III. DONNÉES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES
A. ASPECTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX
L'activité déchets est un secteur en pleine
expansion.
L'évolution, la fréquentation et le nombre de stands aux salons
spécialisés sont des signaux parmi d'autres d'un
intérêt croissant pour ces questions.
Le salon
Pollutec
consacré aux équipements, technologies
et services de l'environnement pour l'industrie et les collectivités
locales, a été créé en 1974. Il existe deux
éditions distinctes qui se tiennent en alternance : une
édition purement industrielle, qui se tient à Paris, une
édition élargie aux collectivités locales, qui se tient
à Lyon depuis 1986. Depuis son installation à Lyon, la
fréquentation a " explosé " depuis dix ans. En 1986, le
Salon occupait un hall d'exposition, il en occupe dix aujourd'hui. Même
si la progression s'est ralentie, elle demeure très importante, entre
+ 15 et + 20 % tous les deux ans.
Fréquentation du Salon Pollutec
|
1992 |
1994 |
1996 |
1998 |
Fréquentation |
36.200 |
41.600 |
51.500 |
58.000 |
Nombre d'exposants |
1.200 |
1.590 |
1.712 |
1.996 |
Surface utilisée |
50.000 m 2 |
60.000 m 2 |
70.000 m 2 |
80.000 m 2 |
Source : Pollutec |
Ce
courant, que l'on peut percevoir à de très nombreuses autres
occasions peut être apprécié par deux indicateurs :
l'activité économique,
l'activité des collectivités locales.
1. Les activités éco-industrielles13( * )
Le terme d'éco-industrie recouvre les industries travaillant directement dans le secteur des équipements liés à l'environnement (eau, déchets, air, sol...), depuis l'écran antibruit ou les poubelles, jusqu'à la station d'épuration ou l'usine d'incinération. Le marché des éco-industries est de l'ordre de 150 milliards de francs en 1999, dont plus de la moitié dans le domaine de l'eau. Le secteur des déchets est, depuis deux ans, l'un des plus dynamiques (+ 11 % en deux ans), et représente un chiffre d'affaires de 30 milliards de francs, soit 30 % du total des éco-industries.
Répartition des activités éco-industrielles |
|||
Domaines |
Millions de francs |
% |
Prévisions de croissance 1997/1999 |
Eau |
79.000 |
56,5 % |
+ 9,2 % |
Déchets |
27.020 |
29,3 % |
+ 11,3 % |
Récupération |
26.650 |
19,1 % |
-- |
Bruit |
3.180 |
2,3 % |
+ 11,8 % |
Cadre de vie |
2.020 |
1,5 % |
+ 8,2 % |
Autres |
1.740 |
1,3 % |
+ 9,2 % |
Total |
139.710 |
100 % |
+ 8,1 % |
Source : BIPE |
Il
s'agit d'un phénomène général en Europe où
certains pays souffrent d'une déficience globale de capacité de
traitement, et recourent encore de façon massive à la mise en
décharge, malgré des installations hors normes ou non
contrôlées. L'effort financier pour remettre à niveau ces
dispositifs et trouver des solutions alternatives devrait, par
conséquent, être très important dans ces pays (Italie et
Espagne
14(
*
)
, notamment...).
Ce secteur est sensible à la conjoncture générale et
à la réglementation, qui peut avoir un effet
d'accélérateur et/ou de freinage selon les domaines. La
révision de plans départementaux d'élimination des
déchets ménagers (voir ci-après le cadre
réglementaire) demandée en mai 1998, illustre ce
phénomène, en entraînant à la fois une nouvelle
poussée des collectes sélectives, et une grande incertitude sur
les projets d'incinération. Les évolutions internes sont donc
très contrastées.
Quelques domaines méritent une attention particulière : la
collecte sélective, l'incinération, la
récupération, car chacun d'eux traduit une évolution
spécifique :
la
collecte sélective
est désormais acceptée,
c'est aujourd'hui un
fait social
, allant presque de soi ;
l'
incinération
est, sinon compromise, du moins ralentie par
l'évolution
réglementaire
;
les métiers liés à la
récupération
restent, eux, totalement dépendants de
la
conjoncture économique internationale
.
