B. UN RENFORCEMENT DE LA COORDINATION ENTRE LES ACTEURS DE NOTRE SYSTÈME SANITAIRE ET SOCIAL ET LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES RESPONSABILITÉS
1. Une coopération plus satisfaisante au sein des ministères et entre les ministères concernés
Renforcer la coopération entre les ministères et entre les directions est une nécessité absolue, tant il est vrai, comme l'a indiqué M. William Dab, directeur général de la santé, que « nous avons eu affaire à une pathologie qui est en grande partie une pathologie de cloisonnement de notre système de décision ».
La mission notera cependant que des actions ont déjà été engagées pour décloisonner les administrations concernées.
Ainsi, M. Édouard Couty, directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, a indiqué à la mission que « depuis cette crise, un certain nombre de dispositifs ont été mis en place afin de surmonter ces cloisonnements, notamment par des voies rapides de communication électronique entre les directeurs - fax, e-mails. (...) Nous avons des réunions fréquentes avec le ministère des affaires sociales et nous communiquons par messagerie électronique, téléphone et fax avec le ministère de l'intérieur de manière beaucoup plus fréquente ».
M. William Dab a, lui aussi, fait part des progrès réalisés en ce domaine, à la suite des événements tragiques de cet été : « Tous les mercredis matin, je réunis dans mon bureau tous les responsables des agences sanitaires et des directions des hôpitaux. Nous évoquons tous les dossiers liés à des questions de sécurité sanitaire. Dès que j'ai mis en place cette organisation, j'ai appelé M. de Lavernée, mon homologue à la direction de la défense et de la sécurité civile pour lui demander qu'un membre de sa direction participe à ces réunions hebdomadaires. Il a tout de suite accepté cette invitation. A mon sens, la réponse aurait été différente, si nous n'avions pas eu l'expérience de la canicule. De la même manière, je participe personnellement et activement à la mise en place du Conseil national de sécurité civile, à l'initiative du ministère de l'intérieur. Cette instance permettra aux différentes administrations de renforcer leurs liens et de mieux travailler ensemble ».
On notera par ailleurs que l'Institut de veille sanitaire reçoit désormais quotidiennement un relevé des interventions des pompiers et transmet à la DGS un bulletin d'alerte quotidien, dont M. William Dab, directeur général de la santé, a souligné l'importance devant la mission d'information : « Nous avons demandé à l'Institut de veille sanitaire de mettre au point un bulletin d'alerte quotidien et formalisé, à l'instar de ce que fait Météo France. Ainsi, depuis le 1 er octobre, je reçois sur mon bureau, en fin d'après-midi, un bulletin d'alerte formalisé qui vient de l'Institut de veille sanitaire. Ce bulletin engage la responsabilité scientifique de l'Institut et m'engage, en tant que directeur général de la santé, dans la manière dont je traduis cette alerte ensuite. J'estime que cette procédure est très importante ».
Dans le même sens, M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale, a indiqué à la mission que de nouvelles habitudes de travail avaient été prises, qui permettaient une meilleure circulation de l'information entre les différentes directions et de remédier au morcellement des compétences. Il a en outre indiqué qu'avaient été tirées « les conséquences de l'absence de culture de crise à la DGAS. Contrairement à mes anciens services au département de Paris, ou à la DHOS ou la DGS, nous ne disposions pas de cellule de crise qui puisse être activée en cas de problème. La culture de crise nécessite une préparation pour favoriser le travail en commun et la montée en charge. Nous avons donc mis en place un groupe de travail à cet effet avec William Dabb et Édouard Couty... La deuxième réunion (...) sera complétée par des réunions plus centrées sur le froid, le problème du moment. L'objectif est d'être pragmatique et de réagir concrètement comme vous nous le demandiez ».
2. L'InVS, tête de réseau du système de veille
Renforcer le positionnement de l'InVS est une nécessité absolue. L'Institut doit être une tête de réseau, ainsi que le souhaitait le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi qui allait devenir la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
La mission constate avec satisfaction que des initiatives ont déjà été prises depuis cet été pour améliorer la capacité de l'InVS à déceler les crises, comme en témoignent certaines dispositions introduites dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique, actuellement en navette.
