B. ASPECTS FINANCIERS
1. Les coûts de gestion
Les
quantités produites et les conditions de gestion des déchets ont
radicalement changé en une génération, entraînant
une explosion des coûts de gestion. Selon le Conseil économique et
social, les coûts auraient été multipliés par vingt
en quarante ans, soit de 16 F à un minimum de 350 F par an pour une mise
en décharge. Ce mouvement devrait se poursuivre dans les années
à venir, tant du fait des exigences nouvelles de traitement qu'en raison
des restrictions apportées à la mise en décharge. Cette
perspective inquiète souvent les élus et les administrés.
L'Association des maires de France (AMF) et l'ADEME ont donc commandé
une étude très complète qui, sans nier cette augmentation
prévisible, tempère néanmoins les inquiétudes.
Premier constat.
Une très grande diversité des
coûts selon les caractéristiques de l'habitat
Les coûts de gestion peuvent être calculés soit par
habitant, soit par tonne traitée. Dans les deux cas, les coûts
dépendent fortement des caractéristiques de l'habitat.
Par ailleurs, il convient de distinguer le coût total et le coût
net pour la collectivité, déductions faites d'une part des
recettes liées à la vente des matériaux triés, et
répondant aux prescriptions techniques minimum (PTM), d'autre part des
aides et subventions reçues à l'équipement ou en
fonctionnement.
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Coût net, pour la collectivité, de la gestion des déchets ménagers (francs)* |
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Par habitant |
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Par tonne collectée |
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Coût moyen |
432 |
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1.100 |
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Fourchette de coût |
300 - 565 |
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575 - 1.645 |
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Coût en milieu urbain |
300 - 425 |
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575 - 820 |
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Coût en milieu semi urbain |
320 - 475 |
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755 -1.065 |
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Coût en milieu rural |
305 - 565 |
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945 - 1.645 |
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Coût net = coût de gestion pour la collectivité après recettes et subventions diverses |
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* Voir détail ci-après |
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Source : ADEME/AMF, Analyse des coûts de gestion des déchets municipaux , octobre 1998 |
Ce coût se répartit comme suit :
Composition des coûts de gestion |
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Collecte |
40 - 55 % |
dont 50 % de dépenses de personnel |
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Tri |
5 - 20 % |
dont 50 % de dépenses de personnel |
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Transit |
0 - 10 % |
dont 50 % de dépenses de transport |
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Incinération |
20 - 50 % |
dont 45 % d'investissements |
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Compostage |
0 - 10 % |
dont 30 % de dépenses de personnel |
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Source : ADEME/AMF, traitement OPECST |
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Coût de gestion des déchets ménagers (francs) |
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Milieu urbain |
Milieu semi urbain |
Milieu rural |
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Hypothèse : |
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Gisement |
520 kg/hab./an |
425 kg/hab./an |
320 kg/hab./an |
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Valorisation matière |
18 % - 21 % |
19 % - 36 % |
28 % - 43 % |
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Collecte sélective FFOM |
Collecte sélective FFOM |
Collecte sélective FFOM |
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Avec |
Sans |
Avec |
Sans |
Avec |
Sans |
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Coût par habitant : |
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Coût complet |
460 - 595 |
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435 - 570 |
515 - 645 |
395 - 580 |
520 - 695 |
||||
Coût net |
400 - 530 |
|
380 - 515 |
470 - 595 |
360 - 540 |
510 - 655 |
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Coût aidé |
300 - 425 |
|
320 - 405 |
350 - 475 |
305 - 470 |
440 - 565 |
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Coût par tonne : |
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Coût complet |
890 - 1150 |
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1020 - 1340 |
1155 - 1445 |
1230 - 1820 |
1505 - 2010 |
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Coût net |
765 - 1020 |
|
890 - 1210 |
1045 - 1335 |
1125 - 1690 |
1480 - 1900 |
||||
Coût aidé |
575 - 820 |
|
755 -955 |
785 - 1065 |
945 - 1475 |
1280 - 1645 |
||||
Légende : coût complet = coût
total
brut
|
||||||||||
Source
: ADEME/AMF,
Analyse des coûts de
gestion des déchets municipaux
,
|
Nota : Les chiffres ci-dessus n'incluent ni la gestion des autres déchets municipaux (encombrants, déchets verts, déchets dangereux...) dont les coûts sont estimés entre 50 et 80 F par habitant et par an, ni le traitement des boues d'épuration.
Coûts de collecte (en francs) 1 |
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Collecte usuelle |
Collecte séparative en AV |
Collecte séparative en PAP |
Collecte |
200 - 400 |
350 - 400 |
550 - 770 |
Tri 2 |
|
200 |
350 - 700 |
Total |
200 - 400 |
550 - 600 |
900 - 1400 |
1
Coût total, avant recettes et soutiens
|
|||
Source : ADEME, Déchets municipaux, chiffres clefs, février 1998 |
Deuxième constat.
Une augmentation
prévisible des coûts, mais très variable selon les
collectivités
Toutes les études s'accordent sur une augmentation prévisible des
dépenses de gestion des déchets ménagers.
" La gestion des déchets municipaux coûte de plus en plus
cher et absorbe une part croissante du budget des communes. "
(ADEME,
Déchets municipaux : les chiffres clefs
, février 1998)
" La mise en oeuvre de collectes séparatives entraîne des
investissements nouveaux, et l'adoption d'une organisation complexe de collecte
qui entraîne une augmentation des coûts de fonctionnement. "
(ADEME,
Déchets municipaux : les chiffres clefs
,
février 1998)
" Dans le contexte réglementaire 2002, la collectivités
locales connaîtront une augmentation de leur coût. "
(Étude SOFRES pour le compte de l'AMF et de l'ADEME)
" Le Conseil économique et social observe une montée des
charges relatives à l'enlèvement et au traitement des
déchets pour les habitants et pour les collectivités
locales. "
(Conseil économique et social,
La gestion des
déchets ménagers
, 1999)
En revanche, seules quelques études apportent quelques nuances, pourtant
essentielles et indispensables.