La
collecte sélective
, dans ses différentes
composantes (collecte par bacs séparés, déchetterie ,
centres de tri...) est assurément l'activité la plus dynamique
des trois dernières années (On attend encore une hausse de
33 % du chiffre d'affaires en 1998/1999). Non seulement, le coût
relativement élevé par rapport à la collecte
traditionnelle est compensé par les aides à l'investissement et
au fonctionnement (attribuées par l'ADEME et Éco-Emballages),
mais la collecte sélective est, à juste titre,
considérée comme un " point de passage obligé "
pour une partie des déchets.
Cette situation s'est traduite par un activisme marqué des principaux
acteurs (industriels et équipementiers) du secteur qui se sont
engagés massivement dans l'exploitation de centres de transfert et de
centres de tri. On attend toutefois un repli progressif à partir de l'an
2000, dû à une maturité du marché.
L'
incinération
a été, de toute
évidence, le plus sensible à la demande de révision des
plans départementaux. En 1997/1998, de nombreux appels d'offres ont
été annulés ou retardés ou remis en cause (Vitry,
Marseille, Lille, Vesoul...). Selon le BIPE, le marché devrait rester
stable, voire repartir en 1999, sous l'effet des reports de décisions
freinées ces deux dernières années. La construction des
usines d'incinération d'ordures ménagères (UIOM)
représentait un marché d'un peu moins de deux milliards de francs
en 1997. Même si l'évaluation totale est très sensible aux
variations unitaires (de l'ordre de 300 millions de francs l'unité...),
le marché avait chuté de près de moitié entre 1996
et 1998.
On reviendra en détail sur les procédés
d'incinération, mais on peut, à ce stade, formuler trois
observations générales.
Tout d'abord, la remise en cause de la légitimité du traitement
par incinération a été accélérée par
la prise en compte de la problématique des dioxines. Cette
problématique est réelle, mais la passion qui lui est
associée, voire la sanction qui en résulte, sont souvent
excessives. Il y a, dans certains pays, une opposition totale,
frénétique, émotionnelle à ce type de traitement.
Pourtant les moyens existent pour réaliser des traitements thermiques
sans risque pour la santé humaine, au moins dans l'état des
connaissances actuelles. Il ne faut donc pas opposer systématiquement
incinération et autres modes de traitement, comme la valorisation
matière, par exemple.
Les différents modes de traitement sont,
en réalité, complémentaires, adaptés à des
situations locales, des contextes historiques ou géographiques
particuliers. Il n'y a pas de solution unique, ni même
privilégiée. Il n'y a que des solutions adaptées au cas
par cas
.
Ensuite, toute décision n'est pas exempte d'effet induit, et parfois
pervers. Ainsi, l'étude du BIPE montre, contre toute attente, que
" les fermetures d'usines obsolètes devraient produire à
court terme un effet de transfert des tonnages qu'elles traitaient vers la mise
en décharge, effet qui devrait se manifester pleinement en
1999 "
. Cette situation, pour le moins paradoxale, ne devrait
être évidemment que provisoire, puisque la fin de la mise en
décharge, comme procédé courant d'élimination des
déchets, est programmée pour le 1
er
juillet 2002. Ce
rappel a pour but de montrer que, dans ce domaine comme ailleurs, les effets
d'une décision ne sont jamais simples et univoques, mais sont souvent
imprécis et contradictoires.
Enfin, la stabilisation attendue en France devrait être plus que
largement compensée par un développement massif dans les autres
pays d'Europe. De nombreux pays se trouvent en effet confrontés à
la saturation des sites de mise en décharge existants et à
l'impossibilité d'en ouvrir de nouveaux. Même s'ils ont, par
ailleurs, choisi de nouvelles orientations, ils reconnaissent que le recyclage
matériaux ne pourra suffire à la gestion intégrale du
problème. Dans ces pays, comme l'Espagne ou l'Italie par exemple, la
seule alternative
de masse
à la mise en décharge
paraît être l'incinération. Dans ce secteur, marqué
par l'internationalisation des marchés, les groupes
français
15(
*
)
ont
d'ailleurs réussi à se positionner sur ces zones.
La récupération
. Contrairement aux deux domaines
précédents, les métiers liés à la
récupération sont intimement liés à la conjoncture
économique internationale. L'année 1998 s'est traduite par un
effondrement de la plupart des prix mondiaux des matières
premières et des matières de récupération
(matières premières secondaires) lié à la crise
asiatique (diminution de la demande), au développement des
capacités de production (dans les pays émergents) et à la
percée de nouveaux acteurs (exportation massive des pays de l'ancienne
URSS). Les cours de la plupart des produits ont chuté (papier,
plastique, acier, huiles...). Il faut donc reconnaître que le contexte
est peu favorable au recyclage.
