B. DES CONVERGENCES EN PARTIE LIÉES À DES PHÉNOMÈNES DE CONCURRENCE
Sans qu'il soit possible de bien distinguer les effets des causes, l'évolution des différents secteurs de jeux a été marquée par un certain nombre de convergences (diversification de l'offre de produits et accroissement de leur diffusion), liées au caractère plus concurrentiel de leurs activités, sous l'effet notamment des technologies nouvelles.
1. Les convergences
a) la diversification des produits
Chaque
opérateur a enrichi sa gamme de produits.
- Dans le secteur des
casinos
, les machines à sous
56(
*
)
, en plein essor, ont pris la
relève des jeux traditionnels déclinants.
Mais, parmi ces derniers, le Stud Poker qui allie à la magie du Poker
des règles relativement simples, connaît une croissance
très forte.
Comme le souligne M. Bégin
57(
*
)
, de nouveaux concepts
apparaissent : « Pasino », combinaison de distractions
pour tous publics du groupe Partouche ou casinos à thème, comme
celui de « Egypte des pharaons » à Lyon ou
« la Louisiane » du groupe Barrière à
Deauville.
- Le
PMU
a encore davantage diversifié son offre, depuis la
création en 1954 du tiercé, relayé, en 1987, par le
quarté +, puis le Quinté +, en 1989, premier jeu d'argent en
France.
Le PMU offre à ses clients la gamme la plus riche au monde de paris
mutuels susceptibles d'être engagés avant ou pendant la
réunion
58(
*
)
hippique
(ALR et PLR).
Ensemble, le tiercé, le quarté + et le quinté +
contribuent à plus de la moitié du chiffre d'affaires.
La dernière création couronnée de succès a
été celle en 1993 du 2 sur 4.
Des nouveaux tickets baptisés
« Découverte » : principalement destinés
aux non joueurs ont été lancés en mai 2000 (2 sur 4 et
quinté +).
- De son côté, la
Française des jeux
a
également considérablement diversifié ses produits depuis
la création du Loto national en 1976 avec les lancements : du tac O
Tac en 1984, du loto sportif en 1985, du tapis vert en 1987 (par un
décret déclaré illégal par le Conseil d'Etat) puis
des premiers jeux instantanés en avril 1989.
Le Millionnaire, loterie instantanée dont le tirage des gains importants
est effectué au cours d'une émission de télévision,
a provoqué, à partir de 1991, une forte croissance du chiffre
d'affaires du groupe.
Une loi de 1994, dont aucun décret d'application ne sera paru, autorise,
théoriquement, la diffusion d'« appareils de jeux individuels,
portables et jetables ».
Puis ont été lancés en 1998 et 1999 deux nouveaux jeux
informatisés : Rapido et Joker.
En 2000, la gamme de la Française comportait 20 produits dont
3 occasionnels
59(
*
)
(Sydney,
Saint-Valentin et an 2000) :
• des jeux de loterie en ligne (loto, rapido, keno, loto foot) ou de
grattage instantanés
60(
*
)
• des jeux télévisés (millionnaire et tac o tac).
b) le développement des réseaux
- Avant
la création en 1931, du
Pari Mutuel Urbain
, seuls étaient
autorisés les paris sur les courses engagés sur les hippodromes
parisiens.
Limitée d'abord à Paris, l'organisation des paris mutuels, hors
des hippodromes, allait s'étendre progressivement, à toutes les
grandes villes de France, puis à l'ensemble du territoire.
Le réseau de distribution du PMU compte désormais plus de
8 000 points de vente où l'on peut parier :
• avant la réunion (ALR), généralement dans les
centres commerciaux ;
• ou pendant la réunion (PLR), au rythme des retransmissions
télévisées, dans les points, clubs ou cafés-courses
(144 de ces derniers ont été ouverts en 2000).
