II. RÉÉQUILIBRER LA GOUVERNANCE MONDIALE EN FAVEUR DE L'ENVIRONNEMENT
La
gouvernance mondiale actuelle apparaît
déséquilibrée : alors que des organisations
internationales puissantes gèrent les dossiers économiques (OMC,
FMI), et que les préoccupations sociales sont portées par l'OMS
et l'OIT, l'environnement semble être un secteur négligé,
puisque qu'aucune organisation internationale spécialisée n'en a
la charge. Un très grand nombre d'accords internationaux sont
juxtaposés à un Programme des Nations-Unies, sans
possibilité de mise en cohérence.
Une rationalisation et un renforcement des structures internationales en charge
de l'environnement devraient donc être des tâches prioritaires. La
question du financement de l'action internationale se trouve également
posée. En parallèle, il est indispensable d'améliorer la
prise en compte des questions environnementales au sein de l'OMC. Enfin, en
vertu du principe de subsidiarité, les échelons européen
et national doivent aussi être mobilisés pour mieux faire face aux
retombées environnementales de la mondialisation.
A. POUR UNE ORGANISATION MONDIALE DE L'ENVIRONNEMENT
La
création d'une Organisation mondiale de l'Environnement (OME)
complèterait de façon déterminante l'architecture
institutionnelle internationale.
Formulée pour la première fois il y a une dizaine
d'années, la proposition de créer une OME est aujourd'hui
défendue officiellement par la France, et par un certain nombre de nos
partenaires, dont l'Allemagne. Le Président de la République
Jacques Chirac soutient depuis plusieurs années cette idée, et
s'est déjà exprimé publiquement en sa faveur. Cette
proposition se heurte cependant encore à de fortes résistances de
la part de certains pays, ce qui impose d'exposer à nouveau
l'argumentation en faveur de ce projet.
Une éventuelle OME aurait pour première mission de centraliser le
secrétariat des différents accords environnementaux. Cette
rationalisation des structures serait source de gains d'efficacité. La
mutualisation des moyens donnerait davantage de poids aux secrétariats
des AME, qui pourraient développer des
outils communs de suivi de
l'application des accords
. Le regroupement des secrétariats
favoriserait également l'émergence d'une doctrine commune, autour
de grands principes actuellement énoncés de manière
dispersée dans les accords (principe pollueur-payeur, principe de
précaution, principe du consentement éclairé...).
L'OME pourrait reprendre les activités actuellement dévolues au
PNUE, mais dans des conditions de plus grande stabilité, dans la mesure
où le financement de cette organisation internationale serait
assuré par des contributions régulières et obligatoires
des Etats membres. Elle serait un lieu d'expertise reconnu, qui pourrait peser
dans le débat public international, et serait un interlocuteur
crédible pour les autres organisations multilatérales, notamment
l'OMC.
Outre les gains d'efficacité administrative, l'OME constituerait un
forum de négociation permanent, facilitant ainsi la conclusion de
nouveaux AME. Elle favoriserait la surveillance mutuelle entre Etats, et par
là, encouragerait le respect des engagements souscrits. La collecte et
la publication de données fiables et incontestables en matière
d'environnement permettrait de jouer sur les effets de
« réputation » et inciterait les Etats à
appliquer les accords environnementaux.
Pour être crédible, l'organisation devrait disposer d'un budget
suffisant. Il est difficile, à ce stade, de proposer un chiffre
précis tant les besoins en matière de protection de
l'environnement sont étendus. Toutefois, Mme Jacqueline Aloisi de
Larderel, ancienne directrice de la division du commerce, de l'industrie, et de
l'économie du PNUE, a indiqué au cours de son audition, que pour
faire face aux défis présents, un triplement des ressources du
PNUE lui paraissait nécessaire. Cela impliquerait de porter le budget
annuel de l'organisation à quelque 180 millions d'euros. En outre,
la gestion du Fonds pour l'environnement mondial pourrait être
rattachée à l'OME, ce qui ferait du FEM le « bras
financier » de l'organisation, lui permettant de mettre en oeuvre des
projets concrets de préservation de l'environnement.
La création d'une OME se heurte aux réticences des Etats-Unis,
qui doutent de l'intérêt de cette nouvelle organisation, et
craignent qu'elle ne vienne concurrencer l'OMC. Les Américains estiment
que les questions environnementales ayant une incidence sur les échanges
peuvent être traitées directement au sein de l'OMC. Ils
s'inquiètent également des contraintes qu'une OME pourrait faire
peser sur leur développement technologique. Les pays du Sud, quant
à eux, craignent qu'une OME ne vienne freiner leur développement
en imposant des normes environnementales trop sévères.
Pour surmonter les réticences des pays du Sud, les promoteurs du projet
d'OME devraient mettre en avant la notion de développement durable, qu
fait le lien entre croissance et protection de l'environnement, ainsi que le
principe pollueur-payeur, qui implique que l'effort principal en matière
de protection de l'environnement repose sur les pays du Nord. Pour
atténuer les craintes des Etats-Unis, une approche progressive pourrait
être retenue, passant d'abord par un renforcement du PNUE, avant de
formaliser sa transformation en Organisation mondiale de
l'Environnement.