C. L'IDENTIFICATION DES PERSONNES FRAGILES
1. Une nécessité pour apporter une réponse rapide en cas de crise
La brutalité d'une crise comme celle de la canicule ne laisse qu'un délai très court, de l'ordre de 48 à 72 heures, pour organiser une riposte sanitaire et sociale efficace.
Ce constat commande de procéder à un recensement préalable et actualisé des personnes âgées et des personnes fragiles, dont les centres communaux d'action sociale (CCAS) pourraient être chargés, en leur qualité d'acteur de proximité.
Un tel schéma est d'ailleurs inspiré de l'exemple de certains pays étrangers, comme la Finlande, où cette responsabilité est expressément confiée aux communes.
Il permettrait de remédier au problème de l'affaiblissement des liens sociaux dans les grandes agglomérations et à celui de l'isolement en milieu rural où la densité de population est très faible.
2. Une mise en oeuvre cependant délicate
L'identification des personnes fragiles se heurte à une double difficulté :
- la nécessité de trouver un mode opératoire acceptable par la Commission informatique et libertés (CNIL) ;
- la complexité, sur le plan pratique, de réaliser un recensement exhaustif de ces personnes.
Lors de son audition, le Professeur San-Marco a évoqué les efforts de la ville de Marseille dans ce domaine et les difficultés rencontrées : « S'agissant des personnes à domicile, en particulier les plus isolées, la mairie de Marseille m'a sollicité pour y réfléchir. En collaboration avec l'adjointe à la santé, nous avons contacté le CCAS de notre ville et les CLIC pour les mettre en alerte. Nous avons essayé de déterminer le nombre de personnes âgées vivant à domicile, en croisant nos données avec les chiffres du recensement et des fiches électorales. Il s'avère que, sur une ville comme Marseille, 25 000 personnes au minimum échappent à tout recensement pour le moment. »
Ces difficultés concernent d'abord naturellement les personnes les plus défavorisées : « Marseille est une grande ville pauvre. Chez les pauvres, il y a les très pauvres. Ceux-ci sont les plus isolés. Pour l'instant, je n'ai pas de solution pour ces personnes. Nous tournons autour du pot. Nous essayons de faire jouer la solidarité de proximité. Mais si solidarité de proximité potentielle il y a, ce n'est paradoxalement pas vis-à-vis de ces personnes. Nous sommes actuellement sans moyens vis-à-vis de la vieille personne qui vit chez elle, qui n'a plus de famille et qui est fâchée avec son voisin... L'accumulation d'éléments fait que ces personnes se retrouvent complètement isolées. Cela concerne des îlots relativement cernés, à la frontière entre un quartier gitan et un quartier arabe particulièrement défavorisé. Nous savons que c'est en ces endroits que nous devrons porter toute notre attention et éventuellement envoyer du personnel. »
Comme il a été dit, s'il convient de donner un rôle moteur aux centres communaux d'action sociale, de multiples autres canaux pourront aussi être utilisés, comme par exemple les fichiers des CPAM, ou des Caisses d'allocations familiales (CAF) pour les bénéficiaires de l'Aide personnalisée au logement...
Il reste que le principe même du fichage informatique et du recensement des personnes âgées fait débat et conduit nécessairement à concilier le respect de la liberté individuelle avec les impératifs de la santé publique. Il pourrait ainsi être envisagé d'adresser aux personnes « ciblées » par les CCAS un courrier fournissant des informations et, en retour, de leur demander si elles vivent seules, si quelqu'un peut les aider en cas de problème de santé ou si elles souhaitent faire appel aux différents services d'aide à domicile.
L'ARTICLE 1 ER DU PROJET DE LOI RELATIF AU DISPOSITIF DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES ET DES PERSONNES HANDICAPÉES
Afin de favoriser l'intervention des services sociaux et sanitaires en cas de mobilisation du plan d'alerte et d'urgence au profit des personnes âgées et des personnes handicapées en cas de risques exceptionnels et de permettre un contact périodique avec les personnes âgées et les personnes handicapées isolées à leur domicile, l'article 1 er du projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, prévoit que les communes recueillent les éléments relatifs à l'identité, à l'âge et au domicile des personnes dont la situation le justifie et qui en ont fait la demande.