Les phénomènes climatiques devraient ainsi être intégrés dans le champ des missions de l'Institut qui s'attache, on l'a vu, à nouer des relations avec Météo France. Reste à définir la valeur ajoutée de l'InVS par rapport aux bulletins bruts fournis par Météo France, ainsi que l'a souligné le directeur général de l'Institut, M. Gilles Brücker, devant la mission : « Nous pourrions être les porte-voix de Météo France. Mais cela ne servirait à rien. Météo France, avec ses 3 000 météorologistes, peut très bien prendre la parole sans nous. Il s'agit plutôt d'analyser comment les indicateurs météorologiques peuvent être transformés en indicateurs sanitaires. Un travail est en cours à ce sujet et apportera -j'espère rapidement- des éléments de réponse ». Par ailleurs, l'InVS a engagé d'autres travaux au niveau européen afin de mieux appréhender le phénomène de la canicule.
L'Institut a également commencé à élaborer un système de veille sanitaire à partir de l'activité des urgentistes, comme l'a indiqué M. Gilles Brücker : « Ma première action a été très simple : j'ai transmis un fax et un e-mail indiquant aux urgences qu'en cas de problème, l'InVS devait être contacté. C'est largement insuffisant. Je souhaiterais avoir des informations quantitatives permettant d'identifier un éventuel accroissement des activités des urgences. Mais je voudrais aussi disposer de quelques informations qualitatives, permettant par exemple de connaître le degré de gravité des situations des malades. Les difficultés proviennent de la très forte hétérogénéité des systèmes d'information. Si tous les acteurs nous envoyaient des messages détaillés et hétérogènes, ce serait impossible à gérer ».
Par ailleurs, l'InVS reçoit désormais chaque jour le bulletin quotidien du COGIC, ce qui traduit un souci de réduire les cloisonnements existants, et devrait permettre à l'Institut de jouer pleinement son rôle de vigie, même si la mise au point du traitement des données ainsi transmises reste à préciser, ainsi que l'a noté M. Gilles Brücker : « J'ai chargé un collaborateur de lire ce bulletin tous les jours. Mais ce bulletin contient beaucoup d'informations très détaillées qui nous sont inutiles. Il faut donc s'interroger sur la façon de transformer une information en un fait analysable et significatif d'un point de vue épidémiologique. Il est donc nécessaire de concevoir des systèmes d'information qui aient du sens. Ce travail est en cours mais il prend du temps. Nous allons essayer de construire des réseaux pilotes. Nous souhaiterions avancer plus vite sur cette question mais elle est complexe et difficile ».
Le projet de loi relatif à la politique de santé publique, actuellement en cours d'examen, prévoit deux autres mesures concernant l'InVS. L'article 10 B du projet de loi complète le réseau de correspondants sur lesquels l'InVS peut s'appuyer afin d'exercer les missions qui lui sont dévolues, et l'étend aux services de protection civile, aux services de santé aux armées et aux entreprises funéraires, dont la crise de l'été 2003 a montré l'utilité pour apprécier la situation sanitaire.
En outre, l'article 10 C du projet de loi dispose que les services de l'Etat et les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements de santé publics et privés, le service de santé des armées, les établissements et services sociaux et médicosociaux, les services de secours ainsi que tout professionnel de santé sont tenus de signaler sans délai au représentant de l'Etat dans le département les menaces imminentes pour la santé de la population dont ils ont connaissance ainsi que les situations dans lesquelles une présomption sérieuse de menace sanitaire grave leur paraît constituée. Le représentant de l'Etat porte immédiatement ce signalement à la connaissance de l'Institut de veille sanitaire. La liste des acteurs susceptibles de signaler des menaces pour la santé serait ainsi précisée et la transmission à l'InVS normalement assurée dans les meilleurs délais.
Enfin, l'Institut de veille sanitaire devrait voir ses tâches redéfinies « dans une approche populationnelle et non seulement individuelle par pathologie », ainsi que l'a indiqué M. Jean-François Mattei.
La mission estime que ces mesures vont dans le sens souhaité par le Sénat, qui s'était montré précurseur en la matière lors de la discussion de la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. Elle tient à rappeler qu'elles figuraient déjà dans ce texte de 1998 résultant de l'initiative du Sénat, ainsi que M. Claude Huriet l'a rappelé avec vigueur devant la mission.
