C. UNE FISCALITÉ LOURDE ET COMPLEXE
La base,
l'assiette des prélèvements de l' Etat et des communes sur le
produit des activités des jeux des casinos et des cercles de jeux est le
produit brut des jeux (PBJ).
La formation du PBJ est étudiée plus loin, notamment dans le
tableau I ci-après.
La suite du parcours du PBJ, le mode des prélèvements de l' Etat
et des communes, le sort du compte d'exploitation des casinos, la part des
impôts et taxes jusqu'à la formation du produit net des jeux sont
étudiés dans les paragraphes et le tableau II qui suivent.
1. La formation du produit brut des jeux (PBJ)
A la
« Caisse initiale », de chaque table de jeu traditionnel,
remise au chef de table par la direction (A), s'ajoutent les éventuelles
« Avances complémentaires » (B) qui peuvent
être rendues nécessaires si le casino perd à cette table en
cours de partie. S'y adjoignent aussi les pertes des joueurs. En sont
retranchés leurs gains.
L'« encaisse finale » de la table (C), à l'issue de
la journée, est enregistrée.
Comme le montre le tableau I ci-dessous, le PBJ (D) résulte de
l'addition des encaisses des différents tables de jeux traditionnels et
des encaisses des machines à sous (MAS) du casino.
Le PBJ est donc le gain brut de l'établissement avant que ne s'abatte
sur lui une véritable déferlante de taxes et d'impôts dont
le détail est donné plus loin, dans le tableau II.
_______________________________________________________________
TABLEAU I
Une table de jeux X
_________________
Caisse Initiale (A) >>>>>>>
>>>>>>> Gains des joueurs
Avances complémentaires (B) >>>>>
<<<<<<< Pertes des joueurs
__________________
Encaisse Finale de la table (C)
Encaisses des autres tables>>>>>>>
<<<<<<<< Encaisses des MAS
7(
*
)
Produit Brut des jeux (D)
_______________________________________________________________
2. Prélèvements, impôts et taxes de l'Etat et des communes
Le tableau II (voir plus loin) montre comment s'effectuent les divers prélèvements.
a) le premier prélèvement est forfaitaire et au premier franc
c'est-à-dire qu'il ne bénéficie d'aucun
des
deux abattements cités plus loin. Il est prélevé avant que
ceux-ci n'interviennent.
Il est de 0,5 % sur le PBJ des jeux traditionnels au profit de l'Etat.
Il est de 2 % sur le
PBJ théorique des machines à sous
au
profit de la commune.
Pour 99/00 il a représenté 209 MF (+ 10,8 % sur 98/99).
b) deux abattements sur le PBJ interviennent ensuite
Ces
abattements interviennent
AVANT
que ne soit effectué le
prélèvement progressif sur le PBJ
Le premier est automatique,
de 25 % sur la base taxable. Il a
été crée par le décret loi du 28 juillet 1934 pour
permettre aux casinos de faire face à leurs charges d'exploitation.
Il a été majoré, du 1
er
novembre 1986 au 31
Octobre 1988, et porté à 33 % pour faire face à
l'accroissement des charges sociales, puis ramené depuis, à 25%.
Le second est facultatif
, cumulable avec le précédent, si
le casino, au titre du cahier des charges qui le lie à la commune, prend
en charge des manifestations artistiques de qualité* (sic)ou des
dépenses d'équipement et d'entretien des établissement
hôteliers ou thermaux appartenant aux casinos**.
Le taux de cet abattement est de 10 % maximum :
5 % pour chacune des deux catégories de dépenses * et **.
