2. Les ONG : une action dont l'impact doit être mieux évalué.
Le monde des ONG dans sa multiplicité et sa diversité se laisse difficilement appréhender. D'après le Quai d'Orsay, plus de 800 associations françaises sont impliquées dans des actions de solidarité internationale. De manière plus précise, la coordination nationale des associations de solidarité internationale, coordination Sud, regroupe 107 ONG françaises d'aide au développement et d'action humanitaire. L'apport des ONG est évalué à plus de trois milliards de francs par an.
Les différents entretiens avec les représentants du monde associatif inspirent à vos rapporteurs trois observations principales.
• Un morcellement, source de fragilité
En premier lieu, la fragmentation de ce pôle de coopération limite considérablement son influence et apparaît comme un facteur de faiblesse.
Les ONG forment un ensemble hétérogène où les grandes organisations voisinent avec de nombreuses structures dont le champ d'action apparaît souvent très circonscrit. Cependant, même les associations les plus importantes ne peuvent rivaliser avec les ONG anglo-saxonnes mieux structurées et plus puissantes. A titre d'exemple, les moyens conjugués des plus grandes associations de solidarité internationale françaises demeurent inférieurs aux ressources mobilisées par l'ONG britannique OXFAM. Selon l'avis du HCCI rendu public cette année « sur le nécessaire renforcement de la capacité d'intervention internationale des associations par une amélioration de la fiscalité sur les dons », seules 7 organisations françaises de solidarité internationale réunissent des budgets annuels supérieurs à 200 millions de francs. Il apparaît aujourd'hui nécessaire que les ONG et les pouvoirs publics réfléchissent sur les moyens de conjurer ce morcellement, facteur d'inefficacité. La HCCI pourrait sembler un cadre adapté pour poser les bases d'une plus grande coordination. Mais il faudra sans doute compter avec les inévitables chasses gardées et les concurrences traditionnelles entre ces nombreuses structures.
• Une évaluation indispensable des actions des ONG
Les interventions de ces organisations devraient être mieux évaluées. Si le dévouement des femmes et des hommes engagés sur le terrain force l'admiration, on peut s'interroger sur l'impact d'actions de « micro développement » parfois excessivement ponctuelles. Or, beaucoup de ces associations bénéficiant de subventions souhaiteraient d'ailleurs mettre en oeuvre une part croissante des fonds publics destinés à la coopération.
Aujourd'hui, la part même de l'aide publique qui transite par le secteur associatif reste mal connue. En 2000, le ministère des affaires étrangères a consacré 1,3 milliard de francs aux interventions des acteurs non gouvernementaux (soit 4 % de l'aide publique totale alors que la part de l'APD mise en oeuvre par les ONG dans les pays de l'Union européenne s'élève en moyenne à 12 %) : 405 millions de francs de subventions 8 ( * ) et rémunération de prestations de service d'ONG et collectivités locales pour l'aide au développement, 268 millions de francs de subventions du Fonds de solidarité prioritaire à des associations françaises et étrangères, 24 millions de francs pour des ONG humanitaires auxquels s'ajoutent 52 millions de francs de subventions à la discrétion des ministres et 608 millions de francs au titre de la coopération culturelle (subventions à l'Association française d'action artistique, à l'Association pour la diffusion de la pensée française, à l'Alliance française et au Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux EGIDE). En fait, les crédits destinés aux associations autonomes et collectivités locales pour l'aide au développement, au sens strict, représenteraient quelque 700 millions de francs auxquels il convient d'ajouter 85 millions de francs provenant d'autres ministères, soit au total 2,3 % de l'ensemble de l'aide publique au développement .
Si la part dévolue aux ONG dans la mise en oeuvre de l'aide publique demeure plus faible que la moyenne des autres pays, il n'en reste pas moins qu'une augmentation des dotations doit être subordonnée à un contrôle plus rigoureux des dépenses de ces associations .
• Mieux prendre en compte le rôle croissant des ONG internationales
Il apparaît enfin que notre diplomatie n'a peut-être pas encore pris la juste mesure de l'influence des grandes ONG internationales. Celles-ci ont en effet su s'ériger en groupes de pression efficaces auprès du Congrès américain et elles pèsent par ce biais sur les grandes organisations multilatérales dont les ressources dépendent souvent pour une part importante des décisions du Trésor américain. Une institution comme la Banque mondiale peut ainsi être conduite sous l'influence des ONG à fixer des conditions draconiennes à certains types de projets et à les rendre ainsi impossibles. Une doctrine d'action peut ainsi s'imposer à tous les bailleurs.
La capacité de réaction des Etats est compliquée par le caractère parfois imprévisible des thèmes ainsi mis en avant. Plutôt que de subir cet état de fait, les principaux bailleurs et la France en tout premier chef ont tout intérêt à défendre leurs positions auprès de grandes ONG afin d'infléchir leur action dans un sens plus conforme à leurs propres orientations, voire à les utiliser comme un formidable relais d'influence.
* 8 Ces subventions sont gérées par la mission pour la coopération non gouvernementale, service du ministère des affaires étrangères, sous la forme de cofinancements dans la limite de 50 % du coût du projet.