B. LES SUJETS D'INTERROGATION

1. La loi Sapin

a) une qualification de service public parfois mal comprise

La loi Sapin de 1993 est applicable, dès lors qu'il s'agit de « concessions de service public », aux contrats conclu entre les communes et les casinos.

La Cour des comptes a observé que cette qualification n'était souvent pas comprise dès lors que :

- les autres jeux de hasard et d'argent n'ont pas le même statut 175( * ) ,

- il s'agit d'activités que la commune n'a pas, réglementairement, la possibilité de gérer directement elle-même (ce qui, effectivement, est plutôt rare pour un service public),

- enfin, des restrictions sont apportées à leur développement alors qu'elles sont censées, vu leur régime juridique, être utiles au public.

b) une mise en concurrence difficile

Par ailleurs, constate la Cour, la mise en concurrence qu'entraîne l'applicabilité du texte précité soulève des difficultés déjà évoquées dans ce rapport.

Il est malaisé, notamment, de définir, comme la loi l'exige, préalablement à la délégation de service public, les « caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations » des casinos et « les conditions de tarification du service rendu à l'usager ».

Mais tout en estimant la loi Sapin inadaptée au secteur des casinos, la Cour n'exclut pas d'en préciser les conditions d'application (voire de proposer des cahiers des charges types et des modèles de rapport annuel du délégataire) « à défaut d'une refonte d'ensemble du dispositif » qui impliquerait un changement de statut rompant avec la jurisprudence du Conseil d'Etat.

Les concessions d'exploitation de casinos ne seraient plus considérées, dans ce cas, comme des délégations de service public.

Quelle est la préférence du législateur ?

Votre rapporteur l'ignore et n'a pas d'opinion sur ce point.

2. Quelle concurrence ?

a) une question ardue...

Déterminer dans quelle mesure les activités liées aux jeux de hasard et d'argent doivent être ouvertes à la concurrence est une des questions les plus ardues qui soient.

Il ne s'agit pas en effet, comme votre rapporteur l'a déjà fait valoir, de prestations de services comme les autres et plusieurs facteurs sont à prendre en considération :

- le divorce entre le droit (moralisateur) et la pratique sociale très répandue et, semble-t-il, admise par la majorité de la population ;

- le phénomène, particulièrement difficile à maîtriser, de l'irruption des cyberjeux ;

- l'absence - mais pour combien de temps ? - de politique européenne 176( * ) .

b) ...mais qui ne peut être éludée.

- L'autorisation, que votre rapporteur juge souhaitable, de machines à sous « douces » dans certains lieux publics créerait un nouveau contexte.

Il en résulterait probablement, pour les casinos, une certaine concurrence car, comme l'a noté la Cour des comptes, ces établissements sont moins nombreux qu'en France, chez nos voisins européens où ce type d'appareils automatiques est déjà très répandu. Où les installer ? Dans quelles conditions ? Quelle place réserver aux jeux qui font appel non seulement au hasard mais aussi à l'adresse ?

De fortes pressions ne manqueront pas de s'exercer. Le PMU, par exemple, souhaite l'implantation de telles machines sur les hippodromes.

- Entre un encadrement, nécessaire, de la pratique des jeux d'argent et la perpétuation des monopoles actuels, il y a une marge qui constitue un espace ouvert à discussion .

• Des cyberloteries françaises, constituant un débouché pour nos créateurs de logiciels, ne pourront prospérer que si elles cumulent les mêmes caractéristiques que celles dont la Française des jeux a le monopole aujourd'hui (participation financière du joueur, espérance de gain, intervention du hasard, ouverture au public). Les seules loteries pouvant fonctionner légalement en ligne aujourd'hui, à part celles de la Française des jeux, en sont réduites à proposer des gains en nature ou sont tenues de rembourser les frais de connexion des participants. Elles sont généralement financées par des recettes publicitaires.

Comment empêcher, de toute façon, nos concitoyens d'accéder à des cyberloteries fonctionnant à partir de sites hébergés à l'étranger ?

Est-il légitime, au demeurant, que l'État qui autorise en France les jeux de hasard et d'argent, soit en même temps l'actionnaire majoritaire de l'un des principaux opérateurs, détenteur d'un monopole qui s'étend désormais aux loteries en lignes hébergées sur notre territoire ?

• Concernant les courses de chevaux , le PMU comme la Française des Jeux, a installé un site internet. Il permet de prendre des paris en ligne. Mais les paris à cote restent interdits dans notre pays. Certes la mutualisation permet d'élargir l'assiette des mises, donc d'augmenter le montant des gains mais pas nécessairement leur fréquence. Là encore, ce monopole pourra-t-il perdurer ? Certains de nos concitoyens ne risquent-ils pas de prendre goût, via internet, à des jeux de contrepartie ? La commission européenne, dont on connaît les vues libérales, ne risque-t-elle pas d'intervenir un jour dans ce domaine par une directive contraignante ? Il est déjà possible de parier en France sur des courses étrangères et à l'étranger sur des courses françaises, mais cela passe par des accords négociés par le PMU. Enfin, on l'a vu, les activités de l'amont (élevage, entraînement) sont déjà très internationalisées et ouvertes à la concurrence. Convient-il de remplacer partiellement par un allègement des prélèvements, le système de primes actuel et de permettre aux sociétés de courses d'exercer leurs activités de manière lucrative ?

• Enfin, est-il normal que ce qui est permis à la Française des Jeux (créer des cyberjeux), ne le soit pas aux casinos ? L'installation, par des groupes français, aux Bahamas ou dans d'autres paradis fiscaux, de casinos virtuels ne représente-t-il pas, pour notre économie, une perte de substance financière et fiscale ?

Un flou juridique persiste, par ailleurs, dans ce domaine. Le principe du code civil français dit de « l'exception de jeu », qui s'oppose au recouvrement des dettes des joueurs, en raison du caractère immoral de leur activité, est opposable aux cybercasinos, aussi bien qu'aux organismes de cartes de crédits !

Enfin, les casinos eux-mêmes menacés par l'autorisation éventuelle de machines « récréatives » dans certains lieux publics, peuvent compromettre l'activité des cercles de jeux, dans la mesure où leur implantation est désormais susceptible d'être autorisée dans le centre de grandes agglomérations.

En l'absence de politique commune européenne et de concertation internationale au sujet de la réglementation des cyberjeux, les réponses aux questions qui viennent d'être soulevées semblent des plus incertaines.

c) faut-il une autorité de régulation ?

La délimitation de l'extension de la sphère des jeux de hasard à certains lieux publics ou à des stations à forte fréquentation touristique, la remise en cause éventuelle des monopoles actuels et l'encadrement des cyberjeux donneraient largement de quoi s'occuper à une autorité indépendante de régulation.

Mais en cas de maintien de statut quo, sa nécessité serait beaucoup moins évidente. Il suffirait de réformer la commission supérieure des jeux et d'améliorer la coordination entre autorités de tutelle.

Resterait cependant l'anomalie que constitue la détention par l'Etat de la majorité du capital de l'un des principaux acteurs.

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