L'abattement de 5 % pour les manifestations artistiques peut être
porté à 8 % sur dérogation ministérielle sans
que le total de l'abattement supplémentaire excède 10 % (article
72 de la loi de finances pour 1962 et décret n° 63-595 du
20-6-1963).
c) le prélèvement progressif sur le PBJ (PPPBJ)
Il a
été instauré par la loi de finances du 19 décembre
1926 dont les dispositions ont été plusieurs fois
modifiées par la suite
Son barème, avant le 1er novembre 1986 et
depuis le 1er novembre
1988
, est le suivant :
Taux
Tranche
10 % Jusqu'à 290.000
15 de 290 000 à 575.000
25 de 575.000 à 1.775.000
35 de 1.775.000 à 3.300.000
45 de 3.300.000 à 5.500.000
55 de 5.500.000 à 16.500.000
60 de 16.500.000 à 27.500.000
65 de 27.500.000 à 38.500.000
70 de 38.500.000 à 49.500.000
80 % au-delà de 49.500.000
Les syndicats de casinos font observer que ce barème n'a pas
été modifié depuis 1988 (!) et que l'inflation
cumulée de cette date jusqu'en 2001 a eu pour effet d'alourdir leurs
charges de quelque 30 %.
Un élargissement des tranches du barème progressif a bien
été octroyé par la loi n° 55-366 du 3 avril 1955
mais en échange d'une obligation d'investissement de 5% des recettes
supplémentaires générées par cet
élargissement. Ces investissements doivent être affectés
à des travaux destinés à améliorer
l'équipement touristique de la commune mais peuvent tout aussi bien
l'être à des travaux dans le casino !!!
Pourquoi faire simple quand on peut faire (très) compliqué ?
C'est sur le produit de cette taxe qu'est prélevée la part
destinée à la commune : elle est de 10 %, l'Etat en conservant
90%.
d) les communes perçoivent directement un prélèvement qualifié de conventionnel
Le taux
en est fixé par le cahier des charges accepté par la commune (loi
de finances pour 1991).
Il ne peut excéder 15 % du PBJ. La commune ne peut, au total, percevoir
de « son » casino plus de 5 % de ses recettes ordinaires.
Pour 99/00, à ce titre, les communes ont perçu 1,064 MdF
(+ 14,22 % sur 98/99).
Le cumul de tous les prélèvements pour l'Etat et pour les
communes ne doit pas dépasser 80 % du PBJ du casino !
Pour la Comptabilité publique le PBJ est un « Compte d'attente
spécifique de l'activité ludique ».
Il sera crédité chaque jour par le casino du produit
intégral des jeux.
Il sera débité chaque quinzaine :
pour le Trésor
public, du PPPBJ
pour la commune, du prélèvement
conventionnel.
Comme le montre le tableau II, après ces prélèvements
le produit net des jeux
est constitué (PNJ).
Il prend sa place dans le compte d'exploitation de l'établissement au
même titre que les autres recettes (restauration, bar, etc) et les
charges.
e) les casinos supportent, en outre, divers prélèvements de droit commun
C'est
sur la base du Compte d'exploitation et de son résultat que l'Etat et
les collectivités locales prélèvent taxes et
impôts :
Ce sont l'impôt sur les sociétés (IS) ou sur le
bénéfice industriel et commercial (BIC), les TVA, taxe sur les
salaires, TP, TH, TFB, l'impôt sur les spectacles, et, enfin, la CSG et
la CRDS.
-
L'impôt sur les sociétés ou BIC
Sont pris en compte pour la détermination du bien imposable :
. le produit net des jeux,
. les droits d'entrée dans les salles de
jeux,
. la fraction des pourboires laissée par la convention
collective nationale à la disposition de la direction pour financer la
rémunération du personnel non affecté aux jeux, etc.
-
La TVA
Sont taxables :
. les recettes provenant d'activités autres que spectacles,
hôtellerie, restauration, etc,
. les pourboires pour la
même proportion que ci dessus .
Ne sont pas taxables :
. le produit net des jeux,
. les pourboires perçus par les
employés des salles de jeux.
-
La CRDS
(art 18-111 de l'ordonnance du 24 janvier 1986)
Elle représente pour les casinos une charge de 3 % du PBJ, soit
341 MF pour 99/00.
Il est curieux de constater qu'en assujettissant les casinos et les cercles au
CRDS, l'Etat demande à ces établissements de payer cet
impôt au lieu et place des joueurs qui devraient le faire sur leurs gains.