LES MISSIONS DE L'INVS PRÉVUES PAR L'ARTICLE 10
A DU PROJET DE LOI
RELATIF À LA POLITIQUE DE SANTÉ
PUBLIQUE
« Art. L. 1413-2. Un Institut de veille sanitaire, établissement public de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, a pour missions :
« 1° La surveillance et l'observation permanentes de l'état de santé de la population. A ce titre, il participe au recueil et au traitement de données sur l'état de santé de la population à des fins épidémiologiques, en s'appuyant notamment sur des correspondants publics et privés faisant partie d'un réseau national de santé publique ;
« 2° La veille et la vigilance sanitaires. A ce titre, l'institut est chargé :
« a) De rassembler, analyser et actualiser les connaissances sur les risques sanitaires, leurs causes et leur évolution ;
« b) De détecter de manière prospective les facteurs de risque susceptibles de modifier ou d'altérer la santé de la population ou de certaines de ses composantes, de manière soudaine ou diffuse ;
« c) D'étudier et de répertorier, pour chaque type de risque, les populations les plus fragiles ou menacées.
« Il peut également assurer des fonctions de veille sanitaire pour la Communauté européenne, des organisations internationales et des pays tiers, avec l'accord du ministre chargé de la santé ;
« 3° L'alerte sanitaire. L'institut informe sans délai le ministre chargé de la santé en cas de menace pour la santé de la population ou de certaines de ses composantes, quelle qu'en soit l'origine, et il lui recommande toute mesure ou action appropriée pour prévenir la réalisation ou atténuer l'impact de cette menace ;
« 4° Une contribution à la gestion des situations de crise sanitaire. A ce titre, l'institut propose aux pouvoirs publics toute mesure ou action nécessaire.
« L'institut participe, dans le cadre de ses missions, à l'action européenne et internationale de la France, et notamment à des réseaux internationaux de santé publique.
« Art. L. 1413-3. -- En vue de l'accomplissement de ses missions, l'Institut de veille sanitaire :
« 1° Effectue, dans son domaine de compétence, toutes études, recherches, actions de formation ou d'information ;
« 2° Met en place les systèmes d'information lui permettant d'utiliser, dans les meilleurs délais, les données scientifiques, climatiques , sanitaires, démographiques et sociales, notamment en matière de morbidité et de mortalité, qui sont nécessaires à l'exercice de ses missions ;
« 3° Elabore des indicateurs d'alerte qui permettent aux pouvoirs publics d'engager des actions de prévention précoce en cas de menace sanitaire et des actions de gestion des crises sanitaires déclarées ;
« 4° Établit, chaque année, un rapport qui comporte, d'une part, la synthèse des données recueillies ou élaborées dans le cadre de ses missions d'observation, de veille et de vigilance sanitaires et, d'autre part, l'ensemble des propositions et des recommandations faites aux pouvoirs publics ;
« 5° Organise des auditions publiques sur des thèmes de santé publique ;
« 6° Met en oeuvre, en liaison avec l'assurance maladie et les services statistiques des départements ministériels concernés, un outil permettant la centralisation et l'analyse des statistiques sur les accidents du travail, les maladies professionnelles, les maladies présumées d'origine professionnelle et de toutes les autres données relatives aux risques sanitaires en milieu du travail, collectées conformément à l'article L. 1413-4. »
3. Le nécessaire aménagement du traitement des certificats de décès
La mission considère qu'il est essentiel d'accélérer le traitement des certificats de décès, tout en veillant à conserver le caractère scientifique du système actuel. Disposer des données relatives à la mortalité présente en effet un intérêt majeur pour déceler un phénomène anormal. Des aménagements doivent être apportés à un circuit archaïque, où les certificats de décès sont encore établis sous forme papier.
La mission ne peut donc qu'être favorable aux dispositions de l'article 13 bis du projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui visent à normaliser les certificats de décès et à établir les conditions de leur transmission électronique, même si le terme de « certification électronique » n'apparaît pas en tant que tel dans le texte du projet de loi. L'informatisation des certificats de décès devrait permettre d'accélérer de façon significative le traitement des données et de disposer ainsi d'une surveillance épidémiologique des décès quasiment en temps réel. Un certain nombre de causes de décès pourront également être sélectionnées pour procéder à une analyse rapide des pathologies. M. William Dab, directeur général de la santé, a précisé devant la mission que, « avant même que la loi soit votée, parce que 70 % des décès surviennent dans des hôpitaux, l'INSERM et l'Institut de veille sanitaire sont en train de bâtir ce réseau informatisé, qui permettra la surveillance en temps réel des décès. Dans un pays comme le nôtre, ceci est tout à fait faisable ».