Dans son rapport annuel d'activité pour 2000, le GIE souligne l'atout de
la proximité et annonce qu'il « poursuivra sa politique
d'extension ou de redistribution de ses points de vente pour être au plus
près de ses clients ».
Ceux-ci sont du reste considérés comme des partenaires du
développement commercial de l'entreprise et intéressés,
à ce titre, à la croissance de leurs résultats.
- Selon un article du journal « Le Parisien », du 18
août 2001, 20 nouveaux
casinos
ont ouvert leurs portes depuis
1994. Leur nombre, actuellement supérieur à 160, devrait
vraisemblablement augmenter sous les effets de l'« amendement
Chaban » qui a déjà entraîné l'ouverture
en 2000 du « casino Le pharaon et du Hilton » à Lyon
(groupe Partouche) et de l'« Aquitania » à Bordeaux
(groupe Accor).
- Concernant la
Française des jeux
(FDJ), elle dispose du premier
réseau de distribution de France (42 500 points de vente). 188
courtiers-mandataires régionaux lui servent d'intermédiaires avec
les détaillants.
Un GIE, qui perçoit une part des mises des loteries instantanées,
a été constitué entre ces intermédiaires et la
société, afin de favoriser la diffusion des jeux.
c) l'utilisation des nouvelles technologies
Tous les
opérateurs de jeux ont recours aux nouvelles technologies de
l'informatique et de la communication pour réaliser leurs objectifs, qui
viennent d'être évoqués, de diversification et
d'accroissement de la diffusion de leurs produits.
Mais il s'agit également de sécuriser aussi leurs
activités, en prévenant les risques de fraudes ou d'erreurs.
- Les machines à sous des
casinos
, on l'a vu, sont des machines
informatiques. Le caractère aléatoire de leur fonctionnement est
garanti. Les programmes informatiques, auxquels l'exploitant ne peut
accéder, sont agréés par les autorités de tutelle
ainsi que les sociétés de fourniture et de maintenance.
Le groupe Partouche vient par ailleurs de lancer, de façon
peut-être illégale (voir plus loin), un site de cybercasino
à son enseigne (casino.partouche.com), afin de se prémunir contre
certains types de concurrence (voir plus loin).
Les techniques informatiques permettent également de transformer en
machines à sous les appareils informatiques installés dans des
bars, ce qui peut causer aux casinotiers une autre forme de préjudice
(
ibid
).
- Le dernier rapport d'activité de la
Française des jeux
présente l'outil technologique comme l'un des piliers de la
stratégie de développement de l'entreprise.
Il s'agit à la fois de renforcer la sécurité des jeux tout
en optimisant la gestion des approvisionnements.
Déjà, en 1986, le passage, grâce à l'informatique,
au Loto en temps réel a mis fin à une gestion manuelle
fastidieuse.
Depuis cette date, l'informatisation des systèmes de prise et de
contrôle des jeux s'est beaucoup améliorée.
La sécurité s'en trouve accrue au niveau :
• de la fabrication des tickets (appel à des imprimeurs fiduciaires
accrédités et à des programmes très
sophistiqués préservant le caractère secret et
aléatoire de la détermination des gains) ;
• de la désignation des gagnants des jeux en ligne.
Les jeux informatisés correspondent à 47,6 % du chiffre
d'affaires (26,8 % pour le Loto et 12,9 % pour le rapido, jeu de
contrepartie en temps réel à tirage fréquent). Plus de
18 000 points de vente étaient équipés en 2000
de terminaux permettant la prise de jeux en temps réel.
Trois grands chantiers ont été conduits, simultanément,
cette même année afin :
• d'automatiser la gestion de la loterie instantanée (jeux de
grattage) ;
• d'améliorer le système de prise et de contrôle des
jeux informatisés.
2001 a été , ensuite, l'année du basculement du centre de
Vitrolles de l'ancien procédé d'acquisition, de traitement et de
contrôle des jeux informatisés (Unisys) à un nouveau
système (pro :sys) permettant de traiter deux fois plus de
transactions par seconde.
