Audition de M. Michel Mousel,
ancien président de la Mission interministérielle de l'effet de
serre (MIES),
le 2 octobre 2003
M.
Michel Mousel, ancien président de la Mission interministérielle
de l'effet de serre
(MIES)
, a expliqué que les rapports entre
mondialisation et environnement soulevaient trois questions :
* la première a trait aux stratégies des entreprises ;
* la seconde est liée au développement du secteur des
transports ;
* la troisième est relative aux biens publics et aux services publics.
Concernant les stratégies d'entreprises,
M. Michel Mousel
a
rappelé que les firmes multinationales avaient longtemps
considéré qu'elles pouvaient s'autoriser dans les pays du Sud des
comportements interdits au Nord. Cette situation évolue : les
dirigeants d'entreprises ont compris qu'ils avaient intérêt
à prendre des précautions pour protéger l'environnement,
ou, à tout le moins, à faire croire, qu'ils en prenaient. Compte
tenu de ces ambiguïtés, un processus contradictoire est
nécessaire pour se faire une juste opinion du comportement des
entreprises ; d'où l'importance du rôle des auditeurs
extérieurs pour la bonne information du public et des actionnaires.
Le développement des échanges internationaux est rendu possible
par la croissance des transports. La Commission européenne s'est peu
préoccupée des infrastructures de transport dans les pays
d'Europe centrale et orientale. On peut s'attendre, suite à
l'élargissement de l'Union européenne, à une
intensification des échanges à partir de réseaux de
transport très polluants.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a alors rappelé que la
croissance des transports était à peu près proportionnelle
à la croissance économique.
M. Michel Mousel
a ensuite abordé la question des biens publics,
dont font partie la santé et l'environnement, et des services publics.
Les altermondialistes sont très préoccupés par la question
de la privatisation des services publics, et de l'appropriation privée
des biens collectifs. A l'occasion de la préparation du Sommet de
Johannesburg, M. Michel Mousel a eu l'occasion de travailler sur une Charte des
grands services publics, qui réaffirme que la maîtrise des
services publics et de leurs infrastructures doit rester aux pouvoirs publics,
mais qui n'exclut pas des modes de gestion différenciés (public,
mixte, ou privé). Des responsables d'associations caritatives ou des
maires de grandes villes du Sud ont fait part, lors de ce sommet, de cas de
privatisations manquées, qui ont abouti, par exemple, à une
hausse du prix de l'eau ou à une raréfaction des ressources en
eau.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a demandé s'il était
possible, à court terme, d'avancer réellement sur la voie d'une
meilleure gouvernance mondiale, ou s'il fallait plutôt envisager une
action au niveau régional.
M. Michel Mousel
a répondu que le choix du niveau d'intervention
adéquat dépendait de la nature du sujet traité. Les
questions relatives à l'alimentation devraient par exemple être
organisées au niveau régional, afin de combiner autonomie dans
l'approvisionnement alimentaire et sécurité sanitaire,et
négociées entre ces sous-ensembles régionaux.
Il faut également s'interroger sur la nécessité de
créer, ou non, des organisations spécialisées. Il serait
utile de dépasser l'opposition apparente entre l'Organisation mondiale
du Commerce et les organisations spécialisées des Nations-Unies.
On pourrait imaginer, par exemple, qu'un Etat lésé par le
non-respect du Protocole de Kyoto par un autre Etat partie soit autorisé
à saisir l'Organe de règlement des différends de l'OMC, et
à prendre des mesures de rétorsion sur le terrain commercial.
Cela permettrait d'assortir le non-respect des accords multilatéraux
environnementaux d'une possibilité de sanction. Aujourd'hui, le point
faible de ces accords réside dans la faiblesse des mécanismes de
sanction. Il faudrait ainsi prévoir des possibilités de passage
de juridiction à juridiction.
M. Serge Lepeltier, sénateur
est ensuite revenu sur les causes de
l'échec du Sommet de La Haye, en 1998.
M. Michel Mousel
a indiqué qu'une cause importante de
l'échec de ce Sommet réside dans l'absence des pays du Sud de la
négociation. L'Union européenne et les Etats-Unis se sont
concentrés sur une négociation bilatérale sans marges de
compromis, faisant trop peu de cas des intérêts des pays en
développement.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a rappelé qu'un
phénomène similaire avait contribué à
l'échec du Sommet de Cancun, en septembre 2003. La conclusion d'un
accord Europe-Etats-Unis avant le sommet ne fut sans doute pas une bonne
stratégie internationale.
M. Michel Mousel
a ajouté que la culture, plutôt
conservatrice, de notre appareil diplomatique le prédisposait peu
à concevoir des dynamiques de réforme des institutions. Par
ailleurs, les questions environnementales sont encore trop peu abordées
lors des sommets internationaux.