Tout d'abord, l'augmentation sera d'autant plus importante que la
collectivité est en retard et n'a pas entrepris, en son temps, les
efforts de modernisation qui s'annonçaient comme inévitables. Il
existe encore, il faut le rappeler, de nombreux incinérateurs qui ne
sont pas aux normes aujourd'hui réservées aux nouvelles
constructions, mais dont chacun savait depuis longtemps qu'elles
s'appliqueraient un jour à toutes les installations. Il existe encore,
il faut le rappeler, des mises en décharge dans des conditions limites,
voire illégales. Il est alors certain que, dans ces conditions, la seule
mise en conformité entraînera une hausse massive de 80 à
350 F la tonne pour l'enfouissement, et de 150 à 550/600 F pour
l'incinération, sans compter les autres opérations.
On observera seulement, comme le fait d'ailleurs le Conseil économique
et social, qu'
" une décharge (mal) gérée pour 80 F
induit un coût environnemental (pollution, réhabilitation)
renvoyé sur les générations futures, que l'on peut estimer
entre 110 et 200 F par tonne ".
Cette première hausse n'est
alors pas autre chose que le prix de la responsabilité.
Troisième constat.
Les coûts peuvent être
minorés par quelques précautions
élémentaires
Il faut tout d'abord porter une attention particulière à la
logistique. La logistique qui comprend les opérations de collecte et de
transport, représente entre un tiers et deux tiers du coût de
gestion des déchets ménagers. L'amélioration de la
logistique, par une réduction des coûts de transport et/ou de
personnels (près de 40 % du coût total), paraît
nécessaire.
Une bonne étude préalable est nécessaire. Des
apports plus faibles que les estimations initiales majorent
considérablement le coût final. Des apports en collecte
sélective inférieurs de 30 % aux prévisions
entraînent une hausse de 15 % des coûts de gestion (50 F par
habitant et par an). Une diminution de 10 % du taux d'utilisation d'une
UIOM se traduit par une augmentation du coût d'incinération de
l'ordre de 8 %, soit 4 % pour l'ensemble des coûts de gestion.
L'effet d'apprentissage est important. En phase de démarrage d'une
collecte sélective, le coût est lié aux sous utilisations
d'équipements et aussi aux investissements immatériels annexes
(études et communication). Pour la phase de pré-lancement, le
coût de communication oscille entre 10 et 30 F par habitant. En phase de
lancement, le coût annexe est de 30 à 70 F par habitant. Ces
coûts disparaissent ou sont notablement réduits par la suite.
Enfin, le développement d'une collecte sélective performante peut
entraîner une baisse non négligeable des coûts de gestion.
" Dans certains cas, le budget annuel de gestion des ordures
ménagères peut être réduit. La mise en place d'une
collecte sélective performante des recyclables secs (avec de bons
apports en quantité et en qualité) peut permettre de
réduire, dans certains contextes, le budget annuel de gestion des
ordures ménagères d'une collectivité locale
(...)
.
Les expériences de terrain existant aujourd'hui permettent d'observer
qu'une augmentation du niveau de captage jusqu'à des valeurs moyennes ou
élevées peut s'accompagner d'une baisse des coûts
techniques de collecte et de tri. L'augmentation simultanée du soutien
à la tonne triée vient renforcer cette baisse des
coûts. "
L'impact des aides est fondamental. Parfois critiquées comme
inutiles -puisque les collectes sélectives et les valorisations existent
aussi dans des pays à économie libérale comme les
États-Unis- ou même dangereuses -puisqu'elles
" faussent " les règles du marché et orientent les
décisions des gestionnaires en faisant abstraction des
réalités du marché-, les aides publiques sont non
seulement incontournables, mais aussi parfaitement justifiées.
Peu de systèmes de collecte sélective et de valorisation sont
aujourd'hui compétitifs sans l'aide publique, tant en investissements
(ADEME), qu'en fonctionnement. Néanmoins, ce mécanisme permet de
réunir toutes les parties prenantes du système
d'élimination. Non seulement l'industriel fabricant qui,
conformément au principe du " pollueur payeur " participe au
financement de l'élimination de ses produits (en versant ses
contributions à Éco-Emballages qui redistribue aux
collectivités gestionnaires), mais aussi le consommateur citoyen qui
paye directement au moins une partie du coût précédent (la
contribution est répercutée tout ou partie sur les prix de vente
des produits) et indirectement par le biais de ses impôts
19(
*
)
.
Le système est donc très complet et parfaitement fondé.
Ainsi, les financements des aides sont-ils issus de prélèvements
sur l'industriel, le consommateur, le contribuable, l'habitant d'une commune.
Ainsi, sont mises à contribution toutes les facettes d'une seule et
même personne : le consommateur citoyen.
2. Le financement
a) Le financement par les communes
Présentation
La gestion et l'élimination des déchets ménagers et
assimilés incombe aux communes. Les communes et les
établissements de coopération intercommunale compétents
dans l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères
ont le choix entre deux modes de financement : le financement par la
fiscalité locale, générale ou spécifique, le
financement par la redevance, à la charge des usagers du service.
Le financement fiscal
Le financement fiscal peut être assuré par les ressources globales
du budget communal ou par une ressource fiscale spécifique. La taxe
d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM)
20(
*
)
.
La TEOM, instituée par le conseil municipal, ou l'autorité
délibérante compétente, est due par les personnes
assujetties à la taxe foncière sur les propriétés
bâties, et recouvrée dans les mêmes conditions.
Des financements complémentaires sont possibles. Tout d'abord, le
produit peut être inférieur au coût réel du service,
auquel cas, le solde est financé par les ressources
générales du budget.