Cette appréciation doit cependant être compensée par la
prise en compte du fait qu'on estime en général que, dans ce
domaine, les
cycles
sont
courts
. Pour certains produits, ils sont
directement liés à l'activité économique du moment,
comme c'est le cas pour les vieux papiers, par exemple, dont la demande
amplifie les variations du PIB. Pour d'autres produits, il faut attendre que
les capacités de production s'adaptent à la demande. Le
phénomène est particulièrement frappant pour le
plastique.
Le prix des plastiques est très volatile. Depuis quelques années,
ce prix a beaucoup baissé. On ne peut préjuger du prix des
matières premières qui dépend de quantités de
facteurs internationaux. Pour le PE et le PP, les prix évoluent dans une
fourchette comprise entre 3,00 F/3,10 F et
6,50 F/6,80 F/kg. Les producteurs estiment que le prix
d'équilibre est autour de 4,00 F/4,50 F. En ce moment, le prix
est déstabilisé par la crise en Asie. Il y a une dizaine de
fabricants de matières plastiques dans le monde. La baisse de la
consommation en Asie a entraîné une suroffre qui a fait baisser le
prix. Une variation de 5 % sur un marché entraîne un
déséquilibre sur le marché mondial. On estime en
général que les cycles du plastique sont courts, de l'ordre de
deux, trois ans, le temps que l'offre s'adapte à la demande, et il est
vraisemblable que les prix vont remonter avant l'an 2000.
2. Les dépenses des collectivités locales dans la gestion des déchets
Aidées par la progression des ressources fiscales et la baisse des taux, les collectivités locales affichent des perspectives très volontaristes dans le domaine de l'environnement en général et, plus particulièrement, dans la gestion des déchets qui représente aujourd'hui près du quart de l'ensemble des dépenses des collectivités locales dans l'environnement, et devrait être le secteur le plus dynamique. Selon l'ADEME, alors que les collectivités locales et les industriels ont engagé 16 milliards de francs d'investissements dans la politique de revalorisation des déchets depuis 1992, près de 20 milliards de francs d'investissements seraient dores et déjà programmés sur la période 1999/2001, dont plus de 5 milliards de francs cette année.
Dépenses d'environnement des collectivités locales (milliards de francs) |
|||||||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
|||||
Fonctionnement |
83 |
88,2 |
93,0 |
97,7 |
100 |
106,2 |
|||||
Investissement |
31 |
31,8 |
32,7 |
34,2 |
36 |
36,2 |
|||||
( dont déchets) |
2,6 |
1,9 |
3,15 |
5,1 |
15 |
||||||
Total |
114 |
120,0 |
125,7 |
131,9 |
136 |
142,0 |
|||||
Source : BIPE et ADEME |
|||||||||||
Dépenses des collectivités locales dans le domaine de l'environnement |
|||||||||||
|
Montant 1998* |
Montant 1999* |
Progression 1998/1999 |
Part dans le total 1999 |
|||||||
Gestion des eaux usées |
47,4 |
50,0 |
+ 5,7 % |
37,9 % |
|||||||
Eau potable |
30,5 |
31,2 |
+ 2,4 % |
23,7 % |
|||||||
Déchets |
29,9 |
32,0 |
+ 7,0 % |
24,3 % |
|||||||
Cadre de vie |
9,5 |
9,9 |
+ 4,0 % |
7,5 % |
|||||||
Nettoyage des rues |
5,8 |
6,0 |
+ 3,5 % |
4,5 % |
|||||||
Bruit |
0,7 |
0,7 |
+ 3,0 % |
0,5 % |
|||||||
Patrimoine |
1,9 |
2,0 |
+ 4,7 % |
1,5 % |
|||||||
Total |
125,7 |
131,8 |
+ 5,0 % |
100 % |
|||||||
* en milliards de francs |
|||||||||||
Source : BIPE, chiffres arrondis |
Ce
mouvement devrait s'accompagner de deux effets induits.
Tout d'abord, les collectivités locales s'attendent à une
croissance relativement forte
(7 % par an) du coût de
traitement qui passerait de 585 F par tonne en 1993 à 820 F et
1.150 F en 2003, soit un
quasi
doublement en dix ans. Si ce
chiffrage n'est qu'une estimation, une hausse paraît prévisible.