M. Eric Jougla, directeur du centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès, a précisé le calendrier retenu pour cette réforme et les intérêts d'une telle opération : « Il faut passer à un système de certification électronique, ce qui n'est pas facile. Monsieur Mattei a défini deux dates pour cette évolution. 2005 en verra la généralisation dans les hôpitaux et 2009 sera consacrée à une généralisation au niveau national. Cela suppose que le médecin indique des causes de décès et nous les envoie en direct. Ils devront donc être équipés d'ordinateurs ».
4. Le renforcement de la coordination des acteurs au niveau local
Il apparaît également essentiel de rapprocher, au niveau local, le secteur sanitaire et le secteur social. La mission a ainsi été particulièrement intéressée par les suggestions du directeur du Samu de Lille, qui estimait qu'il fallait repenser le rôle du Samu et développer les interactions entre les deux secteurs.
De même, l'éclatement des services et des structures au niveau local rend nécessaire une meilleure coordination des différents acteurs. La mission observe que le projet de loi relatif à la politique de santé publique traduit certaines avancées en ce domaine, en créant des groupements régionaux de santé publique, chargés d'assurer la mise en oeuvre des plans régionaux de santé publique sous l'égide du représentant de l'Etat. Ces groupements d'intérêt public rassembleront différents partenaires tels que l'InVS, l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'assurance maladie ou les collectivités locales, ce qui devrait permettre de développer les habitudes de travail entre ces acteurs.
L'action en faveur des personnes âgées doit également faire l'objet d'une attention toute particulière. La diversité des services et des structures de prise en charge, déjà analysée précédemment, rend nécessaire le développement d'une coordination gérontologique.
A cet égard, le dispositif des centres locaux d'information et de coordination (CLIC) présente un intérêt certain, souligné par l'ensemble des acteurs de terrain rencontrés au cours des déplacements de la mission. Ces structures ont pour missions l'accueil et l'information des personnes âgées sur les aides et prestations disponibles, leur orientation vers les services appropriés, l'élaboration d'un plan d'aide personnalisé, sa mise en oeuvre et son suivi, et enfin l'articulation de la prise en charge sanitaire, médicosociale et l'accompagnement social à domicile. Le CLIC agit au niveau du « bassin de vie » des habitants : selon la configuration locale, il peut concerner une population de l'ordre de 7 000 à 10 000 personnes âgées de 60 ans et plus en milieu rural et de 15 000 en milieu urbain.
LES CENTRES LOCAUX D'INFORMATION ET DE COORDINATION (CLIC)
Créés par une circulaire du 6 juin 2000, les CLIC ont trouvé une traduction législative dans la loi du 20 juillet 2001 relative à l'allocation personnalisée d'autonomie. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médicosociale les classe dans la nomenclature des établissements et services sociaux et médicosociaux.
L'objectif des CLIC est de structurer un dispositif de coordination gérontologique correctement implanté, parfaitement identifié, durable, accessible dans tout le pays et directement opérationnel pour traiter les situations complexes et urgentes. Il est l'un des points d'appui d'une politique publique qui fait du maintien à domicile des personnes âgées une priorité.
Un comité de pilotage, présidé par le préfet et le président du conseil général, rassemble les principaux acteurs de la politique gérontologique, notamment les caisses régionales d'assurance maladie, les autres organismes de protection sociale et les représentants des grandes villes. Dans le cadre de l'approfondissement de la décentralisation, il est envisagé de confier le pilotage de ce dispositif au seul président du conseil général. Cette instance est sollicitée pour définir le maillage des CLIC sur le territoire départemental en fonction des bassins de vie et en cohérence avec le schéma gérontologique départemental, instruire les demandes de labellisation, organiser l'évaluation et le suivi du dispositif, réguler les partenariats financiers.