La commune (ou l'assemblée délibérante de
l'établissement public de coopération intercommunale) doit
également établir une " redevance spéciale sur les
déchets ménagers " destinée au financement du service
d'élimination des déchets issus d'activités
professionnelles assimilables aux déchets ménagers (art.
L.2333-78 du Code général des collectivités
territoriales). Depuis le 1
er
janvier 1993, cette redevance est
obligatoire. La redevance est calculée en fonction du service rendu et,
notamment, de la quantité de déchets éliminés.
Cette combinaison taxe / redevance est inhabituelle. La commune peut
exonérer une entreprise de la TEOM, auquel cas la redevance
spéciale finance l'intégralité du coût du service.
Enfin, la commune peut fixer une redevance spécifique pour les terrains
de camping (art. L.2333-77 du Code général des
collectivités territoriales).
En 1993, la TEOM a été appliquée dans 13.666 communes
et 245 groupements de communes. Elle a concerné 45,3 millions
d'habitants. Elle a rapporté 15,6 milliards de francs, soit 344 francs
par habitant.
Le financement par redevance
Le conseil municipal, ou l'assemblée délibérante
compétente, peut également instituer une redevance
d'enlèvement des ordures ménagères (REOM)
21(
*
)
. La redevance n'est pas un
prélèvement fiscal, mais est la contrepartie financière du
service rendu. Son produit doit donc équilibrer le montant total des
dépenses du service d'élimination des déchets. Il ne peut
y avoir aucun financement complémentaire.
Avec la redevance, c'est l'usager qui est visé, et non plus le
propriétaire.
La redevance est directement perçue par la commune, mais est
relativement délicate à appliquer. Le montant individuel doit
correspondre au coût réel du service fourni. L'adéquation
n'est pas toujours facile à apprécier, et les contentieux ne sont
pas rares. Notamment dans le cas de résidences comportant plusieurs
habitants, ou de résidences secondaires, il faut trouver un mode de
calcul qui soit aussi proche que possible du service rendu. Les assiettes
servant à une autre imposition ou les repères statistiques
(consommation d'eau) imaginés comme base de calcul à la redevance
ont été censurés par le juge administratif. Un habitant
peut être exonéré s'il n'utilise pas les services de la
commune.
En 1996, la REOM a été appliquée à
11.926 communes et 138 groupements, correspondant à
8,1 millions d'habitants. Elle a rapporté 1,42 milliard de
francs, soit 177 francs par habitant.
Les trois quarts de la population contribuent au service d'élimination
des déchets par une fiscalité spécifique.
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Typologie des différents modes de financement de l'enlèvement des ordures ménagères par les communes |
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Type de financement |
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Financement fiscal |
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Financement fiscal |
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Financement par redevance |
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Mode de financement |
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Financement par le budget communal |
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Taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) |
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Redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) |
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Références |
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art. 1520 - 1526 du CGI |
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art. L.2333-76 à 80 du CGCT |
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Financements complémentaires |
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Non |
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Oui
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Non |
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Personnes assujetties |
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Tout contribuable de la commune |
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Toute personne assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties |
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Toute personne bénéficiant du service d'enlèvement |
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Conséquences comptables |
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Dépenses incluses dans le budget de la commune |
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Dépenses incluses dans le budget de la commune |
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Budget annexe |
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Conséquences financières |
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Les dépenses sont couvertes par les recettes fiscales de la commune |
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Calcul forfaitaire Les recettes ne couvrent pas nécessairement les dépenses. Le solde peut être financé par le budget de la commune |
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Les recettes équilibrent les dépenses |
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Conséquences juridiques |
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Le service correspondant est un service public administratif avec compétence du juge administratif |
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Le service correspondant est un service public administratif avec compétence du juge administratif |
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Le service correspondant est un service public industriel et commercial avec compétence partielle du juge judiciaire |
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Nombre de communes (+ groupements) |
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10.000 |
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13.666 (+ 245 groupements) |
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11.926 (+ 138 groupements) |
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Population couverte |
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2,6 millions d'habitants |
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45,3 millions d'habitants |
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8,1 millions d'habitants |
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Produit (milliards de francs) |
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n.p. |
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15,6 |
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1,4 |
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Produit/habitant |
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n.p. |
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344 F |
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177 F |
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1
redevance spéciale pour les déchets
non
ménagers (art. L.2333-78 du CGCT)
|
Source
: ministère de l'Intérieur,
Direction des collectivités territoriales
|
b) Les perspectives du financement communal
Un toilettage nécessaire
Le dispositif actuel peut être amélioré sur trois points.
D'une part, quelque soit le mode adopté, le financement est
assuré par des taxes ou redevances d'
enlèvement
des
ordures ménagères. Cette formulation est évidemment
vieillie, puisque le service assuré par les collectivités locales
concerne la collecte, mais aussi le tri et le traitement, en un mot la gestion
des ordures ménagères. Une nouvelle formulation s'impose, plus
conforme à la pratique.
On observera que l'élimination était la seule visée par la
loi et la directive de 1975 sur
" l'élimination des
déchets "
précisément, mais que depuis 1991,
d'autres notions sont apparues dans les textes relatifs aux déchets
(directive de 1991, loi de 1992), notamment celle de valorisation. Il est temps
de faire prendre acte au Code général des impôts et au Code
général des collectivités territoriales de ces
évolutions.
D'autre part, le dispositif actuel ne tient pas compte des
modes de
collecte
. Que la collecte soit en mélange ou sélective, le
montant recouvert est le même. Ni la TEOM, ni la REOM ne poussent
à faire le tri. Le système est même pervers, puisqu'on peut
imaginer que la collecte sélective étant plus coûteuse que
la collecte en mélange, la redevance soit majorée en
conséquence, ce qui revient à pénaliser le trieur !...
En ne prenant pas en compte les modalités de collecte, le système
actuel est sclérosant, il freine ou empêche même toute
évolution. Il paraît indispensable que ceux qui réduisent
leurs déchets, et qui trient leurs déchets, puissent
bénéficier d'un " retour ", y compris financier, sous
forme d'allégement des charges.