Pour le BIPE,
" la croissance du coût de la gestion d'une tonne
d'ordures ménagères serait, d'après les
collectivités enquêtées, essentiellement liée
à la construction de nouveaux équipements d'incinération,
renchérie par un effet de qualité conséquent
(procédés d'incinération plus chers, équipements de
capacité plus importante, projets plus globalisés, normes
d'émission plus strictes, notamment en matière de dioxines...),
au renchérissement de la mise en décharge (raréfaction de
l'offre, augmentation de la taxe, nouveaux traitements, notamment pour les
lixiviats), et à la mise en place de collectes sélectives (avec
un phénomène sensible d'anticipation de la
réglementation) "
.
Ensuite, 70 % des collectivités locales estiment que ce
mouvement s'accompagnera de
créations d'emplois
.
3. L'emploi
a) Repères quantitatifs
Les
collectivités locales, responsables de l'élimination des
déchets, sont évidemment les plus directement concernées
par les emplois induits par la valorisation des déchets. Selon une
enquête de l'AMF, plus de la moitié des communes (56 %)
créeront de un à cinq emplois ; 14 % des communes
représentant les trois quarts de la population devraient créer
plus de cinq emplois.
Les conséquences sur l'emploi sont principalement liées à
la collecte et au tri. Selon une étude de l'ADEME, à prix
égal, la collecte séparative génère dix fois plus
d'emplois que l'incinération, trente fois plus que la mise en
décharge. La collecte séparative entraîne une augmentation
des personnels de l'ordre de 5 à 10 % variable selon la
densité de l'habitat
16(
*
)
.
Si la collecte elle-même n'apporte que peu de changements en termes
d'emplois, le tri, qui est un complément indispensable, induit des
mouvements plus significatifs.
Selon cette étude, le nombre d'emplois créés pour une
collectivité de 100.000 habitants générant
420 kg/habitant/an, serait compris entre 20 et 35, selon le tonnage
collecté. Le passage d'une collecte en mélanges avec mise en
décharge, à un traitement par incinération, entraîne
quant à elle une augmentation du coût de 18 % et une
augmentation de l'emploi de 15 %. L'adjonction d'une filière de
valorisation matière entraîne une augmentation du coût de
10 % (soit moitié moindre), et une augmentation de l'emploi de
25 % (soit moitié plus).
Emplois induits par le tri et le traitement |
|||||||
|
|
Hypothèses :
|
|
||||
|
|
|
|
|
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|
|
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|
Collecte (en kg/habitant/an) |
40
|
50
|
70
|
90
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Emplois induits (dont tri) |
20
|
24
|
30
|
35
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : ADEME, Collectes séparatives : les clefs de la réussite , avril 1998 |
|
Cette
appréciation sur le potentiel d'emplois doit cependant être
nuancée. D'une part, la recherche de gains de productivité
devrait limiter le nombre de créations d'emplois. Deux voies sont
a
priori
ouvertes : l'une portant sur la collecte, l'autre sur le tri.
Concernant la collecte, la productivité est considérablement
améliorée par le ramassage semi-automatique. Outre l'effet direct
et immédiat (passage d'une collecte manuelle par équipe de trois
-un conducteur et deux agents- à une collecte semi-automatisée,
le conducteur pilotant de sa cabine l'opération de collecte),
l'amélioration des conditions de travail est incontestable.
Lors d'une mission organisée par Éco-Emballages aux
États-Unis, les responsables de la gestion des déchets de la
ville de San Diego ont ainsi estimé que la suppression des
" ripeurs " pour ne garder qu'un seul conducteur avait
" économisé " soixante-quinze emplois et avait
réduit très sensiblement le nombre d'incidents liés aux
manipulations : les blessures-accrochages, problèmes musculaires
ont été ramenés de vingt-cinq par mois à un ou deux.
Pour des raisons culturelles (habitudes), pratiques (disposition et
étroitesse des voies, voitures en stationnement), économiques et
financières (renouvellement récent du parc de camions de
ramassage, adaptés aux collectes sélectives...), l'automatisation
de la collecte n'est guère envisageable en France, au moins à
court et moyen terme.