Les CLIC sont labellisés. La décision de labellisation, cosignée par le préfet et le président du conseil général, emporte un cofinancement par l'Etat des activités du CLIC. La labellisation se décline selon trois niveaux, en fonction des missions mises en oeuvre par les CLIC :
Niveau 1 : il correspond aux missions d'accueil, d'écoute, d'information et de soutien aux familles. Il suppose, outre le personnel nécessaire, un local accessible et repérable, un accueil téléphonique, une base de données, des actions de formation / information. Il doit proposer à la fois une information sur les aides et prestations disponibles ainsi que, chaque fois que possible, les dossiers de demande nécessaires à leur obtention. Le CLIC niveau 1 est fréquemment la porte d'entrée dans le dispositif CLIC. Il doit à moyen terme -18 mois, 2 ans- évoluer vers le niveau 2 voire 3, la notion de guichet -trop anonyme et qui ne rend pas compte d'un traitement singulier des demandes- devant céder le pas au « sur mesure », à l'évaluation des besoins de la personne, à la mise en place et au suivi du plan d'aide personnalisé.
Niveau 2 : il prolonge le niveau 1 par les missions d'évaluation des besoins et d'élaboration d'un plan d'aide personnalisé. Il propose une palette de services partielle, (comme des groupes de paroles, des actions de formation - information, des actions de prévention...). Le suivi de la mise en oeuvre du plan d'aide, s'il existe, n'est pas systématique.
Niveau 3 : Il prolonge le niveau 2, prend en charge le suivi et l'évaluation des situations les plus complexes et articule prise en charge médicosociale et coordination des acteurs de santé, accompagnement social et actions d'aide à l'amélioration de l'habitat. Il aide à la constitution des dossiers de prise en charge. Il permet d'actionner les services de soins infirmiers à domicile, les services d'aide à domicile, l'accueil de jour, le portage de repas, les services de transport, les aides techniques, les travaux d'aménagement du domicile... Le partenariat avec les établissements sanitaires et médicosociaux est formalisé par convention. La palette des services est alors complète et le suivi organisé. A terme, c'est vers ce niveau de labellisation que doivent tendre tous les CLIC.
Source : DGAS
Les interlocuteurs de la mission se sont dans l'ensemble montrés très favorables aux CLIC, mais nombre d'entre eux ont souligné la difficulté de s'engager dans une telle démarche et ce, en raison des incertitudes pesant sur leur financement dans la durée. Or la question du financement est essentielle si l'on veut pouvoir inscrire cette action dans la continuité nécessaire en impliquant tous les partenaires concernés. La circulaire du 6 juin 2000 relative aux CLIC prévoyait un plan pluriannuel de création de 1 000 CLIC à échéance 2005. En octobre 2003, on comptait 395 CLIC installés dans 93 départements. A cette date, sur 364 CLIC détenteurs d'un niveau de label renseigné, seuls 36 % relevaient du niveau 3. Même en retenant le chiffre plus réaliste à terme de 746 -chiffre retenu par la DGAS en août 2003-, la montée en puissance du dispositif, si elle ne s'accompagne pas d'un effort financier conséquent, pourrait prendre encore des années, laissant de nombreuses zones non couvertes. Seuls onze départements ont installé la totalité de leurs CLIC et la couverture moyenne pour l'ensemble du territoire n'est que de 25 % en moyenne. A ce retard, il faut désormais ajouter également une nouvelle inconnue, puisque, à l'issue de l'adoption définitive du projet de loi relatif aux responsabilités locales, la compétence « personnes âgées » relèvera entièrement des conseils généraux, et donc par voie de conséquence le financement des CLIC. Si, le transfert financier qui doit accompagner ce transfert de compétences, ne prend en compte que les moyens actuels, la charge de la poursuite de l'effort de création des CLIC restants reposera intégralement sur les collectivités locales. Il y a lieu de craindre des disparités fortes en fonction des ressources que ces collectivités seront à même de dégager pour assurer la pérennité du dispositif. La mission souligne l'importance essentielle de cette politique et sera particulièrement vigilante sur ce point.
LE FINANCEMENT DES CLIC
En 2003, les moyens financiers nécessaires au cofinancement des CLIC ont été reconduits au budget de l'Etat. La dotation inscrite en loi de finances se monte à 22 656 352 euros. Ces crédits permettent de maintenir le financement des CLIC existants et de poursuivre la labellisation de nouveaux CLIC.
En 2004, la part du cofinancement de l'Etat sera reconduite à la même hauteur. A compter de 2003, le soutien financier de l'Etat vise à faire évoluer les CLIC vers le niveau 3, niveau où ils assurent, outre les missions d'information, le suivi et l'évaluation des situations les plus complexes et articulent la prise en charge sanitaire et l'accompagnement social des personnes âgées.