Enfin,
le problème de la contribution des producteurs de
déchets assimilés aux déchets ménagers est mal
résolu.
Bien qu'elle soit normalement obligatoire depuis 1993, la
redevance spéciale n'est pas appliquée partout. Le
problème n'était pas trop grave lorsqu'il ne s'agissait que des
déchets des commerçants et artisans, mais les déchets
industriels banals (DIB) ont été assimilés et
englobés dans le même " lot ", sans être
définis au préalable. Or, quelque soit l'acceptation retenue, le
montant des déchets industriels banals augmente avec l'extension des
zones industrielles et des zones dites " artisanales " -qui sont
souvent de petites zones industrielles - le caractère artisanal
étant surtout lié au nombre d'emplois -. Ainsi, les zones de
collecte se sont étendues et les volumes se sont accrus.
Certes, les difficultés portent sur la capacité à mesurer
les déchets engendrés par entreprise puisque la redevance doit
correspondre au service rendu, mais, devant les nouveaux volumes et les
nouvelles responsabilités des communes, il est désormais
impératif d'appliquer les financements prévus.
Une liberté de choix à maintenir concernant le
partage taxe/redevance
On connaît les difficultés de l'arbitrage entre un financement par
redevance, qui lie le montant demandé au service rendu mais qui est
difficile à mettre en oeuvre, car il suscite des contentieux et des
changements brutaux dans les dépenses, et le financement par taxe,
totalement aveugle. La taxe est perçue à un montant donné,
quelque soit le volume des déchets pris en compte. Un retraité
isolé ou une famille nombreuse, une personne faisant son compost au fond
de son jardin ou s'alimentant à l'américaine par " boites
boisson " par centaines et plats préparés, une personne
s'efforçant de porter chaque jour ses déchets propres et secs aux
bornes d'apport volontaire ou mettant le tout à la poubelle, paieront la
même taxe, simplement parce que leur taxe foncière est la
même !... Il n'y a aucun lien entre le déchet et
l'impôt, entre l'usager et le service. Le système de TEOM ne
favorise ni la responsabilité, ni la prise de conscience. La TEOM est
également un frein à la coopération intercommunale puisque
deux habitants de deux communes voisines ne paieront pas le même service
au même prix, simplement parce que l'évaluation de l'assiette de
leur taxe diffère d'une commune à une autre.
Chaque système a ses avantages et plus encore ses inconvénients.
Les élus locaux arbitrent le plus souvent entre ces derniers qui sont
les plus manifestes aux yeux de l'opinion.
Il paraît important de rétablir, d'une façon ou d'une autre
le lien entre le coût du service et son paiement. Ce mouvement est
souhaitable Jusque là, la redevance a été surtout
appliquée aux communes rurales, en particulier dans les
départements de l'Est et du Sud de la France. Mais ce lien avec la
ruralité s'estompe. Des communes ou groupements de communes de 20
à 25.000 habitants commencent à se tourner vers la REOM.
Il ne faut cependant pas nier les difficultés de mise en place de la
redevance, notamment en termes sociaux. En effet, d'une part la redevance
pénalise les familles nombreuses et le basculement d'un système
à un autre peut s'avérer délicat en entraînant des
modifications importantes, sans tenir compte des capacités
contributives. D'autre part alors que la collecte sélective
démarre et semble fonctionner dans de bonnes conditions, il ne
paraît pas opportun de " casser " la mécanique par une
réforme fiscale qui pourrait annuler tous les efforts
Il peut arriver que la redevance entraîne, pour certains, une majoration
des prélèvements, mais le consommateur, le contribuable pourront
comprendre, et finalement accepter cette évolution, si on leur
présente et si on leur explique les chiffres. Avec un " parler
vrai ", on peut alors avoir de vrais chiffres. Cela suppose du courage et
de la transparence, mais cela permet d'avoir des citoyens partenaires.
Les difficultés d'évaluation du service rendu peuvent
également être limitées par l'introduction de
systèmes de pesée
22(
*
)
.
c) La taxe générale sur les activités polluantes
Comme on
le verra, les collectivités locales sont soutenues dans leurs efforts
d'équipement par les aides publiques de l'ADEME et les soutiens
d'organismes privés agréés. Ces soutiens seront
discutés ci après. Mais l'aide publique est aussi financée
au moyen de taxes dont l'importance est croissante et qu'il convient de
présenter.
Présentation
Jusqu'en 1999, l'ADEME était principalement financée par des
taxes fiscales et parafiscales
23(
*
)
dont l'objet était de taxer les
émissions polluantes. dont le rôle était principalement
(à 80 %) de financer la réalisation d'équipements des
communes dans la gestion des déchets. Le système a
été profondément modifié en 1999. La taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP) s'est
substituée aux cinq taxes existantes. Les changements portent
sur la nature, l'assiette et la perception de la taxe,
La nature de la ressource
. Tout d'abord, la TGAP est un
impôt qui alimente le budget de l'État. Il n'y a plus de lien
direct entre la taxe et l'agence. Le produit fiscal est perçu par
l'État qui reverse à l'ADEME les crédits
équivalents à ceux qu'elle aurait perçus dans le
régime antérieur.
L'assiette de la taxe
. La taxe est due par tout exploitant
d'une installation de stockage de déchets ménagers et
assimilés (art. 266
sexies
du CGI). Elle est assise sur le
poids des déchets réceptionnés. Sur la base de 60 F
la tonne (avec un montant minimal de 3.000 F par installation). Le
régime est identique pour les exploitants d'une installation de
déchets industriels spéciaux, par incinération, stockage,
traitement physico-chimique... Dans ce second cas, le tarif est toutefois
différencié selon les modes de traitement (60 F la tonne
pour une station d'élimination, 120 F la tonne pour une
installation de stockage). Il existe aussi d'autres faits
générateurs liés aux émissions polluantes, mais qui
ne sont pas directement liés aux déchets.