En revanche, des potentialités demeurent au stade du tri. De l'avis de
tous les responsables interrogés ayant " testé "
plusieurs formules, le meilleur tri est celui qui combine tri
automatique
17(
*
)
et tri manuel
dans une combinaison adaptée à chaque centre.
b) Aspects qualitatifs
Ces
emplois induits par la mise en place de collectes sélectives peuvent
correspondre, pour partie, à des situations d'insertion (chômeurs
de longue durée, " RMistes " en fin de droits,...). Elle offre
de nouveaux métiers (" animateur déchets ", surveillant
de déchetterie...), de nouvelles formations (formation au dialogue avec
les usagers, mise en place d'un CAP/BEP de " valoriste "), voire de
nouvelles chances à une fraction de la population (emplois en sortie
d'incarcération
18(
*
)
...).
C'est en quelque sorte une " seconde vie " pour le produit, et une
" seconde chance " pour l'homme. La valorisation n'a alors jamais
aussi bien porté son nom.
Il faut cependant convenir que ces métiers sont souvent peu valorisants,
et " durs " physiquement, voire éprouvants, notamment dans les
centres de tri où certains employés peuvent trier, par
sélection sur un tapis roulant, jusqu'à une tonne de
déchets par heure. Certaines visites de centre de tri ont laissé
de fortes, voire de douloureuses impressions, mais le travail sur chaîne
de tri reste un travail sur chaîne, avec un défilement continu de
déchets recyclables.
Les pathologies liées au tri
Le tri est un métier dur qui présente, en outre, certains risques
qui ne peuvent être ignorés. Sans omettre la dimension
psychologique -car il n'est pas possible de mettre quelqu'un sur une ligne de
tri, ou de dire à quiconque qu'il sera sur une ligne de tri pendant
vingt ans- le tri manuel entraîne deux risques non
négligeables : les lésions musculaires, les contaminations.
Les lésions musculaires.
Pour un
" valoriste ", ou un agent de tri, l'opération consiste
à sélectionner visuellement l'objet à trier sur un tapis
roulant (bouteille en PVC ou en PET, journaux, magazines...) et le rejeter dans
un opercule qui se trouve soit en face du poste de travail (tri frontal), soit
sur le côté du poste de travail (tri latéral). L'objet
sélectionné tombe alors dans une benne qui ne contient
normalement que des objets de même nature et de même composition.
Le chargement répond, par conséquent, aux prescriptions
techniques minium (PTM) nécessaires à la réutilisation ou
la valorisation matière ultérieure.
La limite entre l'automatisme et l'automate est cependant étroite, et
les équipes tournent sur plusieurs postes afin de maintenir la vigilance
et d'éviter le passage de l'un à l'autre. Il n'en demeure pas
moins que les gestes sont là. Le tri frontal entraîne 2.500 gestes
(identiques) à l'heure. Le tri bilatéral entraîne
1.200 gestes à l'heure, avec rotation du corps, et
déplacement latéral. Avant toute décision, il convient de
réfléchir attentivement à l'ergonomie des installations,
pour minimiser les gestes et les problèmes musculaires
(déchirures, tensions ligamentaires...).
Les risques de souillures et de contamination.
En une
heure, près de quatre tonnes de déchets sont triés sur un
tapis roulant. Impossible de tout voir dans un tel foisonnement. Les risques
majeurs concernent les coupures (boites) et, surtout, les piqûres
liées aux rejets de seringues, avec parfois des risques de contamination
(hépatite B).
Il n'existe pas de réglementation générale sur la
prévention et les soins, qui relèvent de chaque centre. Le
protocole courant est de prévoir un traitement (vaccination
anti-tétanos...) chaque fois qu'un agent a été
blessé ou piqué, mais le traitement peut être trop tardif.
Le risque concerne surtout l'hépatite B.
Il y a un vide juridique sur ce point. Dans aucun centre, il n'existe de
vaccination obligatoire. L'opposition des personnels, pourtant les plus
directement concernés, les difficultés pratiques et le coût
financier constituent des obstacles sérieux à la mise en oeuvre
de cette mesure. Ni les unes, ni les autres, ne sont pourtant
rédhibitoires. Une amélioration est souhaitable.
Encadré n° 5
La
vaccination des personnels de tri ?