Un site internet (
www.fdjeux.com
) présente, par
ailleurs, l'entreprise et ses produits et propose des loteries en ligne.
- Le
PMU
n'est pas en reste dans l'utilisation des technologies
nouvelles.
Depuis avril 2000, les abonnés des bouquets Canal satellite et TPS
peuvent parier sur les courses françaises retransmises par la
chaîne Equidia avant ou pendant la réunion, à partir de
leur télécommande.
Il leur suffit d'introduire leur carte bancaire dans le lecteur,
intégré au terminal, pour approvisionner un compte puis de
cliquer en se laissant guider par les informations du service affichées
à l'écran.
Cette application interactive est le fruit d'un partenariat entre le PMU et
Canal satellite.
La chaîne Equidia (dont l'audience quotidienne a triplé depuis sa
création en 1999
61(
*
)
) est
également regardée dans les points PMU (clubs, cafés...).
Le succès paraît au rendez-vous si l'on en croit la montée
en puissance des paris PLR
62(
*
)
.
Plus de 40 000 abonnés auraient déjà, en outre,
misé plus de 800 MF par l'intermédiaire de la
télévision par satellite (cf. Lettre de l'Expansion du
24 septembre 2001).
Comme la Française des Jeux, le PMU a ouvert un site internet qui
devait, à partir de 2001, permettre de parier en ligne.
Après les quelques déboires essuyés au démarrage du
système Pégase en 1994
63(
*
)
, l'informatique du PMU fonctionne de
façon satisfaisante. Un nouveau procédé d'enregistrement
des paris, encore plus rapide, a été testé en 2000.
Dès 1985, l'acheminement des bordeaux avait pu, auparavant, être
évité par des liaisons entre les points de vente et des
ordinateurs placés dans des centres régionaux. Puis ont
été résolus informatiquement des problèmes
délicats comme le traitement des « non partants » ou
le paiement des gains dans d'autres lieux que celui de l'enregistrement du
pari.
d) les restructurations
Devenus
des entrepreneurs et des contribuables à part entière, et non
plus seulement les financiers de bonnes oeuvres, tolérés parce
qu'ils mettaient l'argent du vice au service de la vertu, les opérateurs
de jeux ont tous connu des restructurations destinées à
accroître leur efficacité.
- Le secteur des
casinos
, tout d'abord, fait l'objet de mouvements de
concentration.
Comme le souligne la Cour des Comptes, « alors que les groupes ne
réalisaient qu'un quart du produit total des casinos français en
1990 contre les trois-quarts pour les indépendants, cette proposition
est aujourd'hui inversée ».
L'acquisition d'Européenne de casinos, notamment, fait actuellement
l'objet d'une bataille boursière qui oppose les groupes Partouche et
Accor Casinos, ce dernier espérant devenir le numéro un
français dans ce domaine
64(
*
)
.
Mais cette évolution ne reflète pas seulement une logique de
marché, mais aussi, comme le note la Cour, les effets de la limitation
par l'Etat de l'installation de machines à sous et de l'ouverture de
nouveaux établissements.
Cette politique a mis en difficulté l'ensemble des exploitants, et plus
particulièrement les plus petites entreprises familiales, et a conduit
les sociétés les plus puissantes à privilégier une
croissance externe, en rachetant des casinos existants.
- La loterie nationale est devenue, on l'a vu, en 1979, une
société d'économie mixte, dotée d'une certaine
autonomie, qui prendra le nom de «
Française des
jeux
» en 1991.
La part des émetteurs historiques y sera ramenée de 49 % en 1979
à 20 %.