La perception de la taxe
. Ce lien, qui faisait l'un des
succès et fondait l'une de légitimité de l'ADEME, est
d'autant plus distendu que la taxe sera dorénavant recouvrée par
les services des Douanes. Ainsi, les services des Douanes doivent-ils collecter
des ressources qui seront, par la suite, affectées à
l'environnement et aux collectivités locales. Il existe, toutefois, un
régime dérogatoire, provisoire, pour l'année 1999, puisque
les anciennes taxes restent prélevées par l'ADEME, versées
au budget, et reversées sous forme de crédits budgétaires.
Observations
Cette mesure, présentée comme une amorce d'une refonte de la
fiscalité environnementale, ne va pas sans susciter certaines
appréhensions et regrets.
La première est la
disparition d'un lien direct
entre l'ADEME et
son financement. L'ADEME était financée par des contributions
assises sur les pollutions, et finançait des équipements des
collectivités locales pour améliorer leur gestion des
déchets. Ce lien est rompu puisque la TGAP est un impôt qui
alimente le budget de l'État, ce dernier versant à l'ADEME une
dotation budgétaire. Or, d'une part, chacun sait que les contributions
sont d'autant moins mal acceptées que le " parcours " du
produit fiscal peut être suivi
La deuxième est la crainte d'un
décalage entre les recettes
encaissées et la dotation reversée à l'ADEME.
Il ne
s'agit pas d'une pure hypothèse d'école puisque il a
été annoncé qu'une " écotaxe " (et la
TGAP est la première des " écotaxes ") pourrait
financer la diminution de la TVA. Tout lien entre la taxe et la gestion des
déchets serait évidemment rompu et l'ADEME serait alors
marginalisée face aux enjeux financiers que représente la
compensation de la TVA.
Si tel était le cas, le Parlement ne dispose en effet d'aucun moyen pour
majorer
une
dépense publique. Le Parlement est ligoté par
l'article 40 de la Constitution, qui interdit tout amendement qui aurait
pour conséquence la création ou l'aggravation d'
une
charge
publique. Aucune compensation n'est possible, le Parlement ne pouvant gager une
majoration, ou une perte, par une recette nouvelle, ou une économie sur
une autre dépense. Ce premier risque, exclu à court terme, ne
peut être exclu à moyen terme.
Troisièmement, le
barème
a pu être discuté.
Certains industriels ont regretté que la taxe, assise sur le poids des
déchets reçus par les exploitants de décharges, ne soit
pas différenciée selon le mode de traitement des déchets
en amont. Ils estiment qu'un barème différencié selon
l'importance de la valorisation aurait été incitatif et aurait
encouragé à développer celle ci. Malgré tout
l'intérêt que nous portons à cet objectif, nous ne pouvons
suivre cette logique. En effet, d'une part il ne faut pas oublier que,
bientôt, tous les déchets seront valorisé, d'autre part
qu'une éventuelle diminution du barème aurait pour
conséquence de réduire un produit fiscal qui constitue une
ressource importante pour aider les investissements des collectivités
locales dans le domaine des déchets. Nous considérons
également que l'objectif des industriels a été en grande
partie satisfait par la baisse de la TVA (ramenée du taux normal de
20,6% au taux minoré de 5,5%) sur les opérations de collecte, de
tri sélectif et de traitement des déchets ménagers, ce qui
constitue un soutien autrement plus efficace qu'une modulation du barème
de mise ne décharge.
24(
*
)
Quatrièmement, il faut s'interroger sur la
pertinence de
l'assiette
choisie aujourd'hui. L'interrogation porte sur l'exemption des
décharges internes
. Un grand nombre d'industriels disposent de
décharges internes qui servent à leurs propres déchets,
évitant ainsi les frais de transport, le coût du service et la
taxe, liés à la mise en décharge contrôlée.
Certes, tous les industriels ne se contentent pas de mettre leurs
déchets en tas ou dans un simple trou dans l'enceinte de l'usine, et
contrôlent de plus en plus étroitement leurs déchets (ne
serait ce que pour éviter les campagnes destructrices, en termes d'image
et de notoriété, en cas d'abus et de
" dérapage "), il n'en demeure pas moins que cela existe.
Or, ces déchets, comme les autres, ont la vie longue. Souvent plus
longue que celle des exploitations industrielles. Et l'expérience montre
qu'il arrive - souvent -, que les collectivités locales se trouvent
devant la responsabilité de traiter des " sites orphelins ",
abandonnés après la fermeture de l'usine. Les
collectivités doivent alors traiter les eaux, les lixiviats, le
ruissellement, les pollutions... Toutes ces opérations
représentent des coûts importants qu'il est impossible de
récupérer sur une entreprise en faillite ou en difficulté.
Il y a donc un transfert de charge et de responsabilité, de l'industriel
sur la collectivité locale. Une taxation des décharges internes
inciterait les entreprises à de meilleurs contrôles et permettrait
de mieux répartir les coûts à la fois dans le temps et
entre agents économiques. Sans nier les conséquences et les
coûts qu'entraînent les réglementations environnementales
(notamment dans le contexte de concurrence internationale avec des pays qui
n'ont pas les mêmes contraintes et obligations), il paraît utile
de réfléchir, en France et au niveau communautaire, à
cette possibilité.
Enfin, cette modification ne constitue qu'un pas encore bien timide vers une
réforme plus ambitieuse de la fiscalité de l'environnement
.
La TGAP a été présentée comme une amorce de refonte
du système fiscal environnemental qui comptait alors, rappelons-le,
soixante-quinze taxes différentes, et compte encore, après
réforme, soixante-et-onze taxes différentes...