Une enquête sur le cofinancement des CLIC en 2002 a été réalisée par la DGAS auprès des 87 DDASS impliquées dans leur financement. L'Etat est le premier financeur, avec une part représentant 48 % du total du financement et une présence dans tous les départements concernés (87). Le financement des conseils généraux est présent dans 76 % des départements et représente 21 % du total, les communes sont représentées dans 59 % des départements et cofinancent à hauteur de 13 %. Les caisses régionales d'assurance maladie (branche vieillesse) assurent un cofinancement dans 53 % des départements et pèsent pour 5 % dans le financement, les autres caisses de retraite cofinancent dans 36 % des départements pour un montant qui représente 3 % du total. Les hôpitaux cofinancent dans 20 % des départements, leur contribution représente 3 % du total.
Le reste de l'apport financier soit 7 % provient de sources diverses (conseils régionaux, cnasea, cotisations...). Le cofinancement est plus ou moins étendu selon les départements : dans 35 % des départements les CLIC sont cofinancés par plus de cinq cofinanceurs, dans 47 % des départements les cofinanceurs sont entre trois et cinq et enfin dans 18 % des départements les CLIC ne sont financés que par un ou deux financeurs.
Source : DGAS
5. Une clarification des responsabilités pour mieux gérer les crises
a) La nécessité d'une instance pilote à l'échelon national
La mission préconisera l'instauration d'une instance pilote à l'échelon national en vue de prévenir les crises et de coordonner l'ensemble des acteurs lorsqu'elles surviennent. Plusieurs formules sont envisageables.
(1) Le Conseil national de sécurité sanitaire : une formule proposée à l'origine par le Sénat
On rappellera que la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme a institué un véritable système de sécurité sanitaire en France, à partir d'une proposition de loi de MM. Charles Descours et Claude Huriet, elle-même issue des travaux de la mission d'information sénatoriale sur ce sujet.
Le système initial de la proposition de loi reposait sur un Conseil national de sécurité sanitaire qui aurait eu pour mission de coordonner l'action des différents services ministériels dans la prévention et la gestion des crises sanitaires.
Lors de son audition, M. Claude Huriet a rappelé les termes de son rapport 57 ( * ) qui définissait ce Conseil national : « Les différentes autorités chargées de la veille et de la sécurité sanitaires doivent être coordonnées, non seulement pour gérer les crises, mais aussi et surtout pour empêcher leur survenue. C'est pourquoi les sénateurs signataires de la proposition de loi ont souhaité mettre en place une structure interministérielle placée sous la présidence du Premier ministre, et vice-présidée par le ministre chargé de la santé ».
Le Conseil national de sécurité sanitaire aurait dû réunir le ministre de la santé, les ministres intéressés ainsi que les directeurs généraux des autorités de veille et de sécurité sanitaires (Institut de veille sanitaire, Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, Agence de sécurité sanitaire des aliments), ceux-ci étant investis de missions de police sanitaire, tout autre intervenant pertinent pouvant être invité à y participer.
La mission rappellera que l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé et les fonctions de cette instance lors des débats parlementaires et donc que la structure interministérielle ambitieuse imaginée par les auteurs de la proposition de loi, en vue de prévenir et gérer les crises, n'a pas vu le jour. Comme l'a rappelé M. Claude Huriet, « cela a été le prix à payer pour que l'Assemblée nationale se rallie au texte du Sénat ».
Le Conseil national est ainsi devenu un comité national de sécurité sanitaire à la composition et aux attributions réduites, précisées par la loi du 9 mai 2001 58 ( * ) . Il est « chargé d'analyser les évènements susceptibles d'affecter la santé de la population, de confronter les informations disponibles et de s'assurer de la coordination des interventions des services de l'Etat et des établissements publics placés sous sa tutelle, notamment pour la gestion, le suivi et la communication des crises sanitaires. Ce comité s'assure également de la coordination de la politique scientifique de l'Institut de veille sanitaire, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale ».
Ce comité national est donc devenu une instance d'analyse et le régulateur de la cohérence de la politique de sécurité sanitaire, sans réel pouvoir de coordination (« il s'assure de la coordination », mais il ne coordonne pas les divers établissements et agences).