Cette société est conduite, au mieux de ses
intérêts, à filialiser ou à externaliser certaines
de ses activités. Elle a récemment vendu, par exemple, sa filiale
de maintenance informatique
65(
*
)
mais en a conservé d'autres spécialisées dans les
déplacements professionnels des collaborateurs du groupe
(Française de motivation), l'audiovisuel (Française d'images) ou
l'organisation de jeux en Polynésie (Française du Pacifique).
- Concernant, enfin, l'
institution des courses
, le décret
précité, de mai 1997, a réduit de trois à deux le
nombre de sociétés mères (le galop et l'obstacle ont
été unifiés).
Le service des haras est devenu en juillet 1999 un établissement public
administratif (afin de ne pas confier à la même autorité
les aspects réglementaires et opérationnels de
l'amélioration de la race chevaline) ;
Le PMU et le PMH (paris qui mutualisent seulement les mises sur place des
spectateurs d'un seul hippodrome à Paris ou en province) devraient
prochainement fusionner
66(
*
)
, ce
qui devrait entraîner des reclassements de personnel.
On constate, en amont, au niveau de la profession d'entraîneur, une
certaine concentration des écuries (notamment en région
parisienne mais aussi en province...).
Par ailleurs, quel peut être l'avenir, à long terme, des
49 sociétés de courses qui n'organisent qu'une
réunion par an ?
Ainsi pour des raisons d'efficacité, aucun secteur n'échappe
à des restructurations et tous les opérateurs diversifient leur
offre et cherchent à accroître la diffusion de leurs produits en
utilisant les nouvelles technologies. Est-ce seulement pour leurs propres fins
ou sous les effets d'une certaine compétition entre les trois principaux
domaines d'activités, en France, et, au sein de chacun d'eux, avec des
concurrents étrangers ?
2. Un contexte plus concurrentiel
a) une clientèle en partie non captive
Dans sa
décision, précitée, du 5 mars 2001, le conseil de la
concurrence a affirmé que les offres de jeux proposées par la
Française des Jeux, le PMU et les casinos n'étaient pas
substituables entre elles et s'adressaient à des catégories de
clientèle différentes ;
Or, plusieurs analyses conduisent à nuancer cette
appréciation : dans un bulletin datant, hélas (voir chapitre
suivant) de 1993, l'INSEE
67(
*
)
évalue à plus de 10 %, pourcentage non négligeable,
la proportion de multi-joueurs chez les hommes.
D'autre part, un document plus récent de la direction marketing du PMU
(le marché des jeux et sa clientèle -
rétrospective 2000) fait apparaître que sur les 62 % de
Français joueurs, 11 % consomment à la fois des produits du
PMU et de la Française des jeux dont les clientèles exclusives
représentent respectivement 2 % et 49 % de la population.
Les 38 % de non joueurs sont évidemment courtisés par les
opérateurs (cf. les tickets « découverte » et
les paris en ligne « flash » du PMU), un pourcentage
important, dont les estimations varient
68(
*
)
, de joueurs du PMU déclarent se
fier entièrement au hasard pour établir leurs paris et,
dès lors, pourraient être attirés par les loteries.
Enfin, M. Martignoni-Hutin, dans son étude sociologique
précitée de janvier 1998 fait valoir que « 70 %
des joueurs de machines à sous jouent régulièrement
à d'autres jeux d'argent ».
« Les résultats, affirme-t-il, sont sans appel et confirment
la qualité de multi-joueurs des Français ».
« Contre l'atomisation qui sépare les Français dans des
activités de jeux différentes, l'expérience ludique en
train de se faire, conclut-il, confirme la synergie existante entre les
différentes offres de jeu contemporaines ».
b) une certaine internationalisation
Si les
jurisprudences françaises et européennes légitiment, ou,
en tout cas, ne remettent pas en cause l'existence de monopoles au niveau de
l'offre des jeux, cela n'empêche pas l'apparition de formes de
concurrence tant au niveau de la demande (dès lors que la
clientèle peut se déplacer ou utiliser des réseaux de
télécommunication) que de certains déterminants des
activités ludiques (élevage et entraînement de chevaux de
course notamment).