Or, la fiscalité de l'environnement n'a pas seulement pour but de
produire des ressources, mais aussi de modifier des comportements. Elle fait
partie des fiscalités incitatives. Cet objectif n'est guère
atteint dans le système actuel qui, en réalité, cumule de
nombreux inconvénients. "
Que cherche-t-on : accroître les
ressources publiques ou diminuer les atteintes à l'environnement ?.
Dans le premier cas, il faut des taux bas et des assiettes larges, dans le
second, il faut des assiettes étroites très
précisément définies et des taux élevés,
mais ces deux logiques ne sont pas compatibles
"
25(
*
)
. L'annonce d'un éventuel
financement de la baisse des charges sociales par une
" éco-taxe " ne peut qu'augmenter le trouble.
d) Le financement par les industriels
Présentation
Il ne faudrait pas croire que la gestion des déchets repose
exclusivement sur la contrainte et que le coût est financé
uniquement par l'impôt. Les industriels ont pris leur part de
responsabilité et, de façon plus ou moins spontanée, ont
mis en place des structures de collecte et de gestion des déchets. Deux
formules peuvent être suivies. Tout d'abord, les industriels peuvent de
leur propre initiative s'organiser eux-mêmes, établir des
filières, s'engager sur des objectifs (la récupération des
huiles ou les engagements des constructeurs automobiles sur les
véhicules usagés par exemple). Une autre possibilité
consiste à passer par la voie d'organismes agréés. Cette
formule est appliquée aux déchets d'emballages. Le décret
du 1
er
avril 1992 rend responsable le producteur de déchets
d'emballages ménagers de leur élimination. Il peut alors soit
prendre en charge directement les emballages usagés (consigne, circuits
et emplacements réservés), soit faire prendre en charge les
emballages usagés par un organisme ou une entreprise
agréée. Ce décret est à l'origine de la naissance
des sociétés Adelphe, Éco-Emballages et de l'association
Cyclamed. Dans les deux cas, le système est financé par les
industriels fabricants et distributeurs.
Concernant Éco-Emballages, principale société intervenant
dans le secteur des emballages, les ressources proviennent, en
quasi
totalité, des contributions de producteurs, importateurs et
distributeurs d'emballages, selon un barème lié pour l'essentiel
au chiffre d'affaires, mais faisant intervenir également les
possibilités de recyclage des matériaux
26(
*
)
. Le paiement de la contribution est
formalisée par le " point vert " qui figure sur les
emballages
27(
*
)
. Plus de 500
millions de francs ont été collectés en 1998.
En 1999, le principe du doublement du barème de base a été
adopté, et certains emballages, non recyclables dans les conditions
actuelles, ont un tarif doublé par rapport au barème de
base
28(
*
)
. Ces nouveaux tarifs
devraient entrer en vigueur en 2000. La ressource prévue pour 2002
serait de 2 milliards de francs
Discussion
On le verra, le système Éco-Emballages est de loin le plus
opérationnel, le plus efficace, le plus développé .
Mais il n'a pas que des avantages. Le tri vise à rendre les emballages
recyclables. Ainsi, les efforts pour envisager d'autres modes de valorisation
(qui ne soient pas des emballages) ou pour collecter d'autres matériaux
qui peuvent être valorisés tout aussi bien que les emballages
(collecte des fermentescibles par exemple), ne sont pas encouragés et
sont même dissuadés. C'est le risque lié à un
financement professionnel.
Le principe du " pollueur payeur " n'est encore que très
partiellement appliqué. Il n'a été intégré
ni dans la fiscalité locale, ni dans les filières industrielles
et commerciales alors que, dans le même temps, chacun constate une
augmentation des coûts de traitement. Une nouvelle organisation des
financements fondée sur un meilleur partage des coûts doit
être mise en place.
Toute proposition doit, nous semble-t-il, être fondée sur
quelques idées de base, simples et claires :
Tout d'abord, il n'est plus possible de mettre un produit sur le
marché, quel qu'il soit, sans se soucier de son devenir en fin de vie.
Ensuite, si les collectivités locales restent bien responsables
des services d'élimination des déchets, c'est à la
filière de production et de commercialisation (industriel fabricant,
importateur ou distributeur) de financer la plus grande part des coûts de
valorisation
.
La plus large souplesse doit être laissée dans les
modalités de récupération et de financement
.
Il est bien évident que, en dépit de la concurrence, une partie
de ces coûts sera répercutée sur le consommateur. La menace
d'une hausse prévisible du prix des produits, doit être
appréciée avec mesure. Le consommateur est-il prêt à
payer 5 ou 10 centimes pour éliminer le mercure et retraiter les
métaux lourds contenus dans les piles ? Est-il prêt à
payer 4 francs par pneu pour que les pneus soient recyclés au lieu
d'être mis en décharge ? Nous pensons que oui. Le
système de consigne, malgré son image désuète, ne
peut être écarté. On peut imaginer qu'un consommateur verse
une prime de 20 ou 50 francs lorsqu'il achète un
téléviseur, un magnétoscope ou un ordinateur, qui lui sera
retournée lorsqu'il rendra son matériel en fin de vie, mais qui
permettra de traiter les tubes et les écrans de télévision
chargés en métaux lourds.
La réflexion n'en est qu'à ses débuts, mais progresse
rapidement. On peut citer notamment la solution préconisée par le
Conseil économique et social (rapport du CES :
La gestion des
déchets ménagers
, 1999).
" Le Conseil économique et social propose une organisation du
financement du service public d'élimination des déchets
ménagers reposant sur :
une contribution des entreprises qui mettent sur le marché des
produits de consommation. Ces contributions doivent permettre de couvrir
l'essentiel des coûts d'élimination des déchets et produits
en fin de vie (internalisation des coûts) ;
une forte diminution en corollaire de la fiscalité locale
directe.
L'organisation proposée ne se conçoit que pour les communes ayant
engagé une politique de collecte sélective.