___
Les risques de blessure et de contamination en centre de tri, sans
être très importants, ne doivent pas être
sous-estimés. Ces risques, qui sont liés aux coupures (verre,
boites acier...) et aux piqûres, concernent principalement le
tétanos et l'hépatite B. Les risques de contamination sont
néanmoins limités par des protections manuelles (gants
obligatoires), et les conditions même de transmission
(l'hépatite B se transmet par contact direct avec le sang). Par
ailleurs, du fait de l'engouement dans les années 1996/1997, on estime
qu'un tiers de la population française est aujourd'hui vacciné
contre l'hépatite B. Cet engouement a toutefois été
stoppé net à la suite d'informations sur de possibles
complications et effets pervers de cette vaccination.
Il n'existe aujourd'hui, aucune
obligation de vaccination
des
personnels des centres de tri. Cette disposition n'est pas spécifique
à cette catégorie, puisque la vaccination n'est obligatoire que
dans deux cas. D'une part les enfants (vaccination contre la diphtérie,
le tétanos, la poliomyélite, dite " DT Polio ",
ainsi que la tuberculose), d'autre part, les personnels de santé
(article L.10 du code de Santé publique). Pour ces derniers, la
vaccination concerne le " DT Polio " auquel s'ajoute, pour le
personnel de laboratoires, la vaccination contre la typhoïde, et, pour les
personnels de santé
" travaillant dans des établissements
de prévention ou de soins "
(ce qui exclut les professions
libérales), la vaccination contre l'hépatite B, depuis 1991 (loi
du 18 janvier 1991),. Les étudiants en médecine ont la même
obligation (vaccination " DT Polio " et hépatite B).
Les rappels sont nécessaires tous les dix ans environ.
Pour les autres groupes ou professions, il n'existe pas d'obligation,
mais seulement des
recommandations
prévues dans deux cas.
Il y a tout d'abord les dispositions du code du travail relatives à la
protection des travailleurs contre les risques liés à
l'exposition des agents biologiques (dispositions du décret
n° 94-354 du 4 mai 1994, transposant les directives CEE n°
90-676 du 26 novembre 1990 et n° 93-88 du 12 octobre 1990).
Art. R.231-63-2.-
" Le chef d'établissement
établit, après avis du médecin du travail, une liste des
travailleurs qui sont exposés à des agents biologiques
(infectieux)
(...)
constituant un danger sérieux pour les
travailleurs.
(...)
Cette liste
(...)
est communiquée au
médecin du travail. "
Art. R.231-65-1.-
(...)
" Le chef
d'établissement recommande, s'il y a lieu et sur proposition du
médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre le ou
les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent
être exposés, d'effectuer, à sa charge, les vaccinations
appropriées. "
Il existe, d'autre part, une recommandation du Conseil supérieur
d'hygiène de France qui, dans un avis de juin 1996, a
précisé les groupe à risques pour lesquels la vaccination
est recommandée.
Avis du Conseil supérieur d'hygiène de France concernant la
vaccination contre l'hépatite B
(avis des 17 et 23 juin
1998). Le comité préconise la vaccination (3 doses de type 0
- 1 - 6 mois) de certains groupes à risques. Sont classés parmi
les groupes à risques :
" Les personnes qui, dans le cadre
d'activités professionnelles,
(...)
sont susceptibles
d'être en contact direct
(...)
et/ou être exposées au
sang et autres produits biologiques, soit directement (contact direct,
projections), soit indirectement (manipulation et transport
(...)
de
déchets). Les professions et activités concernées sont les
suivantes :
(...)
, éboueurs,
(...)
.
Cette liste est donnée à titre indicatif et ne prétend pas
être exhaustive. L'intérêt de la vaccination doit être
évalué par la médecine du travail de l'entreprise
(...). "
Ainsi, aujourd'hui, le chef d'établissement
" recommande "
et le Conseil supérieur d'hygiène
de France
" préconise "
des vaccinations
appropriées.
Seule une modification du code de Santé publique par la voie
législative pourrait imposer une obligation de vaccination (sous forme
d'un article additionnel après l'article L.10 dudit code,
étendant à de nouvelles catégories les obligations
précitées).
Quelles seraient les conséquences financières d'une telle
décision ?
Coût d'un vaccin " DT Polio " (1 injection
rappel) : 43 F
Coût d'un vaccin hépatite B (3 injections) : 80 F x 3
= 240 F
Vacation de trois heures : 3 vacations pour 3 injections = 1000 F x
3 = 3000 F
Soit un minimum de 17.000 F pour un centre comportant 50 personnes
exposées.