L'APCA est favorable à une mondialisation régulée des
échanges agricoles. Elle estime qu'une totale libéralisation du
commerce agricole serait dangereuse pour les pays développés
comme pour les pays en développement. Les protections actuelles
évitent une invasion du marché européen par des produits
importés.
La production agricole n'est pas une production comme les autres. Des
considérations politiques doivent être prises en compte : la
production agricole locale assure la sécurité alimentaire du
pays. De plus, une complète libéralisation du secteur
entraînerait une baisse des prix, facteur d'exode rural et de
désertification de régions entières ; à la
production agricole sont donc associés des enjeux d'aménagement
du territoire.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a demandé quelles seraient,
en termes strictement économiques, les conséquences d'une
libéralisation complète des échanges agricoles.
M. Jean Salmon
a indiqué que, selon une étude du Fonds
monétaire international, la suppression des protections
douanières agricoles dans les pays développés ne
conduirait qu'à une hausse de 0,3 % du PIB mondial (soit 91
milliards de dollars). Cette suppression ferait des gagnants et des perdants.
Des pays comme la Suisse, la Norvège, le Japon, ou la Corée
bénéficieraient d'un tel changement, dans la mesure où les
coûts supportés par leurs consommateurs diminueraient. Les pays du
groupe de Cairns exporteraient plus de denrées agricoles. En Afrique,
seuls les pays jouissant d'une certaine stabilité politique et d'une
bonne gouvernance bénéficieraient de cette suppression. Il est
à noter que cette étude ne prend pas en compte les
« bénéfices multifonctionnels » de
l'agriculture (contribution à l'aménagement du territoire,
à la protection de l'environnement...) qui disparaîtraient, en
partie, du fait de la libéralisation totale des droits de douane.
M. Jean Salmon
a également estimé qu'il n'y avait pas de
risque de surproduction à l'échelle globale. Une étude de
la FAO montre que l'on s'achemine au contraire vers des tensions sur les
marchés agricoles mondiaux. Dans les pays développés, la
production tend à être réduite et contingentée. Les
évolutions démographiques en cours rendent indispensable le
maintien d'un secteur agricole très productif.
Puis
M. Jean Salmon
a abordé plus précisément les
questions liées à l'environnement. Il a distingué des
enjeux globaux (déforestation, effet de serre,
etc.
), et des
enjeux plus locaux. Il a évoqué le problème posé
par la difficile application de certains accords environnementaux, comme le
Protocole de Kyoto. Il a souligné que la pression à la baisse des
prix agricoles mondiaux favorise les atteintes à la biodiversité
dans les pays en développement ; dans un pays comme le Mali par
exemple, des écosystèmes fragiles sont surexploités par
des paysans appauvris par la baisse des cours des produits agricoles.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a alors voulu connaître la
position de l'APCA sur le cycle de négociations de Doha.
M. Guillaume Brulé
a indiqué que l'APCA souhaitait le
maintien d'une protection du secteur agricole dans l'espace communautaire.
Il a estimé, citant le cas de l'Australie, qu'une libéralisation
complète des échanges agricoles pourrait avoir des effets
négatifs sur l'environnement.
M. Jean Salmon
a ajouté qu'il fallait que les agriculteurs aient
des conditions de travail qui leur permettent de continuer à produire
des denrées commercialisables, tout en entretenant les espaces naturels
et le milieu agricole. L'idée que des agriculteurs soient
subventionnés pour se consacrer exclusivement à l'entretien des
espaces et des paysages lui paraît peu réaliste.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a demandé quelle
était l'analyse de l'APCA concernant la récente réforme de
la politique agricole commune (PAC).
M. Jean Salmon
a répondu que la réforme de la PAC
préservait la préférence communautaire, tout en organisant
la baisse des prix. L'appréciation que l'on peut porter sur la
réforme dépend du niveau auquel est fixé le prix des
différents produits agricoles. La baisse des prix doit rester
raisonnable pour ne pas menacer les producteurs.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a interrogé les
représentants de l'APCA sur leur vision des évolutions
souhaitables en matière de gouvernance mondiale.
M. Jean Salmon
a rappelé que la gouvernance mondiale dans le
domaine de l'environnement se caractérisait par la juxtaposition de
nombreux accords internationaux assez disparates. Il serait utile de
créer une instance mondiale dans le domaine de l'environnement, qui
suivrait les questions de traçabilité, ou d'OGM (organismes
génétiquement modifiés), sans oublier les finalités
non alimentaires de la production agricole : biomasse ou biocarburants,
par exemple.
M. Guillaume Brulé
a indiqué que le succès de l'OMC
reposait sur l'élaboration d'un corpus de règles contraignantes,
assorties d'un mécanisme de sanction. Les accords multilatéraux
sur l'environnement sont généralement peu contraignants, et les
Etats-Unis ne les ont pas tous ratifiés.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a souhaité connaître
la position de l'APCA sur les écotaxes.
M. Jean Salmon
a déclaré qu'il n'était pas hostile
à l'idée d'une fiscalité écologique, à
condition de savoir quelle était la finalité de la taxation, et
de définir des bases fiscales équitables. L'APCA est favorable
à une modulation de la fiscalité en fonction des pratiques
écologiques des agriculteurs. Toutefois, la mise en place d'un
dispositif satisfaisant risque de s'avérer complexe et très
bureaucratique.