L'opérationalité de ces mesures est visualisée sur
l'organigramme ci-après. "
Proposition d'organisation du financement du service public d'élimination des déchets ménagers formulée par le Conseil économique et social
3. Les aides
Les
aides proviennent de trois sources différentes :
les autres collectivités locales,
l'État, par l'intermédiaire de l'ADEME,
les organismes privés, agréés par les pouvoirs
publics, et investis d'une mission d'intérêt général
en vue de favoriser la collecte sélective des déchets
valorisables.
Les aides des autres collectivités locales sont citées ici pour
mémoire. Selon une étude de l'Association des présidents
de conseils généraux (APCG), rapportée par le Conseil
économique et social, soixante-dix conseils généraux ont
mis en place une politique spécifique d'aide aux communes pour la
gestion des déchets. Les conseils régionaux se sont
également engagés dans ce domaine, notamment le conseil
régional d'Ile-de-France (210 millions de francs en 1998). Le
soutien porte sur la réalisation d'équipements, la
réhabilitation de décharges, les études, la
communication.
a) Les aides de l'ADEME aux équipements des communes
L'ADEME
(Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'énergie) est un
établissement public à caractère industriel et commercial,
sous la triple tutelle des ministères de l'Environnement, de l'Industrie
et de la Recherche, créé en 1990 par la fusion des anciens
organismes existants. Financée par des taxes, l'Ademe aide les
collectivités dans la réalisation d'équipements de gestion
des déchets. Tant le financement (voir supra ) que les dépenses
de l'Agence appellent toutefois des observations critiques.
Les dépenses
Jusqu'en 1998, le produit fiscal des différentes taxes alimentait un
fonds de modernisation de gestion des déchets (FMGD). Du fait du
relèvement périodique des taux, les ressources -et par
conséquent les dépenses- de l'ADEME ont considérablement
augmenté au cours de ces dernières années (le produit
fiscal est passé de 633 MF à 1.202 MF entre 1994 et 1997).
En cinq ans, entre 1994 et 1998, plus de deux milliards de francs ont
été reversés au soutien aux équipements des
collectivités locales. Les aides sont variables en fonction des
filières de traitement : aides élevées en amont des
filières (collectes sélectives, déchetteries, compostage,
aides plus faibles ou nulles sur l'incinération et la mise en
décharge). Les aides étaient réparties après avis
du comité consultatif de modernisation de la gestion des déchets
ménagers (CCMGD). Les montants des aides ont été plusieurs
fois modifiés et s'établissaient comme suit (avril
1999)
Nature des projets |
|
Modalités d'aide
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Déchetteries |
|
50 % |
|
|
|
Collectes séparatives de matériaux secs et de matières fermentescibles |
|
50 % (hors matériel roulant) |
|
|
|
Centres de tri |
|
50 % |
|
|
|
Unités de compostage ou de méthanisation de déchets organiques issus de collectes séparatives |
|
50 % |
|
|
|
Équipements de tri de métaux sur mâchefers des incinérateurs et plates-formes de maturation des mâchefers |
|
50 %
(équipements de tri et conditionnement des métaux)
|
|
|
|
Sensibilisation liée à des opérations |
|
30 % du montant TTC des dépenses |
Les critiques du système
L'ADEME a réalisé un travail exceptionnel dans
l'amélioration des connaissances sur les déchets. Plusieurs
observateurs, y compris officiels, reconnaissent que les engagements du
début des années 1990, -sans remonter à 1975- ont
été pris dans un contexte de grande méconnaissance du
secteur. Gisements, coûts, modalités, rien n'était vraiment
connu, et tout restait à faire. L'ADEME l'a fait, et son travail
d'analyse statistique est remarquable. Néanmoins, plusieurs critiques
d'inégale importance peuvent être formulées sur le
fonctionnement de l'ADEME.
En premier lieu, sur le plan formel, on observera que l'ancienne CCMGD a
disparu avec la réforme de la TGAP mais qu'elle n'a pas
été remplacée. Les aides de l'ADEME restent
néanmoins décidées, selon les seuils, après
consultation d'un comité national ou régional d'attribution
auxquels participent les représentants des administrations et les
élus. Dans un avis, le Conseil économique et social estimait que
" l'absence de représentation des associations de consommateurs
(dans l'ancienne CCMGD) méritait d'être corrigée lors de la
nouvelle instance qui serait chargée de la remplacer "
. Vos
rapporteurs soutiennent cette suggestion qui n'a pas encore reçu
d'application.
En second lieu, il a souvent été souligné que, au moins
jusqu'en 1998, "
le produit des taxes était parfois loin d'avoir
été entièrement engagé et que l'ADEME
plaçait ainsi cet excédent
" en placements financiers
(de préférence aux aides aux collectivités locales). On
peut donc se demander, après d'autres, si tel était bien la
vocation de l'Agence.
En troisième lieu, on peut aussi regretter que l'ADEME n'ait pas eu de
ligne directrice claire dans les soutiens qu'elle accordait aux
collectivités locales. On peut donc s'étonner des changements de
politiques brutaux qui consistent à majorer fortement les taux de
soutiens (pour faire taire les critiques précédentes),
jusqu'à 50 % des dépenses d'investissements, avant de voir,
l'année d'après, qu'une telle position n'était pas
tenable, et être alors obligé de revenir à des taux de
soutiens plus modérés. Dans ce domaine particulièrement,
les collectivités locales ont surtout besoin de visibilité et non
d'une politique en " coups d'accordéon ", ravageuse en termes
d'image et d'efficacité. En d'autres termes, il eut mieux valu fixer des
taux d'aide à 30% et s'y tenir, plutôt que d'afficher des pointes
à 50 % pour les abandonner aussitôt.
Mais surtout, la critique principale porte sur les aides elles mêmes.
Face à l'échéance de 2002, les soutiens aux
investissements devaient céder la priorité à la recherche.