Le montant de ceux-ci étant globalement appréciables mais non
identifiables individuellement, l'Etat reporte la charge sur l'entreprise.
Le résultat est pittoresque sur le plan fiscal puisque l'Etat
prélève un impôt sur les pertes de jeux de l'entreprise au
lieu de le faire, conformément à la loi, sur les gains imposables
des clients du casino.
Dans leur recours en Conseil d'Etat contre cette disposition, les casinos ont
été déboutés.
Mais il y a beaucoup mieux ; ne pouvant aisément comptabiliser la base
taxable au CRDS, un texte a imaginé un calcul assez admirable.
Le voici :
Extrait : Dans son rapport au Président de la République,
relatif à l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relatif au
remboursement de la dette sociale, le ministère du travail et des
affaires sociales dispose que :
« L'article 18 institue des contributions (Crds) sur la part
redistribuées aux gagnants des sommes engagées sur les jeux
exploités par la Française des jeux et sur les paris hippiques,
ainsi que sur un multiple des recettes brutes des jeux des casinos,
représentatif des gains des joueurs.
Le multiple retenu fut le multiple SIX.
L'Article 19 fixe le taux des contributions à 0,5 % ».
C'est ainsi que la base taxable au CRDS est le montant du PBJ multiplié
par six !
Cette alchimie fiscale de haut niveau peut parfois créer quelque
désordre jusqu'au sein du Parlement, pour peu que les parlementaire
émettent le voeu de créer une taxe nouvelle sur les
activités des casinos.
C'est ainsi qu'en mai 2001, le rapporteur de la commission des Affaires
culturelles de l'Assemblée nationale, voulant proposer de taxer les
casinos au profit d'un abondement significatif des crédits d'Etat pour
les acquisitions d'oeuvres d'art des musées nationaux, s'est vu proposer
par les services de l'Assemblée des chiffres erronés pour
établir la base de la taxe envisagée.
Parmi d'autres erreurs, au lieu de prendre en compte le montant réel du
PBJ, fut fourni le montant du multiple six construit pour le CRDS cité
plus haut.
Le résultat (provisoire) de cette histoire compliquée, est que le
projet de taxe qui n'avait pas l'avis favorable de la ministre de la culture ne
rapportait que 100 MF au lieu des 600 escomptés par les
députés.
Devant une perspective aussi alléchante, majorité et opposition
furent unanimes pour voter l'amendement 28 de la loi sur les Musées !
Mirage trompeur ou effet pervers d'une de ces élucubrations fiscales
dont le Code des impôts a le secret ?
-
La CSG
a été créée par la loi du 27
décembre 1996.
Elle se monte à 7,5 % de 68 % du produit brut théorique des
machines à sous, soit 518 MF pour 99/00 (+ 11%).
Les casinos sont les seules personnes morales privées assujetties
à la CSG. C'est, aux yeux du syndicat des casinos de France un
impôt sur l'impôt.
-
L' impôt sur les spectacles qui frappe les machines à
sous
Perçu au profit des communes
(après déduction par les
services de l'Etat de 5 % pour frais d'assiette et de recouvrement), il est
variable suivant la taille de la commune et peut être de 100 à 600
F par machine, la commune étant tenue d'en reverser au moins un tiers au
Bureau d'aide sociale.
-
La taxe professionnelle
est assise sur la valeur locative des
immobilisations, les salaires
et le montant réel des
pourboires
.
-
La taxe sur les salaires
La base imposable en est le salaire minimum garanti de la convention collective
ou, à défaut, les accords particuliers, les salaires des
personnels non payés directement au pourboire et les
rémunérations des personnes bénéficiant de
déductions supplémentaires pour frais professionnels.
-
La taxe d'habitation et la taxe sur le foncier bâti
, enfin, sont
perçues selon le droit commun.
3. Les impôts dûs par les joueurs
Les gains au jeu sont théoriquement exonérés d'impôt; mais sont cependant à la charge des joueurs :
-
• le droit de timbre de 65 F par jour réclamé pour
l'accès aux salles de jeux traditionnels ; il a représenté
pour 99/00 73 MF. Ce produit est en baisse ;
• une taxation de 10 % sur les gains supérieurs à 10.000 F aux machines à sous ; il a représenté 214 MF pour 99/00 (+ 26,18 %).