Sous la présidence du ministre de la santé, il réunit les directeurs généraux de l'Institut de veille sanitaire, de l'AFSSAPS, de l'AFSSA et de l'AFSSE ainsi que les présidents de leurs conseils scientifiques « une fois par trimestre, à la demande de l'un d'entre eux ou immédiatement en cas de déclenchement d'une crise sanitaire ». Il associe à ses travaux les autres ministères intéressés et peut y associer toute autre personnalité ou organisme compétent.
M. Claude Huriet a précisé que « ce comité national est présidé par le ministre de la santé et rassemble les directeurs d'agence et les chefs de service, c'est-à-dire une instance similaire à celle qui réunit le directeur général de la santé tous les mercredis matins ».
Une telle instance, véritablement décisionnelle, puisque placée sous l'autorité du Premier Ministre, aurait sans doute permis de répondre plus efficacement au souci recherché par la mission d'une prévention et d'une gestion efficace des crises.
(2) Une alternative : un COGIC élargi
La distinction difficile du champ de compétences de la sécurité civile et de la sécurité sanitaire, ainsi que les insuffisances de la communication entre les administrations concernées ont contribué à la prise de conscience tardive des conséquences de la canicule par le COGIC. Les difficultés rencontrées par ce dernier cet été ne remettent pas en cause ses compétences en cas de crise, selon M. Nicolas Sarkozy, qui a rappelé le succès de son action de coordination des acteurs lors des inondations récentes dans les Bouches-du-Rhône et dans le Gard : « Au niveau national, pourquoi se priver des compétences du COGIC face aux crises sanitaires ? Plutôt que de créer une nouvelle et coûteuse structure qui serait un COGIC spécifique pour la santé, pourquoi ne pas élargir le champ d'intervention du COGIC ? Je souhaiterais clairement rappeler que le COGIC est à la disposition de tous les ministères ».
Depuis la canicule, le COGIC a renforcé ses liens et ses échanges d'informations avec l'Institut de veille sanitaire, le ministère de la santé et l'INSERM. A terme, dans le projet de M. Sarkozy, le COGIC élargi aurait « des relations institutionnalisées au quotidien avec les partenaires de la chaîne sanitaire ».
Il deviendrait en outre « le bras armé opérationnel » d'une instance spécifique de décision au plus haut niveau de l'Etat car « dans la crise, il faut un décideur identifié et incontestable » ; les réunions régulières des directeurs de cabinet des ministres à Matignon, pour le plan Vigipirate, peuvent être évoquées à cet égard. Épaulé par le COGIC, agissant dans le cadre des futurs plans « températures extrêmes », une telle instance permettrait de répondre efficacement à l'émergence de crises aux multiples origines. Elle aurait en outre l'avantage de rapprocher au quotidien les personnels en charge de la sécurité civile et de la sécurité sanitaire et environnementale.
Cette coordination sera également développée, dans le domaine de la prospective et de l'analyse des risques, au sein d'un Conseil national de la sécurité civile . M. Christian de Lavernée a annoncé à la mission sa mise en place prochaine, indiquant que ce conseil « aura pour but de recenser tous les risques possibles et imaginables, y compris ceux survenus à l'étranger. Dans ce conseil travailleront des experts, qui feront une synthèse sur le niveau de la France à la préparation aux risques ». Lors de son audition, M. William Dab a précisé qu'il participait « personnellement et activement » à la mise en place de ce Conseil, ajoutant qu'il permettrait « aux différentes administrations de renforcer leurs liens et de mieux travailler ensemble ». Ce Conseil permettrait ainsi d'avoir une vision globale des risques afin d'améliorer la planification et la gestion opérationnelle des crises.
Sur proposition de son rapporteur, la mission a exprimé sa préférence pour un Conseil national de sécurité sanitaire, distinct du COGIC, dans la mesure où ce dernier a une vocation propre de sécurité civile. En effet, le COGIC, confronté à une crise aux facettes multiples, pourrait ne pas placer les problèmes de santé publique en tête de ses priorités. Il semble donc judicieux de prévoir deux instances séparées, dont la coopération serait institutionnalisée.