- S'agissant des
casinos
, il est naturel, bien qu'ils soient
concessionnaires de service public, que s'effectuent des investissements
français à l'étranger et étrangers en France car ce
sont des sociétés privées.
L'essentiel pour notre pays est que le solde de ces mouvements de capitaux,
entrant et sortant, ne soit pas globalement défavorable au
développement des activités concernées sur notre
territoire.
La clientèle est mobile, notamment dans les zones frontalières,
et comporte de nombreux étrangers.
Le secteur se concentre et se mondialise :
- une société britannique, Leisure Holding, filiale du
groupe Prudential, a repris, on l'a vu, en 1999, les casinos du groupe Moliflor
(4,2 % du marché).
Européenne de Casino dispute à Accor, et à d'autres, le
marché du casino de Bruxelles, avec l'appui du leader belge du secteur,
et au groupe Lucien Barrière
69(
*
)
, la conquête des casinos suisses.
Tout récemment, le groupe Partouche, qui entend se concentrer sur la
Belgique et la Suisse, a lancé, pour l'acquisition de
l'Européenne de casinos, une OPA rivale de celle d'Accor, allié
du fonds américain d'investissements Colony Capital, auquel il
céderait 50 % de ses activités du secteur en cas de
succès de sa tentative.
Partouche, de son côté, s'il devait l'emporter, solderait son
opération par la cession de six établissements de
l'Européenne au groupe Moliflor Loisirs.
Numéro un français, il est présent aussi en Espagne et en
Roumanie.
- Concernant l'
institution des courses
, la commission européenne
a estimé
70(
*
)
qu'« il existe une certaine concurrence, sur le marché
communautaire, dans le secteur, et des échanges entre Etats
membres
71(
*
)
, en ce qui concerne
la prise de paris, notamment par l'échange d'images
télévisées ».
Elle a rappelé que le PMU développait des activités
à l'étranger.
En effet, l'entreprise a plus que doublé son chiffre d'affaires à
l'international en 2000.
Elle a, d'une part, multiplié ses offres de paris sur les meilleures
courses internationales et, d'autre part, permis à des parieurs
étrangers de jouer sur des courses françaises (dans 12 pays
africains et 7 pays européens dont la Suisse et l'Espagne).
Une réflexion est en cours pour la définition d'un pari
européen et une harmonisation des règlements de nature à
faciliter le développement des échanges entre les
opérateurs de l'Union européenne.
Le monopole du PMU, sur les paris dont les courses qui se déroulent en
France font l'objet, n'empêche donc absolument pas l'internationalisation
des activités en amont (élevage, entraînement) comme de
celle des courses elles-mêmes, ouvertes aux meilleurs chevaux et jockeys
étrangers
72(
*
)
.
Là encore, l'essentiel est que notre compétitivité soit
suffisante pour améliorer ou, en tout cas ne pas compromettre, les
résultats de l'institution et de toute la filière.
Doivent être considérés de ce point de vue, les charges
fiscales et sociales et le cadre législatif et réglementaire de
ces activités (voir chapitre III).
Or, la prise en compte de ces données conduit à l'expatriation de
nombre de propriétaires, d'entraîneurs ou de jockeys
français. Beaucoup de naissances, par ailleurs ont lieu en Irlande, pays
où les bénéfices ou revenus résultant de la vente
des saillies d'un étalon, quel qu'en soit le
propriétaire
73(
*
)
, ne sont
imposables ni à l'impôt sur le revenu ni à celui sur les
sociétés.
Toutefois, la situation des entraîneurs paraît relativement moins
préoccupante dans la mesure où ils se trouvent davantage
intéressés aux résultats des courses que dans d'autres
pays.
- La
Française des jeux
paraît moins exposée
à la concurrence internationale, si ce n'est par l'organisation de
loteries sur internet.