Fin juin
2001, les casinotiers ont découvert, par des fuites, que les
ministères de l'intérieur et des finances préparaient un
projet de décret (qui aurait déjà l'approbation du Conseil
d'Etat) pour modifier le mode de prélèvement sur le produit des
machines à sous.
Comme c'est souvent le cas, la discrétion nécessaire a exclu
toute concertation !
Explications : à l'heure actuelle, l'Etat taxe les machines à
sous au moyen d'un prélèvement sur
le produit théorique
des jeux
. Qu'est ce ?
Toute machine à sous est programmée pour redistribuer aux
gagnants 85 % au minimum pour certaines, davantage pour d'autres,
jusqu'à 92 % pour les plus attrayantes.
Ainsi, pour un montant de 100.000 F de jeux et 92 % de redistribution, il reste
8.000 F de
produit théorique pour le casino.
Mais, en fait, ce gain maximum n'atteint vraiment 92 % que si le joueur mise
à chaque fois le maximum (ex. 3 pièces dans les trois fentes de
la machine).
S'il ne le fait pas, la machine réduira sensiblement son taux de
redistribution ; ce phénomène s'appelle le
« glissement » et certaines machines « glissent
beaucoup » d'après certains joueurs !
Pour 1999/2000 l'écart entre le réel et le théorique
atteindrait 2,12 milliards de francs.
Si le projet du gouvernement de taxer, dans l'avenir, le produit réel au
lieu et place du produit théorique voit le jour, les casinos verront
leur marge fondre comme neige au soleil.
La profession a vivement réagi devant cette perspective et le syndicat
des casinos de France s'est adressé aux deux ministres concernés
en disant que les casinos n'étaient nullement opposés à
une évolution de leur fiscalité mais en concertation, et dans une
perspective d'ensemble de la législation fiscale du jeu en France.
Votre rapporteur n'a pas à prendre parti, bien entendu ; mais il estime
pour sa part qu'il est éminemment préférable de revoir, en
concertation, une législation et une réglementation
obsolètes, compliquées et sans doute passablement difficiles et
coûteuses à gérer, plutôt que d'ajouter, à
l'emporte pièce, un impôt supplémentaire.
S'il n'y prend garde, l'Etat ratera une occasion de moderniser ce secteur qui
lui rapporte pourtant beaucoup d'argent et sera taxé de ne voir dans les
casinos qu'une vache à lait, dépendante et soumise, dont il ne
veut pas prendre en compte les données économiques et sociales
qui sont aussi difficiles à assumer pour cette profession que pour les
autres industries.
FISCALITE
des CASINOS
TABLEAU II
PRELEVEMENTS TAXES et IMPOTS
Base taxable : le PBJ
/ /0,5% sur JT
/--(1) Prélèvement forfaitaire /
/ /2% sur MAS
R1 < --- Abattement de 25 % (2 a)--------- /
R2 < --- Abattement supplémentaire (2 b) / /Etat 90 %
/ (3) Prélèvement progressif /
/ /commune 10 %
/
/ (4) Prélèvement conventionnel /commune <15 %
/
COMPTE
D'EXPLOITATION
/
Produit Net des jeux
(+)
Recettes R 1 et R 2
(+)
Autres recettes d'exploitation
(-- )
Charges d'exploitation
( = )
Résultat d'exploitation
_________________________________________________________________________
ETAT / COMMUNE et COLLECTIVITES LOCALES
---------IS ou BIC (5) /
/ (11)------Taxe sur les spectacles------
---------TVA (6) /
/ (12)------Taxe professionnelle--6----
---------RDS (7) /
/ (13)------Taxe d'habitation----66----
---------CSG (8) /
/ (14)------Taxe Foncier Bâti ----666--
---------Taxe sur salaires (9) /
---------Droit de timbre (10) /
_________________________________________________________________________
RESULTAT NET APRES IMPOT