Il fallait avant tout expérimenter des voies nouvelles, qualifier les
produits issus de nouveaux modes de valorisation. A quelques années
à peine de 2002, un grand nombre de filières se trouvent
aujourd'hui devant des blocages, faute de maîtrise suffisante des
processus, de connaissances, de garanties et de contrôles adaptés.
Le compost est-il un déchet ou un engrais ? A quel moment une boue
traitée change-t-elle de statut ? Le mâchefer est-il
utilisable en génie civil ? Les REFIOM d'incinérateur
à lits fluidisés sont-elles valorisables en l'état ?
Comment valoriser des gisements considérables qui se trouvent dans nos
poubelles et nos décharges (le plastique, le béton des
démolitions...) ?... Un grand nombre de techniques innovantes sont
subordonnées à des réponses à des questions de ce
type. C'était le rôle de l'ADEME de participer à
l'innovation. C'est aujourd'hui presque trop tard. Mais c'est aussi,
incontestablement, une occasion manquée.
b) Les aides des organismes agréés au fonctionnement des équipements de collecte et d'élimination des déchets ménagers
La mise
en oeuvre de la politique de gestion des déchets ménagers, et
plus particulièrement des emballages, fait également intervenir
des partenaires privés, sociétés ou associations,
agréés par les pouvoirs publics. Ces organismes se sont vu
confier une mission d'intérêt général en collectant
des financements et en redistribuant des aides, en favorisant la collecte et la
valorisation des emballages. Trois organismes ont été
agréés :
Adelphe
, dont la compétence porte essentiellement sur le
verre ;
Cyclamed
, dont la compétence porte uniquement sur les
médicaments ;
et, surtout,
Éco-Emballages
, puissante et efficace
organisation à compétence générale. Toute la
collecte sélective mise en place dans les communes repose sur les aides
d'Éco-Emballages (aides aux tonnes triées valorisables).
Les soutiens d'Éco-Emballages
Depuis quatre ans (1996/1999), 80 % des dépenses
d'Éco-Emballages sont affectées au soutien de la collecte, ainsi
qu'au tri et à la valorisation des emballages ménagers, les
20 % restants étant consacrés à la communication,
à la recherche, au fonctionnement... Près de 900 millions seront
reversés aux collectivités locales en 1999.
Principaux indicateurs financiers d'Éco-Emballages (millions de francs) |
||||||
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Total des recettes |
517 |
546 |
571 |
566 |
505 |
540 |
dont contribution professionnelle |
|
537 |
562 |
566 |
n.p. |
n.p. |
Total des dépenses |
272 |
310 |
426 |
527 |
782 |
1.066 |
dont soutien aux collectivités locales |
135 |
194 |
302 |
417 |
653 |
897 |
Source : Éco-Emballages |
Devant l'augmentation massive des soutiens, la situation financière d'Éco-Emballages s'est radicalement transformée. Jusqu'en 1997, les recettes ont été supérieures aux dépenses. La situation a basculé en 1998, et surtout en 1999, car les recettes annuelles ne couvrent qu'à peine plus de 50 % des dépenses envisagées (le solde étant par conséquent financé sur les produits antérieurs, puisque pendant cinq ans les dépenses annuelles étaient inférieures aux recettes.) Cette situation n'est évidemment que provisoire, et Éco-Emballages a adopté le principe d'un doublement en 2000 de son tarif applicable aux producteurs et distributeurs d'emballages.
Soutien à la tonne triée |
|
Acier issu de la collecte sélective |
300 - 500 F (selon collecte) |
|
|
Acier issu des mâchefers |
75 F |
|
|
Aluminium |
1.500 - 2.200 F |
|
|
Aluminium issu des mâchefers |
500 F |
|
|
Papier carton |
750 - 1.950 F |
|
|
Plastiques |
1.500 - 6.050 F |
|
|
Verre |
20 - 30 F (AV) |
|
|
|
20 - 75 F (PAP) |
|
|
|
|
Garantie de reprise à un |
|
Acier issu de la collecte sélective |
50 - 200 F |
prix minimum pour un |
|
Acier issu des mâchefers |
0 - 50 F |
niveau de qualité défini |
|
Aluminium |
1.100 - 2.000 F * |
|
|
Aluminium issu des mâchefers |
750 - 1.300 F * |
|
|
Papier carton |
0 F * |
|
|
Plastiques |
0 F |
|
|
Verre |
150 F |
|
|
|
|
|
|
* + intéressement selon les cours |
|
|
|
|
|
Soutien à la valorisation |
|
Valorisation matière |
cf. prix de reprise |
|
|
Valorisation énergétique |
entre 100 et 500 F selon le taux de valorisation |
|
|
Compostage |
500 F par tonne |
|
|
|
|
Soutiens divers |
|
Communication locale |
9 F par habitant la première année, puis tarif dégressif pendant cinq ans |
|
|
Embauches - Aides forfaitaires |
20.000 - 40.000 F |
|
|
Démarrage de programmes |
7 F la première année, puis tarif dégressif pendant deux ans |
|
|
Habitats particuliers |
Majoration des soutiens à la tonne triée |
Ce
système a cependant des effets contradictoires.
Le premier effet, positif, est d'impliquer les producteurs et distributeurs
dans la filière recyclage, et de limiter leur production d'emballages
(pour réduire leur contribution) et surtout de développer la
collecte sélective qui a démarré, progressé et
réussi grâce aux soutiens d'Éco-Emballages .
Le second effet, plus discutable, est d'introduire sur certains produits (en
particulier le verre) un système en boucle, autocentré sur les
emballages (production d'emballages consommation récupération
tri retour au fabricant production d'emballages), ce qui a aussi pour effet
de concentrer l'attention des industriels sur leurs propres emballages et leurs
propres besoins. Ce qui limite par conséquent les innovations visant
à élargir la gamme des produits collectés ou des
valorisations possibles, hors emballages. (voir également
ci-après, " Discussion sur la collecte ")