Dans la mesure où les crises sont « systémiques » et dépassent les limites des compétences administratives, cette coordination doit être véritablement interministérielle et être exercée par le Premier ministre, afin d'avoir l'autorité nécessaire.
b) La réaffirmation de l'autorité du préfet en cas de crise
Le rôle du préfet en cas de crise sanitaire doit être réaffirmé. Comme c'est le cas en matière d'ordre public, il doit pouvoir pleinement commander, coordonner les interventions et mettre en oeuvre les moyens opérationnels pour faire face aux situations exceptionnelles : l'exemple de la tempête de décembre 1999, où les services de l'Etat ont réagi avec efficacité et rapidité, est éclairant à cet égard.
En sa qualité de représentant de l'ensemble des ministres, le préfet dispose de l'expérience et de la légitimité nécessaire. Aucune autre autorité administrative n'est en mesure, dans un département, lors d'une crise, d'actionner l'ensemble des services de secours et d'en assumer la responsabilité.
Bien que le préfet exerce son autorité sur les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS et DRASS), la crise de la canicule de l'été 2003 a montré qu'il ne disposait plus d'une vision exhaustive de la situation sur le plan sanitaire. Depuis la création des Agences régionales de l'hospitalisation en 1996, il n'y a plus de relation ni de contact direct entre les préfets, les hôpitaux et les directeurs d'hôpitaux.
Il ne semble cependant pas réaliste, en l'état actuel des choses, de modifier le schéma d'ensemble retenu par l'ordonnance de 1996 : les compétences des ARH en matière d'organisation des établissements publics de santé, d'autorisation des investissements et de planification des restructurations, ne doivent pas être remises en cause. Il apparaît également impossible d'établir une tutelle du préfet sur les ARH dans la mesure où ces dernières, en associant l'Etat et la CNAM, disposent d'une autorité sur les hôpitaux publics et privés.
Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante et la mission estime indispensable de donner au préfet les moyens opérationnels d'exercer ses prérogatives en cas de crise sanitaire. Il conviendrait de prévoir que les responsables des établissements appartenant au secteur public de la santé, comme ceux des structures accueillant des personnes âgées, aient l'obligation d'alerter le préfet et de lui adresser toute information significative en situation de crise.
c) Quel rôle pour le président de conseil général ?
Comme il a déjà été observé, la canicule a révélé, au plan tant national que local, les conséquences de l'éclatement des compétences administratives et institutionnelles s'agissant de la politique en faveur des personnes âgées. Face à cet émiettement des responsabilités et à cet enchevêtrement des compétences, le législateur a souhaité que le rôle du président du conseil général soit réaffirmé.
Le projet de loi relatif aux responsabilités locales, voté en première lecture par le Sénat le 15 novembre 2003, propose en effet de renforcer les pouvoirs du conseil général :
- par la désignation du département comme chef de file en matière d'action sociale, rôle qui complète utilement celui qui lui avait été dévolu en 1983 en matière d'aide sociale ;
- par le transfert au département des schémas départementaux d'organisation sociale et médicosociale ;
- par l'affirmation des pouvoirs du président du conseil général en matière de coordination de l'action gérontologique.
La mission notera, à cet égard, qu'il n'existe pas de définition législative ou réglementaire de la notion de coordination gérontologique. Il s'agit en l'espèce d'un dispositif s'inscrivant dans la réalité de la vie locale et destiné à offrir un ensemble coordonné de services centrés sur l'aide aux personnes âgées. Il est mis en oeuvre dans chaque bassin de population pour :
- informer le public sur l'ensemble des structures et services permettant de venir en aide aux personnes âgées ;
- évaluer, pour chaque personne âgée demandant une aide, à la fois l'état de santé, les facteurs de dépendance et l'environnement social dans lequel elle vit ;
- proposer les solutions et les mesures de soutien ou de prise en charge adaptées à sa situation ;
- aider à la mise en oeuvre d'un plan d'aide garantissant sa qualité de vie et favorisant autant que possible son maintien à domicile.
Si le président du conseil général pilote toute la politique gérontologique dans le département, il y a lieu de prévoir que les alertes sanitaires affectant en priorité les personnes âgées lui soient signalées, au même titre qu'au préfet, afin que l'Etat et le département puissent coordonner la réponse appropriée à apporter à ce type de crise. De même il serait souhaitable que les schémas gérontologiques des départements intègrent désormais un dispositif d'alerte et de gestion de crise en cas de survenue d'une catastrophe sanitaire affectant les personnes âgées.
* 57 Rapport n°413 (1996-1997), au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
* 58 Loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une agence française de sécurité sanitaire environnementale.