L'inspection des finances lui a conseillé d'adopter à cet
égard une stratégie défensive consistant à
réfléchir à un projet de jeu européen
éventuel (comme le « viking », loto qui existe dans
les pays scandinaves) ou à l'organisation de paris à cote, en
ligne, sur des événements sportifs, afin de contrer toute
velléité d'offensive des bookmakers britanniques sur Internet.
c) les leçons de la jurisprudence
- L'article 136 de la loi de finances du 31 mai 1933
autorise
le Gouvernement à fixer par décret les conditions d'organisation
d'une loterie
74(
*
)
.
Jusqu'où va cette habilitation ?
Plusieurs requêtes attaquant des décrets concernés ont
permis de le préciser.
La diversification des jeux de loterie est légale si elle est assortie
de conditions de publicité et de contrôle public
suffisants
75(
*
)
.
Des loteries nouvelles, sans lien automatique avec la loterie nationale peuvent
ainsi être instituées (sur le tirage de séquences de
numéros, lettres, couleurs ou symboles) quel qu'en soit le support
(billet, bulletin), sous réserve que soient précisées par
le décret lui-même les caractéristiques essentielles des
tirages et les conditions de détermination des gains
76(
*
)
.
Les activités de la Française des jeux ne revêtent pas le
caractère d'une mission de service public
77(
*
)
. Cependant des « raisons
impérieuses d'intérêt général »,
ayant pour objet la protection de l'ordre public, peuvent justifier une
limitation (voire un monopole) de l'offre de jeux de loterie qui n'aille pas
au-delà de ce qui est nécessaire et n'entraîne pas de
discrimination en fonction de la nationalité des
opérateurs
78(
*
)
.
Les décisions en question du Conseil d'Etat concernent souvent des jeux
nouveaux de la française des jeux attaqués par d'autres
opérateurs se sentant menacés (sociétés de courses,
casinos). Ceci prouve que les intéressés ont le sentiment,
à tort ou à raison, que leurs activités ont un
caractère concurrentiel.
Il semble pourtant admis que l'offre de jeux de loterie puisse être
à la fois diversifiée (au niveau des produits) et limitée
(en ce qui concerne les prestataires), ce qui porte doublement atteinte
à la concurrence.
Entreprise créative, efficace et remarquablement bien
gérée
79(
*
)
, la
Française des Jeux peut ainsi, à l'abri de son monopole, lancer
librement de nouveaux produits (comme le loto sportif qui porte atteinte aux
prérogatives naturelles du PMU en matière de jeux de pronostics)
alors qu'elle est moins exposée que les autres opérateurs aux
nouvelles formes de concurrence, internationales ou déloyales (cyberjeux
ou jeux clandestins).
Elle vient d'ailleurs d'être sanctionnée sévèrement
par le conseil de la concurrence (décision confirmée par la cour
d'appel) pour abus de position dominante consistant à avoir :
• subordonné l'agrément de ses détaillants à
l'acquisition d'un mobilier spécial (comptoir et présentoir)
auprès d'un fournisseur exclusif.
• subventionné sa filiale de maintenance informatique, sous la
forme de surcroîts de rémunérations, en l'avantageant
ainsi, par rapport à ses concurrents, dans ses relations avec d'autres
clients.
Même s'il a été mis fin à ces pratiques litigieuses,
qui datent de 1995, celles-ci démontrent ainsi que les soupçons
qui ont pesé sur l'ancien président Gérard Colé,
les dangers de toute situation de monopole, fût-elle justifiée par
des nécessités d'ordre public.
- La jurisprudence de la Cour de justice européenne est assez proche de
celle du Conseil d'Etat en ce qui concerne les loteries.
Il a ainsi été reconnu
80(
*
)
que les dispositions du traité
instituant la Communauté européenne relatives à la libre
prestation des services (auxquels les jeux doivent être assimilés)
ne s'opposent pas à ce qu'une législation accorde des droits
exclusifs d'exploitation des machines à sous à un seul organisme
public pour des « raisons impérieuses d'intérêt
général » (termes repris par le Conseil d'Etat).
Ces raisons peuvent s'entendre comme étant d'ordre public, de
sécurité publique ou de santé publique et répondant
au souci « de limiter l'exploitation de la passion des êtres
humains pour le jeu, d'éviter les risques de délit et de fraudes
qui en résultent et de n'autoriser que les activités contribuant
au financement d'oeuvres de bienfaisance ou de causes
désintéressées ».
Ainsi étendue aux machines à sous, la jurisprudence
Schindler
81(
*
)
sur les loteries a
ensuite été considérée comme s'appliquant aux paris
sportifs
82(
*
)
. A cette occasion,
a été introduite la notion selon laquelle les restrictions
apportées à l'offre de jeux ne doivent pas être
disproportionnées à leur objectif.
- La commission a de son côté une conception des paris sur les
courses de chevaux nettement plus libérale que celle de la Cour de
Justice concernant les loteries et jeux assimilés.
Dans une décision, précitée, du
22 septembre 1993
83(
*
)
,
elle a, en effet, considéré certaines exonérations
fiscales accordées au PMU comme des aides illégales de l'Etat,
déniant tout caractère agricole à l'entreprise et
rappelant qu'il existe, dans son domaine d'activité « une
certaine concurrence sur le marché communautaire ».
En effet, « si les courses de chevaux sont organisées et
courues sur des hippodromes nationaux, observe-t-elle, les paris sur ces
courses sont organisées internationalement ».
« La concurrence et les échanges sur ce marché vont
s'accentuer », estime-t-elle, tout en constatant que le PMU
développe ses activités à l'étranger.
La France a ainsi été tenue de supprimer sans délai et
d'exiger du PMU le recouvrement de l'aide
84(
*
)
accordée sous forme
d'exonération de la contribution des employeurs à l'effort de
construction.
Le PMI (Pari Mutuel International), filiale du PMU chargée de valoriser
à l'étranger les images télévisées des
courses françaises, a dû par ailleurs modifier, à la
demande de la commission, les clauses, jugées
anticoncurrentielles
85(
*
)
par
celle-ci, d'un contrat avec une société allemande DSV, portant
sur la retransmission en Allemagne et en Autriche de données relatives
aux courses françaises.
d) les cyberjeux
Le
développement sur Internet de cyberjeux de hasard et d'argent constitue
pour tous les opérateurs nationaux une menace sérieuse de
concurrence.
Les organisateurs de tels jeux ont, en effet, toute chance -semble-t-il- de ne
pas être soumis aux mêmes contraintes que les leurs, en
matière de prélèvements, de normes législatives et
réglementaires, de contrôle, d'entretien d'un réseau de
points de vente.
L'interactivité à domicile qui évite les
déplacements et ne connaît pas de frontières, est
susceptible d'engendrer une forte consommation de la part de joueurs rendus
plus facilement dépendants dans l'intimité de leurs foyers.
Bien que les paris sur Internet soient interdits dans la majorité des
Etats, les jeux d'argent en ligne progressent très rapidement en
Amérique (selon La Lettre de l'Expansion du 30 juillet 2001, un
million de citoyens des Etats-Unis jouent chaque jour au casino via Internet,
1.400 sites de casinos virtuels auraient généré, en 2000,
des revenus de 1,5 milliard de dollars).
Les internautes, cependant, feront-ils confiance à des organisateurs qui
ne sont pas soumis aux mêmes contrôles et ne
bénéficient pas de l'honorabilité des opérateurs
« officiels » ?
D'autre part, il semble que des évolutions technologique récentes
puissent permettre de repérer les internautes joueurs afin de les
rappeler à leurs obligations légales ou fiscales (l'Agence de
régulation du Nevada aurait autorisé, pour cette raison,
l'ouverture d'un service de paris en ligne, d'après La Lettre de
l'Expansion datée du 27 novembre 2000).
La Cour des Comptes observe de son côté que « Depuis
plusieurs mois, les sites de loterie en ligne connaissent un succès
grandissant en France à l'instar du phénomène
observé aux Etats-Unis où ces sites sont parmi les plus
visités
86(
*
)
. Cependant,
outre qu'ils offrent peu de garantie aux joueurs, ces sites échappent au
contrôle des Pouvoirs publics et aux prélèvements publics.
Conscient des risques induits par ce phénomène, le
ministère de l'intérieur a mis en place, en 2000, un service de
veille Internet chargé d'empêcher l'implantation de tels sites sur
le territoire français, mais cette action ne pourra être
réellement efficace que dans le cadre d'une concertation internationale
qui fait défaut à ce jour. ».
A condition d'y être autorisés, les opérateurs
« historiques » sont néanmoins tout à fait
aptes à présenter eux-mêmes des offres de jeux en
ligne :
• Depuis l'automne 2001, il est possible de parier en ligne sur le site
pmu.fr (et sur les téléphones portables wap) jusqu'à
3 minutes avant le départ de la course.
• Le groupe Partouche, comme cela a déjà été
rappelé, vient de lancer un cyber-casino à son enseigne
(casino-partouche.com).
• Enfin, l'inspection des finances a suggéré à la
Française des jeux de songer à organiser des paris à cote
(pour contrer des initiatives éventuelles de bookmakers
étrangers) ou d'autres jeux en ligne sans frontière.
Une chose est, en tout cas, certaine : des cybercasinos ou des
cyberloteries peuvent être créés sur internet mais les
chevaux qui courent sur les hippodromes ne seront jamais virtuels !
e) les conséquences de la loi Sapin
L'applicabilité aux casinos, reconnu par le Conseil
d'Etat,
de « la loi Sapin » du 29 janvier 1993, implique, au
niveau local, une ouverture à la concurrence, selon des règles
très strictes, de l'octroi ou du renouvellement des concessions
d'exploitation des casinos.
La Cour des comptes a cependant relevé que la mise en oeuvre de ces
procédures nouvelles n'allait pas sans difficultés.
Les pouvoirs publics n'ont jamais précisé, jusqu'ici, par
exemple, en quoi consistaient les « caractéristiques
quantitatives et qualitatives des prestations » que la commune, selon
la loi, devrait définir dans la convention de délégation
de service public.
Par ailleurs, de fréquents manquements aux règles de mise en
concurrence ont été observés par la haute juridiction
(candidature unique, prime au sortant ou, au contraire, surenchères
entraînant la prise en charge par les casinos de dépenses
éloignées de l'animation touristique ou culturelle censée
justifier la « concession de service public »).
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Les jeux
de hasard et d'argent ne constituent peut-être pas, sur le plan
juridique, un marché global « pertinent » au sens
où l'entend le Conseil de la concurrence. Le contexte dans lequel ils
évoluent semble pourtant de plus en plus concurrentiel.
Une opposition subsiste néanmoins entre deux conceptions
possibles : celle, d'un côté, d'une activité
économique à part entière, créatrice de valeurs,
utile à la société mais qui justifie une surveillance
particulière, et une autre vision marquée par une
réprobation morale implicite et une attitude craintive, justifiant une
limitation de l'offre par les pouvoirs publics et l'affectation de l'argent du
vice à de nobles causes ou, tout du moins, à l'Etat.
Votre rapporteur figure parmi les tenants de la première de ces deux
approches et souhaite que soit évitée toute fuite de capitaux et
de compétences préjudiciable à la contribution de ce
secteur à la croissance, à l'emploi et à
l'aménagement du territoire.
Il mériterait, quoi qu'il en soit, d'être tout d'abord mieux
connu, étant donné son importance et sa dynamique.